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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 février 1998

• 0914

[Traduction]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour. Les témoins que nous entendrons aujourd'hui représentent le Congrès du travail du Canada. Il s'agit du secrétaire-trésorier, M. Dick Martin, et du directeur national pour la santé et la sécurité au travail et l'environnement, M. Dave Bennett. Nous nous excusons du retard et nous vous souhaitons la bienvenue.

Allez-y, vous avez la parole.

M. Dick Martin (secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.

Je veux tout d'abord remercier le comité d'avoir invité le Congrès du travail du Canada à témoigner devant lui aujourd'hui. Bon nombre de nos membres travaillent dans les industries couvertes par la loi fédérale sur l'environnement et ces personnes sont toutes affectées par la pollution au point où elles perdent leur emploi, compte tenu de l'échec des mesures de protection de l'environnement. Il s'agit d'un enjeu social qui affecte tous nos membres et la population en général.

• 0915

Le Congrès du travail du Canada, en tant qu'organisation, favorise largement l'adoption de mesures de protection environnementales efficaces. Bon nombre de sections locales traitent maintenant de questions qui touchent à la fois à l'environnement et à la santé et la sécurité au travail. Certaines d'entre elles ont formé des comités mixtes syndicaux-patronaux afin de traiter des problèmes d'environnement qui surviennent au travail.

On discute présentement d'application afin de constater dans quelle mesure la législation fédérale sur l'environnement est respectée. Je veux dès lors dire au comité que les questions d'application sont relativement faciles à aborder mais que leur rapport avec l'observation est difficile à déterminer. En elles-mêmes, les données sur l'application ne nous révèlent pas toute la situation relative au niveau de la conformité en ce qui a trait à la loi sur l'environnement.

Lorsque la Politique d'application et d'observation de la LCPE a été mise en vigueur en 1988, la première année de la LCPE, elle annonçait carrément qu'une bonne législation doit être bien appliquée. Nous savons que tel n'est pas le cas. En effet, en 1992-1993, il y a eu 1 233 inspections relativement aux règlements de la LCPE; 93 enquêtes; 105 avertissements; quatre directives et 22 poursuites qui ont donné lieu à 17 condamnations. En 1995-1996, la situation s'était détériorée: il n'y a eu que 963 inspections; 94 enquêtes, 87 avertissements; 15 poursuites, pour un total de huit condamnations, et aucune directive n'a été émise.

La cible des poursuites a été quelque peu modifiée, de telle sorte que celles-ci ont été dirigées davantage vers les entreprises qui se consacrent à l'exportation et à l'importation de déchets dangereux au détriment des poursuites en vertu des règlements sur l'ozone et sur les BPC. Le taux de réussite des poursuites a également diminué.

Permettez-moi de dire au comité que le problème dépend moins des poursuites que du type d'activités susceptibles d'assurer l'application de la loi menées par Environnement Canada. Il est clair que la présence d'Environnement Canada du point de vue de l'application est de moins en moins forte; mais cette présence sur le plan de l'application est la meilleure garantie que la loi sera respectée.

La donnée principale touche un très petit nombre de directives: quatre seulement au total en 1992-1993, et aucune en 1995-1996. La menace de poursuites est le facteur le plus déterminant pour assurer le respect de la loi sur l'environnement, mais la lourdeur administrative du système judiciaire et le niveau généralement bas des pénalités démontrent que l'application doit dépendre en pratique d'un nombre beaucoup plus élevé d'activités d'application moins sévères. Lorsque celles-ci sont absentes, il n'y a aucune preuve voulant que la loi fédérale sur l'environnement soit généralement respectée.

Devons-nous vraiment croire, par exemple, que l'observation volontaire fonctionne réellement? Après tout, l'efficacité des méthodes d'application de la LCPE n'a jamais été très élevée; elle était médiocre même avant que l'observation volontaire ne soit à la mode. Ce n'est pas comme si l'observation volontaire avait remplacé l'application des règlements; il y a eu très peu de choses à remplacer. Pour nous, l'explication la plus plausible est la suivante: les attaques du milieu des affaires contre les «règlements de commande et de contrôle», mal nommés, ont affaibli davantage l'application qui, de niveau peu élevé qu'elle était, a été ramenée à des niveaux encore plus bas.

Le comité voudra peut-être examiner la relation entre le déclin de l'activité d'observation et la régionalisation ou décentralisation des activités d'Environnement Canada.

Diverses méthodes alternatives visant à assurer l'observation de la loi ont été proposées pour la LCPE, et elles valent toutes la peine d'être examinées. À ce sujet, j'aimerais attirer l'attention du comité sur trois propositions faites par le Congrès du travail du Canada.

La première vise une meilleure protection des dénonciateurs pour les travailleuses et travailleurs qui signalent toute transgression à la loi et les mauvaises pratiques environnementales, et qui les rapportent non pas seulement aux inspecteurs et inspectrices, mais à la population par la voie des médias. Après tout, la pollution est une question d'intérêt public et les travailleuses et travailleurs devraient avoir le droit d'en parler publiquement sans crainte de représailles.

La deuxième est le droit légal de refuser de polluer, qui est parallèle au droit établi depuis longtemps au Canada de refuser tout travail dangereux et malsain. À l'heure actuelle, seul le Yukon a inscrit ce droit dans ses lois.

Troisièmement, nous réclamons le droit légal d'avoir des comités mixtes syndicaux-patronaux de l'environnement pour suppléer, dans tout le Canada, aux obligations légales des comités mixtes syndicaux-patronaux en santé et sécurité. Si elles étaient mises en oeuvre, toutes ces propositions assureraient une plus grande observation de la loi sur la protection de l'environnement.

J'aimerais maintenant aborder la deuxième des deux grandes questions concernant l'application de la loi sur la protection de l'environnement. Cette question concerne le processus visant à céder l'application de la loi environnementale fédérale aux provinces et territoires, tant en vertu de la LCPE que de la Loi sur les pêches. Ici, la situation est encore plus embrouillée et obscure que celle de l'application directe de la loi fédérale.

Certes, la population est perdue quant à l'observation des lois fédérales et il me semble bien que ce soit aussi le cas pour le gouvernement du Canada, comme en témoigne la poursuite en voie d'être intentée contre le ministère des Pêches et Océans, puisque le ministère lui-même reconnaît qu'il ignore combien il y a eu de condamnations. Il semble très difficile de savoir ce qui se passe dans les provinces, ce qui est étrange en cette ère d'informatique et de communication. Ce renseignement devrait être immédiatement accessible.

• 0920

Quoi qu'il en soit, par exemple, à compter du 1er juin 1994, quatre séries de règlements de la LCPE ne s'appliquaient plus en Alberta et étaient remplacés par des règlements provinciaux équivalents. Le gouvernement fédéral indique dans le Rapport annuel de la LCPE de 1995-1996, à la page 22, qu'il reçoit des rapports sur l'état d'observation de ces règlements dans les industries pertinentes et des interventions du gouvernement albertain visant à les faire appliquer.

Mais je prétends que ni ce comité-ci ni la population ne peuvent être assurés que les règlements albertains sont réellement équivalents ou à peu près équivalents; que l'application des règlements et leur observation répondent à quelque norme fédérale que ce soit; et que l'entente a réussi à éliminer le double emploi, comme on l'affirme. En autant que nous le sachions, c'est de la déréglementation à la dérobée.

