Passer au contenu
Début du contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 16 juin 2023

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

     La séance est ouverte. Il est 8 h 45 et je vois qu'il y a quorum.
     Avant de donner la parole à nos distingués invités, j'aimerais annoncer une bonne nouvelle au Comité.
    Il semble que nous ayons maintenant tout ce qu'il faut pour nous déplacer. Le budget a été adopté sans amendement et, hier soir, le rapport du Comité a été déposé sans objection. Il semble donc que nous allons pouvoir nous déplacer. Cela détermine ce que nous ferons mardi. J'aimerais réserver une heure mardi pour parler d'un certain nombre de travaux du Comité. Au cours de la première heure, nous parlerons de la contrôleuse externe et, au cours de la deuxième heure, des travaux du Comité.
    Gardez cela à l'esprit et si nous avons plus de réunions... N'oublions jamais que des miracles sont toujours possibles.
    Sur ce, je vais demander à M. Perry et à M. Williams de faire leur déclaration préliminaire de cinq minutes, sans ordre particulier.
    M. Perry est le premier sur la liste.
    Monsieur Perry, président de l'Institut canadien des affaires mondiales, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et membres du Comité, de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Dans ma déclaration préliminaire, j'aborderai trois points. Je ferai quelques observations au sujet de notre système d'approvisionnement, je formulerai deux suggestions de problèmes que vous voudrez peut-être étudier, puis je présenterai deux recommandations.
    La première observation que j'aimerais faire est que les problèmes associés à notre système d'approvisionnement sont systémiques, persistants et remontent maintenant à une décennie et demie. La plupart des projets, soit près des deux tiers, sont retardés d'au moins un an et bon nombre d'entre eux, de beaucoup plus. Par conséquent, nous continuons de dépenser des milliards de dollars de moins que prévu année après année. J'ai vu que le directeur parlementaire du budget vous a dit récemment qu'au cours du dernier exercice, nous avons sous-utilisé d'environ 4 milliards de dollars le budget qui était prévu dans le cadre de la politique « Protection, Sécurité, Engagement ». Il est important de noter que cette sous-utilisation du budget est chronique et remonte à 2007.
    Cela signifie que nous n'avons pas seulement de la difficulté à mettre en œuvre les plans d'approvisionnement de la politique « Protection, Sécurité, Engagement », ce qui se produit effectivement, mais que nous travaillons encore sur les approvisionnements de la stratégie de défense « Le Canada d'abord » de 2008 et, dans certains cas, d'avant. C'est le cas en dépit d'une série de réformes antérieures de l'approvisionnement, qui n'ont tout simplement pas été suffisantes pour suivre le rythme de l'expansion prévue de notre système d'approvisionnement et de nos approvisionnements afin de respecter la politique actuelle. Sans changements majeurs, vous devriez vous attendre à ce que la mise en œuvre de la modernisation du NORAD annoncée l'été dernier et que la mise à jour de la politique de défense, quelle qu'elle soit, soient bien en deçà des attentes, parce que cela fait plus d'une décennie que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes en matière d'approvisionnement. D'autres améliorations graduelles de notre système d'approvisionnement ne vont probablement produire que des améliorations graduelles de la production. Si nous voulons un rendement nettement meilleur, nécessaire pour mettre en œuvre la politique de défense et répondre à l'environnement stratégique actuel, nous devons apporter des changements radicaux au système.
    La deuxième observation que j'aimerais faire est qu'il n'y a aucun sentiment d'urgence détectable dans notre système d'approvisionnement, ce qui pose problème pour au moins deux raisons.
    Premièrement, le contexte actuel des taux d'intérêt et d'inflation signifie que les répercussions financières des retards dans l'approvisionnement sont maintenant beaucoup plus importantes qu'elles ne l'étaient il y a seulement un an et demi. Le fait de ne pas bouger en temps opportun pour ce qui est des approvisionnements est beaucoup plus lourd de conséquences en termes de perte de pouvoir d'achat.
    La deuxième raison de l'urgence est l'environnement stratégique. Ce qui ressemble en grande partie à un statu quo ne suffit tout simplement pas à équiper le Canada pour le retour de la concurrence entre grandes puissances qui se produit à l'heure actuelle. Le fait que nos troupes en Lettonie soient privées de tout, des bouchons d'oreilles à la défense aérienne, n'est tout simplement pas acceptable dans le contexte actuel.
    Permettez-moi de changer de sujet et de suggérer deux aspects que le Comité devrait étudier: les contrats de service et l'infrastructure.
    Les contrats de service sont d'une importance fondamentale pour le ministère et les Forces armées canadiennes, qui dépensent beaucoup plus pour ce poste budgétaire que tout autre ministère. L'annonce dans le budget de 2023 d'une réduction de 15 % des dépenses de service représentera une réduction annuelle d'environ 750 millions de dollars pour le ministère de la Défense nationale, ou MDN, si elle est entièrement mise en œuvre. D'après mon analyse, il sera très difficile d'atteindre cet objectif sans que cela ait de graves répercussions sur les Forces armées canadiennes. Environ la moitié des dépenses du MDN dans ce domaine est consacrée aux services d'ingénierie et d'architecture. Une part importante appuie la prestation directe des programmes d'immobilisations et d'infrastructure ou permet d'assurer l'entretien des aéronefs, des véhicules et des navires. Le Comité voudra peut-être chercher à mieux comprendre les répercussions de ces compressions budgétaires sur l'approvisionnement.
     En ce qui concerne l'infrastructure, la majeure partie de l'argent prévu pour la modernisation du NORAD est destinée à l'amélioration de l'infrastructure. Par ailleurs, le MDN a pris des engagements ambitieux en matière de carboneutralité, et pour s'en acquitter, il faudra essentiellement procéder à une refonte des infrastructures détenues par le MDN. Cela signifie que nous prévoyons une augmentation massive des dépenses d'infrastructure, une autre forme d'approvisionnement, au cours des prochaines années. Il n'est pas clair pour moi que nous ayons beaucoup progressé pour éviter que les mêmes problèmes que ceux que nous avons connus avec l'achat de biens d'équipement — des retards et des fonds inutilisés — se produisent en ce qui concerne des dizaines de milliards de dollars en dépenses d'infrastructure.
    Enfin, j'aimerais formuler deux recommandations générales.
     Premièrement, il faudra beaucoup de temps pour apporter les changements radicaux nécessaires à nos systèmes d'approvisionnement. Entretemps, il serait avantageux d'établir des priorités beaucoup plus importantes pour veiller à ce que les ressources très limitées et insuffisantes dont nous disposons actuellement puissent être concentrées sur les projets les plus prioritaires.
    Deuxièmement, si nous voulons assister à des changements spectaculaires et significatifs, nous avons besoin de bien meilleures données sur la défense en général, des données sur tous les types de projets pour mieux comprendre ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et où sont les pires problèmes, et chercher des exemples de pratiques exemplaires qui pourraient être reproduites et appliquées ailleurs. Si nous voulons apporter des changements efficaces, nous devons mieux comprendre le système actuel, et je ne pense pas que nous le comprenions aussi bien que nous le voudrions.

  (0850)  

     Enfin, dans le même ordre d'idées, j'aimerais faire écho aux propos de témoins précédents au sujet de la valeur d'une plus grande transparence. Beaucoup trop de discussions sur l'approvisionnement en matière de défense au Canada se déroulent dans un quasi-vide d'information, et ce travail est trop important pour être fait en silence, à huis clos.
    Merci.
    Merci, monsieur Perry.
    Monsieur Williams, vous avez cinq minutes.
     Monsieur le président, membres du Comité, je suis heureux d'être ici. Je vous suis vraiment reconnaissant d'avoir pris le temps d'étudier cette question, qui me passionne depuis des décennies.
    Faillite. C'est le résultat simple et irréfutable des répercussions du processus d'acquisition du Canada sur le compte des immobilisations des Forces armées canadiennes. Les coûts d'immobilisations des nouveaux chasseurs et des navires de combat canadiens, les NCC, dépasseront 100 milliards de dollars sur une période de 10 ans. À moins qu'il n'y ait une injection de nouveaux fonds, ces deux programmes à eux seuls entraîneront un manque à gagner annuel de 5 milliards de dollars en capital.
    Les processus d'acquisition des F‑35 et des navires de combat canadiens ont tourné à la catastrophe.
     En ce qui concerne les avions à réaction, en 2010, le gouvernement conservateur a tenté de les attribuer à un fournisseur unique sans aucune autorisation légale, et il a passé des années à induire la population canadienne en erreur quant aux raisons pour lesquelles il voulait le faire. Le gouvernement libéral, après avoir promis de ne pas acheter les F‑35, a dilué la politique des retombées industrielles et techniques pour permettre à Lockheed Martin de participer au processus, a déclaré la soumission de Boeing non conforme et, plus tôt cette année, 12 ans et demi après le début de ce programme, il a attribué le contrat à Lockheed Martin.
     Les coûts sont passés d'une estimation initiale de 9 milliards de dollars pour l'acquisition et de 18 milliards de dollars pour l'entretien des avions à réaction à une prévision actuelle de 19 milliards de dollars pour l'achat des appareils et de plus de 70 milliards de dollars pour leur entretien.
    En ce qui concerne les navires, après avoir violé tous les principes fondamentaux de la saine gestion des marchés publics, le gouvernement est sur le point d'acquérir 15 navires pour un coût de deux à trois fois plus élevé que leur coût réel. Les coûts d'immobilisations des NCC sont passés d'environ 26 milliards de dollars à 85 milliards de dollars, et le coût du cycle de vie est maintenant estimé à plus de 300 milliards de dollars.
    Heureusement, la prescription visant à réduire considérablement les risques de débâcles futurs du processus d'approvisionnement n'a rien d'un mystère. Les trois principales lacunes du processus actuel d'acquisition de matériel de défense sont l'absence de responsabilité ministérielle, l'absence de mesures du rendement et l'absence de rapports adéquats, dont M. Perry vient de parler.
    Parmi nos proches alliés, le Canada est le seul pays doté d'un système de reddition de comptes dispersé. Les rôles et les responsabilités au chapitre de l'approvisionnement en matière de défense sont partagés entre les ministres de la Défense nationale et de Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC. À moins qu'un ministre ne soit chargé exclusivement de l'approvisionnement en matière de défense, celui‑ci ne sera jamais aussi efficient et efficace qu'il pourrait ou devrait l'être. Les avantages de la création d'une seule organisation d'approvisionnement vont au‑delà du renforcement de la responsabilisation.
    Premièrement, le processus serait simplifié.
     Deuxièmement, des économies découleront de l'élimination des frais généraux et du dédoublement des fonctions. C'est un avantage crucial à un moment où la Défense nationale souffre d'un manque de personnel aussi important.
     Troisièmement, sans un ministre responsable de l'approvisionnement en matière de défense, il est difficile, voire impossible, de mettre en place des mesures de rendement à l'échelle du système. Nous avons besoin d'indicateurs qui, au minimum, permettent de mesurer les délais et les coûts. S'il y a des retards, où sont les goulots d'étranglement dans le processus? Il est impossible d'apporter des améliorations si nous ne comprenons pas clairement où se situent les problèmes.
    En ce qui concerne les coûts, il faut répondre à deux questions fondamentales. La première est la suivante: quel est le coût total du cycle de vie d'un programme? La deuxième est: en avons-nous les moyens?
     Aujourd'hui, les deux questions sont mal abordées. Pour mieux répondre à ces questions, un plan d'immobilisations doit être disponible et présenter le coût du cycle de vie complet de chaque projet sur une période de 30 ans, en fonction des fonds disponibles prévus d'une année à l'autre. Un tel plan aurait permis de faire la lumière sur la crise actuelle des coûts des NCC et, franchement, il aurait grandement aidé le Comité à s'acquitter de son rôle.
    L'approvisionnement en matière de défense est une entreprise. Commençons par l'administrer comme tel, avec un ministre responsable des résultats, une divulgation complète des coûts du cycle de vie, des plans et des rapports appropriés qui mesurent le rendement, et une surveillance rigoureuse et opportune.
    Merci.

  (0855)  

     Merci, messieurs Williams et Perry. Merci à vous deux d'avoir respecté le temps qui vous était alloué.
    C'est le premier tour de six minutes, et je crois que la première intervention va à Mme Gallant.
    La parole est à vous, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Perry, croyez-vous que l'arrangement institutionnel pour la responsabilité à l'égard de l'approvisionnement en matière de défense devrait être modifié de manière à produire de meilleurs résultats, et comment devrait‑il être réorganisé?
    Je pense qu'on devrait recueillir des données pour savoir où sont les vrais problèmes. Théoriquement, il est logique que le fait de nommer un seul ministre responsable permette de régler une partie du problème, mais je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup de preuves qui indiqueraient que la responsabilité dispersée est en fait le problème ou même un problème clé que nous devons régler.
    Pensez-vous qu'il devrait y avoir un secrétariat, au Bureau du Conseil privé, ou BCP, responsable de l'approvisionnement en matière de défense pour que nous puissions rendre des comptes?
    Si vous examinez d'autres modèles pour essayer de régler les problèmes systémiques dans la bureaucratie gouvernementale, l'adoption d'un mécanisme centralisé et piloté par le BCP a constitué une approche efficace dans le passé. Oui, je suis d'accord.
    Monsieur Perry, pensez-vous que les lignes directrices actuelles du Conseil du Trésor contribuent aux piètres résultats de l'approvisionnement en matière de défense?
    Je pense que cet aspect fait partie d'un ensemble plus vaste de problèmes. Il ne s'agit pas seulement des lignes directrices, mais aussi de la façon dont elles sont interprétées et de la capacité d'adapter les processus pour qu'ils fonctionnent dans toute la mesure des lignes directrices, plutôt que de s'en tenir à quelques approches privilégiées, qui, à mon avis, ne permettent pas de tirer pleinement parti des règles actuelles.
    En ce qui concerne vos commentaires d'avril dans le Globe and Mail selon lesquels les niveaux de dépenses militaires du gouvernement libéral « limitent les options » pour ce que « nous pouvons entreprendre et incitent nos alliés à créer de nouvelles initiatives [comme] AUKUS [...] sans le Canada », pourquoi, dans un monde de plus en plus dangereux et complexe, ces problèmes sont-ils aussi graves du point de vue de la sécurité nationale?
    L'incapacité de dépenser l'argent signifie que nous n'achetons pas de capacité militaire — des navires, des avions, certaines des choses dont M. Williams a parlé et une foule d'autres capacités. Si nous n'achetons pas cet équipement et si nous n'avons pas les options qui permettraient au gouvernement de mener à bien toute une gamme d'initiatives en matière de politique étrangère, nous ne pouvons pas envoyer de troupes à l'étranger.
    Quels sont les avantages d'une stratégie à long terme visant à établir une base industrielle de défense nationale au Canada?
    Je pense qu'il y aurait un avantage important pour le Canada, de plusieurs façons, ainsi qu'une contribution à la base industrielle de défense plus vaste des alliés de l'OTAN. Le conflit en Ukraine prouve à maints égards que toute la capacité industrielle de l'OTAN en matière de défense nationale est insuffisante. Si le Canada augmentait sa contribution, cela profiterait non seulement à notre propre pays, mais aussi à nos alliés en général.
    En ce qui concerne votre document de 2016, intitulé « Fixing Procurement », le gouvernement a‑t‑il mis en place des mesures pour permettre une priorisation efficace des projets?
    Pas que je sache.
    En ce qui concerne votre document, vous avez recommandé que le gouvernement investisse davantage dans « l'explication des achats majeurs en présentant la raison d'être de ses énormes dépenses financières ».
    Le gouvernement a‑t‑il réussi à donner suite à cette recommandation dans ses projets récents?
    Non. Je pense que les communications gouvernementales se sont même détériorées depuis que j'ai écrit cela.
    D'accord.
    Monsieur Williams, vous avez dit que le gouvernement devrait commencer par fournir des mesures du rendement à l'échelle du système en ce qui concerne les délais du cycle d'acquisition.
    Le gouvernement a‑t‑il réussi à rendre cette information publique?

