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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 068 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1645)  

[Traduction]

     La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 68e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Par conséquent, certains députés sont présents dans la salle, alors que d'autres participent à distance au moyen de l'application Zoom.
    Pour ceux qui participent virtuellement, j'aimerais énoncer quelques règles.
    Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont disponibles pour la réunion. Vous pouvez sélectionner, au bas de votre écran, le parquet, l'anglais ou le français. Si vous cessez d'entendre l'interprétation, veuillez nous en informer, et nous nous assurerons de régler le problème avant de reprendre nos délibérations.
    Les députés qui participent en personne peuvent procéder comme ils le font habituellement lorsque tout le Comité se réunit en personne dans la salle de comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la séance par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Si vous êtes dans la salle, votre micro sera, comme d'habitude, contrôlé par l'agent des délibérations et de la vérification. Veuillez parler lentement et clairement, et quand vous ne vous exprimez pas, votre microphone devrait être désactivé.
    Bien que la salle soit équipée d'un puissant système audio, il peut y avoir de la rétroaction acoustique. Cela se produit habituellement lorsque vos microphones et vos écouteurs sont trop près les uns des autres. Alors, pour garantir la sécurité de nos interprètes, veuillez vous assurer que vos écouteurs sont éloignés de votre microphone, lorsque vous les manipulez.
    Je vous rappelle que toutes les observations des députés doivent être adressées à la présidence.
    Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité reprend son étude de l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir Anne Salomon, professeure d'écologie marine appliquée et de science des systèmes socio-écologiques; Kii'iljuus Barbara Wilson, érudite haïda et matriarche du clan St'awaas Xaaydaga, clan de l'Aigle dirigeant, Cumshewa; et Bruce Maclean, directeur de Maclean Environmental Consulting. Ils témoignent tous par vidéoconférence et à titre personnel.
    Nous recevons également par vidéoconférence chef Nang Jingwas Russ Jones, chef héréditaire du Conseil de la Nation Haïda. Nous recevons également, en personne, Jamie Snook, directeur exécutif du Torngat Wildlife, Plants and Fisheries Secretariat.
    Chaque organisation ou personne disposera de cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux séries de questions.
    Nous allons commencer par entendre Anne Salomon et Kii'iljuus Barbara Wilson, clan de l'Aigle dirigeant, pendant cinq minutes chacune.
    Nous vous remercions des efforts que vous déployez en vue d'améliorer les politiques gouvernementales du Canada en y intégrant les connaissances autochtones. Nous vous sommes reconnaissants de ce que vous tentez de faire.
    Nous sommes là pour vous fournir des renseignements, des recommandations et des encouragements. Le travail que vous accomplissez ici sera très utile à notre pays et au monde entier.
    Dans nos anciens modes de vie, les sciences naturelles et sociales nous permettaient de manger à notre faim et d'avoir un toit au-dessus de nos têtes. Elles favorisaient les voyages, le commerce et les traités entre nations éloignées. Lorsqu'elles étaient mal développées ou mal mises en œuvre, des gens mouraient. Nous avions et avons toujours d'importantes incitations et responsabilités en matière de développement des connaissances et des principes de gouvernance en vue d'entretenir des relations durables avec la terre et toutes les parties de notre monde.
    Sur le territoire d'Haida Gwaii, Kil Yahda — ou lois sur Yahguudang — le respect, 'Laa guu ga _kanhllns — la responsabilité — et Isda ad diigii isda — la réciprocité — régissent nos relations avec toutes les parties de notre monde.
    Nos hameçons à flétan, par exemple, avaient une taille précise. Ils étaient suffisamment grands pour permettre aux juvéniles de s'échapper et suffisamment petits pour protéger les reproducteurs. La conservation était intégrée dans la pêche. Des Naw náaGalang — maisons pour pieuvres — ont été créées pour élever des pieuvres et les utiliser comme appâts pour le flétan ou comme source de nourriture en cas de besoin.
    La responsabilité d'un chef exige qu'il défende et respecte les principes et les protocoles de gouvernance qui soutiennent les relations nouées sur l'ensemble de son territoire. C'est un exemple de Giid tlljuus — d'équilibrage de Gina 'waadluxan gud ad kwaagid — l'interconnexion entre les gens, les flétans, les pieuvres et tous les autres êtres.

  (1650)  

    Les nations autochtones du Pacifique ont mis au point diverses techniques de pêche et de mariculture, telles que les maisons pour pieuvres dont K_ii'iljuus vient de vous parler, les parcs à myes et les étangs de pisciculture, qui ont toutes permis de maintenir la persistance des populations d'une grande diversité d'espèces marines. Ces technologies ont été conçues sur mesure et élaborées au fil du temps en se fondant sur des observations et des expérimentations minutieuses.
    Ces exemples sont à la base des trois recommandations que nous adressons au comité permanent.
    Premièrement, avant d'intégrer le savoir autochtone, le processus d'élaboration des politiques du gouvernement canadien doit reconnaître la souveraineté autochtone. Les politiques canadiennes ne doivent pas seulement tenir compte des connaissances autochtones: elles doivent également reconnaître les droits et les responsabilités des Autochtones en matière d'accès aux ressources et de gestion de celles‑ci.
    Les connaissances autochtones ne peuvent être extraites des personnes et des processus qui les régissent. Les connaissances autochtones sont développées et régies par des protocoles propres à chaque nation, tout comme, dans les systèmes de connaissances eurocentriques comme celui dans lequel je travaille, les preuves deviennent légitimes après avoir été examinées par des pairs.
    Deuxièmement, nous vous recommandons de reconnaître la diversité et la souveraineté des systèmes de connaissance. Chaque communauté autochtone génère et régit des connaissances et des lois qui sont propres à son environnement social et écologique. Les politiques gouvernementales doivent rendre compte du contexte unique dans lequel les connaissances autochtones sont générées et régies.
    Les systèmes de connaissances autochtones et eurocentriques sont intrinsèquement différents. Ils ne peuvent et ne doivent pas être intégrés ou assimilés. Ils doivent au contraire être examinés côte à côte.
    Troisièmement, comme les connaissances autochtones peuvent être utilisées pour élaborer des solutions aux crises et aux défis contemporains, nous recommandons qu'elles le soient. Les défis actuels liés au changement climatique, à la perte de biodiversité et aux inégalités sociales ne sont en aucun cas nouveaux, même si leur ampleur est certainement sans précédent. Les communautés autochtones réagissent depuis longtemps aux événements climatiques extrêmes, aux changements écologiques et aux perturbations sociopolitiques.
    Notre monde est notre panier. Nous devons nous assurer que nos aliments et nos lieux sont salubres pour les générations futures. Quand un panier est percé, des choses peuvent s'en échapper. Nous avons besoin de tisser ensemble les fibres solides de notre savoir. Voilà pourquoi nous avons consulté les Iitl'lxaaydaGa — ou chefs — et les k'uuljaad — ou matriarches — avant d'émettre ces recommandations, car ce sont eux qui ont les connaissances, la responsabilité et la garde de toutes les parties de notre monde.
    Háw'aa.
    C'est formidable. Je vous remercie toutes les deux de votre exposé.
    Nous allons maintenant donner la parole au directeur de Maclean Environmental Consulting, Bruce Maclean, pendant cinq minutes.
    Je m'appelle Bruce Maclean.
    Je vous suis très reconnaissant de l'occasion qui m'est donnée de faire part au Comité de certaines de mes expériences pratiques en ce qui concerne les questions importantes dont il est saisi.
    J'ai passé une vingtaine d'années à travailler avec des populations autochtones et des scientifiques en vue de cerner ces mêmes questions, dans une optique particulière de surveillance et de gestion de l'environnement.
    Je dirige l'élaboration de programmes communautaires de surveillance autochtones. Ces programmes s'appuient sur les connaissances des Autochtones et des anciens ainsi que sur la science pour comprendre les répercussions de ces enjeux dans la région. Mon travail est lié à l'exploitation du bitume, au développement hydroélectrique et au changement climatique.
    Je participe actuellement à l'établissement de ce que nous appelons le Nipîy Tu Research & Knowledge Centre. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif qui relie les connaissances des Cris, des Dénés, des Métis et des habitants de Fort Chipewyan, en Alberta, à celles de Parcs Canada. Le centre est situé dans la région du parc national Wood Buffalo, qui est également un site du patrimoine mondial de l'UNESCO.
    Le Nipîy Tu Research & Knowledge Centre est l'une des premières initiatives de cogestion d'un parc national, qui met en œuvre ce que nous appelons un programme intégré de recherche et de surveillance. Le projet fait appel aux connaissances des Autochtones et des anciens ainsi qu'à la science pour éclairer la gestion du parc. C'est une approche unique en son genre.
    J'aimerais me concentrer plus particulièrement sur la première question dont le Comité est saisi, à savoir l'utilisation du savoir traditionnel autochtone et son intégration dans les politiques du gouvernement.
    Parce que la plupart des politiques canadiennes ont été intentionnellement ou systématiquement conçues pour exclure les populations autochtones des processus décisionnels et que nous demandons maintenant d'acquérir ces connaissances pour pouvoir les utiliser, nous devons prendre des mesures supplémentaires pour compenser cette erreur.
    J'emploie un outil depuis 2006 environ, que je qualifie de cadre de base qui examine... Nous essayons de jeter les bases d'une participation constructive des populations autochtones, et non d'utiliser uniquement leurs connaissances. Je suis sûr que vous avez déjà entendu de tels propos de la part de gens qui comparaissaient devant le Comité.
    La capacité est au cœur du problème. Si l'on veut intégrer le savoir traditionnel dans les politiques, il faut en quelque sorte investir dans ce savoir dans une mesure raisonnable, c'est-à-dire au moins un peu comme on le fait pour la science et la technologie.
    Ce que je veux dire, c'est que pour renforcer ces capacités, il faut que les populations autochtones participent aux processus dans lesquels elles peuvent faire ce travail et qu'elles aient les moyens de le faire. Cela sous-entend qu'il faut prévoir des formations, du personnel de base, des salariés, des honoraires pour rencontrer les anciens, des infrastructures et des équipements, ainsi que des données et un soutien de ces données.
    Le large soutien apporté au Réseau national des gardiens des Premières Nations est un très bon exemple de mesures de ce genre. Dans le cas de mon travail avec Parcs Canada, le gouvernement a financé des postes de coordinateurs des connaissances autochtones et des accords de contribution directe, là encore pour permettre aux gens de participer à ces processus.
    Si vous avez la capacité nécessaire, vous devez vous employer à favoriser une large participation et une communication ouverte, transparente et efficace. Nous cherchons, encore une fois, à avoir accès à l'information, aux données, aux procédures et à des résumés en langage clair. Nous voulons également que le savoir traditionnel soit protégé, que des règles concernant son utilisation soient établies et qu'il y ait une sorte de processus de médiation au début de l'initiative.
    C'est vraiment la phase d'établissement de la relation. Vous devez faire preuve de souplesse dans votre approche, vous employer à gagner la confiance des populations autochtones et établir des règles pour pouvoir examiner la collection de connaissances traditionnelles et la mettre en commun. Dans le cas de Parcs Canada, un accord sur l'utilisation et la propriété des connaissances autochtones a été signé avec les nations. Des équipes spéciales et des groupes de travail ont été mis en place. C'est ainsi que l'on établit un rapprochement.
    Lorsque les gens sont prêts à faire le travail et que la confiance est établie, c'est à ce moment-là que l'on procède à la collecte et à la mise en commun des connaissances traditionnelles. Cela soulève la question des valeurs autochtones et de la durabilité des communautés. Pour revenir à ce que j'ai dit plus tôt, les politiques doivent répondre à la vision que les nations ont d'elles-mêmes. Il ne s'agit pas seulement de la Couronne et du gouvernement. Il ne s'agit pas non plus d'une industrie. Il faut envisager de prendre en compte les besoins particuliers des communautés autochtones et leurs valeurs. Nous avons mentionné les droits conférés par l'article 35, les droits des Autochtones ou les droits conférés par les traités, lorsqu'ils existent.
    Au lieu d'intégrer le savoir traditionnel des Autochtones, nous envisageons une élaboration conjointe des politiques. Dans notre cas, le centre Nipîy Tu et Parcs Canada élaborent ensemble les programmes de surveillance: où chercher, quoi chercher, quand chercher, comment gérer les données, comment évaluer les résultats et comment les communiquer. Il s'agit d'une approche tressée.
    Sur cette base, une fois le travail effectué, je suis fermement convaincu que les groupes autochtones seront en mesure de participer de manière constructive à l'élaboration de ces politiques en utilisant leurs propres connaissances.
    Pour conclure, dans le cadre du travail que j'ai effectué avec le centre Nipîy Tu et Parcs Canada, les communautés ont été dotées très tôt des capacités nécessaires et des engagements ont été pris dès le départ pour ce qui est de travailler à la cogestion. Cela veut dire que le travail a pu avoir lieu.
    Les nations ne se contentent pas de mettre en commun leur savoir traditionnel pour que quelqu'un d'autre l'utilise et l'interprète; ce savoir fait partie de ce processus constructif d'autodétermination. C'est le message dont je suis venu vous faire part aujourd'hui.

