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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la 38e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Français]

     La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Les députés peuvent y participer en personne ou par l'entremise de l'application Zoom.

[Traduction]

    J'aimerais faire quelques observations qui seront utiles aux témoins et aux membres du Comité.

[Français]

    Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous êtes présent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.

[Traduction]

    Pour accéder à l'interprétation sur Zoom, vous n'avez qu'à cliquer, au bas de votre écran, sur l'icône vous permettant de sélectionner le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette pour sélectionner le canal.

[Français]

    Si les députés présents dans la salle souhaitent avoir la parole, ils doivent lever la main. Les députés utilisant Zoom doivent utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de prise de parole. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.

[Traduction]

    Conformément à notre motion de régie interne concernant les tests de connexion, je souhaite informer le Sous-comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.

[Français]

    Avant de commencer, je tiens à noter que le sujet de la réunion d'aujourd'hui est le transfert illégal d'enfants ukrainiens vers la Russie. Certaines discussions pourraient être difficiles pour les témoins, les téléspectateurs, les députés et les membres du Sous-comité.
    Si vous vous sentez en détresse ou si vous avez besoin d'aide, veuillez consulter le greffier pour obtenir des informations sur les services de soutien offerts par l'Administration de la Chambre des communes.

[Traduction]

    J'ai maintenant le plaisir d'accueillir les témoins qui sont ici avec nous ce matin. Tous participent par vidéoconférence.
    Nous accueillons Mykola Kuleba, chef de la direction de la fondation Save Ukraine—We would like to save Ukraine.

[Français]

    Monsieur Kuleba, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

     Mesdames et messieurs, c'est pour moi un honneur de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Mykola Kuleba et je défends les droits des enfants depuis plus de 25 ans. J'ai été commissaire aux droits des enfants sous la direction de deux présidents de l'Ukraine et je dirige maintenant le réseau de secours Save Ukraine, un organisme caritatif qui secoure les citoyens les plus vulnérables de l'Ukraine dans les zones de combat et les aide à rebâtir leur vie grâce à un ensemble de services sociaux. Je suis profondément reconnaissant d'avoir l'occasion de m'adresser à vous.
    Je suis ici pour parler des enfants de l'Ukraine. Mon message principal est simple: la Fédération de Russie commet un génocide contre le peuple ukrainien en transférant de force nos enfants en Russie et en anéantissant leur identité ukrainienne.
    Les propos ainsi que les gestes des dirigeants russes traduisent clairement l'intention de séparer en permanence les enfants ukrainiens de leurs familles ainsi que de leur groupe national et ethnique, dans le but d'annihiler leur identité ukrainienne. Maria Lvova-Belova a fièrement déclaré qu'environ 750 000 enfants ukrainiens ont été transférés de force. Les dirigeants russes ont ouvertement exprimé l'intention de faire instruire les enfants ukrainiens transférés dans la langue russe, de les faire adopter par des familles russes et d'en faire des citoyens russes.
    Save Ukraine a secouru 200 enfants transférés de force. Nous avons non seulement renvoyés ces enfants en Ukraine mais nous leur avons aussi fourni du soutien physique et psychologique pour les aider à se remettre des traumatismes qu'ils ont vécus. L'histoire de chaque enfant est unique, mais plusieurs thèmes communs sont ressortis des expériences vécues et nous donnent une idée de la vie de centaines de milliers d'enfants ukrainiens dans les territoires contrôlés par la Russie ou en Russie.
    Nous ignorons combien de ces enfants sont non accompagnés, mais nous savons que ceux qui sont seuls sont les plus vulnérables à un effacement d'identité total. Nous avons entendu à maintes et maintes reprises des témoignages faisant état d'un effacement net et systématique de l'identité ukrainienne. Les enfants sont forcés d'écouter de la propagande russe et des affirmations mensongères au sujet de l'Ukraine. Les enfants n'ont pas le droit de parler ukrainien. Ils sont forcés de suivre des cours de langue, de littérature et d'histoire russes. Ils sont aussi forcés d'écouter régulièrement l'hymne national russe. Les adolescents sont recrutés dans les mouvements militaires juvéniles russes et nous avons la preuve que des milliers d'entre eux sont devenus soldats et se battent maintenant contre l'Ukraine.
    Nous savons également que le simple fait de porter du bleu ou du jaune ou des couleurs qui s'y apparentent constitue un motif de punition. Un garçon a été puni pour avoir porté des chaussettes violettes et jaunes. Une fille dans un camp de rééducation russe a été punie pour avoir porté un t-shirt avec le drapeau ukrainien, simplement un drapeau ukrainien. Un dirigeant du camp a fait un film de propagande où il coupe le fameux t-shirt en morceaux.
    J'aimerais vraiment entendre de vive voix le témoignage des enfants. Vous les entendrez bientôt.
    Je suis père. J'ai quatre enfants et je sais que bon nombre d'entre vous sont parents et que vous avez des espoirs et des rêves pour l'avenir de vos enfants. Je sais comment procéder pour favoriser l'identité de vos enfants. Les parents ukrainiens ont le même rêve pour leurs enfants. Nous rêvons d'un pays sûr, pacifique, prospère et régi par la primauté du droit où nos enfants pourront s'épanouir. En dépit de l'invasion à grande échelle lancée par la Russie, nous n'avons pas renoncé à ce rêve.

  (1115)  

    Nous avons une guerre à gagner. Nous devons gagner...
    Il vous reste 10 secondes.
    Avec votre appui, nous gagnerons. Nous devons gagner parce que nous savons que nos enfants ont le droit de vivre en Ukraine sans craindre d'être persécutés ou tués.
    Je termine.
    Je vous exhorte aujourd'hui à condamner ouvertement le transfert forcé d'enfants ukrainiens par la Russie comme étant un génocide et à exiger que les responsables de ce crime dévastateur soient tenus de rendre des comptes.
    Merci beaucoup.
    Merci, Monsieur Kuleba.
    J'aimerais suspendre la séance pendant quelques secondes pour faire un test de connexion pour un autre témoin qui est en retard et qui vient tout juste d'arriver.
    J'invite maintenant Mme Kateryna Lytvynenko à prendre la parole. Vous disposez de cinq minutes.

  (1120)  

    Messieurs les président et vice-président et distingués membres du Sous-comité, députés, membres de la communauté internationale et collègues, je vous remercie d'avoir invité Aide à l'enfance à témoigner aujourd'hui au sujet de la question extrêmement importante et complexe que constitue le transfert forcé d'enfants ukrainiens vers la Russie.
    C'est auprès de leur famille et de leur collectivité que les enfants sont le mieux. En situation de crise humanitaire, les bouleversements et l'incertitude sont tellement grands pour les enfants qu'il peut être difficile de savoir si un enfant a une famille et, même s'il n'en a pas, il peut être traumatisant de l'éloigner du pays et de la culture qu'il connaît.
    Voilà pourquoi Aide à l'enfance estime qu'il faut s'efforcer de réunir les enfants non accompagnés avec les membres de leur famille. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour retracer les enfants non accompagnés et les réunir avec leur famille et leur collectivité, ce qui est dans leur intérêt supérieur.
    Nous ne savons pas exactement combien d'enfants ont été visés par les transferts forcés de l'Ukraine vers la Russie depuis février 2022. Les chiffres fournis par les autorités russes et ukrainiennes font état de 2 000 et de 20 000 cas confirmés respectivement.
    Nous savons que certains de ces enfants sont en Russie. D'autres se trouvent en Ukraine, dans des zones non contrôlées par le gouvernement. D'autres encore viennent d'institutions, mais pas tous, ce qui complique l'attribution de la responsabilité de leur garde et les mécanismes de réunification.
    Nous sommes confrontés à une situation complexe qui exige des solutions complexes et une priorisation claire des besoins des enfants conformément au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
    Nous ne pouvons préciser avec exactitude ni l'ampleur du problème ni le nombre d'enfants déportés, mais nous savons que plus le temps passe, plus la situation devient complexe pour chaque enfant. Le Canada peut jouer un rôle important dans la recherche d'une solution. Le cas de bon nombre de ces enfants peut être compliqué, mais cela ne dégage personne de sa responsabilité. Il est crucial de soutenir les efforts de responsabilisation et de veiller à ce que tous les mécanismes de responsabilisation incluent des experts de l'enfance.
    Alors que se poursuit le processus de responsabilisation, les efforts diplomatiques doivent être orientés vers la recherche de solutions et la mise en place de mesures de protection pour ces enfants. À ce jour, ce sont les efforts déployés par la base, notamment par des organisations de la société civile, qui se sont révélés les plus efficaces pour réunir des enfants avec leur famille en Ukraine. Ces organisations aident les familles à retracer leurs enfants et aident les parents et les tuteurs légaux à entreprendre un long et dangereux voyage en Russie ou dans les territoires ukrainiens non contrôlés par l'Ukraine, pour ramener eux-mêmes les enfants. Nous savons à quel point ces démarches peuvent être longues, difficiles et parfois infructueuses, car Aide à l'enfance appuie de telles initiatives par l'entremise de ses partenaires sur le terrain.
    Compte tenu de l'absence de dialogue politique entre l'Ukraine et la Russie, le mécanisme de transfert d'enfants ne peut être réglementé et les mesures légales pour le retour des enfants déportés demeureront ponctuelles et leur efficacité et leur pertinence limitées. Il faut établir de toute urgence un dialogue technique entre les institutions de protection des citoyens et les ministères concernés en Ukraine et en Russie pour respecter les droits des enfants et faciliter la réunification avec les tuteurs légaux.
    Cependant, nous sommes conscients qu'il faudra peut-être longtemps pour que l'Ukraine et la Russie amorcent un dialogue direct dans ce dossier. Or, les enfants ne peuvent pas attendre. Le Canada peut participer à la recherche de pays tiers pour faciliter la réunification. Il faut aider à trouver des États tiers susceptibles de favoriser le dialogue dans ce dossier. Nous avons été témoins de négociations fructueuses par des tierces parties pour l'échange de prisonniers de guerre et, récemment, pour le retour de plusieurs enfants ukrainiens de la Russie en Ukraine, qui a été facilité par le Qatar.
    Je tiens à souligner de nouveau l'importance de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants dans les démarches de retour et de réunification. Servir l'intérêt supérieur de l'enfant n'est possible que lorsqu'on examine chaque cas. Pour ce faire, il faut mettre en place un système de gestion centralisé de recherche et d'information pour localiser chaque enfant, connaître son statut de tutelle et s'assurer de son bien-être.
    Les donateurs internationaux peuvent prioriser le financement de la protection et de la recherche des enfants pour soutenir le rétablissement des liens familiaux.
    En conclusion, je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. J'accueillerai avec plaisir toute occasion d'aborder de nouveau la question dans l'avenir.
    Merci.

  (1125)  

    Merci.
    J'invite maintenant Kseniia Koldin, Denys Berezhnyi, Anastasiia Motychak et Vladyslav Rudenko à prendre la parole. Tous ensemble, vous disposez de 15 minutes.
    Vous avez la parole.
     [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour.
    Je m'appelle Kseniia. J'ai 19 ans. J'ai un jeune frère, Serhiy. Il a 12 ans. Nous sommes des enfants sans parents.
    Il y a deux ans, nous vivions dans une famille d'accueil. C'est à ce moment‑là que les actes d'agression ont commencé. Nous étions dans l'une des premières villes, Vovchans'k, à être envahies par des troupes russes. Nous vivions dans des conditions propres aux interventions militaires. Nous devions nous mettre à l'abri. Nous devions nous cacher. Les rues étaient constamment bombardées. Il y avait des patrouilles russes et des machines militaires russes. Nos vies ont changé.
    Au cours de l'été 2022, notre enseignant nous a recommandé fortement et de manière convaincante d'aller étudier en Russie. La plupart des parents ont accepté ces propositions parce qu'ils ne voulaient pas avoir de conflits avec les forces d'occupation. C'est ainsi que nous sommes arrivés en Russie.
    Par la même occasion, mon frère a été transporté dans un camp dans la région de Krasnodar sous prétexte de mener un examen de santé. Il était censé être là pour une courte période, mais en réalité, ce fut pour une très longue période.
    Au bout de deux mois, j'ai été expulsée des résidences du collège où j'étudiais en raison de ma position pro-ukrainienne. Je ne voulais pas accepter un passeport russe. J'ai refusé le logement gratuit qui m'a été proposé. Après tout cela, j'ai rencontré quelqu'un et je suis restée avec cette personne.
    Pendant ce temps‑là, mon frère est resté en Russie. Il a finalement été placé dans une famille d'accueil. Pendant cette période, je savais où il se trouvait. À la fin de l'hiver, j'étais dans une situation psychologique et mentale difficile et je savais que je voulais retourner en Ukraine, mais je ne savais pas comment y parvenir. J'ai commencé à chercher des façons de retourner en Ukraine. Je me suis promis de ne pas retourner en Ukraine sans mon frère.
    Avec l'aide d'une personne que je connaissais dans ma ville natale, j'ai contacté les services sociaux de ma ville et j'ai découvert l'organisation Save Ukraine. L'organisation a commencé à m'aider à planifier le processus pour revenir à ma patrie. J'ai compris que c'était elle qui m'aiderait à revenir. Une fois que j'avais obtenu tous les documents nécessaires pour moi et pour mon frère et que notre retour était possible, les Russes ont commencé à faire pression sur lui en lui disant qu'il ne devait pas retourner en Ukraine, qu'il y avait une guerre, que les Ukrainiens étaient des nazis et qu'il serait préférable pour lui de rester en Russie.
    On m'a dit que mon frère ne voulait pas retourner en Ukraine, ce qui m'a vraiment surprise. J'avais très peur qu'on m'empêche de l'emmener avec moi, mais je me suis ressaisie et je suis allée là où il se trouvait. Une fois sur place, j'ai compris qu'il ne voulait vraiment pas retourner. Nous avons passé trois heures à nous parler. J'essayais de lui expliquer que s'il ne partait pas, nous ne nous verrions plus et nous ne pourrions plus être ensemble comme une famille. On lui a ensuite demandé s'il voulait venir avec moi et il a répondu par l'affirmative.
    Après avoir passé quelques jours aux frontières de la Russie et du Bélarus, nous ne pouvions pas dire que nous retournions en Ukraine, car on ne nous aurait pas autorisés à le faire. Cela a correspondu à quelques jours d'un voyage épuisant. Nous craignions de ne pas pouvoir retourner en Ukraine et de devoir rester en Russie, mais nous y sommes quand même parvenus. Nous nous sommes ensuite rendus dans un centre de Save Ukraine, où nous avons reçu de l'aide médicale et psychologique.
    En ce moment, mon frère est placé dans une excellente famille d'accueil ukrainienne. Il a sa propre chambre, ce dont il est très heureux. Je travaille pour l'organisation Save Ukraine et j'essaie de sauver les enfants qui ont été transférés de force en Russie et qui ont dû vivre sous la tutelle des forces d'occupation russes.
    Je sais que l'Ukraine remportera la guerre et que la Russie sera punie pour tous ses crimes. J'espère qu'aucun autre enfant ne sera contraint de devenir russe.

  (1130)  

    Merci.
     [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci.
    Je m'appelle Denys. J'ai maintenant 18 ans. Au cours de l'occupation de ma ville, Kherson, on m'a emmené en Crimée contre mon gré.
    Des officiers militaires se sont présentés à mon appartement et m'ont dit qu'ils se fichaient de savoir si je voulais partir ou non, car je partirais quand même. Mes parents ont été choqués. Ils ne pouvaient pas s'opposer à des officiers armés.
    J'ai ensuite été transporté par autobus scolaire au port fluvial de Kherson. On me disait que j'allais dans un camp pendant deux semaines et que je reviendrais ensuite. J'ai été emmené à Oleshky, où j'ai attendu trois heures et demie pour un autobus.
    Le dirigeant du camp est un ancien membre des forces spéciales ukrainiennes. Il s'appelle Valery Astakhov et s'est enfui en 2014. Il n'arrêtait pas de dire que la Russie était meilleure que l'Ukraine. Il a déclaré que tous ceux qui disaient quelque chose de mal dans le camp seraient obligés de rentrer chez eux à pied.
    Je suis diabétique. Je suis allé à l'infirmerie et j'ai informé le personnel que je n'avais presque plus d'insuline. On m'a dit de revenir quand je n'en avais plus. Au bout d'un mois, je me sentais vraiment mal parce que je n'avais plus d'insuline et on m'a transporté par ambulance à une unité de soins intensifs à Yevpatoria. Le voyage a pris plusieurs heures. J'ai passé deux ou trois jours dans l'unité de soins intensifs et j'ai ensuite été transporté à Simferopol, où j'ai passé trois semaines à recevoir de l'insuline et des soins médicaux.
    En février 2023, tous les étudiants devaient être envoyés en Crimée pour faire des études. J'ai été envoyé un an plus tôt afin d'étudier pour devenir un opérateur de machines. Je ne voulais pas faire de telles études, mais on m'a obligé à le faire. Je me suis retrouvé au collège technologique naval de la ville de Kertch. J'ai suivi des cours à ce collège jusqu'à la fin de l'année scolaire.
    On me disait constamment d'obtenir un passeport russe. Je n'arrêtais pas de dire que je ne voulais pas de passeport russe. Je ne voulais pas en recevoir un.
    Un ami m'a téléphoné et m'a dit que j'avais l'occasion de rentrer chez moi, car il y avait une organisation du nom de Save Ukraine qui aide les enfants à rentrer chez eux.
    J'ai appelé la ligne téléphonique à partir d'un numéro russe. J'ai appelé Save Ukraine et je leur ai fourni toutes les informations dont je disposais pour pouvoir rentrer chez moi. J'ai dit que mes parents ne pouvaient pas venir me chercher. Avec l'aide de Save Ukraine, j'ai commencé à mettre en place une procuration pour la mère d'un de mes amis. Lorsque j'ai su que quelqu'un allait venir me chercher, j'étais si heureux. Je ne savais même pas quoi faire.
     Aux postes de contrôle frontaliers, les services de sécurité russes nous ont interrogés. Ils ont vérifié nos téléphones. Lorsque j'ai vu le mot « Ukraine », j'ai pris mon sac lourd et j'ai crié « Gloire à l'Ukraine », car je savais que j'étais enfin chez moi.
    Merci.
     [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour. Je m'appelle Anastasiia. J'ai 16 ans et je viens de Kherson. J'ai dû passer quatre mois en Crimée, qui est temporairement occupée, sans ma famille et sans pouvoir rentrer chez moi.
    Comment cela s'est‑il produit? Pendant l'occupation russe de Kherson, on nous a activement proposé de prétendues vacances dans les camps de Crimée. Ma mère ne voulait pas me laisser partir, mais une enseignante à mon école a insisté. Elle a dit que le camp était plaisant et qu'il n'y avait pas de guerre là‑bas. Il est évident que lorsqu'on est bombardée tous les jours, elle est inquiète et a peur chaque minute de chaque jour. Comme on nous disait que tout était calme là‑bas, ma mère a fini par accepter.
    On nous a dit que les conditions dans le camp étaient agréables. Lorsque nous sommes arrivés au camp, il y avait des cafards partout, dans nos placards et dans la cantine. Nous avons dû dormir dans des draps et des oreillers sales et malodorants. À part cela, cela ressemblait à un camp d'été normal, mais les choses ont changé après quelques semaines. Nous avons été contraints d'apprendre et de chanter l'hymne national russe chaque semaine à une heure précise. Si nous refusions, nous étions réprimandés et traités d'ingrats.
    Il nous était interdit de parler ukrainien et de montrer notre identité. Si nous montrions que nous venions d'Ukraine, nous étions harcelés. À chaque activité, les enfants de la Crimée, qui est temporairement occupée, devaient crier « Gloire à la Russie » pendant que les Ukrainiens se faisaient dire qu'il y avait des nazis dans leur pays et que c'était les forces armées ukrainiennes qui bombardaient des villes paisibles.
    C'était vraiment intolérable. Après que ma mère a demandé de l'aide à des bénévoles ukrainiens, elle a dit qu'elle viendrait me chercher. J'étais extrêmement heureuse. J'avais bon espoir de voir ma mère.
    Il lui a fallu 15 jours pour me joindre. Elle a dû traverser la Pologne, le Bélarus et Moscou et nous avons suivi le même trajet pour revenir en Ukraine.
    En ce moment, je vis au Hope and Healing Center. Je vais à l'école et je rêve du jour où la guerre prendra fin.
    Merci.

  (1135)  

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour. Je m'appelle Vladyslav et j'ai 17 ans.
    Ma mère, Tetiana, est ici avec moi aujourd'hui. Elle a vécu toutes ces horreurs avec moi, alors elle pourra vous en parler longuement.
    Le 7 octobre, on m'a emmené à Yevpatoriya, dans un camp appelé Druzhba, ce qui veut dire « amitié ». Les gens là‑bas m'ont imposé leur position pro-russe, ce que j'ai trouvé agaçant. Un jour, j'ai retiré le drapeau russe de son mât, alors on m'a enfermé dans une cellule pendant une semaine. J'ai passé une semaine sans téléphone et sans moyen de communication. Personne n'était autorisé à entrer pour me parler. J'y ai eu des pensées suicidaires.
    Par la suite, on m'a emmené dans la région de Kherson, au village de Lazurne. J'y ai passé six mois. Alors que je jouais au soccer avec les autres garçons, un officier tchétchène est venu me demander où étaient les filles. Je lui ai dit où elles étaient. Il est reparti. Il a parlé aux filles. Ensuite, il est revenu me voir, et je lui ai dit: « Nos filles ne vous conviennent pas ». Lorsqu'il a tenté de s'approcher de moi... J'ai fait du sport, alors j'essaye toujours de régler les problèmes de façon pacifique. Il a commencé à s'approcher de moi, et j'ai compris qu'il avait l'avantage de la situation. Il était plus fort que moi. Il pouvait même me tuer en prétendant que c'était en raison de ma position pro-ukrainienne. Après cela, je me suis enfui pour rentrer chez moi.
    Mon ami était censé rentrer chez lui deux jours plus tard. Sa mère venait le chercher, alors il m'a demandé de lui faire un tatouage. Lorsque sa mère est arrivée, ils ont rassemblé tout le monde dans une pièce et ont enregistré la scène à l'aide d'une caméra. Ils nous ont fait enlever tous nos vêtements, sauf les sous-vêtements. Ils nous ont fait présenter des excuses à la caméra pour ce tatouage.
    Ensuite, ils ont trouvé sur mon téléphone un message où ma sœur me traitait à la blague de séparatiste. On m'a emmené pendant 20 minutes dans un endroit inconnu. Un homme m'a dit que si j'écrivais quoi que ce soit en ukrainien ou à des Ukrainiens, il me parlerait d'une tout autre manière. J'ai entendu des cris. Ensuite, il m'a montré une photo de mon père. Mon père est un soldat des forces armées ukrainiennes. Il m'a dit qu'il m'était totalement interdit d'écrire à mon père.
    Lorsqu'on est en Russie, dans le territoire occupé, on n'a aucun droit. On ne peut pas faire ce qu'on veut. On ne peut pas agir correctement. On ne peut pas admettre qu'on est Ukrainien. On ne peut pas dire qu'on aime l'Ukraine.
    Maintenant, je veux faire du sport professionnel.
    Je vous remercie de m'avoir écouté.

  (1140)  

    J'invite maintenant M. Yevgen Mezhevoj à prendre la parole pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour, je m'appelle Yevhen Mezhevoj. Je suis né en Ukraine et j'ai grandi à Marioupol. J'ai 40 ans.
    Au début de 2016, je suis allé à Tchernivtsi, parce que ce n'était pas très sécuritaire dans ma ville natale. Je me suis joint aux forces armées de l'Ukraine. Jusqu'en 2019, j'étais militaire dans les forces armées de l'Ukraine.
    Puis, après un certain temps, ma femme m'a laissé seul avec trois enfants. Après cela, je suis resté à Yavoriv.
    Après la fin de mon contrat, je suis retourné à Marioupol et j'ai continué à travailler à l'usine de métallurgie. J'ai aussi lancé une petite entreprise. Le 24 février, je travaillais encore à l'usine. Je suis allé voir mes enfants et j'ai vu la situation à la maison. Nous avons fait nos valises et nous sommes allés nous réfugier.
    Jusqu'au 7 avril, nous sommes passés d'un abri antibombes au suivant. Nous avons dû boire l'eau des radiateurs et des bornes-fontaines, ou de toute autre source que nous parvenions à trouver. J'avais une petite entreprise dans le domaine de la restauration, alors il me restait un peu de nourriture.
    Le 7 avril, près de l'hôpital no 4 à Marioupol, des militaires russes sont venus dans notre abri antibombes pour nous dire d'évacuer parce que des unités tchétchènes s'en venaient pour nettoyer la place et que ce processus serait extrêmement brutal.
    J'ai décidé que, oui, nous devions évacuer. Nous nous sommes rendus à la ville de Vynohradne. Les enfants y ont reçu de la nourriture. On nous a dit que nous devions continuer plus loin, parce que ce camp de personnes déplacées était débordé. Ils nous ont dit de poursuivre notre chemin. Tout le monde était indigné parce qu'il y avait beaucoup de blessés. Certains étaient des gens âgés et d'autres transportaient de lourds sacs.
    Ils nous ont amenés à un point de contrôle. Ensuite, ils ont commencé à fouiller nos choses, nos documents, ils ont tout vérifié. Ils ont fouillé absolument partout. Ils ont vu mes papiers et ont compris que j'avais fait partie de l'armée. On m'a dit de trouver quelqu'un pour s'occuper de mes enfants. Ils m'ont dit que je resterais là, alors je leur ai demandé pendant combien de temps. Ils m'ont dit que ça pourrait être pendant deux heures comme ça pourrait durer sept ans.
    J'ai trouvé quelqu'un pour s'occuper de mes enfants. Ils ont été placés dans un autobus et sont partis vers un endroit inconnu.
    Ensuite, on m'a interrogé et on m'a emmené dans divers lieux de détention. Je me suis retrouvé à Olenivka, où on m'a violemment battu. Dans une cellule conçue pour une seule personne, nous étions 20. Les cellules débordaient. Ensuite, à la fin du mois de mai, j'ai été convoqué devant le directeur, et on m'a dit que j'allais être libéré. J'ai été libéré le 26 mai, à 18 heures. Il n'y avait pas d'autobus, alors j'ai marché jusqu'à Donetsk, parce que c'est là que se trouvaient mes documents, y compris mes passeports et ceux de mes enfants. J'ai marché toute la nuit. Je suis arrivé à Donetsk le matin suivant.
    On m'a dit que mes enfants étaient allés à Moscou le 26 juin dans un camp spécial de repos et de loisirs géré par le bureau du président. J'étais très nerveux et anxieux. J'étais stressé. J'ai demandé qu'on me donne un numéro de téléphone où contacter mes enfants.

  (1145)  

    J'ai pu leur parler. Le 15 juin, mon fils m'a appelé pour me dire que deux femmes sur place disaient que leur séjour au camp était presque terminé et qu'il fallait les placer quelque part. On leur a offert deux options, soit aller dans une famille d'accueil, soit aller dans un orphelinat — un pensionnat. Il m'a demandé ce qu'ils devraient faire.
    Je lui ai dit que je devais lui parler avant de prendre une décision. J'ai dit qu'il était peut-être préférable d'aller dans un pensionnat. J'ai demandé dans combien de jours ils seraient placés, et on m'a répondu dans cinq jours.
    Je n'avais pas d'argent. Des amis m'ont parlé d'un site Web où des bénévoles aidaient les gens à retourner en Ukraine. J'ai appelé les bénévoles et je leur ai parlé de ma situation. À distance, ils ont commencé à m'aider en vue d'aller retrouver mes enfants. Ils ont payé tous mes déplacements. Ils m'ont aidé à résoudre les problèmes à mesure qu'ils se présentaient.
    À trois ou quatre heures de Moscou, nous avons écrit une lettre officielle au bureau du président de la Russie pour exiger que mes enfants me soient rendus.
    Oui, il y a eu des problèmes. Nous les réglions à distance avec l'équipe de bénévoles...
    Excusez-moi; je vous ai donné une minute et demie de plus. Veuillez conclure rapidement votre intervention.
    Allez‑y.
    Serait‑il possible de laisser à nos témoins tout le temps dont ils ont besoin?
    Les membres du Comité sont-ils d'accord?
    Allez‑y.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Ensuite, nous sommes allés en Lettonie. Je suis maintenant avec mes enfants et tout va bien.
    Merci.

[Français]

     J'aimerais remercier chacun et chacune de nos témoins de leurs commentaires.
    Nous passons maintenant aux questions des membres du Comité.

[Traduction]

    J'invite Mme Rosemarie Falk à prendre la parole pour sept minutes.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier chacun de nos témoins, non seulement d'avoir accepté de raconter leur histoire aujourd'hui, mais aussi pour la résilience et la bravoure dont ils font preuve en exposant les réalités de la guerre en Ukraine. Je tiens à vous en remercier infiniment.
    Je suis mère moi aussi. Il est difficile pour moi de même imaginer la souffrance que vous avez dû endurer lorsqu'on vous a enlevé vos enfants de force. Après avoir écouté vos récits, je suis incroyablement reconnaissante du travail que font les organismes Save Ukraine et Aide à l'enfance pour aider à réunir les familles.
    Je tiens également à dire que je suis vraiment désolée. Je suis vraiment désolée des difficultés et du mal que vous avez dû endurer tout au long de ce parcours.
    Encore une fois, merci de nous avoir fait part des situations de vulnérabilité et des réalités que vous avez vécues.
    Pour le moment, j'aimerais me concentrer sur les parents, si vous me le permettez.
    J'aimerais poser la question suivante à Tetiana, si possible.
    Comment avez-vous appris que votre fils avait été emmené en Russie?

  (1150)  

    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Mon fils m'a appelée pour me dire qu'on était venu le chercher à la maison et qu'il était maintenant à Oleshky, anciennement Tsiurupynsk. C'est sur la rive gauche dans la région de Kherson. Ils attendaient des autobus qui les transporteraient jusqu'en Crimée.
    C'était scandaleux. J'ai demandé comment ils pouvaient faire cela à mon insu. Qui est allé le chercher à la maison? Comment s'est‑il retrouvé sur la rive opposée, en route vers la Crimée?
    Avez-vous été en mesure de communiquer régulièrement avec votre fils, ou y avait‑il des périodes sans communication à partir de ce moment?
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Pendant qu'il était sur la route, il était encore possible de lui parler, mais ensuite les communications ont été interrompues pendant environ deux mois et je n'avais aucune idée de ce qui lui arrivait. Après deux mois, il m'a contactée et m'a dit qu'il se trouvait dans un centre de détention en Crimée. Il ne m'a pas dit pourquoi il était détenu; ce n'est que plus tard que j'en ai appris la raison.
    À partir de ce moment, nous avons pu garder le contact et nous nous écrivions tous les jours pour vérifier comment les choses se déroulaient et voir comment le ramener à la maison.
    Je suis sans voix. Je pense que vous êtes un parfait exemple de la détermination d'une mère à retrouver sa famille. C'est tellement extraordinaire.
    Je crois comprendre que vous avez dû vous déplacer pour retrouver votre fils. Seriez-vous à l'aise de parler de certaines des craintes que vous avez eues lors de vos déplacements?
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Le moment le plus terrifiant est lorsque je suis arrivée pour venir chercher mon fils. C'était dans le village de Lazurne, sur la rive gauche de la ville de Kherson. C'était la partie la plus éprouvante, parce qu'on m'a emmenée dans un sous-sol pour m'interroger. On m'a posé des questions à l'aide d'un détecteur de mensonges. J'ai été détenue pendant 24 heures et je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait ou si j'allais revoir mon fils. Je ne savais pas si je pourrais revenir ou si j'aurais un jour l'occasion de le revoir.
    De plus, j'ai eu peur quand ils m'ont dit qu'ils m'amèneraient voir mon fils. J'avais peur d'aller m'asseoir avec eux dans leur voiture, parce qu'on m'a mis un capuchon sur la tête pour que je ne puisse pas voir où nous allions. On m'a dit de me pencher la tête pour que je ne voie pas la rue. Ils portaient tous des armes. Je savais qu'ils pouvaient me faire tout ce qu'ils voulaient, mais Dieu merci, ils m'ont emmenée à mon fils.
    Pendant cinq jours, on ne nous a pas permis de partir. Pendant cinq jours, nous sommes demeurés dans le village de Lazurne. Nous avons eu de la chance, car nous avons pu rester avec une très famille très gentille qui nous a aidés pendant cette période.
    Après cette période de cinq jours, ils nous ont permis de partir, mais seulement après que nous ayons fait une vidéo dans laquelle je devais déclarer que Save Ukraine était une très mauvaise organisation, qu'ils kidnappaient des enfants, et que la Russie était un pays merveilleux. Ce n'est qu'après que j'ai fait cette vidéo qu'on nous a permis de partir.
    Nous ne leur avons pas dit que nous retournions en Ukraine. Nous leur avons dit que nous allions en Pologne, que notre destination finale était la Pologne, que nous ne retournerions pas en Ukraine.
    Merci beaucoup d'avoir partagé tout cela avec nous.
    Je sais que mon temps de parole est presque écoulé, mais j'aimerais simplement dire à Vladyslav — il n'a pas d'écouteurs en ce moment — que tu es très courageux et entouré de beaucoup d'amour. Je suis vraiment contente d'avoir entendu le récit de ta réunification avec ta mère. Tu es fort et courageux.
    Encore une fois, merci beaucoup d'avoir fait preuve de vulnérabilité en partageant avec nous, qui sommes ici au Canada, la façon dont les Russes enlèvent des enfants ukrainiens.
    Merci.

  (1155)  

    Merci, madame Falk.
    J'accorde maintenant la parole à M. Baker. Vous disposez de sept minutes.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Puis‑je parler en ukrainien? Serait‑il approprié de parler en ukrainien si mes collègues le permettent?
    Certainement. Allez‑y.
    [Le député s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'aimerais tout d'abord vous remercier. Je m'appelle Yvan Baker et je suis député. Je vous félicite pour votre bravoure et votre courage et je vous remercie de nous avoir fait part des épreuves que vous avez traversées. Sachez que nous allons nous efforcer de vous aider, d'aider l'Ukraine.
    J'aimerais poser la question suivante à Vladyslav, Anastasiia et Kseniia: que voudriez-vous? Que voulez-vous que nous fassions, en tant que députés? Que voudriez-vous que nous sachions, en tant que politiciens canadiens? Que voudriez-vous que l'on fasse pour aider les enfants qui sont en Russie ou dans des territoires occupés par la Russie en ce moment?
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'aimerais que le Parlement canadien aide les organismes Save Ukraine à ramener les enfants en Ukraine. Je connais certaines des personnes qui ont été envoyées en Russie et j'aimerais que celles qui souhaitent rentrer en Ukraine puissent le faire. Ce serait fantastique si vous pouviez aider ces organismes.
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'ajouterais que j'aimerais que plus de gens soient au courant des crimes que la Russie commet contre des enfants ukrainiens — elle les transfère de force en Russie et tente d'en faire des Russes — afin que davantage de gens sachent ce qui se passe. J'ai traversé une épreuve horrible — l'occupation et la vie en Russie. Je suis incapable de comparer cela avec quoi que ce soit d'autre. Je vous remercie d'avoir écouté mon histoire et j'espère que vous pourrez nous aider et nous appuyer.
    [Le député s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci.
    Quelqu'un d'autre voudrait ajouter quelque chose?
    J'aimerais ajouter quelque chose, si je peux.
    Je vous remercie de vos questions, mais c'est très difficile pour des enfants qui ont vécu d'énormes traumatismes aux mains des Russes de venir témoigner de ces crimes. Vous avez vu avec Vladyslav que c'est très difficile pour lui et sa mère, mais ils sont très courageux. Vous devez savoir qu'ils sont très courageux et qu'ils veulent être les porte-parole des centaines de milliers d'enfants ukrainiens qui vivent sous le joug russe. Nous tenons vraiment à les libérer, à les ramener. Vraiment, ces courageux enfants... On peut voir qu'ils ont vécu un énorme traumatisme. Dieu merci, ils sont maintenant en Ukraine, où ils peuvent rebâtir leur vie.
    J'aimerais partager une chose. Je leur demande toujours quel est le point culminant de leur récit, l'événement le plus émotif qu'ils ont vécu. Ils me répondent tous que c'est lorsqu'ils ont traversé la frontière ukrainienne.
    Merci.

  (1200)  

    Merci, monsieur Kuleba.
    Monsieur Kuleba, j'aimerais vous poser une question.
    Je vois que Mme Rashevska a levé la main.
    Vous voulez parler, madame Rashevska? Allez‑y.
    Distingués auditeurs, merci de me permettre de témoigner.
    Je peux ajouter quelque chose au sujet du rôle que joue le Canada dans le rapatriement et la réadaptation des enfants ukrainiens, ainsi que dans le rétablissement de la justice. Le Canada est à la tête du Groupe des amis des enfants touchés par un conflit armé des Nations unies. Cela suffira probablement à nous aider au sujet de la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies sur le rapatriement des enfants ukrainiens, car nous devons forcer la Fédération de Russie à respecter ses obligations internationales.
    Nous devons aussi reconnaître que l'endoctrinement et la rééducation politiques des enfants ukrainiens constituent une grave atteinte aux droits des enfants pendant un conflit armé, car sans cette reconnaissance, la Fédération de Russie va poursuivre cette politique.
    Bien entendu, nous ne devons pas seulement rapatrier les enfants ukrainiens. Nous devons aussi les réadapter. Voilà pourquoi nous appuyons l'initiative du Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale et que nous tirons parti de son mandat d'aide dans le but de mettre en œuvre cette politique de réadaptation et de réintégration avant même le verdict de la CPI.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Kuleba, j'aimerais revenir à vous.
    Avez-vous d'autres recommandations à formuler? En tant que députés, que pouvons-nous faire pour vous aider à rapatrier les enfants ukrainiens qui se trouvent actuellement en Russie?
    Merci.
    Je vous ai rencontré à plusieurs occasions au Canada. Je vous remercie pour votre position et celle des parlementaires qui nous appuient et qui luttent pour l'Ukraine. C'est très important pour nous.
    Comme vous le savez, Maria Lvova‑Belova, la commissaire de Poutine, a rapporté que plus de 700 000 enfants ukrainiens sont inscrits en Russie. Nous ignorons totalement combien ne sont pas accompagnés. Nous ignorons combien sont orphelins parce que leurs parents ont été tués par les Russes, combien ont reçu un passeport russe, ou combien ont été placés dans des familles ou des orphelinats russes.
    Ce sont nos enfants. Ce sont des enfants ukrainiens. Beaucoup d'entre eux sont incapables de dormir et rêvent de s'évader. Je peux vous parler de ce garçon de 12 ans qui est parvenu à s'évader. Nous l'avons fait revenir. Il m'a dit qu'il rêvait d'évasion, que chaque nuit il planifiait son évasion. Il traverserait les champs de mines le long de la ligne de front. Pouvez-vous imaginer un enfant de 12 ans planifier la traversée de champs de mines?
    Nous comprenons l'agresseur russe. Il est très difficile de remporter cette guerre, mais nous allons le faire. Par contre, avant tout, nous avons besoin que vous fassiez pression sur la Russie afin qu'elle fournisse des renseignements au sujet de tous les enfants ukrainiens qui ont été déportés et qui vivent maintenant en Russie. Nous voulons savoir ce qui leur est arrivé. Il nous est impossible de vivre normalement sans savoir ce qui leur est arrivé.
    Combien d'entre eux souhaitent rentrer en Ukraine? Nous sommes conscients qu'après un lavage de cerveau, beaucoup d'entre eux ont reçu un passeport russe et souhaitent maintenant rester avec leur nouvelle famille, mais des milliers d'orphelins ont été déportés. Des milliers d'enfants ukrainiens rêvent de rentrer au pays, mais nous ne savons rien. Nous n'avons aucune information. Voilà pourquoi Save Ukraine cherche à obtenir de l'information, quelle qu'elle soit.
    Nous avons mis en place un chemin de fer clandestin afin de ramener ces enfants. Nous avons rapatrié 200 enfants, mais c'est trop peu. C'est une goutte d'eau dans l'océan. C'est symbolique. Nous devons en faire plus. Vous pouvez nous aider à y parvenir, mais [difficultés techniques].
    Merci, monsieur Kuleba. Mon temps est écoulé.
    Merci.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour sept minutes.
    Tout d'abord, je remercie sincèrement tous les témoins qui sont présents aujourd'hui de nous faire part de leur histoire.
    Vous êtes courageux, résilients et, surtout, déterminés. Vous croyez en votre pays. Vous avez subi des traumatismes psychologiques et physiques. Nous sommes là pour vous entendre, parce que tout ce que vous dites est très précieux dans le cadre de notre étude.
    La question du consentement des parents à envoyer leurs enfants dans des camps en zone contrôlée par la Russie a été longuement discutée, la semaine dernière, avec des témoins. Nous savons donc que la façon dont les autorités russes obtiennent le consentement des familles est nébuleuse.
    Ma question s'adresse à M. Mezhevoj.
    Peut-on affirmer que les autorités russes n'ont jamais obtenu votre consentement?

  (1205)  

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et ses propos sont interprétés ainsi:]
    Je vous remercie de cette question.
    Bien entendu, personne ne m'a demandé mon consentement. On m'a tout simplement dit qu'on allait les prendre en charge pendant que je m'occupais de formalités. J'ai fait monter mes enfants dans l'autobus, puis je n'ai plus entendu parler d'eux. En 45 jours alors que j'étais à Olenivka, je n'ai pas eu de nouvelles d'eux jusqu'au 30 mai.
     Vos enfants ont été enlevés, et les autorités ainsi que l'armée russe vous ont fait subir des abus et de la violence.
    Pouvez-vous expliquer davantage la situation que vous avez vécue? C'est très important. On sait que bien des gens, chez vous, ont vécu de la violence et nous voudrions en savoir davantage.

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je suis désolé, mais je ne suis pas certain d'avoir compris la question. Quel genre d'information souhaitez-vous obtenir?

[Français]

     Vos enfants ont été enlevés. De plus, vous avez subi de la violence de la part des autorités et de l'armée russes.
    Pouvez-vous nous parler davantage de ce que vous avez subi?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Premièrement, il y a les interrogatoires incessants. Il y a le manque d'air frais dans les cellules. Les cellules sont surpeuplées. Dans le centre de détention de Donetsk, nous étions environ 55. L'air était irrespirable. Nous nous étendions littéralement sous la porte pour pouvoir respirer. Il n'y avait pas assez d'eau. Nous avions deux miches de pain et un litre et demi d'eau pour nous tous pour 24 heures. Nous couchions sur le plancher. Il faisait très chaud. C'était intolérable.
    La situation n'a pas vraiment changé lorsqu'on nous a emmenés à Olenivka. On nous donnait de l'eau sale de temps en temps. La nourriture était répugnante: du poisson mélangé à une sorte de gruau. Les plats étaient sales. Nous mangions surtout du pain.
    Les conditions d'hygiène étaient inexistantes. Nous devions utiliser nos propres vêtements pour aller à la toilette. Nous étions nombreux dans la cellule. Nous étions 55 dans une cellule conçue pour six personnes. Lorsque les femmes ont été amenées d'Azovstal, on nous a fait monter au deuxième étage. Nous étions 28 dans une cellule prévue pour une personne.
    On nous a fait travailler. Nous devions creuser des jardins. Nous avons peinturé, tondu la pelouse, etc., bref, nous avons assuré l'entretien de la prison no 120 d'Olenivka.

[Français]

    Dans la grande majorité des cas comme le vôtre, sinon tous, les parents sont-ils forcés d'accepter qu'on transfère leurs enfants en zone contrôlée par la Russie?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    On ne peut accepter une telle chose. On doit lutter pour nos enfants. On doit utiliser tous les moyens à notre disposition pour récupérer nos enfants, saisir toutes les occasions, la moindre chance. Lorsque j'ai appris que je ne disposais que de cinq jours pour récupérer mes enfants, j'ai sombré dans le désespoir. Je savais que la moindre erreur de ma part pourrait me faire perdre mes enfants. J'étais comme un robot. Je ne dormais pas. Je ne voulais rien faire d'autre. Je devais récupérer mes enfants, et j'y suis parvenu en deux jours.
    On ne peut baisser les bras. Il y a de bonnes personnes qui sont prêtes à aider. Il y a tellement de bénévoles qui aident de diverses façons. On ne peut rester les bras croisés. Il faut demander de l'aide, aller de l'avant et récupérer nos enfants, peu importe ce qu'il advient.

  (1210)  

[Français]

    Les familles de ces enfants doivent faire face au danger et à des conflits armés. Il semble que les parents donnent leur consentement pour tenter de protéger leurs enfants et de leur offrir la possibilité d'avoir de la nourriture plus saine, entre autres.
    Est-ce bien le cas?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    En effet, on dupe les parents afin d'obtenir leurs enfants. On dit aux parents que leurs enfants seront en sécurité et qu'ils doivent simplement les laisser partir. J'en ai entendu parler moi aussi, mais je sais qu'il s'agit d'un voyage sans retour.

[Français]

    Selon vous, dans plusieurs de ces cas, s'agissait-il d'un vrai consentement de la part des parents ou était-ce plutôt une voie plus sécuritaire à suivre compte tenu des circonstances dans lesquelles vivaient les familles et les enfants?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Oui, peut-être qu'à un moment donné, c'est le meilleur choix que des parents peuvent faire, mais on ne m'a pas offert ce choix. On m'a arraché mes enfants et, pendant que j'étais en prison, j'ai presque perdu la raison à force de me demander où ils étaient et ce qui leur était arrivé. J'étais incapable de penser à autre chose. Je ne savais rien au sujet de mes enfants et ma seule pensée était: « Comment puis‑je les récupérer? »

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame Bérubé.
    Je crois que Mme Rashevska aimerait elle aussi répondre à votre question, madame Bérubé.
    Allez‑y.
    Merci beaucoup de me recevoir.
    J'aimerais ajouter des précisions au cas de M. Mezhevoj. Il a trois enfants, qui ont été transférés illégalement de Marioupol en compagnie d'autres enfants, d'abord vers la ville occupée de Donetsk, puis au sanatorium Polyany, dans la région de Moscou. Ensuite, certains de ces enfants, baptisés « les 31 de Marioupol », ont été directement transférés...
    Pardonnez-moi. Il n'y a pas d'interprétation. Je vous prie de répéter ce que vous venez de dire dès qu'elle sera rétablie, s'il vous plaît.
    Les trois enfants de M. Mezhevoj n'étaient pas les seuls à être accompagnés dans...
    Pourriez-vous lever votre microphone un peu, s'il vous plaît?
    C'est mieux. Poursuivez, je vous prie.
    Les trois enfants de M. Mezhevoj, accompagnés d'autres enfants de Marioupol, ont été transférés illégalement de Donetsk au sanatorium Polyany, dans la région de Moscou. Certains d'entre eux ont été transférés dans des familles d'accueil russes. D'autres ont été transférés...
    Un instant, s'il vous plaît. Nous avons des problèmes d'interprétation.
    On demande que vous leviez un peu plus votre microphone, s'il vous plaît. Il doit être un peu plus haut.
    Monsieur le président, on indique que le problème vient de la qualité du signal.
    Malheureusement, nos interprètes ne peuvent pas traduire vos propos.
    Je suis désolé. Je dois vous demander de vous arrêter là. Sans interprétation...

  (1215)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. La situation est fort malheureuse, mais nous pourrions peut-être informer les témoins qu'ils peuvent fournir des réponses écrites. Il va sans dire que nous allons prendre connaissance de tout ce que fourniront les témoins et y réfléchir sérieusement.
    C'est une excellente idée.
    Je crois que vous pouvez envoyer une réponse par écrit au Comité. Nous en serions heureux.

[Français]

     Monsieur le président, puis-je répondre en français?

[Traduction]

    Malheureusement, non. La majorité des membres parlent l'anglais. Veuillez envoyer votre réponse par écrit, si vous le voulez bien.
    Si elle parle l'ukrainien, le son des interprètes ukrainiens semble être acceptable. Si elle peut témoigner en ukrainien et laisser l'interprète...
    Pourriez-vous intervenir en ukrainien s'il vous plaît? Nous verrons bien comment cela se passe.
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Maintenant, m'entendez-vous?
    Oui.
    Poursuivez, s'il vous plaît.
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Voici ce que je voulais dire: les trois enfants de M. Mezhevoj ont été transférés en compagnie d'autres enfants au sanatorium Polyany, dans la région de Moscou. Nous les appelons « les 31 de Marioupol ». Parmi ces enfants, certains ont d'abord été placés dans des familles d'accueil russes. D'autres se sont retrouvés dans des orphelinats russes.
     Filipp Golovnya était là, sous la garde de Maria Lvova‑Belova, ainsi que Bohdan Yermokhin, un garçon qui vient de recevoir une convocation du bureau de recrutement militaire de l'armée russe. Il aura 18 ans le 19 novembre qui vient. Il devra alors se rendre aux bureaux de l'armée russe pour ensuite être fort probablement envoyé au champ de bataille, en Ukraine.
    Bohdan a une sœur en Ukraine qui détient tous les documents pour le rapatrier, mais Bohdan a tenté de traverser la frontière russe, où il a été détenu par le FSB russe à la demande expresse de Maria Lvova‑Belova. Bohdan aura 18 ans dans 2 semaines. C'est donc une course contre la montre pour les empêcher de l'enrôler dans l'armée, ce qui violerait toutes les règles de droit international.
    Nous travaillons aussi au retour d'autres enfants qui sont également sur le point d'avoir 18 ans.
    Merci.
    J'invite maintenant Mme McPherson à prendre la parole pendant sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également exprimer ma reconnaissance à tous les témoins, et plus particulièrement aux enfants qui ont raconté leur histoire.
    De tels témoignages nous fendent le cœur. Comme beaucoup dans cette salle, je suis mère. J'ai écouté Mme Bodak en me disant que j'ai un fils de 16 ans. Je n'ose même pas imaginer l'horreur que vous avez endurée, sachant qu'ils vous ont couvert la tête et...
    Je suis également impressionnée par la force de vos témoignages et par votre capacité à venir ici pour partager vos réflexions et vos histoires avec nous.
    J'essaie aussi de comprendre comment les enfants qui participent à cet appel ont pu revenir en Ukraine, et pourquoi tant d'enfants ukrainiens déracinés n'ont pas pu y retourner.
    J'aimerais d'abord m'adresser aux parents.
    Si vous me le permettez, je vais commencer par Mme Bodak. Je sais à quel point vous vous êtes battue pour le retour de Vladyslav. Selon vous, quelle aide pouvons-nous vous apporter? Comment cela s'est‑il produit? Était‑ce un coup de chance? Était‑ce le fruit d'un travail acharné? Était‑ce une combinaison d'heureux hasards? J'aimerais connaître votre point de vue là‑dessus.
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je ne savais pas du tout comment le ramener à la maison jusqu'à ce qu'on m'informe de l'existence de Save Ukraine, un organisme qui œuvre au rapatriement des enfants ukrainiens. J'ai contacté cet organisme et travaillé avec lui. En chemin, je travaillais avec Save Ukraine, qui m'a épaulée du début à la fin. Avant, je ne savais pas du tout comment j'allais ramener mon fils à la maison.
    En gros, mon fils, qui avait déjà collaboré avec l'organisme, m'a recommandé de communiquer et de collaborer avec ses représentants. Maintenant, quand on me parle de cas semblables au mien, je fournis toujours le nom et le numéro de Save Ukraine, et je recommande aux gens de communiquer et de travailler avec l'organisme.

  (1220)  

    M. Mezhevoj, pourriez-vous nous donner votre point de vue là‑dessus?
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci pour votre question. Nous ne pouvons pas vous dire comment nous procédons au Bélarus ou en Russie. Ce sont des renseignements confidentiels, et les personnes qui nous aident à secourir ces enfants courent de graves dangers.
    Vous devez toutefois savoir ceci: les Russes font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher le retour de ces enfants en Ukraine. Les parents ou les gens qui ont des droits parentaux doivent se soumettre à des interrogatoires et à des tests polygraphiques en plus d'avoir à fournir des échantillons d'ADN.
    Les cas les plus anciens relèvent directement de Mme Lvova‑Belova. Mme Lvova‑Belova parlait d'un groupe de 31 enfants, et de la façon dont Filipp a tenté de s'enfuir. Les Russes savent pertinemment que tous ces enfants sont des témoins de crimes de guerre, donc il est plus facile pour eux d'envoyer ces enfants dans les rangs de l'armée russe pour y être tués au champ de bataille ou de les empêcher de partir d'autres façons, parce qu'ils savent que ces enfants détiennent beaucoup de renseignements et qu'ils ont beaucoup d'histoires à raconter. Ce sont des histoires de crimes de guerre, donc tous les enfants ukrainiens qui sont là sont menacés et vivent dans la peur. On leur donne toutes sortes de raisons pour rester en Russie, et on leur fait croire à tort qu'il est dangereux de rentrer en Ukraine.
    Prenons ce garçon, aujourd'hui âgé de 14 ans. Il avait 13 ans quand il s'est retrouvé en territoire occupé par la Russie. On lui a remis un certificat de naissance russe, mais il n'en a pas voulu. Il l'a donc retourné. Il a été persécuté pour ce geste. On a émis un autre certificat de naissance russe, mais on ne le lui a pas remis; il a été versé à son dossier. À 14 ans, on l'a forcé à recevoir un passeport russe. Il n'en voulait pas, mais quand les ayants cause sont venus le chercher, ils n'ont pas eu le droit de le ramener en Ukraine.
    Je ne peux pas vous dire les étapes précises que nous avons suivies pour le ramener en Ukraine, mais c'est une entreprise aussi complexe qu'ardue et elle est très risquée.
    Monsieur Mezhevoj, voulez-vous ajouter quelque chose? Je vois que votre main est levée.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Oui. J'aimerais ajouter quelque chose aux remarques de Kateryna Rashevska sur les 31 de Marioupol. J'en ai la liste. Il s'agit d'une liste des enfants qui ont été enlevés par les autorités russes. Cette liste comprend mes enfants, Bohdan Yermokhin et Filipp Golovnya, ainsi que tous les autres.
    Quand je suis arrivé en Lettonie, mon enfant avait une carte d'identité russe. Un de ses amis — je ne peux pas dévoiler son nom de famille — lui a dit que trois jours après notre départ du camp, tous les enfants ont été placés dans des familles d'accueil, à Moscou. Il a lui aussi été placé dans une famille d'accueil. Mon fils lui a demandé comment il trouvait la vie là‑bas, et il lui a dit: « Qu'est‑ce que je peux faire? Je n'ai nulle part où aller. Ma maison a été détruite. Ici, au moins, j'ai un endroit où rester. » C'était la réponse de ce garçon.
    C'est tout ce que je peux ajouter.

  (1225)  

    Je crois que mes sept minutes sont écoulées.
    J'aimerais passer à la deuxième série de questions.
    J'invite Mme Damoff à prendre la parole pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence, en particulier les jeunes qui sont venus nous raconter leur histoire. Je ne peux pas imaginer à quel point il est traumatisant pour vous de raconter votre histoire, mais je sais à quel point il est important pour nous de vous entendre et pour les Canadiens d'entendre votre voix, ici, au Canada. Je vous remercie du fond du cœur pour votre bravoure.
    Je voulais parler un peu de la santé mentale. Si le sujet est trop pénible pour les jeunes qui témoignent, je serai heureuse d'entendre les autres en parler.
    Les recherches montrent que plus les gens qui vivent ce genre de situations sont jeunes, plus les conséquences psychologiques sont graves. Je pense que vous avez tous parlé du soutien que vous recevez depuis votre retour en Ukraine, mais pouvez-vous nous parler un peu des besoins et de la façon dont le Canada peut soutenir la difficile adaptation qui suit le retour au pays? La violence psychologique que vous avez vécue en Russie ne disparaîtra pas simplement parce que vous avez traversé la frontière.
    Cette question s'adresse à qui veut bien y répondre. Elle s'adresse à tout le monde.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Si vous me le permettez, je peux commencer. Pendant mon intervention, les enfants pourront réfléchir à ce qu'ils voudraient peut-être ajouter.
    Vous avez tout à fait raison. Tout dépend de l'âge de l'enfant et de la durée de son séjour dans les territoires occupés ou en Russie; cela dépend des circonstances, comme la façon dont ils ont été transférés et déplacés. Dans certains cas, l'armée les a déguisés, dans d'autres, le personnel militaire russe les a menacés avec des armes. On les a placés dans des véhicules militaires, puis sortis du territoire ukrainien pour les conduire en Russie. Ainsi, il pourrait évidemment y avoir toutes sortes de traumatismes liés à cela.
    Les 200 personnes que nous avons secourues ont toutes des histoires différentes. En premier lieu, ils ont tous besoin de sécurité et de stabilité, que ce soit au Canada ou en Ukraine. Ce sont les principales choses dont les enfants ont besoin. Voilà pourquoi nous avons créé les centres Hope and Healing: pour que ces enfants puissent suivre un programme de rétablissement de six mois. Ils vivent dans ces centres. Ils y sont nourris. Ils y obtiennent des vêtements. Ils peuvent étudier le cursus ukrainien.
    Il y a un psychologue au sein du personnel, et toutes sortes de services permettant à ces enfants de se refaire une vie, et nous faisons tout cela, comme vous le savez, en temps de guerre. Non seulement on les ramène, mais on veille à leur rétablissement et à leur réinsertion sociale.
    J'aimerais maintenant demander aux enfants de nous faire part de leurs idées.
    [La témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:] J'aimerais ajouter que cela dépend, bien sûr, de son âge, de son attitude à l'égard de l'Ukraine et de son amour pour l'Ukraine.
    J'ai passé neuf mois en Russie. J'avais une attitude particulière. Peu importe ce qu'ils faisaient, je ne voulais pas abandonner l'Ukraine. Je ne voulais pas recevoir la citoyenneté russe, même quand on m'a dit: « Tu n'as pas de parents, et il serait préférable que tu t'assimiles, que tu t'adaptes. » Je m'y refusais, mais je sais que mon frère, qui avait 12 ans, était plus sensible à la pression psychologique exercée sur lui.
    Nous étions tous dans des familles d'accueil différentes. Il se souvient qu'en Ukraine, il y avait des Russes et qu'il y avait du pilonnage et des bombardements. En Russie, c'était un environnement tranquille, alors pour lui... J'étais plus âgée, alors j'ai compris que cela l'affectait et je me suis rendu compte à ce moment‑là qu'il ne reviendrait peut-être pas, parce qu'il y aurait toutes sortes d'obstacles à son retour. Si les parents veulent ramener leur enfant, ou s'il s'agit d'une sœur ou d'un frère, si les Russes savent qu'il y a de la famille en Ukraine, ils exercent une pression psychologique encore plus grande pour empêcher les enfants d'envisager un retour en Ukraine.

  (1230)  

    Merci, madame Damoff.
    J'invite maintenant M. Genuis à prendre la parole pendant cinq minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Genuis.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens moi aussi à saluer l'héroïsme et la résilience de nos témoins. Évidemment, en entendant ces histoires, nous pensons tous à nos propres familles et à nos enfants, et à quel point il doit être horrible de se trouver dans ces situations.
    Je pense aussi à ma grand-mère, une survivante de l'Holocauste. Durant une partie de la guerre, elle a été séparée de sa famille et a vécu dans la clandestinité. À la fin de cette guerre, nous avons fait une promesse à sa génération: « plus jamais ». Or, nous n'avons pas tenu cette promesse, comme nous le constatons en entendant les témoignages sur ce qui constitue manifestement un génocide planifié et perpétré par les plus hauts dirigeants du régime de Poutine. Vladimir Poutine lui-même est directement impliqué.
    Je voudrais entendre d'autres témoignages personnels, mais j'invite les représentants des ONG à répondre par écrit à cette première question: quelles autres personnes devraient être sanctionnées pour leur implication dans ces crimes? Selon vous, quelles autres procédures juridiques internationales devraient être engagées, et à l'encontre de quels individus?
    Ce sont des propositions concrètes que peut faire notre comité; je vous serais donc reconnaissant de nous envoyer vos réponses par écrit sur ces questions.
    J'aimerais demander aux jeunes gens ici de nous parler des efforts que ceux qui vous contrôlaient ont utilisés pour vous obliger à participer à des activités de propagande.
    Avez-vous été forcés de faire certaines choses qui, selon vous, seraient utilisées comme de la propagande russe? Avez-vous été filmés? Des enfants tentaient-ils parfois de ne pas participer à ces activités? Que leur arrivait-il s'ils refusaient de prendre part à ces activités?
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je vais tenter d'expliquer cela aux enfants.
    Avez-vous eu connaissance de crimes commis par la Russie, de propagande ou de pressions? Pouvez-vous nous faire part de ce que vous pensez être des méthodes illégales que vous avez subies, des mauvaises choses que les Russes vous ont faites? Vous pouvez en parler ici.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Il y avait une enseignante qui travaillait au camp. Elle battait les enfants. Par exemple, elle m'a battue parce que j'avais quitté le territoire du camp pendant un court moment. Elle a battu un garçon parce qu'elle croyait qu'il lui avait volé des choses, même si ce n'était pas vrai. Elle n'avait aucune preuve de cela.

  (1235)  

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Bonjour. Je m'appelle Vladyslav.
    Il est arrivé quelque chose au camp. Mon ami était aussi pro-ukrainien, et Astakhov, le chef du camp, lui a dit quelque chose. Il n'a pas voulu écouter. Il a continué à défendre sa position pro-ukrainienne. Nous étions dans notre chambre. Après cela, Astakhov a compris qu'il ne pouvait rien nous faire, mais il y avait d'autres enfants de notre âge qui pouvaient nous battre, crier après nous et se liguer contre nous. Astakhov leur a dit que nous étions pro-ukrainiens. Le soir, huit types sont entrés et ont commencé à frapper mon ami, à lui donner des coups de pied à la tête. Je leur ai dit: « Les gars, ce n'est pas une façon de résoudre le problème. Parlons. » Ils ont quand même continué à le frapper.
    Le jour suivant, on nous a envoyés en isolement, dans la cellule de punition, et nous y avons passé deux jours.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Permettez-moi d'ajouter que Vladyslav parle d'Astakhov, qui était en fait le directeur du camp. Pendant l'annexion de la Crimée, il faisait partie d'une unité spéciale de la police antiémeute, la Berkut. Après l'annexion de la Crimée, il a commencé à travailler pour la Russie. C'est dans ce camp qu'il commettait tous ces crimes contre les enfants. Il les intimidait. C'était essentiellement de la torture. Il les enfermait et les privait de nourriture et d'eau. Il utilisait différentes formes de punition contre les enfants. Les enfants disent qu'il arrivait très rarement, après une conversation personnelle avec lui, qu'un enfant refusait de prendre la citoyenneté russe; il l'acceptait avec toutes les conditions.
    Voilà pourquoi Vladyslav est un héros pour moi; il n'a pas trahi ses convictions. Il a toujours conservé son identité ukrainienne et a résisté aux pressions, aux épreuves et aux tentatives visant à faire de lui un enfant russe. Je comprends également à quel point ce fut difficile pour d'autres enfants, parce qu'il était plus facile pour eux de céder, d'abandonner et d'accepter toutes les conditions, qu'il s'agisse de la citoyenneté russe ou de tout le reste. Très souvent, les enfants qui n'étaient pas d'accord étaient internés dans un service psychiatrique. On pouvait les garder sous forte médication, avec des médicaments spéciaux.
    Denys pourrait aussi nous parler un peu de lui-même, s'il le souhaite.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Mezhevoj, vous avez la parole, si vous voulez ajouter quelque chose sur cette question.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    En effet, je voudrais compléter la réponse et vous parler de mes enfants qui se trouvaient dans la Fédération de Russie, au camp Polyany.
    Tout d'abord, les enfants ont été amenés à fréquenter des discothèques. C'était pour les enfants qui, après avoir connu la guerre, avaient peur des bruits forts. On leur montrait des films sur la guerre, sur Cruella, qui utilisait le pelage de chiens pour faire un manteau de fourrure. Les enfants étaient pratiquement traumatisés. On les obligeait à fréquenter les cinémas et les discothèques.
    Comme l'a mentionné la jeune personne ici, certains enfants étaient prêts à intimider ceux qui défendaient leur position pro-ukrainienne. Des garçons plus âgés venaient leur dire: « Tu as tort de dire cela. Ne fais pas cela. » Ils étaient responsables des plus jeunes enfants du camp. Ils les intimidaient et faisaient pression sur eux. Ils étaient en quelque sorte des gardiens. C'est ce qui s'est passé dans ce camp.
    De plus, les enfants ont subi un examen médical approfondi. Nous ne savons pas pourquoi, mais mon enfant de 5 ans a dû donner du sang pour le dépistage de la syphilis. Je ne sais même pas pourquoi. On leur a également donné des pilules vertes. Personne ne sait ce que c'était. On leur a dit qu'il s'agissait de vitamines. Personne ne savait ce qu'étaient ces pilules.
    Merci.

  (1240)  

    Merci.
    Je suis désolé. Trois témoins ont levé la main pour prendre la parole.
    Qu'en pensez-vous? Laissons-nous d'abord intervenir Mme McPherson, et je leur donnerai ensuite la parole?
    Non, ils peuvent poursuivre.
    D'accord.
    Nous allons maintenant entendre Denys Berezhnyi. Vous avez la parole pour quelques minutes.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je peux vous parler d'une situation dans laquelle un enfant n'obéissait pas aux dirigeants du camp. Cet enfant a été envoyé dans un service psychiatrique parce qu'on croyait qu'il avait une maladie mentale. L'enfant ne dormait pas et ne mangeait pas, alors on l'a envoyé dans un service psychiatrique.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à M. Rudenko.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci. Voici ce que j'aimerais ajouter.
    Quand j'étais dans ma cellule de punition, en isolement, ils m'ont donné huit pilules et m'ont dit que je devais les prendre, ou bien ils m'enverraient dans un hôpital psychiatrique. J'ai dit: « Non, je ne sais pas ce que c'est. Je ne les prendrai pas. » Ils m'ont alors tout enlevé. J'ai été placé dans une pièce minuscule de deux mètres sur trois, avec une petite fenêtre. J'ai dû rester là, et j'ai bien cru que je deviendrais fou.
    Merci.
    Merci.
    C'est au tour d'Anastasiia Motychak. Vous avez la parole.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'aimerais ajouter que la police a été appelée à notre sujet parce que nous nous comportions mal, ou plutôt parce que nous montrions que nous venions d'Ukraine. Une fois, des filles ont gonflé un ballon bleu et jaune; des gens sont entrés dans notre chambre, ont fait éclater le ballon et nous ont ensuite emmenées au poste de police. Ils ont noté nos informations et nous ont dit que si nous faisions encore quelque chose de ce genre, nous serions à nouveau envoyées à la police, qui déciderait de ce qu'il fallait faire de nous.
    Merci.
    Merci.
    J'invite maintenant Mme Rashevska à prendre la parole.
    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Voici l'histoire dont j'aimerais vous faire part.
    Un garçon nommé Oleksandr Ursol a été emmené par des Russes pour de prétendus traitements médicaux. Il avait été blessé par un missile russe durant les bombardements de Marioupol. Il y a un article à propos de lui dans le Kyiv Independent.
    Ce garçon n'a pas reçu les soins médicaux dont il avait vraiment besoin. Il a dû être soigné de nouveau en Géorgie, puis en Allemagne. Les médecins de Géorgie disent qu'on lui a prescrit une certaine diète qui lui a fait perdre beaucoup de poids, et que sa vie même était en danger à cause de cette diète.
    On donne des pilules à certains enfants, et à d'autres, on ne fournit pas les soins médicaux nécessaires, et c'est pourtant les raisons que donnent les Russes pour justifier l'enlèvement de ces enfants.
    C'est ce que je voulais ajouter. Merci.
    Je demande maintenant à Mme Bérubé de prendre la parole.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour cinq minutes.

  (1245)  

    Merci, monsieur le président.
    C'est très difficile d'entendre tout ce que vous dites sur l'enfer que cette guerre vous a fait vivre et sur le fait que des enfants ont été arrachés à leur famille. Ce que nous entendons aujourd'hui est inhumain, mais vous avez une force et un courage incroyables et une détermination absolue. Vous êtes un modèle pour nous et, à mes yeux, vous êtes tous et toutes des héros.
    Madame Bodak, je sais que vous avez eu à traverser des étapes plutôt difficiles, notamment pour ramener votre fils à la maison.
    Pouvez-vous nous parler des obstacles que vous avez dû surmonter pour y arriver?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Nous avons connu des difficultés aux frontières. À la frontière du Bélarus, par exemple, on m'a interrogée durant deux heures. Pourquoi voulais‑je aller en Russie? Pour quelle raison? Les agents m'ont posé toutes sortes de questions.
    Puis, il y a eu l'aéroport Domodedovo à Moscou, en Russie. Ce fut très difficile là aussi, mais j'ai réussi à passer rapidement. J'y ai passé environ une heure et demie — peut-être même moins que cela — avant d'être admise en Russie.
    Je pense que l'endroit où ce fut le plus difficile, c'est à Lazurne, le village où j'ai été détenue pendant cinq jours. Durant 24 heures, on m'a soumise au détecteur de mensonges. Quand on m'a libérée, mon fils et moi avons eu très peur, car ils ne voulaient pas nous laisser partir. Ils ne voulaient pas nous laisser sortir de la Russie. Nous nous sommes présentés à plusieurs points de contrôle, en vain. Puis, des bénévoles nous ont demandé de rester discrets pendant environ un jour et demi, afin que personne ne sache où nous étions. Ils nous ont ensuite informés du moment où on viendrait nous chercher en voiture pour nous conduire à la frontière.
    Une voiture est effectivement venue. Mon fils et moi avons été conduits à Pskov, dans la région de Smolensk. C'est là où nous avons pu franchir la frontière de la Lettonie. Ils nous ont laissé passer, mais avant cela, de 14 heures à 6 heures du matin, nous avons dû nous tenir là, à la frontière — et nous avions très froid — parce qu'ils ne voulaient pas nous laisser passer. Puis, à 6 heures du matin, ils nous ont fait passer, et à 9 heures, lorsque d'autres gardes sont arrivés, nous avons pu passer au point de contrôle lettonien. C'est là que les problèmes ont pris fin.
    Tout ce qu'on nous a demandé, c'est d'où nous venions et où nous allions. J'ai dit que j'avais été chercher mon fils en Russie et que je le ramenais à la maison en Ukraine. Nous n'avons plus eu de problèmes. Ils nous ont souhaité bonne route. En Pologne, je n'ai pas eu de problèmes non plus, même si mon fils n'avait pas de documents pour voyager à l'étranger. Il n'avait qu'un passeport interne.
    Le plus effrayant, c'était la Russie, parce que les Russes ne voulaient pas nous laisser partir. Peut-être qu'ils voulaient garder mon fils parce qu'il en savait trop. Je l'ignore.

[Français]

    En allant chercher votre fils, vous avez sûrement craint pour votre vie aussi.
    J'ai une question à propos de votre fils, Vladyslav. Il peut aussi répondre s'il le veut. Je veux qu'il se sente à l'aise de le faire.
    Avez-vous constaté des changements psychologiques et physiques chez votre fils une fois que vous êtes arrivés dans votre coin de pays et que vous avez été réunis? Certains changements auraient-ils pu vous faire croire qu'il aurait subi de la violence de la part des autorités russes ou d'autres personnes?

[Traduction]

    [Le témoin s'exprime en ukrainien et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Il y a eu des changements. Il avait 16 ans lorsqu'il est arrivé là‑bas. C'était encore un enfant, mais lorsque je l'ai ramené, il était devenu un adulte. Il me regardait. C'était mon fils, mais il était plus mature, il avait beaucoup souffert et avait enduré bien des choses. Il a beaucoup changé pendant les huit mois où nous avons été séparés.

  (1250)  

[Français]

    Merci, madame Bérubé.

[Traduction]

    J'invite maintenant Mme McPherson à prendre la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci à tous pour les témoignages que vous avez présentés aujourd'hui. Ce sont des récits très puissants.
    Pour terminer, j'aimerais poser quelques questions aux enfants, si possible.
    J'aimerais avoir une meilleure idée des gens qui étaient avec vous. Je vais poser quelques questions et ceux qui souhaitent répondre pourront le faire.
    J'aimerais savoir quel âge avaient les enfants. Quel âge avait l'enfant le plus jeune que vous avez vu dans les camps, ou l'enfant le plus jeune qui a été enlevé? Connaissiez-vous certains des enfants quand vous avez été enlevés? Connaissiez-vous d'autres enfants? Kseniia avait son frère, comme on le sait. Quand vous avez été sauvés, quand on vous a fait sortir du camp, est‑ce que les autres enfants ont été forcés d'y rester?
    Enfin, pourriez-vous nous dire comment vous vous sentez maintenant? Comment vous sentez-vous par rapport à votre situation actuelle, et comment voyez-vous l'avenir?
     Ils sont en train d'en discuter. Nous pourrions peut-être revenir sur chaque question séparément.
    Tout d'abord...
     [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Qui était l'enfant le plus jeune que vous avez vu?
    Je tiens à dire très clairement que s'ils ne veulent pas répondre, qu'ils ne souhaitent pas... cela ne pose aucun problème.
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Si vous ne voulez pas répondre, vous n'êtes pas obligés de le faire.
    Très bien. Quelqu'un souhaite répondre.
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Dans notre camp, nous avions une équipe pour les jeunes enfants de six à huit ans. Certains pleuraient tout le temps. Ils voulaient voir leur mère. On leur disait: « Non, nous ne pouvons pas vous envoyer là‑bas. Vous devez rester ici. » Des employés nous ont dit qu'on passerait trois ou cinq ans dans cet endroit.
     C'est tout ce que je sais.
    Quelqu'un d'autre veut répondre?
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Les enfants les plus jeunes que je me souviens d'avoir vus dans le camp étaient des filles. Une des filles avait sept ans. Une autre avait à peu près 10 ans. On leur a dit que leurs parents étaient censés venir. Elles l'ont dit à leur professeur. Le professeur leur a dit: « Si vos parents ne viennent pas vous chercher, vous serez envoyées dans un orphelinat ou vous continuerez d'étudier. »
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Pourriez-vous répéter votre question, je vous prie?
    Pour quelle question précise souhaitez-vous avoir une réponse?
    Je voulais simplement donner aux enfants l'occasion de nous parler davantage de leur expérience. J'aimerais en savoir un peu plus sur les camps, et sur comment ils se sentent aujourd'hui.
    Ils nous ont déjà donné des réponses fantastiques. Cela suffira.
    Je sais que M. Mezhevoj souhaite aussi intervenir. Il a levé la main.
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Le nom de notre camp était Polyany. Il y avait un groupe de 31 personnes. La plus jeune était ma fille, qui est née en 2015. Il y avait aussi deux autres enfants, Ishchuk Oleksii et Diana Skidz, qui sont nés en 2014. C'est l'année de leur naissance. D'après la liste que j'ai entre les mains, ces enfants étaient les plus jeunes du camp.

  (1255)  

    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'ajouterais que nous avons ramené des enfants qui venaient de différents camps. Ramener des jeunes est particulièrement difficile, parce que si les jeunes de 12 ans ont la capacité d'utiliser les médias sociaux pour faire savoir à leurs proches où ils sont, les plus jeunes en sont incapables. Les enfants pourront le confirmer.
     Les adultes qui travaillaient dans ces endroits n'aidaient jamais, absolument jamais, les enfants à rejoindre leurs parents. Ils n'essayaient jamais de les aider à trouver leurs parents ou de découvrir si les parents souhaitaient être avec leurs enfants. Nous n'avons trouvé aucune trace de démarches de ce genre, dans aucun camp. Ils faisaient tout leur possible pour s'assurer que ces personnes‑là ne retournent jamais en Ukraine.
    Madame Motychak, allez‑y, je vous prie.
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     J'ajouterais que je ne me sentais pas très bien quand j'étais dans le camp. La situation était très difficile. Il y avait une pression psychologique. Chaque fois que je repense à ces jours‑là, je ne me sens pas bien. Je ne souhaiterais à personne de se retrouver dans ce camp comme moi.
     [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'aimerais aussi ajouter quelque chose à ce qu'a dit Mykola. Ils ont tenté de convaincre mes enfants que leur père ne pourrait pas venir les chercher. Ils leur disaient: « Votre père ne pourra pas arriver à temps. Vous devez prendre une décision. Vous devriez accepter l'offre qu'on vous fait d'être placés avec une famille d'accueil ou d'aller dans un établissement d'enseignement spécialisé. »
    Ils avaient une liste de 31 personnes. Ils veillaient à ce que les enfants ne croisent pas d'autres enfants. Ils étaient isolés. Ils étaient placés dans un programme spécial et isolés pour les empêcher de rencontrer d'autres enfants qui se trouvaient dans le même camp, car il y en avait. Ils les empêchaient de communiquer. Les enfants pouvaient seulement se voir, et peut-être se parler, par une fenêtre ouverte. C'est aussi ce qui est arrivé à mon fils aîné.
    [Le témoin s’exprime en ukrainien et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'ai eu connaissance d'une autre situation au camp. Les professeurs et le directeur ont amené une fille qui avait tenté de se suicider. Elle s'était tranché les veines, et on l'a transférée à l'hôpital. Elle a passé deux semaines à l'hôpital.
    Merci.
    Voilà qui met fin à la réunion. Le temps alloué est presque écoulé.
    Au nom des membres du Comité et du personnel, je remercie tous les témoins de leur présence. Votre présence est d'une grande importance pour notre comité. Vos témoignages nous ont profondément émus. Si vous ressentez le besoin de transmettre d'autres informations au Comité, je vous invite à nous écrire.
    Merci beaucoup, et bonne journée.
    Prenons maintenant quelques minutes pour discuter de notre projet de voyage.
    Je crois que vous avez reçu une ébauche des deux propositions, l'une pour un voyage à New York, l'autre pour un voyage à Toronto. Plaît‑il au Sous-comité d'adopter ces deux projets?
    Nous vous écoutons, madame McPherson.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai examiné les deux propositions. Celle qui porte sur le voyage à New York m'apparaît très intéressante. Je serais tout à fait prête à l'appuyer.
     Aller à...

  (1300)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je suis désolée, mais je crois que les discussions à propos de voyages doivent se faire à huis clos. C'est bien le cas?
    Oui. Le problème, c'est que passer au huis clos prendrait quelques minutes, comme le greffier me l'a expliqué. Comme nous avons déjà dépassé l'heure prévue pour la fin de la réunion, nous avons décidé de discuter des voyages tout de suite.
    Si vous insistez, nous pourrons prendre plus de temps et continuer à huis clos, si le Comité est d'accord.
    Au lieu d'en discuter ici, je proposerais... Les propositions doivent passer pas plusieurs autres étapes. Si nous les adoptons toutes les deux... La tendance était de donner priorité à la proposition concernant New York, je crois. Tous les partis disposent de moyens pour la bloquer plus tard s'ils le désirent.
    Cela ne fera pas l'unanimité, je crois. Par conséquent, les deux projets...
    Nous n'avons pas le temps d'en discuter pendant cette réunion‑ci.
    Il y a consensus, et nous n'avons pas...
    Il n'y a pas de consensus. Nous laissons donc ce dossier de côté pour le moment.
    Merci.

[Français]

     Vous avez reçu plus tôt aujourd'hui une ébauche de plan de travail pour l'étude...

[Traduction]

    Nous y reviendrons demain.
    Une voix: Je crois qu'il serait bon que Mike soit ici pour le plan de travail.
    Le président: D'accord. Merci.
    La séance est levée.
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