  (0900)  

    Non. Je ne pense pas qu'un député ici ait la moindre idée de la durée des projets et des goulots d'étranglement, et c'est un grave problème, qui n'existe pas dans la plupart des autres pays.
    Comme je l'ai dit — et M. Perry et moi ne sommes peut-être pas d'accord là‑dessus —, si vous ne nommez pas un ministre responsable exclusivement de l'ensemble du dossier, de bout en bout, vous n'aurez pas d'indicateurs de rendement à l'échelle du système, ce qui est exigé.
    Comment peut‑on déterminer ce point unique de la responsabilité ministérielle? Comme vous avez déjà fait partie du système, comment pensez-vous que la responsabilité devrait être réorganisée?
    Je ne veux pas dire quoi faire au gouvernement. Dans mon livre intitulé Reinventing Canadian Defence Procurement, j'ai décrit un certain nombre de modèles, tous facilement réalisables sur le plan législatif. Vous pouvez confier cette responsabilité au ministre de la Défense nationale ou au ministre de Services publics et Approvisionnement, ou SPAC. Vous pouvez créer un troisième ministre responsable de l'approvisionnement en matière de défense. Peu m'importe. Cependant, ce qui me préoccupe, c'est que c'est le seul domaine où nous dépensons des milliards de dollars par année où le premier ministre ne peut pas nommer un ministre et lui dire qu'il fait un excellent travail ou qu'il fait un mauvais travail.
    Par exemple, si vous avez un certain nombre d'enfants et que vous leur demandez de sortir les poubelles, il est probable que ce ne sera pas fait. Si vous dites à un enfant en particulier de le faire, vous avez de meilleures chances qu'il le fasse.
    Ce chevauchement et ce double emploi signifient que personne n'a de comptes à rendre. Le processus devient donc beaucoup moins rigoureux. Nous ne nous concentrons pas sur les détails et nous faisons preuve de négligence. C'est pourquoi nous ne dépensons pas assez. C'est pourquoi nous ne savons pas où sont les goulots d'étranglement. C'est la raison pour laquelle les coûts augmentent énormément. C'est parce qu'on ne peut pas tenir une personne responsable en particulier.
    Je pense que c'est une lacune fondamentale qui peut facilement être corrigée. Cela ne réglera pas tous les problèmes — certainement pas —, mais je peux vous dire que si nous ne le faisons pas, nous ne corrigerons pas le système. À mon avis, c'est une étape obligatoire.
     Est‑il possible d'avoir un seul gestionnaire de projet — une seule personne — qui est responsable de la préparation d'un approvisionnement à partir du moment où il passe par le Conseil du Trésor jusqu'à sa livraison?
    Absolument. Encore une fois, c'est une question de reddition de comptes. Qu'il s'agisse du sous-ministre adjoint, du directeur général ou des directeurs, il y a toujours un gestionnaire de projet qui doit rendre des comptes.
    Maintenant, les rapports doivent être faits correctement. Il faut qu'il y ait une reddition de comptes jusqu'en haut de la hiérarchie, mais en théorie, quelqu'un doit être responsable de la réalisation du projet.
    Y a‑t‑il des gens au gouvernement qui peuvent voir un projet du début à la fin? Cela peut parfois durer une décennie. Comment est‑ce possible...
    Tout d'abord, la réponse à votre question est sans aucun doute oui, mais ces personnes ne sont pas assez nombreuses. Voilà le véritable problème.
    Une grande partie du travail ne se fait pas parce qu'il n'y a pas assez de gens pour mener à bien tous les projets. Cela nous amène à certains des problèmes liés aux contrats de service, dont M. Perry a parlé et dont nous pourrons discuter plus tard, comme solution de rechange à ce projet.
    Merci, madame Gallant.
    Monsieur May, vous avez six minutes. Vous pouvez nous expliquer comment fonctionne la gestion des déchets dans votre ménage.
    Je comprends, monsieur le président. Ayant deux enfants, je peux vous dire que même si l'on pose la question à l'un d'entre eux en particulier, cela ne se fait habituellement pas...
    Des députés: Ha, ha!
    M. Bryan May: ... du moins pas du premier coup.
    Messieurs, tout d'abord, merci d'être ici aujourd'hui.
    Lors de notre dernière réunion, les témoins ont souligné l'importance d'améliorer l'approvisionnement en matière de défense en simplifiant le processus et en réduisant les strates de politiques susceptibles d'entraver l'approvisionnement.
    Je vais commencer par M. Perry.
    Selon votre expérience, quelle est la leçon la plus importante que le gouvernement devrait tirer des discussions pour aider à relever les défis actuels de la simplification et de la rationalisation du processus d'approvisionnement?
    Je dirais que l'une des grandes leçons que nous devrions tirer, c'est que nous n'avons pas vraiment d'idée de ce qui a fonctionné dans le passé et de l'incidence des efforts antérieurs. Toutes sortes de changements ont été apportés au cours de la dernière décennie seulement. Il y a eu l'introduction de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense. Il y avait six ou sept initiatives sous la politique de défense « Protection, Sécurité, Engagement ».
    Toutefois, pour revenir à ce que M. Williams a dit, je ne sais pas si quelqu'un a déjà recueilli des données pour voir si ces changements ont eu un impact, bon, mauvais ou autre. Il faut réfléchir à ce qui a changé, à l'impact...
    J'en reviens au fait que bon nombre des commentaires formulés ici ne sont pas entièrement fondés sur des données probantes. Pour régler ce problème comme il se doit, il faudrait notamment savoir pourquoi le système fonctionne ou ne fonctionne pas et savoir ce qui fonctionne, et essayer d'avoir des réponses adaptées pour régler les problèmes réels — et non des problèmes qui ne sont peut-être en fait fondés que sur des perceptions.
    Pouvez-vous nous donner un exemple de problème qui n'est peut-être pas fondé sur une perception?

  (0905)  

    Pour continuer sur la métaphore de la responsabilité et des enfants qui sortent les poubelles, si vous ne tenez pas vos enfants responsables de quoi que ce soit, peu importe combien vous en avez, la reddition de comptes devient un problème plus général.
    Dans bien des cas, dans ce système d'approvisionnement très dispersé, il est difficile de voir des preuves que les gens sont tenus responsables de leur part du travail.
    À titre d'exemple, est‑ce que les différents services — l'armée, la marine et l'aviation — font avancer leurs projets en temps opportun, conformément aux calendriers militaires internes? Est‑ce que quelqu'un vérifie leur rendement et les tient responsables?
    En ce qui concerne les propositions de retombées industrielles et technologiques, ou RIT, qui sont présentées pour des projets, est‑ce que les normes de prestation de services pour les mettre en oeuvre sont respectées en temps opportun ou est‑ce qu'elles retardent l'avancement des dossiers?
    Je ne crois pas qu'il y ait de données qui permettent de répondre à ces questions.
    Vous hochez la tête, monsieur Williams.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Encore une fois, je pense qu'il est vraiment important qu'une seule personne soit responsable.
    Je signale qu'en 2009, l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité, ou l'AICDS, a publié un rapport contenant une recommandation en ce sens. Je vous rappelle qu'en 2019, les lettres de mandat du gouvernement libéral demandaient aux deux ministres de donner suite à cette recommandation. Cela ne s'est pas produit. Le directeur parlementaire du budget, ou DPB, Yves Giroux, a aussi dit que c'était obligatoire.
    C'est obligatoire pour moi. Nous n'obtiendrons jamais aucun renseignement sans cela. Nous ne ferons jamais d'économies sans cela.
    Le chevauchement et le double emploi entre ces deux ministères sont importants. Nous parlons ici de dizaines de millions de dollars et de personnes dont le travail est entravé parce que leurs tâches se chevauchent et font double emploi. Il faut mettre fin à ces chevauchements.
    Je n'ai aucune idée pourquoi on ne le fait pas. Il n'y a aucune raison de ne pas le faire, sauf si cela vous indiffère. Cela ne vaut peut-être pas une tonne de votes. Peut-être que pour la plupart des Canadiens... Ce n'est pas là que vous voulez investir vos efforts. Je ne sais pas, mais pour moi, cela va de soi.
    En toute franchise, j'en parle depuis 20 ans. Tous les autres pays qui ont un ministère de la Défense ont nommé un ministre responsable, qu'il s'agisse du secrétaire à la Défense des États-Unis, du secrétaire d'État à la Défense du Royaume-Uni ou du ministre de la Défense de l'Australie. Tout le monde en nomme un. Pourquoi pas? Je n'arrive pas à comprendre pourquoi cette mesure n'a pas été prise.
     Monsieur Perry, vous venez de hocher la tête. Vous avez quelque chose à ajouter?
    Puisque j'ai une autre question, pourriez-vous limiter votre intervention à 15 ou 20 secondes?
    J'aimerais simplement insister sur un point que M. Williams a soulevé.
    Il y a une dizaine d'années, la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense prévoyait le transfert de l'autorité contractante de SPAC au MDN, jusqu'à concurrence d'un seuil de 5 millions de dollars. Je ne sais pas si quelqu'un a déjà recueilli des preuves démontrant que ce transfert a eu un effet bénéfique ou négatif. Nous avons apporté ce changement, dont la mise en oeuvre a pris des années. Quelles ont été les répercussions?
    Très rapidement, nous avons également entendu des témoins dire que le fait de trop mettre l'accent sur les achats et les acquisitions au Canada peut retarder ou compliquer davantage le processus d'approvisionnement. Cette semaine, un témoin, M. Lagassé, a insisté sur la nécessité d'avoir de l'équipement de défense fabriqué au Canada pour que nous puissions soutenir la concurrence à l'échelle mondiale.
    Quels sont les compromis liés à l'approvisionnement national et comment le Canada devrait‑il équilibrer l'approvisionnement national avec les besoins d'approvisionnement pressants?
    Comme il ne me reste qu'environ une minute, je vais vous accorder 30 secondes chacun, si cela vous convient.
    Brièvement, je dirais qu'en théorie, il y a un compromis à faire, mais je ne sais pas si cela a été très bien établi.
    Un autre témoin a également parlé d'une prime payée pour les achats intérieurs. Encore une fois, y en a‑t‑il une? Quelqu'un a‑t‑il recueilli des données? Il pourrait être intéressant que vous demandiez aux fonctionnaires s'ils ont vu des preuves que le régime de compensation économique du Canada entraîne des coûts.
    Excellent.
    C'est à vous, monsieur Williams.
    Suivant l'une des recommandations de mon livre qui est toujours valable aujourd'hui, nous n'avons pas au pays d'usine industrielle de défense du XXIe siècle. La seule chose que nous faisons au pays, c'est acheter des munitions et construire des navires, et ce sont des politiques qui datent de 40 à 50 ans et qui n'ont fait que circuler.
    À moins d'adopter ce genre de politique, nous n'avons pas d'information ou de données de fond pour appuyer le genre d'industries qui, selon nous, devraient être mises de l'avant au Canada. Je pense que nous avons besoin de ces informations. Je n'ai aucune idée pourquoi nous ne les avons pas.
    Je suis à peu près certain que Mme Mathyssen ne serait pas d'accord pour dire que nous faisons plus que construire des navires et acheter des munitions, mais je pense que mon temps est écoulé, monsieur le président.
    Il l'est en effet. Merci, monsieur May.

[Français]

     Madame Normandin, vous avez la parole pour six minutes.
    Je commencerais par poser une question aux deux témoins.
    On a parlé du fait que la stratégie en approvisionnement en matière de défense date déjà d'un bon moment. Je sais que certains pays en ont une et la révisent.

[Traduction]

    Excusez-moi. Nous n'avons pas l'interprétation.
    Une voix: [Inaudible]
    M. Alan Williams: Ah, d'accord.

[Français]

    Excusez-moi.
    Il n'y a aucun problème.
    Me permettez-vous de recommencer, monsieur le président?
    Allez-y.
    Merci beaucoup.
    J'en profite pour remercier les deux témoins de leur présence.
    Vous avez touché à la question de la stratégie d'approvisionnement en matière de défense, qui date déjà d'une dizaine d'années. Je sais que certains pays en ont une et la révisent de façon systématique.
    Devrions-nous faire la même chose pour avoir une meilleure continuité de l'approvisionnement, être plus souples et prompts à réagir, et toujours agir au bon moment plutôt que d'agir de façon réactive quand il se passe quelque chose?

  (0910)  

[Traduction]

    Voulez-vous que je commence?

[Français]

    Je vous remercie de votre question. Je vais y répondre en anglais, ce sera plus facile pour moi.

