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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 23 octobre 1997

• 0900

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous avons le quorum. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre examen de la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, LSPA, relatif au chapitre 16 du rapport du vérificateur général du Canada en date d'octobre 1997.

Nous accueillons par vidéoconférence des témoins de St-Jean, Terre-Neuve. Nous accueillons ainsi M. Joe Edwards, président de l'Association des pêches locales à Lawn, Terre-Neuve; M. Edgar Jarvis, président de l'Association des pêches locales de St. Lawrence, Terre-Neuve; et M. James Everard, président du groupe HELP de Terre-Neuve.

Si cela vous convient, messieurs, je proposerais qu'on consacre cinq minutes au début de la réunion pour entendre les commentaires de M. Everard; puis nous pourrons consacrer le reste de la période à MM Edwards et Jarvis.

Jim, pouvez-vous nous décrire votre association et nous expliquer ce que vous voulez accomplir aujourd'hui?

M. Jim Everard (président, HELP): Je représente une association qui a été créée parce que les gens de la collectivité pensaient qu'ils n'étaient pas vraiment représentés par ceux qui avaient été nommés ou choisis pour les représenter en ce qui a trait à LSPA. Ils étaient d'avis qu'ils étaient laissés pour compte en ce qui concerne le soutien du revenu et tout le reste. Ils ont donc formé un groupe et ont présenté une pétition pour que l'on procède à une enquête publique sur la façon dont les fonds au titre de la LSPA sont dépensés.

Le président: Jim, n'avez-vous pas fait parvenir au comité, par l'entremise du président, une liste des dépenses effectuées dans le cadre de LSPA?

M. Jim Everard: C'est exact.

Le président: Et vous avez en main copie d'une pétition enjoignant le vérificateur général à enquêter sur ces dépenses?

M. Jim Everard: C'est exact. Voici une pétition signée par 1 804 personnes. Il s'agit de particuliers de régions rurales de Terre-Neuve. Ils désirent savoir si votre comité et le vérificateur général exigeront que l'on procède à une enquête publique détaillée du financement de LSPA.

Le président: Vous dites donc, monsieur Everard, que vous voulez que l'on procède à cette enquête parce que personne ne sait pourquoi cet argent a été utilisé. Est-ce exact?

M. Jim Everard: C'est exact. Personne ne semble savoir exactement où cet argent est passé, qui l'a reçu, ou pourquoi il a été dépensé. Ainsi, le gouvernement fédéral, et tout particulièrement le vérificateur général, doivent expliquer aux résidants des régions rurales de Terre-Neuve et de l'ensemble de la région Atlantique où cet argent est passé. À mon avis la seule façon de faire est de procéder à une enquête publique.

Le président: Monsieur Everard, voulez-vous ajouter quelque chose avant qu'on ne cède la parole aux autres témoins?

M. Jim Everard: J'exhorte ceux qui prendront connaissance de cette pétition à réfléchir à l'existence des résidants des régions rurales de Terre-Neuve, au lieu de ne considérer que l'aspect pécuniaire. Pensez aux noms et aux visages des gens dont la vie a littéralement été détruite en raison du moratoire sur la morue, de ces gens qui, comme je l'ai déjà dit, sont laissés pour compte et qui ont perdu tout ce qu'ils possédaient avant le moratoire. Ils ont tout perdu. Leurs vies entières ont été détruites.

On semble tout ramener à l'argent. Eh bien si c'est le cas qu'on nous dise où est passé l'argent qui avait été affecté à LSPA, parce que le moratoire a détruit la vie de centaines, de milliers de résidants de Terre-Neuve.

Le président: Merci, monsieur Everard.

Une motion en ce sens a déjà été déposée par M. Matthews. Nous en avons discuté lors de la réunion du comité de direction et tous les partis semblent d'accord sur la question. Le vérificateur général nous a dit hier qu'il était prêt à procéder à une vérification du programme. Que ceux qui appuient la motion présentée par M. Matthews, soit que le comité enjoigne le vérificateur général à procéder à une vérification des questions soulevées par ce groupe et à effectuer une enquête, le signalent maintenant.

(La motion est adoptée) [Voir Procès verbaux]

Le président: La lettre est déjà prête, je crois, monsieur le greffier, et n'a plus qu'à être envoyée au vérificateur général, ce qui sera fait immédiatement.

Merci beaucoup, monsieur Everard.

M. Jim Everard: Monsieur le président, puis-je vous poser une question? Lorsque vous parlez d'une vérification, s'agit-il d'une enquête publique complète? Est-ce là votre intention ou s'agit-il seulement d'une vérification interne?

• 0905

Le président: Non, monsieur Everard, nous voulons demander au vérificateur général de prendre la liste que vous avez fournie et toutes autres dépenses semblables, d'enquêter sur ces dépenses et de faire rapport au comité, une tribune publique, sur la façon dont ont été effectuées ces dépenses, son opinion de ce qu'elles étaient et ses recommandations à leur sujet.

M. Jim Everard: Merci beaucoup, monsieur Baker.

Le président: Merci, monsieur Everard.

Continuons maintenant avec les deux autres témoins: M. Joe Edwards, président de l'Association des pêches locales de Lawn et M. Edgar Jarvis, président de l'Association des pêches locales de St. Lawrence.

Messieurs, voulez-vous d'abord nous présenter un exposé?

M. Joe Edwards (président, Association des pêches locale (Lawn, Terre-Neuve)): Oui, George.

Du premier abord j'ai vu d'un mauvais oeil le rapport du vérificateur général, ainsi que la façon dont il a été présenté par les médias, par exemple, parce que déjà trop de gens des ministères nous ont dit comment nous devrions pêcher les différentes catégories de poissons, et je pensais que nous n'avions pas besoin qu'un autre ministère vienne nous dire ce que nous devrions faire ou ne pas faire lorsque la pêche reprendra dans notre province.

Je pense qu'il a mal interprété son rôle ou son mandat quant au succès ou à l'échec du programme LSPA, parce qu'aux yeux des pêcheurs et des travailleurs d'usines admissibles aux prestations, ce programme était destiné à remplacer les revenus perdus et non à réduire la taille de l'industrie.

À notre avis, le moratoire a été imposé parce que les stocks de poisson diminuaient et étaient en très mauvais état. Les personnes touchées dont je suis, croient, que les stocks se reconstitueront et qu'à ce moment-là, ceux qui travaillaient dans l'industrie devraient pouvoir continuer à y travailler et voir à ce qu'elle soit gérée à l'avantage des habitants de notre province.

Ce que je vois ici dans le rapport du vérificateur général, particulièrement au chapitre 16, dans la dernière journée ou à peu près—nous n'avons eu qu'une ou deux journées, tous les deux, pour l'étudier... Dès le début—je n'ai pas l'habitude de jurer, mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque—les bureaucrates de DRH et de Pêches et Océans ont fait la promotion de ce programme comme une façon d'exiler les trois-quarts de la population de Terre-Neuve, de les sortir de la province et de les forcer à aller travailler pour un salaire de misère, parce que nous n'avons pas la formation nécessaire pour aller en Ontario, en Colombie-Britannique ou ailleurs en demandant de gros salaires.

J'ai été abasourdi parce que j'étais impliqué là-dedans à titre de syndiqué et de pêcheur et au début, on ne nous a jamais dit: «Nous allons vous donner de l'argent pendant un an ou deux, ensuite on vous forcera à partir et à tout oublier de vos racines dans la province, dans le secteur des pêches, etc.». D'après ce que je comprends, quand les bureaucrates de DRH ont décidé de procéder de la sorte, ils ont agi froidement, sans compassion; ils avaient simplement un mandat et ils allaient l'exécuter en boutant les gens hors de la province.

Ça me rappelle beaucoup... J'ai lu un peu sur la façon dont l'URSS, dans les années 30, a fait main basse sur les fermes et sur tout le reste. Je vais vous dire ceci: quand on examine les choses sérieusement, il me semble que le gouvernement n'a pas agi très différemment des Russes dans les années 30, en essayant de forcer les gens à abandonner leurs fermes et tout le reste.

Je vais vous dire autre chose. Il y a d'autres personnes ici. J'ai quelques autres choses à dire, et si vous avez des questions, nous pourrons en parler.

Une autre constatation que j'ai faite c'est que beaucoup de gens ont été complètement ruinés, poussés au désespoir, sans avoir accès au programme, parce que les fonctionnaires des divers ministères avaient pour mandat de réduire de moitié la taille du secteur des pêches.

S'il n'y avait eu qu'un ministère—ce qui est probablement plus qu'il n'en aurait fallu—si on avait confié cela au ministère de la Défense nationale, on aurait aussi bien fait de leur donner quelques balles pour qu'ils nous tirent dessus.

On voit toute l'arrogance de DRH dans sa réponse au vérificateur général: on convient du fait que le programme a été mis en oeuvre un peu trop vite. Je vais vous dire une chose: si quelqu'un pense que DRH a simplement donné de l'argent sans poser trop de questions, il n'a qu'à venir chez nous, voir ce que nous avons dû faire pour prouver notre admissibilité et tout le reste.

• 0910

Edgar et moi avons été estomaqués de voir, hier ou avant hier, que dès le début, ce rôle était clair. Il fallait se débarrasser de nous. Nous étions un boulet pour le ministère de l'Assurance-chômage, entre autres choses. Voilà à quoi ça se résume. On n'a pas du tout songé au fait que si nous avons tant compté sur l'assurance-chômage depuis 25 ans, c'est que les stocks de poissons ont été systématiquement anéantis par les pêcheurs étrangers et par nos propres chalutiers ainsi que par toutes les autres compagnies du monde, mais que c'est à nous qu'on en faisait le reproche, nous accusant de mauvaise gestion.

Il y a d'innombrables questions à poser. Par exemple, dans une partie de son rapport, le vérificateur général dit que les règles de LFPA appliquées au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et au Québec n'étaient pas les mêmes que celles de Terre-Neuve. Trop de gens ont souffert pour qu'on puisse tolérer ce genre de choses, d'après moi.

Je pense que c'est tout. Je m'arrête maintenant, parce que Edgar veut aussi dire quelques mots. S'il vous reste du temps pour les questions, nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur les autres sujets qui nous préoccupent.

Le président: Merci, monsieur Edwards. Nous aurons certainement le temps de vous poser des questions, dans quelques instants.

Monsieur Edgar Jarvis, président de l'Association des pêches locales de St. Lawrence à Terre-Neuve, vous avez la parole.

M. Edgar Jarvis (président, Association des pêches locales (St. Lawrence, Terre-Neuve)): En effet, monsieur Baker, comme mon collègue Joseph Edwards, quand j'ai lu le rapport je n'ai pas pensé que le vérificateur général critiquait le fonctionnement du programme LFPA. L'erreur a plutôt été commise par ceux qui ont d'abord conçu le programme. Je ne peux vraiment pas imaginer comment des personnes à Ottawa, notre propre député, en particulier, le ministre des Pêches de l'époque qui est maintenant le premier ministre de notre province, aient pu concevoir un programme visant à réduire le secteur de la pêche à Terre-Neuve, alors que la pêche est le coeur même de Terre-Neuve... Le gros du financement... Je pense qu'il n'y avait qu'environ 30 p. 100 affectés à l'indemnisation de ceux qui perdent leur emploi par suite de l'épuisement des stocks de morue. Il était horrible, à mon avis, de dire que c'était là tout l'argent qu'on consacrerait à former des gens et à leur faire quitter le secteur.

C'en est presque comique, quand on examine bien les choses. Ils n'ont oublié qu'une chose, dans leur planification: concevoir d'autres industries pour faire travailler ces gens. S'ils nous avaient dit qu'ils allaient user de leur pouvoir ou de leur influence pour faire déménager 10 p. 100 ou 15 p. 100 de l'industrie manufacturière de l'Ontario, du Québec ou du centre du pays à Terre-Neuve, ce programme aurait eu un peu de sens mais en fin de compte, ils disaient simplement qu'ils allaient éliminer la pêche à Terre-Neuve. Ce qu'on allait faire des gens... comme Joe l'a dit plus tôt, ils auraient pu faire comme les nazis avec les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale: s'en débarrasser carrément. Quand on pense à ce que ces gens avaient en tête lorsqu'ils ont conçu le programme, on est à la fois dégoûtés et blessés.

Mais revenons au programme lui-même, qui a de nombreuses lacunes. Pour ce qui est du soutien du revenu, comme les prestations étaient fixées en fonction des prestations d'assurance-chômage reçues auparavant, ou un pourcentage de celles-ci, certaines familles ont eu un soutien confortable ou un bon revenu alors que d'autres familles recevaient très peu, ou rien du tout. Je pense que cela avait été très mal conçu.

La partie retraite du programme était catastrophique. Ceux qui ont conçu le programme n'offraient que très peu d'argent, des sommes dérisoires. À moins d'avoir près de 60 ans, âge auquel on pouvait recevoir des versements du Régime de pensions du Canada, on n'avait pratiquement pas de revenu.

Les rachats destinés à réduire la capacité de pêche étaient une vraie farce, parce qu'on a dépensé 80 ou 90 millions de dollars pour réduire la capacité. On a racheté les permis mais on a laissé les bateaux et les engins de pêche, qui sont encore utilisés aujourd'hui. Je pense que c'était une plaisanterie.

