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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 juin 1998

• 0908

[Traduction]

Le président (l'honorable Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous allons poursuivre l'étude du projet de loi C-32.

Conformément au Règlement, je mets l'article 1 en délibération.

(Article 1—Titre abrégé)

Le président: Avant de présenter les témoins, j'ai quelques annonces à faire.

Je signale tout d'abord que le Forum national sur le changement climatique, qui a été instauré par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, tiendra demain à midi, c'est-à-dire mercredi, une cérémonie de déclaration à la pièce 112 N. Je vous lis son communiqué que vous ne recevrez peut-être pas; c'est pourquoi je vous le signale. Le greffier pourra vous donner des renseignements supplémentaires. Ce forum est composé de 25 récipiendaires de l'Ordre du Canada auxquels on a demandé d'examiner le problème des changements climatiques dans le sillage de la Conférence de Kyoto. C'est tout ce que j'avais à dire à ce sujet.

• 0910

Un dîner aura lieu aujourd'hui à midi, à la salle de la Nouvelle-Zélande; les membres du comité y sont invités, ainsi que leurs employés et les témoins; ce dîner est organisé par le Fonds mondial pour la nature. Vous avez peut-être reçu un avis la semaine dernière. C'est une invitation.

L'annonce suivante concerne une séance d'information avec John Moffatt dans le cadre de laquelle on fera un examen comparatif de la LCPE actuelle, du rapport intitulé Notre santé en dépend!, de la réponse du gouvernement et des diverses versions, aux diverses étapes, des projets de loi qui ont précédé le projet de loi C-32. Nous avons prévu une réunion pour lundi après-midi, afin de permettre aux membres qui étaient en retard la dernière fois ou qui n'avaient pas pu assister à la réunion pour des raisons d'ordre professionnel et pour d'autres raisons, de participer à cet examen qui pourrait nous aider beaucoup à comprendre les rouages du projet de loi.

Nous examinerons ensuite la question—qui a été abordée à la Chambre il y a quelques semaines—des Autochtones des Territoires du Nord-Ouest, de Delenhe plus précisément, qui ont transporté de l'uranium sur leur dos dans leur jeunesse. Un pourcentage élevé des membres de cette communauté sont décédés du cancer. Il s'agit d'hommes dénés qui ont transporté des sacs d'uranium sur leur dos pour les charger sur des barges, dans les années 50. L'uranium était placé dans des sacs de tissu semblables à ceux que l'on utilise pour la farine. La mine située à proximité de cette agglomération produisait cet uranium, qui était acheminé de Port Radium vers divers endroits comme Eldorado, pour y être transformé.

C'est un problème qui mérite incontestablement l'attention du Parlement. Nous consulterons d'abord le Comité de la santé et le Comité des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, pour savoir s'ils comptent se rendre dans cette localité pour se renseigner directement sur ce problème. S'ils décident d'y aller, nous leur demanderons la date et nous avertirons ceux et celles d'entre vous qui souhaiteraient se joindre à eux. S'ils renoncent à se rendre dans cette localité à l'automne, nous mettrons la question à l'ordre du jour, pour décider si nous devrions y aller pour obtenir des renseignements plus précis à ce sujet.

Je signale à ceux et celles d'entre vous que cela intéresse que vous pouvez obtenir un exemplaire du texte de l'émission radiophonique qui a été diffusée le 16 mai, où vous trouverez des renseignements beaucoup plus précis que ceux que je viens de vous donner.

C'est tout en ce qui concerne les annonces.

Nous accueillons aujourd'hui notre premier groupe de témoins. Je leur souhaite la bienvenue en votre nom.

Monsieur Muldoon, monsieur Winfield et monsieur Shrybman, nous nous réjouissons d'entendre vos exposés.

J'ai une nouvelle à vous annoncer: étant donné que le nombre de témoins sera passablement élevé, nous avons décidé d'utiliser une minuterie, une superbe minuterie à double sonnerie de Radio Shack, qui transmettra un signal au bout de huit minutes, puis un autre signal plus insistant au bout de dix minutes.

• 0915

Nous avons pris cette décision pour faire respecter la règle par tous les témoins. Je sais que vous êtes très disciplinés et que vous veillez à ne pas parler trop longtemps. La minuterie émettra tout simplement un léger bruit de fond. Nous avons toutefois jugé bon d'avoir recours à cet appareil pour faire observer la règle pendant toute la durée des audiences. Cela veut dire que vous disposez de dix minutes chacun et que vous aurez droit à un léger avertissement au bout de huit minutes.

C'est à vous de décider l'ordre dans lequel vous faites les exposés. Veuillez vous présenter. Nous sommes heureux que vous soyez venus. Soyez les bienvenus.

M. Paul Muldoon (directeur général, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Paul Muldoon et je suis directeur général de l'Association canadienne du droit de l'environnement. C'est moi qui prendrai la parole le premier.

Je suis accompagné de M. Mark Winfield, directeur de la recherche pour l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement et de Steven Shrybman, directeur général de la West Coast Environmental Law Association.

L'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement et l'Association canadienne du droit de l'environnement vous présentent en commun ce mémoire qui donne un aperçu général de nos opinions sur le projet de loi C-32 intitulé Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

La CELA et le CIELAP entendent faire une analyse détaillée et systématique du projet de loi, en vous recommandant des amendements précis, formulés dans le jargon juridique, que vous pourrez utiliser lorsque vous procéderez à l'étude article par article, à l'automne. Aujourd'hui, nous aurons uniquement le temps de vous parler des principaux aspects de l'étude plus détaillée que nous vous remettrons plus tard. Même dans notre exposé, nous nous contenterons d'aborder certains points absolument essentiels en espérant pouvoir en discuter plus à fond pendant la période des questions.

Comme vous le savez, l'Association canadienne du droit de l'environnement est un groupe de défense de l'intérêt public qui a été créé en 1970. Nous nous intéressons à cette question depuis le début et nous avons suivi les discussions sur la LCPE actuelle et toutes les consultations qui ont précédé l'élaboration de ce projet de loi.

Nous présidons en outre le Caucus sur les substances toxiques du Réseau canadien de l'environnement et par conséquent, les opinions que nous exprimons reflètent celles de nombreux organismes de toutes les régions du Canada.

Je vais faire quelques observations d'ordre très général sur le projet de loi, puis je parlerai très brièvement des dispositions concernant les substances toxiques et de celles concernant la participation du public.

L'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement et l'Association canadienne du droit de l'environnement ne peuvent appuyer l'adoption du projet de loi C-32 sous sa forme actuelle. Il nécessite des amendements importants dans plusieurs domaines clés. L'entrée en vigueur du projet de loi sans y avoir apporté de modifications profondes marquerait un recul sur le plan de la protection de la santé et de l'environnement des Canadiens.

Nous sommes particulièrement préoccupés par les dispositions du projet de loi qui portent sur la réglementation de la technologie, les substances toxiques, l'harmonisation environnementale, les droits des citoyens, la prévention de la pollution et les nouvelles substances chimiques.

Sachez que nous ne pouvons appuyer l'adoption du projet de loi, et nous vous demandons par conséquent d'y apporter des modifications assez radicales pour qu'il puisse bénéficier non seulement de notre appui mais aussi, comme je l'ai déjà signalé, de celui de nombreux groupes d'intérêt public dont vous entendrez le témoignage.

Je commencerai par la partie 2 intitulée «Participation du public».

La partie 2 du projet de loi confère effectivement certains droits nouveaux ou renforcés aux Canadiens. Elle prévoit notamment l'établissement d'un registre de la protection de l'environnement qui constitue un outil nouveau et important, qu'il y a lieu d'appuyer. Par contre, l'élément qui constitue le pivot de ce projet de loi, c'est-à-dire l'action en protection de l'environnement, pose, à notre avis, certains problèmes.

Nous estimons depuis longtemps qu'il est nécessaire d'accorder aux citoyens des droits leur permettant de faire appliquer les lois et règlements concernant l'environnement. Cette partie du projet de loi instaure une infrastructure à cet effet. Certaines dispositions posent toutefois de gros problèmes.

L'objectif est de garantir aux citoyens l'accès aux tribunaux pour faire poursuivre les contrevenants et d'obliger le gouvernement à rendre davantage de comptes au sujet des mesures qu'il prend pour faire respecter la loi.

Le plus gros problème que pose toutefois cette nouvelle action que pourront prendre les citoyens, c'est qu'elle est assortie d'un trop grand nombre de conditions ou de restrictions; par conséquent, les citoyens renonceront à y avoir recours et elle ne permettra pas d'atteindre le but visé.

• 0920

En outre, le projet de loi omet deux éléments clés que l'on retrouve pourtant dans d'autres textes législatifs canadiens, et plus particulièrement dans la Charte des droits environnementaux de l'Ontario.

Premièrement, si l'action en protection de l'environnement peut être intentée par un particulier qui prétend qu'il y a eu infraction au projet de loi C-32, celui-ci ne permet pas d'entreprendre une telle action lorsqu'une infraction est imminente. Autrement dit, il s'agit d'un droit qui ne peut être exercé qu'après coup. Une telle action ne peut être entamée qu'après que le mal ait été fait et pas de manière préventive.

Deuxièmement, les dispositions du projet de loi ne permettent pas aux citoyens d'intenter immédiatement des poursuites devant les tribunaux en cas d'urgence, sans avoir remis au préalable la demande d'enquête prescrite. Le recours à une telle action est assujetti à une demi-douzaine de restrictions supplémentaires. En effet, le projet de loi C-32 accorde le droit de s'adresser aux tribunaux mais crée tellement d'obstacles qu'il s'agit d'un droit purement symbolique, qui ne sera pas exercé; ces dispositions créent l'illusion de l'accès et de la reddition de comptes.

Nous recommandons que les dispositions du projet de loi C-32 concernant la protection de l'environnement soient modifiées de façon à permettre aux citoyens de recourir efficacement aux tribunaux, à l'instar d'autres lois en vigueur dans notre pays.

Je voudrais consacrer la majeure partie du peu de temps dont je dispose pour faire mon exposé aux dispositions relatives aux substances toxiques. Je dirais que d'une façon générale, ces dispositions représentent une nette amélioration. Cette partie du projet de loi renferme toutefois un certain nombre de faiblesses tellement graves qu'il est indispensable de les modifier.

Je voudrais parler plus particulièrement de l'article 64 qui donne la définition du terme «quasi-élimination». Depuis une dizaine d'années, certains groupes d'intérêt public recommandent de faire preuve d'une très grande sévérité à l'égard de certaines substances et d'en interdire l'utilisation ou le rejet en raison de leurs effets sur la santé et sur l'environnement.

Le principe du «déversement zéro» est largement connu et documenté dans les travaux de la Commission mixte internationale pour les Grands Lacs. C'est elle qui a mené la charge à cet égard. En fait, nous savons déjà depuis un certain temps que, en ce qui concerne les Grands Lacs, la meilleure solution pour régler les problèmes posés par ce genre de substances consiste à les interdire complètement. C'est ce que préconise l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. L'article II de cet article précise que l'objectif est de tâcher d'éliminer les rejets de toutes les substances toxiques rémanentes.

L'article 64 du projet de loi C-32 contient le terme «quasi- élimination» et le définit. Bien que nous soyons en faveur de cette quasi-élimination, la définition en question doit être rejetée. Elle est incompréhensible et inefficace. Elle revient à dire en effet que l'on est autorisé à utiliser et à produire les substances les plus dangereuses connues de l'être humain, pour autant qu'on ne les laisse pas sortir de l'usine en quantités mesurables et qu'elles n'aient pas d'effets nocifs. Par conséquent, cette définition légalise en quelque sorte l'utilisation et le rejet des substances les plus dangereuses, pour autant qu'elles ne sortent pas de l'usine en quantités détectables—encore faut-il savoir ce que l'on entend par là—et que l'on n'arrive pas à établir de lien causal entre ces substances et des problèmes de santé.