[Traduction]

    L'acquisition de matériel de défense doit découler de l'orientation stratégique du gouvernement en matière de défense. Le gouvernement doit se lever et dire haut et fort que c'est le rôle qu'il entrevoit pour le ministère de la Défense, au Canada et ailleurs dans le monde. Ensuite, il faut s'adresser aux militaires et aux civils du ministère de la Défense nationale et leur demander, compte tenu du mandat qui leur est confié, quelles sont les répercussions sur l'approvisionnement? Quels sont les biens et services qu'ils doivent acquérir et combien coûtent-ils? 
    Périodiquement, les militaires ont produit différents [Inaudible]. « Protection, Sécurité, Engagement » est une initiative récente, et elle se poursuit. Cependant, ce lien n'est pas établi de façon suffisamment rigoureuse pour que l'on puisse discerner l'une de l'autre. La raison pour laquelle c'est si important, c'est que si les militaires précisent le coût, le gouvernement doit alors prendre une décision. Si le coût est beaucoup plus élevé que prévu, ils doivent être prêts à modifier le rôle et le mandat des militaires ou leur dire: « Nous allons vous donner x milliards de dollars pour que vous puissiez faire ce que vous dites que vous devez faire pour vous acquitter du rôle que nous pensons que vous devriez jouer. »
    Tout d'abord, nous ne faisons pas preuve de cette rigueur. Nous n'avons pas ce genre d'initiative étalée sur 30 ans. Nous fonctionnons en vase clos avec des projets qui sont approuvés et qui sont ensuite retardés, et personne ne sait exactement où nous en sommes. Je pense que c'est là que réside le gros problème.

[Français]

    Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Perry?

[Traduction]

    Je dirais simplement, rapidement, qu'à mon avis, il faut mettre beaucoup plus l'accent sur la mise en oeuvre de ces politiques. Elles ne changent pas énormément. Il y a très peu de suivi de leur mise en oeuvre. Il n'y a pas suffisamment d'attention aux détails lorsque de nouvelles politiques sont publiées au sujet de la capacité d'exécuter ce que le gouvernement, de quelque parti que ce soit, s'engage à faire.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais entendre votre opinion concernant le Programme d'approvisionnement en munitions. Il s'est écoulé presque un an et demi depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, et on sait qu'il y a encore des problèmes d'approvisionnement. Le Canada est incapable de fournir l'Ukraine en munitions malgré le fait qu'il y a, ici, un programme qui devait rester opérationnel en temps de paix.
    A-t-on géré avec efficacité ce programme et d'autres programmes similaires créés afin de nous permettre de réagir rapidement en cas d'événements sur la scène internationale et de remplir notre rôle d'allié?

[Traduction]

     Je pense que nous sous-utilisons notre propre base industrielle de défense. Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que nous n'avons pas une capacité de production suffisante à l'échelle de l'OTAN pour répondre aux demandes de l'Ukraine et nous rééquiper, nous et nos alliés. Il semble y avoir une pénurie chronique de munitions en ce moment. Un grand nombre de nos alliés se mobilisent pour essayer d'y remédier.
    Je signale que la bureaucratie de l'Union européenne semble avoir été en mesure d'élaborer un plan pour commencer à se rééquiper... en munitions avant nous. Sans vouloir manquer de respect à l'Union européenne, je pense que nous devrions trouver un peu gênant qu'elle ait réussi à s'organiser avant nous. Je pense que notre capacité de production de munitions, entre autres, à l'échelle nationale est sous-utilisée. Il y a beaucoup plus de possibilités pour nous de travailler en collaboration avec un plan stratégique, comme M. Williams l'a dit, pour mieux utiliser notre propre capacité de production nationale.
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Perry, et je dirais surtout que nous avons maintenant la preuve, avec ce qui se passe en Ukraine, de notre incapacité. Je ne parle pas seulement de munitions, mais aussi de véhicules blindés. Vous pouvez passer en revue toute la liste des besoins auxquels nous aurions dû pouvoir répondre, mais nous avons été négligents; nous avons laissé les stocks s'épuiser. Encore une fois, c'est parce que nous n'avons pas de plan de liaison exhaustif qui appuie ce que nous disons que nous allons faire, avec l'argent pour le faire, et qui nous permettrait d'obtenir ce à quoi nous aurions dû nous attendre depuis le début.

[Français]

    Je poursuis sur votre lancée, monsieur Williams.
    Vous avez parlé de l'importance de la transparence. Vous avez parlé des F‑35 et du processus d'acquisition. Plusieurs, dont Saab, se sont plaints, disant que les dés étaient pipés. On a vu, dans le cas des véhicules légers fabriqués chez Roshel, qu'il y avait des contrats de gré à gré et un manque de transparence.
    Ce manque de transparence est-il encore un enjeu, surtout en ce qui concerne les contrats de gré à gré?
    C'est encore plus grave dans la mesure où cela n'est imputable à aucun ministre.

  (0915)  

[Traduction]

    Le dossier des F‑35 est maintenant réglé. Au bout du compte, nous aurons un excellent avion à réaction. Le processus dure depuis 12 ou 13 ans, ce qui est aberrant, mais il est sur le point de se conclure. J'abonderais dans le même sens — je n'ai pas de preuve évidente, mais encore une fois —, s'il n'y avait qu'un seul ministre responsable, bien informé et compréhensif, je ne pense pas que nous aurions vécu ce gâchis.
    L'une des choses qui me frappent, et cela vient d'un bureaucrate, c'est que l'un des rôles clés d'un sous-ministre adjoint consiste à garder nos ministres à l'abri des ennuis. Je dirais que les ministres des deux partis avec lesquels j'ai travaillé étaient des gens merveilleux qui voulaient aider leur ministère à faire son travail.
    Franchement, ce que nous voyons depuis des décennies, ce sont des acquisitions majeures où les ministres, au lieu d'être remerciés, se font blâmer pour des processus inefficaces, en vertu desquels il faut des décennies pour faire quelque chose qui devrait être fait en deux, trois ou quatre ans. Comment en sommes-nous arrivés là? Je pense que cela doit être... Il faut se demander pourquoi les ministres ont été placés en position d'échec, parce que ces processus sont incroyablement inefficaces.
    Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux de vous joindre à nous.
    Pour ce qui est de la rationalisation et de la responsabilité confiée à un seul ministre, nous en avons beaucoup parlé au Comité. Souvent, c'est la politique qui fait obstacle. Pour ce qui est de savoir comment un nouveau gouvernement, un gouvernement différent, agirait, quelle incidence cette rationalisation aurait-elle sur ce problème, ou comment envisageriez-vous de le régler?
    C'est le problème évident.
    Il est facile pour moi d'expliquer comment y arriver. Ce n'est pas compliqué. Je l'ai expliqué. Le fait que cela n'ait pas été fait est purement politique. Habituellement, on pourrait considérer qu'un ministre gagne et qu'un autre perd. C'est pourquoi j'ai toujours dit que le meilleur moment pour le faire, c'est pendant une campagne où vous allez nommer de nouveaux ministres. À ce moment‑là, il ne s'agit pas d'enlever une responsabilité à un ministre pour la donner à quelqu'un d'autre. Je pense que c'est le meilleur moment pour le faire.
    Vous avez raison, cependant. C'est un problème purement politique et, comme je l'ai dit, il n'y a aucune raison de ne pas le faire. Cela permettrait d'économiser de l'argent et de gagner du temps. Nous obtiendrions de meilleures mesures du rendement, et je compte donc sur le Comité pour défendre vigoureusement cette idée, comme l'a fait l'industrie canadienne de la défense. Le premier ministre a demandé que cela se fasse, mais cela n'a pas été fait. Le directeur parlementaire du budget appuie également cette idée. Tout le monde dit que cela devrait être fait, mais cela n'a pas été fait.
     J'aimerais ajouter quelque chose. Y a‑t‑il une façon de faire tout cela en faisant abstraction de la politique, tout en maintenant la transparence et la reddition de comptes attendues d'un ministre?
    Eh bien, c'est là toute la question. Il n'y a pas de reddition de comptes à l'heure actuelle. Vous ne pouvez pas vous adresser à un ministre et lui demander de régler le problème de l'approvisionnement de la défense, parce que c'est une responsabilité partagée. Vous ne pouvez pas faire votre travail. La mise en place de ce système vous donne au moins l'occasion de faire le travail.
    Monsieur Perry, allez‑y.
    J'ai un point de vue différent.
     Je dirais simplement qu'il me semble qu'il est plus important que cela ait de l'importance pour le premier ministre. Si c'est le cas, cela se répercute sur les directives données aux fonctionnaires qui relèvent de lui et du Bureau du Conseil privé — pour revenir à la question de Mme Gallant. C'est pourquoi je disais qu'une structure au sein du Bureau du Conseil privé serait un moyen efficace d'organiser tout cela.
    Si c'est quelque chose qui importe au premier ministre... Fondamentalement, si le premier ministre ne s'en soucie pas, le reste du gouvernement réagira en conséquence. Encore une fois, je ne vois pas grand-chose qui prouve que c'est important pour le premier ministre actuel, pas plus que pour celui qui était là avant lui.
    Nous venons de terminer une étude sur la santé, et il y a eu beaucoup de discussions au sujet du manque de données. Cette idée me vient à l'esprit que tout est lié. Si nous ne recueillons pas de données sur les questions d'approvisionnement ou de santé, si nous ne faisons pas de suivi... Il y a un véritable manque de compréhension des besoins de chaque personne occupant un emploi au sein des forces armées, de ce que les militaires font, de la façon dont leur corps réagit, qu'il s'agisse d'une intervention en matière de santé ou en matière de santé mentale. Il n'y a pas de système de surveillance, par exemple.
    Nous parlons des femmes, par exemple, qui ont besoin d'une trousse particulière, mais qui en reçoivent une qui n'est pas bien ajustée pour elles. Pouvez-vous nous en parler? Il me semble que ces données, et ce manque de données, sont les mêmes pour ce qui est de savoir si nous comprenons ce qu'une personne doit vivre dans le cadre de ses tâches quotidiennes, qu'elle soit assise à un bureau et qu'elle soit soutenue, ou qu'elle soit en première ligne. Est‑ce la même chose pour ce qui est de ce qui doit être simplifié pour l'approvisionnement également? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

  (0920)  

    Ma réponse serait oui, c'est le même problème généralisé. En fait, pour ce qui est de l'approvisionnement, c'est plus simple à certains égards, parce que, même si les forces manquent très sérieusement de personnel, il y a des dizaines de milliers de soldats. Comme il n'y a que quelques centaines de grands projets d'approvisionnement, il est certainement possible de faire le suivi de moins de 200 projets sans avoir à faire appel à un superordinateur. Il est plus difficile de tenir à jour l'information sur des dizaines de milliers de soldats, mais nous ne semblons pas faire beaucoup d'efforts pour suivre un nombre raisonnablement gérable de projets avec un certain degré de fidélité.
    J'ajouterais que si l'on examine les audits et l'évaluation de la Défense nationale en décembre, on constate qu'on y souligne l'absence d'analyse comparative entre les sexes. Le ministère comprend qu'à l'avenir, ce doit être un élément essentiel des approvisionnements. Franchement, il me semble que la mise en œuvre de cette mesure devrait être simple. Ce n'est pas trop compliqué. Comprenez que vous avez un groupe diversifié d'hommes et de femmes, et que vous devez acheter ce qui leur convient, au moyen des mesures qui s'imposent. On mesure cela, comme on mesure tout le reste.
    En moins d'une minute, monsieur Williams, vous avez parlé de la différence entre un fournisseur unique et un marché ouvert et de cette mauvaise communication ou de ce malentendu selon lequel cela permet de gagner du temps. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Bien sûr.
    Très brièvement, lorsqu'on lance un appel d'offres, toutes les conditions que quiconque doit respecter sont énoncées dans ce document. Lorsque l'on répond en tant que soumissionnaire, on reconnaît qu'on va les respecter toutes. Une fois le soumissionnaire retenu, il y a très peu de négociation à faire.
    À l'inverse, si vous faites affaire avec un fournisseur unique, rien de cela n'est décidé et, en fait, l'effet de levier est détenu par le soumissionnaire. Vous avez dit que vous pensez qu'ils peuvent remplir les conditions. Vous n'avez pas lancé de concours, et vous ne pouvez pas en être certain, mais vous allez quand même leur confier le contrat. Les négociations peuvent prendre des mois, voire des années, pour finaliser un processus.
    Si vous lancez un processus, ça va. Lorsque j'étais là‑bas, en fait, j'ai fait passer le délai de 16 à 9 ans, parce qu'avec le vice-chef, nous avons dit aux hommes et aux femmes du ministère... deux ans pour préparer un énoncé des besoins opérationnels, deux ans pour en faire un contrat, puis cinq ans pour l'exécution.
    En fait, il est possible d'accélérer le processus en procédant intelligemment.
     Madame Mathyssen, il est étonnant de voir comment vous passez facilement de moins d'une minute à plus de deux.
    Je suis désolé, c'est ma faute.
    Non, c'est sa faute.
    Puisque nous avons pour 25 minutes de questions au prochain tour, mais que nous avons moins de 20 minutes pour les poser, la seule solution consiste à enlever une minute à tout le monde.
    Monsieur Kelly, vous avez quatre minutes.
    Monsieur Williams, vous avez entièrement raison de parler d'une responsabilité ministérielle exclusive, mais qu'en est‑il du premier ministre? Si le premier ministre ne s'intéresse pas aux marchés publics, cela risque de poser un problème. Y a‑t‑il des moyens structurels d'au moins atténuer ce problème? Permettez-moi de vous demander ce que vous pensez de l'idée d'un secrétariat de l'approvisionnement au sein du Bureau du Conseil privé?
    Cela relève du premier ministre. M. Perry l'a clairement dit. Si le premier ministre ne s'en soucie pas, rien de tout cela n'a d'importance. Le fait est que personne au Cabinet ne s'en est préoccupé, et c'est pourquoi cela ne se produit pas. Je dis dans mon livre qu'à moins qu'un premier ministre n'ordonne que cela se fasse, cela ne se fera pas.
    Franchement, je ne suis pas en faveur des comités et des secrétariats, car ils ne font que diluer la reddition de comptes. J'aime pouvoir dire: « Vous êtes responsable. Si cela ne fonctionne pas, vous en êtes responsable. Si c'est une réussite, tant mieux pour vous. » Chaque fois qu'il y a des chevauchements et des dédoublements, cela embrouille la reddition de comptes et retarde le processus.