De manière similaire, le vérificateur général du Canada a publié, au début des années 1990, des rapports sur l'état de l'observation des Règlements sur les effluents liquides des mines de métaux découlant de la Loi sur les pêches. La situation n'était pas bonne. Puis la question est disparue, mystérieusement, des rapports annuels. Ainsi, la population n'est aucunement informée de la situation relative à l'observation de la loi fédérale, et ce, probablement parce que le gouvernement fédéral lui-même ne peut suivre la situation sur l'observation des règlements qui ont été cédés aux provinces pour y être administrés et appliqués.

La situation va-t-elle s'aggraver si l'entente sur l'harmonisation environnementale est mise en oeuvre, et surtout si le gouvernement fédéral se départit des conditions minimales de dévolution en vertu de l'article 98 de la LCPE? Tout juste avant la signature de l'entente sur l'harmonisation environnementale, le 29 janvier 1998, des organisations environnementales ont publié des données sur l'état épouvantable de l'application et de l'observation, au Québec, des Règlements des effluents des fabriques de pâtes et papiers découlant de la Loi sur les pêches.

Maintenant, le gouvernement fédéral veut généraliser cette procédure et se délester de toutes les responsabilités environnementales possibles sur le plan constitutionnel. Tout indique que ce sera un désastre absolu sur les normes nationales pour la protection de l'environnement.

Finalement, j'aimerais attirer l'attention du comité sur les types de règlements alternatifs. Le CTC a proposé à ce comité-ci et au gouvernement de publier des règlements efficaces sur la prévention de la pollution pour les industries sous compétence fédérale. Ceux-ci seraient très avantageux pour la protection de l'environnement et constitueraient un exemple pour une législation similaire dans les provinces et territoires.

Mais il faudra du temps avant que de tels règlements puissent éclipser les règlements traditionnels sur le contrôle des effluents, c'est-à-dire qu'ils soient dépassés. De tels règlements constituent notre rempart contre la dégradation complète de l'environnement canadien. Sans application adéquate de la loi, ils sont inutiles.

Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Martin. C'était très pertinent et très utile.

Voulez-vous commencer, monsieur Gilmour?

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Je vous remercie d'être des nôtres ce matin.

Je suppose qu'au fond, nous recherchons tous un certain équilibre. Je pense que nous voulons tous nous assurer que l'environnement sera protégé, mais grâce à une réglementation efficace qui ne soit pas exagérément lourde; nous ne voulons pas réglementer à coups de masse.

Sauf erreur, la plupart des entreprises et leurs employés assument leurs responsabilités et respectent les règlements. Ce sont les autres que nous voulons pincer, ceux qui ne jouent pas le jeu.

J'ai pris bonne note de ce que vous avez dit au sujet d'une mesure législative sur les dénonciateurs. J'ai déjà travaillé dans une assez grande entreprise d'exploitation forestière et nous avions notre comité syndical-patronal. En fait, je présidais le volet environnemental du comité de la sécurité et cela fonctionnait très bien. Les employés n'avaient pas peur de dire qu'il y avait eu déversement d'huile ou quoi que ce soit; en fait, ils n'avaient aucune hésitation à dénoncer ce genre de choses. Quand nous avions des problèmes, le gouvernement comprenait très bien que l'on travaillait main dans la main et que nous n'essayions nullement de cacher quoi que ce soit. Comme vous le voyez, je connais la musique.

À vos yeux, quel serait le meilleur équilibre? Voilà ce que j'essaie de déterminer. À votre avis, comment faut-il s'y prendre pour établir ce juste équilibre entre une réglementation de type volontaire, où les compagnies et les employés travaillent ensemble pour s'assurer que tout va bien, et les efforts pour attraper les coupables, ceux qui essaient de cacher des choses?

• 0925

M. Dick Martin: Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec vous. J'aime à croire que la majorité des entreprises et de leurs employés respectent la loi et se préoccupent de l'environnement et qu'ils ne vont pas déverser plein de déchets dans l'environnement. Il y a toutefois beaucoup de gens malfaisants qu'il faut surveiller de près.

Nous croyons que l'on peut s'y prendre de diverses façons. Premièrement, nous sommes convaincus qu'il faut de bonnes lois et de bons règlements. Après tout, on ne va pas dire au grand public que l'on va supprimer les patrouilles de police sur les routes et s'en remettre à la bonne volonté des gens pour respecter les limites de vitesse. Nous savons que cela ne fonctionne pas très bien. Nous faisons appel à la police pour faire respecter les limites de vitesse et faire adopter des techniques de conduite automobile sécuritaires.

Les entreprises qui assument leurs responsabilités morales n'ont rien à craindre d'une réglementation sévère. Elles respectent les règlements et s'adonnent donc sans crainte à leurs activités normales, pourvu bien sûr qu'elles respectent les objectifs du règlement. Par contre, les compagnies qui ont un bilan peu reluisant à ce chapitre ont beaucoup à craindre d'une bonne réglementation rigoureusement appliquée. Ces compagnies-là doivent mettre de l'ordre dans leurs affaires et rentrer dans les rangs.

Nous continuons donc de croire qu'une bonne réglementation rigoureusement appliquée est la bonne façon de s'y prendre, mais nous reconnaissons que vous n'aurez probablement jamais suffisamment d'inspecteurs pour visiter toutes les entreprises.

Nous parlons de dénonciateurs. Malheureusement, du moins de notre point de vue, beaucoup de travailleurs ne sont pas protégés par des conventions collectives. Ils n'ont aucune protection. S'ils dérogent à la règle, surtout s'ils signalent quelque chose à un inspecteur ou font une dénonciation publiquement, ils perdent leur emploi. C'est aussi simple que cela. Ils sont donc muselés. C'est pourquoi nous croyons qu'il est important de légiférer pour protéger les dénonciateurs.

Enfin, nous croyons que les comités syndicaux-patronaux de santé et de sécurité ont amélioré la situation en matière de santé et de sécurité au travail. Il reste beaucoup à faire, je dois le dire, mais nous croyons quand même qu'il y a eu amélioration.

À notre avis, il faudrait confier aussi les préoccupations d'ordre environnemental à ces comités mixtes syndicaux-patronaux. Cela permet aux employés de devenir partie prenante. Ils savent ce qu'ils produisent, ce qui sort de leur usine et ils ne peuvent manquer d'avoir de bonnes suggestions à faire sur la façon d'assainir l'environnement. Après tout, beaucoup de compagnies progressistes ont constaté que si l'on écoute les employés qui travaillent avec les machines et qui vivent au jour le jour dans ce milieu, on ne peut manquer d'avoir d'assez bonnes idées sur la façon d'améliorer les choses.

On constaterait ainsi que non seulement le bilan environnemental s'améliorerait, mais probablement aussi que le taux d'efficacité serait rehaussé considérablement du même coup. Malheureusement, il y a des gens qui vivent sur une autre planète et qui ne s'imaginent pas que les choses puissent fonctionner de cette façon.

M. Bill Gilmour: Merci.

Le président: M. Pratt, suivi de Mme Kraft Sloan.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Martin, à la page 3 de votre mémoire, au sujet des règlements fédéraux qui ont été remplacés en 1994 par des règlements de l'Alberta, vous dites:

    Mais je prétends que ni ce comité-ci ni la population ne peuvent être assurés que les règlements albertains sont réellement équivalents ou à peu près équivalents;...