Comment peut-on prouver les effets de ces substances en quantités aussi infimes? Nous estimons par conséquent que la définition de l'article 64 doit être rejetée et ce, pour trois raisons. La première, c'est que, comme je l'ai signalé, la définition est incompatible avec le concept de prévention de la pollution. Comment ce projet de loi peut-il considérer d'une part la prévention de la pollution comme un objectif national en permettant d'autre part aux entreprises d'utiliser et de rejeter les substances les plus dangereuses, pour autant que l'élimination en soit contrôlée et que les quantités rejetées dans l'environnement ne soient pas détectables? Ces dispositions du projet de loi sont totalement incompatibles avec la politique qu'il vise à établir.

• 0925

La deuxième raison, c'est qu'il faut savoir ce que l'on entend par «un niveau inférieur au niveau mesurable». Les Canadiens ne sauront pas de quoi il s'agit et les fonctionnaires devront consacrer un temps fou à des discussions avec l'industrie pour tenter de définir ce niveau. J'ajouterais que, même si des substances dangereuses telles que les dioxines et les BPC sont rejetées en quantités non mesurables, il reste qu'elles s'ajouteront à toutes les autres substances émises dans l'environnement.

Si vous acceptez cette définition, vous faites tacitement abstraction de l'histoire, de l'évolution et des dispositions de l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. En fait, en l'acceptant cette définition en guise d'appui au projet de loi C- 32, vous rejetez cet accord. Vous n'avez pas le choix pour le moment: c'est l'un ou l'autre. Je trouve que c'est inacceptable, inefficace et pervers.

Le dernier commentaire que je voudrais faire au sujet de ces dispositions est que si on lit le projet de loi attentivement, on constate que le nombre de substances visées par cette «quasi- élimination» est probablement très limité et qu'il est en tout cas inférieur à une douzaine. Cela veut dire que la plupart des substances dont les effets nocifs sur le système endocrinien des êtres humains et des animaux sont connus ne seront probablement pas touchées.

J'estime personnellement que si vous adoptez le projet de loi tel qu'il se présente, vous approuverez en fait une conception désuète de la science et ne tiendrez pas compte des préoccupations de certains scientifiques au sujet des substances responsables de certains troubles endocriniens. Il faut formuler autrement cette disposition, de façon à prévoir l'élimination progressive de ces substances, tant celles dont les effets nocifs sur le système endocrinien ont déjà été reconnus que celles qui seront identifiées à l'avenir.

En guise de conclusion, je me contenterai de dire que le projet de loi C-32 fait fi de votre recommandation concernant la définition du terme «toxicité», à savoir qu'il convient de modifier cette dernière de façon à ce qu'elle reconnaisse le concept de toxicité inhérente. Nous recommandons par conséquent de modifier cette définition de façon à y ajouter ce concept. Autrement dit, la toxicité devrait être déterminée en tenant compte des propriétés inhérentes ou intrinsèques de certaines substances, de façon à éviter qu'elles n'aient des effets nocifs avant que l'on puisse agir. Une telle démarche est parfaitement conforme au principe de la prévention qui est censé constituer un des piliers de ce projet de loi.

Merci beaucoup.

Je passe maintenant le micro à Mark Winfield.

Le président: Merci, monsieur Muldoon.

Monsieur Winfield.

M. Mark Winfield (directeur de la recherche, Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement): Merci, monsieur le président.

L'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement est un organisme à but non lucratif qui fait de la recherche sur le droit et la politique de l'environnement. Il a été créé en 1970. Il s'appelait alors «Fondation canadienne de recherche du droit de l'environnement».

L'institut participe au processus d'examen de la LCPE depuis le début des consultations, c'est-à-dire depuis l'automne de 1993. En septembre 1994, nous avons présenté un volumineux mémoire au comité permanent chargé d'examiner cette loi. Nous étions également coauteur des réponses remises en mars 1996 par le caucus sur la biotechnologie et le caucus sur les substances toxiques du Réseau canadien de l'environnement, à la suite du dépôt de la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent en question.

Nous avons également participé à l'étude et aux tables rondes du comité permanent sur la réglementation de la biotechnologie, au printemps et à l'automne 1996. Nous avons également suivi depuis le début les efforts d'harmonisation environnementale, c'est-à-dire depuis l'automne 1993, et nous avons publié de nombreux commentaires et mémoires sur les diverses initiatives qui ont été prises.

Comme Paul l'a signalé, l'Institut et l'Association canadienne du droit de l'environnement ne peuvent approuver l'adoption du projet de loi C-32 sous sa forme actuelle. Il nécessite d'importantes modifications dans des domaines clés. S'il était adopté tel quel, nous considérerions que c'est un recul par rapport à la législation actuelle et nous préférerions dans ce cas que celle-ci reste intacte.

Nous sommes particulièrement préoccupés par les dispositions du projet de loi concernant la biotechnologie, les initiatives d'harmonisation environnementale et les nouvelles substances chimiques. S'il me reste assez de temps, je ferai de brefs commentaires sur les dispositions concernant les opérations gouvernementales et sur certaines dispositions prévues dans la partie intitulée «Dispositions diverses».

En ce qui concerne la biotechnologie, vous vous souvenez peut- être, à la suite de l'étude que vous avez faite sur la réglementation de la biotechnologie, que la législation actuelle stipule que tous les produits de biotechnologie doivent être soumis à une évaluation de leur toxicité selon les modalités prévues par la LCPE, avant d'être importés ou fabriqués au Canada. Il s'agit en fait d'une évaluation de leurs effets possibles sur l'environnement et sur la santé humaine. La loi actuelle précise que cette évaluation peut être effectuée en vertu d'autres lois adoptées par le Parlement, notamment par la Loi sur les semences en ce qui concerne les plantes de grande culture. Cette évaluation doit toutefois être au moins aussi stricte que celle qui serait faite en vertu des dispositions de la LCPE.

• 0930

Le projet de loi C-32 instaure un mécanisme prévoyant des exemptions à cette règle de l'équivalence en ce qui concerne l'évaluation de produits nouveaux. Elles sont prévues à l'article 106 du projet de loi. Cette question nous inquiète tout particulièrement étant donné le nombre croissant de preuves scientifiques qui confirment les effets négatifs de biotechnologie sur l'environnement et la santé humaine, surtout dans des domaines comme l'agriculture et la pêche, qui sont précisément les domaines qui seraient touchés par cette règle de l'équivalence ou par les exceptions à cette règle.

La réglementation concernant les produits de biotechnologie devrait être à notre avis renforcée au lieu d'être affaiblie. Aussi, nous recommandons de supprimer les articles prévoyant ce mécanisme d'exemption et de reprendre en fait les dispositions actuelles. Idéalement, nous voudrions que le régime de l'équivalence soit renforcé, comme nous l'avons recommandé dans le mémoire que nous vous avons présenté en septembre 1994. Il faudrait toutefois au moins reprendre les dispositions actuelles.

Nous signalons par ailleurs—et je crois que c'est très révélateur—que les dispositions actuelles du projet de loi exempteraient les décrets du gouverneur en conseil. En fait, seuls les décrets visant à exempter de l'application des prescriptions de la LCPE des produits de biotechnologie déjà réglementés en vertu d'autres lois adoptées par le Parlement seraient exemptés de l'application des dispositions du projet de loi concernant l'avis public et les commentaires, à savoir les articles 332 à 334.

Nous tenons également à attirer votre attention sur le fait que des changements analogues sont proposés dans les dispositions du projet de loi C-32 qui traitent des nouvelles substances chimiques. Elles prévoient également un mécanisme d'exemption à l'égard des produits réglementés en vertu d'autres lois adoptées par le Parlement, notamment de l'obligation prévue dans la LCPE d'effectuer une évaluation des effets sur l'environnement et sur la santé humaine avant la fabrication ou l'importation de ces produits au Canada.

Nous sommes également préoccupés par le fait que la partie du projet de loi relative à la biotechnologie s'appuie sur la définition du terme «toxicité» prévue dans la LCPE pour instaurer un pouvoir de réglementation des substances biotechnologiques. Nous craignons surtout que l'acception actuelle du terme soit trop étroite pour satisfaire aux prescriptions de l'alinéa 8g) de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, qui exige que les parties à la Convention intègrent à leurs lois nationales des dispositions visant à protéger la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique contre l'utilisation ou les rejets de substances biotechnologiques dans l'environnement.

Par conséquent, nous recommandons de donner dans cette partie du projet de loi une définition du terme «toxicité» spécifique pour les substances biotechnologiques, en faisant expressément mention de la conservation et de l'utilisation durable de la biodiversité.

Nous sommes également préoccupés par le fait que le champ d'application des dispositions de cette partie du projet de loi soit limité aux «organismes vivants» ou aux «substances biotechnologiques animées». Il est en effet plus limité que le champ d'application des dispositions actuelles de la loi. Nous n'avons pas pu trouver de définition du terme «organismes vivants» dans aucune loi canadienne ni en common law. En fait, nous avons vérifié s'il en existait une dans les lois d'autres pays où ce régime est en vigueur, mais en vain. Cette carence sera une source permanente de confusion. Nous estimons que cette partie du projet de loi devrait également s'appliquer à toutes les substances biotechnologiques conformes à la définition qu'en donne actuellement la LCPE.

Le deuxième aspect du projet de loi qui nous préoccupe beaucoup sont ses dispositions relatives à la mise en oeuvre de l'Accord pancanadien d'harmonisation environnementale, qui a été signé par la ministre de l'Environnement en janvier 1998. Nos réticences concernent plus particulièrement trois dispositions.

La première est l'alinéa 2(1)l) du projet de loi qui oblige le ministre, dans l'exécution de la loi, à agir de façon compatible avec l'esprit des accords et arrangements intergouvernementaux. Nous croyons savoir que vous êtes en possession d'une note de service du bureau responsable de la LCPE indiquant que le ministère de la Justice interprète cette disposition du projet de loi de la même façon que nous, à savoir qu'elle englobe également l'accord d'harmonisation.

C'est très inquiétant étant donné le libellé de certaines dispositions de l'accord, surtout en ce qui concerne les engagements de ne pas prendre d'initiatives telles que faire des inspections et établir des normes nationales. Nous estimons que cette disposition du projet de loi doit également être supprimée.

Nous sommes également inquiets de constater que ce que nous appelons la «clause d'harmonisation» a été inséré un peu partout dans le projet de loi, car elle oblige le ministre de l'Environnement à consulter les provinces et les membres autochtones du comité consultatif national avant de prendre la moindre mesure en vertu du projet de loi.

• 0935

Nous avons relevé cette clause à au moins neuf endroits différents, à savoir dans les parties concernant la collecte de renseignements, les objectifs, directives et codes de pratique, la prévention de la pollution, la liste des substances toxiques d'intérêt prioritaire, la protection du milieu marin, les combustibles, la pollution atmosphérique internationale et la pollution internationale des eaux, les urgences environnementales, les opérations gouvernementales fédérales et les mesures économiques.

Nous sommes en possession de documents du ministère qui expliquent clairement que cette clause a été intégrée au projet de loi en raison de l'accord d'harmonisation. Nous la considérons comme un obstacle inutile à l'action et estimons qu'elle doit être supprimée partout.

Nous sommes également préoccupés par les dispositions du projet de loi concernant les accords d'équivalence et les accords administratifs. Nous craignons surtout le recours accru éventuel aux accords d'équivalence pour inclure des règlements concernant les urgences environnementales, la gestion de l'environnement par le gouvernement fédéral ainsi que la pollution atmosphérique internationale et la pollution internationale des eaux.

Compte tenu du fait que l'efficacité des accords existants n'a pas encore été évaluée, nous ne sommes pas en faveur d'un recours accru à ce genre d'accords pour le moment. Je crois que vous l'avez souligné dernièrement dans votre rapport sur l'application des lois sur la pollution et dans d'autres documents.