  (0925)  

    Monsieur Perry, qu'en pensez-vous?
    Je pense qu'une structure mise en place au BCP permettrait d'essayer de cerner les problèmes à l'échelle du gouvernement, de mieux les coordonner et de les harmoniser avec les priorités du gouvernement, pour revenir à la question de savoir si c'est important ou non. S'il s'agit de la 84e priorité du gouvernement, il ne faut pas s'attendre à ce que tout se fasse si rapidement.
    Monsieur Perry, vous avez parlé des 4 milliards de dollars qui sont passés du programme « Protection, Sécurité, Engagement » aux crédits non dépensés. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé? Il y a eu le plan ministériel, il y a eu le budget des dépenses, et il y a maintenant cet argent qui n'a pas été dépensé. Quelles dépenses n'ont pas eu lieu? Quels sont les choses prévues dans la politique « Protection, Sécurité, Engagement » qui ne se sont pas concrétisées parce que cet argent est resté inutilisé?
    Il est difficile de désigner un projet en particulier, parce que nous ne rendons pas compte de ces données, simplement pour faire comprendre ce point, mais la majorité des projets sont en retard. Je pense que c'est assez largement réparti.
     Ce qu'il faut également considérer, c'est qu'à mon avis, cette dynamique... Il ne s'agit pas seulement des crédits non dépensés. Nous parlons de la différence entre ce qui était prévu pour 2017 et le manque de progrès. Les ministères ne demandent même pas d'argent dans le budget des dépenses. Ensuite, il y a les crédits non dépensés. La différence nette entre les dépenses prévues dans le cadre de la politique « Protection, Sécurité, Engagement » et ce qui est dépensé, selon les comptes publics, c'est ce dont je crois que le directeur parlementaire du budget et moi parlions en ce qui concerne cette différence de 4 milliards de dollars.
     Je m'attends à ce que la situation s'aggrave parce que, si vous consultez le profil des dépenses de la politique « Protection, Sécurité, Engagement », dont le DPB a fait rapport, vous constaterez que ce montant est censé monter en flèche au cours des prochaines années. Nous augmentons progressivement les sommes que nous dépensons, mais le montant qui devait être dépensé devait augmenter considérablement pour atteindre environ 11, 12 ou 13 milliards de dollars, alors que nous dépensons actuellement environ 6 milliards de dollars.
    Oh! Ne serait‑ce que pour la gouverne du Comité et notre rapport, y a‑t‑il quelques exemples importants qui vous préoccupent particulièrement en ce qui concerne les crédits non dépensés?
    Eh bien, ce sont ceux que M. Williams a mentionnés. La construction navale est en retard. Les avions de chasse sont en retard. La défense aérienne au sol... Je pourrais utiliser le reste des 20 minutes.
    Qu'en est‑il des contrats de service de la marine? Vous en avez parlé dans votre déclaration préliminaire. Vous avez parlé de compressions de 700 millions de dollars. Dans le temps qu'il nous reste, expliquez-nous quels sont les effets et quelles seront les conséquences des compressions à l'égard des contrats de service.
    Il vous reste 20 secondes, s'il vous plaît.
    Le ministère passe des marchés de services pour toutes sortes de choses pour lesquelles il n'a pas la capacité ou les compétences spécialisées nécessaires, comme du personnel pour fournir un soutien technique ou du personnel de base supplémentaire pour travailler sur des projets. Une chose à laquelle il faut réfléchir, et je le souligne depuis des années, c'est qu'il y a eu une augmentation marginale de quelques centaines de personnes dans l'effectif de l'approvisionnement et qu'on prévoyait dépenser trois ou quatre fois plus d'argent.
    Merci, monsieur Kelly.
    Monsieur Fisher, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être ici.
    Monsieur Perry, c'est toujours un plaisir de vous voir.
    Je m'intéresse aux processus d'approvisionnement dans d'autres pays. Je vais commencer par vous, monsieur Perry, parce que votre deuxième recommandation concernait les données sur les marchés publics en matière de défense. Comment les processus en vigueur dans d'autres pays, en particulier chez nos alliés de l'OTAN, influencent-ils la façon dont les capacités sont fournies aux forces armées du monde entier?
     Je dirais qu'en raison du manque de données, il est difficile de fournir une comparaison vraiment significative parce que les pays ont des approches qui leurs sont propres. Il est donc difficile d'étudier les différents systèmes pour déterminer quelles parties des processus sont les plus similaires afin de pouvoir vraiment juger quels sont les meilleurs sur tel ou tel plan. Vous pouvez examiner différents pays. Les Français ont une approche différente de celle du Royaume-Uni, mais il est difficile de faire des comparaisons exactes lorsque nous travaillons dans un vide d'information au Canada.
    N'avez-vous pas trouvé un pays qui fait un excellent travail que nous pourrions étudier?
    Je pense que vous pouvez examiner de nombreux exemples de choses où nous pourrions voir les avantages de certaines parties du processus, mais je pense que le point de départ devrait être, à mon avis, ce qui ne fonctionne pas ici, en plus du fait que tout est plus lent, mais c'est un phénomène assez généralisé.
    Monsieur Williams, vous avez été sous-ministre adjoint des matériels. J'imagine que le système a dû vous enrager pendant plusieurs années. Quels types d'obstacles avez-vous rencontrés lorsque vous étiez dans une position où vous pouviez influer sur le changement? Je suppose que vous avez dû être très frustré.

  (0930)  

    Je n'ai eu aucun obstacle. C'est pourquoi, franchement, nous n'avons pas laissé de fonds inutilisés pendant la période où j'étais là. C'est pourquoi nous avons réduit la durée du cycle de 40 %. J'ai eu la chance d'avoir des gens formidables qui travaillaient pour moi. J'ai eu la chance d'avoir d'excellents sous-ministres et ministres. J'ai eu la chance d'avoir des collègues sous-ministres adjoints qui partageaient mon instinct entrepreneurial, et ensemble, nous avons pu apporter des changements importants.
    Je me souviens que vers les trois derniers mois de l'année, nous avions une sorte de maison de courtage qui déplaçait l'argent d'une région à l'autre afin que nous puissions faire avancer des projets et ne pas laisser de fonds non dépensés. Nous avons établi des normes au ministère. Il n'était plus question de prendre un temps infini pour permettre aux militaires de préparer l'énoncé des besoins. Le vice-chef d'état-major a dit: « Deux ans, c'est tout ce que vous avez », et nous avons veillé à ce que ce soit respecté. Il est intéressant de noter que quelques années après mon départ, le ministère de la Défense nationale a fait sa propre étude qui a confirmé que non seulement nous avions atteint la cible que nous avions fixée, mais que cinq ans plus tard, les délais étaient plus longs que lorsque nous avions commencé. Les gens avec qui je travaillais avaient une vision commune et nous avons pu l'imposer dans le système.
    Monsieur Perry, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je voudrais simplement souligner qu'entre la période où M. Williams était en poste, et aujourd'hui, le niveau d'effectif de la dernière organisation où il a travaillé, au sein du Groupe des matériels, a seulement augmenté d'environ 350 personnes par rapport à l'époque où il était là. Je pense que lorsqu'il était en poste, nous nous efforcions de dépenser environ 2 milliards de dollars par année. Nous essayons maintenant de dépenser 12 milliards de dollars. Je suis donc d'accord pour ce qui est de l'expérience de l'époque, mais ce que nous demandons au personnel de faire est radicalement différent de ce que c'était il y a 20 ans.
    Si vous me le permettez, cela nous ramène au point que j'ai mentionné plus tôt. Si un gouvernement demande à l'armée de faire quelque chose, il devrait le financer, et si ce n'est pas possible, l'armée a l'obligation de dire: « C'est tout ce que nous pouvons faire. » Nous ne pouvons pas essayer de résoudre la quadrature du cercle. Ce que vous demandez aux militaires de faire doit être financé adéquatement. Si vous ne voulez pas donner plus d'argent, libre à vous, mais ne vous attendez pas à un résultat différent de la part des militaires.

[Français]

     Madame Normandin, vous avez la parole pour une minute.
    Je vais poursuivre dans le même sens.
    Monsieur Williams, vous avez parlé de l'importance de faire le calcul du coût du cycle de vie, mais on entend souvent dire — ce fut le cas cette semaine — que c'est généralement sous-estimé. Parce que l'armée veut obtenir quelque chose, on en va sous-estimer le coût. Les ministres, pour faire passer la pilule, vont en faire autant. Par la suite, les montants prévus seront dépassés, mais personne n'en sera responsable.
    Pour régler ce problème, ne faudrait-il pas aller dans l'autre sens? On pourrait dire ce qu'on veut et que cela va coûter plus cher, et être conservateur dans l'analyse.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi les membres du Comité demandent à des fonctionnaires de venir leur dire quel est le coût d'acquisition de quelque chose. Le coût d'acquisition représente environ 30 % du coût total du cycle de vie. Cela ne fait aucune différence. Il n'y a aucun intérêt à connaître le coût initial sans connaître le coût final. Il faut s'interroger sur le coût du cycle de vie complet. C'est la raison pour laquelle, lorsque j'étais là‑bas, si vous vous souvenez bien, lorsque nous passions des marchés importants, nous regroupions l'acquisition avec le soutien complet. Nous examinions le coût global du cycle de vie avant d'attribuer le contrat, au lieu de simplement passer la commande à l'entreprise qui avait peut-être le coût d'acquisition le plus bas, et de nous retrouver plus tard avec un énorme coût différentiel du cycle de vie.
    Il ne fait absolument aucun doute qu'il est fondamental de changer la façon dont on conçoit les affaires. C'est pourquoi, dans mes observations, je peux souligner que c'est très important. C'est seulement 30 ¢ sur chaque dollar. Examinez le coût global du cycle de vie et assurez-vous que tout est inclus.
     J'encourage mes collègues à faire de même. Ils semblent m'ignorer lorsqu'ils me posent des questions.
    Madame Mathyssen, vous avez 59 secondes.
    Monsieur Williams, lorsque vous avez parlé de l'édulcoration de la politique relative aux F‑35 pour ouvrir davantage le processus d'appel d'offres, il me semble... Peut-être pourriez-vous nous parler de ce que nous faisons actuellement en ce qui concerne les P‑8 et le remplacement des Aurora CP‑140, et nous préciser... Est‑ce que nous commettons la même erreur de façon différente?
    Peut-être que vous pourriez tous les deux répondre à cette question dans les deux secondes qu'il me reste.
    Ce n'est pas la même erreur. Le F‑35 est un programme unique qui ne respecte pas la politique des RIT. La politique des RIT dit essentiellement que si vous faites une offre, vous devez vous engager à garantir au Canada des retombées équivalant à la valeur du contrat. Le Programme d'avions de combat interarmées, comme vous le savez sans doute, est tout à fait à l'opposé. Aucun pays membre n'a la garantie d'obtenir du travail. Pour en obtenir, vous devez soumissionner avec succès. C'est particulier à ce programme.

  (0935)  

    Merci, madame Mathyssen et monsieur Williams.
    Monsieur Aboultaif, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    D'après ce que vous avez dit tous les deux, le problème peut être dû à trois choses. C'est le manque de budget, le manque d'organisation ou le manque de volonté de faire en sorte que l'approvisionnement du côté de la défense soit aussi fructueux que nous le souhaitons. De quel manque s'agit‑il?
    Ce sont les trois.
    De toute évidence, comme l'a dit M. Perry, il y a eu un manque de volonté politique pour apporter les changements organisationnels que vous voulez apporter. Il est clair qu'il n'y a pas de budget pour faire ce que le gouvernement dit qu'il faut faire. Il y a un manque de gens pour y arriver. Tous ces éléments contribuent au problème, et devraient être réglés tous les trois.
    Nous devrions nous contenter des solutions les plus faciles et essayer de résoudre ce problème. Nous savons que l'équipement lourd exige beaucoup de planification. Vous comptez sur des choses qui pourraient être livrées dans 10 ans.
    Où pouvons-nous commencer à nous améliorer? Je sais que nous ne produisons pas beaucoup de ces choses au Canada, et c'est pourquoi nous avons aussi le problème de l'externalisation.
    Bien sûr, mais ce n'est pas aussi compliqué que cela en a l'air. Toute pièce d'équipement que vous voulez... Ce n'est pas comme s'il y en avait 10 ou 15 dans le monde. Il y a habituellement deux ou trois camions ou deux ou trois navires. Ce n'est pas qu'il y en ait beaucoup. Nous perdons beaucoup de temps à essayer de canadianiser ce que nous achetons. Nous devrions chercher uniquement des actifs hautement développés. Nous ne l'avons pas fait pour les navires. Les navires que nous achetons ne sont pas développés. Les systèmes que nous mettons en place ne sont pas développés. Toutes ces choses augmentent le risque et le coût.
    Si, en fait, vous allez chercher le meilleur produit sur le marché, cela ne prend pas beaucoup de temps et d'efforts. Si nous ne dépensons pas des milliards de dollars pour essayer de les canadianiser, nous réduisons le risque d'intégration, et nous pouvons obtenir ce que nous voulons assez rapidement.
    Aujourd'hui, nous achetons essentiellement des logiciels. Nous achetons des logiciels dans des cadres différents; que ce soit un navire ou un camion, peu importe. Lorsque vous achetez quelque chose aujourd'hui, vous pouvez l'acheter rapidement et efficacement et faire en sorte que le cycle de vie envisage la mise à niveau du logiciel de façon rentable. C'est ce que nous devrions faire.
    Le système est suffisamment bureaucratique. J'ai aussi entendu dire qu'il nous faudrait peut-être trouver une autre organisation qui pourrait s'occuper de cela, une sorte de société privée ou de tierce partie. Je ne...
    Ce n'est pas ce que je disais.
    Je pose simplement la question. Est‑ce la solution?
    Non. Je pense que le ministre, le gouvernement, doit demeurer responsable de la défense. Je pense qu'un ministre devrait être tenu responsable de la défense. L'endroit où l'on place ce ministre, dans quelle organisation, doit faire l'objet d'un débat et d'une discussion, que ce soit SPAC, la Défense nationale ou une troisième organisation. Je ne préconise absolument pas l'externalisation de la responsabilité de la défense.
    C'est donc le gouvernement qui doit en assumer la responsabilité.
    Absolument, et le premier ministre.
    Il vous reste une minute.
    Nous savons que le système est suffisamment bureaucratique pour qu'il n'y ait pas de solution...
    Il y a une solution.
     Merci beaucoup. Je pense que vous nous avez beaucoup éclairés.
    Le système est très bureaucratique. Nous le savons. Je sais que c'est le résultat d'une longue période de service pour les employés du ministère.
     Soit dit en passant, j'ai eu l'occasion, dans une vie antérieure, de profiter du système d'approvisionnement, parce que j'avais l'habitude de soumissionner pour des projets avec le gouvernement du Canada. Je vois que le processus est plus compliqué que jamais, mais je ne sais pas pourquoi.
    Pourriez-vous nous expliquer cela?
    Il pourrait l'expliquer, mais il ne peut pas le faire en trois secondes.
     Merci, monsieur Aboultaif, de votre question.
    Madame O'Connell, vous avez les quatre dernières minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à vous deux d'être ici.
    Monsieur Perry, vous avez parlé des données sur l'approvisionnement. Pourriez-vous nous en dire davantage sur certaines de ces données? Comment voyez-vous cela?
    Mon collègue, M. Fisher, a posé une question au sujet des autres pays, mais que verriez-vous...? Notre comité doit faire des recommandations, alors pourriez-vous nous en dire plus sur les données que vous voudriez et ce à quoi cela pourrait ressembler?