  (1655)  

    Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé.
    Je vous remercie de l'information que vous nous avez communiquée.
    Nous allons maintenant céder la parole au chef Nang Jingwas, Russ Jones, qui représente le Conseil de la Nation Haïda, pendant cinq minutes.
    Bienvenue à la séance du Comité.
    Je m'appelle Nang Jingwas, Russ Jones. Je suis l'un des chefs héréditaires de la Nation Haïda. Je me joins à vous aujourd'hui depuis le village de Skidegate, à Haida Gwaii, sur la côte ouest du Canada.
    Je travaille pour les Premières Nations et le Conseil de la Nation Haïda dans le domaine des pêches et de la politique maritime depuis plus de 30 ans.
    Je parlerai brièvement de mon expérience de l'intégration du savoir traditionnel haïda dans deux initiatives de collaboration entre la Nation Haïda et le Canada. Les deux projets consistaient à élaborer un plan spatial marin pour Haida Gwaii et un plan de rétablissement du hareng de Haida Gwaii.
    Le premier projet, c'est-à-dire le plan spatial marin pour Haida Gwaii, a été achevé par la Nation Haïda et la province de la Colombie-Britannique en 2015, et il en est à sa huitième année de mise en œuvre. Les connaissances traditionnelles ont constitué une source d'information majeure au cours de l'élaboration du plan spatial marin. J'ai fait parvenir au Comité permanent une copie d'un document universitaire qui décrit le processus de collaboration de gouvernement à gouvernement que nous avons suivi pour élaborer quatre plans spatiaux marins pour la partie septentrionale de la côte de la Colombie-Britannique. Ces plans ont été élaborés conjointement par les Premières Nations et la province de la Colombie-Britannique. Nous avons utilisé une approche imbriquée de la planification qui a commencé à l'échelle des territoires des Premières Nations.
    L'étude des connaissances traditionnelles marines des Haïdas a été réalisée par la Nation Haïda sur une période de trois ans, soit de 2008 à 2011, et avant que la planification débute officiellement. Elle a consisté en des entretiens axés sur les cartes marines avec environ 56 Haïdas. Nous avons enregistré des renseignements et des connaissances haïdas sur plus de 4 000 lieux et 150 espèces marines.
    Il y a quelques jours, j'ai présenté au Comité permanent un bref résumé de nos travaux, que nous avons saisi dans une carte de Haida Gwaii accessible au public et dans une brochure. Les études sur les connaissances traditionnelles ont étayé les orientations en matière de zonage et de gestion des plans marins. Ces plans ont été approuvés en 2015, après trois années de travail intensif avec le gouvernement et des intervenants. Ce travail a également contribué à l'élaboration d'un réseau d'aires marines protégées pour le nord de la côte de la Colombie-Britannique, en collaboration avec le gouvernement fédéral.
    J'évoquerai ensuite le travail que la Nation Haïda a accompli avec le Canada au cours des cinq dernières années afin d'élaborer le plan de rétablissement du hareng de Haida Gwaii, un plan qui a atteint l'étape de l'approbation finale.
    La Nation Haïda a élaboré le plan en collaboration avec Pêches et Océans Canada et le personnel de l'aire protégée de Gwaii Haanas. Les connaissances traditionnelles des Haïdas sur le hareng ont été documentées dans un certain nombre d'études dirigées ou codirigées par la Nation Haïda. Ces études sont décrites dans une annexe au plan de rétablissement, que j'ai également fourni au Comité permanent.
     Les connaissances traditionnelles ont permis d'établir des points de référence pour la gestion des pêches. Il s'agit de niveaux cibles à atteindre pour rétablir les stocks de harengs de Haida Gwaii, des niveaux fondés sur des objectifs écologiques, économiques et socioculturels. Les connaissances traditionnelles nous ont aidés à comprendre la dynamique spatiale des stocks, et nous avons adopté une structure de stocks plus fine à des fins de gestion, afin d'améliorer les résultats socioculturels. Les connaissances traditionnelles nous ont permis de mieux comprendre les effets de la pêche, et nous avons intégré dans les modèles de pêche l'incidence plus faible de la récolte commerciale de la rogue de hareng sur varech, par rapport à celle de la pêche à la rogue de hareng avant la fraie. Les connaissances traditionnelles ont également permis de documenter les modifications de l'écosystème qui peuvent résulter des changements climatiques et des changements relatifs aux prédateurs. Enfin, les connaissances traditionnelles soutiennent et éclairent les décisions prises dans le cadre de la cogestion et des processus de réconciliation.
    Pour conclure, j'évoquerai quatre des enseignements que nous avons tirés de ces expériences.
    Premièrement, les deux projets que j'ai mentionnés ont nécessité de nombreuses années de discussions et de négociations et se sont heurtés à de nombreux obstacles avant d'aboutir. Ils auraient pu avancer plus rapidement s'il y avait eu des politiques et des ressources pour favoriser les processus.
    Deuxièmement, les obstacles à l'acceptation et à l'utilisation des connaissances traditionnelles pourraient être levés grâce à des processus de gouvernance collaborative qui soutiennent l'examen et la mise en commun du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones. Les clés du succès sont l'établissement de relations et le développement de la confiance entre les partenaires. L'officialisation des accords clés et des structures décisionnelles par l'intermédiaire d'accords écrits facilite les relations.
    Troisièmement, les études sur les connaissances traditionnelles devraient idéalement être menées par des groupes autochtones. Cependant, de nombreux groupes autochtones manquent de ressources et de capacités pour participer pleinement à la résolution des problèmes de développement des ressources. Cela limite leur capacité à documenter et à appliquer les connaissances traditionnelles à la recherche et à la gestion.

  (1700)  

    Enfin, les connaissances traditionnelles concernant les espaces océaniques constituent une base inestimable pour évaluer les changements observés dans l'environnement marin, qui revêtent une importance particulière à l'heure où nous connaissons des changements sans précédent liés au climat.
     [Le témoin s'exprime en haïda et fournit le texte suivant:]
    Dii gii dalang gyuusdlas sGaawdaagii dalang Gaa hl kil 'laa ga.
    [Français]
    Je vous remercie de votre attention.
    C'est excellent. Je vous remercie de votre exposé.
    Enfin, nous allons donner la parole à M. Jamie Snook, directeur exécutif, Torngat Wildlife, Plants and Fisheries Secretariat, pendant cinq minutes.
    Welcome.
     Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier tous les membres de votre comité très important.
    Je m'appelle Jamie Snook. Je suis né et j'ai grandi au Labrador, dans la partie la plus orientale de notre pays, qui est composée de terres traditionnelles innues et inuites. Personnellement, j'ai des ancêtres inuits et colons. Mes ancêtres inuits viennent de la côte sud du Labrador et du conseil communautaire du NunatuKavut. Mes ancêtres colons sont venus d'Angleterre et se sont installés dans la région du Sud du Labrador.
    J'ai passé ma carrière professionnelle à travailler dans les domaines du leadership autochtone et nordique, des services publics et de la politique municipale. Au cours des 15 dernières années, j'ai été directeur exécutif du Torngat Wildlife, Plants and Fisheries Secretariat (Secrétariat de la faune, de la flore et de la pêche de Torngat). Ce secrétariat est l'organisation de cogestion qui a découlé de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador conclu en 2005. La région est désormais connue sous le nom de Nunatsiavut.
    Cela fera bientôt 20 ans que cet accord sur les revendications territoriales a été signé. À titre indicatif, 26 différents accords globaux sur les revendications territoriales ont été conclus dans notre pays.
    Je veux attirer votre attention sur le vaste réseau de conseils de cogestion qui existe au Canada, en particulier dans le Nord, et qui contribue de manière considérable à l'intégration des connaissances scientifiques autochtones et des sciences occidentales. Pour les personnes qui ne connaissent pas ces conseils, je précise qu'ils sont généralement semblables, mais qu'ils présentent des différences nuancées en fonction du lieu et de l'époque où ils ont été négociés, et des politiques qui étaient suivies à l'époque. Évidemment, le premier accord a été négocié au début des années 1970 au Québec.
    Ces conseils sont essentiellement composés de personnes nommées par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou territorial concerné et le gouvernement autochtone. Il s'agit de véritables collaborations intergouvernementales, mandatées par des traités.
    Dans certains milieux, on les qualifie d'institutions de gouvernement public, mais j'aime souligner qu'elles sont créées par des traités avec les peuples autochtones. Par exemple, en ce qui concerne les conseils avec lesquels je travaille, j'aime souligner que ce sont des conseils de cogestion inuits — et que je les qualifie de cette manière —, afin de les replacer dans leur contexte.
    Si vous le pouvez, imaginez un espace commun où toutes ces personnes nommées se réunissent, travaillent avec les meilleures connaissances disponibles et parviennent à un consensus.
    Malgré les points forts de ces conseils de cogestion et les possibilités qu'ils offrent en matière de leadership et d'inclusion, leurs recommandations et leurs décisions ne sont souvent pas mises en œuvre ou utilisées au mieux dans le cadre du processus décisionnel gouvernemental.
    Ce réseau de conseils de cogestion dispose de mandats, d'une légitimité, d'une structure, d'un financement et d'une grande expérience, et une immense quantité de connaissances scientifiques et de savoir autochtones est utilisée dans le cadre de ces processus. Le savoir autochtone au sein de ces conseils de cogestion se présente sous différentes formes. Les détenteurs de connaissances autochtones sont nommés directement au sein de ces conseils. Leur travail comprend de vastes consultations communautaires et un dialogue avec les communautés et les détenteurs de droits, et des audiences et des procédures juridiques approfondies sont souvent organisées.
    Ces conseils participent également à la recherche, qu'ils dirigent, et ils réalisent régulièrement des études sur les connaissances autochtones afin de recueillir diverses formes de connaissances et de modes de connaissance.
    Les conseils de cogestion du Nord peuvent jouer un rôle important dans la prise de décisions judicieuses qui donnent la priorité à la santé, au bien-être et à la culture des populations, tout en favorisant l'épanouissement des écosystèmes. Tout cela est fait en utilisant à la fois les connaissances scientifiques autochtones et les connaissances scientifiques occidentales. Malheureusement, les décisions des conseils de cogestion ne sont souvent pas mises en œuvre et sont assujetties à la discrétion ministérielle et à la prise de décisions finales.

  (1705)  

    Il y a un exemple intéressant de prise de décisions en cogestion et d'intégration du savoir autochtone dans l'affaire judiciaire récente entre la Société Makivvik et le gouvernement du Canada. Dans cette affaire, la Société Makivvik, qui représentait les Inuits de la région du Nunavik, tenait mordicus à la façon dont Environnement et Changement climatique Canada gérait les connaissances.
    Cette affaire a été portée à l'attention du tribunal parce que le ministre a infirmé la décision du conseil. Je demande aux comités comme le vôtre de se demander s'il était bien nécessaire d'annuler cette décision ou si elle aurait dû être maintenue pour respecter le processus.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons dépassé le temps alloué d'environ 30 secondes. Nous pourrons peut-être y revenir pendant la période des questions.