Nous sommes également inquiets de constater que, dans les conditions relatives à la conclusion d'accords d'équivalence, il n'est nullement question des dispositions de protection des dénonciateurs prévues dans ce projet de loi ni des dispositions concernant les actions intentées par les citoyens. Si elles ne font pas partie des conditions prévues, ces mesures de protection ne serviront à rien en cas de signature d'accords et de prise d'ordonnances relatives aux dispositions d'équivalence.

Nous remarquons également qu'il est nécessaire de prévoir l'abrogation automatique, après cinq ans, des ordonnances relatives aux dispositions d'équivalence. Il s'agit des ordonnances en vertu desquelles l'application de la loi fédérale est suspendue dans la province concernée.

Nous recommandons également de renforcer les exigences en matière d'information dans le cadre des accords d'équivalence et des accords administratifs. Il est évident que les rapports actuels sur ces activités sont pratiquement stériles et que le Parlement devra préciser quel doit être le contenu de ces rapports.

Nous faisons quelques suggestions à cet égard. Nous recommandons notamment d'ajouter des renseignements sur le nombre et le type de mesures prises par les provinces, sur les ressources affectées à l'exécution des règlements administrés ou des règlements en matière d'équivalence. Je crois que cela va dans le sens des recommandations que vous avez faites dans le rapport sur l'application des lois sur la pollution que vous avez publié la semaine dernière.

Pour terminer, je tiens à attirer très rapidement votre attention sur le paragraphe 2(2) du projet de loi. Il concerne les liens qui existent entre la LCPE et d'autres lois fédérales. Il dit en substance que la LCPE n'est applicable que dans les cas où aucune autre loi fédérale ne s'applique. Il donne en réalité préséance à toutes les autres lois fédérales.

Cette disposition est incompatible avec le statut de la LCPE, qui est censée être la pierre angulaire de la législation fédérale en matière d'environnement. Nous estimons que ce paragraphe doit être supprimé également.

J'ai terminé. Je répondrai bien volontiers à vos questions au moment voulu.

Le président: Merci, monsieur Winfield. Vous avez fait cela en un temps record.

Monsieur Shrybman.

M. Steven Shrybman (directeur général, West Coast Environmental Law Association): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui. Je tiens en tout premier lieu à vous féliciter d'être une des rares tribunes du Canada permettant aux écologistes d'exprimer leurs opinions avec l'assurance d'être entendus.

Je suis directeur général de la West Coast Environmental Law Association qui a été fondée en 1974. Il a fallu environ deux ans pour que la Colombie-Britannique bénéficie du précédent établi par la LCPE.

Je ne fais pas partie de l'association depuis très longtemps mais mon prédécesseur, Bill Andrews, et mes collègues, qui ont également collaboré à la préparation du mémoire que vous avez sous les yeux, participent à l'examen de la loi environnementale et des initiatives fédérales dans une perspective britannico-colombienne depuis sa création.

Je voudrais passer rapidement en revue quelques-unes des observations que nous faisons dans notre mémoire.

Nous n'estimons pas que la LCPE soit très efficace pour les Canadiens ni qu'elle représente un instrument crédible pour relever les défis posés par les énormes problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Même si le projet de loi C-32 remédierait à certaines lacunes et étofferait le rôle que joue le gouvernement fédéral, notamment en ce qui a trait à la collecte et à la diffusion de renseignements, il ignore de nombreuses autres faiblesses fondamentales.

L'intérêt des Canadiens n'a pas été bien servi par la législation environnementale fédérale ni par l'indifférence affichée par les gouvernements responsables de son application et du respect de ses prescriptions. À moins que l'on apporte des modifications substantielles au projet de loi C-32—comme le préconisent mes collègues—, la réalisation d'objectifs critiques en matière de protection de l'environnement restera hors de notre portée à l'avenir, comme elle l'a été depuis que la LCPE a été adoptée par le Parlement, il y a une dizaine d'années.

• 0940

Nous sommes convaincus que la protection de notre environnement requiert des engagements fermes et sans failles mais, alors que les preuves de la gravité des crises écologiques auxquelles nous sommes confrontés s'accumulent, il semble que les pouvoirs publics soient de moins en moins enclins à prendre les mesures nécessaires pour relever ces défis.

Nous estimons personnellement que la principale lacune du projet de loi C-32 est de ne pas rendre illégal le rejet dans le milieu de substances toxiques susceptibles d'avoir des effets extrêmement nocifs pour l'environnement, la santé humaine et la vie animale ou végétale. C'est le cas également en ce qui concerne les agissements et les activités du gouvernement fédéral et de la Chambre des communes.

Si nous nous réjouissons de l'attention que vous et d'autres personnes ont accordée dernièrement à la question de l'application des lois, la lacune encore plus grave qui se manifeste à l'échelon fédéral est que l'on ne s'est même pas donné la peine d'établir des lois et des règlements. Au lieu d'offrir aux Canadiens ce genre de protection, le gouvernement les oblige à compter entièrement sur la bonne volonté des administrations politiques et à espérer qu'elles daignent prendre de temps à autre des règlements à cet effet.

La volonté de s'acquitter avec diligence de leur mandat que le présent gouvernement, ou plutôt les divers gouvernements qui se sont succédé, auraient pu manifester, il y a une dizaine d'années, a complètement disparu. En outre, au rythme actuel, il faudra au Cabinet plusieurs décennies pour réaliser au complet le mandat que s'engage d'accomplir cette loi environnementale.

Du fait qu'ils n'interdisent pas de manière systématique toute activité polluante, la LCPE et le projet de loi C-32 délèguent en fait au Cabinet un pouvoir en la matière qui revient, à notre avis, au Parlement. Nous estimons que les Canadiens méritent des lois environnementales élaborées et appliquées conformément au processus parlementaire, des lois qui ne soient pas purement et simplement à la merci des exigences politiques.

En fait, pendant des années—et vous le savez certainement, monsieur le président et mesdames et messieurs—de nombreux écologistes canadiens ont préconisé que le droit à la sécurité environnementale soit enchâssé dans la Charte des droits et libertés afin de le soustraire également aux aléas politiques du débat parlementaire. Il est à notre avis inadmissible d'omettre d'accorder au moins ce droit aux Canadiens, dûment reconnu par un texte de loi.

Le seul autre argument que je voudrais invoquer en faveur de l'insertion dans ce projet de loi d'une interdiction générale concernant les activités polluantes est d'ordre pratique, monsieur le président et mesdames et messieurs. Nous affirmons que si une telle interdiction n'est pas encore prévue, c'est en raison de la lenteur du processus réglementaire. En l'absence d'une telle interdiction et face à la perspective de devoir faire des dépenses considérables pour respecter les obligations induites par de tels règlements, les entreprises exploitent immanquablement vos ressources considérables pour contrecarrer et ralentir ce processus.

Par contre, si la loi prévoyait une interdiction générale, il n'y aurait pratiquement aucune raison de vouloir contrecarrer de telles initiatives. En fait, des règlements indiquant avec plus de précision la nature des poursuites auxquelles on s'expose en vertu de la loi seraient peut-être très bien accueillis par les entreprises de la plupart des secteurs.

Nous estimons que l'interdiction générale des activités polluantes serait le meilleur garant de l'efficacité du processus réglementaire. C'est notre première recommandation.

Cette situation révèle ce que nous considérons comme un problème endémique, à savoir que dans ce projet de loi, le rôle du Parlement, celui du Cabinet et celui des ministres sont plutôt flous. Autrement dit, le rôle de la loi, des règlements et des politiques est plutôt imprécis. Ce projet de loi confère au Cabinet des pouvoirs qui reviennent, à notre avis, au Parlement, accordant du même coup le statut de règlement et de disposition légale à un certain nombre de dispositions qui n'ont pas du tout leur place dans les textes législatifs. La promulgation de directives et de codes de pratique qui ne peuvent être mis en application en vertu de cette loi est une question qui relève de la politique ou tout au plus de la réglementation. Il n'est pas nécessaire que ce soit prévu dans la loi.

On a presque l'impression que les rédacteurs de ce projet de loi estimaient qu'il serait évalué en fonction du nombre de dispositions qu'il contient ou de son volume. Il renferme de nombreuses dispositions qui ne sont pas nécessaires et pas celles qui seraient absolument indispensables dans une loi environnementale.

• 0945

Je crois qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. L'autre observation liminaire que je voulais faire concerne la question de l'ambiguïté, des restrictions et des excuses que l'on retrouve partout dans ce projet de loi. Il n'est pas nécessaire d'aller voir plus loin que l'article 2, qui n'oblige pas le gouvernement du Canada à protéger l'environnement, à s'assurer que les lois environnementales sont appliquées rigoureusement et efficacement, mais qui indique seulement qu'il doit s'y efforcer. Il avertit également les Canadiens qu'ils ne doivent pas s'attendre à ce que le gouvernement remplisse très bien les obligations prévues dans ce projet de loi. Il risque de ne pas les remplir. En fait, on a prévu cette éventualité et l'on s'en excuse d'avance dès les premières dispositions de ce projet de loi.

La restriction la plus inacceptable se trouve toutefois au paragraphe 2(1) du projet de loi qui indique que le gouvernement fédéral est tenu de protéger, valoriser et rétablir l'environnement pour autant que les mesures prises à cet effet soient rentables. Qu'entend-on par «rentables» dans ce contexte? Est-ce là que commencent et s'arrêtent les obligations du Parlement de protéger l'environnement et la santé des Canadiens? Faut-il pouvoir démontrer que cela aura des répercussions financières positives pour quelqu'un? Pour qui? Comment évaluer cette rentabilité? Comment peut-on déterminer les incidences de règlements environnementaux inefficaces sur les lois concernant la biodiversité alors que l'on n'a même pas encore identifié les organismes vivants qui disparaissent en raison même de cette incurie?

Nous estimons pour notre part qu'une telle condition est absolument inacceptable. La loi qui constitue la pierre angulaire de la législation environnementale canadienne ne peut renfermer une telle restriction dès les premières lignes.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous examinons également de plus près un certain nombre d'autres questions dans notre mémoire. Nous parlons notamment du droit de la collectivité d'être au courant de la situation, autrement dit des dispositions du projet de loi C-32 concernant la confidentialité qui empêcheront les habitants des localités concernées d'avoir accès à des renseignements sur le rejet de substances toxiques dans leur milieu, parce que les entreprises peuvent invoquer la clause de confidentialité sans devoir se justifier, puisqu'elles ont unilatéralement le droit de faire appel si leur requête est rejetée par le ministre. Le projet de loi ne contient aucune disposition de réciprocité en faveur des collectivités qui voudraient interjeter appel à leur tour lorsque le ministre accède à ces demandes de confidentialité. Le refus de fournir aux Canadiens exposés au rejet de substances toxiques le droit d'obtenir les renseignements qui les mettraient au courant de la nature du danger est extrêmement révoltant.

Nous parlons également de prévention de la pollution et des règlements en la matière qui ne tiennent pas compte de l'usage. Mon collègue Paul Muldoon a abordé ce problème également. C'est à notre avis inacceptable. La loi devrait contenir des dispositions concernant le transfert des risques d'un milieu à un autre, de l'environnement au lieu de travail. Le rôle des travailleurs ne peut être ignoré.

Nous parlons en outre des opérations gouvernementales à la Chambre des communes. Le gouvernement fédéral omet également de s'acquitter de son mandat en ce qui concerne la réglementation dans ce domaine. Il devrait prévoir une interdiction générale concernant les rejets de substances toxiques dans l'environnement. Nous citons dans notre mémoire l'exemple de clients que nous avons représentés dans notre province et qui sont confrontés à un problème d'envergure originaire du territoire domanial entourant les cales sèches d'Esquimalt. Nous y décrivons, en donnant certains détails sordides, le genre de vie des collectivités confrontées aux conséquences des activités polluantes pratiquées sur le territoire domanial, sans la moindre réglementation et le moindre intérêt de la part du gouvernement provincial ou fédéral ou sans la moindre volonté d'intervenir pour essayer de régler ces problèmes ou la moindre compétence nécessaire.

Ai-je parlé trop longtemps? Merci pour votre patience.