  (0940)  

    Bien sûr. À titre d'exemple, il y a de nombreux « commanditaires des capacités » différents pour les projets. Dans l'ensemble de l'armée, de la marine, de l'aviation et de l'infrastructure de la Défense nationale, nous n'examinons pas systématiquement quels projets donnent de meilleurs résultats ou de moins bons résultats.
    Y en a‑t‑il qui réussissent mieux à franchir toutes les étapes? Si c'est le cas, pourquoi? Les gens qui travaillent dans cette organisation reçoivent-ils plus de formation? Ont-ils plus de personnel? C'est ce genre de choses.
     Vous pourriez également examiner d'autres parties de l'organisation. Les gens de la Défense nationale laissent généralement entendre que le processus des retombées industrielles et technologiques pose des problèmes pour leur approvisionnement. Je ne sais pas si cela se fonde sur des preuves.
     C'est bien beau de faire cette affirmation, mais si c'est un problème, quelle en est l'ampleur? Combien de jours sont perdus à cause de cela? Est‑ce pour tous les projets? Est‑ce seulement pour le transport aérien ou maritime?
    Ce genre d'information n'est pas systématiquement recueilli. Je pourrais continuer à donner toutes sortes d'autres exemples. Il serait utile d'avoir une meilleure compréhension pour examiner les occasions de tirer des leçons de ce qui fonctionne et de corriger les lacunes constatées.
    D'accord. Y a‑t‑il une comparaison, cependant?
    Après cette étude, notre comité devra formuler des recommandations. Le simple fait de préconiser « plus de données » pourrait ne pas nous amener là où vous le souhaitez. Y a‑t‑il une comparaison que nous puissions faire, même dans un autre secteur du gouvernement, pour pouvoir dire: « Produire des données d'une manière semblable à X, Y et Z »?
    Je reviens à un commentaire que j'ai fait plus tôt. La production de données n'est clairement pas la plus grande force de la fonction publique du Canada.
    Vous pourriez demander des rapports annuels de façon plus systématique. Revenir avec de l'information année après année.
    Comment le programme d'approvisionnement est‑il géré? Quels sont les 10, 20 ou 30 principaux dossiers? Le ministère pourrait‑il vous indiquer quels sont les 10, 20 ou 30 dossiers les plus importants?
    D'accord. Merci.
    Monsieur Williams, vous avez parlé d'un plan d'immobilisations pour le cycle de vie de chaque projet. J'aimerais approfondir la question.
     Dans ma vie antérieure en politique municipale... Ce n'est peut-être pas une analogie exacte pour l'approvisionnement en matière de défense. L'un des défis était... Supposons que nous avions besoin de faire asphalter une entrée publique ou un dépôt d'opérations. Nous recevions des offres nettement plus élevées qu'un particulier ou une entreprise cherchant à obtenir des offres pour des travaux d'asphaltage, par exemple.
    Quel est l'équilibre entre la transparence publique et le fait de permettre au marché d'influencer certaines de ces offres de sorte qu'elles ne soient pas plus élevée que la normale pour un projet ou un contrat donné?
     Je ne crois pas qu'il y ait de contradiction. Si vous faites un approvisionnement concurrentiel de façon appropriée, vous comparez une entreprise à l'autre. C'est ainsi que vous faites baisser les prix du marché. Ce n'est pas si compliqué. Faites cela et vous obtiendrez l'offre conforme la plus basse.
     Si vos conditions sont appropriées, ce sera une entreprise qui a de l'expérience et qui a prouvé qu'elle peut faire le travail. Vous saurez également, de façon ouverte, équitable et transparente, que vous utilisez bien l'argent des citoyens en ne faisant pas de dépenses excessives, parce que c'est ainsi que vous déterminez le marché...
     Ma question, cependant, était que cet équilibre a toujours été...
    Nous dépassons le temps prévu, ce qui est malheureux, parce que c'est une question importante.
    Malheureusement, je vais devoir mettre fin à cette discussion.
    J'ai particulièrement aimé la clarté de vos opinions, et mes collègues aussi, j'en suis sûr. Elles seront certainement intégrées dans notre analyse et notre étude.
     Je vous remercie tous les deux de votre présence et de votre contribution à l'industrie de la défense. Merci encore.
    Sur ce, chers collègues, nous allons suspendre la séance pour recevoir le prochain groupe de témoins.

  (0940)  


  (0950)  

    Nous reprenons nos travaux.
     Nous vous remercions de votre présence. Cela ressemble à un groupe de généraux à la retraite. Apparemment, ils sont maintenant libérés des entraves des confinements précédents et sont prêts à dire ce qu'ils pensent.
    Sur ce, nous avons le lieutenant-général à la retraite Andrew Leslie, que tout le monde ici connaît. Nous accueillons le brigadier-général à la retraite Gaston Côté par vidéoconférence et le lieutenant-général à la retraite Guy Thibault, ancien vice-chef d'état-major de la Défense.
     Nous n'avons pas besoin d'expliquer comment parler à un comité.
    Sur ce, et sans ordre particulier, lieutenant-général Leslie, vous disposez de cinq minutes, monsieur.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à parler de l'impact des processus d'approvisionnement du Canada sur les Forces canadiennes.
    En termes simples, son effet cumulatif sur la production des Forces armées canadiennes se situe entre « requiert une amélioration considérable » et « catastrophique ».
    Pour les petites choses et les articles relativement simples, le processus d'approvisionnement est lent, compliqué et extrêmement bureaucratique, mais il fonctionne, s'il y a suffisamment d'argent et de personnel pour le mener à bien. Pour les capacités majeures, le cœur des forces armées en termes d'équipement, comme les navires, les avions, les chars, les armes de l'armée, le processus d'acquisition actuel est défaillant et en état de crise.
    La productivité des forces armées peut être mesurée en fonction de leur degré de préparation à remplir les missions difficiles et dangereuses que nous leur confions, qu'il s'agisse de faire la guerre, de maintenir la paix, de dissuader ou d'intervenir sur le territoire national. Pour être prêtes, les forces ont besoin d'une politique gouvernementale appropriée. Elles ont besoin d'un financement adéquat. Elles ont besoin du personnel, de l'infrastructure, de l'équipement et de la formation appropriés. Tout cela s'appuie essentiellement, en l'occurrence, sur la politique « Protection, Sécurité, Engagement » de 2017 qui, soit dit en passant, se lit très bien, mais dont la quasi-totalité des nombreuses promesses et des nombreux objectifs n'ont pas été réalisés, et dont aucun de ses modèles financiers détaillés et rigoureusement élaborés ne s'est concrétisé.
    Nous venons d'entendre M. Perry et M. Williams. Nous savons tous maintenant qu'il y a une différence dramatique et énorme entre ce qui a été promis et ce qui a été livré aux forces, en termes de milliards de dollars qui auraient dû être dépensés pour l'équipement et la capacité, ce qui ne l'ont pas été.
    Même si le MDN obtient l'argent promis, il ne semble pas pouvoir le dépenser pour les grandes choses qui comptent vraiment. Le processus étouffe la capacité de faire avancer les choses. Soit dit en passant, les retards sont coûteux. Ils ont une incidence sur la hausse des coûts en raison de l'inflation ou de la fragilité de la chaîne d'approvisionnement. Voilà où nous en sommes: le prix du retard est le prix de l'échec. Le MDN n'arrive jamais à suivre le rythme des échecs du processus d'approvisionnement en matière de défense. Qu'est‑ce que cela signifie?
    Pour ce qui est de la défense au Canada, le NORAD est essentiellement sous-financé. Diverses grandes promesses ont été faites pendant des années, mais il y a un énorme déficit auquel nous aurions dû contribuer au cours de la dernière décennie. Notre Arctique n'est pas défendu. Il n'y a dans notre Arctique aucun type d'équipement majeur permanent qui soit canadien.
    Les interventions sur le territoire national en cas d'incendie et d'inondation sont de plus en plus nombreuses, mais les militaires n'ont pas l'équipement ou même les effectifs nécessaires pour intervenir adéquatement.
    À l'ONU, nous avions l'habitude de déployer des milliers de soldats dans le cadre de missions de maintien de la paix, que le Canada a d'ailleurs co‑inventées. À l'heure actuelle, selon les chiffres de l'ONU, nous avons 27 militaires déployés dans des missions de l'ONU, soit la moitié d'un autobus scolaire.
    Pour ce qui est de l'OTAN, nous étions censés envoyer un groupement tactique à court préavis s'il y avait lieu de le faire, ce qui est d'ailleurs le cas, — n'oublions pas ce que fait la Russie, ces atrocités en Ukraine. Il nous a fallu des mois pour envoyer quelques centaines de soldats. Nous sommes censés envoyer un groupe de brigade et le commander. Il n'est toujours pas parti.
    En ce qui concerne la paix et de la sécurité internationales, il y a du bon travail à faire dans la région indo-pacifique où la Chine exerce sa puissance. Nous ne l'avons pas encore fait. Nous envoyons plus de navires, et nous en aurons donc trois temporairement dans le secteur, ce qui est une énorme réalisation, mais ces navires sont extrêmement vétustes.
    Des milliards de dollars qui auraient dû être consacrés à l'infrastructure et aux installations de formation n'ont pas été dépensés. On les a laissés expirer ou disparaître.
    Pour ce qui est de l'équipement, la marine n'a toujours pas signé son nouveau contrat de navire de guerre. Des décennies se sont écoulées depuis. Nos sous-marins ont été construits dans les années 1980. Nos avions de patrouille maritime sont beaucoup plus vieux que l'équipage moyen. Il manque des nouvelles armes, comme des torpilles et des missiles.
    Dans l'armée, les nouveaux lance-roquettes ou lance-missiles, qui sont si bien utilisés par l'Ukraine, viennent d'autres pays pour tenter d'arrêter les Russes. Les nouveaux canons d'artillerie, les systèmes de défense aérienne à basse, moyenne et haute altitude, les véhicules de ravitaillement de l'armée de l'air, les nouveaux chasseurs... Des contrats ont été annoncés, mais je ne vois pas de chasseurs sur la piste.
    Je suppose que cela revient à dire qu'une annonce ne suffit pas. Il faut que ce soit fait.
    Quel est le résultat? Qu'est‑ce que cela signifie? À mon avis, notre système d'approvisionnement pour les grands projets d'investissement est un échec.

  (0955)  

    Je me ferai un plaisir de vous conseiller sur la façon de traiter de ces sujets lors de la période des questions.
    Je vous remercie de votre attention.
    Merci, général Leslie.
    Je vais maintenant donner la parole au général Thibault, parce que le général Côté a disparu.
    Général Thibault, c'est à vous.
    Bonjour, monsieur le président et distingués membres du Comité. Au nom de la Conférence des associations de la défense, je suis très heureux de contribuer aux discussions d'aujourd'hui sur l'approvisionnement en matière de défense et sur l'état de préparation des Forces armées canadiennes. Comme le président l'a mentionné, j'ai été vice-chef d'état-major de la défense. Je me ferai un plaisir de vous parler de mon expérience sur les questions du jour pendant la période de questions.

[Français]

     Votre comité étudie un sujet important, étant donné les tendances et les menaces inquiétantes que nous observons à l'échelle internationale. Nous espérons que votre travail contribuera à nourrir la réflexion du gouvernement sur l'actualisation de la politique de défense qui a été annoncée dans le budget de l'année dernière. Nous en attendons avec impatience les résultats.