Y a-t-il un problème du côté des renseignements fournis par le gouvernement de l'Alberta? Ne pouvons-nous pas comparer assez facilement les règlements fédéraux et provinciaux, grâce aux renseignements disponibles?

M. Dick Martin: Je vais laisser David répondre à cela.

M. Dave Bennett (directeur national, Santé, sécurité et environnement au travail, Congrès du travail du Canada): C'est une bonne question et nous vous remercions de l'avoir posée.

Vous avez absolument raison de dire qu'il suffirait de faire une bonne recherche pour bien connaître les règlements fédéraux et albertains et en examiner le degré d'équivalence, tant en ce qui concerne la teneur que les procédures d'application prévues de part et d'autre. Il est bien évident que cela peut se faire, peut-être sans trop de difficulté, ou du moins sans trop de difficulté pour des chercheurs professionnels, des environnementalistes compétents qui s'intéressent au domaine.

Quant au deuxième point, ce n'est absolument pas clair, quel que soit l'étalon de mesure. Une chose est sûre, le gouvernement fédéral ne peut pas se contenter de dire: «Voilà, nous obtenons tel ou tel renseignement du gouvernement de l'Alberta, mais ni les rapports du gouvernement, ni les rapports annuels qu'il faut produire aux termes de la LCPE ni aucun autre instrument ne divulguent publiquement cette information.»

• 0930

Donc, sur les points deux et trois, il y a vraiment de quoi se demander si la loi fédérale est bien appliquée et respectée en Alberta.

D'après notre interprétation de l'article 98 de la LCPE, le gouvernement n'a pas vraiment enfreint la loi au sujet de la divulgation des renseignements au public, contrairement à ce qui se passe dans le cas des allégations qui ont été faites ces derniers jours au sujet de l'application et de l'observation de la Loi sur les pêches. Dans le cas qui nous occupe, il ne semble pas que le gouvernement ait vraiment enfreint la loi à proprement parler, mais je trouve que toute personne raisonnable ne peut que conclure que l'information que le public obtient au sujet de l'observation de la loi fédérale en Alberta est nébuleuse.

Deuxièmement, nous ne pouvons pas être certains que le gouvernement possède en réalité les renseignements voulus, parce que ceux-ci n'ont pas été divulgués publiquement.

M. David Pratt: Merci.

Le président: Mme Kraft Sloan, suivie de M. Charbonneau.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Je me reporte à ce que vous dites à la page 2, à savoir que les «règlements de commande et de contrôle» sont mal nommés. Pourriez-vous nous expliquer cela? Pourquoi estimez-vous qu'ils sont mal nommés?

M. Dick Martin: J'ignore qui a inventé l'expression «commande et contrôle». Cela donne l'impression que l'on vivait auparavant sous une sorte de régime stalinien où le gouvernement commandait et contrôlait tout. Je vous le dis sans détour, c'est absurde.

Cela a probablement été inventé par les fabricants canadiens de produits chimiques. Nous avons siégé à divers comités d'Environnement Canada où il y avait aussi des représentants d'Industrie Canada. Je vous le dis carrément... et c'était sous le gouvernement précédent, sous le régime conservateur. Nous tentions de régler d'un commun accord les problèmes d'environnement. Il y a eu un très très long affrontement entre nous, avec les collègues de l'environnement et aussi des fonctionnaires d'Environnement Canada et d'Industrie Canada.

Nous étions tout à fait offusqués qu'Industrie Canada continue de participer à ces audiences, alors que nous traitions d'environnement. Je vais vous dire ce dont j'ai qualifié les gens d'Industrie Canada. J'ai dit que la Gestapo était là pour surveiller ce qu'Environnement Canada faisait, afin de nous empêcher de mettre au point une loi ou des règlements ou une protection environnementale qui soient vraiment efficaces.

Depuis cette époque, comme nous le disons dans notre mémoire, le commandement et le contrôle, qui semblent être à la mode, n'ont pas bien fonctionné. Nous soutenons qu'une application rigoureuse d'une bonne réglementation donnera des résultats satisfaisants, tandis que l'observation volontaire est tout à fait absurde. Comme l'a dit l'autre membre du comité, c'est vrai qu'il y a beaucoup de compagnies qui se comportent en bons citoyens, mais il y en a aussi beaucoup d'autres qui polluent l'environnement.

Je vous rappelle à ce propos qu'il y a seulement une semaine, on a publié un rapport sur l'état de l'environnement en Ontario sous le gouvernement Harris. C'est un désastre complet. Voilà un bon exemple de volontariat: des substances toxiques sont rejetées dans les égouts et le ministre de l'Environnement de l'Ontario dit que tout va bien.

On rêve en couleur. Il n'y a pas de mal à empoisonner nos rivières et les Grands Lacs et tout le territoire; c'est ça, l'observation volontaire.

Nous avons dit aux producteurs canadiens de produits chimiques: «Je ne sais pas pourquoi nous devrions adopter l'observation volontaire. Vous autres, vous ne respectiez même pas les règlements auparavant».

Donc, de notre point de vue, ce qu'il faut, c'est davantage de bons règlements. Et quand je dis «bons», je ne parle pas de harceler inutilement les gens ou les compagnies, mais il faut que nous ayons un environnement sain. Nous voulons qu'il soit assaini. Il faut une politique d'application de la loi. Il faut qu'il y ait condamnation quand il y a mauvaise foi et que des installations ne sont pas conformes.

À notre avis, rien ne prouve que cela va nuire à la compétitivité ou à l'efficacité. Nous soutenons qu'au contraire, cela va renforcer l'efficacité des compagnies.

Il y a des compagnies, et je songe notamment à la société 3M, qui ont vraiment déployé des efforts pour établir un circuit fermé et faire beaucoup de recyclage. Le vice-président exécutif de 3M a dit à notre comité que la société avait vu sa marge de projet augmenter, que son efficacité était à la hausse et qu'elle ne polluait pas l'environnement.

• 0935

Tout ce que nous avons vu semble confirmer cela. Je parle particulièrement des compagnies américaines, bien sûr. Mais elles ont lancé le mouvement.

Par contre, nous croyons que nous avons chez nous, dans notre environnement, une crise qui s'aggrave, autant du côté des effluents que des gaz à effet de serre. Il est évident que la solution, c'est de réglementer et de bien faire appliquer les règlements à l'aide de bons inspecteurs.

Mme Karen Kraft Sloan: Compte tenu de vos grandes préoccupations en matière d'observation de la réglementation environnementale au Canada, comment vous y prendriez-vous pour améliorer le système? Quelles sont les principales mesures que vous prendriez pour améliorer les choses?

M. Dick Martin: À part ce que nous avons expliqué dans notre mémoire—nous croyons que ces mesures contribueraient grandement à remédier à la situation—nous avons fait connaître nos vues sur toute la question de l'harmonisation et de la dévolution aux provinces. Nous ne sommes absolument pas convaincus que la dévolution aux provinces... Certaines provinces se préoccupent davantage des dossiers environnementaux que d'autres, et il y aura inévitablement un manque d'uniformité d'un bout à l'autre du pays.