Le président: Merci, monsieur Shrybman. Vous vous êtes efforcé de respecter le délai de dix minutes et vous y êtes presque parvenu.

Nous procéderons comme d'habitude pour ce qui est des questions. On pourrait peut-être faire deux tours de cinq minutes chacun, en commençant par M. Gilmour.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci d'être venus témoigner aujourd'hui.

• 0950

Monsieur Shrybman, je partage les préoccupations que vous avez exprimées vers la fin de votre exposé en ce qui concerne les pouvoirs qui sont conférés au ministre non seulement par ce projet de loi mais par bien d'autres textes législatifs et qui sont exercés par voie de décrets, alors que les députés jouent un rôle de plus en plus secondaire. Les pouvoirs n'échoient plus au Parlement et celui-ci joue un rôle secondaire. Je partage vos inquiétudes à ce sujet et je vous remercie de nous en avoir fait part.

Vous pourriez peut-être m'éclairer sur un point. Je voudrais parler du droit des citoyens d'intenter une action. Lorsque le sous-ministre était ici, je lui ai posé une question analogue, et il trouvait que ces dispositions étaient très acceptables. Ce que je redoute, c'est que si l'on pousse les choses un peu plus loin dans ce domaine, un groupe, un organisme ou un individu se servent de ces dispositions pour faire de l'obstruction.

Je pense notamment à ce qui s'est passé dans les États de Washington et de l'Oregon au sujet de la chouette tachetée, où l'activisme n'avait pas grand-chose à voir avec le désir de protéger cet animal et où il visait plutôt à interdire la coupe du bois. Je crains donc qu'un groupe invoque ce droit pour faire de l'obstruction.

Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet et apaiser éventuellement mes craintes quant à la possibilité que cela n'ouvre la porte à tout un flot de litiges?

M. Steven Shrybman: Monsieur le président, je suis sûr que Paul voudra répondre également à cette question. Il est incontestable que nous n'avons pas au Canada le même genre de tradition qu'aux États-Unis en matière de litiges, tradition qui remonte probablement aux origines de ce pays. Les tribunaux canadiens appliquent par ailleurs certaines règles très strictes en ce qui concerne le paiement des frais par les demandeurs dont les poursuites ne sont pas fondées mais aussi par ceux qui n'agissent pas de bonne foi, par ceux qui n'agissent pas dans l'intérêt public.

Nous estimons pour notre part que ces ordonnances concernant le remboursement des frais ont trop limité l'accès des Canadiens au processus judiciaire. Il faut avoir beaucoup d'argent—il faut en fait pouvoir déduire les frais de procès à titre de frais d'entreprise, et avoir une entreprise suffisamment rentable pour avoir les moyens de le faire—pour pouvoir envisager sérieusement d'intenter des poursuites importantes au Canada.

C'est par conséquent faire preuve d'un manque de réalisme que de craindre qu'une telle disposition n'ouvre la porte à un flot d'actions en justice intentées à la légère ou par esprit de contradiction. Aucun antécédent ne confirme l'existence d'un tel risque et les tribunaux disposent de moyens importants pour décourager ce genre de poursuites.

M. Paul Muldoon: Je vous signale que nous en parlons aux pages 6 et 7 de notre mémoire. Je comprends qu'il faille imposer certains délais concernant le recours aux tribunaux. Nous estimons toutefois que les dispositions du projet de loi restreignent tellement les possibilités de recours que les probabilités que quelqu'un invoque les dispositions de cet article sont quasi inexistantes.

Quiconque voudra avoir recours aux tribunaux ultérieurement pourra le faire de toute façon. L'objectif de cette partie du projet de loi est le suivant. La semaine dernière, vous avez publié un rapport concernant les problèmes d'application des lois sur la pollution. Cette partie du projet de loi indique que le gouvernement peut appliquer toutes les lois en tout temps. À certains moments, il est bon que les citoyens fassent respecter les lois et ils devraient pouvoir le faire de façon efficace.

C'est précisément l'objet de ces dispositions. Elles s'appliquent uniquement lorsqu'un particulier ou une entreprise enfreignent la loi. Même dans ce cas, il faut demander au préalable au gouvernement de faire une enquête et j'ai relevé 11 conditions à remplir pour pouvoir intervenir.

Comme vient de le signaler Steven Shrybman, l'article 38 joue un rôle primordial. Il indique en fait que si vous perdez votre procès, même s'il s'agit d'appliquer une loi nationale et que cela ne vous rapporte rien personnellement, les frais sont à votre charge. Si vous perdez, vous devez payer en outre les frais du gagnant. Par conséquent, il s'agit de poursuites d'intérêt public, où c'est le demandeur qui prend tous les risques financiers. L'article 38 précise seulement que «le tribunal peut tenir compte des circonstances particulières de l'espèce, y compris le fait qu'il s'agit d'une cause type ou que la cause soulève un nouveau point de droit».

• 0955

Quelle personne saine d'esprit tiendrait absolument à intenter des poursuites contre une grande entreprise en sachant qu'elle va probablement tout perdre si elle ne gagne pas son procès?

Par conséquent, je nie formellement que ces dispositions du projet de loi soient efficaces et qu'elles facilitent trop l'accès au recours en justice. Ce n'est que de la frime, à mon avis.

Nous avons fait des commentaires détaillés sur les problèmes que pose la Charte des droits environnementaux de l'Ontario, dont s'inspirent les dispositions de cette partie du projet de loi. Depuis 1993, personne n'a invoqué la clause ontarienne. J'estime par conséquent que les risques que l'on en fasse un usage abusif ne sont pas très grands actuellement étant donné que cela n'a pas été le cas en Ontario et qu'en fait, on n'y a pas encore eu recours du tout.

M. Bill Gilmour: C'est exact.

[Français]

Le président: Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Ma question portera sur le rapport de M. Muldoon. À la page 3 de votre mémoire, au point a), qui porte sur les généralités et où vous parlez de l'influence de l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale sur le projet de loi C-32, vous dites:

    ...il est clair que l'accord aura préséance sur la LCPE; le projet de loi stipule que la LCPE devra, aux termes de la loi, être administrée de façon compatible avec l'accord sur l'harmonisation.

Compte tenu de cet énoncé dont vous venez de nous faire part, où situez-vous le jugement de la Cour suprême de septembre 1997 au sujet d'Hydro-Québec? Au fond, est-ce que vous jugez que lorsque le projet de loi C-32 aura force de loi, il sera plus fort que le jugement d'Hydro-Québec de septembre 1997? Est-ce bien ce que je dois comprendre?

[Traduction]

M. Paul Muldoon: Non, je crois que c'est exactement le contraire. Le jugement concernant Hydro-Québec indique que la compétence fédérale en matière d'environnement est maintenue compte tenu du fait que l'article 91 de la Constitution habilite le gouvernement fédéral non seulement à faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada mais aussi à faire des lois environnementales en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés en matière pénale. Par conséquent, cet article confère au gouvernement fédéral le droit de faire des lois environnementales s'appliquant à l'ensemble du pays. J'estime par conséquent que le jugement concernant Hydro-Québec confirme la compétence fédérale.

À mon humble avis, l'accord d'harmonisation supplante la compétence fédérale et il aura pour effet de transférer une partie de cette compétence aux provinces.

Par conséquent, notre association estime que c'est une situation tout à fait paradoxale. D'une part, la Cour suprême du Canada indique que le champ de compétence du gouvernement fédéral en matière d'environnement est en fait plus étendu qu'on ne l'avait imaginé jusqu'alors, mais on prend d'autre part la décision politique de transférer une partie de ces pouvoirs et de cette compétence aux provinces.

M. Mark Winfield: J'approuve l'interprétation de M. Muldoon. Au moment même où la Cour suprême confirme la compétence du gouvernement fédéral en matière d'environnement et décrète qu'elle relève en fait du droit pénal, je trouve ironique ou pervers de la part du gouvernement fédéral de faire volte-face dans le projet C-32, et d'accepter de transférer une partie de cette compétence par le biais de toute une série de dispositions.

Je pense notamment à l'article concernant l'application administrative, qui incorpore en réalité l'accord d'harmonisation au projet de loi alors que, comme je l'ai signalé, vous avez reçu du ministère de la Justice un avis juridique confirmant cette interprétation de cet article et que le projet de loi contient d'autres dispositions qui signifient en fait que le ministre fédéral de l'Environnement ne peut faire aucune intervention efficace, qu'il ne peut même pas recueillir des renseignements ou établir des directives ou des codes de pratique non exécutoires sans devoir consulter d'abord les provinces. Le gouvernement fédéral se trouve dans l'impossibilité quasi totale d'agir.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je ne suis pas un avocat, mais j'aimerais comprendre une chose. Peu importe ce qui a été signé, est-ce que, compte tenu de la décision de la Cour suprême, le gouvernement fédéral a le pouvoir d'intervenir? Est-ce que ce jugement permet au gouvernement fédéral d'intervenir, peu importe l'accord et peu importe le projet de loi qu'on a déposé?

• 1000

[Traduction]

M. Mark Winfield: Non, c'est précisément l'inverse. Ce projet de loi restreint en fait la possibilité du gouvernement fédéral d'exercer sa compétence, bien qu'elle ait été reconnue par la Cour suprême du Canada.

Le président: Merci. Monsieur Herron.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Ma question concerne ce que M. Muldoon a dit à la fin de son exposé. Cela vous laissera peut- être un peu plus de temps pour nous donner des précisions.

Ma première question concerne les rejets non mesurables et les préoccupations que vous avez au sujet de l'application des dispositions de l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Ne peut-on pas considérer que, si l'on détecte une accumulation identifiable, il s'agit effectivement d'un rejet mesurable?

M. Paul Muldoon: Le problème, en ce qui concerne la plupart de ces substances, notamment la dioxine et les BPC, c'est que les rejets sont très faibles et qu'elles demeurent présentes longtemps dans le milieu en ayant de surcroît tendance à s'accumuler dans les cellules adipeuses des poissons, des animaux sauvages et des êtres humains. Le fait que ces substances chimiques s'accumulent et qu'elles forment une charge corporelle dans l'organisme humain ne signifie pas nécessairement que l'entreprise concernée enfreint la loi en rejetant des substances mesurables mais dont le niveau est toutefois inférieur au niveau mesurable prévu dans la définition qui se trouve dans la loi.

Je m'explique. Le niveau «mesurable» dont il est question dans la loi n'est pas synonyme d'absence totale de rejet. Cela veut dire que le niveau des rejets ne dépasse pas un certain niveau jugé arbitrairement acceptable ou le niveau mesurable au moyen des méthodes employées.

C'est précisément à ce niveau que réside le problème. Par exemple, si certaines substances s'accumulent dans l'organisme des animaux sauvages qui vivent dans le voisinage d'une usine, cela ne signifie pas nécessairement qu'il s'agisse de rejets mesurables, parce que l'on mesurera le niveau des rejets à la sortie des cheminées, sans évaluer la charge environnementale ainsi créée. C'est un des problèmes auxquels il va falloir réfléchir.

M. John Herron: Estimez-vous que cela va à l'encontre du principe de la prévention?

M. Paul Muldoon: Oui. Nous recommandons d'envisager la question sous un autre angle, c'est-à-dire de ne pas mesurer nécessairement les rejets à la sortie de l'usine mais de se demander pourquoi une entreprise continue à utiliser ou à rejeter une telle substance. N'y a-t-il pas moyen de trouver des procédés nouveaux et différents? N'est-il pas possible d'innover afin d'éviter de produire des polluants au lieu de s'imposer les énormes difficultés qu'implique l'identification d'une quantité mesurable à la sortie de l'usine et de se demander quels seront ses effets sur la santé?

J'estime que cette définition est totalement incompatible avec le concept de prévention de la pollution.

M. John Herron: Pourriez-vous préciser votre pensée, s'il me reste encore assez de temps. Je n'ai peut-être pas entendu les commentaires que vous avez faits au sujet de la toxicité intrinsèque ou inhérente.