[Traduction]

    Compte tenu de ce qui intéresse le Comité, le premier point dont je vais traiter s'impose de lui-même. S'agissant de l'état de préparation opérationnelle des militaires, on peut parler « d'action en l'état » consistant à combattre dans l'état où l'on se trouve. On ne peut rien ajouter à ce dont on dispose. Les Forces armées canadiennes vivent aujourd'hui avec les conséquences organisationnelles et l'état de préparation hérités des politiques passées du gouvernement du Canada et des jugements, décisions et processus politiques, militaires et bureaucratiques connexes, ce qui comprend les processus d'approvisionnement à cause desquels nos forces armées sont aujourd'hui mal adaptées au monde d'aujourd'hui. Cela comprend les vulnérabilités critiques, les défauts de capacité par rapport aux menaces traditionnelles ainsi que les menaces émergentes et les niveaux de disponibilité du personnel et du matériel dans les forces armées qui sont bien en deçà de ce qui est nécessaire pour exécuter et maintenir les missions militaires et atteindre les objectifs stratégiques que les gouvernements successifs nous ont fixés dans nos politiques de défense.
    La population canadienne peut être surprise de l'état de nos forces armées, mais elle ne le devrait pas. Comme les membres du comité permanent le savent peut-être, le 16 avril, soit il y a deux mois jour pour jour, notre organisation, la Conférence des associations de la défense, en collaboration avec l'Institut de la CAD, a piloté la rédaction et la publication d'une lettre ouverte signée par plus de 60 personnalités éminentes: anciens vice-premiers ministres, ministres des Affaires étrangères et ministres de la Défense — toutes allégeances politiques confondues —, conseillers en sécurité nationale et sous-ministres, anciens chefs d'état-major de la défense, diplomates et chefs d'entreprise. Dans cette lettre, les signataires ont souligné le fait qu'au Canada, les questions de sécurité nationale et de défense sont rarement traitées avec sérieux ou en tant que priorité, sauf en période de grand péril. La lettre invitait le gouvernement à agir de toute urgence, étant donné que nous sommes certainement face à un péril.
    Après des années d'austérité marquées par la réduction des dépenses, des effectifs et le report d'investissements, il n'est pas étonnant que les capacités de défense du Canada se soient atrophiées. Malgré des annonces très positives au sujet de la modernisation du NORAD, du remplacement des CF‑18 et de l'ajout d'excellentes capacités à nos inventaires au cours des dernières années, en réalité bon nombre de nos systèmes militaires sont désuets et technologiquement dépassés. De plus, nos forces sont terriblement inadéquates quant à leur taille, à la modernité des équipements en service, au maintien en puissance et aux infrastructures pour protéger notre territoire et nos approches maritimes. Nous ne réussissons pas non plus à contribuer de façon notable aux efforts de défense et de sécurité collectives de nos alliés et partenaires du NORAD et de l'OTAN ni à partager leur fardeau en la matière.
    Cependant, le piètre état de préparation de nos forces armées ne peut pas être entièrement attribué à l'approche du Canada en matière d'approvisionnement de défense. Compte tenu des changements rapides que nous observons dans nos sociétés, des progrès technologiques incroyables et perturbateurs, et de la montée des puissances révisionnistes autoritaires, le Canada n'est pas le seul pays à devoir adapter ses forces au monde instable, incertain et imprévisible dans lequel nous vivons. Cependant, nous semblons nous être enfoncés dans un trou beaucoup plus profond que bon nombre de nos alliés.
    Le gouvernement du Canada devrait‑il traiter les problèmes de disponibilité opérationnelle comme une crise et une urgence? Est‑ce une priorité du gouvernement et une priorité personnelle pour le premier ministre, la ministre de la Défense nationale et leurs collègues du Cabinet? Reconnaît‑on que nous ne pouvons pas nous permettre de continuer comme si de rien n'était?
    S'agissant des approvisionnements en matière de défense, il est malheureux que, comme d'habitude, les besoins militaires soient rarement le facteur le plus important ou le plus pertinent et ils peuvent même être une préoccupation secondaire, voire tertiaire, en regard d'autres objectifs stratégiques associés à des avantages économiques, régionaux ou sociétaux. Le maintien du statu quo revient à dire que la plupart des acquisitions, surtout les grandes capacités, seront très certainement retardées, qu'elles ne répondront plus aux exigences militaires établies à l'origine par les planificateurs militaires et qu'elles coûteront inévitablement plus cher qu'elles ne le devraient. Peu de gens diraient que nous en avons pour notre argent. Au bout du compte, quand nous dépensons plus que ce dont nous avons besoin sur le plan des capacités, cela laisse beaucoup moins d'argent pour d'autres besoins militaires importants.

  (1000)  

    On peut douter qu'un autre sujet de défense au Canada ait été examiné, étudié et débattu plus en profondeur que l'approvisionnement militaire. Malgré les engagements pris par les gouvernements au fil des ans pour rendre notre système plus efficace et efficient, il semble que, partant, on ne puisse guère espérer mieux qu'une démarche incrémentaliste.
    Un changement fondamental, si c'est ce que veut le gouvernement du Canada, ne se produira probablement pas sans trois conditions.
    Premièrement, il faudra avoir la volonté de réviser les politiques, les règlements et les procédures applicables pour distinguer clairement l'approvisionnement en matière de défense, l'approvisionnement militaire, y compris la capacité de personnel spécialisé, du reste de l'approvisionnement en services gouvernementaux.
    Deuxièmement, il faudra recadrer le calcul du risque au vu de l'aversion des bureaucrates et des politiques à assumer les risques associés à de nombreux achats de matériel de défense. Tous les achats comportent des risques financiers et politiques liés aux processus, aux programmes et technologies, mais les achats de défense sont fondamentalement associés à des risques pour la vie, la sécurité nationale, la santé et même la réussite des missions. On ne semble pas toujours accorder à ces achats l'importance qu'ils méritent.
    Enfin, comme on l'a déjà dit, l'approvisionnement est complexe à dessein et personne n'en est responsable, et il convient de régler ce problème.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, général.
    Je vois que le général Côté est de retour.
    Vous avez la parole pour cinq minutes, général.
    Merci, je suis [Difficultés techniques]
    Je pense, chers collègues, que tout le monde a une réaction pavlovienne à 10 h 45 le vendredi.
    Au lieu d'un tour de six minutes, nous allons faire un tour de cinq minutes, et nous verrons où cela nous mène.
    Le général est‑il de retour? Allons-nous réessayer?
    Général Côté.
    C'est comme le football canadien, vous [difficultés techniques].
    Nous allons devoir compter sur la passe du désespoir, général.
    Je pense que nous avons là une illustration du fonctionnement des marchés publics.
    Bon, passons à la série de questions et nous reviendrons au général Côté après le premier tour, si nous parvenons à rétablir la connexion.
    Sur ce, M. Kelly dispose de cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois dire, très brièvement, que je suis extrêmement déçu qu'on ait envisagé de rassembler ces cinq témoins dans un seul groupe pour deux heures de séance, avant de finalement les scinder en deux, ce qui nous a fait perdre six minutes pendant la transition. Nous devons faire mieux que cela, monsieur le président.
    Merci beaucoup de vos témoignages jusqu'ici, messieurs.
    Ma première question s'adresse au général Leslie.
    L'histoire, selon vous, nous a montré que deux personnes seulement comptent vraiment: le premier ministre et le ministre des Finances. Le premier ministre actuel et l'actuelle ministre des Finances s'intéressent-ils de près à la sécurité nationale et à l'amélioration des approvisionnements?

  (1005)  

    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre en me fondant sur ma propre expérience.
    Je ne vais pas vous parler de mon expérience de major-général nouvellement promu et envoyé en Afghanistan avec environ 3 000 soldats canadiens sous ses ordres. Je vais plutôt vous parler de la façon dont le système d'approvisionnement a fonctionné sous la direction de trois premiers ministres différents. Très franchement — et je vais vous révéler la morale de l'histoire —, c'était superbe, ce qui prouve que le système peut fonctionner quand tout le monde est suffisamment intéressé et focalisé.
    Pendant cette période, nous avons acheté de nouveaux canons, de nouveaux radars, de nouveaux équipements de combat nocturne, de nouveaux véhicules blindés à l'épreuve des mines, de nouveaux hélicoptères lourds, de nouveaux fusils pour tireurs d'élite, de nouveaux avions de transport gros porteurs, et j'en passe. Dans plusieurs cas, certains de ces systèmes, comme les nouveaux chars ont été achetés en un temps éclair, soit en moins de cinq ou six mois, et de nouveaux avions de transport lourd, les C‑17, l'ont été en six mois environ. Le système peut donc fonctionner.
    Qu'est‑ce qui était différent alors? Je ne sais pas, je vais simplement vous dire ce que j'ai vécu et ce que d'autres ont vécu. En tant que commandant de la force opérationnelle, j'étais appelé à faire les briefings du premier ministre Chrétien qui nous a assurés, par l'entremise de la chaîne de commandement en place, que le système répondrait comme il le devrait, et les directives données au greffier ont été répercutées jusqu'aux échelons inférieurs. Bien sûr, lors de ces briefings, j'étais en compagnie du ministre de la Défense nationale.
    En ma qualité de commandant de l'armée de terre à l'époque du gouvernement Martin, puis du gouvernement Harper, j'étais personnellement chargé des briefings au chef du gouvernement, en présence du chef d'état-major de la défense et du sous-ministre, ainsi que du ministre. Nous formions le groupe censé faire les points de situation.
    Le système fonctionnait parce qu'on rassemblait habituellement trois à quatre personnes clés dans la salle, soit le premier ministre, le ministre des Finances, le ministre de la Défense nationale et parfois le président du Conseil du Trésor.
    Le système fonctionne quand, même dans des circonstances désastreuses, on met l'accent sur les résultats réels ce qui, soit dit en passant, se fait déjà. Ce qui se passe en Ukraine revêt une importance stratégique énorme pour nous tous.
    Si l'on envisage le même genre de dédoublement des efforts et la même concentration poussée, on peut affirmer qu'il est possible de résoudre ce problème. Cela ne devrait pas être si difficile, mais notez bien l'exemple que j'ai donné quant aux personnes présentes lors des réunions.
     Dans le passé, c'était simplement une question de volonté. Vous avez dit qu'il y avait de la volonté sous ces trois premiers ministres et qu'il n'y en a pas actuellement. Est‑ce que cela expliquerait pourquoi des troupes sont déployées en Lettonie avec un équipement inadéquat, pourquoi nous ne pouvons pas moderniser le NORAD et pourquoi nous ne pouvons pas obtenir des choses?
    Je ne peux pas vraiment commenter ce qui se passe en ce moment. Je suis un peu loin du sujet, puisque j'ai quitté l'arène politique en 2019.
    Cela dit, je peux témoigner du fait que, lorsque le premier ministre s'intéresse de près à une question, quand il pose des questions très pointues après avoir été breffé en détail par ses collaborateurs sur l'état du programme d'approvisionnement de l'armée de terre ou du programme de déploiement des forces — en compagnie des ministres responsables de la capacité de production en défense —, le système répond superbement bien, non seulement dans le cas des militaires et des politiciens, mais aussi dans celui des fonctionnaires qui aiment que les choses avancent rapidement parce que des vies sont en jeu.
    Soit dit en passant, des vies sont effectivement en jeu.
    Utilisez le temps qu'il me reste. Quels sont les moyens précis de rendre l'approvisionnement efficace? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Le premier ministre, la ministre des Finances, la ministre de la Défense nationale et la présidente du Conseil du Trésor devraient être rassemblés dans cette salle pour cela.
    Il vous reste quelques secondes.
    Merci de votre témoignage.
    Y a‑t‑il une priorité en ce moment? Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la modernisation du NORAD. Vous avez parlé de l'Arctique. Vous avez parlé de notre capacité à participer aux déploiements de l'OTAN. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les priorités et autres sur ces plans?
    Vous devrez réserver cette réponse pour un autre tour.
    Je vois que le général Côté est de retour. Nous allons donner la parole à quelqu'un d'autre.
    Un député: Il doit nous raconter le reste de sa blague.
    Le président: D'accord. Dans tout le temps qu'il nous reste, vous devrez terminer votre blague avec cette allusion à la Ligue canadienne de football, après quoi vous aurez cinq minutes.
    Allez‑y, général Côté.

  (1010)  

    Bon, allons‑y pour trois essais et 10 verges...

[Français]

     Je suis le brigadier-général à la retraite Gaston Côté. Mon propos va peut-être différer de celui que vous avez entendu jusqu'à présent.
    J'ai beaucoup d'expérience sur le plan du processus d'approvisionnement des Forces canadiennes. J'aimerais donner deux exemples à ce sujet. Je continue d'avoir beaucoup d'interactions hebdomadaires en matière d'approvisionnement, surtout avec l'industrie de défense du Canada et particulièrement avec les États‑Unis. J'ai eu la chance d'avoir une place privilégiée, comme commandant des Forces spéciales, alors que nous avions un budget. Nous avions aussi un lien direct avec l'approvisionnement, de sorte que tous nos besoins ont pu être comblés. La véritable leçon à tirer de cet exemple, c'est que si le système d'approvisionnement est à l'écoute des besoins de l'opérateur, on va avoir un succès éclatant.
    D'autres choses ont été un peu moins glorieuses. Il y a plusieurs années, on m'a demandé d'examiner la possibilité de travailler pour une brigade mécanisée canadienne dans un environnement nordique. Comme vous le savez, la majorité de nos véhicules actuels sont des véhicules à roues. Il m'a fallu voir toute la science derrière la recherche en matière de défense du Canada et celle de l'industrie canadienne concernant la mobilité en milieu hivernal et dans l'Arctique. C'était intéressant de voir qu'il y avait une déconnexion assez profonde entre la science, les capacités de l'industrie canadienne, bien que toutes les industries civiles s'emploient activement à obtenir ce genre de véhicule, qui peut aller dans les milieux arctiques, et ce que nous avions sur le terrain. Si on devait déployer une brigade dans l'Arctique canadien, pour quelque raison que ce soit, on aurait des problèmes d'approvisionnement assez sérieux, puisqu'on n'a pas encore réellement la flotte de véhicules nécessaire pour opérer dans ce genre d'environnement.
    Je pense qu'on a souligné les délais incroyables de certains projets en lien avec l'équipement. Présentement, ce qui me tient particulièrement à cœur, c'est la protection du Nord canadien, alors qu'on assiste à une militarisation impressionnante de tout ce secteur. De plus, le passage du Nord‑Ouest est de plus en plus fréquenté, ce qui le rend vulnérable à tous les égards, que ce soit sur le plan d'une possible pollution ou de l'utilisation illégale de cette voie maritime. Malgré cela, il faut remonter à l'annonce faite en 1988 pour voir un bateau militaire canadien qui puisse opérer dans l'Arctique. Un tel navire nous a été donné en 2022. C'est réellement une longueur atroce pour un appareil vraiment nécessaire à la protection de la souveraineté du Canada dans un milieu aussi particulier que l'Arctique canadien.
    Présentement, un important changement est en train de se produire, soit le retour à la guerre conventionnelle, chose que nous avons oubliée depuis plusieurs générations, étant donné que nous étions surtout versés dans le maintien de la paix. Dernièrement, avec la situation en Afghanistan, nous sommes versés dans la contre-insurrection.
    Des leçons extrêmement importantes ressortent de tout cela et de tout ce qui se passe en Ukraine. Or on ne tient pas compte de ces leçons dans certains des programmes de la politique de défense.
    Je pense notamment à la capacité rapide de ciblage, qui est de plus en plus importante, à l'utilisation des drones, à tous les niveaux, et au tir de précision de longue portée. La majorité de notre artillerie est, en fait, une artillerie tractée. Présentement, les pièces d'artillerie efficaces sont des pièces d'artillerie mobiles qui peuvent tirer rapidement.
    Évidemment, la défense aérienne est vraiment un problème important pour quelque opération que ce soit, dans le cadre de l'OTAN, pour les Forces armées canadiennes. En fait, il y a eu peu de développement depuis l'abandon du programme ADATS.
    Enfin, je pense à des armes antichars utilisables sous toute température et en toute condition, comme le système Javelin. En tant que militaire, j'ai toujours utilisé le Carl Gustav, et ce, depuis mon entrée dans les Forces canadiennes. Ce système est toujours là, avec toutes ses qualités, mais aussi tous ses défauts.
    Il est quand même important de constater qu'il y a une importante perte de capacité dans ce domaine.