Pour ce qui est de la responsabilité du pays, du Canada, on a dit que ce programme avait dû être mis sur pied très rapidement, parce que la crise nous est tombée dessus sans prévenir; cela me semble tout à fait ridicule. Depuis le début des années 80 moi-même, Joe Edwards et d'autres du secteur des pêches avons essayé de faire comprendre aux gestionnaires et aux politiques ce qui se passait, c'est-à-dire que nos stocks étaient épuisés et que si on ne mettait pas la pédale douce, nous nous retrouverions tous dans de beaux draps. Nous en voyons maintenant les résultats.

Le président: Merci, monsieur Jarvis.

Nous passons maintenant aux questions du comité. La parole est à M. Bill Matthews, de Terre-Neuve.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Bonjour messieurs.

• 0915

Je vous ai vus il y a environ une semaine et j'ai encore une question. Nous parlons de l'avenir des pêches et nous sommes très curieux de savoir ce qui suivra la LSPA. Dans notre coin de la province, particulièrement dans le Sud, il y a eu des signes encourageants de reprise, dernièrement. Nous avons eu une pêche commerciale limitée. Vous pourriez peut-être dire au comité ce que vous pensez de la façon dont on doit revenir à la pêche et comment vous pourriez participer au développement des pêches de l'avenir.

Vous venez de dire que pendant des années, vous avez prévenu que les choses s'aggravaient et que les stocks diminuaient, mais que personne ne vous a écoutés. Je me demande maintenant, Edgar et Joe, si vous croyez qu'on vous écoute aujourd'hui lorsqu'on parle des pêches de l'avenir. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Edgar Jarvis: Pour parler de l'état des stocks et ce qu'on devrait faire maintenant, je ne peux que vous donner mon expérience personnelle de pêcheur. Dans notre zone, nous continuons de penser que les scientifiques n'ont pas suffisamment de comptes à rendre. On nous dit actuellement que les stocks ne se sont pas reconstitués mais ce que nous devrions savoir, c'est à quel moment on jugera qu'ils le sont. Parle-t-on de 1 000 tonnes, 10 000 tonnes 200 000 ou 300 000 tonnes de poisson? Personne ne semble vouloir nous donner de chiffre?

Pour ce qui est de nos anciennes activités de pêches, nous constatons actuellement, à partir des pêches expérimentales que nous effectuons, que les prises sont bien supérieures à tout ce que j'ai vu depuis que j'ai commencé à pêcher en 1978. D'après les chiffres sur les captures que nous avons vues, ça peut sembler complètement fou mais actuellement, on pêche trop de poisson et trop vite pour avoir une réglementation des pêches. Nos prises sont trop élevées pour justifier une réglementation.

Je peux vous donner un exemple. Prenons un quota de 40 000 livres, ce que nous avions, avant le moratoire. Pour la pêche côtière avec engin fixe, notre part était d'environ 25 000 à 28 000 livres. Il nous fallait 12 mois pour prendre ce volume. Je pense que la moyenne tournait autour de 22 500 livres. Si l'on prend le quart de ce quota émis cette année et que l'on compare avec nos prises, cela nous donne sept jours de pêche. Multipliez par quatre et si c'est le quota total, cela donne 28 jours de pêche.

Avant 1992, nous mettions 12 mois à attraper autant de poissons. C'est ce qui nous fait dire que le poisson est plus abondant qu'il ne l'a jamais été.

Je ne sais pas ce que l'on considère comme des stocks de poisson suffisants. En fait, personne ne peut nous le dire.

M. Bill Matthews: Edgar ou Joe, que recommanderiez-vous? Nous nous demandons depuis quelques semaines ce qui remplacera la LSPA et quelle forme prendra la LSPA 2 ou le fils de la LSPA, selon le nom qu'on voudra bien donner au nouveau programme. Comment pensez-vous qu'il devrait se présenter? Avez-vous des conseils à nous donner à ce sujet?

M. Joe Edwards: Tout ce dont il a été question jusqu'ici, c'est du retrait ou du rachat d'encore plus de permis de pêche. Or, dans son rapport, le vérificateur général rapporte que seulement 333 personnes—et je présume que ce chiffre vaut pour l'ensemble du Canada atlantique—se sont prévalues du programme de retraite anticipée.

J'ai moi-même présenté une demande de retraite anticipée. J'avais l'âge requis. Après avoir fait mes calculs et après avoir étudié la situation d'autres pêcheurs plus ou moins du même âge que moi, je me suis rendu compte que l'argent que je toucherais, d'après la formule fondée sur le montant des prestations d'assurance-chômage perçues, était à peine mieux que l'aide sociale.

Prenons le cas d'un homme de 55 ans qui, s'il est chanceux, a encore 10 ans à vivre. En ce qui me concerne, il est tout à fait ridicule de prétendre qu'un revenu de 145 $ par semaine lui suffira.

Le revenu aurait dû être d'au moins 1 100 $ parce que la plupart des pêcheurs qui comptent une quarantaine année d'expérience sont sans doute pauvres. Ils n'ont vraiment pas d'argent à eux.

Il n'était donc pas très réaliste de s'attendre à ce que quelqu'un décide de prendre sa retraite à moins de lui offrir au moins 1 000 ou 1 100 $ par mois. Comme je l'ai dit, les preuves qu'il fallait fournir pour établir son admissibilité au programme n'avaient aucun sens.

• 0920

Comme Edgar, Jim et les autres l'ont dit, je crois qu'il ne fait aucun doute que s'il est nécessaire de mettre en oeuvre un programme il faudrait que ce soit pour une durée d'un, deux ou trois ans, selon ce qui est nécessaire. Le long de la côte Sud et peut-être dans certaines parties de la côte Ouest, je crois pouvoir dire que si l'on nous permettait de nous remettre à la pêche, nous pourrions sans doute nous passer de la LSPA. La LSPA pourrait peut-être, dans ces circonstances, ne jouer qu'un rôle complémentaire.

Je demeure convaincu qu'il est nécessaire de prévoir un autre programme, car dans certaines régions de la province... ainsi, les travailleurs d'usine...

Voici la situation à laquelle nous faisons face maintenant. Si nous devions nous remettre à pêcher dans la péninsule Burin sur la côte Sud... Nous ne savons même pas à titre de pêcheurs... Nous nous sommes donné beaucoup de mal cette année dans certaines régions pour voir s'il y avait un marché pour nos prises. Si les transformateurs de poisson ne veulent pas notre poisson, à quoi bon nous remettre à la pêche.

On doit envisager la possibilité de mettre sur pied un programme permanent. Je vous implore cependant de faire en sorte qu'il soit plus raisonnable que le précédent. Je songe à ma propre collectivité qui comptait 70 pêcheurs et 10 équipes de camionneurs. Au cours des cinq dernières années, nos prises moyennes s'établissaient à environ 6 millions de livres par année. Ce poisson était transformé dans des usines de la péninsule Burin qui étaient ouvertes à longueur d'année.

Il y a ensuite eu le moratoire. Parce que nous avons connu quatre ou cinq mauvaises années, environ 35 p. 100 des pêcheurs n'ont pas été jugés admissibles à une aide. On n'a pas tenu compte des prises précédentes, mais seulement des prestations d'assurance-chômage touchées au cours des deux ou trois années précédentes. Lorsque les grandes entreprises refusent d'acheter le poisson des pêcheurs côtiers... Cette usine a été construite pour transformer notre poisson. À certaines époques, elle a employé une centaine de personnes pendant trois ou quatre mois de l'année.

Vous me direz peut-être que quatre ou cinq mois d'emploi par année ne suffit pas. Je vous répondrai que les prestations d'assurance-chômage que touchaient ces travailleurs, compte tenu du nombre de semaines de travail qu'ils accumulaient, n'étaient pas beaucoup plus généreuses que l'aide sociale. À mon avis, je ne pense pas qu'on puisse dire que nous étions vraiment gâtés.

Il ne fait aucun doute qu'un nouveau programme s'impose, mais je le répète, faites en sorte qu'il soit raisonnable. Il faudrait s'y prendre beaucoup mieux qu'on ne s'est y est pris avec le dernier programme. Permettez-moi de vous dire ce qui ne me plaît pas beaucoup dans le rapport du vérificateur général. On y lit que les frais administratifs liés à la mise en oeuvre du programme depuis trois ou quatre ans se sont élevés à 100 millions de dollars et que 800 millions de dollars ont été consacrés au volet appartenance au marché du travail.

J'aimerais beaucoup jeter un coup d'oeil à ces chiffres pour savoir combien de personnes ont vraiment touché des prestations dans le cadre de la LSPA par opposition à des prestations d'assurance-emploi, car il faut faire une distinction entre l'assurance-emploi et la LSPA.

Je soupçonne Paul Martin et quelques-uns de ses amis de DRHC et d'ailleurs d'avoir trafiqué les chiffres pour qu'on ne puisse pas faire la distinction entre ceux qui ont touché des prestations d'assurance-emploi et ceux qui ont touché des prestations dans le cadre de la LSPA. Je continue de croire que l'argent prévu dans le cadre de la stratégie n'est pas allé à ceux à qui il était destiné.

M. Jim Everard: J'aimerais faire une observation à ce sujet. J'ai discuté de la question avec les fonctionnaires du DRHC en présence de M. Harrington. Un certain M. Corky a dit exactement ce que vient de dire M. Edwards, à savoir qu'on a considéré comme des bénéficiaires de la LSPA des pêcheurs qui avaient diversifié leurs prises et qui étaient admissibles à l'assurance-emploi.

Comme M. Edwards et ses collègues l'ont dit, des milliers de pêcheurs se sont mis à pêcher d'autres espèces que la morue et n'ont pas touché de prestations dans le cadre de la LSPA ni du PARPMN. Ils ont peut-être reçu un chèque au début. Même s'ils ont touché des prestations de l'assurance-emploi, comme on l'appelle maintenant, on les a considérés comme des bénéficiaires de la LSPA. Quand on dit que 40 000 personnes ont été admissibles à la LSPA, on a vraiment arrondi les chiffres.

Le président: Vous faites valoir un point très intéressant, messieurs.

Je vais maintenant donner la parole à M. Peter Stoffer de Nouvelle-Écosse, et ensuite à M. O'Brien du Labrador. Monsieur Stoffer, vous avez la parole.

• 0925

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Bonjour, messieurs. J'aimerais d'abord vous remercier de votre ouverture d'esprit et de votre franchise ce matin. Grâce à vous, nous aurons une meilleure idée de la situation des pêcheurs à Terre-Neuve.

J'ai une question à vous poser qui ne porte pas sur la vérification ou l'examen de la LSPA que vous demandez que nous menions pour le compte du vérificateur général. Vous avez aussi mentionné quelque chose de très important au sujet des données scientifiques ainsi que des divers ministres des Pêches allant du premier ministre Tobin à M. Anderson, le ministre actuel, en passant par M. Mifflin. Peut-être ne savez-vous pas que j'ai réclamé une enquête judiciaire afin de permettre aux scientifiques dont les dossiers auraient été modifiés, mal gérés, perdus ou oubliés, puissent faire connaître leur version des faits devant un juge ou un comité sans qu'ils aient à craindre de perdre leurs emplois au MPO.

Êtes-vous d'accord avec cette idée? Pensez-vous qu'on devrait aussi faire enquête sur les pratiques et les positions prises par le MPO relativement aux stocks de morue de Terre-Neuve?

M. Edgar Jarvis: Je pense que c'est une excellente idée. Je me souviens avoir participé à de multiples réunions avec des fonctionnaires au milieu des années 80. Des hommes politiques y participaient aussi. Nous disions essentiellement comme aujourd'hui qu'il y avait un problème. Les stocks de poisson diminuaient et on nous racontait toutes sortes d'histoires: la température est trop froide, les poissons ne viennent plus en zone côtière, vous ne faites pas suffisamment d'efforts et les grandes entreprises de pêche, qui prenaient toutes les décisions importantes, pêchaient beaucoup de poisson au large des côtes.

Comme vous, je soupçonne qu'on n'a pas alors tenu compte des préoccupations des scientifiques. Je crois qu'il faudrait faire la lumière là-dessus.

M. Peter Stoffer: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Monsieur O'Brien du Labrador.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Je vous remercie, monsieur. Je crois que vos observations reflètent bien le point de vue des habitants des petites localités de la province et de la région de l'Atlantique.

Je viens moi-même d'un petit village de pêcheurs et je me suis adonné à la pêche avec mon père. Je sais donc ce que c'est que d'être balancé par la houle dans le détroit de Belle-Isle. Je suis sûr que vous me comprenez, Bill. Je sais aussi que pour les pêcheurs, il y a de bonnes et de mauvaises années. Je peux témoigner autour de cette table.

Je vais répéter ce que j'ai dit le premier matin où s'est réuni le comité permanent et ce que j'ai aussi dit devant le vérificateur général. Lorsqu'on siège à un comité comme celui-ci, on nous accorde cinq minutes pour discuter d'un sujet. Je ne pense pas que cela suffise, mais si je mets bout à bout toutes les périodes de cinq minutes qu'on m'accorde, je parviendrai peut-être à consacrer à cette question tout le temps qu'elle mérite.

J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet de la LSPA. Je me souviens que dans les années 80, mon beau-frère, Pat Cabot, et ses amis de Cabot et Martin—vous savez bien de qui il s'agit—on a dit pendant des années ce que vous dites maintenant. Pendant de nombreuses années et sous des gouvernements successifs, le ministère des Pêches et Océans a complètement refusé de tenir compte des renseignements que lui transmettaient les pêcheurs locaux qui en savaient à l'époque beaucoup plus long et qui en savent toujours plus long que les scientifiques au sujet de l'évolution des stocks de poisson, et en particulier des stocks de morue.

Il y a aussi eu la campagne contre la chasse aux phoques—soit dit en passant, je m'y suis opposé avec toutes mes forces—ici à Ottawa avec la participation des Brigitte Bardot de ce monde ainsi que des Brian Davis. Nous avons vu quels ont été les effets de cette campagne sur les pêches... Puis, les scientifiques—et aussi bons que soient leurs conseils je pense que les conseils des pêcheurs sont meilleurs—ont recommandé d'établir des contingents pour la pêche aux espèces de fond et notamment pour la pêche de la morue dans l'Atlantique. Les divers ministres des Pêches ont cependant doublé les contingents recommandés par les scientifiques.

• 0930

Aujourd'hui, on discute de la LSPA et on se demande qui est responsable de son échec. On plaint le sort des pauvres pêcheurs. À mon sens, les pêcheurs peuvent marcher la tête haute car ce n'est pas à eux qu'on peut imputer le problème. Il est imputable aux politiques mises en oeuvre par les gouvernements qui se sont succédé. Aujourd'hui, nous voyons quelles sont les conséquences pour l'avenir de ces politiques.

Que pensez-vous de ce que je viens de dire?

M. Jim Everard: J'aimerais revenir sur certaines des observations que vous avez faites. Vous avez tout à fait raison. Pendant des années, les pêcheurs ont dit que les stocks de poisson diminuaient et personne ne les a écoutés. Aujourd'hui, les pêcheurs disent que les phoques détruisent des tonnes et des tonnes de morue chaque année et personne ne les écoute non plus.

Si personne ne les écoute aujourd'hui, nous allons nous retrouver dans vingt ans dans la même situation où nous nous retrouvons maintenant. Si nous avons disparu, la dette, elle, demeurera.

M. Edgar Jarvis: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. Les Terre-neuviens sont parfois moins fiers d'être Canadiens lorsqu'ils entendent des gens du Canada central—en particulier des fonctionnaires et certains politiques—dire que la LSCA est un gaspillage de l'argent des contribuables. Or, des milliers de gens de cette province ont, quand Terre-Neuve s'est joint à la Confédération, apporté au Canada une grande ressource qui a été complètement détruite.

Les pêcheurs ou les citoyens de cette province n'ont pas d'excuses à faire à qui que ce soit à Ottawa ou au Canada pour la maigre pitance que constitue la LSPA.

M. Joe Edwards: Je partage l'opinion d'Edgar et de Jim au sujet de ce que vous avez dit, monsieur O'Brien. Edgar a bien raison de dire que nous n'avons à avoir honte de rien. Ce qui se passe est criminel. Jim, moi-même et d'autres avons essayé de faire connaître le triste sort qu'on a réservé à beaucoup de pêcheurs parce que personne n'a dit qu'on voulait amener 50 p. 100 des pêcheurs à quitter la pêche.

Qu'on songe à l'aide qui a été accordée aux agriculteurs au cours du siècle. Si, chaque fois qu'on avait aidé les pauvres agriculteurs—et ils ne sont pas beaucoup mieux lotis que les pêcheurs—, on leur avait dit il faut que 50 p. 100 d'entre vous quittent l'agriculture, un bon nombre d'entre vous ne seriez pas aussi gras que vous l'êtes maintenant. Il resterait très peu d'agriculteurs.

Il est difficile de décrire la situation actuelle. Dans nos rapports avec les fonctionnaires du MPO et du DHRC, nous cherchons à faire en sorte que ceux qui y ont droit obtiennent toute l'aide possible. On nous présente toutes sortes d'excuses... On a dit qu'au Québec, au Nouveau-Brunswick et peut-être en Nouvelle-Écosse, on a mis deux ans à évaluer la situation. Qu'a-t-on fait dans cette province? On a dit qu'on allait étudier la situation, mais deux ans se sont maintenant écoulés et comme on tient compte de ces deux ans dans le calcul des prestations, cela a permis d'économiser beaucoup d'argent. On n'aurait jamais dû faire un lien entre l'assurance-emploi et la stratégie. Pour corriger les choses, on devrait maintenant accorder 150 $ par semaine à ceux qui ont été jugés inadmissibles à la stratégie pendant cette année. On a traité injustement beaucoup de gens.

Je suis tout à fait d'accord avec Jim parce que trop de gens ont pâti de cet état de choses et quoi que nous fassions les gens devraient pouvoir s'adresser à une instance qui déciderait de réexaminer la situation pour voir ce que nous avons fait et les erreurs que nous avons commises.

Le président: Merci, messieurs.

Nous allons maintenant, monsieur Edwards, nous adresser à un député de la province de Québec. Vous avez déjà fait une déclaration concernant le rapport du vérificateur général, où deux mauvaises années pouvaient être effacées selon que l'on respectait ou non le critère de la LSPA. Je crois que c'est vous, Joe, qui en avez parlé. Nous allons maintenant poser la question à M. Bernier.

• 0935

M. Joe Edwards: Le vérificateur général le dit dans son rapport. C'est ce dont je parlais.

Le président: C'est juste, vous parliez de cette observation contenue dans le rapport du vérificateur général.

Nous allons donner la parole à M. Bernier, de la province de Québec qui va vous poser des questions.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Tout d'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos confrères de Terre-Neuve. Moi, je viens de la région maritime de la Gaspésie, plus précisément de Gaspé, le nez de la Gaspésie. Mon comté comprend aussi les Îles-de-la-Madeleine et regroupe à peu près 80 p. 100 des pêcheurs québécois.

Je trouve tout ce que vous nous avez dit intéressant et je suis intéressé à en apprendre plus de vous. Notre comité prend très au sérieux les demandes qui lui sont faites par les gens.

Vous avez mentionné tout à l'heure que certains de vos pêcheurs avaient commencé à se diversifier. Je veux être sûr d'avoir bien compris. Vous dites qu'il y a des gens qui ont commencé à pêcher d'autres espèces.

Pourquoi cette question m'intéresse-t-elle? C'est parce qu'à Ottawa, en se basant sur le rapport du vérificateur, la population a parfois le sentiment ou la perception que les gens n'essaient pas de s'en sortir, qu'ils restent chez eux en attendant leur chèque, alors que moi, je sais que ce n'est pas le cas.

Vous avez vu ce qui se fait comme pêcherie sentinelle et nous dites qu'il semble y avoir une certaine reconstruction des stocks de morue dans votre coin. Selon vous, si on ajoutait à cela les nouvelles espèces que vous avez commencé à exploiter et les nouvelles pêcheries que vous avez commencé à faire, combien de gens de votre coin qui pêchent dans la zone 3Ps seraient capables de gagner leur vie dans ce qu'on appellera une pêcherie durable?

Je pose cette question car je veux, moi aussi, qu'il y ait une suite au programme de la LSPA. J'ai l'impression qu'il faudra nous donner des orientations et s'assurer cette fois-ci que les pêcheurs auront en main les outils pour s'en sortir. J'aimerais que vous fassiez l'éducation des adultes ici présents et nous appreniez quelles sont ces nouvelles espèces que vous avez pêchées. Quels volumes pourraient être pêchés en termes de morue et de la combinaison de deux? Combien de gens, en pourcentage ou en nombre, pourront continuer à vivre dignement du métier de pêcheur?

[Traduction]

M. Edgar Jarvis: Je vais faire une observation puis Joe pourra continuer.

Dans notre région, maintenant, mis à part la morue, la principale espèce dont nous essayons de nous approprier une juste part, c'est le crabe des neiges. Nous avons un petit nombre de permis supplémentaires. Je pense qu'il y a environ 92 permis de pêche supplémentaires. Ils portent sur de faibles quotas, quelque chose comme 46 000 livres pour la saison, ce qui ne représente pas beaucoup de crabe, mais selon le prix du marché cela peut donner un assez bon revenu.

Pour le reste d'entre nous, il y a, je pense, quelque chose comme 1 200 permis pour la région. Nous avons essayé d'en obtenir une part, mais pour l'instant nous ne pouvons pêcher que si nous avons un permis. Pour la saison en cours, nous avons enregistré environ 6 000 livres pour notre région, alors que la Baie de Plaisance et Fortune Bay se situent aux environs de 5 400 livres. La moyenne est d'environ 90 cents la livre. Ce n'est pas un gros revenu, mais c'est un début.

Nous avions des pêcheurs comme M. Edwards qui est avec nous—il pourra vous en parler—qui pêchaient la plie rouge. Cette pêche ne procure pas un gros revenu, mais cela montre à quel point nous sommes décidés à essayer de gagner notre vie de cette façon. Il y a des semaines où l'on peut gagner 200 $. Ce n'est pas beaucoup, mais au moins on essaie de faire quelque chose. Je l'ai fait moi-même, mais il y a des jours où l'on ne gagne pas grand-chose; on y perd même.

Il y a maintenant une autre espèce, la plie canadienne, mais elle fait aussi l'objet d'un moratoire.

Nous avons été assez déçus cette année de la recommandation du CCRH. Nous pensions qu'on nous laisserait au moins faire de la pêche expérimentale pour cette espèce pour voir ce qu'il en était, parce que les scientifiques prétendaient que ce n'était pas un stock appréciable mais on n'a jamais fait la moindre étude le long des côtes. Nous dépendions largement de cette espèce avant le moratoire; parfois elle représentait la moitié de nos prises.

Ce sont là les principales espèces.

Il y a des propriétaires de bateau qui prennent un peu de crevettes et des pétoncles, mais en petite quantité et on impose maintenant des restrictions pour la délivrance des permis de pêche applicables à ces espèces.

M. Joe Edwards: Vous m'avez demandé combien de personnes à notre avis pouvaient bien vivre de cette pêche. Je pense que ce sont les mots que vous avez employés.

• 0940

Ici, à Terre-Neuve, il existe certaines différences. Le revenu moyen de la LSPA se situait probablement autour de 13 000 $ par année. Si on n'avait pas d'autre revenu et qu'on ne pêchait rien d'autre ou qu'on ne faisait rien d'autre, on n'aurait pas pu parler d'un bon revenu, mais ici à Terre-Neuve c'est quand même un revenu. Dans le cas du homard, du crabe, des choses qu'on pêche traditionnellement... et à moins qu'on se trompe complètement, mais je ne le pense pas, à propos du rétablissement des stocks, je pense que les pêcheurs d'avant peuvent encore en vivre.

Ce qui c'est produit dans notre cas, je l'ai dit, si on remonte dans le passé... et j'ai mentionné ma propre collectivité mais je n'ai pas terminé. Ce que je disais, était que l'usine de poisson d'ici faisait travailler jusqu'à une centaine de personnes pendant trois ou quatre mois quand la pêche était bonne. On sciait le poisson. On en faisait des filets. Comme je l'ai dit, tous les travailleurs d'usine de Lawn, ma communauté, ont perdu leur emploi. Aucun n'a touché la moindre prestation de la LSPA. Déjà là, c'était injuste. Je voulais revenir là-dessus.

Quand la pêche a décliné et a finalement disparu, tout le monde s'est dit, c'est fini pour de bon. Mais nous croyons qu'une reprise s'amorce et si nos pêcheurs peuvent reprendre leurs activités de pêche et en vivre comme il faut, il faudra alors nous assurer que cette situation ne se reproduise plus. Si les stocks se rétablissaient, grâce aux nouvelles espèces et à ce que nous pêchons je pense que tout au moins ceux qui pêchaient avant sur la côte est pourraient à nouveau gagner leur vie.

Le président: Joe, il nous reste quatre ou cinq minutes. Nous avons le temps pour une autre question et je voulais d'ailleurs vous poser celle-ci au nom du comité. Non loin de là où vous vivez et pêchez, il se trouve une zone qui appartient à la France. Je voulais vous demander si vous êtes au courant de fortes activités de pêche dans la zone française, et si dans certains cas on n'utilise pas des navires-usines canadiens pour la pêche à la morue. Savez-vous s'il y a en ce moment des activités dans cette zone?

M. Joe Edwards: George, pas d'activité de chalutier-usine. Le MPO nous dit, même si on ne nous donne pas beaucoup de renseignements à ce sujet, que la National Sea Products détient, je pense, 70 p. 100 du quota de la partie française.

Nous avons vu nous-mêmes, de nos yeux vu... et c'est assez frustrant, quand nous n'étions pas autorisés à pêcher, des palangriers de Saint-Pierre et Miquelon venir pêcher sous notre nez, jeter leurs filets à un endroit où nous n'étions pas autorisés à pêcher. Et c'était très frustrant. Ils avaient quelques pêcheurs et avec leur part du quota ils pouvaient durer toute la saison. Ils pêchaient juste devant chez nous. Dans certaines collectivités, on pouvait voir de sa fenêtre les palangriers français à l'oeuvre. Nous, nous n'étions pas autorisés à aller à la pêche.

Ils pêchent maintenant le crabe. Selon une entente qu'ils ont maintenant, ils peuvent chacun pêcher 40 000 livres de crabe de plus. On a augmenté le quota dans leur zone.

Nous sommes témoins de cela, de ces activités menées par un pays étranger, et c'est très dérangeant.

Pour ce qui est des chalutiers-usines, à moins que vous parliez de bateaux de la National Sea Products... Ils prennent un certain pourcentage de ce quota.

Le président: La pêche a-t-elle été bonne pour les chalutiers de la National Sea?

M. Edgar Jarvis: J'ai l'impression qu'ils se servent de leurs chalutiers pour ces prises. On nous a dit qu'ils prennent 70 p. 100 de ce quota. Comment ils le font, je ne pourrais pas le dire.

M. Joe Edwards: Selon le MPO, 1 100 tonnes environ ont été expédiées à la National Sea.

Le président: Autrement dit, des pêcheurs étrangers pêchent devant chez vous, alors que vous êtes confinés à la maison.

M. Edgar Jarvis: C'est cela.

Le président: Messieurs, c'est tout pour l'instant. Nous vous remercions d'avoir comparu. Pendant que vous comparaissiez, nous avons adopté une motion au sujet du vérificateur général, pour demander une enquête et une vérification portant sur toutes les dépenses relatives à ce programme qui n'avaient pas directement trait au soutien du revenu.

• 0945

Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé, et nous tenons à vous remercier, monsieur Everard, d'avoir recueilli tous ces noms sur la LSPA et votre demande à Ottawa. Merci beaucoup pour votre attention.

Nous devons suspendre la séance jusqu'à 10 h, le temps de préparer la vidéoconférence avec Gaspé. Ensuite, à 11 h, nous entendrons des témoins de la région de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Nous allons donc faire une pause de 10 minutes.

• 1046




• 1100

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Nous avons installé la liaison avec Halifax, en Nouvelle-Écosse, et nous accueillons de la Halifax West Commercial Fisherman's Association, M. Sam Ellsworth, qui en est le président. Nous attendons Ron Newell, qui est le président de la South West Fishermen's Quota Group Association.

Nous pouvons maintenant voir M. Ellsworth à l'écran. M. Ellsworth est très bien connu depuis de nombreuses années à titre d'expert d'un grand nombre des pêches pratiquées sur la côte Est canadienne. Nous allons lui demander s'il veut faire une déclaration préliminaire, puis nous nous adresserons à M. Stoffer de la Nouvelle-Écosse pour des questions.

M. Sam Ellsworth (président, Halifax West Commercial Fishermen's Association): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais vous dire que je viens de parler à Ron Newell. Il sera un peu en retard, mais il viendra se joindre à nous.

J'aimerais prendre quelques-unes de mes dix précieuses minutes pour remercier les membres du comité de m'avoir invité. Je tiens aussi à vous féliciter pour le président que vous avez choisi. Je connais George Baker depuis de nombreuses années et je connais son dévouement à cause des pêches, surtout ici dans les provinces atlantiques.

Félicitations, George. C'est du beau travail!

Aujourd'hui, on me demande de faire part de mon expérience de la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique ou, comme on l'appelle LSPA. Je dirai d'entrée de jeu que je ne comparais pas devant le comité pour critiquer ceux qui ont été déplacés ou sont aux abois en raison de l'état catastrophique de la pêche au poisson de fond. La plupart se trouvent dans cette déplorable situation sans l'avoir cherché.

Je ne suis pas non plus venu dire qu'il n'y a pas eu d'aspect positif. Il y en a eu dans quelques rares communautés où on a su conjuguer une participation locale raisonnable à une direction avisée et attentive.

Toutefois, comme on le dit dans le rapport du vérificateur général du Canada, il y a eu des problèmes, d'où une perte déplorable d'un potentiel qui aurait pu contribuer à un changement constructif, significatif et durable.

Il y en a un bon nombre pour qui ce programme n'a fait naître que de faux espoirs.

Il semble, à nous du moins tout au moins, que les gens les plus touchés de notre communauté n'ont jamais eu l'occasion de participer. Le groupe de travail de Richard Cashin et le conseil de John Mullaly mis à part, je peux sincèrement dire qu'on a jamais cherché à connaître l'opinion des dirigeants de notre groupe local de pêcheurs.

Cependant, la grande majorité de nos pêcheurs se sont fait dire par une autorité quelconque qu'ils devaient présenter une demande de LSPA et que sinon ils risquaient de perdre leur statut de pêcheur. Notez bien, les dirigeants de la collectivité ne cherchaient pas vraiment à obtenir un soutien du revenu. Nous cherchions à créer de nouvelles entreprises, à rationaliser les efforts, à réduire la capacité de pêche et de traitement—et à assurer un avenir stable et viable à notre communauté côtière vieille de plus de 250 ans.

C'est vraiment très frustrant quand il faut non seulement surmonter tous les obstacles habituels mais lorsqu'il faut en outre concurrencer les communautés qui elles bénéficient d'un énorme financement provenant d'une pléthore de programmes et d'agences du gouvernement.

Quiconque était mêlé au programme LSPA ne nous a pressentis pour nous expliquer comment on pouvait aider notre communauté.

On dirait que chaque fois que quelqu'un dans la collectivité faisait preuve d'initiative, on lui répondait: «Désolé, vous êtes trop près de Halifax»; «Pour des raisons géographiques, notre bureau n'a pas compétence dans votre région»; «Aucun programme ne s'applique dans votre cas»; «Vous êtes les victimes de votre farouche indépendance»—et la liste se poursuit. Disons tout simplement, que nous avons fini par dire: «Au diable tout cela, nous allons nous arranger tout seuls.»

Nous avons diversifié nos pratiques de pêche naturelles. Nous avions créé un système de gestion pour administrer le premier groupe communautaire de gestion des quotas. Nous avons consolidé les opérations de transformation et d'achats. Nous avons établi au moins deux nouvelles petites industries associées. Nous avons réduit notre flotte et, dans une moindre mesure, notre dépendance. Nous avons importé des produits étrangers non transformés, nous avons modifié nos stratégies de transformation et de commercialisation, et nous avons lancé un tout nouveau programme de recherche en agriculture. Tout cela, à l'exception de trois rachats de permis de pêche, s'est fait sans la moindre participation financière de LSPA.

• 1105

Quant aux trois rachats susmentionnés, je ne peux pas en parler beaucoup dans le peu de temps que j'ai, mais je vous dirai que les rachats de permis dans ma communauté ont été nuisibles et ont semé la dissension. En fait la capacité de pêche a augmenté. Une forte proportion de notre communauté pourrait, à ce qu'on nous a dit, perdre à jamais ces quotas. Pour dire la vérité, nous sommes doublement menacés.

Et tout cela, parce qu'on n'a pas tenu compte de l'avis de tous les représentants des pêcheurs de la Nouvelle-Écosse et que nos très habiles représentants, Gary Dedrick et Brian Giroux, s'en sont laissé imposer par les impératifs d'une politique d'application générale qui ne pouvait et ne devait pas être appliquée à notre communauté, ni sans doute à beaucoup d'autres.

Et n'allez surtout pas reprocher aux pêcheurs d'avoir profité de la situation. Pourquoi n'essaierait-on pas de profiter d'une politique si maladroitement et hâtivement conçue?

Si cela vous intéresse, je peux vous donner des exemples concrets de ce dont je parle. Cette politique a tourné en dérision l'objectif de réduction de la flotte de pêche. Si on nous avait vraiment consultés à l'époque, nous aurions pu conserver tous les bateaux de pêche et nous livrer activement à nos activités.

En outre, une des demandes légitimes présentées au nom d'un de nos pêcheurs les plus âgés et les plus actifs a été rejetée—et cela après qu'on nous eut forcés à faire d'interminables démarches administratives parce qu'il touchait la pension du Canada. Comble d'ironie, un autre de nos pêcheurs a bénéficié d'un rachat de permis alors qu'il touchait non pas une mais deux autres pensions du gouvernement. Depuis quand, nous, la plus noble et la plus juste nation du monde nous livrons-nous à de la discrimination en fonction de l'âge?

J'ai le dossier avec moi. Comme vous pouvez le voir, il est assez volumineux. Il remonte à 1994 et le problème persiste: encore un autre projet superfétatoire de la LSPA.

Dans le peu de temps qu'il nous reste, je vais tenter de vous dire ce qui, d'après mon organisation, ne va pas.

On n'a envisagé aucune solution de rechange viable pour faciliter le départ de ceux qui voulaient de toutes façons partir. Les bateaux restaient au mouillage et seuls les permis latents étaient retirés, et on n'accomplissait rien qui vaille la peine. L'occasion ne s'est jamais présentée d'examiner le grave problème de la surcapacité en tenant compte de notre point de vue et des besoins de notre communauté.

Cette idée persistante que des bureaucrates pourraient apporter des solutions universelles aux centaines de communautés des provinces de l'Atlantique qui dépendent des ressources de l'océan, dénote soit un manque de connaissances soit un manque de compréhension ou au contraire indique qu'on tentait par là d'imposer obstinément à toutes les communautés un programme sans égard à la réalité et à la particularité des diverses situations. Qu'après cinq ou six ans d'errance dans ce désert, et après avoir dépensé quelque 3 milliards de dollars, la définition des politiques présentées par divers organismes gouvernementaux continue de ne faire preuve d'aucune vision, voilà qui montre à n'en pas douter que quelque chose ne va pas du tout.

Allons-nous être témoins d'une redite? C'est bien possible, vu le marasme dans lequel nous nous trouvons encore. Mais si cela devait se produire, réfléchissez-y, je vous en prie. Voilà 20 ans que nous avons amorcé cette descente. De nombreuses collectivités, dépendent du poisson de fond depuis des siècles. On ne réglera pas ce problème du jour au lendemain. La technologie omniprésente et une mondialisation féroce et impitoyable ne faisaient pas partie du problème il y a 20 ans. Pas plus que la possibilité que certains stocks ne puissent se reconstituer et le fait qu'ils ne montrent que peu de signes encourageants après un moratoire de plusieurs années.

Certains auront besoin d'un soutien du revenu. Il faudra convaincre certains autres qu'il n'y a pas d'avenir là où il y en avait un pour leurs pères ou pour les gens de ma génération. Il deviendra critique d'instruire nos enfants et de leur faire connaître de nouveaux modes de vie enrichissants. Il faudra probablement une ou deux générations pour y parvenir, mais certaines localités sont disposées—en faite luttent—pour relever le défi que présente l'avenir immédiat. Écoutez-les cette fois-ci. Donnez-leur la possibilité de tirer partie de leurs initiatives bien pensées et prometteuses.

Si, à Sambro, nous avions eu cette possibilité, songez à quel point nous serions plus avancés maintenant. Toutefois, quelqu'un doit créer le climat. Quelqu'un doit comprendre que toutes les localités de pêche ne sont pas dépassées, ou pire encore, non récupérables. Le temps va nous manquer. Je dirai même que la patience du reste du pays s'épuise. Si vous voulez les conseils, venez consulter ceux dont la vie est directement touchée, ceux qui ont démontré, depuis longtemps, leur intégrité et leur sincérité.

• 1110

Sans un fort degré d'autonomie locale et une autre ronde de stratégie de restructuration, je peux vous promettre que les difficultés continueront. Personne ne le souhaite, sûrement. Merci.

Le président: Merci, monsieur Ellsworth, de cet excellent exposé. Nous allons passer à M. Stoffer de la Nouvelle-Écosse.

M. Peter Stoffer: Bonjour, encore fois, Sam, au nom de nous tous, ici au Comité des pêches, je tiens à vous remercier. Votre exposé était très bien pensé, et encore une fois, vous faites ressortir vos expériences.

Sam, j'ai deux ou trois questions et une petite déclaration à votre intention. Comme vous le savez, DRHC un nommé M. Harrigan pour qu'il vienne faire une étude dans la région de l'Atlantique—pas dans le but plus ou moins de déterminer la politique, mais plutôt pour conseiller, plus ou moins, le gouvernement sur ce qui se produira le 1er juin 1998.

Je me demande et vous pourrez peut-être nous dire quelques mots à ce sujet, pourquoi quatre—ou cinq, en fait, si l'on inclut le Québec, ministres provinciaux des pêches dans ces régions se montrent si silencieux à cet égard. Je crains que le gouvernement fédéral ne décide, comme c'est le cas dans le cadre d'autres programmes, de se décharger de cette responsabilité sur les provinces. Savez-vous le fardeau financier que cela représenterait pour la Nouvelle-Écosse par exemple! Pouvez-vous nous donner une idée des raisons qui expliquent le silence profond des provinces à cet égard jusqu'à présent?

M. Sam Ellsworth: Merci, Peter. Je n'en ai pas la moindre idée. Que je sache, le ministre, John Efford de Terre-Neuve n'a certes pas été silencieux.

Je pense que le problème découle de la grande variété de besoins de nos localités côtières. Il est extrêmement difficile en Nouvelle-Écosse d'en arriver à une politique globale ou à une solution que le ministre pourrait présenter avec une certaine aisance, car les besoins sont extrêmement différents de l'Est à l'Ouest.

Comme vous le savez, il y a toujours une pêche viable dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse alors que dans l'est, nous sommes assujettis au même moratoire, nous sommes dans la même situation que les zones de 2K et 3KL en Terre-Neuve.

M. Peter Stoffer: Très bien. Deuxièmement, comme vous le savez, il existe de nombreux groupes différents de pêcheurs en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard et évidemment, on a l'impression, que ces groupes n'ont pas concerté leurs efforts, mais se font la lutte les uns aux autres, pour obtenir ce qu'ils leur restent de gâteau. À la lumière de ce que vous avez déclaré ici aujourd'hui, pensez-vous qu'il y a possibilité de réconciliation entre ces groupes, qui leur permettent de s'unir, de résoudre leurs différends et de travailler en équipe?

M. Sam Ellsworth: Oui, Peter. Je pense que c'est le cas. Hier en ma qualité de membre du CCRH, j'ai participé aux consultations de cet organisme et j'ai constaté que nous avions fait beaucoup de chemin depuis quatre ans.

Cela dit, certains thèmes communs font l'unanimité. Je le répète, il faut un certain niveau d'autonomie locale dans la prise de décisions.

En effet, nous pêchons tous de façon différente. Nous pêchons au cours de saisons différentes. Nos filets destinés à prendre diverses espèces varient beaucoup d'une localité à l'autre. Dans la localité voisine de la mienne, à l'est—la saison du homard y commence lorsque la nôtre se termine. Comparé à d'autres provinces, il existe chez nous des différences énormes dans la façon dont nous pêchons et dans les prises disponibles.

Comme je l'ai dit, les localités de l'est devront avoir un programme très différent, une infrastructure très différente de celle des localités de l'ouest pour s'attaquer au problème.

M. Peter Stoffer: Très bien. Sam, merci.

Ma dernière question porte sur les QIT—les quotas individuels transférables.

Outre les allocations aux sociétés qui ont déjà été reçues, qui seraient d'environ 50 p. 100 des stocks, il y a d'autres pêcheurs qui vendent leurs quotas aux sociétés... J'ai l'impression qu'ils le font à regret, mais qu'ils estiment n'avoir pas d'autre choix. Partagez-vous cet avis et pouvez-vous nous dire un peu ce que les QIT ont fait à la pêche en Nouvelle-Écosse, à votre avis?

M. Sam Ellsworth: Peter, c'est une question qui touche à plusieurs aspects. Je vais tenter de répondre à un aspect à la fois.

• 1115

Ça ne va pas si mal. N'était-ce le niveau de concentration... certaines flottes sont probablement en mesure de mieux gérer les QIT que d'autres.

Le problème, pour la pêche côtière, surtout celle à engin fixe, c'est qu'il y a 3 200 détenteurs de permis en Nouvelle-Écosse. Nous devons nous partager un panier plein de poissons. C'est un programme impossible sans aide et assistance et un certain nombre d'emplois ailleurs que dans le secteur des pêches ou tout au moins autre que la pêche même.

Nous avons un grave problème compte tenu du fait que par exemple, dans les zones 4V et 4W, et à un niveau moindre dans 4 Vn, il n'y a pas de signe que les stocks frappés d'un moratoire depuis le 18 décembre 1992 se reconstituent ou reviennent. Il y a donc beaucoup de chemin à faire et il faudra une restructuration en profondeur pour s'attaquer à ce problème.

La concentration, voilà le plus grand problème. Lorsque vous parlez de «intérêts corporatifs», il s'agit dans certains cas de gens qui essaient de réunir ensemble suffisamment de prises pour que l'industrie soit viable. J'ai entendu parler de groupes constitués de capitaines, deux ou trois qui se réunissent sur un seul navire et mettent en commun leurs quotas individuels. Ça semble fonctionner pour certains.

Dans notre cas, il faudra réduire le nombre de pêcheurs—je parle de réduire le nombre d'exploitants-propriétaires—qui pêchent les quotas communautaires. Il faut que les pêcheurs puissent quitter la pêche avec dignité.

Certains pêcheurs se sentent probablement forcés de vendre. Je sais que plusieurs sont aux abois. Ils subissent de grandes pressions. Ils ont reçu de nombreuses offres d'achat de leur quota.

En passant, ce genre de transaction comporte beaucoup de spéculation, car à l'heure actuelle—je ne sais pas si c'est noté—la politique à laquelle nous sommes assujettis dans la pêche à engin fixe ne permet pas aux individus de transférer leur allocation traditionnelle à l'extérieur du groupe, à moins que tous les membres du groupe n'en conviennent. Il s'agit là d'un sujet extrêmement compliqué et il faudra beaucoup de temps pour y voir clair.

Cela dit, je pense qu'il faudrait structurer le programme de façon à ce que les localités puissent se porter acquéreurs des allocations de poisson de ces individus. Ainsi, les allocations seraient mises en commun au sein de la localité et partagées entre un moins grand nombre de pêcheurs afin que la pêche soit plus rentable pour ceux qui restent. Ceux qui abandonnent la pêche le feraient parce que d'autres options s'offrent à eux et qu'ils ont l'impression d'apporter une contribution importante à la société de ces localités.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, Sam. Je vous suis vraiment très reconnaissant.

Malheureusement, je dois partir tout de suite, mais je tiens à remercier le président d'avoir invité Sam.

Sam, lorsque Ron arrivera, je vous prie de le saluer de ma part. Je vous en serais reconnaissant.

Je suis convaincu que d'autres membres du comité ont des questions à vous poser. Ils vont vous mettre sur la sellette. Encore une fois, merci.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

Nous allons maintenant passer à un député du Nouveau-Brunswick, et ensuite à un député de la Colombie-Britannique, à un député du Labrador, puis à un député du Québec.

Monsieur Stoffer, vous n'auriez pas l'occasion de participer à un deuxième tour de toute façon parce que le temps sera utilisé.

Avant de passer au député du Nouveau-Brunswick, je ferai une remarque. Notre témoin, Sam, pourra peut-être faire un commentaire à ce sujet avant la fin de la réunion.

À environ 80 miles à l'est de l'endroit où vous habitez, on trouve ce que nous appelons le cantonnement du merlu argenté, la zone réservée aux engins à petites mailles. Les pêcheurs l'appellent aussi la zone des filets à cheveux—et certaines personnes parlent même de zone du bas de nylon—étant donné le maillage tellement serré des filets qu'utilisent les navires étrangers à 80 milles à l'est de l'endroit où vous habitez, à l'intérieur de la zone des 200 milles.

La semaine dernière, justement, 11 navires cubains munis de permis canadiens s'y trouvaient. L'un d'entre eux devait s'en tenir à un contingent national cubain. Les dix autres étaient retenus par des sociétés canadiennes pour pêcher le merlu argenté, l'encornet, l'argentine, le grenadier et à peu près tout ce qu'on peut trouver dans l'océan. Et tout cela se passe à l'intérieur de la zone de 200 milles, juste à l'est de l'endroit où vous habitez, à une époque où nos pêcheurs n'ont pas la permission de pêcher.

Je sais que je ne suis pas censé poser de questions mais, à un moment donné au cours de nos audiences, j'aimerais vous entendre aborder cette question et nous donner des explications à ce sujet.

Nous allons passer à M. Hubbard, qui vient du Nouveau-Brunswick.

• 1120

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur Ellsworth. J'imagine que vous avez compris la question. Pouvons-nous avoir la réponse.

M. Sam Ellsworth: Votre question est la même que celle de M. Baker?

M. Charles Hubbard: En effet.

M. Sam Ellsworth: C'est vrai.

Je signale en passant que Ron et Val se sont joints à moi. Je suis convaincu que si Ron souhaite faire sa déclaration d'ouverture, il pourra le faire après que j'aurai répondu.

En effet, il est vrai que le cantonnement du merlu argenté est situé juste au large de notre côte, mais il est également vrai que nous déployons des efforts considérables depuis trois ou quatre ans pour faire déplacer ce cantonnement un peu plus vers le large, en eau plus profonde. Il y a présence d'observateurs à bord de tous les bateaux à l'heure actuelle.

Un groupe de pêcheurs côtiers, représentant aussi bien la pêche à engin mobile que la pêche à engin fixe, siègent à ce comité. Les pêcheurs utilisent de plus en plus des grilles, de telle sorte qu'il est censé exister un mécanisme permettant aux petits poissons de fond de s'échapper. Ils nous ont dit hier à Yarmouth—en réponse à une question—que cette possibilité d'échappement donne des prises accessoires de 0,001 p. 100 ou 0,002 p. 100 de gadidés—autrement dit, la morue, l'aiglefin, la goberge, et les autres poissons de fond que nous pêchons normalement. Si tel est le cas, notre seule autre crainte serait la pêche au flétan et nos palangriers de pêche à l'espadon dans le secteur. Cependant, dans le cas de ces deux genres de pêche, il n'y a pas tellement de conflits entre groupes d'engins à l'heure actuelle. Cela mis à part, il semble qu'on a déployé des efforts considérables pour faire en sorte que la pêche au merlu argenté soit beaucoup plus viable et sûre, et beaucoup plus écologique qu'elle ne l'était par le passé.

Le président: Merci. Également, monsieur Ellsworth, vous pourriez peut-être parler du fait que les Japonais ont cinq fois votre contingent, dans vos eaux, à l'intérieur de la zone des 200 milles, pour le thon. N'est-ce pas exact, monsieur Ellsworth?

Cependant, avant d'aller plus loin, il convient peut-être de souhaiter la bienvenue à M. Ron Newell, le président de la South West Fishermen's Quota Group Association. Nous nous excusons de son retard. Nous allons maintenant passer à la déclaration liminaire de M. Newell. Ensuite, nous reviendrons aux questions du député du Nouveau-Brunswick.

Monsieur Newell.

M. Ron Newell (président, South West Fishermen's Quota Group Association): Merci. Je me devais de faire honneur à ma réputation. J'arrive toujours en retard aux réunions et j'ai donc été obligé de le faire une fois de plus.

Je mettrai environ huit à neuf minutes à vous lire mon document. Je l'ai rédigé hier soir après avoir compulsé mes dossiers. Si vous me le permettez, j'aimerais vous en donner lecture.

Le président: Nous sommes entre vos mains.

M. Ron Newell: Selon mon interprétation, le programme de LSPA annoncé par Brian Tobin après la fin du PAPPFA de John Crosbie devait durer cinq ans. Il s'agissait d'une stratégie visant à réduire la capacité de pêche, à réduire le nombre de travailleurs dépendant des pêcheries, et de faire en sorte que la taille du secteur soit proportionnelle à la ressource. Au départ, le programme devait prendre fin en mai 1999. On l'a maintenant raccourci à mai 1998, surtout, d'après moi, à cause d'une insuffisance de fonds, puisque la participation au programme a été plus forte que prévue.

Le programme a été établi à cause de l'effondrement des pêches et d'une crise dans le secteur. Le programme comportait diverses modalités d'adaptation: des projets verts, la mise à la retraite anticipée, le rachat des permis, le recyclage, et des mesures de soutien du revenu pour permettre aux pêcheurs de tenir le coup jusqu'à ce que les stocks se reconstituent. Or, il faut dire que le programme prend fin dans sept mois mais que la situation a peu évolué. Le programme visait à «fournir des rames pour que les bateaux des pêcheurs puissent regagner le port». Pourtant, dans quelques mois, les «rames» vont être retirées et les bateaux seront encore en mer, tout au moins dans ma région. Je parle du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

Des moratoires s'appliquent dans bon nombre de localités côtières. Dans notre secteur, les contingents sont faibles. Le secteur, d'une façon générale, garde confiance attendant un jour qui n'est peut-être pas prêt d'arriver et qui ne viendra peut-être jamais. Le programme LSPA touche à sa fin mais nous sommes toujours aux prises avec le même problème qu'il y a cinq ans.

Il me semble que ceux qui ont conçu le programme de LSPA étaient bien intentionnés. Cependant, certains aspects du programme ont mal tourné et bon nombre de ceux qui y ont participé ont l'impression qu'il ne correspond plus à l'objectif de départ.

Avant de donner des explications, permettez-moi de vous dire que j'ai participé moi-même au programme de LSPA depuis le départ. J'ai rédigé des centaines de demandes pour des pêcheurs et des travailleurs d'usine de transformation du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. J'ai rédigé, pour mon oncle, la première demande en provenance du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Lorsqu'il a commencé à recevoir ses chèques, la nouvelle s'est répandue comme un trait de poudre et j'ai été débordé pendant des semaines.

• 1125

À l'époque, peu des demandeurs avaient l'intention de renoncer à la pêche. Pour eux, il s'agissait d'un revenu d'appoint pour les semaines durant lesquelles ils n'avaient aucune possibilité de travailler. Certains se sont prévalus de la possibilité d'une retraite anticipée, quelques-uns ont quitté la province pour travailler dans d'autres secteurs, et une douzaine ont vendu leur permis. À part cela, le problème est resté entier.

La plupart supposaient que, en mai 1999, à la fin du programme de LSPA, les choses seraient revenues à la normale, comme durant les années 80. Pour beaucoup de gens, des contingents étaient une mesure temporaire et la pêche reviendrait à la normale après les cinq années. Ces gens ont mis pratiquement quatre ans à se rendre compte de leur erreur. Aujourd'hui, je puis vous dire que la situation leur semble beaucoup plus claire. Ils se sont rendu compte que les contingents et le programme de LSPA étaient là à demeurer. Ils se sont rendu compte que le rétablissement des stocks continuait de poser problème et que leur mode de vie était sur le point de changer à tout jamais. Ils se rendent surtout compte maintenant que ce qu'ils souhaitaient n'est pas arrivé et qu'ils doivent composer avec la réalité. Ainsi, ces gens ne voient plus du tout les choses de la même façon qu'il y a quatre ans.

Pour revenir à un aspect dont j'ai parlé un peu plus tôt à savoir la modification du programme de LSPA après son introduction, j'estime que le programme portait de bonnes intentions. Dans ma région, bien des gens ont demandé un rachat de permis. Cependant, leur demande n'a pas été acceptée parce qu'ils demandaient un montant trop élevé. Le montant de 300 millions de dollars prévu pour les rachats a été réduit à 97 millions de dollars.

Bien des personnes âgées de 50 à 55 ans sont venues me voir chez moi parce qu'elles souhaitaient prendre une retraite anticipée. Cependant, l'âge minimum était de 55 ans. Pour la plupart des gens, le programme offrait un supplément qui leur permettait d'affronter la tempête. Dans leur esprit, tout devait revenir à la normale en 1999. J'ai eu des entretiens avec des milliers de pêcheurs et de travailleurs d'usine de transformation depuis cinq ans. J'ai toujours été disponible et, pour une raison quelconque, ces gens-là m'ont accordé leur confiance ou, tout au moins c'est ce qu'il me semble.

Permettez-moi de vous résumer certaines opinions, qui sont les miennes et celles des gens de mon milieu.

Le programme de LSPA n'a pas été un échec total, comme certains l'ont prétendu. Il a permis d'assurer la subsistance de bien des gens qui n'auraient pas pu s'en passer. Il a permis à des gens de payer leurs traites hypothécaires et ainsi de conserver leurs biens. Il a permis d'assurer une meilleure éducation aux enfants. Il a même permis d'éviter l'éclatement de certaines familles. Je parle en connaissance de cause. Il ne s'agit donc pas d'un échec total.

Ceux qui contestent le programme de LSPA ont tort. Qu'ils viennent donc par chez nous prendre la place du pêcheur qui dépend, pour sa subsistance, des stocks de poisson de fond et qui ne peut pêcher que durant trois semaines sur 52 à cause des maigres contingents.

Dès le départ, les critères du programme laissaient à désirer. Certains qui y avaient droit n'en ont pas bénéficié. Pour d'autres c'est le contraire. Je connais un pêcheur pour qui j'ai combattu d'arrache-pied, avec l'appui de Derek Wells. Ce dernier ne pouvait bénéficier des prestations de LSPA parce que son navire de pêche n'était pas admissible. Le navire n'était pas admissible mais pourtant ce pêcheur dépendait exclusivement des stocks de poisson de fond.

Bien des bénéficiaires au programme de LSPA ont fini par devenir paresseux. Certains ont refusé les emplois qu'on leur offrait, parce qu'il était plus payant d'aller à la plage et de boire de la bière en profitant des prestations de LSPA que de travailler durant 30 ou 40 heures. Il faut dire également que certaines personnes qui tentaient de trouver du travail ont fini par abandonner en raison de la forte concurrence qui existe dans une économie restreinte.

Que va-t-il arriver? Nous savons tous que, dans sept mois, les visites au bureau de poste à tous les deux vendredis vont se faire moins nombreuses. Les tensions familiales vont continuer d'exister. L'état des pêches a guère changé par rapport à la situation d'il y a quatre ans, tout au moins pas suffisamment pour qu'on puisse crier victoire dans toutes les régions, et certainement pas dans la mienne. Je n'ai pas toutes les réponses—je n'en ai peut-être même aucune—mais je puis tout au moins vous faire part de mes opinions et de celles d'autres personnes.

Je suis très favorable au rachat des permis. Pourquoi? D'une part, parce que le premier rachat a été un échec et, d'autre part, parce qu'un tel rachat est justifié à partir de critères qui ne sont pas du tout les mêmes.

En premier lieu, il sera possible de racheter un beaucoup plus grand nombre de permis qu'il y a quatre ans, avec beaucoup moins d'argent. La valeur des soumissions sera beaucoup moindre qu'auparavant. En effet, les perspectives sont plus évidentes à l'heure actuelle. Les pêches ne seront plus jamais ce qu'elles étaient. Des pêcheurs me téléphonent quotidiennement à propos d'un rachat. Ils voient la situation telle qu'elle est, maintenant. Ils me disent qu'ils sont prêts à renoncer à la pêche. Ils ne le font pas nécessairement de gaieté de coeur, mais ils sont prêts à le faire. Ces gens me disent qu'ils souhaitent partir la tête haute, dans la dignité sans y être contraints ou par nécessité. Ces pêcheurs savent également que le programme de LSPA prend fin et qu'ils risquent d'avoir à se contenter d'une proposition de rachat fort modeste. Il me semble qu'il faut leur donner l'occasion de partir dignement. La décision a été dure à prendre pour eux mais ils ont décidé, néanmoins, que le temps était venu.

• 1130

Pour moi, le rachat est une nécessité. J'ai travaillé d'arrache-pied à ce dossier avec Derek Wells, notre ancien député, et il me semble clair que de nombreux autres ministères et observateurs appuient le rachat.

On aurait dû garder intact le programme de 300 millions de dollars d'il y a quatre ans. Bien des pêcheurs qui ont maintenant reçu environ 80 000 $ du programme de LSPA auraient accepté un rachat pour 50 000 $ il y a quatre ans. Aujourd'hui, ils ont encore leur permis. Ils sont encore là et ils attendent encore un rachat.

Le secteur privé doit participer aux consultations. Il y a quatre ans, on aurait pu racheter 1 000 permis non utilisés pour 5 000 $. Aujourd'hui, ces permis sont utilisés. L'initiative antérieure s'est soldée par un échec.

Il y a quelques mois de cela j'ai dit à David Anderson, à Shelburne, que je souhaitais participer aux consultations. Le secteur privé doit y participer. Je suis prêt à donner mon temps, si la chose peut être utile. Le secteur privé est peut-être disposé à partager les coûts d'un tel programme.

Que vont faire les gens lorsque leur permis aura été racheté? C'est toujours la question qu'on me pose. Les personnes plus âgées me disent qu'ils pourront se tirer d'affaires avec leurs économies, la pension du Canada, la sécurité de la vieillesse, en retirant une partie de leur REER dans certains cas, en vendant leurs bateaux. Certains des plus jeunes me disent qu'ils vont rembourser à la banque ce qu'ils ont emprunté pour investir dans leur entreprise de pêche et qu'ils vont ensuite partir à neuf. Certains m'ont dit qu'ils pourraient utiliser leurs permis de pêche au homard, au thon et à l'espadon et quittaient tout simplement le secteur du poisson de fond en s'engageant à ne pas y revenir. Certains m'ont déclaré qu'ils pourraient être intéressés à conserver leurs permis personnels, quitte à être engagés comme membre d'équipage, tout en renonçant à leurs permis de pêche au poisson de fond.

Il faut que les pêcheurs sachent qu'il s'agit de la dernière occasion. La dernière fois, ils n'ont pas pris cela très au sérieux. Ils avaient l'impression que tout serait revenu à la normale en 1999.

Une nouvelle offre de retraite anticipée intéresserait un bien plus grand nombre de pêcheurs aujourd'hui. Pourquoi? Eh bien, parce que bien des gens n'avaient pas l'âge voulu à l'époque. Également, bon nombre de ceux qui avaient entre 57 et 60 ans ont calculé qu'il valait mieux accepter cinq ans à 382 $ par semaine que huit ans à 200 $ par semaine pour une retraite anticipée. S'ils avaient su que le programme de LSPA ne durerait que quatre ans au lieu de cinq, ils n'auraient pas fait leur calcul de la même façon.

Encore là, le programme a été modifié, tout comme dans le cas du rachat. Les gens ont fondé leur décision sur l'impression que les pêches seraient revenues à leur état normal en 1999 et que le programme de LSPA durerait cinq ans. Lorsque le système a été modifié, les gens ont constaté ses lacunes et ont changé leur fusil d'épaule.

J'en aurais encore long à dire. Je sais que mes dix minutes sont pratiquement écoulées, mais je suis disposé à en dire davantage. Je tiens à vous remercier de m'avoir écouté. Si je puis vous être utile, n'hésitez pas à communiquer avec moi.

Ce que je vous ai écrit est le fruit de quatre ans de consultations, de quatre ans de déclarations d'impôt que j'ai remplies pour ces pêcheurs, de conversations avec des députés fédéraux, provinciaux, des pêcheurs, des travailleurs d'usines de transformation, ainsi de suite.

Le programme de LSPA était fondé sur de bonnes intentions au départ. Il a été utile mais, à cause de changements de structures, il a abouti à un échec. Les résultats ont été bien en deçà des réalisations prévues.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Newell, de nous avoir fait connaître vos points de vue ici aujourd'hui.

Nous passons maintenant à M. Hubbard du Nouveau-Brunswick.

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président. Je suppose que je dois poser à nouveau la question à laquelle vous n'avez pas obtenu de réponse.

Bonjour, monsieur Newell. M. Ellsworth pourrait peut-être répondre étant donné que, plus tard aujourd'hui à la Chambre, nous allons encore débattre de questions relatives aux pêches, du ministère des Pêches et Océans, et notamment des activités de flottes étrangères au large des côtes canadiennes.

Le thon est un poisson d'une grande valeur. En effet, pour un bon nombre de pêcheurs, la capture de trois ou quatre thons dans une année représenterait pratiquement le revenu de l'année au complet. Pouvez-vous donc répondre à la question de notre président concernant la pêche de notre thon par d'autres pêcheurs?

Le président: J'avais demandé, monsieur Ellsworth, s'il est vrai de dire que le contingent de quelque 35 tonnes métriques de thon qui s'applique en Nouvelle-Écosse est loin d'être comparable à la limite de 180 tonnes métriques dont bénéficient les Japonais dans les mêmes eaux pour les prises secondaires de quantités illimitées de thon à nageoires jaunes, de thon blanc, de thon ventru et d'autres types de thon. Est-ce bien le cas, monsieur Ellsworth?

M. Sam Ellsworth: Merci, monsieur Hubbard, monsieur le président. C'est exact dans une certaine mesure, mais je tiens à préciser qu'aucune de ces choses dans les pêches va sans complexité.

• 1135

Pour commencer, comme la majorité d'entre vous le savent, la gestion du thon est internationale, un peu comme les stocks de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest. Le thon est géré par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, la CICTA.

Cela fait quatre ou cinq ans que je suis un des commissaires de la CICTA.

Au Canada notre allocation internationale est de 535 tonnes métriques, peut-être un peu plus aujourd'hui, un peu plus ou un peu moins, de thon rouge et elle est répartie selon une formule sur cette base de 35 tonnes entre les diverses provinces et les divers participants à la pêche au thon rouge.

Avoir un quota international plus important pour le thon rouge ne nous déplairait certainement pas. Dans ma région, en particulier, chaque été voit arriver tous les bateaux du golfe qui viennent pêcher le thon le long de nos côtes pratiquement en face de notre conserverie. Aucun de nos bateaux ne peut pratiquer cette pêche car ils n'ont pas de permis pour le thon rouge. Nous avons une longue tradition de pêche à l'espadon, comme vous le savez, mais le thon rouge c'est une tout autre histoire.

Étant donné la structure de la CICTA, étant donné l'adhésion du Canada à la CICTA, ce sera extrêmement difficile.

Je dois dire, ayant participé à certaines des négociations, que les Japonais ont renoncé à une grande partie de leur quota de pêche en haute mer pour permettre au Canada, aux États-Unis et à d'autres pays pêchant dans l'Atlantique Nord d'avoir accès à un quota un petit peu plus important le long de nos côtes et pour donner l'impression d'une équité un peu plus grande de la forme de partage pour tout le monde.

Le thon est une espèce dont la gestion est délicate. Il faut être très prudent. Il y a beaucoup de caractéristiques environnementales à respecter et, franchement, il faut être très prudent et veiller à ce que cette pêche soit pratiquée de la manière la plus responsable possible.

Au niveau de la formule de partage, on pourrait peut-être trouver quelque chose, mais nous en avons déjà souvent discuté dans des contextes de négociation très difficiles et ce que nous avons aujourd'hui est probablement le mieux que nous pouvons espérer étant donné les circonstances et la nature internationale de ces négociations.

Le président: Je suppose, monsieur Ellsworth, que vous recommanderiez vivement à notre comité de s'intéresser à cette question. Il serait probablement fort utile que nous participions à certaines de ces réunions qui décident du sort réservé aux pêcheurs de thon canadiens.

M. Sam Ellsworth: Tout à fait, monsieur le président. Il ne faut manquer aucune possibilité d'éduquer les pêcheurs, tous ceux qui sont touchés ou qui s'intéressent à la pêche au Canada, surtout vous—suivre les débats de ces tribunes internationales, qu'il s'agisse de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer à New York, des réunions de l'OPANO ou de la CICTA à Madrid...

Croyez-moi, ces questions sont très complexes. C'est le même genre de questions dont parlent les journaux à propos des négociations sur le saumon sur la côte Ouest qui sont abordées durant ces réunions. Les débats sont tendus et la formule actuelle est probablement le mieux que nous puissions espérer.

Le dossier n'a pas bien évolué. Si nous avions été plus rapides au départ, nous aurions peut-être eu un bien meilleur quota. Nous n'avons commencé à nous manifester qu'en 1978 bien que nous nous y intéressions depuis bien plus longtemps. Il faut revenir au début de la CICTA et des formules de partage internationales.

Nous estimions indispensable que tout bateau japonais ou tout autre bateau entrant dans notre zone ait à son bord en permanence un observateur. Même quand le bateau quitte la zone, il faut que l'observateur reste à bord jusqu'à ce que l'expédition soit terminée, que le bateau soit dans les eaux internationales ou non.

Il y a donc eu certaines concessions, et la réglementation commence à être respectée et à entraîner certaines sanctions, et la CICTA commence véritablement à faire preuve d'une certaine responsabilité au niveau de la gestion de ce stock de poisson.

M. Charles Hubbard: J'ai l'impression de recevoir des messages contradictoires, monsieur Ellsworth, quand j'écoute vos réponses concernant les responsabilités et les activités du ministère des Pêches. Vous semblez avoir beaucoup de respect pour les décisions qu'il prend et pour sa gestion méticuleuse des pêches. Parallèlement, parlant de la stratégie, les deux témoins ont semblé se plaindre de ce qu'ils qualifient de problèmes bureaucratiques et de la nécessité d'autonomie locale. Pourriez-vous nous expliquer ces contradictions? C'est peut-être que le budget n'est pas administré par le bon ministère ou que peut-être les bureaucrates ne sont pas ceux de la bonne agence.

• 1140

M. Newell parle de la nécessité de retirer des permis et de retirer certains pêcheurs du circuit, et il semble que la majorité de l'argent—en fait près de 76 p. 100—a été simplement utilisé comme soutien au revenu. Avez-vous, l'un ou l'autre, des recommandations à nous faire sur la manière d'utiliser dorénavant l'argent pour payer les pêcheurs touchés par la situation catastrophique du poisson de fond?

M. Sam Ellsworth: Je vous répondrai en premier puis Ron complétera.

Oui, je suis tout à fait d'accord. Ceux qui ont administré le programme, surtout dans notre région, ne connaissaient tout simplement pas suffisamment les participants et ne comprenaient pas la structure des communautés dans lesquelles le programme devait être appliqué. Tout s'est fait dans la précipitation. La communication au niveau du programme, de sa signification et de son application, a été très mauvaise à notre point de vue.

Vous avez entendu Ron vous dire combien tout a changé après le lancement. Nous étions, bien entendu, tout à fait favorables à la stratégie de réduction—et quand nous disons «réduction», nous n'entendons pas forcément le nombre de pêcheurs; nous entendons la capacité de pêche, la technologie, et la puissance de pêche qui existe actuellement. Mais comme vous l'avez entendu dire plus tôt par M. Newell, cet aspect du programme a été pratiquement réduit à néant avant d'accomplir quoi que ce soit.

Peut-être que s'il y avait un plus grand degré de coopération avec les fonctionnaires du ministère pour identifier les participants sincères et concernés de l'industrie, ceux dont les dossiers sont tout à fait valables, nous pourrions avoir plus de chance la prochaine fois. Il est certain, si un autre programme devait être envisagé, qu'une absence d'autonomie locale au niveau des prises de décisions entraînerait à nouveau de grandes difficultés et que s'élèveraient le même genre de critiques que pour le dernier programme.

Ron.

M. Ron Newell: Je suis d'accord avec Sam à propos des critères. Il me semble qu'il n'y a pas eu beaucoup de consultations de l'industrie, ou qu'elle n'a pas été écoutée, car c'est le pêcheur qui dépend de la récolte de poisson de fond qui est le premier concerné. Sous prétexte qu'un bateau pratiquait un autre type de pêche, il n'était plus qualifié. Il y a quelque chose qui ne va pas. Ce pêcheur a du mal à s'en sortir, et il a du mal à s'en sortir depuis que cette crise du poisson de fond a éclaté. Quelqu'un n'a pas écouté, c'est certain. C'était une très mauvaise politique.

Si un autre programme est proposé, il faut absolument consulter l'industrie et l'écouter. Il faut aller voir et écouter les intéressés.

Le discours que je vous ai fait il y a quelque temps est celui tenu par les pêcheurs. C'est la somme de ce qu'ils me disent quand je les rencontre que je vous ai rapporté hier soir. Je crois que l'industrie est disposée à assumer une petite part du coût au niveau du rachat des permis. Elle voit beaucoup mieux la situation aujourd'hui.

Si la stratégie du poisson de fond n'avait pas été du tout modifiée à partir de 1994, lorsqu'elle a été lancée, le taux de réussite aurait été beaucoup plus élevé. Mais tellement de choses sont arrivées depuis le jour de son démarrage, et je sais que c'est parce qu'il y a eu plus de candidats qualifiés que vous ne l'aviez prévu—je crois presque le double. Je ne sais pas qui avait fait les calculs, mais ils étaient loin de la vérité. Et je sais que cette forme de soutien du revenu est alors devenue pratiquement inévitable.

À l'époque, comme je vous l'ai dit, beaucoup de pêcheurs croyaient que d'ici cinq ans, tout irait mieux. Je ne pouvais le leur confirmer. Mais ce matin, avant de venir, j'ai rencontré un d'entre eux dans un magasin local qui m'a dit qu'il voulait quitter la pêche.

Mais il ne s'agit pas uniquement de la crise dans les stocks de pêche; cela va beaucoup plus loin. C'est tout le système de recouvrement des coûts. Les pêcheurs ne peuvent se permettre de plier bagages du jour au lendemain. Comment expliquer à un pêcheur qui pêche à peine pendant trois ou quatre semaines qu'il doit verser 4 000 $ à 5 000 $ en droits de quai et toutes sortes d'autres frais d'utilisation? Comment peut-il espérer réussir? Il n'y a pas que cela non plus: il y a les cotisations obligatoires, le système de comptabilité, la réforme de l'assurance-emploi, etc. Cela les rend malades d'avoir à payer tout cela, et cela les traumatise. Ils craignent en mai prochain de se retrouver le bec à l'eau.

• 1145

Le milieu de la pêche doit être consulté. Je crois qu'on peut réussir, et j'en suis même convaincu. Si vous écoutez ce que nous avons à dire, et que vous prenez très au sérieux ce que pense le milieu de la pêche, nous pourrons réussir et faire du bon travail.

Le président: Passons maintenant à Mike Scott, de la Colombie-Britannique.

Monsieur Scott.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.

Messieurs, merci de votre exposé. Je suis heureux de vous entendre dire ce que vous pensez de la stratégie.

J'ai trois questions à poser, et j'espère avoir le temps de le faire.

Voici la première. Lorsque j'étais à Terre-Neuve à l'automne dernier, j'ai parlé à des gens qui étaient admissibles à la stratégie, dès l'époque où le programme a été annoncé et instauré. Ces gens avaient reçu des lettres du gouvernement dans lesquelles on leur disait qu'ils étaient admissibles et qu'ils continueraient à recevoir des prestations jusqu'à une date donnée. J'ai vu certaines de ces lettres, et on pouvait y lire que telle ou telle personne aurait droit à des prestations jusqu'en 1998 ou 1999, selon le moment auquel ils avaient été déclarés admissibles. Mais le gouvernement a tout d'un coup déclaré que le programme cesserait faute de fonds et qu'il ne pourrait honorer ses engagements.

Les gens de votre région ont-ils reçu des lettres du gouvernement leur annonçant qu'ils étaient admissibles? Est-ce qu'on leur promettait des prestations jusqu'à une date donnée? Le gouvernement a-t-il ultérieurement fait savoir qu'il n'honorerait pas les engagements qu'il avait pris dans ces lettres?

M. Ron Newell: Je puis répondre pour les gens de ma région, parce qu'à chaque fois que la stratégie pose problème, c'est généralement vers moi qu'on se tourne.

En effet, nombre de pêcheurs ont reçu des lettres dès 1994 leur confirmant l'existence d'un programme quinquennal qui se terminera en mai 1999. Ces mêmes gens ont ultérieurement reçu une deuxième lettre leur annonçant que le programme ne durerait que jusqu'en mai 1998.

Certains pêcheurs de ma région ont été déclarés admissibles pour quelques années seulement, et pas pour les cinq ans du programme. Certains étaient admissibles jusqu'en 1997, mais il y a un an, ils ont reçu une lettre les informant qu'il y avait eu une erreur et que leurs prestations prendraient fin en 1996.

Le pire, c'est que des tas de pêcheurs sont allés voir leur banquier muni de leur lettre et ont contracté des engagements financiers en se fiant sur la promesse du gouvernement. Ils étaient convaincus qu'ils seraient admissibles à la stratégie jusqu'en 1998 ou jusqu'en 1999 et en avaient informé leur banquier. Puis, du jour au lendemain, tout bascule. Certaines ne reçoivent même plus un sou.

Voilà pourquoi je dis et je répète que les règles du jeu ont été changées en cours de route. La stratégie était un programme doté d'excellentes intentions, mais dont les règles du jeu ont changé. À quoi cela sert-il de lancer un programme dont vous modifiez les règles en cours de route? C'est la grande raison pour laquelle la stratégie est un échec.

Vous avez raison de dire, monsieur Scott, que ce genre de choses-là est généralisé, en tout cas dans ma région.

M. Mike Scott: Justement. Je voulais que le comité comprenne bien que les bénéficiaires de la stratégie avaient été avisés par écrit qu'ils avaient droit à certaines prestations et qu'ils les recevraient jusqu'à une date donnée. Que nombre de ces gens—et j'ai parlé avec beaucoup d'entre eux en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve—s'étaient fait consentir des emprunts par leur banque, forts de cette lettre, signée du gouvernement fédéral. Que ces lettres provenaient bel et bien du gouvernement fédéral. Or, si on ne peut plus se fier à ce que vous écrit le gouvernement fédéral, à qui peut-on désormais se fier? C'est justement cela que j'essaie d'expliquer: le gouvernement a pris certains engagements à l'égard de certaines personnes, puis il a modifié ou carrément résilié son contrat. Je voulais que les membres du comité en soient bien conscients.

Ma deuxième question est dans la foulée des commentaires d'il y a quelques minutes de M. Baker. Lors de mon voyage l'automne dernier à Terre-Neuve, j'ai été sidéré de constater que tout au long du moratoire et même encore aujourd'hui, des navires de pêche étrangers continuent à pêcher le poisson de fond de l'Atlantique à l'intérieur de la limite de 200 milles. Pouvez-vous le confirmer?

• 1150

M. Sam Ellsworth: C'est sans doute le cas, parce que certaines de nos zones de pêche à l'intérieur de la limite de 200 milles sont gérées par l'OPANO; or, de tout temps, dès qu'une pêche était ouverte et dès que le Canada y prenait part, il se trouvait dans l'obligation de partager ses eaux, à hauteur du quota accordé à ces navires étrangers.

M. Mike Scott: Vous savez, moi, je ne suis qu'un péquenaud de la Colombie-Britannique et je n'y connais rien. Comment peut-on espérer que les stocks se renouvellent si l'on continue à pêcher là où il y a pénurie et si on continue à le faire avec d'énormes chalutiers océaniques réfrigérés plutôt qu'avec des petits bateaux de pêche aux lignes comme dans South West Nova? Il s'agit là d'énormes navires avec une énorme capacité. Je ne comprends pas comment le ministre des Pêches peut envisager ce scénario et s'imaginer que les stocks pourront se renouveler dans ces conditions-là.

Ce n'est pas vraiment une question, mais plutôt un commentaire.

M. Sam Ellsworth: Tout stock faisant actuellement l'objet d'un moratoire ne fait l'objet d'aucune pêche par qui que ce soit, y compris par les flottes de l'OPANO. Toutefois, tout autre stock qui pourrait être considéré comme exploitable... mais nous essayons de voir le tout sous l'angle de l'écologie. Ce qui nous effraie le plus, c'est la pêche des espèces qui servent d'appât et surtout des espèces qui servent à renouveler nos stocks. Si nous ne faisons pas très attention, il pourrait ne pas y avoir reconstitution des stocks. Cela dit, je pourrais affirmer avec assurance qu'aucun des stocks auxquels un moratoire s'applique ne fait l'objet de pêche par des navires étrangers dans les eaux canadiennes.

Le président: Monsieur Ellsworth, M. Scott parlait plutôt des 5 p. 100 de prises accessoires sur le quota du flétan noir dans les deux extrémités des Grands Bancs dans la zone 3L, c'est-à-dire dans la zone de la morue du Nord; si l'on calcule 20 000 tonnes de flétan noir, cela représente 1 000 tonnes de morue du Nord que peuvent pêcher les navires étrangers.

Puisque vous hochez la tête, c'est que vous êtes sans doute d'accord.

Nous passons maintenant au Labrador, à M. O'Brien.

M. Lawrence D. O'Brien: Messieurs, j'ai eu grand plaisir à vous entendre. Ce que vous avez dit est tout à fait approprié, et cela touche au grand mystère de la pêche dans l'Atlantique.

Dans vos commentaires préliminaires, monsieur Ellsworth, vous avez parlé de faux espoirs. Vous avez également fait le lien avec la surcapacité, et je pourrais continuer indéfiniment.

J'ai essayé de tout placer cela en perspective. Je revenais aux questions qui avaient été posées avant les miennes, à propos des 5 p. 100, du thon, des Cubains, etc. Je me disais: à quoi faisons-nous face, moi comme député, nous comme comité et vous comme groupe d'utilisateurs bénéficiaires de quotas?

On dit bien que charité bien ordonnée commence par soi-même. Je voudrais bien croire que c'est vrai. Même si personnellement j'y crois, comme député et qui plus est député ministériel, ce n'est malheureusement pas le cas.

Comme beaucoup d'autres, je suis partisan convaincu... Vous et M. Scott conviendrez sûrement que pour la pêche au saumon en Colombie-Britannique ou en Gaspésie, quelle que soit l'espèce... Je suis un partisan convaincu de la contiguïté. Il se trouve aussi que je suis un habitant du Labrador—je ne dirai pas de Terre-Neuve, George, parce que ce n'est pas ainsi que je me sens—et je suis aussi un Canadien.

• 1155

Il faut que je mette les choses en perspective. À propos des quotas, vous dites que le président de la South West Fishermen's... Qu'avez-vous dit? C'est dans cette perspective que je veux mettre les choses, parce que je pense à la crevette et au fait que les gens de la Nouvelle-Écosse vont la pêcher au large du Labrador. Je pense au flétan.

Ces deux choses-là, Nancy, vous rapprochent vous et moi, puisqu'il est question de contiguïté.

Je pense au flétan et aux quotas que les autres provinces de l'Atlantique obtiennent par rapport à ce que nous obtenons dans ma circonscription. Je pense à la stratégie du poisson de fond. J'ai plus d'un millier de personnes accrochées à cette stratégie et qui meurent à petit feu, comme dirait M. Scott, après la lettre d'engagement qu'ils ont reçue et dont j'ai parlé l'autre jour.

De toutes les espèces au large de nos côtes—le crabe, le flétan, la crevette et Dieu sait quoi d'autre... Que je n'oublie surtout pas les phoques qui sont là par millions. Pourtant, je me débats tous les jours que le bon Dieu amène avec le fatras de règles qui pleuvent de partout—de la province s'ils ont trait à la transformation, du ministère des Pêches si c'est relié à la capture. Chaque fois que j'envoie une lettre, la réponse semble contredire tout ce à quoi je crois.

Je sais, Sam, vous vous occupez beaucoup de cela. Pouvez-vous m'aider à m'y retrouver dans ce dédale? Pensez-vous comme moi—c'est peut-être plus difficile pour vous—que la contiguïté est pertinente ici? Si je pose la question, c'est parce que, honnêtement, je ne vois pas beaucoup de gens du Labrador qui pêchent au large de la Nouvelle-Écosse ou au sud-ouest de Terre-Neuve, alors que le contraire...

Je suis un Canadien et, oui, je crois que les autres Canadiens doivent pouvoir pêcher au large du Labrador. Mais, grand dieu, si je n'ai que 500 pêcheurs, je pense qu'ils devraient pouvoir y gagner leur vie.

Merci.

Le président: Monsieur Ellsworth, pourriez-vous essayer de répondre au député du Labrador? Nous savons que vos flottilles dans la région sont très mobiles et vont très loin pour capturer le poisson. Pourriez-vous essayer de répondre à la question?

M. Sam Ellsworth: Je veux bien essayer, mais nous n'y arriverons pas en quarante-cinq minutes.

Je vais aller à Ottawa demain en éclaireur et si quelqu'un veut me contacter, je disposerai d'une heure ou deux. Si vous voulez qu'on en discute en tête-à-tête, je pourrai étoffer ce que je vais vous dire.

La contiguïté est un principe de la Convention sur le droit de la mer, et le Canada a toujours défendu vigoureusement certaines des dispositions de la Convention. J'ai participé à la préparation de la dernière, sur les espèces transfrontières fortement migratoires. Oui, c'est de cette façon que nous sommes censés gérer les pêches dans le monde.

Dans notre structure à nous, c'est devenu très complexe.

Comme le président, M. Baker, l'a dit, pendant de nombreuses années les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse ont été au sein de la zone canadienne des pêcheurs hauturiers. Nos flétaniers étaient bien présents, même les moins de 65 pieds, dans les zones comme 3PS, 3NO et les Grands Bancs de Terre-Neuve, à l'époque des «SaltBankers». Cela remonte à il y a très longtemps. L'histoire est très ancienne.

Certaines de ces réalités historiques sont maintenant incorporées à la politique de pêche qui se trouve dans la réglementation du ministère. Elles le sont aussi dans les accords de l'OPANO et de la CICTA. Voilà où réside la difficulté.

Je dois être honnête avec vous, monsieur O'Brien. Encore un peu, et vous serez tout aussi perdu que nous dans l'industrie face à ces règles, tant il y en a et tant c'est complexe.

Il y a effectivement des gens à qui on a refusé l'accès aux pêcheries. Dans le droit de la mer, il y a un droit d'accès, mais lorsque les stocks sont épuisés ou assujettis à un moratoire, il n'y a plus d'accès.

Que fait-on pour ceux qui ont de longs antécédents, une longue appartenance à la pêche? Que fait-on dans ce cas? Ce sont eux qui ont prix de l'expansion, qui ont pris les risques, qui pêchent depuis de nombreuses années.

• 1200

Je comprends votre situation, mais dans l'état actuel... J'ai parlé de l'absence de politique, et il faut éviter de compliquer encore les choses, mais il sera très difficile d'avoir accès à une pêcherie qui est mal en point ou assujettie à un moratoire pour quelqu'un qui ne s'est jamais livré à la pêche.

Comme je l'ai dit, il y a des gens au pays à qui l'on a refusé de tout temps l'accès à certaines de ces pêcheries. À cause de la crise écologique, c'est une immense pagaille.

C'est la meilleure réponse que je puisse vous donner en peu de temps, mais, comme je l'ai dit, je me ferai un plaisir de vous en dire plus long, en tête-à-tête si vous le voulez.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Ellsworth.

Passons au dernier intervenant, M. Bernier, du Québec.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: D'abord, je tiens à remercier les témoins. Ce fut une longue entrevue, mais je commence à être habitué, moi aussi, aux sorties de M. Baker.

Je vais donc formuler une courte question à l'intention de MM. Ellsworth et Newell. J'ai noté dans chacune de vos interventions, et particulièrement celle de M. Ellsworth, que vous disiez que si on doit avoir une prolongation de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, la SPA, vous souhaitez que l'on offre plus d'autonomie locale dans le cadre de cette future stratégie.

J'aimerais que vous précisiez un peu ce que vous entendez par un plus grande d'autonomie locale. Je diviserai ainsi ma question: souhaitez-vous un peu plus d'autonomie locale en termes de division et de répartition du poisson offert à votre communauté, donc au niveau de la capture et, d'autre part, quand on parle d'autonomie locale, est-ce que vous pensez à des mesures offertes par Développement des ressources humaines Canada, c'est-à-dire la formation ou la diversification de l'économie dans votre coin? J'aimerais entendre la réponse de M. Ellsworth à ce sujet.

J'aimerais que M. Newell intervienne tout de suite après lui, puisque j'ai noté qu'il s'intéresse fortement au problème de la rationalisation. Son groupe et lui sont intéressés à ce que les pêches continuent et ils sont conscients qu'il y a un peu trop de monde pour le moment. Ce serait donc à contrecoeur que certaines personnes se retireraient des pêches, bien qu'elles soient prêtes à le faire pour la survie de l'industrie. J'ai cru comprendre que le groupe de M. Newell serait même prêt à s'engager à acheter les contingents en vue d'effectuer une rationalisation. Alors, on parle d'autonomie locale et on dit que des gens veulent s'impliquer. Je serais intéressé à en savoir un petit peu plus là-dessus. Merci.

[Traduction]

M. Sam Ellsworth: Merci, monsieur Bernier. Je vais essayer de vous répondre une question à la fois.

Tout d'abord, la plus grande partie du poisson qui nous est accessible en Nouvelle-Écosse dans la catégorie du poisson de fond est attribuée à plusieurs unités de gestion locales. Cela dit, Ron et moi-même, et tous ceux qui pêchent, pensons que ce n'est pas tout le monde qui peut continuer à le faire.

Hier, aux consultations du CCRH à Dartmouth, des spécialistes nous ont dit que la capacité de pêche augmentait de 300 p. 100 depuis la fermeture de la pêche. Il y a donc de nouveaux permis pour cette pêcherie, ce qui crée des pressions intenables.

Ce que nous voudrions faire, et ce que nous entendons par autonomie locale, c'est que si vous prenez une de ces unités de gestion et que vous envoyez quelqu'un d'un ou de plusieurs ministères—il en faut peut-être plus d'un pour ce travail—qui sera responsable de nous donner des avis, et si vous commencez à travailler avec les dirigeants de l'un de ces comités, alors beaucoup des choses dont nous avons parlé, comme les attributions de poisson...

Il existe déjà des possibilités d'échange d'un groupe à l'autre. Par exemple, lorsque nous pêchons—et encore une fois, nous pêchons plusieurs espèces—si nous sommes à court de morue, je peux prendre le téléphone et appeler l'organisme de Ron, celui de Pam Decker ou de quelqu'un d'autre et dire: «nous n'avons plus de morue. Je crois que vous avez un surplus. Est-ce que nous pouvons en acheter, ou vous échanger de l'églefin contre de la morue?» Et ça marche. Nous pouvons rester en mer, malgré de très modestes limites de prises par sortie, malgré la rémunération très basse, mais c'est une pêche que nous avons réussi à préserver jusqu'à maintenant.

• 1205

Si nous commençons à nous identifier... ils s'identifient eux-mêmes. Comme l'a dit Ron, les pêcheurs sont très nombreux à vouloir quitter le métier. Chez moi, il y a des pêcheurs qui envisagent de vendre à l'extérieur de la collectivité. Il est essentiel qu'on leur permette de partir dans la dignité, la tête haute, et que l'on prenne leurs besoins en charge.

On pourrait aussi faire autre chose. Avec tous les programmes, il devrait être facile de proposer une certaine diversité d'activités économiques à ceux qui quittent la pêche. Dans ma collectivité, nous commençons à transformer des prises accessoires, comme le chien de mer. Nous avons quelques produits du requin. Il existe aussi ce projet d'aquaculture dont je vous ai parlé.

Avec une injection de fonds supplémentaires, ces projets pourraient prendre une expansion considérable. Nous avons trouvé des marchés et nous sommes sur la bonne voie; nous pourrions renforcer l'économie de toutes ces collectivités. Mais il faut véritablement considérer les choses à la base en Nouvelle-Écosse, car les situations sont différentes à l'Est et à l'Ouest.

Dans ces circonstances, comme certaines zones font toujours l'objet d'un moratoire, alors que dans d'autres, on a encore un semblant de pêche, les choses sont bien différentes. C'est pourquoi il faut une certaine autonomie locale; Ron, les autres et moi-même ne sommes nullement opposés à ces groupes de coordination communautaires qui permettront de gérer les affaires de façon logique et pragmatique.

Le président: Merci, monsieur Ellsworth.

Monsieur Newell.

M. Ron Newell: Je vais continuer sur le même thème.

Comme je l'ai dit, il y a un déséquilibre entre la ressource et les participants à la pêche, et je pense qu'il n'y aura jamais équilibre, car même si les stocks se reconstituent, il y aura toujours un quota, pour des raisons de prudence. Dans notre secteur, la rumeur veut que le quota pour la morue diminue en 1998.

Cette année, 188 pêcheurs ont formé une association. Ils ont réparti les prises en parts égales, et tout le poisson a été divisé en 188 parts. Cela donnait 6 746 livres de poisson de fond par pêcheur pour l'année, à un prix moyen de 70 cents la livre, et on envisage une diminution de la morue pour l'année prochaine. Tous ces gens m'appellent. Ils savent que je suis ici aujourd'hui. Lorsque je retournerai ce soir dans le comté de Shelburne, vers 17 ou 18 heures, ils vont m'appeler par téléphone ou ils viendront frapper à ma porte pour me demander comment les choses se sont passées et s'il va y avoir un rachat.

Le Chronicle Herald d'aujourd'hui titrait en manchettes: des pêcheurs mécontents veulent se retirer. Je peux vous le dire, il faut saisir l'occasion. Elles existent beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a quatre ans, parce qu'à l'époque, les pêcheurs ne prenaient pas la situation au sérieux. Aujourd'hui, ils la prennent au sérieux. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui, c'est pourquoi je me suis battu et je continuerai à me battre. Je crois que c'est indispensable; je crois que c'est essentiel. À partir du mois de mai prochain, ces pêcheurs, avec leurs 6 746 livres de poisson, toucheront sans doute encore moins d'argent. Que vont-ils faire s'ils n'ont plus le soutien du revenu de la stratégie du poisson de fond?

Je veux aussi insister sur le fait que ce qui est bon pour le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ne l'est pas nécessairement pour Terre-Neuve. La taille unique ne convient pas à tout le monde. Comme l'a dit Sam, il faut se rendre dans la région pour constater les problèmes. Nous faisons encore la pêche et les stocks de certaines espèces se reconstituent, mais nous procédons avec prudence, c'est certain. On ne peut pas imposer une stratégie du poisson de fond de l'Atlantique couvrant tout le Canada atlantique, car les problèmes sont différents d'une région à l'autre. Terre-Neuve est soumise à un moratoire qui s'étend aussi à l'est de notre province et au Cap-Breton, mais au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, on peut encore pêcher. Les mesures doivent donc être ciblées régionalement.

• 1210

Par ailleurs, il faut consulter l'industrie. Son apport est essentiel. Je ne pense pas qu'on l'ait fait la dernière fois. S'il n'y a pas de rachat ni d'autre forme d'assistance après mai 1998, il se produira un véritable désastre. J'imagine déjà le tableau, les familles qui se séparent, etc. Tout cela va créer d'énormes disparités.

Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour dresser un tableau trompeur de la situation. Je vous parle du fond du coeur. Je vous dis ce qui se passe chez nous. Je suis venu ici le 3 février rencontrer le comité permanent dans cette même salle et j'ai dit la même chose, mais nous sommes maintenant à sept mois de l'échéance fatale. Il est indispensable de faire quelque chose, et tout de suite. Je demande instamment au Comité permanent des pêches de prendre mes propos et ceux de Sam au sérieux, puis de trouver une solution. Venez rencontrer les pêcheurs et proposez-nous quelque chose pour remédier à l'expiration de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique en mai 1998. Autrement, nous nous dirigeons tous vers un véritable désastre, prenez-en ma parole.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Newell et monsieur Ellsworth. Vous nous avez amplement donné matière à réflexion. Vos exposés étaient excellents. Nous vous remercions très sincèrement d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

La séance est levée.