Nous croyons que l'environnement doit en réalité être placé dans la même catégorie que la défense nationale et les affaires nationales. Je ne veux pas me lancer dans un débat constitutionnel devant le comité, mais comment un gouvernement peut-il aller signer un accord à Kyoto et laisser ensuite les provinces dire qu'il n'est pas question pour elles de respecter cet accord? C'est tout à fait absurde. Je sais que cela cadre avec la logique de notre régime fédéral, mais il me semble que cela indique que le gouvernement fédéral devrait avoir des pouvoirs beaucoup plus étendus en matière d'environnement, d'autant que l'environnement dépasse le cadre étroit des provinces; l'air et tout le reste ne tiennent pas compte des frontières provinciales. L'eau traverse les provinces et va se jeter dans les océans, etc. Comment pouvons-nous confier tout cela aux provinces? Cela me dépasse. Nous devons faire notre part, au sein de la communauté internationale, pour nous attaquer à ces problèmes et la seule façon de le faire, c'est de confier les leviers de commande au gouvernement fédéral.

Peut-être bien que je m'y prends trop tard, que la boîte de Pandore est déjà ouverte, mais j'espère que le comité et le gouvernement fédéral réviseront leurs notions dans tout ce dossier de l'harmonisation. C'est un bien beau mot que l'«harmonisation», mais bien souvent, c'est la course au plus petit dénominateur commun. C'est exactement ce qui semble se passer. À n'en pas douter, nous croyons que c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe de jouer le rôle principal pour ce qui est de veiller à la protection de l'environnement et à son assainissement.

Comment s'y prendre? Eh bien, j'en reviens aux règlements. Nous croyons que les règlements et la loi... Votre comité tient des audiences. Nous croyons qu'il y a place pour une intervention tripartite sérieuse. Quand je dis tripartite, je veux dire les syndicats, les entreprises et le gouvernement, et quand je parle de syndicats, j'inclus là-dedans les groupes de défense de l'environnement. Il faut que tous mettent la main à la pâte pour établir des règlements solides et, si l'on n'arrive pas à s'entendre, que le gouvernement prenne une décision.

Je peux vous dire que cela a bien fonctionné au ministère du Travail en matière de santé et de sécurité au travail. Les syndicats et les entreprises ont réussi à s'entendre sur une foule de questions. Quand nous n'arrivons pas à nous entendre, le gouvernement prend la décision. Nous savons qu'habituellement, l'une ou l'autre des parties en sera mécontente, et les syndiqués et les entreprises essaient donc de se mettre d'accord avant que le gouvernement soit obligé de trancher. À mon avis, il est évident que cela peut se faire aussi dans le domaine de l'environnement.

Mme Karen Kraft Sloan: Vous dites donc que les mesures d'application sont plus rigoureuses ou plus satisfaisantes dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail que dans celui de l'environnement?

M. Dick Martin: Je le répète, la situation laisse beaucoup à désirer, mais les choses s'améliorent. Ce serait bien pire aujourd'hui si nous n'avions pas les comités mixtes et les règlements conjoints sur lesquels nous nous sommes entendus au niveau fédéral.

Nous continuons d'être critiques en matière d'application des règlements. Cette question de l'application se pose également au ministère du Travail, parce que l'on manque d'inspecteurs, ou bien il y a trop d'inspections, etc., mais nous croyons que de façon générale, les règlements sont bons. Tout ce que nous voulons, c'est qu'on les applique.

• 0940

Nous avons une longueur d'avance puisqu'il y a effectivement un bon nombre de comités mixtes de santé et de sécurité, tandis que dans le domaine de l'environnement, rien de tel n'existe à moins que ce ne soit négocié dans les conventions collectives. Comme je le dis dans le mémoire, nous avons négocié ce point dans certaines conventions, mais elles sont très peu nombreuses, je dois l'avouer.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Dave, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Dave Bennett: Oui. Je voudrais ajouter aux propos de Dick.

Dick a mentionné les consultations très étendues qui ont eu lieu avant que les règlements dits de commandement et de contrôle soient mis en vigueur. C'est particulièrement vrai dans le cas des règlements-clés pris aux termes de la Loi sur les pêches et traitant des effluents des mines, des raffineries et des usines de pâtes et papier. C'est un peu bizarre de catégoriser un règlement de cette manière, de l'appeler commandement et contrôle, alors qu'il y a eu de très longues consultations auprès des entreprises avant la rédaction des règlements et, dans certains cas, avant même que l'on s'entende avec les entreprises pour inscrire ces règlements dans la loi, c'est-à-dire que les entreprises ont donné leur accord, reconnaissant que ces règlements sont bons pour l'environnement et pour l'économie.

Je le répète, c'est étrange de qualifier tout cela de commandement et de contrôle, alors qu'en fait, dans bien des cas, cela s'est fait à l'issue d'un très long processus tout à fait démocratique et ouvert de consultation publique.

En vérité, cette expression ne fait qu'embrouiller la notion de commandement et de contrôle, qui tire son origine de Joseph Staline ou des militaires. En fait, c'est une expression militaire et c'est un élément tout à fait légitime de la discipline militaire que d'avoir dans les forces armées des mesures de commandement et de contrôle. C'est de là qu'elle vient. Ce que cela veut dire, en fait, c'est que ce sont des règlements traditionnels de contrôle des émissions. On réglemente la quantité d'émissions polluantes que les entreprises ont le droit de rejeter dans l'environnement, et c'est un peu comme—comment dire?—comme si l'on créait délibérément de la confusion terminologique dans la réglementation, camouflant un règlement de contrôle des émissions sous le couvert du commandement et du contrôle. C'est particulièrement important dans le cas de la Loi sur les pêches, comme nous l'avons dit.

De notre point de vue, il y a toute une gamme d'outils que le gouvernement peut utiliser pour veiller à ce que les règlements soient bien appliqués. Nous avons évoqué dans notre mémoire ce que nous appelons la présence réglementaire d'Environnement Canada. Nous citons des mécanismes qui existent sur les lieux de travail, auxquels M. Gilmour a fait allusion également, et qui aident à assurer le respect des règlements et, donc, à éviter d'avoir recours à des inspecteurs, à des directives et même à des poursuites. Mais nous sommes fermement d'avis que ces règlements doivent être rigoureusement appliqués afin d'assurer le respect intégral de la loi fédérale.

Vers la fin de notre exposé, nous avons indiqué qu'il y a bel et bien des solutions de rechange aux règlements de contrôle des émissions. Il y a lieu d'examiner tout cela. Nous entrevoyons la possibilité de programmes nationaux axés sur des solutions différentes en matière de réglementation, mais en même temps, nous disons qu'il faudra du temps avant que l'on puisse remplacer complètement les règlements traditionnels de contrôle des émissions.

Quelles pourraient être ces solutions de rechange? Dans le domaine de la prévention de la pollution, nous entrevoyons un jeu de règlements fédéraux qui seraient très différents des règlements traditionnels sur les émissions polluantes. Prévenir la pollution ne revient pas à publier un tableau de limites à ne pas dépasser en matière d'émissions. Il existe donc des solutions de rechange.

Il y a une autre solution qui a été à mon avis tout à fait négligée, autant par le Conseil du Trésor du Canada que par les milieux d'affaires... mais les objections qu'on a soulevées à cet égard se sont traduites par le rejet de cette possibilité comme forme légitime de réglementation, sous prétexte qu'il n'y a vraiment aucune solution de rechange, à part peut-être l'observation volontaire. Le résultat net, c'est que le public et le gouvernement du Canada n'ont pas été en mesure d'explorer les diverses possibilités qui existent en matière de réglementation, parce que toute l'entreprise a été fustigée avant même d'être mise en branle.

• 0945

Donc, des règlements sur la prévention de la pollution seraient une solution de rechange possible. Une autre possibilité consisterait à prendre des règlements qui insisteraient sur la mise en oeuvre des meilleures techniques existantes, ou MTE. Troisièmement, il y a la possibilité de réglementer pour imposer certaines technologies qui n'existent pas encore, afin d'atteindre des objectifs environnementaux.

Il peut sembler étrange, pour des représentants du gouvernement du Canada, d'entendre une telle proposition: une série de règlements qui imposeraient aux entreprises de faire ce qu'elles sont pour l'instant incapables de faire. Mais si l'on examine les meilleures pratiques, par exemple chez les militaires, aux États-Unis et en Europe septentrionale, alors il ne semble pas du tout étrange de recourir à des règlements qui imposent certaines solutions technologiques. Il faut examiner davantage la possibilité de recourir à des règlements de ce genre.

On peut se demander si toute l'industrie des pâtes et papier ne s'est pas fourvoyée fondamentalement en abordant la discussion sous l'angle de la réglementation visant le contrôle des émissions, quand il aurait peut-être été de loin préférable d'insister sur des échéances fixes pour la mise en oeuvre et l'instauration des meilleures techniques disponibles et l'établissement de règlements imposant des solutions technologiques.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Merci. Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Je voudrais tout d'abord dire à nos invités qu'il est toujours intéressant de prendre connaissance de leurs notes. Ce sont des notes qui vont droit au but et qui apportent des propositions dans un langage que j'apprécie beaucoup et qui est typique d'une organisation syndicale bien organisée.

Je voudrais revenir à vos trois propositions. La première vise une meilleure protection des dénonciateurs. Nous savons que c'est une recommandation qui a déjà été formulée par ce comité et qu'il y a eu une réponse gouvernementale. Nous verrons dans quelques jours ou quelques semaines la formule qui a été retenue dans la nouvelle version de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Votre deuxième recommandation porte sur le droit juridique de refuser de polluer. J'aimerais vous demander si vous avez fait des démarches en ce sens-là auprès du ministère du Travail fédéral.

[Traduction]

M. Dick Martin: Non, pas dans ce dossier particulier. Nous avons discuté de santé et de sécurité au travail. Nous travaillons à ce dossier parce que nous voulons pouvoir refuser d'accomplir des tâches malsaines ou dangereuses, mais nous n'avons pas fait cette proposition. Nous avons cerné la question et déclaré qu'Environnement Canada devrait s'en occuper. Toutefois, peut-être devrions-nous en parler au ministre du Travail.

Nous hésitons à le faire actuellement, parce que la partie II du volet du Code canadien du travail traitant de la santé professionnelle est actuellement à l'étude au ministère de la Justice et il est à espérer que le ministre du Travail s'occupera de cet aspect.

Pour l'instant, je dois m'en remettre à votre comité. Nous verrons ce que vous recommanderez. Le cas échéant, nous nous empresserons de nous en ouvrir au ministère du Travail et à Environnement Canada.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: En tout cas, vous pourriez certainement envisager de porter ce type de revendication devant le ministère du Travail.

Votre troisième recommandation traite du droit juridique d'avoir des comités mixtes syndicaux-patronaux pour l'environnement. Je sais qu'un travail important a été fait depuis plusieurs années dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Vous réclamez le droit juridique d'avoir des comités. Toutefois, la pratique syndicale habituelle consiste à obtenir ces instruments-là par le biais de la négociation et à les inscrire dans une convention collective.

• 0950

Est-ce que vous pouvez vous appuyer sur certains précédents ou certains acquis que vous avez faits dans certaines industries ou dans certaines entreprises en cette matière dans le processus normal de la négociation collective? Est-ce qu'il y a des exemples ou un certain déblocage dans certaines industries?

[Traduction]

M. Dick Martin: Les travailleurs de l'automobile, dans leur convention collective conclue avec les trois grands de l'automobile, ont institué des comités mixtes syndicaux-patronaux de l'environnement. Dans certaines conventions moins importantes, les travailleurs de l'acier ont réussi à négocier des choses de ce genre. Nous sommes tout à fait disposés à envoyer au comité copie des conventions collectives des travailleurs de l'automobile, si vous voulez voir ce qu'elles renferment.

Ce sont les principales, n'est-ce pas, David?

M. Dave Bennett: Et aussi le SCFP.

M. Dick Martin: Et le SCFP, en effet. Le Syndicat canadien de la fonction publique a aussi négocié des comités syndicaux-patronaux de l'environnement.

Les syndicats ont procédé de deux façons différentes. Certains ont négocié strictement un comité syndical-patronal de l'environnement, mais d'autres ont veillé à ce que l'environnement soit inclus dans les discussions sur la santé et la sécurité au travail. Ils ont simplement étendu le mandat du comité, affirmant qu'il doit s'occuper de sécurité et aussi d'environnement. Cela nous semble parfaitement logique, parce qu'on peut se demander comment on peut traiter ces deux dossiers séparément. C'est une question de structure. Nous disons que si l'on traite de santé et qu'il y a de la pollution dans l'usine, cela va influer sur les travailleurs qui sont dans cette usine et aussi sur les travailleurs et les citoyens à l'extérieur de l'usine. Par conséquent, ce n'est pas seulement un problème d'environnement, c'est également un problème de santé.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Ces questions sont en effet très reliées l'une à l'autre. Vous réclamez ici le droit juridique d'avoir des comités. Ce droit existe: c'est par la négociation collective et la signature d'une convention que vous l'exercez. Ce droit n'est pas refusé, il est là et vous l'exercez par le biais de la négociation, n'est-ce pas? Qu'est-ce que vous voulez de plus? Vous voulez que ce soit obligatoire ou vous voulez le droit de le faire?

[Traduction]

M. Dick Martin: Oui, nous voulons que ce soit obligatoire. Nous voulons que ce soit inscrit dans la loi. Les facteurs ne sont pas partout égaux tout le temps. Les sections les plus puissantes et influentes ont ce pouvoir. Les plus petites ne l'ont pas.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Cela m'amène à élargir ma question. Je n'ai pas vu dans votre mémoire d'allusion au partenariat entre les organisations syndicales et les associations représentant les secteurs industriels.

Je ne sais pas si vous pouvez nous faire un commentaire là-dessus, mais il y a tout de même plusieurs secteurs industriels qui viennent devant nous ici ou devant d'autres comités et qui font état de leur engagement quant à la protection de l'environnement. Je pense aux industries de l'électricité, des pâtes et papier, des produits chimiques et du pétrole. Elles arrivent ici et nous disent: «Voici, nous sommes responsables. Nous sommes environnementalement responsables. Nous avons les programmes que voici.» Est-ce qu'il n'y a pas un lieu où vous pouvez, comme organisation, au niveau de vos grandes fédérations ou au niveau du Congrès du travail du Canada, essayer d'en arriver à des partenariats de haut niveau à partir desquels on pourrait ensuite, convention collective par convention, en arriver à bâtir ce réseau de comités?

[Traduction]

M. Dick Martin: C'est parfois possible, mais je dois vous dire que la plupart du temps, ça ne l'est pas. Nous avons des points de vue tout à fait incompatibles sur la façon d'assainir l'environnement et de refréner la pollution. Nos alliances sont essentiellement avec le mouvement de défense de l'environnement, pas avec les milieux d'affaires. Nous constatons qu'il est de plus en plus difficile, la plupart du temps, de nous entendre sur des points communs.

Je vais vous donner un exemple. Nous avons comparu devant ce comité-ci il y a à peine quelques semaines et nous avons abordé la question des normes internationales ISO, qui ne relèvent pas du gouvernement, des Nations Unies ou de quoi que ce soit d'autre. En fait, ce domaine a été créé et est dominé par le monde des affaires et en particulier, dans une grande mesure, par l'industrie internationale des produits chimiques, et les gouvernements sont en fait largement exclus des discussions, de même que les défenseurs de l'environnement et aussi, bien sûr, les syndicats; pourtant, ces normes ISO sont adoptées et institutionnalisées par bien des gouvernements. Le processus n'est pas du tout équilibré.

• 0955

En dépit de tout cela, il y a ici et là des entreprises syndicales-patronales qui travaillent à des dossiers de l'environnement entreprise par entreprise, mais au niveau national, il y a très peu d'ententes sur l'orientation à prendre.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Une dernière question, monsieur le président. Vous abordez ensuite dans votre mémoire la question de la protection de l'environnement et la dévolution vers les provinces de certaines responsabilités. Vous avez fait un plaidoyer intéressant sur le besoin d'assurer au gouvernement fédéral un rôle prédominant et un rôle d'importance en ces matières.

Je dois tout de même profiter de l'occasion pour vous dire ce que vous savez sans doute déjà, mais qu'il faut se rappeler de temps en temps, à savoir que dans la province de Québec, votre affiliée, qui s'appelle la Fédération des travailleurs du Québec, travaille constamment à réduire le rôle du fédéral et à réclamer le transfert des responsabilités fédérales vers le Québec, en s'assoyant couramment côte à côte avec le gouvernement séparatiste qui est en place.

Est-ce que vous avez de temps en temps un dialogue avec la FTQ, la Fédération des travailleurs du Québec, sur cette question de la protection de l'environnement et, puisque c'est votre point de vue, du dommage qu'il y a à transférer vers les provinces certaines responsabilités? Est-ce que vous attirez leur attention là-dessus et quelle est leur réaction?

[Traduction]

M. Dick Martin: Nous sommes au courant de la position de la FTQ dans tous les dossiers. Nous avons de longues discussions avec elle et vous avez tout à fait raison de dire qu'elle fait partie du Congrès du travail du Canada, mais cela nous entraîne tout droit dans la question constitutionnelle. Nous croyons que le Québec est unique, qu'il est différent et qu'il doit être traité d'une manière différente. Nous ne sommes pas d'accord pour dire que, simplement parce que l'on traite le Québec d'une manière différente, il faut en faire autant pour la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan ou le Manitoba.

Par conséquent, nous croyons... Enfin, c'est évidemment une discussion très vaste qui ne se limite pas à l'environnement, mais nous croyons que le gouvernement fédéral devrait quand même jouer un rôle dominant, bien qu'il faille tenir compte de la nature de notre fédéralisme et en particulier de la nature du Québec dans le cadre de ce régime fédéral.

Par conséquent, nous ne sommes pas à couteaux tirés avec la FTQ. Nous croyons au droit à l'autodétermination. La FTQ fonctionne de façon autonome, mais elle fait partie de notre organisation sur les plans national et international.

Je vous réponds donc que, oui, le Québec occupe une place spéciale et fonctionne de façon particulière, mais cela ne s'applique pas nécessairement et ne devrait pas s'appliquer aux autres provinces. Cela nous met carrément en colère quand l'Alberta insiste pour dire que si l'on traite le Québec d'une certaine manière, alors il faut traiter l'Alberta de la même manière. Pas du tout!

Le président: Très bien. Merci.

Nous avons M. Casson, M. Laliberte, ensuite le président, après quoi nous aurons un deuxième tour rapide. Puis nous aurons une brève réunion à huis clos.

Je donne la parole à M. Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président.

Êtes-vous au courant d'incidents précis où des syndicats ont signalé des cas de non-respect de la législation environnementale et où l'on n'y a pas donné suite?

M. Dave Bennett: Il y a eu des cas de soi-disant protection des dénonciateurs, c'est-à-dire que des travailleurs ont exercé le droit de dénoncer des situations, mais, de façon générale, ces cas ne se situent pas dans le domaine de l'environnement. Il y a eu des cas isolés ou individuels en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, où des travailleurs se sont vu refuser ce droit.

• 1000

Dans le cas de l'Ontario, le Conseil des relations de travail a été saisi de la question et a réglé le dossier, mais compte tenu de l'état de la législation en matière de protection des dénonciateurs, il n'est pas du tout étonnant que ce droit n'ait pas été exercé. Il n'existe tout simplement pas et, en l'absence de protection dans la loi, il est évident que personne ne va s'y risquer. Dans les cas relativement rares où cela s'est produit, il y a eu controverse.

Pour répondre à votre question, je dirai donc qu'il faut changer la loi pour préciser exactement quels sont les droits des gens. Des progrès minimes, mais non négligeables, ont été accomplis dans le projet de loi C-74, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, en ce sens qu'on a progressé un petit peu en direction de ce que proposait le Congrès du travail du Canada. On n'est pas allé assez loin, mais au moins, c'était un petit pas de franchi et nous en étions contents. Nous espérons que cette modification sera conservée et renforcée dans la nouvelle version de la LCPE, le moment venu.

La morale de l'histoire, c'est que non, il n'y a pas eu beaucoup d'activités en matière de protection des dénonciateurs dans les dossiers de l'environnement. Dans les rares cas où c'est arrivé, cela a soulevé la controverse.

M. Rick Casson: On nous a dit hier qu'Environnement Canada intervient dans tous les incidents qui lui sont signalés. Êtes-vous d'accord avec cela?

C'est la question que je pose. Êtes-vous au courant d'un cas où quelqu'un a signalé un incident et où Environnement Canada n'y a pas donné suite d'une façon ou d'une autre, que ce soit en reconnaissant l'existence du problème, en envoyant des inspecteurs, ou en faisant quelque chose?

M. Dave Bennett: Parlez-vous des travailleurs ou du public?

M. Rick Casson: Ils ont dit tous les cas, mais en ce qui vous concerne, disons dans le cas des travailleurs.

M. Dave Bennett: Je pense que la plupart du temps, les dénonciations émanent du public, parce que dans l'état actuel des choses, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement accorde très peu de protection aux dénonciateurs. Si l'on examine les chiffres au sujet de l'application de la loi, eh bien, il y a lieu de se demander ce que signifie l'expression donner suite à quelque chose.

M. Dick Martin: Pour répondre à votre question, nous ne pouvons que reprendre les statistiques qui sont citées dans notre mémoire, c'est-à-dire le nombre d'inspections qui ont été faites, le nombre de condamnations, de directives, etc. Chose certaine, on dirait qu'il y a dans ce domaine de moins en moins de résultats, en dépit du fait qu'il y a manifestement plus d'entreprises et d'activités économiques d'année en année. Donc, à mesure que le nombre d'installations et d'entreprises augmente, le nombre d'inspections, de directives et de condamnations diminue. Cela nous semble tout à fait illogique.

M. Rick Casson: Vous avez aussi brièvement abordé la question de l'harmonisation, dont vous dites qu'elle ne saurait fonctionner, mais l'un des objectifs en matière d'harmonisation est de faire en sorte que le règlement de la LCPE soit la norme que tous doivent respecter. Pour ce faire... vous dites qu'il n'y a pas de rapport, que rien ne permet de dresser un tableau clair de la situation, que ce n'est pas publié, que vous n'avez pas accès aux renseignements. Est-il indispensable que les données sur le suivi soient disponibles pour garantir qu'un suivi sera bel et bien assuré?

M. Dick Martin: Absolument.

M. Rick Casson: À quelle tribune, où cela devrait-il se faire?

M. Dick Martin: Encore une fois, je pense qu'il incombe au gouvernement fédéral d'obtenir ces renseignements pour pouvoir les transmettre à toute partie intéressée qui veut savoir où en sont les choses.

En tant que citoyen canadien, il me semble que si je m'intéresse vraiment à l'environnement, je ne devrais pas être obligé de m'adresser à chaque province pour savoir ce qui s'y fait, quels sont les résultats obtenus, etc., surtout quand la prétendue harmonisation vise à établir un certain niveau uniforme d'un bout à l'autre du pays. Il me semble donc que ce devrait être Environnement Canada ou bien Pêches et Océans qui soit chargé de faire rapport sur ce qui se passe.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Maintenant, M. Laliberte.

M. Rick Laliberte (Churchill River, NPD): Mes questions vont porter sur chacun de vos trois points. À part le Canada, quels exemples pouvez-vous donner de mécanismes de protection des dénonciateurs qui existeraient dans la loi fédérale ou dans les mesures fédérales de protection de l'environnement d'autres pays? Par ailleurs, depuis une dizaine de jours, nous écoutons les gens d'Environnement Canada nous dire qu'ils ont la plus grande confiance en leur soi-disant service de renseignements. C'est de cela qu'il s'agit essentiellement. Ils comptent sur les autres pour signaler les infractions au règlement sur les matières dangereuses dans le secteur manufacturier ou les transports... Nos ports et nos chemins de fer sont pratiquement grand ouverts aux sources internationales de matières dangereuses, mais les syndiqués semblent être partout. C'est comme les douanes. Les douanes ont quelque 3 000 agents qui travaillent dans 300 ports, ou à peu près. Mais les syndiqués sont partout, dans tous les domaines, à nos frontières, dans les transports, la fabrication, le transport maritime, partout.

• 1005

Je crois qu'il devrait y avoir un lien étroit entre les organisations et nos travailleurs, pour le mieux-être de notre collectivité. La collectivité a le droit de savoir. Certaines entreprises ont des usines en plein dans des quartiers résidentiels et si les travailleurs constituent leur famille, il est dans leur intérêt de voir au mieux-être de cette collectivité.

Je voulais seulement en toucher un mot pour voir si... Je n'étais pas au courant des antécédents de ce dialogue sur la LCPE et la législation en matière de dénonciation. J'ai raté votre entretien précédent là-dessus.

M. Dick Martin: Je vais demander à David de répondre en partie à cette question.

Vous dites qu'ils dépendent des services de renseignements. C'est comme les services de renseignements militaires. J'estime que c'est la même chose pour les soi-disant renseignements environnementaux. Je me demande vers qui ils se tournent pour obtenir ces renseignements, mais je dois supposer que c'est le grand public. Or, je crois que le grand public doit savoir qu'il a le droit de savoir. Je suis entièrement d'accord avec cela, le droit de savoir ce qui sort d'une usine ou d'une entreprise ou d'une installation, et qui est déversé dans l'air et dans l'eau.

Cela devient parfois très technique. Je peux bien être sur la rive et voir du liquide qui s'écoule d'une usine, mais je n'ai pas la moindre idée des composés chimiques qui s'y trouvent. Est-ce toxique? Est-ce cancérigène? Quelle en sera l'incidence sur les poissons, l'habitat, etc.?

Il faut donc une analyse chimique. Il faut des chimistes. Il faut des ingénieurs pour examiner tout cela. Il me semble qu'encore une fois, il incombe à Environnement Canada d'avoir à son service des spécialistes de ce genre pour faire ces vérifications. Un profane n'est absolument pas capable de déceler quoi que ce soit avant qu'il soit trop tard, avant qu'on commence à compter les corps, et c'est ce que nous essayons d'empêcher. Avant qu'on ne se mette à compter les corps, nous prendrons toutes les précautions voulues pour garantir qu'il ne se passera rien.

C'est pourquoi nous pensons que les évaluations environnementales sont absolument nécessaires avant que les grandes installations commencent à fonctionner, et il faut un contrôle serré des entreprises.

Au sujet des dénonciateurs, je pense que David peut probablement vous répondre. Je crois que c'est courant en Europe.

M. Dave Bennett: En bref, certaines provinces canadiennes possèdent déjà une forme quelconque de protection inscrite dans la loi pour les personnes qui dénoncent des méfaits environnementaux. L'actuelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement permet de signaler aux inspecteurs fédéraux des infractions environnementales contre la LCPE, mais la loi s'applique seulement aux employés de l'administration fédérale.

Dans le projet de loi C-74, on proposait d'étendre ce droit aux travailleurs de toutes les industries de compétence fédérale, c'est-à-dire à tous ceux qui sont visés par le Code canadien du travail; par exemple, tous les employés dans des lieux de travail fédéraux. C'était un progrès intéressant. Mais le C-74 comportait deux limites. D'abord, il s'appliquait seulement aux infractions à la LCPE; il n'accordait pas le droit de dénoncer toute mauvaise pratique environnementale. Deuxièmement, il ne protégeait pas les travailleurs qui dénonçaient une situation publiquement, mais seulement ceux qui la signalaient aux inspecteurs. Nous avons soutenu que la pollution est du domaine public et qu'il faut donc avoir le droit de dénoncer publiquement.

Un certain progrès a été accompli par le C-74 et nous voulons que ce progrès soit inscrit dans la future Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Le droit légal de refuser de polluer, que les travailleurs possèdent au Yukon, ne figurait pas dans la LCPE, dans le projet de loi C-74.

• 1010

Le président: Merci.

Nous allons très bientôt tenir une courte mais importante séance à huis clos, mais avant de le faire, M. Pratt voudrait poser une brève question. Je voudrais moi aussi en poser une.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Pour faire suite à la question de M. Charbonneau, je suis curieux de connaître votre position sur la situation du Québec et la délégation de pouvoirs en matière d'environnement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long là-dessus? J'ai eu l'impression que vous disiez que le Québec devrait être libre de gérer seul toute la législation environnementale, d'écarter complètement les autorités fédérales. Est-ce la position du CTC là-dessus?

M. Dick Martin: Notre position au sujet de la FTQ, la Fédération des travailleurs du Québec, c'est que nous avons avec cette organisation une relation unique et particulière. Ses représentants siègent à notre comité exécutif et à notre conseil exécutif. Nous avons déclaré que nous, au Congrès du travail du Canada, ne nous ingérerions pas dans leurs affaires au Québec. Ils sont libres de défendre les positions qu'ils veulent au Québec, en dépit du fait que nous cherchons à avoir beaucoup de consultations avec eux dans bon nombre de dossiers.

Par exemple, ils ont des représentants qui siègent à certains de nos comités nationaux. Ils siègent de temps à autre à notre comité national de l'environnement et à notre comité de santé et de sécurité au travail.

Nous affirmons que s'ils veulent chercher à exercer un contrôle exclusif au Québec, ils sont libres de le faire. Nous disons toutefois...

M. David Pratt: Pour être bien précis, le CTC appuie-t-il la position de la FTQ en ce qui a trait à la dévolution au Québec de l'ensemble des pouvoirs en matière d'environnement?

M. Dick Martin: Oui, précisément.

M. Dave Bennett: J'ajoute que la question de l'application actuelle de la loi fédérale au Québec—soit la Loi sur les pêches—est une question tout à fait différente de celle de savoir quels pouvoirs doivent être dévolus au Québec en matière d'environnement. Très récemment, on a prétendu que la loi fédérale était mal appliquée au Québec aux termes des arrangements constitutionnels et juridiques actuels. Ce que je dis, c'est que c'est un dossier tout à fait différent de la question de la dévolution des pouvoirs environnementaux.

M. David Pratt: En quoi la loi est-elle mal appliquée?

M. Dave Bennett: Je peux citer le cas, dont nous avons déjà traité dans notre mémoire, de l'application de la loi fédérale au Québec, à savoir la Loi sur les pêches. Des organisations environnementales ont mis au jour de nouveaux renseignements sur la Loi sur les pêches et je crois savoir qu'ils vont les présenter à votre comité mardi. Leurs conclusions et leurs affirmations concordent tout à fait avec ce que nous disons dans notre mémoire, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral lui-même a perdu le fil de l'application de la loi fédérale, de la Loi sur les pêches, dans les provinces.

M. David Pratt: Je comprends cela, mais je trouve qu'il y a en quelque sorte une contradiction. Enfin, je suis d'accord avec ce que M. Martin a dit tout à l'heure, que les rivières coulent d'une province à l'autre et que l'air est diffusé dans toutes les provinces. Mais la logique de la position m'échappe, quand vous dites que le Québec devrait être une île au milieu de l'arrangement fédéral. Il me semble que l'ammoniac ou le benzène qui sont déversés dans les eaux du Québec ne sont pas différents de ceux qui émanent de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick.

M. Dick Martin: Vous avez absolument raison. Quand on se lance dans cette discussion, on peut seulement espérer que le Canada et le Québec s'entendront sur les niveaux autorisés, les procédures d'application, etc. Je pense que les Québécois sont tout aussi préoccupés au sujet de l'environnement que tous les autres Canadiens et qu'en conséquence, ils exerceront des pressions sur leur gouvernement provincial pour qu'il respecte les normes nationales ou même internationales.

Voilà donc notre position. Nous disons qu'à notre avis, nous, le Canada, pouvons nous en occuper, à l'exception du Québec, mais nous n'allons pas pouvoir nous en occuper si nous confions le dossier à 11 ou 12 autorités différentes. Nous pensons pouvoir traiter avec une autre autorité, de façon bilatérale, mais si l'on se met à éparpiller les pouvoirs dans tout le reste du pays, cela semble impossible.

• 1015

Le président: Monsieur Martin, vous attendez du citoyen moyen du Québec qu'il joue un rôle beaucoup plus intense et actif vis-à-vis de son propre gouvernement provincial que les citoyens du reste du Canada.

M. Dick Martin: Non, pas nécessairement.

Le président: Si, c'est bien le cas, parce que vous dites que les citoyens du Québec doivent exercer des pressions sur leur gouvernement provincial. Vous ne dites pas que les citoyens de la Saskatchewan doivent exercer des pressions sur leur gouvernement provincial.

M. Dick Martin: Non, n'allez pas interpréter mes propos en ce sens, monsieur le président. Je crois effectivement que tous les citoyens, dans l'ensemble du pays, doivent être davantage sensibilisés aux dossiers de l'environnement. En fait, ils le sont probablement. Du moins, il y a une certaine préoccupation en matière d'environnement chez chaque citoyen du Canada. J'espère seulement que cette sensibilisation et ces préoccupations vont s'intensifier. Je crois que le gouvernement Harris en Ontario va payer le prix de son manque d'intérêt pour l'environnement et pour la faiblesse de ses activités d'application de la loi. Je pense qu'il va en payer le prix sur le plan politique.

Le président: Mais pourquoi les citoyens du Québec ne se tourneraient-ils pas vers Ottawa pour résoudre certains problèmes de pollution?

M. Dick Martin: Ce que je dis, c'est qu'Ottawa peut établir des normes nationales, certains procédés et certaines procédures; c'est ce que nous préconisons et nous espérons que le Québec respectera dans une certaine mesure ces normes nationales. Nous sommes bien d'accord pour dire que lorsqu'il s'agit d'un dossier national ou international, nous vivons tous sur la même planète. Par conséquent, il semble bien que des pressions s'exercent, du moins je l'espère, sur les provinces, sur chaque pays, pour établir les normes les plus rigoureuses possibles.

Le président: Très bien, alors je vais vous poser une autre question. Pouvez-vous, je vous prie, pour nous rafraîchir la mémoire, rappeler au comité ce que vous proposez en matière de règlements pour la prévention de la pollution. Vous avez mentionné cela au dernier paragraphe de votre exposé aujourd'hui.

M. Dave Bennett: Nous l'avons déjà fait, monsieur le président.

Le président: Voudriez-vous nous le rappeler?

M. Dave Bennett: Bien sûr.

Le président: Je suis désolé, j'ai raté cet élément de votre exposé et il serait utile que nous puissions l'examiner.

Deuxièmement, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la régionalisation du processus de prise de décisions à Environnement Canada? Avez-vous des commentaires à formuler sur la régionalisation du processus décisionnel en matière d'enquête, d'inspection et d'application? Est-ce bon, mauvais, ou cela n'a-t-il aucune importance?

M. Dave Bennett: Nous n'avons rien à dire directement ou quant au fond au sujet de cette question des compétences en matière d'environnement. Nous savons que dans le dossier de la santé et de la sécurité au travail, la régionalisation des services de Travail Canada a entraîné la dégradation de l'observation des règles de santé et de sécurité de même qu'une certaine incohérence dans la façon dont la loi a été appliquée. Des allégations semblables ont été portées par des organisations de défense de l'environnement au sujet de la Loi canadienne de la protection de l'environnement. Nous ne sommes pas en mesure de corroborer cela. Nous demandons seulement au comité d'envisager cette possibilité. Mais ce n'est pas simplement une question d'harmonisation. Ce n'est pas seulement que le gouvernement fédéral se déleste de ses responsabilités. C'est le manque d'uniformité dans les procédures d'application d'Environnement Canada.

Le président: Enfin, préconisez-vous un bureau d'application de la loi entièrement indépendant, comme on le recommandait au comité dans un rapport de la LCPE en 1995?

M. Dick Martin: Oui.

Le président: Nous vous remercions beaucoup de votre participation. Nous avons hâte de recevoir vos suggestions sur le règlement en matière de prévention de la pollution.

[La séance se poursuit à huis clos]