  (1015)  

[Traduction]

     Général Côté, pourriez-vous conclure, s’il vous plaît?
    C’est fait, monsieur.
    Merci.
    Nous reviendrons à vous lors de la période de questions.
    Nous allons passer à Mme Lambropoulos. C'est à vous pour cinq minutes, madame.
    Merci, monsieur le président.
    Je commencerai par remercier nos témoins d’être venus répondre à nos questions sur ce sujet très important.
    D'autres témoins, aujourd’hui et précédemment, nous ont parlé de la nécessité de réduire le nombre de ministères intervenant dans les processus d’approvisionnement en matière de défense, au motif que le système gagnerait en efficacité.
    Ma première question s’adresse à tous les témoins. Êtes-vous d’accord avec cette position?
    Ne pensez-vous pas qu’une refonte en profondeur pourrait occasionner des revers, étant donné que nous vivons une époque où il faut agir rapidement? L’Ukraine a besoin de nous, mais notre propre... Nous devrons bientôt prendre des décisions importantes.
     Selon vous, risquerions-nous un déboire conséquent? Pensez-vous possible de progresser sans en venir à confier tous les approvisionnements à un seul ministère?
    Merci de cette question, monsieur le président.
    Je pense que vous faites allusion à la question d’une agence d’acquisition du matériel de défense. On en parle depuis longtemps comme étant l’une des façons possibles de régler le problème que pose la multitude des ministères actuellement chargés de l’approvisionnement dans le domaine de la défense.
    Fort de mon expérience de vice-chef d'état-major, je dirais qu’au niveau des fonctionnaires, les gens travaillent fort bien pour protéger leurs intérêts en matière d’approvisionnement militaire, que l'on songe à l’industrie, au secteur de l’approvisionnement ou aux équipes en matière de défense. La machine qui permet de faire bouger les choses est très lourde, et bon nombre des acteurs sont à temps partiel. Même à la Défense nationale, le sous-ministre et le ministre de la Défense nationale sont de gros joueurs, mais ils ont de gros portefeuilles et bien d’autres choses à faire.
    Pendant la transition entre le gouvernement conservateur et le gouvernement libéral, quand j’étais vice-chef d'état-major, j’ai vu défiler quatre ministres de la Défense nationale. Il suffit d'avoir tenté d'amener un seul ministre à comprendre les enjeux de l'heure et la façon de faire avancer les choses pour avoir une idée de la complexité de la situation actuelle.
     Le fait que l’approvisionnement en matière de défense ne soit pas centralisé pose problème. Comme le général Leslie l’a laissé entendre, il est bon de se focaliser sur des solutions en période de crise, mais même en l'absence de crise, le système ne fonctionne absolument pas, parce que je pense que les gens sont dispersés dans leur travail.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je suis tout à fait d’accord avec notre cher général.
    Vous avez un peu parlé de votre séjour en Afghanistan. Vous y avez fait allusion dans votre témoignage. J’aimerais que vous traitiez un peu des leçons que vous avez tirées. Vous en avez parlé avec mon collègue.
    Avez-vous des conseils à nous donner en ce qui concerne les approvisionnements? Pouvez-vous nous donner un exemple précis, disons, du processus qui aurait pu être suivi ou de ce que vous avez ressenti sur le terrain?
    Les divers gouvernements, à différents moments, subissent des pressions différentes et se concentrent sur l’éventail des activités envisageables à leurs yeux ou sur ce qu’ils peuvent faire. Combien de temps leur reste-t‑il?
    Au fur et à mesure que la défense monte dans la liste des priorités, ce qui est normal dans les circonstances avec la Russie, la Chine et une foule d’autres questions dont nous devons nous occuper en termes de dissuasion ou de capacité opérationnelle... Il y a lieu que cette priorité soit beaucoup plus élevée que par le passé, non seulement pour ce gouvernement, mais pour les gouvernements futurs.
    En Afghanistan, la chaîne de commandement a communiqué avec moi pour me dire que deux premiers ministres, M. Martin et M. Harper, voulaient savoir où en étaient les listes de matériel de défense et s’il pouvait aider d'une façon ou d'une autre. C'est ce genre de chose qui stimule le système en place. Les premiers ministres en question ne m'en ont pas parlé directement, et je l'ai appris par l'entremise de la chaîne de commandement opérationnelle et du ministre. Les formes ont été respectées, mais tout de même, ce fut un signal fort pour tout le monde.
    Il serait fantastique de retrouver aujourd'hui ce genre d'énergie et d'enthousiasme face à la nécessité de doter nos troupes des équipements susceptibles de leur permettre de remplir leurs missions sans courir à une mort certaine. Très franchement, je dirais que c’est ce dont nous avons maintenant besoin, parce que la crise est là.

  (1020)  

     Il vous reste une quinzaine de secondes.
    Je vais vous poser une question à laquelle vous pourrez peut-être répondre plus tard.
    À l’heure actuelle, l’Ukraine a besoin de beaucoup de soutien en ce qui concerne l’équipement et les armes, et le monde doit s'unir pour être en mesure de l’appuyer, mais des témoins nous ont dit, dans le cadre d’études antérieures, qu’il pourrait y avoir un manque à un moment donné parce que la production n’est tout simplement pas assez rapide. Nous devons travailler de concert avec nos partenaires pour y arriver.
    Selon vous, quel rôle le Canada peut et doit‑il jouer à cet égard?
    Malheureusement, nous devrons revenir plus tard pour entendre la réponse à cette question et je vous présente pour cela l'excuse hypocrite du chronomètre qui avance implacablement. Ce n’est pas une excuse très sincère, mais c’est comme cela.
    Madame Normandin, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins de leur présence. Nous sommes heureux de les avoir parmi nous.
    Je vais poser une question au lieutenant-général Thibault, mais j'invite les deux autres témoins à y répondre également.
    Quand on choisit le matériel qu'on acquiert, cherche-t-on à remplir trop de critères à la fois? Par exemple, faut-il répondre aux besoins des militaires, envisager les retombées industrielles et technologiques et tenir compte de beaucoup d'autres spécifications?
    Ultimement, vouloir que le matériel réponde à si grand nombre de critères peut faire en sorte qu'il ne réponde vraiment bien à aucun d'entre eux. Ce genre de situation existe-t-il présentement dans le cadre des acquisitions?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pense que c'est un très bon point, et la réponse est « oui ». J'ai souvent entendu dire que, quand il s'agit d'établir les besoins militaires, les militaires visent une capacité précise. Pour ce faire, ils orientent un peu les spécifications et les besoins opérationnels, ce sur quoi je ne suis pas d'accord. Il faut ajouter à ces besoins non seulement les autres dimensions des politiques qui exigent des investissements régionaux, mais on cherche aussi un retour de valeur. On ajoute certains aspects qui n'ont rien à voir avec les besoins militaires des Forces armées canadiennes quand elles se préparent pour des missions.
    À mon avis, c'est un problème. Cela cause non seulement des retards, mais les choix qu'on fait et l'argent qu'on dépense n'apportent rien aux forces armées. Comme je l'ai dit plus tôt, la réponse est « oui ».
    Merci.
    À ce sujet, le brigadier-général Côté a mentionné que, lorsqu'il y avait une demande de matériel pour les forces spéciales, ça se faisait rapidement et c'était lié aux besoins des forces armées.
    En ce qui concerne les forces régulières, existe-t-il une boucle de rétroaction suffisamment efficace pour juger de la qualité du matériel reçu? Cela correspond-il vraiment aux besoins des forces armées? Y a-t-il encore beaucoup de travail à faire à cet égard? Comment peut-on corriger le tir?
    Je vous invite à répondre.
    Le brigadier-général Gaston Côté voudrait-il répondre?
    Il existe un système. Si cela ne répond pas aux besoins, il y a tout un système de retour d'information pour corriger les lacunes décelées dans l'utilisation de l'équipement sur le plan opérationnel.
    La réaction est-elle rapide lorsqu'on soumet ces rapports? Pas toujours, car on analyse évidemment toujours en profondeur l'information fournie par l'opérateur pour déterminer s'il y a une autre solution ou une autre pièce qui pourrait être utilisée. Il faut déterminer si la pièce respectait vraiment les normes lorsqu'on a établi le contrat. Toutes ces possibilités existent dans le système d'approvisionnement.
    Je me rappelle qu'à un moment donné, j'ai été celui qui avait présenté le plus grand nombre de rapports d'équipement non satisfaisant dans toute l'armée de terre. Il faut vraiment éduquer tout le monde, dans toutes les organisations, à l'importance de rédiger ces rapports. Le problème, c'est que s'il y a des délais entre la soumission du rapport et la correction, on se retrouve avec un problème de crédibilité interne qui laisse entendre que le système ne fonctionne pas comme il le devrait.

  (1025)  

    Merci beaucoup.
    Nous avons entendu plusieurs témoins nous parler de l'aversion au risque dans le cadre d'acquisitions par les forces armées. On veut tellement s'assurer de faire le bon choix que cela prend beaucoup trop de temps. Ultimement, on se retrouve avec un produit inadéquat.
    Devrait-on plus souvent courir le risque que cela ne fonctionne pas, quitte à ce que ce soit effectivement le cas une fois de temps en temps? Au moins, on aurait été rapide et souple à l'étape de l'acquisition.
     Je vous remercie de votre question, madame.

[Traduction]

     Je suis d'avis qu'il a fallu tellement longtemps pour améliorer le système, pour affiner les critères de choix des équipements, que nous avons pris du retard. Nous avons pris tellement de retard que nous nous retrouvons en crise. Ainsi, pour ce qui est du classement des besoins ou des critères, des décisions difficiles, des décisions fermes et impitoyables devront être prises.
    Un ancien premier ministre avait suggéré de rendre publique une liste de 20 à 30 des principaux programmes, avec des dates générales. Cela ne s'est pas fait. La liste n’a pas été rendue publique, mais le premier ministre en avait une et, comme je l’ai dit, les acteurs du système ont ressenti un frisson quand il a demandé pourquoi les choses avaient été retardées.
    Pour ce qui est de l'exemple précis des forces spéciales, qui sont donc spéciales par définition, par leur aptitude et leur instruction, celles‑ci sont relativement peu nombreuses, ce qui leur permet d’être beaucoup plus souples et plus rapides dans leurs interventions.
    Malheureusement...
    Je vais m’arrêter ici.
    J'ai grand plaisir à interrompre un ancien collègue.
    Madame Mathyssen, vous avez cinq minutes.
    Il ne cache jamais sa joie quand il fait cela.
     Général Leslie, vous venez de dire que les forces spéciales sont plus petites par nature, et il semble qu’elles obtiennent ce dont elles ont besoin pour cette raison. Cependant, j’ai souvent entendu dire, parce qu’il y a moins de femmes qui servent au sein de l’armée, qu’il est plus difficile de se procurer de l’équipement uniquement sur la base des besoins exprimés, ce qui semble contredire ce qui vient d’être dit. Pouvez-vous nous expliquer cela et ce qui se fait pour que la situation des femmes, en particulier, s'améliore?
    Absolument, et je suis désolé. Je ne voulais pas laisser entendre que les forces spéciales obtiennent tout ce dont elles ont besoin. C’est que tout simplement, elles achètent de plus petites quantités que l’armée, la marine ou l’aviation en raison de leurs effectifs moindre.
    L’égalité entre les sexes au sein des Forces canadiennes est un vieux problème en ce qui concerne l’achat d'un matériel adapté. On me dit qu'on a commencé à corriger la situation, mais le travail est loin d’être terminé et il y a lieu de poursuivre sur la lancée avec le même enthousiasme.
     Vous avez mentionné le maintien de la paix et le fait que nous nous sommes détournés de cet effort.
     Pouvez-vous tous nous parler des conséquences à long terme des décisions du gouvernement à cet égard?
    Je vous répondrai ainsi. Si nous examinons la situation sous l’angle de la présence du Canada dans le monde — qu’il s’agisse d'opérations de maintien de la paix, de notre intervention en matière d’aide humanitaire, des secours en cas de catastrophe, de nos engagements actuels dans des endroits comme le Koweït ou de ce que nous faisons évidemment en Ukraine ou en appui de ce pays, y compris de la formation de soldats ukrainiens au combat — la question est de savoir si ce que nous faisons est important pour le Canada? Pour ce qui est de notre intérêt national, les Nations unies sont-elles importantes, oui ou non?
    Le Canada est une puissance moyenne qui compte sur la coopération internationale notamment en matière de sécurité pour bénéficier de la qualité de vie dont nous jouissons ici. Je pense que, comme nous ne présidons pas aux destinées des Nations unies, nous n'avons pas voix au chapitre et nous ne sommes pas pertinents. Je pense que c’est ce qui nous préoccupe, en grande partie, non seulement en ce qui concerne les Nations unies, mais aussi en tant que membre fondateur de l’OTAN, car le Canada n’intervient pas vraiment comme on pourrait s’y attendre et pas nécessairement en partageant le fardeau collectif de l'Organisation, comme il le devrait. Cela s'applique, je crois, au contexte international caractéristique des Nations unies. On le voit, le Canada n’est pas de retour aux commandes des Nations unies.