  (1710)  

    Voulez-vous que je termine ou préférez-vous attendre les questions?
    Je pense que nous allons devoir attendre la période de questions, car nous avons largement dépassé le temps imparti, mais je vous remercie. Vous pouvez remettre le texte que vous avez préparé à la greffière pour qu'il soit ajouté aux témoignages.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions.
    Nous allons commencer par M. Lobb, pour six minutes, s'il vous plaît.
    Merci à tous d'être ici aujourd'hui. Que ce soit en personne ou virtuellement, c'est formidable.
    Ma première question s'adresse à M. Maclean.
    À l'avenir, en rétrospective — quelle que soit la façon dont vous voulez procéder —, si vous deviez élaborer une politique, sur l'exploitation des ressources ou les mécanismes d'évaluation environnementale, et que vous vouliez y intégrer les normes les plus rigoureuses possibles pour l'environnement, mais en permettant tout de même l'exploitation des ressources, si possible, quelle serait, à votre avis, la façon la plus appropriée d'inclure le savoir autochtone traditionnel et de l'intégrer à la science et à la technologie dans la politique gouvernementale?
    Merci de cette excellente question.
    Je reviendrais à la création d'espaces pour que les Autochtones puissent exister et avoir l'occasion de répondre à ce genre de questions. Je pense à quelque chose comme la création de l'Agence canadienne de l'eau. C'est l'occasion de créer des mécanismes fixes pour les peuples autochtones. Je pense que les politiques de moindre importance pourraient évoluer à partir de là, à condition qu'on arrive à bien faire les choses dès le départ.
    Vous venez de parler de la création d'espaces, de mécanismes. Quelle serait la politique gouvernementale la mieux indiquée pour créer des mécanismes qui comptent vraiment, pour de créer un endroit où l'on tient vraiment compte des savoirs autochtones?
    Encore une fois, c'est une excellente question.
    Premièrement, il faut faire participer les détenteurs du savoir et les aînés tout au long du processus, de la conception à l'évaluation, en passant par la prise de décisions.
    Deuxièmement, il faut tenir des séances d'information qui permettent un dialogue bidirectionnel. Lorsqu'on se rend dans les collectivités du Nord ou des Premières Nations, on pense souvent que les gens là‑bas veulent ce que les gens du Sud veulent. Ce n'est pas toujours le cas, alors il faut vraiment mettre de côté les idées préconçues sur le résultat, prendre le temps d'écouter les Autochtones, pour en retirer ce à quoi on ne s'attendait pas.
    Troisièmement, je dirais qu'il faudrait quelque chose comme un organisme de surveillance de l'ITK ou quelque chose comme le COSEPAC, comme nous l'avons déjà tenté dans d'autres contextes.
    Ce sont les trois options auxquelles j'ai réfléchi et dont je voulais vous faire part aujourd'hui.
    Mesdames Wilson et Solomon, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Avec plaisir. Je vais faire écho à quelques-uns des éléments que M. Lobb a déjà mentionnés, puis y ajouter une chose.
    Fondamentalement, je pense que vous devez commencer par poser des questions. La première chose à faire pour établir une relation, c'est de sonder l'intérêt, puis d'obtenir un consentement officiel. Il n'y a que quelques personnes désignées au sein d'une collectivité qui peuvent vous le donner, alors vous devez demander qui sont les personnes qui prennent les décisions. Qui sont les dirigeants habilités à donner leur consentement pour qu'une initiative aille de l'avant, afin de recueillir des renseignements à l'appui d'une politique particulière, par exemple?
    De plus, on m'a appris à faire en sorte que les besoins en matière d'information et les questions importantes pour la communauté soient toujours mis à l'avant-plan. Il s'agit de déterminer quelles seraient ces questions et quels types de données nous devrions commencer à recueillir ensemble. C'est tout; c'est la base de la confiance et de l'établissement de relations.
    J'aimerais beaucoup passer le micro à ma collaboratrice, K_ii'iljuus Barbara Wilson, qui m'a beaucoup appris à ce sujet.
    Je pense qu'il faut établir un climat de confiance, M. Maclean en a parlé. Il est très important de faire preuve de transparence, que les personnes concernées connaissent vos intentions et que vous écoutiez ce qu'elles disent. Il est très important de commencer par poser des questions, puis de partir de leurs préoccupations, de ce qu'elles constatent sur le terrain, parce que ce sont avant tout elles qui en souffrent lorsque nous prenons des décisions mal éclairées.
    Je pense qu'il est très important d'écouter les gens et de miser sur la force de leurs connaissances. C'est une question de gouvernance, il s'agit d'élaborer des politiques qui tiennent compte des lois naturelles des terres avant qu'elles ne soient éclipsées par les politiques gouvernementales, etc.

  (1715)  

    Barbara Wilson, j'ai une question à vous poser au sujet des consultations.
    C'est évidemment une partie importante de la politique gouvernementale, à mon avis, et une grande obligation des entreprises, quand elles ont un projet. J'ai toujours été curieux de savoir comment les entreprises ou le gouvernement devraient intégrer les connaissances traditionnelles autochtones dans le domaine de la consultation.
    S'ils veulent tenir compte des connaissances traditionnelles et tout, faut‑il que chaque membre de la communauté soit pleinement informé du projet proposé, ou est‑ce trop difficile à définir?
    Nous avons dépassé le temps imparti. Soyez très brève, s'il vous plaît.
    Je ne pense pas que ce soit difficile à définir.
    Si vous regardez notre structure, nos chefs héréditaires s'assoient ensemble et recueillent l'information, c'est le premier niveau. Ils ont ensuite la responsabilité de la transmettre à leur famille, selon leurs domaines de responsabilité héréditaires.
    C'est facile.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolé de chronométrer ainsi les conversations, mais nous essayons d'être justes envers tous les membres du Comité et les témoins en même temps.
    La parole va à M. Turnbull pour six minutes.
    Je vous suis très reconnaissant de votre présence parmi nous aujourd'hui, de vos témoignages et de votre expertise. Je tiens à vous remercier de votre travail.
    Je tiens à remercier M. Cannings d'avoir proposé cette étude également, parce que je pense qu'il est très bénéfique pour nous tous de faire ce travail important.
    Je m'adresserai d'abord à M. Maclean.
    Nous avons entendu, dans les témoignages précédents recueillis pendant cette étude, à quel point les connaissances traditionnelles autochtones peuvent être complémentaires à la science occidentale, et vice versa. Ce sont vraiment des savoirs différents qui peuvent être combinés d'une façon ou d'une autre pour améliorer notre compréhension des répercussions des changements climatiques, par exemple.
    Je sais que vous travaillez avec les gens de Fort Chipewyan et trois communautés autochtones qui collaborent à la surveillance de l'eau dans le delta des rivières de la Paix et Athabasca. Pourriez-vous nous expliquer comment la complémentarité de ces deux types de savoirs différents permet de mieux comprendre les répercussions des changements climatiques sur cet important bassin hydrographique?
    Oui. Merci beaucoup, monsieur Turnbull. C'est une excellente question. Je serai heureux de vous en parler très brièvement.
    Il y a diverses pressions qui s'exercent sur le bassin en raison des changements climatiques, des développements hydroélectriques, de l'exploitation des sables bitumineux, ainsi que des déversements dont vous êtes probablement au courant. Nous aimons aller sur le terrain avec les aînés pour qu'ils nous parlent des éléments préoccupants qu'ils ont repérés. Il y a notamment l'état du grand corégone qui nous inquiète. Nous avons fait venir des scientifiques qui connaissent le grand corégone et la santé du poisson et nous les avons envoyés sur le terrain avec des aînés qui ont toujours pêché le grand corégone dans la région.
    Nous les avons rassemblés sans idée préconçue de ce à quoi ressemblerait la recherche. Nous avons posé la question suivante: « Comment pouvons-nous savoir si les choses changent? » Les aînés disent que les choses changent. Nous utilisons ensuite la science pour tester diverses hypothèses ensemble. Il s'agit vraiment de deux formes de compétences et de connaissances — la science et les savoirs autochtones — combinées à valeur égale. Le travail qui s'est fait à partir de là a été le fondement de tout ce que nous avons fait ensuite.
    Sans trop entrer dans les détails, il faut prendre le risque de traiter ces détenteurs de savoir comme des égaux. Parfois, ils disent la même chose, parfois non.
    Je vais m'arrêter là. Je pense que les aînés présents dans la salle auraient probablement beaucoup à ajouter à cela également.

  (1720)  

    Oui, et j'aimerais utiliser ce point de départ pour poser une question à Mme Wilson et à Mme Salomon.
    Je pense que nous avons entendu parler de cette métaphore — j'appelle cela une métaphore — comme du concept de tresser ces deux savoirs ensemble. Il me semble vraiment important de souligner que de nombreuses personnes spécialisées dans ce domaine utilisent ce terme ou cette métaphore pour exprimer de quoi il s'agit.
    Est‑ce que quelqu'un peut m'expliquer ce qu'il en est? Pourquoi est‑ce si important?
    Madame Wilson, vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi le tressage est l'image utilisée pour comprendre ce concept. Je pense que c'est très important. Pouvez-vous nous dire de quoi il retourne?
    [Difficultés techniques] quand on regarde la façon dont nous gouvernons ou [difficultés techniques] dont nous assumons la responsabilité de l'entretien de tous les aspects de notre terre, notre gouvernance est très différente de la vôtre, et il est parfois très difficile d'intégrer les deux.
    Cependant, mon apprentissage m'a appris que les lois canadiennes devraient pencher dans notre direction et examiner la façon dont nos lois sont élaborées et modifiées... Prenons l'exemple de la conservation. Prenons l'exemple de la Loi sur les espèces en péril et des problèmes qu'elle cause lorsqu'elle empêche les gens d'aller récolter les aliments dont ils ont besoin. Il n'y a pas de tressage ici; c'est une séparation, une division d'idées qui ne peuvent pas s'accorder. Il est par conséquent nécessaire de changer les lois. Nos lois ont été ignorées pendant quelques centaines d'années et, assez souvent, enterrées. Nous devons donc les ressortir, les examiner, les utiliser et voir de quoi elles sont faites.
    Je vous remercie.
    Je vais enchaîner avec une petite question. Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps.
    Comment le processus d'élaboration des politiques change‑t‑il lorsque l'on commence à intégrer les technologies de l'information et de la communication? Cela se rapporte à la question de M. Lobb. Je pense que nous pouvons l'envisager comme étant très linéaire dans le paradigme occidental normal, mais je pense que les connaissances traditionnelles autochtones peuvent en fait mettre en évidence le fait que le processus d'élaboration des politiques sera peut-être appelé à changer du tout au tout.
    Je ne sais pas à qui adresser cette question, mais peut-être que Mme Salomon ou M. Jones voudront nous dire quelque chose à ce sujet.
    Monsieur Jones, je ne pense pas que vous ayez eu l'occasion...
    Vous avez environ 20 secondes, monsieur Jones.
    Je vais peut-être donner un exemple du travail que nous avons fait avec le hareng. Pourquoi les populations de hareng avaient-elles besoin d'être reconstituées? Elles étaient rendues très clairsemées. Quelle en était la cause?
    Nous avons passé trois ans à étudier la façon dont nous devrions gérer le hareng, mais aussi la cause de ce déclin. Il n'y avait pas de réponse ou de raison claire. La science a ses limites, et elle n'a pas été en mesure d'expliquer la grande abondance de harengs que nous avons connue dans les années 1950 à Haida Gwaii. Par ailleurs, les connaissances traditionnelles faisaient état d'une abondance encore plus grande dans les années 1930 et 1940, avant que le ministère des Pêches et des Océans ne commence à tenir des registres sur le hareng.
     Ces deux éléments ont permis de définir une politique raisonnable pour la reconstitution des stocks de hareng.
    Je vous remercie. Cela a été bien fait et en peu de temps.
    Monsieur Blanchette-Joncas, vous avez six minutes.

[Français]

    Je salue les témoins qui sont avec nous aujourd'hui pour cette étude.
    Madame Salomon, comment peut-on réussir à départager les savoirs traditionnels et les savoirs scientifiques lorsque vient le temps de prendre des décisions dans l'élaboration des politiques publiques?
    J'aimerais vous répondre en français, mais ce serait trop difficile pour moi. Je vais donc vous répondre en anglais.

[Traduction]

    Vous m'avez demandé de parler de la science occidentale, du savoir autochtone et de la façon dont ils peuvent être réunis pour éclairer les politiques, et vous m'avez à nouveau accordé du temps pour le faire. Je pense que Russ Jones, Barbara Wilson et Bruce Maclean vous ont fourni de très bons exemples.
    Je vais vous donner un autre exemple de quelque chose de magique et d'innovant. Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler des jardins de palourdes ancestraux. Il s'agit de terrasses intertidales à parois rocheuses qui ont été construites par les hommes il y a 4 000 ans. Or, en conjuguant la science occidentale et le savoir autochtone, nous avons été en mesure de démontrer que ces aménagements peuvent doubler ou quadrupler le nombre de palourdes produites en un seul endroit à des fins alimentaires. C'est vraiment exceptionnel. Il ne s'agit pas seulement de technologies qui nous émerveillent, mais bien de technologies qui pourront être utilisées encore longtemps. Je pensais aux événements climatiques extrêmes.
    En rassemblant nos systèmes de connaissances, nous avons compris comment ces jardins fonctionnent. Ils permettent notamment de maintenir les plages au frais, parce qu'ils modifient la pente des plages et permettent ainsi à ces dernières de rester humides plus longtemps. L'eau de mer ayant une capacité thermique élevée, ces palourdes peuvent se développer deux fois plus vite. En cas d'événements climatiques extrêmes, tels que les dômes de chaleur que nous avons connus dans le nord-ouest du Pacifique il y a plusieurs étés, ou les vagues de chaleur extrêmes causées par le réchauffement de l'océan lui-même, ces aménagements peuvent refroidir les palourdes et leur permettre de se développer à l'abri des maladies bactériennes.
    Il s'agit là de technologies qui rassemblent des connaissances issues de ces deux façons de comprendre un système — ces deux lentilles —, presque comme s'il s'agissait d'échelles de compréhension différentes. Nous pouvons faire appel à la génétique et aux isotopes stables, sur la base d'hypothèses qui nous ont été communiquées par nos collaborateurs autochtones. Nous pouvons voir comment cela fonctionne. Cela a de réelles conséquences stratégiques quant à la façon dont nous gérons les estrans et les rendons résistants aux futures perturbations climatiques, par exemple.

  (1725)  

[Français]

     Merci, madame Salomon.
    Je vous remercie d'avoir donné un exemple concluant. Il est vrai que vous êtes professeure d'écologie marine appliquée et de science des systèmes socioécologiques.
    J'essaie de comprendre une chose en lien avec le savoir traditionnel et le savoir scientifique. Lors de l'élaboration des politiques publiques, comment fait-on pour démêler une croyance d'un savoir scientifique?
    Pouvez-vous répéter la question en français? Cette fois, je vais écouter l'interprétation.
    Comment fait-on pour distinguer une connaissance ou un savoir scientifique d'une croyance, qui est un savoir traditionnel?
    D'accord. J'ai compris la question.

[Traduction]

    Je vous remercie. C'est une excellente question. Elle répond à l'une de nos questions précédentes sur les différences entre les connaissances autochtones et la science eurocentrique ou occidentale. La science eurocentrique ou occidentale a tendance à se considérer comme dépourvue de valeurs, de croyances et de spiritualité. Le savoir autochtone, quant à lui, englobe tout cela à la fois. Il intègre les valeurs et la spiritualité. C'est l'une des très grandes différences entre les deux savoirs.
    La science occidentale ou eurocentrique a également été critiquée. Souvent, les préjugés et les croyances des scientifiques occidentaux, même s'ils se disent objectifs, sont influencés par notre façon de voir les choses. Cela rejoint ce que M. Maclean a dit plus tôt, et ce que le chef Jones a également souligné. Je pense que c'est lorsque l'on fusionne ces systèmes de connaissances et que l'on cerne les différentes valeurs des gens que l'on crée une partie de l'espace propice à l'élaboration de politiques.
    Certes, les politiques sont et doivent être fondées sur des données probantes et scientifiques, mais elles sont aussi, que nous le disions explicitement ou non, guidées par des valeurs. Comme l'a mentionné K_ii'iljuus, nombre de nos politiques n'abordent pas explicitement cette question, comme la Loi sur les espèces en péril. Elles sont assurément guidées par des valeurs eurocentriques. La science occidentale et eurocentrique, et donc ses valeurs, influence les questions que nous posons, les données que nous utilisons et ce que nous considérons comme légitime. Mieux nous reconnaissons cela et plus nous sommes en mesure de faire preuve de transparence [Difficultés techniques] en ce qui a trait aux politiques.
    J'espère que c'était clair. Ai‑je répondu à votre question?
    Pourriez-vous répéter la dernière phrase que vous avez dite? Il y a eu des problèmes de son.
    Je vais aussi donner quelques secondes de plus à M. Blanchette-Joncas à cause des problèmes de traduction de tout à l'heure.

  (1730)  

    La dernière phrase était un peu à côté de la plaque, mais je pense que ce que j'essayais de dire, c'est que... Je résume.
    La science occidentale, la science eurocentrique, la science à laquelle souscrivent l'Université Simon Fraser et cet établissement, et pour laquelle ils ont des protocoles, considère qu'une grande partie de nos processus fondés sur des preuves et la production de savoirs sont dépourvus de valeurs, alors que ce n'est souvent pas le cas, parce que les valeurs ont une incidence sur le type de questions que nous posons, sur le type de données que nous considérons comme légitimes ainsi que sur les données que nous recueillons.
    L'une des belles choses que j'ai apprises en travaillant avec des détenteurs de savoirs autochtones comme K_ii'iljuus a été d'être très explicite sur les valeurs que nous avons et de tenir compte de la façon dont ces valeurs agissent sur les questions que nous posons. Les valeurs ont une incidence sur les politiques.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Cannings, pour six minutes.
    Merci à tous de votre présence. C'est une discussion très intéressante.
    À cause de mon expérience passée, je pense que je vais commencer par M. Snook. J'ai siégé au conseil d'administration du COSEPAC. M. Maclean l'a mentionné, je crois. Il s'agit du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Vous êtes en ce moment même à Ottawa avec le COSEPAC. Vous vous êtes extirpé de cette réunion.
    Ici, au Comité, on nous a parlé de la Loi sur les espèces en péril. On nous a dit que ce sont des valeurs scientifiques occidentales, des structures scientifiques occidentales, qui tentent d'établir si une espèce est en voie de disparition ou menacée.
    Au fil des ans, le COSEPAC a travaillé sur la question des connaissances traditionnelles autochtones. Lorsque j'ai siégé au COSEPAC il y a 20 ans, ce travail n'en était qu'à ses balbutiements et le processus était parfois très maladroit et très difficile.
    Pouvez-vous nous dire où en est le COSEPAC après 20 ans de travail? Comme nous l'avons entendu dire aujourd'hui, c'est un long processus. Pouvez-vous me donner une idée de l'état d'avancement de ce type de politique au Canada?
    En ce qui concerne ce comité particulier, il ne fait aucun doute qu'il y a eu des défis à relever, mais qu'il y a aussi eu des réussites. Je sais que deux espèces différentes ont été évaluées cette semaine, et que les connaissances autochtones ont été mises à contribution dans l'évaluation. L'une de ces espèces était l'orque. Le comité disposait d'une quantité considérable de connaissances provenant de la Colombie-Britannique, par exemple, et des différentes Premières Nations de la région. La deuxième espèce était la mouette blanche, et les communautés inuites avaient un savoir considérable en la matière.
    Je pourrais donner un autre exemple: il y a dix ans, le caribou des monts Torngat, au Labrador, était considéré comme insuffisamment documenté par le COSEPAC. Dix ans plus tard, grâce à la documentation du savoir inuit au Labrador et au Québec, cette espèce est désormais reconnue par le COSEPAC comme une unité désignable à part entière et est désormais considérée comme menacée. Le système de cogestion mis en place prévoit beaucoup de soins et de surveillance. Il ne fait aucun doute que les choses progressent.
    J'aimerais profiter de cette occasion et de cette question pour souligner un point positif en faveur d'Environnement et Changement climatique Canada, et rendre hommage à Mme Myrle Ballard, universitaire anishinabe, titulaire d'un doctorat, pour sa contribution à la création d'une nouvelle division scientifique autochtone au sein du ministère.
    Je pense que c'est vraiment novateur et nécessaire. Je suis très optimiste au sujet de ce qu'elle réussira à faire au sein de ce ministère.
    Une chose que nous avons entendue à plusieurs reprises, tant aujourd'hui que précédemment, c'est que l'un des ajouts précieux que le savoir autochtone peut apporter lorsqu'il est considéré parallèlement à la science occidentale ou à la science coloniale, c'est simplement la longue échelle de temps sur laquelle ce savoir s'appuie. Cela est particulièrement utile lorsque l'on considère la trajectoire du statut d'une espèce. Il me semble essentiel de savoir comment étaient les choses dans le passé, un aspect sur lequel les connaissances autochtones peuvent vraiment nous renseigner.

  (1735)  

    Oui, et pour broder sur cette idée, je dirais qu'il n'y a pas que le passé. Dans toutes nos communautés autochtones au Canada, il y a une surveillance continue et permanente, comme Bruce Maclean l'a déjà mentionné.
    Dans de nombreux cas, la science dans le Nord et dans les collectivités autochtones n'est pas nécessairement subventionnée, et il ne nous reste que nos connaissances locales pour prendre des décisions. Par conséquent, l'un des points que j'aimerais faire valoir à ce comité, c'est de ne pas s'accrocher à l'idée que les connaissances autochtones doivent toujours être complémentaires ou intégrées aux sciences occidentales. Dans de nombreux cas, il serait même inapproprié de les considérer comme tels. Il suffit de croire que les connaissances et les sciences autochtones peuvent se suffire à elles-mêmes et de les utiliser, car dans de nombreux cas, ce savoir est le seul que nous avons.
     Pour peu que vous les utilisiez, ces connaissances ont une incidence sur les politiques parce qu'elles sont ancrées dans les priorités et les préoccupations locales. Vous susciterez une bien meilleure adhésion de la part des personnes qui se soucient de ces espèces — plus que de la part de n'importe qui d'autre, dans beaucoup de cas.
     C'était un excellent point, mais lorsque vous considérez à la science autochtone, pensez‑y en fonction de l'avenir.
    Oui. Je ne voulais pas mettre cela en doute.
    M. Jamie Snook: Oui, je le sais.
    M. Richard Cannings: Merci.
    Je crois que c'est tout le temps que j'avais.
    C'était une très bonne distinction à mettre en relief. J'ai bien aimé cette partie de la discussion.
    Nous allons faire un tour très abrégé avec des séries de questions de deux minutes, deux minutes, une minute et une minute. Dans la mesure du possible, veuillez poser des questions concises et donner des réponses brèves.
    Monsieur Soroka, c'est à vous pour deux minutes.
    D'accord. Je vais poser ma seule question. Je ne sais pas si elle s'adresse à Mme Wilson ou à Mme Salomon.
    Dans votre travail avec les communautés autochtones de la côte, comment combinez-vous les connaissances traditionnelles avec l'écologie marine tout en tenant compte des problèmes environnementaux?
     Cette question s'adresse à celle qui voudra y répondre
    Je vais tenter une réponse.
    Nous considérons le monde dans son ensemble. Nous ne nous le morcelons pas et nous ne mettons pas l'accent sur un aspect plus qu'un autre. Nous devons tenir compte du fait que, par exemple, les saumons commencent leur vie dans nos forêts, dans les ruisseaux qui s'y trouvent, et qu'ils finissent par revenir dans les mêmes ruisseaux. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de les dissocier du reste et de les enfermer dans des silos. Nous devons tenir compte des aspects environnementaux dans leur ensemble.
    Madame Salomon, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Je vais peut-être me faire l'écho de ce que vous avez dit.
    Cette perspective holistique nous permet d'examiner non seulement les interactions entre les écosystèmes, mais aussi les actions socioécologiques des humains en tant que composantes du système dans son ensemble. C'est quelque chose que les écologistes marins traditionnels n'ont pas tendance à faire, et cela fait souvent en sorte qu'on laisse de côté une grande partie du portrait d'ensemble et des moteurs de changement en cause.
    Je vais poursuivre dans cette voie, quitte a vous demander de nous répondre par écrit.
     Pourriez-vous donner un exemple de cas où cette intégration a conduit à la recommandation de politiques qui ont eu une incidence sur les stratégies de conservation?
    Je peux commencer.
    M. Gerald Soroka: D'accord.
    Mme Anne Salomon: Je vais lier cela à...
    En fait, je crains que vous ne puissiez pas lui répondre de façon satisfaisante, car il n'y a plus assez de temps pour le faire, mais si vous pouviez nous fournir une réponse écrite, nous vous en saurions gré.
    C'est une bonne proposition de M. Soroka. Ce sont des discussions très enrichissantes, mais nous n'avons malheureusement pas le temps de les approfondir autant que nous le voudrions.
    Monsieur Lametti, c'est à vous pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins et aux collègues de leur présence. C'est une discussion fascinante.
    La métaphore du tressage n'est peut-être pas appropriée dans tous les cas, mais elle donne de la force au câble. Je pense que c'est l'un des aspects les plus riches de l'utilisation de la métaphore du tressage des connaissances traditionnelles avec la science occidentale et les formes de connaissances occidentales: cela nous rend tous plus forts.
    Je vais répéter la même question que j'ai posée à d'autres témoins lors de la dernière séance. Réponde qui voudra.
     Madame Wilson, nous allons bien sûr commencer par vous, ainsi que par le chef Jones.
    La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les principes ou la philosophie qui la sous-tendent contribuent-ils à renforcer le dialogue sur la recherche d'une harmonie entre les savoirs autochtones et les savoirs occidentaux?

  (1740)  

    Pour peu que l'on suive les intentions de la déclaration et que l'on ne se contente pas d'en parler, je dirais que oui.
    J'ajouterais que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones renforce la nécessité de travailler en collaboration. La déclaration parle d'obtenir un consentement libre, préalable et éclairé pour l'exploitation des ressources ou pour les plans s'y rapportant.
    Merci, chef.
    J'espérais me rendre à Haida Gwaii l'été dernier. Je n'ai pas pu le faire quand le ministre Miller y était, mais j'espère pouvoir y aller un jour.
    Monsieur le président, je n'ai pas d'autres questions.
    Parfait. Parfois, la qualité est préférable à la quantité, et ces questions et ces réponses étaient excellentes.
    Merci.
    Nous passons à M. Blanchette-Joncas, qui aura la parole pour une minute.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Snook, dans votre allocution, vous avez parlé du fait de pouvoir intégrer le savoir traditionnel au savoir occidental. Lors de la réunion de lundi traitant du même sujet, on nous a dit qu'il y avait une différence fondamentale entre ces deux savoirs. Le savoir occidental se penche sur des éléments aussi précis que possible en tentant de contrôler le plus de variables possible pour isoler un phénomène, alors que le savoir traditionnel considère ce phénomène de façon plus holistique, dans un contexte aussi large que possible.
    Adhérez-vous à cette définition? Y a-t-il des forces et des faiblesses pour chacune de ces approches?

[Traduction]

    Je suis également d'accord avec la métaphore du tressage. Je comprends la différence entre la méthode scientifique occidentale et les connaissances traditionnelles. Toutefois, je m'inquiète parfois du fait que lorsque nous nous référons aux connaissances traditionnelles, nous sommes tournés vers le passé. Les concepts de la science autochtone, la surveillance continue de l'environnement et la nature locale de cette surveillance continue assurée par les populations et les communautés autochtones ne diffèrent pas autant de la science qu'on pourrait le penser. Les Inuits de la région où je vis, par exemple, surveillent tous les jours des éléments comme la glace marine, et ce depuis des années.
    Je vais essayer de rester bref pour la présidence. Je m'excuse, monsieur.
    Merci à vous deux. Merci de votre compréhension.
    Nous allons passer à M. Cannings pour une minute. Essayez de ne pas dépasser le temps imparti. Je vous remercie.
    Je vais essayer d'être bref.
    Je vais m'adresser à M. Maclean.
    Vous semblez avoir beaucoup d'expérience au Canada et ailleurs dans le monde. Pourriez-vous très brièvement communiquer au Comité une évaluation de l'état d'avancement du processus d'utilisation des connaissances autochtones dans le cadre de l'élaboration des politiques au Canada?
    Merci.
    Vous êtes ici et vous vous penchez sur la question, donc vous travaillez à rattraper le retard.
    Les aînés avec lesquels je travaille sont très frustrés. Ils possèdent des savoirs, mais ils n'ont aucune façon de les communiquer. Ils passent beaucoup de temps à essayer d'expliquer et de justifier les changements survenus avec ke développement et qui ont eu de graves répercussions sur eux. Les choses sur lesquelles ils s'appuyaient et en lesquelles ils avaient confiance ont disparu. Il y a eu une véritable destruction de la manière dont fonctionne le savoir traditionnel.
    Je tiens à souligner rapidement que le savoir autochtone est très actif et vivant. En 2012, ils avaient des téléphones portables à Fort Chipewyan et dans le delta Paix-Athabasca. C'est à ce moment‑là qu'ils ont obtenu une couverture cellulaire pour la première fois. Au bout de six semaines, les gens savaient exactement où aller pour capter un signal. Il y a un perfectionnement constant. Les choses évoluent constamment et nous devons garder cela à l'esprit et faire de la place pour cette évolution.
    Je m'égare. Je vais m'arrêter là.

  (1745)  

    Non. C'était très bien. Je vous remercie.
    Nous remercions tous les témoins de leur présence. Je constate que notre temps est basé sur des normes occidentales et non sur des normes autochtones. Malheureusement, notre comité est contraint de fonctionner ainsi. Nous devons respecter les règles que nous avons établies.
    Je vous remercie tous d'avoir été parmi nous et de nous avoir fait profiter de vos connaissances dans le cadre de notre étude. Comme je l'ai dit plus tôt, vous pouvez bien entendu nous soumettre tout autre élément par écrit. Nous avons déjà une demande, mais si vous pouvez nous communiquer d'autres éléments pour nous aider dans notre étude, nous vous en serions reconnaissants.
    Les députés sur Zoom peuvent rester avec nous. Nous allons suspendre brièvement la séance pour permettre à un témoin de notre prochain groupe de se connecter à Zoom et de vérifier la qualité du son. Nous prions les autres témoins de se retirer ou de rester à l'arrière pendant que nous faisons entrer notre nouveau groupe de témoins.
    Nous allons suspendre la séance pour une minute ou deux.
    Merci.

  (1745)  


  (1745)  

    Nous allons entamer la deuxième partie de notre réunion. Nous allons faire de notre mieux pour terminer à 18 h 45. Nous devons nous arrêter exactement à cette heure en raison de contraintes liées aux ressources, mais nous allons voir ce que nous pouvons faire. Nous avons un groupe de témoins de moins pour cette séance, ce qui nous permettra peut-être de rattraper un peu de temps.
    Je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales
    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir, à titre personnel et par vidéoconférence, Hugo Asselin, professeur titulaire.
    Nous accueillons également, du Réseau canadien des montagnes et de Renouer les Savoirs Canada, Mme Monique Dubé, directrice exécutive, et M. Joe Dragon, président du conseil. Il est accompagné de sa fille, Olivia, qui est assise à l'arrière. Elle est étudiante en deuxième année à l'Université Queen's et a distribué des tressages réalisées par Jane Dragon, la mère de M. Dragon. Trois générations de sa famille sont présentes parmi nous aujourd'hui. Je vous en remercie.
    Nous allons commencer par accorder cinq minutes à M. Asselin. Allez‑y.

  (1750)  

[Français]

    Bonjour, kwe.
    Je m'appelle Hugo Asselin et je suis professeur titulaire et directeur de l'École d'études autochtones à l'Université du Québec en Abitibi‑Témiscamingue. Je travaille en collaboration avec des communautés et des organisations autochtones depuis près de 20 ans, sur une variété de sujets et selon une approche multidisciplinaire et interculturelle.
    Aujourd'hui, cela me fait plaisir de vous présenter un résumé d'une synthèse des connaissances publiée plus tôt cette année et réalisée par une équipe de recherche dont je faisais partie, financée par les Fonds de recherche du Québec et menée par ma collègue Émilie Deschênes, qui est elle aussi professeure à l'Université du Québec en Abitibi‑Témiscamingue. Je vous ai déjà fait parvenir un rapport abrégé d'un peu moins d'une dizaine de pages, mais, si vous souhaitez plus de détails, le rapport complet de 88 pages est disponible gratuitement par l'entremise du dépôt institutionnel de l'Université. J'ai envoyé les coordonnées au personnel du Comité.
    Dans ce projet, nous avons fait une recension des données écrites et orales, de sources autochtones et non autochtones, issues de la littérature scientifique et d'autres sources, ainsi que des transcriptions d'entrevues de témoins et d'experts et d'appels à l'action des principales commissions d'enquête des dernières années. Nous avons aussi eu des échanges avec des experts autochtones en éducation, en santé et en réalité urbaine, ainsi qu'avec des représentants du gouvernement du Québec, en lien avec les affaires autochtones, la santé, l'éducation, la justice et l'agriculture.
    Notre recherche a été guidée par trois thèmes: les enjeux, les facteurs de succès et les pratiques inspirantes en matière de mobilisation des connaissances dans l'élaboration de politiques publiques affectant les Autochtones. Nous avons considéré toutes les étapes du processus de mobilisation des connaissances, qu'il est important de mentionner: la production et le partage des connaissances, la sélection des connaissances qui vont être utilisées, leur appropriation et, enfin, leur utilisation et leur mobilisation dans l'élaboration des politiques publiques.
    Nous avons établi un diagnostic de la situation actuelle et nous avons défini une situation souhaitée, basée sur la recension des écrits et sur les discussions avec les experts. Concernant la situation actuelle, nous avons fait quatre constats principaux, que je vais résumer.
    Premièrement, les connaissances issues de la recherche circulent à sens unique, c'est-à-dire des producteurs vers les décideurs, puis vers les destinataires des politiques. Les Autochtones, qui sont les destinataires dans ce cas-ci, ont peu d'occasions de participer à la production, à la sélection et à la mobilisation des connaissances. D'une certaine façon, ils se font imposer des connaissances.
    Deuxièmement, le processus de mobilisation est principalement consultatif, alors qu'il devrait être basé sur la coconstruction. Plutôt que de seulement aller chercher l'avis des personnes autochtones, souvent quand il est un peu trop tard, il faut travailler en amont et toujours ensemble avec elles.
    Troisièmement, l'élaboration des politiques se base presque exclusivement sur les connaissances issues de la recherche universitaire. La coproduction de connaissances avec les milieux autochtones est encore rare, malheureusement.
    Quatrièmement, les liens entre les producteurs, les utilisateurs et les destinataires sont faibles. Cela fait que les étapes intermédiaires de la mobilisation, soit le partage, la sélection et l'appropriation des connaissances, se font moins bien. C'est plus compliqué.
    Pour ce qui est de la situation souhaitée, nous avons dégagé quelques pistes de solution, que je vais vous énumérer, sans ordre particulier. D'abord, la réciprocité, l'ouverture, l'humilité culturelle et le dialogue sont des conditions indispensables, sans lesquelles on ne peut pas faire le reste du travail.
    Ensuite, il faut avoir une relation d'égal à égal et considérer les savoirs scientifiques et autochtones sur un pied d'égalité, comme on l'a entendu tout à l'heure, en privilégiant l'approche à double perspective. Le processus doit être mené par, pour et avec les personnes et les instances autochtones à toutes les étapes, dans une perspective d'autodétermination — c'est très important — et dans le respect de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il faut faire une place aux modes de gouvernance traditionnels et aux protocoles de consultation, de recherche et d'éthique élaborés par les instances autochtones.
    Qui plus est, il n'est pas suffisant de simplement adapter les politiques existantes; il faut les revoir en profondeur dans une approche de coconstruction. Il faut également favoriser les politiques préventives, qui règlent les problèmes à la source, plutôt que d'être réactif et d'appliquer des solutions temporaires sans empêcher la récurrence des problèmes. Par ailleurs, il est important de tenir compte des historiques et des contextes et de ne pas imposer des solutions uniques.

  (1755)  

    En effet, iI ne faut pas calquer pour les Autochtones les approches prévues pour d'autres groupes. Il faut considérer tous les groupes autochtones comme étant différents. L'approche doit être inclusive et elle ne doit pas se limiter à collaborer avec le chef ou le conseil de bande. Il faut même aller voir les groupes marginalisés, comme les femmes, les personnes âgées ou les jeunes.
    Il faut adopter une vision holistique, considérer les interactions entre les politiques et les ministères, évaluer les questions de façon globale et à long terme. Il faut inclure des personnes autochtones au personnel des ministères responsable des politiques, et les inclure dans toutes les structures décisionnelles. Il faut suffisamment soutenir les initiatives à toutes les étapes du processus et toujours avoir comme objectif de réduire les inégalités.

[Traduction]

     Je vous remercie pour vos observations.
    Nous passons maintenant au Réseau canadien des montagnes et à Renouer les Savoirs Canada. Nous avons Joe Dragon et Monique Dubé.
    Je pense que M. Dragon va commencer.
     [Le député s’exprime en denesuline et fournit un texte en anglais dont voici la traduction:]
    Bonjour. Je m'appelle Joseph Ignace David Dragon. Je vis dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous appelons notre terre Denendeh.
    Je suis déné, descendant des Denesuline, le peuple de la terre. Ma mère est Jane Mercredi Dragon. Elle a fabriqué le cadeau qui vous a été offert aujourd'hui. Mahsi. Mon père est David Pascal Dragon.

  (1800)  

    Mahsi de nous accueillir aujourd'hui.
    Le Réseau canadien des montagnes est un réseau de centres d’excellence lancé en 2019, pionnier dans la recherche de moyens éthiques et équitables de mener des activités relevant des sciences de la nature qui respectent les peuples autochtones, générant ainsi de meilleurs résultats scientifiques et communautaires.
     Le Réseau canadien des montagnes a soumis une proposition au Fonds stratégique pour les sciences afin d’officialiser sa transition pour devenir Renouer les savoirs Canada au printemps prochain, soit à la fin de son mandat de cinq ans au sein du réseau de centres d'excellence. Les résultats de cet exercice détermineront les prochaines étapes du processus de planification qui commencera cet automne.
    En seulement quatre années d’activités, le Réseau canadien des montagnes a mené des recherches révolutionnaires sur le tressage des savoirs autochtones et non autochtones, ce qui a permis au Canada de mieux comprendre les crises liées au climat et à la biodiversité.
    Le Réseau canadien des montagnes a été le premier réseau de centres d'excellence à financer des recherches menées par des Autochtones, 60 % des projets ayant été dirigés ou codirigés par des Autochtones, avec la participation de plus de 200 collaborateurs, 200 organismes partenaires et 43 universités au Canada.
    Conscients de la dévaluation historique des méthodes qui ne concordent pas avec les approches de recherche occidentales, les peuples autochtones ont clairement demandé à maintes reprises au gouvernement fédéral de respecter les façons d’apprendre, de faire et d’être autochtones et d’en tenir compte.
    Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux s'efforcent de concrétiser cette inclusion; Toutefois, les iniquités, les exclusions et la partialité demeurent, en raison de la complexité du défi à relever, mais surtout, des priorités et des mandats fédéraux qui, par définition, doivent être d’origine, de portée ou de responsabilité nationales. Au Canada, il arrive souvent que les connaissances et les pratiques autochtones ne soient pas prises en compte dans les recherches et les décisions, celles‑ci étant principalement influencées par des approches scientifiques conventionnelles et coloniales, des pratiques de gouvernance non autochtones et des motivations économiques.
    L’harmonisation éthique des responsabilités fédérales avec les connaissances autochtones autodéterminées et axées sur le territoire est une question déterminante dans les relations entre la Couronne et les Autochtones au Canada.
    Monsieur le président, il s'agit à la fois d'une difficulté et d'une occasion de réconciliation. C’est en renforçant la présence des connaissances autochtones locales à l’échelle nationale et l’incidence nationale à l’échelon local que Renouer les Savoirs Canada, qui représente l’évolution et l’élargissement du réseau des centres d'excellence au‑delà des régions montagneuses canadiennes, apportera une valeur ajoutée aux communautés autochtones et au gouvernement du Canada. Le Réseau canadien des montagnes a démontré que les organismes de recherche peuvent faciliter la réconciliation par l'entremise de la recherche et peuvent aider le gouvernement du Canada à mettre en œuvre un grand nombre des mesures énoncées dans le plan d'action de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de juin 2023.
    Le Réseau canadien des montagnes a fait évoluer les mentalités et veut faciliter la compréhension par la création d’espaces éthiques permettant la coproduction de connaissances, ce qui constitue une contribution importante à l’engagement du Canada à l’égard de la réconciliation avec les peuples autochtones.
    Nous avons investi plus de 10 millions de dollars dans des travaux de recherche et des partenariats à l’échelle nationale qui combinent les sciences naturelles, les sciences de la santé et les sciences sociales avec les sciences humaines et les connaissances locales pour combler les lacunes en matière de connaissances et améliorer les résultats des politiques, notamment en ce qui a trait aux aires protégées et de conservation autochtones; à l’intendance autochtone dans le rétablissement du bison en Alberta, au rétablissement du caribou dans la région centrale des Rocheuses, à la réaffirmation des noms de lieux autochtones dans le Nord, à l’intégration des connaissances autochtones dans les ententes transfrontalières sur le saumon conclues avec le Yukon, à l’intégration du savoir des Mi’kmaq sur les écosystèmes aquatiques au Québec, ainsi qu’à la surveillance communautaire du climat et de la santé au Nunatsiavut.
    Monsieur le président, nous avons besoin d’organismes sans but lucratif d’expérience comme le nôtre, qui reçoivent l’appui de chercheurs et de collectivités des Premières Nations, inuits et métis, ainsi que le soutien de collaborateurs non autochtones contribuant à l’écosystème de recherche, pour faciliter l’établissement de liens entre les travaux dirigés par des Autochtones, axés sur le territoire et réalisés par la communauté et les diverses priorités fédérales transversales.
    Grâce à l'expansion de notre organisme, nous pouvons offrir l’espace et les occasions de collaboration dont les ministères fédéraux ont besoin pour exploiter les connaissances et les initiatives locales d’une manière simple, concise et efficace.
     Notre modèle s’est avéré très agile, tout en étant très complémentaire, et nous a permis de parvenir rapidement au succès que nous connaissons à ce jour dans l’ensemble des disciplines, et d’aller chercher le soutien des gouvernements et des ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux.
    Marsi, monsieur le président.
    D'accord. Merci beaucoup, monsieur Dragon.
    Nous allons maintenant commencer notre période de questions de six minutes, en commençant par Mme Rempel Garner.
    Merci, monsieur le président. Je vais adresser mes questions à M. Dragon.
    Transmettez mes salutations à votre mère. Je pense souvent à elle.
    Dans le monde universitaire, on dit qu'il faut « publier ou périr », et le processus de publication repose en grande partie sur un processus très strict d'examen par les pairs. Il en va de même pour le processus d'octroi de subventions.
    J'aimerais savoir comment vous et votre réseau interagissez avec ce processus et essayez d'associer les connaissances autochtones au processus d'examen par les pairs. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais si vous avez une recommandation à faire au Comité à ce sujet, je pense que ce serait important.
    J'y ai réfléchi. Après être passé par le système universitaire occidental pour obtenir un doctorat sur le caribou, j'ai dû prouver que j'avais les qualifications nécessaires pour occuper ce type de poste au sein du gouvernement en tant que biologiste de la faune. Du point de vue des Autochtones, je pense que lorsque j'ai obtenu cette preuve...
    Vous avez parlé de publication. Ma preuve, c'est que j'ai abattu mon premier orignal à l'âge de 10 ans. Avec mon père, j'ai dû passer par là et être capable de transformer seul cet orignal entier. C'était un orignal femelle; je n'avais pas de bois ou quoi que ce soit à montrer, mais ma grand-tante m'a fabriqué un sac avec les oreilles, et c'était ma preuve. C'était ma preuve culturelle.
    Je continue d'apprendre. Aujourd'hui, je transmets ces connaissances à la génération suivante. Ma fille est ici, et ses frères sont en train de suivre le même processus. C'est ainsi que nous enseignons dans notre culture, mais nous n'avons pas besoin de publier nos connaissances; cela fait partie de notre identité.

  (1805)  

    Vous pouvez peut-être dire la même chose à mon gendre. Il a oublié qu'il avait besoin d'un camion lorsqu'il a tenté de chasser un cerf la semaine dernière. Sa honte figure maintenant au compte rendu. J'ai l'impression d'avoir fait mon devoir.
    Peut-être que ce que je vais faire, parce que je n'ai pas beaucoup de temps... Je pense qu'il est important que le Comité comprenne l'intersection entre le processus de financement de la recherche, le processus d'examen par les pairs, le processus de publication et l'intégration des connaissances traditionnelles autochtones. Dans le temps qui nous reste, avez-vous des recommandations particulières à formuler sur la manière d'y parvenir? Dans la négative, seriez-vous prêt à proposer quelque chose au Comité ou à interroger le réseau dans son ensemble pour répondre à cette question?
    C'est une très bonne question. En tant que scientifique autochtone, j'ai eu du mal à...
    L'idée de publier pose problème dans la culture autochtone, car tout change. Une fois que vous avez mis les choses sur le papier, elles deviennent réelles, tout simplement, mais dans notre culture, nous en faisons constamment l'expérience... comme dans le cas des effets du changement climatique.
    Mme Dubé, qui a beaucoup publié, pourrait se prononcer sur l'idée du tressage.
    Marsi.
    De nombreux universitaires autochtones sont constamment confrontés à cette difficulté. Ces universitaires vivent, chaque jour, la difficulté liée à l'idée qu'il faut publier ou périr. L'un d'entre eux est codirecteur de la recherche au sein de notre réseau.
    Il est important de comprendre que ces chercheurs ont besoin d'être soutenus pour changer les exigences relatives à la titularisation, en comprenant que lorsqu'on tresse des savoirs ou qu'on publie des savoirs autochtones, les relations et le temps... Il faut du temps et de l'attention, car le système colonial exige un examen plus approfondi.
     J'ai travaillé un temps dans l'administration de la recherche universitaire. J'ai notamment remarqué que parfois, lorsque vous êtes dans le silo de l'idée de « publier ou périr » ou lorsque vous cherchez à obtenir une subvention dans un silo particulier, cela vous empêche vraiment, vous ou la communauté qui travaille sur le problème, de chercher d'autres solutions ou d'envisager une autre approche d'un problème.
    Votre réseau travaille‑t‑il actuellement sur un projet que vous pourriez présenter au Comité comme un projet que vous avez examiné du point de vue des connaissances traditionnelles autochtones et qui vous a permis d'ouvrir un nouveau domaine de recherche? Je pense qu'il est très important de montrer les réussites.
    Pourriez-vous développer cette idée? Je pense qu'il s'agit d'un aspect que le Comité doit examiner dans le cadre de cette étude.
    Il nous reste environ 50 secondes, vous avez donc un peu de temps.
    Je vais commencer, puis Mme Dubé...
    Je pense que l'un des enseignements importants tirés de l'initiative que nous avons menée est que l'on ne peut pas faire de la science autochtone à l'échelle du Canada. Il faut tenir compte des communautés qui demandent à bénéficier de cette science et qui y participent.
    Je peux vous donner mon point de vue en tant que Denesuline. Je suis déné, mais même dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a 12 langues différentes. Il y a 12 cultures différentes. Les domaines étudiés sont si nombreux qu'il faut aller plus loin dans la conversation et demander aux habitants de leur région comment ils veulent participer. Ensuite, il vous suffit d'accroître la place de cette conversation avec les Autochtones,sans modifier quoi que ce soit, mais en leur demandant simplement de s'asseoir à la table. C'est tout.
    Marsi.
    C'est parfait. Merci. Meegwetch.
    Nous passons à Mme Metlege Diab pour six minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être présents cet après-midi.
    Je tiens à remercier votre fille, Olivia — et à vous remercier également, monsieur Dragon, ainsi que votre mère — pour le magnifique cadeau que vous avez offert à toutes les personnes présentes dans la salle aujourd'hui. Je remarque qu'il est également tressé.
    En parlant de tressage, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le concept du tressage en ce qui concerne le climat? Vous avez parlé des crises du climat et de la biodiversité, il s'agit donc d'action climatique.
    La question s'adresse à vous, monsieur Dragon, ou à vous, madame Dubé.

  (1810)  

    Je vais commencer et céder ensuite la parole.
    Ce n'est pas un hasard s'il s'agit d'une tresse. On a dit plus tôt que cela rend le tout plus fort. Toutefois, si vous regardez bien la tresse, vous constaterez qu'elle est fabriquée à partir de fils qui sont très différents.
    J'entends souvent le mot « mélange ». Notre savoir, notre capacité à prendre part aux discussions, se trouve en nous, et il est distinct. Il est différent et il a autant de valeur que la science occidentale.
    Le fait d'entrelacer nos savoirs, de les rendre plus solides, nous donne l'occasion de voir la science à travers une lorgnette différente, pour ensuite pouvoir prendre des décisions éclairées.
    Je vais céder la parole.
    Marsi.
    Je vais vous donner un exemple. La harde de caribous qui se trouve au Nord-Est de l'Albera et de la Colombie-Britannique frisait l'extinction. Les pratiques de gestion des gouvernements fédéral et provinciaux n'avaient pas réussi à la maintenir. Nous avons financé des travaux de recherche dirigés par Clayton Lamb à l'Université de la Colombie-Britannique et le chef Roland Willson, qui travaille avec les Premières Nations de West Moberly. Grâce au tressage des savoirs autochtone et occidental, ils ont réussi à faire quadrupler la taille de la harde. Ils ont travaillé ensemble pour recommander des pratiques de gestion concernant les caractéristiques linéaires qui, comme nous le savons, sont un problème important lié au développement énergétique et à d'autres types de développement.
    C'est donc un exemple du pouvoir de l'amalgame des savoirs pour faire avancer un dossier important et en arriver à accroître le nombre de caribous dans une région du Canada, dans le but de redonner un jour aux gens le droit de le chasser.
     Depuis que je travaille comme scientifique au Canada, il m'a rarement été donné de voir la science se traduire en pratiques de gestion pour atténuer les répercussions sur les droits, pour les rétablir. Dans le cas présent, il s'agissait du droit de chasser le caribou.
    Voilà un exemple du pouvoir du tressage des savoirs.
    J'apprends beaucoup de choses dans cette étude. Je ne connaissais pas grand-chose, en particulier pour ce qui est de la terminologie. Je vais faire un lien avec une autre étude que nous avons menée au début de notre mandat et qui portait sur les scientifiques amateurs.
    Beaucoup de témoins nous ont parlé de l'importance de prendre en compte le savoir local. Pour reprendre vos mots, vous avez parlé du besoin d'avoir des organismes à but non lucratif expérimentés pour faciliter l'établissement de liens.
    Je veux vous donner l'occasion de parler davantage de l'importance de ce type de savoir et de ce que le gouvernement fédéral doit faire à ce sujet. De plus, parlez-nous des liens entre les différents ordres de gouvernement, les universités, le secteur privé, etc.?
    Je vous remercie de la question.
    Quand on parle d'avoir un espace inclusif, un espace de collaboration qui réunit les universités, les organismes autochtones et les groupes qui veulent participer à ce genre d'initiatives, je peux vous dire que jusqu'à maintenant la relation du gouvernement avec les peuples autochtones n'a pas été très bonne. Les premiers efforts de collaboration dans le domaine de la recherche... des scientifiques occidentaux qui viennent sur nos terres, font des tests, repartent et nous envoient parfois ensuite un rapport pour nous faire part de leurs conclusions dans des termes qui ne veulent rien dire pour les membres de la communauté, ce n'est pas ce qu'on appelle une vraie relation. On communique simplement de l'information.
    Ce que nous pouvons faire — comme l'a mentionné l'un de vos témoins —, c'est de créer un espace, doté d'un bon financement, pour permettre aux Autochtones de prendre part aux discussions, et je pense que vous trouverez cela utile. Nous en avons de très bonnes preuves jusqu'à maintenant avec un très petit échantillon. On parle de cinq ans seulement, et c'est pourquoi nous voulons que ce soit prolongé.
    Si on regarde ce projet dans son ensemble, nous l'avons commencé dans les montagnes, mais nous nous sommes rendu compte rapidement que cela allait bien au-delà, alors il nous fallait élargir sa portée pour faire entendre plus de voix.
    Comme on l'a déjà mentionné, il faut du financement. Les études que nous menons dans des lieux éloignés coûtent extrêmement cher. Il faut concilier le tout.
    Le Réseau canadien des montages est un lieu de convergence pour entamer les discussions, et le travail ne fait que commencer.
    Marsi.

  (1815)  

    C'est excellent. Je vous remercie tous les deux.
    Nous passons à M. Blanchette-Joncas pendant six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je salue les témoins qui se joignent à nous pour cette deuxième heure d'étude.
    Monsieur Asselin, merci de vous joindre à nous. Vous êtes directeur de l'École d'études autochtones à l'Université du Québec en Abitibi‑Témiscamingue. J'ai lu quelques-unes de vos entrevues. Vous y mentionnez notamment que l'Université est bien positionnée pour générer un dialogue enrichissant entre les Québécois et les Premières Nations.
    Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur le rôle que peut jouer l'Université pour rapprocher les Autochtones et les non-Autochtones?
    Merci.
    Effectivement, l'Université offre cette occasion de regrouper dans la même classe ou au sein des mêmes projets de recherche des personnes autochtones et non autochtones, et de faire ce tressage des savoirs dont on parle depuis tantôt.
    C'est ce que nous faisons à l'École d'études autochtones, une école multidisciplinaire unique au Québec. Nous ne sommes pas une école d'anthropologie ou de sociologie: nous sommes une école d'études autochtones. Les programmes que nous développons et les projets de recherche que nous menons sont dictés par les partenaires autochtones que nous avons dans les instances ou les communautés, et nous les menons avec les personnes autochtones.
    Il est donc vraiment important de toujours avoir une collaboration du début à la fin et, comme on le dit depuis le début de la réunion, de considérer le savoir autochtone et le savoir scientifique sur un pied d'égalité. Ces savoirs ne sont pas générés de la même façon, mais ils ont la même valeur. Dans les deux cas, ce sont des savoirs empiriques qui sont générés par essais et erreurs, grosso modo. C'est quand même le même principe, même si l'approche est un peu différente.
     Merci, monsieur Asselin.
    Vous dites qu'il faut mettre sur un pied d'égalité le savoir traditionnel et le savoir scientifique, mais comment peut-on départager les croyances des connaissances?
    Je crois réellement que le savoir autochtone peut apporter quelque chose de plus à la science occidentale, mais comment procède-t-on, concrètement, pour démêler tout cela et aboutir à un processus scientifique qui est valide des deux côtés?

  (1820)  

    C'est très important. Tantôt, en réponse à une question similaire, Mme Salomon a soulevé des points importants.
    Tout d'abord, il faut éviter de toujours penser qu'il faut valider par la science le savoir autochtone. Sinon, il faudrait accepter que le savoir autochtone valide la science, et cette validation réciproque constante deviendrait ridicule. Il faut donc vraiment considérer ce dont il s'agit.
    La différence entre les croyances et le savoir avéré se trouve facilement en parlant à plusieurs personnes. Si je parle à une personne autochtone et qu'elle me dit une chose, c'est un renseignement anecdotique, dont j'ignore la véracité et la valeur. Par contre, si je parle à dix, vingt ou trente personnes autochtones reconnues par leurs pairs comme des experts dans un domaine et qui me disent toutes la même chose, on se trouve face à une connaissance répandue qui a une valeur comparable à une donnée scientifique.
    Dans le même ordre d'idées, si on ne mène qu'une seule expérience scientifique, durant laquelle on se trompe, sans que ce soit par malhonnêteté, on risque de faire des erreurs pendant longtemps si on ne se fie qu'à cette seule expérience, jusqu'à ce que quelqu'un tente de reproduire l'expérience initiale et se rende compte que les résultats en étaient erronés. C'est donc toujours dans la répétition et la multiplication des connaissances et des preuves qu'on va trouver le bon terrain.
    Les gens des sciences naturelles font souvent l'erreur de croire que les sciences sociales reposent sur un simple discours parlé, mais c'est incorrect. C'est en parlant à plusieurs personnes, comme je viens de l'expliquer, qu'on tisse des connaissances. Si ces connaissances sont partagées par beaucoup d'experts, soit on accepte qu'elles sont valables, soit on décide qu'il s'agit d'un complot et que ces personnes se sont entendues avant de me rencontrer pour me raconter le même mensonge. Encore une fois, je le démontre par l'absurde, mais il est évident qu'il y a plein d'exemples concrets de ce savoir.
    Merci, monsieur Asselin.
    Que fait-on pour départager la science occidentale du savoir autochtone quand les deux se contredisent? Si cela survient dans le contexte d'un processus législatif, faut-il établir une hiérarchie du savoir?
    Je pense qu'il n'y a pas de hiérarchie. La première chose à faire est de s'écouter et, s'il y a une divergence, de se demander pourquoi. Il faut aussi se demander comment les mesures ont été établies de chaque côté ou comment l'information a été générée.
    Je vous donne un exemple concret. Il y a quelques années, dans les Territoires du Nord‑Ouest si ma mémoire est bonne, des relevés gouvernementaux ont montré qu'un troupeau de caribous avait disparu. On a alors assisté à un branle-bas de combat. On se demandait ce qui s'était passé et si les caribous avaient été anéantis. Les Autochtones de ce secteur ont dit qu'ils n'avaient pas disparu, mais qu'ils avaient plutôt migré vers un autre endroit, ce qui n'est pas fréquent. Les Autochtones ont dû répéter plusieurs fois cette explication avant que les employés du gouvernement ne survolent en hélicoptère l'endroit précis désigné par les Autochtones et y trouvent la harde de caribous. Aucun caribou n'avait disparu.
    Il s'agit parfois d'admettre que l'une des deux méthodes était erronée. Dans mon exemple, c'est la science qui était dans l'erreur, mais il arrive que ce soit le savoir autochtone. Personne n'est parfait. Lorsqu'il y a des divergences, l'idée est de faire chacun de son côté des vérifications pour tenter de déterminer où est l'erreur. Normalement, s'il y a un phénomène, il devrait y avoir une convergence.

[Traduction]

     C'est vraiment fantastique.
    Nous passons à M. Cannings. Vous avez six minutes, allez‑y.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je me suis laissé emporter par les discussions sur les caribous, alors je vais poursuivre sur le sujet.
    Monsieur Dragon et madame Dubé, vous avez parlé d'un projet — et j'ai oublié le lieu — dans le cadre duquel le nombre de caribous a quadruplé. C'est remarquable, car ce n'est pas ce qui se passe chez les populations de caribous dans les montagnes plus au sud, où j'habite.
    J'essaie de comprendre la différence entre la science occidentale et le savoir autochtone. Vous avez parlé des caractéristiques linéaires qui sont un problème. Si vous replantiez... Est-ce ainsi que vous procédez? Modifiez-vous ces caractéristiques linéaires?
    Je pense que les scientifiques occidentaux savent depuis longtemps que les caractéristiques linéaires sont mauvaises pour les caribous, mais ils effectuent une étude, elle est publiée et devient des « connaissances », et cela s'arrête là. Dans les projets dont vous vous occupez, est‑ce que le savoir autochtone fait partie d'un processus vraiment relié aux politiques, de façon à ce que de réels changements se produisent sur le terrain? Diriez-vous qu'il s'agit‑là d'une différence?
    Je veux simplement ajouter qu'il faut que vous veniez dans le Sud de la Colombie-Britannique pour vous occuper des caribous.
    Je vous remercie de la question.
    Je pense que ce qui fait la différence, ce sont les partenariats sur le terrain dès le début d'un projet.
    Pour que ce soit clair, ce sont des travaux que nous avons appuyés et rendus possible. Le rôle du Réseau canadien des montagnes est de créer des liens, de les entretenir et de gérer toutes les tâches administratives qui éloignent les gens du travail qu'ils doivent faire sur le terrain.
    Ces groupes se heurtaient à un problème insurmontable. Quand les gens s'assoient ensemble et que, dès le départ, les décideurs sont à la table des discussions, c'est ce qui permet d'intégrer la science et le savoir dans les politiques et la prise de décisions, et c'est ce qui fait la différence.
    Si nous réussissons à obtenir du financement du Fonds stratégique des sciences, l'un des premiers ajouts à notre structure de gouvernance sera d'y greffer un conseil consultatif fédéral pour travailler avec notre comité de gestion de la recherche — notre cercle autochtone de conseillers et nos chercheurs —, afin de pouvoir discuter de nos priorités et de notre vision communes et d'agir comme agent de liaison. Dans des exemples comme celui concernant les caribous, nous pouvons mettre en commun les leçons apprises.
    Quand on effectue une recherche et qu'on la publie, elle n'est pas intégrée aux politiques et aux règlements. Nous en avons fait l'expérience encore et encore. Comment doit‑on procéder? Il faut travailler ensemble de bout en bout. Il faut aussi une gouvernance évolutive et une réforme des politiques et de la réglementation évolutive pour que la réglementation qui est élaborée soit axée sur la protection. Ces liens sont maintenus pendant une longue période. C'est ce qui est gage de succès.

  (1825)  

    C'est au sein des Premières Nations de West Moberly et de Saulteau.
    J'aimerais donner au Comité matière à réflexion. Quand on examine l'approche occidentale, et comme j'ai été sous-ministre de l'Environnement et des Ressources naturelles pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, je sais que l'on peut parfois avoir des discussions à l'occidental sur le caribou.
    Lorsque la horde était en décroissance, un des défis lors des discussions était de se placer dans la situation... Lorsqu'on est en présence d'une population en décroissance, la première mesure typique occidentale est d'interdire la chasse sur le champ. L'argument dans ces discussions pour moi est de dire que je suis un Déné, un Dénésuline. Nous sommes des mangeurs de caribou. Nous avons des liens avec le caribou. Un adage dit que les caribous et nous ne faisons qu'un. Si vous prenez une mesure qui rompt ce lien, vous rompez le lien culturel entre les deux. Du point de vue occidental, vous vous en sortez ainsi. Vous publiez un article, il est publié dans les journaux, et on dit que c'est ce qu'il faut faire.
    Du point de vue autochtone, vous venez de supprimer une composante culturelle de nos vies, mais nous devons suivre les règles, car il y a un moratoire sur la chasse. Le lien est rompu. Cette composante culturelle, à certains endroits, fait vraiment partie intégrante du lien à la terre. Elle ne concerne pas seulement une espèce, mais tout ce que cette espèce mange ou boit, tout son environnement, tout ce qui se trouve sur le territoire.
    C'est simplement matière à réflexion.
    Marsi.
    J'aimerais ajouter que je soupçonne que bien souvent, ce n'est pas la chasse qui est à l'origine du déclin. C'est simplement la chose la plus simple à interdire.
    Me reste‑t‑il du temps?
    Je n'ai plus de temps. D'accord.
    Il restera du temps plus tard parce que nous sommes tellement efficaces aujourd'hui et que tout se déroule très bien avec nos témoins.
    J'adore l'idée d'une gouvernance évolutive, et je regarde les gens dans la salle en me disant que nous pourrions sans doute tirer quelques leçons à examiner au Parlement.
    Nous passons à M. Soroka pendant cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins d'être avec nous.
    Je vais commencer par M. Dragon et Mme Dubé.
    Vous parlez beaucoup de votre approche et j'aimerais en savoir plus sur l'intégration du savoir autochtone et de la science occidentale pour comprendre et gérer les écosystèmes des montagnes. Comment se fait‑il que vous réussissiez mieux que tous les autres? Que manque‑t‑il dans les approches des autres?
    Nous sommes des facilitateurs, et c'est une question de liens. Notre but est de faciliter et d'appuyer, avec le moins d'obstacles possible, la recherche qui se fait dans un lieu donné. Nous remettons toujours en question les éléments du système, la manière d'allouer les fonds, le financement offert aux communautés autochtones, et le versement des honoraires.
    Dans nos programmes de recherche, les critères sont très clairement établis avant qu'une personne se rende sur le terrain et travaille avec les gens. En tant qu'organisme à but non lucratif, nous avons la capacité d'être très mobile dans notre façon de gérer nos ressources, nos politiques, et très franchement, d'éliminer les obstacles. Le manque de capacités est un problème dans un grand nombre de communautés, et c'est notre rôle de développer les capacités au sein de ces communautés et d'éliminer certains obstacles qui découlent, par exemple, de l'administration coloniale.
    Je suis une scientifique formée en Occident, alors je comprends la quantité de rapports qui est nécessaire dans les systèmes coloniaux. Si je peux assumer ce fardeau pour aider les communautés à respecter les règles et les exigences du système fédéral et les aider à développer leurs capacités, à se former et à effectuer la recherche sur le terrain, alors l'argent sert à ce qu'il doit servir, c'est-à-dire la recherche sur le terrain. Nous nous occupons des tâches auxquelles les communautés doivent souvent consacrer beaucoup de temps et de ressources.

  (1830)  

    Je pense que ce lieu de rencontre est la clé. Il faut que les Autochtones aient l'occasion... Il faut considérer la science occidentale et considérer l'expérience sur le territoire. Nous voyons cela beaucoup plus souvent maintenant grâce aux zones de protection autochtones. Nous renforçons nos capacités à cet égard. Je pense qu'il existe un énorme potentiel de croissance de ces discussions dans ces zones partout au Canada au fur et à mesure que nous, les peuples autochtones, voulons offrir notre gouvernance. De plus, comme il a été mentionné précédemment à propos de vos systèmes, notre gouvernance diffère de la gouvernance actuelle sur ces terres, et je pense qu'il faut avoir ce lieu de discussions.
    J'ajouterais que lorsqu'on tente d'avoir ces discussions là où cela n'avait pas lieu auparavant... Lors de la réintroduction du bison dans le parc national de Banff, les discussions que nous avons eues avec la Première Nation de Stoney Nakoda dans le cadre de notre projet, c'était la première fois que les gens se réunissaient pour mettre en place un modèle de réintroduction du bison. Si nous sommes les facilitateurs, c'est merveilleux; nous mettons tout en œuvre pour favoriser les discussions. Je pense que les groupes autochtones y voient une occasion à saisir, et si nous avons plus de temps et plus de financement, je pense que nous pourrons obtenir encore plus de résultats partout au pays.
    Marsi.
    Je pense que c'est un bel exemple de la bureaucratie que crée le gouvernement, et de l'idée qui veut que pour pouvoir agir, il faut plus de réglementation. Il semble que ce soit le plus gros problème.
    Vous parlez de culture. Dans le cas du caribou, vous vouliez continuer à les chasser, mais ils disaient que ce n'était pas la bonne chose à faire. Je pense que c'est dans ce genre de situation que le savoir traditionnel est vraiment bénéfique et utile. Êtes-vous d'accord avec moi, ou est‑ce que je me trompe?
     Je vous remercie.
    Je crois encore une fois que nous avons l'occasion de penser la gouvernance et la gestion des espèces d'une façon différente. L'approche scientifique occidentale veut que ce soit très blanc ou noir. Pour avoir travaillé dans le système, je peux dire qu'on voit les choses de cette façon.
    Dans notre approche, nous tentons de répondre aux intérêts et aux besoins de tous les gens autour de la table. Je peux prendre votre exemple. Vous êtes des députés de partout au Canada, et vous représentez les intérêts de vos régions. C'est très semblable dans les cultures autochtones. Dans leurs régions, les gens ont des intérêts qui leur sont propres. Ils veulent faire partie des discussions, et c'est ce que nous nous efforçons de faire.
    Marsi.
    Je vous remercie.
    Madame Jaczek, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins, et plus particulièrement M. Dragon et Mme Dubé, et aussi Olivia pour le cadeau.
    Je crois que chaque fois que nous allons regarder la tresse, nous allons nous rappeler ce que nous avons appris dans cette étude très intéressante.
    Pour revenir à l'objectif de l'étude, nous voulons savoir comment mieux intégrer le savoir traditionnel autochtone et la science dans l'élaboration des politiques. Nos analystes nous ont donné des exemples de ce qu'on fait d'autres pays, en particulier l'Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande.
    L'Australie a créé IP Australia, un organisme gouvernemental qui administre la propriété intellectuelle et qui a lancé diverses initiatives en lien avec le savoir autochtone. Les États-Unis ont préparé des lignes directrices à l'intention des organismes fédéraux pour qu'ils tiennent compte du savoir autochtone et l'incluent dans leurs processus d'élaboration des politiques et de prise de décision. La Nouvelle-Zélande, je crois, est nettement en avance. Elle a également préparé des énoncés de vision.
    En commençant par M. Dragon et Mme Dubé, pourriez-vous nous dire comment le gouvernement fédéral pourrait mettre à profit certains de ces mécanismes qui ont été utilisés ailleurs et qui pourraient nous être utiles?

  (1835)  

    Je vais commencer, et ensuite céder la parole à Mme Dubé.
    Quand il s'agit d'élaborer des politiques qui touchent la culture autochtone, vous constaterez sans doute que nous nous efforçons tous de trouver des façons de le faire et d'intégrer le tout concrètement dans notre approche.
    En Australie, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, ils ont utilisé une approche qui répondait à la situation dans leur région. Dans ma région, au Denendeh dans les Territoires du Nord-Ouest, les cultures et les croyances varient énormément d'une communauté à l'autre. On ne peut donc pas les mettre toutes dans le même panier.
    Je pense que nous devons pouvoir comprendre le rôle que les populations autochtones veulent jouer dans les discussions. Je n'essaie pas de faire les choses autrement, mais d'encourager les discussions.
    Je vais vous laisser en juger. Il s'agit pour eux de jouer un rôle significatif dans les discussions, d'une façon qui veut dire quelque chose pour leur culture, leur existence, et pour qui ils sont et la façon dont ils ont été élevés. On leur a enlevé cela pendant très longtemps.
    Nous essayons de faire renaître cela, et c'est ce que nous tentons de faire avec le Réseau canadien des montagnes.
    Marsi.
    Je dirais qu'il existe de nombreux exemples de la manière de bien faire les choses et de ne pas bien les faire. Envoyez vos analystes des politiques sur le terrain, dans les communautés qui ont des préoccupations dans un domaine de politique particulier qui intéresse le gouvernement, et ils verront exactement comment on peut procéder de la bonne manière. C'est la solution.
    Cela passe par la formation, l'expérience et la sensibilisation. Ces systèmes de connaissances peuvent s'entrelacer en une tresse pour résoudre certains des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés au chapitre des changements climatiques, de la crise de la biodiversité et du développement des ressources naturelles, mais nous devons comprendre que ces connaissances sont beaucoup plus profondes et beaucoup plus holistiques que les limites de la science occidentale, et je suis une scientifique occidentale de formation. Nous devons comprendre et, je dirais, savoir que notre orientation en matière de politique et de réglementation est très cloisonnée, comme vous l'avez entendu plus tôt dans les témoignages.
    Nous apprenons... Je fais partie du groupe de travail Couronne-Autochtones, qui se penche sur l'élaboration potentielle d'un règlement fédéral sur le traitement et le rejet des eaux issues de l'exploitation des sables bitumineux. C'est un besoin de l'industrie et c'est une question qui soulève bien des émotions dans la région, mais il est absolument essentiel que nous comprenions que l'intégration ne fait pas intervenir que la Loi sur les pêches, la Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Loi canadienne sur la santé; elle exige une interaction plus holistique de ces politiques et règlements.
    C'est un autre apprentissage en ce qui concerne l'élaboration des politiques.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous accordons la parole à M. Blanchette-Joncas pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Asselin, je vous remercie des précisions que vous avez fournies plus tôt en réponse à mes questions. Vous avez notamment parlé de la distinction à faire entre croyance et connaissance et du besoin de valider et de reproduire les expériences. On comprend que la science n'est pas parfaite non plus.
    J'aimerais parler des travaux de M. Yves Gingras, sociologue des sciences et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et sociologie et des sciences. Selon lui, le savoir autochtone a parfois une connotation spirituelle, qui ne peut pas être clairement ou matériellement palpable. Il est donc difficile de le mettre en parallèle avec les connaissances scientifiques acquises à l'aide d'une méthode scientifique bien précise. On peut penser au scorbut, par exemple, sur lequel existent des connaissances tant traditionnelles que scientifiques.
    Par ailleurs, il dit qu'on oppose les personnes autochtones aux personnes non autochtones en pensant qu'il s'agit de deux groupes homogènes, alors que ce sont deux groupes hétérogènes qui abritent des divergences, y compris de connaissances et de savoir, en leur sein.
    Pouvez-vous fournir quelques commentaires à ce sujet?

  (1840)  

    Effectivement, c'est important. Aucun groupe n'est homogène. Une personne en a d'ailleurs fait la remarque pendant la première partie de la réunion aujourd'hui, disant qu'il ne faut pas généraliser. Il est important de consulter chacun des groupes et chacune des communautés, ainsi que différents scientifiques. Il faut s'abreuver à différentes sources.
    Certains groupes de recherche ont des messages à transmettre. Quelqu'un mentionnait plus tôt que les chercheurs ne sont pas purement objectifs et qu'ils sont portés par leur vision des choses.
     Il est vrai que le savoir autochtone revêt un aspect spirituel qui peut être difficile à aborder et à comprendre quand on a une formation scientifique occidentale. Par contre, cela ne veut pas dire que ce savoir n'est pas valide ou exact. Souvent, à force de chercher, on arrive à trouver une explication scientifique à ce dont les Autochtones nous font part de leur point de vue plus spirituel ou philosophique.
    C'est simplement la façon d'aborder les choses qui est différente. Si on aborde cela en se disant qu'on n'a pas confiance parce que c'est de la spiritualité, que ce n'est pas scientifique et qu'on ne veut rien savoir, on n'ira nulle part. Il faut y aller avec confiance en se disant que c'est ce qui est devant nous.
    Généralement, ce que les Autochtones nous disent, nous le voyons. On ne comprend pas toujours l'explication qu'on nous donne, mais on constate le phénomène. C'est donc que cela fonctionne. Il faut se demander comment traduire leur savoir en un langage scientifique si c'est ce dont on a besoin pour élaborer une politique.
    Le fait que nous ne comprenions pas le chemin ne veut pas dire que la destination n'existe pas.

[Traduction]

    D'accord. C'est excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Cannings pour les deux minutes et demie de la fin.
    Je vous remercie.
    Je vais revenir à M. Dragon et à Mme Dubé pour continuer à parler du caribou et d'autres choses, et de tout le concept selon lequel, dans la science occidentale, les connaissances ne sont pas des connaissances tant qu'elles ne sont pas publiées. Je connais des biologistes qui étudient les poissons dans certains lacs depuis 30 ans et qui n'ont toujours rien publié, mais tout le monde sait qu'ils sont ferrés dans le domaine.
    Vous avez parlé de certains des grands projets dans le cadre desquels les connaissances communautaires et les politiques entrent en conflit, qu'il s'agisse des sables bitumineux, de la Réserve faunique nationale de l'Arctique, en Alaska, avec le forage pétrolier et le caribou, ou de la politique de récolte forestière et du caribou de la Colombie-Britannique. Comment voyez-vous cette interaction?
    Vous disposez de deux minutes. Pouvez-vous me dire comment vos projets permettraient de résoudre ces situations?
    Je commencerai par le projet réalisé dans la région du Sahtu, dans les Territoires du Nord-Ouest, pour examiner une façon de... Les gens ont élaboré un plan de surveillance de la recherche et de protection des terres qui tenait compte du mode de vie des Dénés et l'intégrait, y compris la langue dénée, qui est très importante lorsqu'il est question de la mesure dans laquelle la langue est intégrée à la culture, puis à la gestion, puis à la loi dénée en coexistence avec le caribou.
    C'est ainsi que ce projet a pu être mis sur pied. Il nous a permis d'apprendre beaucoup de choses. Il existe donc des exemples de la création d'un forum qui offre un peu de souplesse en permettant d'examiner les choses sans nécessairement devoir publier.
    Marsi.
    J'ai eu de la chance au cours de ma carrière. J'ai passé 25 ans dans le secteur de l'énergie, notamment dans la foresterie, les pâtes et papiers et l'extraction de métaux à base d'uranium et de diamants, à l'interface ou à l'intersection entre le savoir autochtone, le savoir occidental et le développement des ressources naturelles.
    Je dois dire que j'en ai assez d'entendre dire que ces éléments sont en opposition, car en fait, si on examine la véritable expérience et consacre du temps à ces relations sur le territoire, la solution à l'exploitation durable des ressources naturelles qui offre également des occasions économiques consiste à tresser ensemble les systèmes de connaissances, notamment dans les domaines où c'est le plus important, comme celui des sables bitumineux de l'Alberta.
    J'ai vu cette interaction de mes propres yeux. Je suis reconnaissante envers les communautés autochtones et les peuples autochtones du pays d'avoir fait preuve à l'égard des scientifiques occidentaux comme moi afin de leur permettre d'être patients et de comprendre. Je crois sincèrement que les solutions à certains de nos plus grands défis au Canada consistent à tresser ensemble les connaissances et à approfondir notre compréhension pour répondre à ces questions de façon significative et durable.

  (1845)  

    Merci beaucoup. Nous avons dépassé le temps prévu, mais cela en valait la peine. Je vous remercie de votre témoignage.
    Monsieur Dragon, madame Dubé et monsieur Asselin, nous vous remercions d'avoir témoigné. Vous avez livré d’excellents témoignages, et les membres du Comité ont également posé d’excellentes questions, des questions très réfléchies. J’apprends énormément dans le cadre de cette étude et j’oublie toujours que je dois surveiller l’heure.
    Merci à vous tous de vos excellentes questions et réponses. Je le répète: toute information écrite transmise à la greffière sera bien reçue.
    Nous poursuivrons la présente étude le lundi 4 décembre, pendant la première heure. Au cours de la deuxième heure, nous examinerons les travaux futurs du Comité. Nous poursuivrons également sur ce sujet mercredi prochain.
    Il semble que les gens se préparent à partir. Est‑ce ce que nous faisons?
    Des députés: Oui.
    Le président : Je vous remercie. La séance est levée.
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