M. Paul Muldoon: Ils s'inscrivent essentiellement dans la lignée d'une recommandation que vous avez faite. Nous savons qu'il existe déjà des substances dotées de propriétés inhérentes qui sont la source de problèmes parce qu'elles sont rémanentes et bioaccumulables, ou parce qu'elles ont des effets nocifs sur le système endocrinien animal ou humain, ou ont encore d'autres propriétés. Nous savons en fait qu'elles ont une propriété que nous trouvons suspecte.

Le tout, c'est de savoir s'il faut attendre que cette substance ait des effets nocifs avant de prendre certaines mesures en ce qui la concerne. Ne peut-on pas intervenir avant qu'elle ne soit utilisée ou rejetée? Autrement dit, faut-il qu'une substance chimique ait engendré des problèmes pour pouvoir la faire interdire? Ne serait-il pas possible d'interdire une substance avant qu'elle n'ait des effets nocifs?

On part en quelque sorte du principe que les substances chimiques ont des droits et qu'elles peuvent agir librement pour autant qu'elles n'aient pas d'effets nocifs. Je trouve cela inacceptable. J'estime que la science a fait suffisamment de progrès pour arriver à identifier les caractéristiques des substances dont on voudrait peut-être interdire le commerce au Canada. On ne peut pas dire par exemple que la dioxine soit une substance très appréciée. C'est un sous-produit dont nous voulons nous débarrasser. Pourtant, pour y arriver, il faudrait entreprendre toutes les démarches complexes prévues dans le projet de loi alors que la cause de la toxicité inhérente permet d'identifier à coup sûr les substances qu'il convient d'interdire avant qu'elles ne causent des dommages.

M. John Herron: Merci.

• 1005

Le président: Merci, monsieur Herron.

Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup.

Monsieur Winfield, je voudrais poser une question qui concerne les commentaires que vous avez faits au sujet des dispositions relatives à l'équivalence, qui se trouvent dans la partie du projet de loi consacrée à la biotechnologie.

Excusez-moi d'avoir de la difficulté à comprendre. Est-ce que cela irait si l'on reprenait purement et simplement les dispositions correspondantes de la loi antérieure, c'est-à-dire de la LCPE de 1988?

M. Mark Winfield: Oui. Nous recommandons en fait de reprendre au moins les dispositions de la LCPE de 1988 en supprimant celles de la LCPE de 1998 qui concernent la biotechnologie et les nouvelles substances chimiques qui fixent ce mécanisme d'exemption des produits réglementés en vertu d'autres lois adoptées par le Parlement de l'équivalence exigée à l'alinéa 26(3)a) de la loi actuelle.

Il s'agit en fait des paragraphes 106(7), (8) et (9) du projet de loi concernant la biotechnologie. Le libellé du paragraphe 106(6) correspond en gros à celui de l'alinéa 26(3)a) de la loi actuelle, mais on y ajoute les paragraphes (7), (8) et (9) qui prévoient un mécanisme d'exemption des produits déjà réglementés en vertu d'autres lois adoptées par le Parlement à l'égard des prescriptions concernant l'équivalence de l'alinéa 106(6)a).

M. Gar Knutson: Alors, est-ce qu'il suffirait de simplement supprimer les paragraphes 106(7), (8) et (9)?

M. Mark Winfield: Oui, ça rétablirait essentiellement les dispositions actuellement en vigueur. Je le répète, il faudrait apporter le même amendement aux dispositions concernant les substances chimiques nouvelles au Canada, parce qu'elles ont le même effet. Il s'agit de l'article 81. Au moins, on en reviendrait à la LCPE de 1988.

Nous, on préférerait que la règle d'équivalence soit vraiment renforcée, mais on demanderait au comité au moins le statu quo.

M. Gar Knutson: D'accord.

Monsieur Muldoon, je me suis laissé dire que tout le débat sur la quasi-élimination et toute la question des rejets... L'autre jour, il y avait dans mon bureau un groupe de représentants de l'industrie et, selon eux, on peut interdire quelque chose, mais il faut alors invoquer un autre article de la loi.

M. Paul Muldoon: Je crois qu'il faut remonter à la raison d'être du concept de la quasi-élimination et de toute cette série de dispositions qui figurent dans la loi pour plusieurs raisons. La plus importante, c'est la possibilité d'accélérer l'identification d'une substance inquiétante et, donc, de pouvoir agir plus rapidement. C'est un régime qui a une certaine cohérence. Le problème, c'est qu'il n'est pas mis en pratique jusqu'au bout.

Je pense que l'idée de la quasi-élimination équivaut en fait à une élimination progressive plutôt qu'à une interdiction. La différence, c'est que, dans le cas d'une interdiction, on interdit purement et simplement une substance. Il est difficile d'interdire la dioxine parce que c'est un sous-produit de nombreux procédés industriels. Donc, le but d'une élimination progressive, c'est d'éliminer presque entièrement en trouvant de nouvelles technologies et de nouvelles innovations, que ce soit une substitution des particules brutes, une modification du procédé, une modification du produit ou autre chose; donc, on intègre graduellement de nouvelles technologies pour éviter d'utiliser et de créer des substances.

Autrement dit, je pense qu'on s'est dit qu'il était impossible de simplement interdire certaines substances. C'est possible quand il s'agit d'une substance synthétique fabriquée, mais pour le reste, ça ne se peut pas.

Une élimination progressive donne tant aux entreprises qu'aux travailleurs, bien entendu, une période de transition, et je pense qu'on a besoin d'un plan de transition quelconque pour permettre la découverte de technologies innovatrices; c'est comme un programme d'encouragement.

Ça, c'est la théorie, mais elle n'est pas explicitée. Le terme «quasi-élimination» se trouve dans le projet de loi, mais le contexte de sa création, son histoire et son évolution, que la Commission mixte internationale a expliqués sont omis entièrement.

On pourrait vous suggérer des les interdire carrément, d'ajouter une disposition disant que le ministre interdit certains types de substances, mais ce serait probablement inapplicable et il faut être réaliste. Ça ne tient pas compte de la complexité de la tâche.

M. Gar Knutson: Si on voulait se débarrasser d'une substance en deçà d'une quantité mesurable, si on cherchait vraiment à interdire une substance, alors d'autres dispositions du projet de loi permettraient de le faire.

• 1010

M. Paul Muldoon: En effet. Mais je ne veux pas qu'on se débarrasse des substances en deçà d'une quantité mesurable. Je veux qu'on évite de les utiliser et de les créer, de les utiliser et de les produire.

M. Gar Knutson: C'est différent d'une interdiction?

M. Paul Muldoon: Eh bien, je ne pense pas qu'on puisse interdire la dioxine parce que c'est un sous-produit. Enfin, on pourrait toujours le faire. On peut interdire le DDT, les BPC, parce que ce sont des substances fabriquées. Ça devient beaucoup plus compliqué légalement d'interdire la dioxine. Je pense qu'il faut plutôt interdire certains procédés industriels. Alors, ça devient faisable.

Autrement dit, si on amalgame les deux idées, on arrive à quelque chose d'applicable. À mon avis, les dispositions proposées dans le projet de loi ne marcheront pas.

M. Gar Knutson: Et vous allez nous suggérer de nouvelles dispositions?

M. Paul Muldoon: Oui.

M. Mark Winfield: J'allais ajouter aux remarques de Paul que l'un des aspects contrariants du projet de loi, c'est la façon dont les dispositions concernant la quasi-élimination sont rédigées. En un sens, le libellé actuel va compliquer les interventions contre les substances toxiques bioaccumulables rémanentes qui, pourtant, sont les polluants dont il faut se débarrasser en priorité par rapport à d'autres types de polluants utilisés. C'est vraiment un libellé assez bizarre puisqu'en fait, ça devient plus compliqué de prendre des mesures contre les substances dont on recherche la quasi-élimination que contre les autres substances qui ne font pas partie de cette catégorie. Franchement, ça reflète le gâchis que font ces dispositions.

Le président: Merci.

Second tour, monsieur Lincoln, s'il vous plaît.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Je voudrais traiter de toute cette question de la subordination du projet de loi à l'entente-cadre sur l'harmonisation fédérale-provinciale, à d'autres ministres, ainsi qu'à l'efficience et aux facteurs économiques et sociaux. Je considère ça comme un tout. Comme vous êtes avocats et que vous étudiez la LCPE depuis longtemps, je me demande ce qui arrive, selon vous, quand on met tout ça ensemble.

Par exemple, je me demande si ça veut dire quelque chose que le tout premier «attendu que» parle de tenir compte de facteurs économiques et sociaux pour prendre toute décision. C'est peut-être symptomatique aussi que la première attribution administrative, l'alinéa 2(1)a), se rapporte à l'efficience. Si on était au tribunal, je me demande si on dirait que ces dispositions ont une signification particulière du fait qu'elles se retrouvent en tête de la liste.

Puis, on ajoute l'alinéa 2(1)l), «agir de façon compatible avec l'esprit des accords et arrangements intergouvernementaux», et aussi l'alinéa 2(1)n) qui parle de «manière coordonnée et efficiente». Il y a ensuite le paragraphe 2(2) qui apporte une nouvelle dimension: «et le ministre responsable de l'exécution de cette dernière loi»; c'est une nouveauté.

Si on relie ça à la biotechnologie, qui rend aussi la LCPE subordonnée à d'autres ministres, ne diriez-vous pas que c'est un défaut fondamental du projet de loi et qu'il faut le corriger?

Quand on pense à tout ça, est-ce qu'on peut dire que cette loi est moins rigoureuse que la LCPE en vigueur, à votre avis? Je voudrais que chacun de vous trois réponde brièvement à la question, s'il vous plaît.

M. Steven Shrybman: Je partage votre inquiétude. Je crois que la notion d'efficience se retrouve aussi dans la loi actuelle. Malheureusement, on n'a pas eu le temps de rechercher dans le projet de loi tous les endroits où se trouve cette expression, mais je sais qu'on la retrouve un peu partout.

C'est une notion très intéressante, mais elle est foncièrement exécrable quand il s'agit d'élaborer les politiques d'ordre public. Si on appliquait le critère de l'efficience, qu'adviendrait-il des services de santé pour personnes âgées? À quoi ressembleraient les mesures de protection des enfants? La société a toutes sortes de politiques dont elle s'est dotée pour des raisons sociales, éthiques et morales incontournables. Ce n'est pas toujours et inévitablement une question de rentabilité.

• 1015

Alors quand on introduit une telle notion comme premier principe, en un sens, de cette loi, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est très décourageant. Entre autres choses, on ouvre la porte aux litiges. L'expression n'est pas définie. Elle serait d'ailleurs probablement impossible à définir. Comment peut-on mesurer les coûts ou l'efficacité quand les coûts se trouvent dans le bilan d'une entreprise ou même, pourquoi pas, d'un investisseur étranger et que les conséquences, bénéfiques ou non, se font sentir dans le régime de santé du Canada, dans le sentiment de sécurité et de bien-être que les Canadiens auraient autrement, chez les générations futures, chez des populations inconnues de faune et de flore...

À quoi ça sert sinon à créer de l'incertitude et des litiges, à prouver que dans les questions d'environnement, c'est l'économie d'abord et l'environnement ensuite?

M. Clifford Lincoln: Ce que je veux savoir, c'est quand on cumule tout ça, quand on conjugue tous les critères qui obligeront le ministre de l'Environnement, avant de réglementer les nouvelles substances ou de prendre certaines mesures, à prouver l'efficience, à se conformer aux rigueurs de l'entente-cadre sur l'harmonisation, à consulter les autres ministres et à vérifier ce que prévoient d'autres lois, est-ce que tout ça ne rend pas la LCPE inapplicable ou presque? Voilà ce que je cherche à savoir; est-ce que j'exagère?

M. Mark Winfield: Non et nous souscrivons à votre interprétation.

Quand on lit toute la loi, on retrouve ces dispositions, ces réserves et ces conditions partout. Pour ce qui est des relations fédérales-provinciales, on a trouvé au moins neuf endroits où l'on retrouve les mots «consulte les provinces».

Chaque fois qu'il y a risque d'incompatibilité entre un règlement de la LCPE et un règlement d'application d'une autre loi fédérale, c'est toujours l'autre loi qui l'emporte. Ça aussi c'est prévu à maints endroits.

Je trouve moi aussi que la loi est presque conçue pour faire obstacle à l'action du ministre fédéral de l'Environnement au lieu de lui faciliter les choses. Je le répète, à notre avis, le projet de loi actuel est incontestablement rétrograde par rapport à la loi en vigueur. La protection de l'environnement au Canada sera affaiblie et non affermie si le projet de loi est adopté tel quel. Pour régler ces problèmes, il faut apporter de gros amendements, en fait énormément d'amendements.

Comme le dit Steven, il faudra non pas ajouter des dispositions mais en supprimer, surtout toutes celles qui créent des obstacles à la prise de mesures par le ministre fédéral de l'Environnement. Mais dans son libellé actuel, il est évident, à notre avis, que le projet de loi est rétrograde par rapport au statu quo.

Le président: Avant de passer au second tour,

[Français]

j'aimerais faire deux annonces. En premier lieu, je tiens à dire aux membres du comité qui sont arrivés un peu en retard que nous sommes tous invités à dîner à 12 heures à la salle Nouvelle-Zélande par le Fonds mondial pour la nature, le World Wildlife Fund. Nos témoins seront là et nous ne devrions pas arriver plus tard que 12 h 15.

[Traduction]

En second lieu, toujours pour ceux qui sont arrivés un peu en retard, il y aura une importante reprise lundi après-midi—et vous recevrez l'avis de convocation—de l'exposé présenté par John Moffatt. J'encourage vivement les députés qui étudient une telle loi pour la première fois d'inscrire la date à leur agenda et de vérifier s'ils seront libres, parce que ça facilitera énormément leur travail au moment de l'étude article par article plus tard.

S'il n'y a pas de questions à ce sujet, madame Kraft Sloan, nous vous écoutons.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci.

La semaine dernière, des fonctionnaires de l'Environnement et de la Santé ont comparu devant le comité. Le représentant de Santé Canada a dit au comité qu'à son avis, la LCPE sert de filet protecteur en général et de dispositif de protection pour la biotechnologie. Je sais qu'on a parlé de biotechnologie ce matin, mais je voudrais savoir si, à votre avis, la LCPE, surtout ses dispositions visant la biotechnologie, constitue effectivement un dispositif de protection.

• 1020

M. Mark Winfield: En réalité, le projet de loi, dans son libellé actuel, prévoit un mécanisme qui va déchiqueter le filet de sécurité, un mécanisme qui va faire de gigantesques trous dans le filet protecteur, puisqu'il renferme une exception pour les produits de biotechnologie réglementés sous le régime d'autres lois fédérales—par exemple, les pesticides réglementés par Santé Canada sous le régime de la Loi sur les produits antiparasitaires—qui n'auront pas à se conformer à l'obligation, prévue dans la loi actuelle, d'évaluer la toxicité potentielle du produit avant son importation ou sa fabrication au Canada.

Il est aussi très important de se rappeler que les dispositions actuelles sont bien plus qu'un filet protecteur. Elles ne se contentent pas de rattraper ce que les autres lois fédérales laissent passer. Elles établissent aussi une norme de rendement, un repère que doivent atteindre les produits qui sont réglementés en vertu d'autres lois fédérales. Ainsi, par exemple, lorsque l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire évalue un biopesticide sous le régime de la Loi sur les produits antiparasitaires, la LCPE commande que cette évaluation soit aussi rigoureuse que celle qui serait effectuée si le produit était réglementé en vertu de la LCPE.

Les dispositions en vigueur ont donc une double dimension. La première, c'est la règle que tout doit être évalué avant importation ou fabrication et la seconde, que le gouvernement passe son temps à vouloir écarter dans tout ce qu'il fait, c'est l'établissement d'un repère et d'une norme pour les évaluations effectuées en vertu d'autres lois fédérales que la LCPE.

Mme Karen Kraft Sloan: Le fonctionnaire de Santé Canada a dit la semaine dernière qu'à son avis, la partie concernant la biotechnologie sert de filet protecteur en établissant une certaine norme d'évaluation qui vaut pour toutes les évaluations équivalentes effectuées.

M. Mark Winfield: Le problème, c'est que le paragraphe 106(6) incorpore...

Voyez-vous, ce qu'ils ont fait est vraiment brillant. Ils ont repris le libellé de l'alinéa 26(3)a) de la loi actuelle pour l'incorporer dans les paragraphes 106(6) et 81(6), visant les substances chimiques nouvelles au Canada, ce qui leur permet d'affirmer qu'ils ont conservé le libellé de la loi actuelle. Mais ensuite, ils ajoutent trois paragraphes qui prévoient un mécanisme permettant d'exempter les produits réglementés sous le régime d'autres lois fédérales, des obligations prévues à l'alinéa 26(3)a) de la loi actuelle et incorporées dans les paragraphes 106(6) et 81(6) du projet de loi. Donc, ils peuvent affirmer qu'ils conservent le libellé de la loi, mais en réalité, ils ajoutent un mécanisme d'exemption.

De plus, ils ont conçu le régime de façon qu'une fois une exemption accordée, elle ne puisse être annulée que sur recommandation du ministre responsable de l'application de l'autre loi fédérale en cause. Par exemple, après avoir accordé une exemption pour les végétaux transgéniques réglementés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments sous le régime de la Loi sur les semences, on ne peut annuler cette décision que si le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire en fait la recommandation. D'ailleurs, on soupçonne l'Agence d'inspection et l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire d'y être pour quelque chose dans l'existence de ces dispositions. On peut concevoir que ça n'arrivera jamais.

[Français]

Le président: Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Ma question est d'ordre assez général. La ministre de l'Environnement a présenté le projet de loi en disant qu'il apporterait des améliorations sur plusieurs aspects: prévention de la pollution, participation du public, etc.

On sait que le ministère de l'Environnement est considéré par plusieurs, notamment par les ministères à vocation économique, comme étant la voix de l'environnement au sein du gouvernement. Comment expliquez-vous ce fossé entre votre appréciation du nouveau projet de loi—à vous entendre, c'est un recul important—et la présentation que la ministre en fait, à savoir que cela représente un progrès important? Comment peut-on en arriver à des présentations aussi divergentes à partir de la défense de l'environnement?

• 1025

[Traduction]

M. Paul Muldoon: Je n'ai pas d'explication satisfaisante. Disons que, depuis 1994, depuis le début de l'examen de la LCPE prévu par la loi, on a collectivement présenté plusieurs mémoires qui, selon nous, sont assez constants.

On a aimé le rapport du comité permanent, Notre santé en dépend! On a trouvé qu'il reflétait les préoccupations et les aspirations des Canadiens. Par contre, la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent, en décembre 1995, est loin de nous avoir impressionnés.

De décembre 1995 jusqu'au moment où le projet de loi C-74 a été présenté, en décembre 1996, il s'est passé quelque chose. Je présume que des conflits entre ministères et le lobbying de l'industrie ont vraiment dilué les bonnes intentions qui figuraient dans la réponse du gouvernement, puisqu'il était censé présenter un projet de loi qui constituerait un moyen efficace pour protéger la santé publique et l'environnement.

C'est donc inexplicable. Je peux vous assurer, toutefois, que nos vues sur ces questions n'ont pas changé depuis cinq ans et depuis même plus longtemps.

M. Steven Shrybman: J'ai fait une erreur tout à l'heure quand j'ai dit que le mot «efficience» se trouvait dans la LCPE. J'aurais dû dire dans le projet de loi C-74. Voilà un exemple d'une réserve ajoutée à la nouvelle loi, qui n'est pas anodine.

Mais je suppose qu'en gros, ce sont les priorités politiques du gouvernement fédéral qui sont différentes. À la fin des années 80, l'environnement figurait parmi les priorités de l'opinion publique. Ça a changé. La décennie a été difficile pour ceux d'entre nous qui croient à la nécessité de réaliser des progrès considérables en matière de protection de l'environnement et de la biodiversité, et en matière de changements climatiques.

Nous déplorons le fait que plus le défi se précise, plus les preuves scientifiques de la nécessité de prendre des mesures vigoureuses pour relever ce défi deviennent irréfragables, plus les gouvernements délaissent ce champ d'action. C'est directement à cause d'objectifs économiques comme le libre-échange, la déréglementation et la privatisation, que se sont donnés les gouvernements, qu'il s'est créé un milieu très hostile aux initiatives qui s'imposent selon nous.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Mais est-ce qu'on doit comprendre de vos réponses que vous estimez que le contexte économique ou le contexte international, d'une part et, d'autre part, les pressions des groupes industriels ont réussi à faire en sorte que non seulement les lois existantes ne soient pas bien appliquées—nous l'avons vu dans un rapport précédent—mais aussi que le ministère de l'Environnement ait eu l'audace de proposer des lois plus rigoureuses? Est-ce que c'est cela, finalement, votre interprétation?

[Traduction]

M. Mark Winfield: Ça semble être la base du problème. Le ministère ne semble pas avoir la volonté de faire ce qu'il faut pour protéger la santé des Canadiens et leur environnement dans l'avenir.

D'ailleurs, le projet de loi représente à bien des égards le triomphe des priorités économiques qui ne comportent aucune considération écologique. On parle d'emploi, de croissance et de développement économique au sens passé et non pas dans un contexte écologiquement durable. Malheureusement, c'est typique des lois environnementales que bien des ressorts ont adoptées depuis quelques années et qui montrent qu'on recule au lieu d'avancer.

Le président: Merci. Nous allons commencer le second tour très bientôt. Je voudrais poser deux questions.

Monsieur Shrybman, je crois que c'est vous qui avez disserté sur le mot «s'efforcer». Pourrions-nous nous efforcer, vous et moi, d'explorer le sens de ce mot? Je veux savoir quel poids en droit on accorde au mot «s'efforcer». On le retrouve six fois à l'article 2. Comment un juge interprétera-t-il ce mot?

• 1030

M. Steven Shrybman: Ce que je recommande à la recommandation 3, je crois, c'est simplement de supprimer ce mot et toutes les autres réserves pour chercher à améliorer les obligations du gouvernement fédéral qui doit faire ce qui est énuméré dans le projet de loi. Je n'ai pas apporté un dictionnaire aujourd'hui, mais ça veut dire faire tous ses efforts pour atteindre un but et ça sous-entend l'échec. À mon sens, c'est s'excuser avant même d'avoir fait un effort.

Le président: Si on supprime le mot «s'efforcer», il reste tout de même un verbe et chacun des alinéas a un sens plus fort.

M. Steven Shrybman: Oui, je suis d'accord. Je crois que c'est notre recommandation 3:

    La loi devrait stipuler, sans aucune réserve ni bémol, que le gouvernement a pour obligation, entre autres, d'établir des normes de qualité de l'environnement uniformes à l'échelle nationale; de préserver l'environnement et la diversité biologique; et d'appliquer la loi de façon juste, prévisible et cohérente.

Les alinéas se lisent très bien sans le verbe «s'efforcer».

Le président: Merci.

À l'article 64, quand on lit le paragraphe 64(1) la première fois, on n'a pas du tout l'impression que c'est une mauvaise disposition puisqu'elle préconise la réduction définitive, et je cite: «la réduction définitive de la quantité ou concentration», à tout le moins, «jusqu'à un niveau inférieur au niveau mesurable».

De nos jours, les niveaux mesurables se calculent en parties par billion, nous dit-on. C'est pas mal quand on le voit sous cet angle. Alors ma question, c'est qu'est-ce qui ne va pas?

Ce que je trouve gênant, c'est qu'au paragraphe 64(2), aux lignes 19 et 20, on parle de toute autre question d'ordre socio-économique ou technique. Ça pourrait créer des difficultés au sens où quelqu'un pourrait s'en tenir aux objectifs économiques à court terme, ce qui évacuerait complètement, si je peux dire, toute velléité de quasi-élimination.

Mais laissons de côté pour le moment le paragraphe 64(2). Pourquoi n'est-il pas correct de viser l'élimination jusqu'à un niveau inférieur au niveau mesurable?

M. Paul Muldoon: Il faut lire la suite, monsieur le président. Il est écrit: «jusqu'à un niveau inférieur au niveau mesurable, égal à la limite de dosage définie par règlement». Vous, vous présumez que ce sera en parties par billion. Vous avez peut-être raison, mais c'est une question qui sera négociée ou contestée lors de discussions futures.

Laissez-moi vous dire que ce sera un vrai champ de bataille pour les écologistes, l'industrie et le gouvernement. Cette disposition prépare simplement le terrain pour un nouveau combat sur la signification de «limite de dosage» ou de «niveau mesurable» et la lutte sera chaude.

Le président: Merci.

Au second tour, monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour: Monsieur Muldoon, je vous rappelle que dans le rapport du comité—et je n'essaie pas de vous mettre dans l'embarras, parce que je sais que c'est tout un projet de loi à étudier et notre rapport aussi—nous avons présenté plusieurs recommandations au sujet du contrôle de l'application de la loi. À votre avis, est-ce que le nouveau projet de loi ressemble à l'ancien en ce qui concerne le contrôle d'application ou alors est- il plus ferme ou plus indulgent? On a parlé des ressources et des gens à cet égard, mais je pense maintenant plus aux dispositions elles-mêmes.

M. Paul Muldoon: Je n'ai pas terminé l'analyse comparative détaillée des projets de loi C-32 et C-74, mais j'ai l'impression que les deux sont assez semblables.

Dans son rapport sur le contrôle d'application, le comité avait tout à fait raison. Il y a un problème de capacité et de ressources. Mais j'attire aussi votre attention sur la recommandation 14 de votre rapport au sujet de l'établissement d'une agence centrale indépendante chargée de l'application de la loi. On ne retrouve pas cette idée dans le projet de loi alors qu'elle pourrait y être. On pourrait aussi procéder autrement, mais je crois que d'autres recommandations de votre rapport amélioreraient le projet de loi si elles s'y trouvaient; mais elles pourraient aussi être mises en pratique sans ça.

• 1035

La vérité, c'est qu'il ne faut pas seulement plus de ressources. C'est toute l'architecture du ministère même qu'il faut revoir.

M. Bill Gilmour: Je pense que ce serait assez utile au comité si vous pouviez prendre le temps de faire une étude comparative de son rapport sur l'application de la loi et de recommander des amendements à la loi qui iraient dans le sens des recommandations du rapport. Ce serait très utile.

M. Steven Shrybman: J'ajouterais seulement que je vous encourage aussi vivement à faire remarquer que la plupart des Canadiens auraient un choc s'ils s'apercevaient que, dans une loi aussi volumineuse, il y a très peu de dispositions créant effectivement des obligations impératives auxquelles personne ne pourrait se soustraire. L'omission la plus flagrante, c'est celle de l'obligation de ne pas polluer. Elle ne se trouve nulle part. C'est à cause des vicissitudes du processus politique, mais après dix ans, il serait inique de demander aux Canadiens d'attendre encore un peu.

M. Mark Winfield: Par opposition, la loi ontarienne sur la protection de l'environnement, par exemple, renferme une disposition énonçant expressément l'interdiction d'entreprendre des activités ayant un effet préjudiciable sur l'environnement. Cette interdiction fondamentale prévaut en dépit de toute autorisation ou autre disposition prévues par la loi.

Le projet de loi n'énonce aucune norme de rendement de cette nature, pas même pour les opérations et activités du gouvernement fédéral. On aurait pu s'attendre à l'établissement d'une norme minimale de rendement, au moins pour le gouvernement fédéral lui- même, sinon une norme universelle comme l'a suggéré Steven.

M. Steven Shrybman: Et cette interdiction se trouve dans la loi de la Colombie-Britannique et dans la plupart des lois sur la protection de l'environnement. C'est une disposition assez courante.

Le président: Merci.

Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: Ma prochaine question concerne la portée de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et celle de certains articles du projet de loi. Je voudrais savoir si par hasard vous avez étudié la portée de l'Accord de libre-échange sur l'alinéa 185(1)a) relativement aux droits réglementaires qu'on imposerait à certaines de nos entreprises qui oeuvrent dans la gestion environnementale des substances toxiques—il ne faut pas se le cacher car nous avons entendu leurs récriminations—et l'impact que cette disposition du projet de loi pourra avoir sur ces entreprises qui sont de bons citoyens corporatifs sur le plan environnemental. J'aimerais savoir si vous avez étudié la portée de l'Accord de libre-échange sur le projet de loi dans l'ensemble, et particulièrement sur l'article 185.

[Traduction]

M. Mark Winfield: Nous n'avons pas étudié l'article 185 en particulier, mais nous attirons l'attention des députés sur le paragraphe 93(4) qui oblige à consulter le ministre du Commerce international avant la prise de mesures ou de règlements concernant une substance toxique, au cas où ça nuirait de quelque façon au commerce international de cette substance.

C'est nouveau, ce n'est pas dans la loi en vigueur, et on présume que c'est une répercussion de l'incidence de l'Accord de libre-échange sur la rédaction du projet de loi, ainsi que du pouvoir accru du ministère du Commerce international. Ça donne en fait au ministre du Commerce international un droit de veto sur tout règlement qui pourrait être pris en application de la loi relativement à une substance toxique, si ce règlement était susceptible de nuire de quelque façon au commerce international de la substance concernée.

M. Steven Shrybman: Je pense que cette disposition existe parce que le Canada est tenu, en vertu de l'Accord de l'OMC relatif aux obstacles techniques au commerce, d'informer tous ses partenaires commerciaux et tous les autres membres de l'OMC, de ses mesures législatives ou réglementaires susceptibles de nuire directement ou indirectement au commerce. Il faut en aviser les autres membres de l'OMC afin qu'ils puissent faire connaître leur opinion et le ministre doit démontrer qu'il a tenu compte de leurs vues avant de réglementer.

Autrement dit, le droit de la communauté internationale d'être avisée des nouveautés législatives canadiennes et de les commenter l'emporte bien souvent sur les droits des Canadiens.

• 1040

En outre, si le gouvernement procède à la prise de mesures réglementaires malgré des protestations, il doit laisser aux producteurs étrangers le temps de se conformer à la loi canadienne. Ce sont des obligations formelles qui se trouvent dans l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce de l'OMC. C'est pourquoi le ministre doit faire partie du cercle des décideurs. Le Canada a contracté ces obligations qui découlent des traités qu'il a signés sur le commerce et l'investissement.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Herron, s'il vous plaît, suivi de M. Lincoln.

[Traduction]

M. John Herron: Je voudrais savoir ce que vous pensez des dispositions sur les mesures de rechange qui sont... Je pense que ce sont les articles 295 à 309. Êtes-vous favorables à ces initiatives qui constituent des peines innovatrices?

M. Mark Winfield: Nous sommes encore en train d'en discuter entre nous. Je pense qu'il va falloir en parler avec nos... L'Association canadienne du droit de l'environnement a des permanents qui ont de l'expérience comme procureurs dans des affaires d'environnement. Je ne pense pas qu'on en soit arrivé à une conclusion définitive sur ces dispositions. C'est un aspect juridique plus technique que nous allons essayer de traiter dans l'étude article par article du projet de loi, que nous allons transmettre au comité plus tard. Je préfère ne pas vous donner de réponse définitive pour le moment. Je dirais qu'on y réfléchit encore.

M. John Herron: Laissez-nous-le savoir dès que vous...

M. Mark Winfield: Oui, nous communiquerons avec vous.

M. John Herron: Merci.

Le président: Monsieur Lincoln.

M. Clifford Lincoln: Monsieur le président, je veux faire une observation à partir de ce que vous avez vous-même dit sur s'efforcer et ne pas s'efforcer. Peut-être que je deviens cynique avec l'âge, mais je remarque que quand il s'agit d'établir des normes de qualité uniforme à l'échelle nationale, de protéger l'environnement et d'agir avec diligence pour déterminer si des substances sont toxiques, nous nous efforçons de le faire. Mais quand on en arrive aux accords intergouvernementaux, on ne parle plus de s'efforcer mais d'agir. Quand il est question d'éviter le dédoublement et d'agir de façon complémentaire, alors on ne s'efforce plus, on veille à le faire. À nouveau, quand il est question d'informer, on s'efforce de le faire. On va aussi s'efforcer d'appliquer la loi de façon juste, prévisible et cohérente.

Toute cette affaire est infecte. Quand on voit toutes les failles et les lacunes, depuis le premier attendu que jusqu'à la fin, on se demande si un tel navet est récupérable. Je me demande comment on peut arranger le projet de loi sans refaire chacune des dispositions. Est-il préférable de s'en tenir au connu plutôt que de charcuter le projet de loi? Il y a tellement de corrections à apporter, je ne sais pas par où commencer ni comment ça finira, ni si c'est possible d'arranger les choses.

Le président: Je dois vous demander de répondre très brièvement parce que le timbre nous appelle pour aller voter.

M. Mark Winfield: D'accord, monsieur le président.

Je suis d'accord avec M. Lincoln, la correction du projet de loi sera une tâche faramineuse, mais je pense que le comité en a vu d'autres. Il faudra y mettre beaucoup de travail parce qu'il faut apporter des modifications de fond. Ce ne sera pas facile. Pour corriger le projet de loi, il ne suffira pas d'apporter certains amendements techniques par-ci par-là. Il faut reprendre sa rédaction du début, mais j'espère que les membres du comité trouveront les ressources et la volonté nécessaires pour entreprendre cette tâche.

M. Steven Shrybman: J'approuve sans réserve. Je crois que le comité joue un rôle tout à fait essentiel dans l'élaboration de la politique et de la loi au Canada. Il en a certes la capacité. La loi de 1988 ne permet pas de mesurer adéquatement la protection législative de l'environnement, dont bénéficie la population canadienne. Il faut l'améliorer. J'encourage vivement le comité à faire savoir très clairement comment les choses doivent se passer.

• 1045

Le président: Merci.

M. Knutson, suivi de Mme Kraft Sloan, M. Charbonneau, Mme Carroll et le président.

M. Gar Knutson: Merci beaucoup.

J'en reviens à la question des procès intentés par les citoyens. Les représentants de l'industrie, quand ils comparaîtront, nous diront qu'ils s'inquiètent parce qu'il n'y a pas de restrictions. Ils nous diront aussi que ces dispositions sont inefficaces, qu'elles n'ont pas marché aux États-Unis.

Ma question a deux volets. Monsieur Muldoon, vous avez dit que ces dispositions n'avaient jamais été invoquées en Ontario. Je me demande si le seul fait d'avoir une disposition autorisant quelqu'un à demander au ministère de faire enquête n'est pas utile en soi même si les enquêtes n'aboutissent pas à une procédure judiciaire.

Le deuxième volet de ma question, c'est pouvez-vous nous donner une référence? Existe-t-il une étude quelconque que vous pourriez soumettre au comité pour montrer l'utilité de ces dispositions en général ou leur efficacité aux États-Unis?

M. Paul Muldoon: En réponse à votre première question, la demande d'enquête est prévue dans la LCPE en vigueur. En Ontario, il existe une disposition comparable tout comme dans les autres territoires. C'est un mécanisme très efficace parce que la plupart des citoyens font aujourd'hui respecter la loi en demandant une enquête. S'il y a des preuves d'infraction, un particulier peut alors intenter des poursuites. Le problème, c'est que ces poursuites sont des instances criminelles et que les recours ne sont pas les mêmes que ceux prévus dans des dispositions comme celles-là, si elles étaient efficaces.

Il existe beaucoup d'études démontrant l'efficacité des poursuites par des particuliers. Je peux vous donner des références tant au niveau des États que du fédéral. Le gouvernement américain a mis au point toute une stratégie pour contrôler l'application de la loi et cette stratégie repose en partie sur l'intervention des citoyens. Donc, je pense qu'on vous a induits en erreur.

M. Gar Knutson: Pourquoi l'industrie dirait-elle que ça ne marche pas?

M. Paul Muldoon: Je l'ignore. Je ne peux pas parler au nom de l'industrie, mais je peux vous dire qu'elle n'apprécie pas du tout que, du jour au lendemain, des citoyens puissent prendre des mesures pour l'obliger à respecter la loi. En vérité, certains des procès les plus importants au Canada pour des affaires d'environnement ont eu lieu parce qu'un citoyen a pris lui-même un recours quand le gouvernement a refusé de le faire. Il arrive pour une foule de raisons que les gouvernements refusent d'agir. Je m'engage à vous fournir la documentation démontrant les avantages des recours pris par des citoyens.

Le président: Merci.

Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît, suivie de M. Charbonneau.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Quand j'ai interrogé les fonctionnaires de Santé Canada la semaine dernière, ils m'ont dit que la nouvelle LCPE révisée renfermait des dispositions qui régleront adéquatement le cas des substances qui provoquent des troubles endocriniens. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

M. Paul Muldoon: En clair, nous voulions un régime qui permettrait la quasi-élimination de ces substances, même si elles ne sont ni rémanentes ni bioaccumulables. Pour le moment, le projet de loi se concentre sur... Pour être visée par la quasi- élimination, une substance doit remplir le critère d'être rémanente et bioaccumulable. Qu'arrive-t-il si certaines ne le sont pas? À notre avis, la loi empêche d'être sévère pour ces types de substances. Nous avons toujours préféré, tant pour ce projet de loi que pour le projet de loi C-74, de définir par règlement les substances qui devraient être soumises à la quasi-élimination. Je pense que ça réglerait le problème. Nous pouvons vous suggérer un libellé précis si vous préférez.

Mme Karen Kraft Sloan: Est-ce que vous suggérez un autre régime?

M. Paul Muldoon: Non, le régime de la quasi-élimination, mais en étendant le champ d'application aux substances qui provoquent des troubles endocriniens.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord, merci.

[Français]

Le président: Thank you. Monsieur Charbonneau.

M. Yvon Charbonneau: J'aimerais demander à nos témoins de nous dire ce qu'ils pensent de certaines affirmations qu'on fait dans plusieurs milieux, à savoir, par exemple, que le progrès en matière de protection de l'environnement ira de pair avec l'apprentissage, par les entreprises, d'une plus saine gestion et d'une planification stratégique plus large incorporant les dimensions environnementales. Au fond, la protection de l'environnement est une question de saine gestion.

• 1050

On entend plusieurs dirigeants d'entreprise et plusieurs autres personnes qui s'y connaissent en environnement dire qu'au fond, la gestion de l'environnement est une question de bon sens économique. Nous avons reçu une foule de témoignages de grandes entreprises qui ont réduit leurs coûts, qui ont accédé à de nouveaux marchés et qui sont devenues plus compétitives parce qu'elles ont su prendre soin de l'environnement. Elles ont su développer de nouvelles technologies ou se procurer de nouvelles technologies qui ont réduit leurs coûts à tous les égards. Au fond, c'est une question de bon sens économique que de gérer l'environnement proprement, une question de responsabilité.

J'ai cru comprendre que vous n'accordez pas beaucoup d'intérêt aux mesures dites volontaires. Vous dites que toutes ces questions de mesures de responsabilisation volontaire des entreprises sont jusqu'à un certain point un échec. Pourriez-vous faire quelques commentaires là-dessus? Il me semble qu'on ne peut pas affecter un agent du ministère de l'Environnement ou un inspecteur dans chaque entreprise. Il y en a 60 à la grandeur du Canada. Même s'il y en avait 300 ou 3 000, il faudrait d'abord et avant tout faire prendre leurs responsabilités à ceux qui gèrent les entreprises. Il y a toujours de plus en plus de règlements, et nous savons que même les règlements actuels ne sont pas bien respectés. À vous entendre et à en entendre d'autres, il faudrait encore plus de règlements, des règlements encore plus poussés, plus pointus et plus exigeants. Ce n'est certainement pas seulement par la voie de l'augmentation du nombre d'inspecteurs et de la quantité de ressources qu'on va arriver à surmonter ce défi. Il y a certainement une piste qui s'appelle la responsabilisation. Il me semble que vous n'insistez pas beaucoup là-dessus. Je vous donne l'occasion de le faire.

[Traduction]

M. Steven Shrybman: Nous avons joint à notre mémoire des extraits d'une étude que le comité connaît, je le sais. Elle a été réalisée par Peter Krahn et s'intitule Enforcement and Voluntary Compliance. Il travaille à Environnement Canada dans la région du Pacifique et du Yukon.

On a annexé les graphiques et les tableaux parce qu'on les a trouvés très convaincants, puisqu'ils illustrent l'écart entre mesures facultatives et mesures réglementaires. Ici, c'est la période des mesures facultatives; là, c'est l'entrée en vigueur des obligations réglementaires visant le produit chimique antifongique utilisé dans l'industrie du bois en Colombie-Britannique pour prévenir la tache de sève.

Devant des preuves assez convaincantes que nombre de ces modifications sont rentables et même si certaines des plus grandes entreprises dans l'industrie en tirent avantage, beaucoup ne le font pas. Cette réticence a été démontrée par plusieurs études, y compris une étude assez bien connue de KPMG qui a fait enquête auprès des cadres d'entreprises privées.

Je n'ajouterai qu'une chose—et je l'ai indiquée à l'endroit où se trouvent nos observations sur la prévention de la pollution parce que, malheureusement, le projet de loi C-32 n'oblige personne à se doter d'un plan antipollution—c'est une étude du New Jersey qui a interrogé des gens d'affaires de l'État avant et après l'élaboration d'un plan antipollution. On leur a demandé ce que produirait la lutte contre la pollution au moyen de mesures antipollution rentables? Les cadres ont fait une estimation, mais après étude, ils ont constaté que c'était deux fois plus que prévu. Le problème, c'est que si les gens connaissaient les bénéfices de la planification de la lutte antipollution, ils le feraient, mais comme rien ne les oblige à le faire, ils ne sont pas conscients des possibilités.

Le président: Madame Carroll, vous avez cinq bonnes minutes.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je peux laisser du temps à d'autres. Je crois que ma question a déjà été posée par M. Lincoln et je ne m'en plains pas.

J'ai écouté très attentivement ce matin la description des multiples défauts de la loi et je me demande si notre comité sera capable de corriger ce projet de loi au moment de l'étude article par article, puisque comme vous dites si bien, il représente le triomphe des priorités économiques sur les préoccupations écologistes. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas optimiste parce que je le suis toujours. Si je ne l'étais pas, je ne serais pas députée fédérale. Je doute néanmoins qu'on puisse accomplir cette tâche si la volonté fait défaut.

• 1055

M. Paul Muldoon: Je pense que l'un des problèmes, c'est que le projet de loi a été rédigé en partie par un comité. Logiquement, ce comité aurait dû être formé au sein d'Environnement Canada, mais en réalité, je pense qu'Industrie Canada, Ressources naturelles Canada, Agriculture Canada et le ministre des Finances ont multiplié les démarches pour que le projet de loi tienne compte de leurs points de vue et pour obtenir certains compromis. Il en résulte un projet de loi qui n'a pas de sens. On n'arrive pas à comprendre comment ça va marcher. Autrement dit, ça va aller à l'encontre de la protection de l'environnement.

D'ailleurs, si notre étude article par article du projet de loi n'était pas prête à temps ce matin, c'est parce que presque tous les articles commandent des observations de fond. À notre avis, la seule façon de corriger le projet de loi, c'est d'y aller article par article. Ce sera long, laborieux et très controversé.

Monsieur le président, ce n'est pas facile du tout pour mon organisme de venir vous dire en personne qu'on ne peut pas appuyer un projet de loi sur l'environnement. C'est très difficile. C'est même embarrassant, mais nous n'avons pas le choix. Néanmoins, comme la députée, nous croyons que le comité va tenir compte de nos observations et tenter de corriger le projet de loi afin qu'il serve l'intérêt public.

Le président: Madame Carroll, encore une question.

Mme Aileen Carroll: Je vous remercie pour ce point de vue et pour votre réponse. Mais quand vous dites que le projet de loi a été rédigé par divers comités, j'en viens à conclure... J'essaie de me rappeler une analogie qui m'échappe. Si chacun partait de son côté avec un même concept et qu'on mettait ensemble le fruit de leurs réflexions, qu'est-ce qu'on obtiendrait? Presque exactement le même résultat que celui que vous décrivez.

Mais nous avons du pain sur la planche. Il est impossible de revenir à la case départ pour créer un projet de loi selon certains principes donnés. On doit travailler à partir du projet de loi qui a été présenté et l'amender au moment de l'étude article par article. Comme on n'a pas le choix, c'est ce qu'on va faire.

Le président: Merci, madame Carroll.

J'ai deux brèves questions à poser, puis nous irons voter.

Pourriez-vous faire un bref commentaire sur les mesures de rechange en matière de protection de l'environnement prévues aux articles 295 à 304? Un bref commentaire. Êtes-vous pour ces dispositions? Sont-elles correctes?

M. Paul Muldoon: Nous n'avons pas fait un examen détaillé de ces dispositions, monsieur le président. Nous avons l'impression que c'est un pas dans la bonne direction, mais nous vous ferons part de notre opinion définitive quand nous aurons eu le temps de les examiner plus attentivement.

Le président: Je comprends.

Alors pourriez-vous faire un bref commentaire sur la très longue énumération au paragraphe 93(5), à la page 64? Il s'agit de la liste des dérogations, à l'alinéa 93(5)a). Dites au comité ce que vous en pensez étant donné l'existence de l'article 330 qui confère les pouvoirs de réglementation. Où cela nous mènera-t-il? Quel sera le tableau dans l'ensemble du Canada?

M. Mark Winfield: Le paragraphe 93(5) semble être un pouvoir de dérogation extraordinairement étendu.

Le président: En effet.

M. Mark Winfield: Ça me rappelle les dispositions que le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario a incorporées dans la loi ontarienne sur la protection de l'environnement. Ça confère essentiellement au Cabinet le pouvoir d'accorder une dérogation à quiconque pour n'importe quoi sous le régime de la loi.

Je pense que de telles dispositions amènent à s'interroger sur la primauté du droit et sur le risque, comme l'a dit M. Gilmour, que l'exécutif usurpe la compétence du législateur. Je ne pense pas qu'on serait très à l'aise avec des dispositions comme celle-là. C'est comme si on donnait au Conseil des ministres une baguette magique lui permettant de faire ses quatre volontés.

• 1100

M. Steven Shrybman: Je pense que la tâche du comité n'est pas aussi ardue qu'il y paraît, parce qu'il suffit, au moment de l'étude article par article, d'enlever tout ce qui ne va pas, toutes les dispositions qui n'ont rien à voir avec la protection de l'environnement ou qui ne créent pas une obligation impérative de protéger l'environnement. Après ça, le projet de loi sera beaucoup plus mince, beaucoup plus facile à appliquer et bien plus accessible aux Canadiens qui veulent le comprendre.

Le président: Nous devons voter dans quelques minutes. Il serait sage de partir maintenant, parce que d'après nos calculs, il doit rester à peine cinq minutes.

Pour demain—il ne serait pas sage de vous faire attendre parce qu'on ignore combien de votes sont prévus—le greffier m'informe que nous allons accueillir dans l'après-midi la Chambre de commerce du Canada, l'Alliance of Manufacturers and Exporters Canada,

[Français]

le Centre patronal de l'environnement du Québec,

[Traduction]

etc. Donc, vérifiez si vous êtes libres demain après-midi à 15 h 30. Ce sera fort intéressant.

Je vous remercie d'avoir comparu.

La séance est levée.