  (1030)  

    Beaucoup de Canadiens croient que nous avons des centaines, voire des milliers de Casques bleus qui travaillent fort, et ils sont surpris quand on leur dit qu’ils sont actuellement 27. C’est souvent l’excuse — non pas l’excuse, mais la réfutation — en réponse à certains arguments que font valoir divers intervenants quant à la nécessité de mettre davantage l’accent sur l’acquisition d’équipement et l'amélioration des capacités dans les forces. On leur rétorque qu'on ne le fait pas parce que nous sommes des gardiens de la paix. En fait, ce n'est pas vrai. Vingt-sept soldats ne font plus du Canada — ce pays béni dont l'économie pèse plus de 2 billions de dollars et qui compte 38 millions d'habitants — un pays voué au maintien de la paix.
    On a beaucoup parlé du fait que nous manquons de données, que nous n'avons pas de statistiques sur l’approvisionnement. Nous avons entendu cela à maintes reprises, même à propos du recrutement dans les différents emplois des forces armées qui ne fait l'objet d'aucun suivi. Même chose pour les besoins en santé, et tout cela au détriment des soldats et de ceux qui les soutiennent. Pouvez-vous nous parler de la collecte de données qui, comme l’ont dit les témoins précédents, est importante? Ma question s’adresse à vous tous, s’il me reste encore du temps.
     Soyez brefs dans vos réponses, s’il vous plaît.
    Face à des chiffres qui sont mauvais, la réaction instinctive consiste à ne pas être aussi transparent que le grand public pourrait l’espérer. La majorité des chiffres concernant l’acquisition d’équipement et le bon emploi des ressources humaines ne sont pas bons en ce moment. Ils montrent plutôt que nous sommes au bord de l’abîme. Comme il faudrait apporter des améliorations spectaculaires, les responsables sont amenés à se montrer moins transparents qu’il le faudrait.
    Vous avez épuisé votre temps.
    Chers collègues, c’est vendredi. La période des questions commence à 11 heures, et je sais que beaucoup de députés souhaitent terminer à 11 heures moins le quart, mais nous avons la salle jusqu’à 11 heures moins cinq. Allons-nous faire un tour de 20 ou de 10 minutes?
    Un tour de 10 minutes? D’accord.
    Monsieur le président, nous ne pouvons pas nous mettre en retard. Nous devons aller à la période des questions.
    Je sais. Il y a une sorte de réaction pavlovienne pour arriver à la période des questions.
    Sur ce, nous allons terminer sur des questions de deux minutes, et la première sera posée par Mme Gallant.
    J'ai deux questions, d'abord pour le général Leslie, puis pour le général Thibault.
    Général Leslie, en quoi le Canada diffère‑t‑il des États-Unis en ce qui concerne les pratiques d'approvisionnement, puisque nous n'avons pas de politique de défense harmonisée?
    Général Thibault, comment pouvons-nous, dans l'arène politique soumise au cycle des élections, réaliser des achats majeurs comme des hélicoptères et des avions de chasse, tandis qu'il faut faire un choix entre acheter des chasseurs ou régler les questions courantes? Nous devons sortir la dimension politique du raisonnement pour faire les acquisitions nécessaires quand le moment viendra.
    Dans le système américain — et les États-Unis sont peut-être le membre de l'OTAN qui, pour des raisons évidentes, prend le plus sa sécurité au sérieux — le comité des chefs d'état-major, soit les commandants de la Marine, de l'Armée, de la Force aérienne, du Corps des Marines, en plus de celui de la Garde côtière, disposent tous d'équipes chargées des acquisitions sous le commandement d'officiers militaires. Ils ne passent pas par le même labyrinthe d'approbations requises typique du système canadien où tout le monde doit approuver chaque demande d'acquisition. Cela prend du temps, beaucoup de temps.
    On peut dire que le système américain est beaucoup plus rapide et efficace que le nôtre, avec un rendement supérieur, compte tenu de la taille des forces américaines et des sommes actuellement disponibles pour les programmes.

  (1035)  

    Comment évacuer la dimension politique de l'équation, quand on parle de capacités majeures?
    Je dirais que, s'agissant d'expliquer aux Canadiens pourquoi un pays comme le Canada a besoin d’avions de chasse et d’une armée, nous devrions collectivement — tant à l'échelon politique qu'à l'échelon bureaucratique — réfléchir à la façon de nous y prendre. On peut finir par dire: « Eh bien, nous n'avons pas vraiment besoin de tel ou tel genre de capacités », ce n'est pas une position éclairée. C'est une sorte d’énoncé politique qui ne repose sur aucune compréhension réelle des besoins.
    Il faut commencer par déterminer quelles sont les menaces qui pèsent sur le Canada, tant au pays qu’à l'étranger, et se demander pourquoi tout cela est important. Je pense que nous pourrions tous, collectivement, mieux expliquer cela aux Canadiens et à nos élus.
    Monsieur May, vous avez deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Général Côté, en une minute ou à peu près, pouvez-vous nous donner des exemples de situations où l'approvisionnement s'est bien déroulé ainsi que des pratiques exemplaires que nous avons apprises et que nous pourrions appliquer aux approvisionnements futurs?
    Pour vous donner quelques exemples de mon expérience dans les forces spéciales, je dirais que nous avons évidemment communiqué directement avec le gestionnaire de programme ou le gestionnaire de l'article recherché, et nous avons clairement énoncé nos exigences.
    Il y a toujours beaucoup de travail à faire quand on parle d'approvisionnement. Par ailleurs, il faut être en liaison étroite avec le système de façon que les exigences soient comprises.
    D'un autre côté, pour revenir à l'Afghanistan, nous devions acheter des hélicoptères CH‑46 Chinook pour sauver des vies et réduire le nombre de convois sur les routes. Cela a très bien fonctionné, sauf qu'à l’époque, les hélicoptères Chinook étaient très en demande dans le monde entier, si bien que nous avons dû essentiellement acheter des hélicoptères usagés.
    Merci.
     J'ai devant moi trois généraux incroyablement expérimentés, et nous avons beaucoup entendu parler de listes et de priorités.
    Général Côté, quelle devrait être la priorité du gouvernement en matière d'approvisionnement?
     À court terme, il y a tout ce qui concerne la situation en Ukraine, et qui a été énoncé en tant que priorité.
    Deuxièmement, tout ce qui concerne le Nord est probablement prioritaire sur le plan de l'aide à débloquer. Il y a aussi le dossier des navires océaniques et, maintenant, des navires aptes à naviguer dans les glaces pour des opérations dans l'Arctique. Mais nous devons certainement mieux comprendre ce que cela implique pour les opérations militaires dans cet environnement.
    Général Leslie, quelle est votre principale priorité?
    Général Leslie, nous allons devoir encore une fois vous revenir plus tard.
    Chers collègues, je fais appel à votre coopération.
    Madame Normandin, vous avez une minute.

[Français]

     Je reviens à l'aversion au risque. Devrait-on prendre les décisions plus rapidement, quitte à ce qu'elles ne soient pas parfaites? Cela éviterait de choisir du matériel qui, même s'il est de la prochaine génération au moment de l'analyse, ne le ne sera plus au moment de son acquisition à cause du temps qu'on aura pris pour cette analyse.
    Devrait-être faire les choses plus rapidement, quitte à faire des erreurs parfois?
    Merci. Je suis content que vous reveniez à la question du risque.

[Traduction]

    Pour ce qui est de notre aversion au risque que l'on constate dans tout le système actuel, je dirais que nous faisons des économies de bouts de chandelle, en grande partie pour essayer de réduire les risques tout en menant les programmes à terme. Les calculs comptables sur le long terme pour essayer d'établir les coûts au dollar près, tandis que l'on parle de plusieurs centaines de millions de dollars, sont un exemple de l’aversion au risque qui a été intégrée au système.
    Je dirais qu'à l'heure actuelle, le risque opérationnel doit l'emporter sur le reste des risques que nous essayons de gérer dans le cadre de ces acquisitions de défense. Comme le général Côté vient de le dire, s'agissant des risques auxquels étaient exposés les hommes et les femmes des Forces canadiennes en Afghanistan, il fallait absolument passer du transport routier au transport aérien par Chinook.
    Il y a beaucoup d'autres exemples où les risques militaires opérationnels sont traités de façon secondaire par rapport aux risques liés à la gestion des programmes ou à la bureaucratie. Cela doit changer.
    Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute.
    Il nous reste peu de temps, mais lors d'une réunion précédente, on nous a clairement dit — et ce n'était pas la première fois — que sans des autorisations de sécurité supérieures et plus précises, les membres du Comité n'étaient pas habilités à examiner les grandes questions sur lesquelles ils devaient se pencher. Êtes-vous d’accord?
    L'ancien député que je suis vous donne entièrement raison. Je crois que vous devriez avoir les habilitations de sécurité nécessaires, au niveau que vous jugez approprié au vu d'un ensemble de contraintes logiques, pour avoir accès à l'information dont vous avez besoin pour faire des choix éclairés.

  (1040)  

    Général Thibault, allez‑y.
    Je suis tout à fait d'accord. Évidemment, dans le cas d'audiences publiques, c'est une chose, parce qu'il faut évidemment tenir compte du fait que beaucoup de questions de sécurité nationale très importantes ne doivent pas être communiquées publiquement. Toutefois, pour que les parlementaires puissent faire leur travail, comme au sein du comité chargé des questions de sécurité nationale, il est absolument essentiel qu'ils en sachent le plus possible sur les questions qu'ils examinent.
    Cela nous ramène à la question de tout à l'heure, à savoir comment cesser de jouer à la politique sur ces questions. Si nous comprenions mieux ce qui est réellement à risque, quelles sont les menaces, les raisons pour lesquelles ces programmes sont importants, je pense que cela nous aiderait beaucoup à ne pas transformer ces questions en enjeux politiques.
    Merci, madame Mathyssen.
    Monsieur Bezan, vous avez deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos trois témoins d'avoir servi le Canada. C'est formidable d'avoir les trois généraux devant nous et de participer à cette importante étude.
    Général Thibault, vous avez parlé de la nécessité de prendre plus de risques. En ce qui concerne les processus et les procédures, le Conseil du Trésor ajoute‑t‑il un plus ou fait‑il plutôt partie des problèmes auxquels nous faisons face dans le domaine de l'approvisionnement?
    Général Leslie et général Thibault, pourriez-vous nous parler de la rationalisation des processus d'approvisionnement? Celle‑ci pourrait-elle se faire par l’entremise de la Défense nationale?
    Général Thibault, en tant qu'ancien vice-chef d'état-major de la Défense, vous avez eu votre mot à dire dans les projets d'acquisition. À l'heure actuelle, le plafond des dépenses fixé par le Conseil du Trésor dans le cas de la Défense nationale est d'environ 50 millions de dollars. Ne devrait‑il pas être plus élevé ou devrait‑il tout simplement relever d’un ministre qui, au sein de la Défense nationale, serait responsable des aspects financiers?
    Allez‑y, mais il vous reste environ une minute.
    Je peux peut-être commencer à répondre rapidement.
    Pour ce qui est du risque, quand le gouvernement est arrivé aux manettes et qu'il a parlé de résultologie et de l'idée voulant que les ministres s’occupent de leurs ministères et réfléchissent un peu à la possibilité de réformer le champ des approvisionnements en matière de défense, je crois que nous nous sommes tous sentis enthousiasmés par cette perspective. En fait, en fonction du risque, c'est‑à‑dire dans le cas de programmes ne présentant pas de risque — que ce soit quant à leur complexité, à leur échéancier ou aux sommes dépensées —, il est clair que la délégation des responsabilités s'impose. Il ne serait alors pas nécessaire d'ajouter des paliers administratifs pour faire avancer ces programmes. Ce qui m'a déçu, c'est qu'il a fallu 10 ans pour commencer à donner plus de pouvoirs au ministre de la Défense nationale. Tout a commencé en 2010, quand nous avons dit que le ministre devait avoir plus de pouvoirs délégués, et il a fallu 10 ans pour que des responsabilités de base lui soient confiées dans certains cas, mais pour des programmes à faible risque.
    Si nous voulons accélérer les choses, je dirais qu'il faudrait commencer par calculer les risques. Malheureusement, même quand il y a eu délégation de pouvoir, le Conseil du Trésor a encore voix au chapitre. Je pense que c'est un problème.
     Merci, monsieur Bezan.
    Monsieur Fisher, vous avez les deux dernières minutes.
    Non, ce n'est pas moi.
    Monsieur May, alors, à vous les deux dernières minutes.
    Pour revenir à vous, monsieur Leslie, quelle est la priorité absolue en matière d'approvisionnement pour le Canada?
    J'ai un point de vue personnel, mais je ne crois pas qu'il serait constructif que je me prononce à propos de ce qui se passe dans les quelque 100 à 200 grandes sociétés d’État actuelles. Cependant, si nous demandions au Cabinet du premier ministre de nous citer les 30 projets les plus importants à mener à terme — ce qui sous-entend, bien sûr, que ces projets auraient été examinés par les divers ministres s'occupant actuellement de l'approvisionnement en matière de défense — et qu'il s'agisse de contrats devant être signés d'ici la fin de l'année, vous trouveriez cela trop rapide.
    Revenons à l'exemple de l'Afghanistan. On a toujours amplement de temps pour échelonner les projets dans le temps. Les 30 premiers peuvent être menés à terme dans l'année. Ceux de la deuxième tranche de x peuvent l'être l'année suivante. Viendront ensuite ceux qui arriveront à maturité beaucoup plus tard. C'est ainsi qu'on obtient l'adhésion des gens.
    Général Thibault, s'il vous plait.
    Je dirais qu'il faut fixer les priorités en fonction du court, du moyen et du long terme. Quand nous avons des forces au front — et nous en avons actuellement dans des pays comme la Lettonie —, nous devons nous assurer que les hommes et les femmes en service disposent de ce dont ils ont besoin.
    Pour régler les problèmes chez nous à moyen terme, nous devons avoir les moyens de défendre le Canada dans le Nord, dans l'Arctique et dans ses approches. Nos moyens laissent beaucoup à désirer. Bien que la modernisation du NORAD fasse partie des priorités qui ont été annoncées, il ne s'agit pas d'un examen complet de tout ce que nous devrions faire dans le sous-sol, en surface et dans les approches maritimes. Je pense qu'il faut généralement s'occuper de la situation chez nous.
    Si je devais choisir une troisième priorité, à long terme, elle concernerait les sous-marins. Nous devons réfléchir sérieusement aux raisons pour lesquelles nous ne sommes pas dans le club des puissances sous-marines. Je pense qu'il faut en faire une priorité à long terme.

  (1045)  

    Merci, monsieur May.
    Nous sommes malheureusement arrivés à la fin. J'insiste sur le mot « malheureusement », parce que je suis d'accord avec M. Kelly: vous êtes tous les trois des témoins extrêmement précieux pour cette étude.
     Je vais inviter le greffier et mes collègues à réfléchir à la façon de faire revenir ces témoins, d'une façon ou d'une autre, et à inscrire cela à notre ordre du jour de mardi.
    Sur ce, je dois malheureusement lever la séance. Je vous souhaite à tous une bonne fin de semaine.
    Merci encore au nom du Comité.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU