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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mars 2022

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Je salue tous les membres.
     Je vous souhaite la bienvenue à la 24e séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée en comité le 12 janvier 2022, le Comité se réunit pour discuter de l'inflation dans l'économie canadienne actuelle.
    La séance d'aujourd'hui a lieu dans un format hybride conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Certains membres participent en présentiel dans la salle, et d'autres le font à distance à l'aide de l'application Zoom. Nos délibérations pourront être visionnées sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle et non l'ensemble du Comité.
    La séance d'aujourd'hui se déroule également dans le format webinaire. Les webinaires sont utilisés pour les séances publiques des comités et ne sont accessibles qu'aux députés, à leur personnel et aux témoins. Les membres se connectent immédiatement en tant que participants actifs. Toutes les fonctionnalités des participants actifs demeurent les mêmes. Le personnel a le statut de participant non actif et pourra donc voir la séance uniquement en mode galerie.
     Je rappelle à tous les participants qu'il est interdit de prendre des captures et des photographies d'écran durant la séance.
     Compte tenu de la pandémie qui perdure et conformément aux recommandations émises par les autorités sanitaires et à la directive du Bureau de régie interne publiée le 19 octobre 2021 pour nous aider à rester en santé et en sécurité, tous les participants présents dans la salle doivent maintenir entre eux une distance de deux mètres et porter un masque non médical lorsqu'ils se déplacent dans la pièce. Il est fortement recommandé de porter le masque en tout temps, y compris lorsque nous sommes assis, et de nous désinfecter les mains au moyen du produit fourni à cette fin à l'entrée de la salle. En ma qualité de président, je veillerai au respect de ces mesures pendant la séance et je remercie les membres à l'avance de leur coopération.
     Je vous rappelle quelques règles à suivre pour assurer le bon déroulement de la séance.
     Les députés et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en informer immédiatement afin que nous puissions rétablir le service avant de poursuivre nos délibérations. Si vous souhaitez intervenir ou signaler quelque chose au président, vous pouvez utiliser en tout temps la fonction « Lever la main » qui se trouve au bas de votre écran.
     Les députés présents dans la pièce doivent procéder comme d'habitude lorsque l'ensemble du Comité se réunit en personne. Je vous rappelle à ce sujet les consignes du Bureau de régie interne concernant le port du masque et les protocoles sanitaires.
     Vous devez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Le microphone des personnes présentes dans la salle sera activé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification. Quand vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Quand vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre micro en sourdine. Je rappelle aux députés et aux témoins qu'ils doivent s'adresser au président.
    En ce qui concerne la liste des interventions, le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre global des interventions pour tous les membres, qu'ils participent à la séance de manière virtuelle ou en personne.
    Le Comité a convenu qu'au cours de ces séances, le président appliquera la règle voulant que la réponse d'un témoin à une question ne prenne pas plus de temps qu'il en a fallu pour la poser. Cela dit, je demande aux députés et aux témoins de se traiter mutuellement avec respect et d'observer le décorum. Si vous pensez qu'un témoin a dépassé le temps prévu, vous pouvez l'interrompre ou poser une autre question afin de respecter le temps de parole des autres membres.
     Je demande également aux députés de ne pas trop dépasser le temps qui leur est alloué pour les questions. Nous n'allons pas vous interrompre pendant que vous avez la parole, mais sachez que notre greffier a deux minuteries pour chronométrer les députés et les témoins.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins de la Banque du Canada. Nous accueillons le gouverneur Tiff Macklem. Je vous souhaite la bienvenue. Nous accueillons également la première sous-gouverneure Carolyn Rogers. Je tiens à remercier sincèrement le gouverneur et la première sous-gouverneure. Nous savons que c'est une période très occupée pour vous. Au nom du Comité permanent des finances et de ses membres, je tiens à vous remercier d'avoir répondu à notre demande de venir témoigner.
    Monsieur le gouverneur, je vous cède la parole pour votre déclaration liminaire.
(1535)

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invité à participer à votre étude sur l'inflation dans l'économie canadienne.
    Je suis heureux d'être accompagné de la première sous‑gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, qui témoigne pour la première fois devant ce comité.

[Traduction]

     Depuis ma précédente comparution, la Banque et le gouvernement fédéral ont renouvelé l’entente qui les lie sur le cadre de conduite de la politique monétaire du Canada. Nous y indiquons que la stabilité des prix est le principal objectif de notre politique monétaire. Selon l’entente de 2022‑2026, la pierre angulaire de notre cadre reste une cible de 2 %, soit le point médian d’une fourchette de maîtrise de l’inflation allant de 1 % à 3 %.
    Plus tôt aujourd’hui, j’ai prononcé un discours devant la CFA Society Toronto, où j’ai expliqué notre décision annoncée hier de relever le taux directeur de 25 points de base pour qu’il atteigne 0,5 %. J’ai aussi examiné les facteurs responsables de l’inflation dans le monde et au Canada. Je sais que tout cela présente un intérêt pour votre étude. C’est pourquoi j’ai transmis le texte de mon discours aux membres du Comité, par l’entremise du greffier. Je serais heureux de discuter plus en détail de ces facteurs avec vous aujourd’hui.
    Avant de répondre à vos questions, j’aimerais vous parler, à vous et à tous les Canadiens, de trois choses.
     Tout d’abord, j’aimerais passer en revue les mesures prises par la Banque du Canada depuis le début de la pandémie en revenant sur ce que nous voulions accomplir, sur ce qui s’est passé et sur ce qui serait arrivé si nous n’avions rien fait.
     Ensuite, je souhaiterais parler des préoccupations soulevées par la hausse du coût de la vie auprès de nombreux Canadiens. Je sais que beaucoup de gens s’inquiètent du prix de l’essence et des aliments, ainsi que du prix des logements, et qu’ils se demandent aussi comment ils parviendront à épargner assez pour la retraite. La pandémie, avec tout ce qu’on a subi ces deux dernières années, alimente cette angoisse.
     Enfin, je voudrais parler de la suite des choses. Maintenant que la dernière vague de la pandémie s’estompe, la vie revient à la normale, ou plutôt une nouvelle normalité s’installe. J’aimerais donc parler de ce que les Canadiens peuvent anticiper sur le plan économique, notamment en ce qui concerne l’inflation, et de ce qu’ils peuvent attendre de la Banque.
    Au début de la pandémie, l’incertitude a monté en flèche, les marchés financiers ont été paralysés et l’activité économique s’est effondrée. Environ 3 millions de Canadiens ont perdu leur emploi. Par ailleurs, plus de 3 millions de personnes ont vu leurs heures de travail être coupées de plus de moitié. Un nombre record d’entreprises ont fermé leurs portes. L’inflation a dégringolé et est même passée en territoire négatif. Nous étions au bord d’une autre Grande Dépression et risquions de nous retrouver dans un contexte de déflation. La déflation se produit quand les prix de tous les secteurs de l’économie chutent. Cela peut paraître une bonne chose, mais, en réalité, une déflation persistante présente un danger.

[Français]

    Quand le taux de chômage augmente rapidement et que tous les prix commencent à baisser, les ménages peuvent être portés à réduire leurs dépenses s'ils pensent que les biens et les services vont devenir encore moins chers. Cependant, le report des dépenses a des conséquences: la demande diminue et cause alors plus de pertes d'emploi et de fermetures d'entreprises. Tout cela amplifie les pressions à la baisse, non seulement sur les prix, mais aussi sur les salaires. Les prix et les salaires peuvent entrer dans une spirale descendante, comme lors de la Grande Dépression au Canada.
    Dans un contexte de déflation, le remboursement des dettes est aussi plus coûteux, ce qui aurait pu être un véritable problème pour un pays comme le Canada, où les ménages sont fortement endettés.
    Quand la pandémie a débuté et que nous faisions face à une catastrophe économique, nous avons pris des mesures exceptionnelles. Nous avons amené le taux directeur au niveau le plus bas possible. Nous avons promis de ne pas relever les taux d'intérêt tant que les capacités excédentaires de l'économie ne se seraient pas entièrement résorbées, et nous avons renforcé cet engagement en recourant à l'assouplissement quantitatif.
    Ensemble, ces mesures ont permis de maintenir les taux d'emprunt à des niveaux bas, afin de stimuler les dépenses et de susciter la confiance dont nous avions tant besoin dans l'économie pour que les entreprises et les ménages puissent remonter la pente.
(1540)

[Traduction]

    Grâce à la résilience des Canadiens, à l’efficacité des vaccins, à des mesures de soutien budgétaire exceptionnelles et aux interventions de la Banque, le Canada a évité la déflation et l’économie s’est rétablie. Toutefois, je suis conscient que ce message rassurant ne traduit peut-être pas ce que beaucoup ressentent.
    Même avant la pandémie, bien des Canadiens s’inquiétaient de leur situation économique. Tout le monde ne profitait pas des retombées de la croissance économique et de la vigueur du marché du travail.
     La pandémie a intensifié les inquiétudes, car en plus de créer de l’incertitude quant à l’emploi et à la survie des entreprises, à la valeur de l’épargne et aux perspectives de retraite, elle a également amené les gens à s’inquiéter de leur santé et de celle de leurs proches.
     La réouverture de l’économie a soulevé de nouveaux problèmes en faisant augmenter l’inflation au pays et à travers le monde.
     Le virus de la COVID‑19 continue de se propager et de muter. On voit également des contestations sociales ici, au Canada, et dans d’autres pays. Et la semaine dernière, des événements choquants se sont produits en Ukraine, qui ont causé de grandes souffrances. L’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie crée aussi de la volatilité et de l’incertitude dans l’économie mondiale. Nous vivons actuellement une période très angoissante.
    Il va sans dire que la politique monétaire n’est pas faite pour répondre à la plupart de ces enjeux. Toutefois, elle peut être utilisée pour contrôler l’inflation, dans le cadre du mandat de la Banque. Ici, au Canada, l’inflation est juste au‑dessus de 5 %. C’est trop haut. De plus, avec les prix du pétrole qui se sont accrus dans les dernières semaines, on peut s’attendre à ce qu’elle augmente encore.
     Je suis sûr que les gens se demandent pourquoi les prix sont si élevés. Alors, apportons quelques explications.
    L’inflation au Canada se caractérise par trois grands phénomènes. Le premier est la tendance qu’ont eue beaucoup de gens durant la pandémie à acheter plus de biens et moins de services. En même temps, la pandémie a perturbé la production et la livraison de nombreux articles. Dans ce contexte, les prix de divers biens qui s’échangent sur les marchés internationaux ont monté en flèche.
    Le deuxième phénomène concerne la hausse des prix d’une gamme croissante de biens, dont les produits de consommation courante comme les aliments et l’énergie. Les cours du pétrole ont augmenté en raison de la demande robuste, des investissements limités dans de nouvelles capacités de production et des tensions géopolitiques. Résultat: les coûts de transport sont plus élevés, ce qui accentue les pressions exercées sur les prix des biens.
     Les prix des aliments sont influencés par les conditions météorologiques extrêmes qui ont réduit le volume des récoltes. Qui plus est, la forte demande de logements, dans un contexte d’offre restreinte, a fait grimper les prix dans ce secteur de l’économie.

[Français]

    Le troisième phénomène concerne la vigueur de la reprise au Canada et l'équilibre global entre la demande et l'offre dans l'économie.
    L'inflation actuelle n'est pas due à une demande excédentaire dans l'économie. Une panoplie d'indicateurs laissent supposer que les capacités excédentaires de l'économie viennent maintenant de se résorber.
    C'est donc dire que, dans l'avenir, la croissance des dépenses devra ralentir pour que la demande ne dépasse pas trop l'offre et ne crée pas une nouvelle source d'inflation au pays. Pour maîtriser l'inflation, nous devons donc resserrer la politique monétaire, autrement dit relever les taux d'intérêt.

[Traduction]

    J’aimerais conclure en parlant de ce que les Canadiens peuvent attendre de nous dans l’avenir. La politique monétaire a un rôle clair à jouer pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande et ramener l’inflation à la cible. À cette fin, nous avons pris un certain nombre de décisions pour adapter le niveau de la détente monétaire à mesure que l’économie se redressait, d’abord en ralentissant le rythme des achats de notre programme d’assouplissement quantitatif, puis en y mettant un terme en octobre dernier.
     Et, en janvier, nous avons expliqué clairement aux Canadiens qu’avec le retour de l’économie à sa capacité de production, nous mettions fin à notre engagement de garder les taux à des niveaux extrêmement bas. Nous devons relever les taux d’intérêt pour faire redescendre l’inflation de façon durable et préserver l’équilibre de l’économie.
     Hier, le Conseil de direction a pris la décision de relever le taux directeur de 25 points de base pour le faire passer à 0,5 %. Nous avons indiqué que les taux d’intérêt devront encore augmenter. Nous avons aussi indiqué que nous évaluerons à quel moment nous mettrons fin à la phase de réinvestissement de nos achats massifs d’actifs et laisserons le portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada de la Banque commencer à décroître.
    On appelle ce processus le resserrement quantitatif. Le moment et le rythme des hausses subséquentes du taux directeur, et le début du resserrement quantitatif, seront guidés par l’évaluation continue que fait la Banque de l’économie et par son engagement à atteindre la cible d’inflation de 2 %.
     Pour conclure, je veux rappeler à tous les Canadiens que la Banque est déterminée à contrôler l’inflation.
     Maintenant, la première sous-gouverneure Rogers et moi serons ravis de répondre à vos questions
(1545)
    Je vous remercie, monsieur le gouverneur de votre déclaration liminaire.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions des membres.
    Lors de cette série, chaque parti aura jusqu'à six minutes pour poser ses questions au gouverneur et à la première sous-gouverneure. Nous allons commencer par les conservateurs.
    Monsieur Chambers, vous avez la parole pendant six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure, je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir de vous accueillir pour la première fois. Il s'agit d'une étude très importante pour nous, et nous prisons beaucoup le point de vue de la Banque sur ces enjeux. L'inflation a une incidence sur la vie quotidienne des Canadiens.
     C'est la première fois que je vous vois tous les deux depuis vos nominations, alors je tiens à vous féliciter.
    Mon temps s'écoule rapidement, alors je vous demanderais d'être aussi brefs que possible dans vos réponses, et je vais m'efforcer de faire de même dans mes questions.
     Monsieur le gouverneur, dans votre discours aujourd'hui et dans ce que vous venez de dire, vous commencez à parler d'un monde différent, un monde différent du moins de ce que vous pensiez il y a un an ou même tout juste en octobre dernier. Quand on écoute le ministère des Finances, sa vision du monde semble diverger ou être un peu différente.
     Le ministère des Finances nous dit que l'inflation est encore temporaire, qu'elle échappe au contrôle du gouvernement et que l'économie a besoin de plus d'investissements et de mesures de stimulation. Nous savons tous que ce qui est prévu dans le prochain budget, c'est un déficit budgétaire très important.
     Aujourd'hui, vous avez mentionné que les risques d'inflation sont là pour de bon, qu'ils sont persistants, que nous pouvons nous attendre à d'autres hausses de taux d'intérêt pour faire face à ces risques, que l'économie est robuste et que le ralentissement a été absorbé, ce qui signifie que l'économie fonctionne presque au maximum de sa capacité. Ma question est la suivante: avez-vous bien fait connaître votre point de vue sur la question au gouvernement? Avez-vous averti le ministère des Finances du risque que font peser sur l'inflation le maintien des mesures de relance et les déficits budgétaires très importants?
    Nous faisons part de notre point de vue à tous les Canadiens, et il est certain que, de par mon mandat, je discute régulièrement avec la ministre des Finances et que nous communiquons nos perspectives au ministère des Finances.
    En ce qui concerne l'économie, je pense que le point important à souligner est qu'elle vient tout juste de retrouver sa capacité de production. Elle s'est remise de la pandémie, et nous constatons un élan considérable. Omicron a certainement nui à la croissance au premier trimestre — nous avons perdu 200 000 emplois en janvier —, mais si on regarde un ensemble d'indicateurs plus large, il semble que la croissance au premier trimestre se maintienne assez bien.
     Comme vous le savez, les restrictions sont en train d'être assouplies, et nous nous attendons donc à voir une plus grande vigueur. Tout cela signifie que l'économie peut composer avec des taux d'intérêt plus élevés, et nous avons très clairement indiqué aux Canadiens qu'ils doivent s'attendre à une hausse des taux d'intérêt.
    Je vous remercie, et je vous sais gré de ces renseignements prévisionnels.
    Ma question porte surtout sur les risques d'une expansion budgétaire accrue. Notre comité a entendu le témoignage de divers économistes qui ont tous dit que l'augmentation des dépenses gouvernementales et des déficits entraînera une pression à la hausse sur l'inflation. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Je vais laisser la politique budgétaire à notre gouvernement élu. Mon travail consiste à contrôler la politique monétaire.
     Ce que je peux vous dire, c'est que nous allons prendre en considération les plans budgétaires du gouvernement. Nous les intégrerons dans nos perspectives, et ensuite nous ferons ce que nous pensons nécessaire pour ramener l'inflation à la cible.
    Je comprends que cette question puisse vous mettre mal à l'aise, monsieur le gouverneur, mais cela n'a pas empêché vos prédécesseurs dans le poste que vous occupez de dire aux Canadiens qu'ils ne devraient pas s'inquiéter des déficits, car l'économie fonctionne en deçà de sa capacité et nous pouvons gérer les déficits. Le revers de la médaille est que l'économie fonctionne à sa capacité et que la croissance est robuste. La question reste la suivante: une politique budgétaire expansionniste, encore une fois, ne va‑t‑elle pas entraîner des pressions inflationnistes plus fortes?
     Vous avez passé un certain temps au ministère des Finances. Je sais que vous pensez à ces choses, et je respecte beaucoup votre point de vue. Je pense simplement que le point de vue que vous présentez aujourd'hui et celui du ministère des Finances semblent diverger.
(1550)
    Ce que je peux dire, c'est que les décisions sur les dépenses et les impôts sont des décisions que le gouvernement élu doit prendre. Ce sont des décisions que les parlementaires doivent prendre.
     Quand on examine les répercussions des déficits et des dépenses du gouvernement, il faut regarder à la fois le montant global et ce à quoi il est utilisé. Plus les dépenses créent une offre supplémentaire dans l'économie...
    Il me reste environ une minute.
    ..., moins il y aura de pressions inflationnistes. Il faut regarder à la fois le montant et ce à quoi il est utilisé.
    Très bien. Je vous remercie.
    Le dirigeant du Bureau du surintendant des institutions financières a donné une entrevue dans laquelle il a indiqué que le prix des maisons pourrait chuter jusqu'à 20 % en raison de la hausse des taux d'intérêt. Est‑ce aussi le point de vue de la Banque du Canada?
    Eh bien, permettez-moi de parler du scénario de référence et ensuite des risques qui y sont associés.
     Dans notre scénario de référence, l'activité dans le secteur du logement, comme vous le savez, est très élevée. Il y a un certain nombre de raisons à cela, que nous aurons peut-être l'occasion d'explorer.
    Sommes-nous dans une bulle?
    Dans notre scénario, nous nous attendons à un ralentissement de la croissance de l'activité dans le secteur du logement. Nous prévoyons cependant, et c'est intégré dans notre scénario, que l'activité dans ce secteur demeurera assez forte. L'immigration reprend. La croissance démographique est forte. Les gens ont des emplois. Les salaires augmentent. Les revenus sont bons. Tous ces éléments vont soutenir la vigueur de ce secteur.
     Nous nous attendons donc à un ralentissement. Le relèvement des taux d'intérêt sera un facteur qui y contribuera, mais nous nous attendons à ce que cela diminue progressivement.
    Je pense que mon temps est écoulé, monsieur le gouverneur. Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Chambers.
    Nous passons du côté des libéraux.
    Madame Chatel, vous avez six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Macklem, nous vous remercions beaucoup d'être ici. Nous savons que c'est une période assez chargée pour vous, alors nous vous remercions sincèrement de nous accorder de votre temps.

[Traduction]

    J'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit, un point très important, soit comment le gouvernement utilise l'argent. Au fond, l'inflation est le résultat de l'offre et la demande. Si nous dépensons pour accroître l'offre, cela réduit la pression sur l'inflation. C'était une précision importante, et je vous en remercie.
     Ma question, monsieur le gouverneur, porte sur l'inflation mondiale et la réponse mondiale à l'inflation par la voie de la politique monétaire. À titre d'exemple, j'ai devant moi le graphique de l'OCDE sur l'inflation, y compris les prévisions pour les membres de l'OCDE. Tout cela suit le même schéma. Il peut y avoir quelques cas isolés, mais dans l'ensemble, il y a un phénomène mondial d'inflation. La situation semble s'améliorer en 2022‑2023, mais pourriez-vous, s'il vous plaît, situer l'inflation au Canada dans le contexte mondial?
    Permettez-moi de commencer en disant que c'est un plaisir d'être ici. Oui, nous sommes occupés. Nous sommes tous occupés, mais il s'agit d'un sujet très important, et nous sommes très heureux d'être ici.
     Comme vous l'avez souligné, les mêmes facteurs qui ont fait grimper l'inflation au Canada l'ont fait grimper à l'échelle mondiale. Les contraintes d'approvisionnement sont un phénomène mondial. Les ménages qui délaissent les services au profit des biens, parce qu'ils ne peuvent pas consommer une grande partie des services qu'ils auraient normalement consommés pendant une pandémie, est un phénomène mondial. La hausse des prix de l'énergie et la hausse des denrées alimentaires... Les prix de ces biens sont tous fixés sur les marchés internationaux, de sorte que l'on observe une dynamique d'inflation très similaire dans la plupart des pays du monde.
     Dans certains pays industrialisés comme les États-Unis, l'inflation est un peu plus élevée, et dans d'autres pays, comme la France, elle est un peu moins élevée. L'expérience du Canada n'est pas différente de celle de nombreux autres pays, mais pour les Canadiens, le fait de savoir que les gens d'autres pays font face à cette inflation est un peu une maigre consolation. Les Canadiens paient des prix plus élevés pour l'épicerie, pour l'essence et pour de nombreux biens. Ils en subissent les conséquences dans leur portefeuille. Il est d'une importance capitale que nous ramenions l'inflation à la baisse. Nous savons aussi qu'elle frappe le plus durement les Canadiens les plus vulnérables, ceux qui sont le moins en mesure de l'assumer.
    C'est pourquoi nous devons augmenter les taux d'intérêt. Nous devons augmenter les taux d'intérêt pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande, comme je l'ai mentionné. Nous devons également augmenter les taux d'intérêt pour maintenir les anticipations de l'inflation bien ancrées. Lorsque ces perturbations de l'offre mondiale, ces goulets d'étranglement dans les transports maritimes, se résorberont, l'inflation redescendra si nous maintenons les anticipations de l'inflation bien ancrées. Si ce n'est pas le cas, si elles se déstabilisent, il sera beaucoup plus difficile de réduire l'inflation.
(1555)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Macklem.
    J'aimerais vous poser une question concernant la cible du Canada, qui a été fixée en 1991. Nous avons une politique monétaire assez stable et une cible de 2 %, comme vous l'avez expliqué. La politique monétaire, évidemment, revient au conseil de direction de la Banque, qui est autonome et indépendant du gouvernement.
    Comment les outils que vous possédez vont-ils vous permettre d'atteindre cette cible? Si l'on se fie aux prédictions de l'OCDE, les nouvelles semblent bonnes et on semble maîtriser la situation. Avez-vous bon espoir que nous allons ramener notre cible à 2 %?
    Oui, j'ai bon espoir, mais cela va prendre du temps. Nous avons les outils, mais il faudra du temps pour modérer la croissance des dépenses et pour diminuer l'inflation.
    Comme vous venez de le mentionner, depuis 1991, nous avons une cible en matière d'inflation. Depuis 1995, cette cible est de 2 %. Depuis ce temps, le taux d'inflation moyen est très près de 2 %. Il y a eu des fluctuations, mais nous sommes toujours revenus à un taux d'inflation de 2 %.
    En effet, le taux d'inflation actuel est le plus élevé que nous avons vu depuis que nous avons fixé une cible en matière d'inflation. Cependant, depuis ce temps, c'est aussi la première fois que nous avons connu une pandémie. Il s'agit d'une situation unique.
    Somme toute, j'ai bon espoir.
    Je vous remercie. C'est...

[Traduction]

     Je vous remercie, madame Chatel. C'est tout le temps que vous aviez. Je sais que cela passe vite.
    Nous passons maintenant au Bloc, et à M. Ste‑Marie, pendant six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur Macklem et madame la première sous-gouverneure Rogers, je vous remercie de votre présence.
    Monsieur Macklem, je vous remercie de votre présentation et de vos réponses aux questions des députés.
    Il y a le problème de l'inflation liée à la pandémie. Vous avez bien brossé le portrait des deux dernières années. Maintenant, il y a un nouvel événement majeur, soit l'invasion de la Russie en Ukraine. Selon plusieurs économistes, dont Nouriel Roubini, on vient de changer le paradigme, et le risque de stagflation à l'échelle mondiale est très élevé.
    Quels sont vos commentaires quant à ce risque majeur?
    Le plus grand impact de l'attaque de la Russie en Ukraine, ce sont les Ukrainiens qui le vivent. C'est très difficile de voir le coût humain lié à cette invasion.
    Bien sûr, cette attaque a augmenté l'incertitude mondiale. Cela dit, en matière d'échange, les liens directs qu'a le Canada avec l'Ukraine et la Russie sont très minimes, alors l'effet direct sur le Canada n'est pas très grand. Cependant, il y a plusieurs effets indirects, dont le plus important est celui sur les prix des produits de base. Je pense notamment au coût du pétrole, qui a beaucoup augmenté depuis le début de l'attaque. Aujourd'hui, le baril de pétrole coûte environ 110 $ en devise américaine. Cela va donc faire augmenter l'inflation au Canada et partout au monde.
    De plus, il y a une augmentation des prix dans le secteur agricole, par exemple le prix du blé. Cela peut avoir une incidence sur le prix des aliments qu'on achète.
    En outre, on a vu une grande volatilité dans les marchés financiers. Il y a eu des changements dans les prix des actifs et des obligations du gouvernement et des entreprises. On a observé une plus grande demande pour des dollars américains, parce que, quand les gens ont peur, ils veulent tous la protection des dollars américains.
    Il est évident que la confiance économique a diminué. Cette attaque a des répercussions sur l'ordre mondial. Cela dit, nous n'en sommes qu'au début de la deuxième semaine de cette guerre, alors il est difficile de savoir ce qui va se passer. Je peux cependant vous dire que nous allons tenir compte des répercussions sur le Canada au moment de prendre nos décisions.
(1600)
    Monsieur le gouverneur, je me permets de relancer ma question.
    Comme vous l'avez dit, les premières victimes de cette invasion sont le peuple ukrainien. Toutes nos pensées accompagnent les Ukrainiens, dont nous sommes solidaires.
    Je reviens à ma question: craignez-vous que l'invasion fasse augmenter de façon considérable le risque non seulement d'inflation, mais aussi de stagflation?
    Permettez-moi de préciser que, selon Nouriel Roubini, l'incidence risque d'être plus élevée que ce qu'on a connu lors des deux épisodes de crise des années 1970.
    Quels sont vos commentaires à ce sujet?
    Ce que je veux souligner, c'est qu'il y a beaucoup d'incertitude. Il est évident qu'il y aura une incidence inflationniste. Ce qui est moins évident, cependant, ce sont les effets sur la croissance et sur le produit intérieur brut au Canada. La confiance mondiale sera ébranlée, bien sûr. Cela dit, le Canada exporte beaucoup de ses produits de base, comme le pétrole et le blé. L'un des effets sur le Canada est que ses revenus d'exportation augmenteront.
    Il y aura donc plusieurs effets et il faudra tous les prendre en compte. Il est vraiment difficile de fournir une réponse précise en ce moment.
    C'est très bien. Merci beaucoup.
    Lorsque nous sommes en situation de stagflation ou de crise de l'offre, quels sont les outils dont dispose la banque centrale pour suivre une politique monétaire susceptible de nous sortir d'une telle crise?
    Ce qu'on a appris dans les années 1970, lorsqu'on a vécu une stagflation, c'est que, si les anticipations d'inflation ne finissent pas par être ancrées, on a alors un sérieux problème d'inflation et l'économie ne fonctionne pas très bien. Durant les années 1970, il y avait beaucoup de grèves et de conflits dans le marché de la main-d'œuvre. Tout le monde était fâché et était d'avis que rien n'était offert pour compenser l'inflation.
    Ce qu'on a appris de cette époque, c'est qu'il est très important d'ancrer les anticipations d'inflation. La solution à cette époque aurait été de cibler l'inflation directement. On a essayé de cibler le taux de croissance de la masse monétaire, mais la relation n'était pas très stable, alors cela n'a pas très bien fonctionné.
    Finalement, on a décidé de cibler l'inflation directement. Ce cadre de politique monétaire a très bien fonctionné pendant une trentaine d'années et j'ai confiance que cela continuera.
(1605)
    C'est très clair.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le gouverneur.
    Je vous remercie aussi, monsieur Ste‑Marie.
    Nous allons maintenant du côté du NPD, M. Blaikie, pendant six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui. L'un des sujets dont nous avons beaucoup discuté autour de cette table depuis les élections est le rôle de l'assouplissement quantitatif et son incidence sur les prix dans le marché du logement. Certains autour de cette table ont affirmé que le programme d'assouplissement quantitatif était le principal responsable de la hausse des prix dans ce marché, ou d'un taux d'augmentation exceptionnel, qui a presque doublé au cours des deux dernières années.
     Je suis très heureux de vous avoir parmi nous. J'aimerais que vous nous parliez de la compréhension qu'a la Banque du rôle de l'assouplissement quantitatif dans le marché du logement au cours des deux dernières années, et de la mesure dans laquelle il a pu contribuer à l'augmentation du prix des logements en général.
     Volontiers. Je répondrai à cette question avec grand plaisir.
    La forte croissance hypothécaire au Canada s'explique par le fait que les Canadiens veulent plus de logements, alors que l'offre est limitée. Les banques se font un plaisir d'accorder des prêts aux Canadiens solvables. Quand les gens veulent plus de crédit hypothécaire, les banques leur en accordent.
    Il n'existe aucun lien direct entre l'assouplissement quantitatif et le nombre de prêts hypothécaires. Ce qui détermine ce nombre, c'est la quantité de logements que les gens veulent acheter et le coût de ces logements. Comme je l'ai indiqué, les banques se font un plaisir d'accorder des prêts, mais imposent des exigences concernant les capitaux, le degré d'endettement et les liquidités. Si ces exigences sont satisfaites, elles sont disposées à accorder des prêts.
    Un certain nombre de témoins l'ont indiqué au Comité. Pendant la pandémie, les Canadiens voulaient plus de logements pour un certain nombre de raisons, la principale étant probablement que nous avons tous passé plus de temps à la maison, évidemment. Nombre d'entre nous ont travaillé à la maison, nos enfants ont étudié à la maison et nos heures de loisir ont été passées à la maison. Les gens voulaient donc plus d'espace, ce qui a fait augmenter la demande en logements.
    La politique monétaire a également contribué à l'augmentation de la demande en logements. La réduction du taux directeur à la valeur plancher et l'émission d'une indication prospective exceptionnelle, qui ont indiqué aux Canadiens qu'ils pouvaient s'attendre à ce que les taux d'intérêt demeurent faibles pour une période considérable, ainsi que l'assouplissement quantitatif ont tous eu pour effet de réduire les taux d'intérêt, y compris les taux hypothécaires. Quand ces taux diminuent, cela encourage les gens à acheter des maisons.
    Notre économie était dans un immense trou. Nous avions besoin de ce stimulus pour l'en sortir, et cela a fonctionné. L'assouplissement quantitatif a pris fin en octobre dernier et l'indication prospective exceptionnelle a fait de même en janvier. Hier, nous avons augmenté le taux directeur. Il est temps que la politique monétaire reprenne un cours plus normal, puisque l'économie s'est rétablie.
    Permettez-moi d'insister sur le fait qu'il n'existe pas de lien entre l'assouplissement quantitatif et les hypothèques.
    D'accord. Je vous remercie de cette réponse.
    À écouter certaines personnes autour de cette table à divers moments au Parlement, on pourrait certainement croire que c'est en raison de l'assouplissement quantitatif que le prix des logements a tant augmenté.
    Je veux vous parler de l'autre facette des taux d'intérêt, dont on ne parle pas souvent. Nous passons beaucoup de temps à parler de l'incidence des taux d'intérêt sur le prix des logements. Les taux d'intérêt sont très faibles depuis très longtemps au Canada. À l'autre extrémité du spectre des taux d'intérêt, bien entendu, il y a la retraite et la manière dont les taux d'intérêt influencent l'épargne-retraite des Canadiens, particulièrement pour les nombreux Canadiens qui n'ont pas de régime de retraite d'entreprise. Ils comptent sur le Régime de pensions du Canada et sur leurs économies personnelles — et leur rendement —, en effectuant des dépôts à terme ou des investissements sur le marché.
    Je me demande si vous pourriez traiter brièvement de l'incidence de la faiblesse des taux d'intérêt sur l'épargne-retraite des gens et me dire ce que l'augmentation du taux d'intérêt pourrait, selon vous, signifier pour l'épargne-retraite des Canadiens.
(1610)
    Nous avons réalisé un sondage auprès des Canadiens avant le renouvellement de notre mandat de contrôle de l'inflation. Quand nous leur parlons directement, les Canadiens — et particulièrement ceux qui économisent en vue de la retraite — nous disent qu'il leur est très difficile d'économiser parce que les taux d'intérêt sont très faibles.
    Quand nous avons sondé les Canadiens, nous avons constaté un fait intéressant; ils se soucient d'eux-mêmes, mais aussi des autres Canadiens. Ils ne se montraient guère enthousiastes à l'égard des taux d'intérêt négatifs, comme ceux mis en œuvre dans d'autres pays, pas plus qu'ils n'aimaient les taux d'intérêt très élevés. Cela part en partie du fait qu'il est plus facile d'épargner quand les taux d'intérêt sont élevés.
    Dans l'ensemble, les ménages ont affiché de très bons bilans pendant la pandémie. En fait, leurs économies sont encore plus élevées, un phénomène en bonne partie attribuable au fait que les gens ne pouvaient pas acheter bien des choses. Ils n'ont pas pu voyager ou aller au restaurant. Ils ont acheté plus des biens, mais la substitution n'était pas de un pour un. Leur bas de laine a donc grossi.
    En moyenne, le bilan des Canadiens est en fait meilleur. Si les taux d'intérêt sont plus élevés, quand ils épargnent, ils obtiendront effectivement un meilleur rendement.
    La hausse des taux d'intérêt encourage essentiellement les gens à dépenser moins et à économiser davantage. C'est ainsi que la politique monétaire fonctionne pour modérer les dépenses.
    Je vous remercie, monsieur Blaikie. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant entamer notre deuxième tour de questions, en commençant par les conservateurs.
    J'accorde la parole à M. Fast pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie de nous rencontrer, monsieur le gouverneur. Je pense que c'est la première fois que j'ai l'occasion de vous poser des questions.
    Je veux rester sur la question de l'assouplissement quantitatif et de la politique monétaire.
    La question que M. Blaikie vous a posée sur le lien entre l'assouplissement quantitatif et les hypothèques n'était peut-être pas la bonne, selon moi. La question est la suivante: quel est le lien entre l'assouplissement quantitatif et l'inflation? Dans quelle mesure la Banque du Canada a‑t‑elle soutenu l'emprunt du gouvernement pendant la pandémie — autrement dit, par l'achat d'obligations — et combien de liquidités ont été injectées dans notre économie grâce à ce processus?
    Je suppose que c'est une question en deux volets. Si vous voulez simplement connaître les chiffres, notre programme d'assouplissement quantitatif représente environ 300 milliards de dollars dans notre bilan. Il s'agit de nos achats d'obligations sur le marché secondaire.
    Je formulerais quelques observations. Tout d'abord, l'inflation observée actuellement au Canada n'est pas le résultat d'une demande trop élevée dans l'économie. Cette dernière se rétablit à peine. Après avoir sombré, elle a connu un rétablissement très impressionnant. Maintenant qu'elle s'est rétablie, cette léthargie s'est résorbée.
    Cela ne cause pas d'inflation de source nationale. Si on examine les divers facteurs à l'origine de l'augmentation des prix des biens — des biens qui sont en grande partie échangés à l'échelle internationale —, on observe une inflation de 7,2 % des prix des services, si on ne tient pas compte du logement. La composante des services pour les logements n'est que de 1,6 % au Canada. C'est ce qui est plus directement lié aux pressions de la demande au Canada. Ce n'est pas ce qui cause l'inflation.
    Monsieur le gouverneur, je ne voulais pas laisser entendre que l'assouplissement quantitatif est la seule ou même la principale source de pressions inflationnistes au Canada. Un certain nombre d'autres facteurs entrent en ligne de compte, comme les contraintes de la chaîne d'approvisionnement et la flambée des prix des marchandises, par exemple. Cependant, quand on recourt à l'assouplissement quantitatif, on injecte des liquidités dans l'économie. Il y a donc plus d'argent pour acheter la même quantité de biens.
    Je ne veux pas dire que c'est le problème de la banque, mais vous avez acheté des obligations d'une valeur approximative de 300 milliards de dollars, des fonds que le gouvernement a ensuite dépensés dans l'économie. Est‑ce exact?
(1615)
    Pour que tout soit clair, le gouvernement doit racheter ces obligations.
    Je comprends.
    Nous ne les monétisons pas: nous les achetons et les portons au bilan. Le gouvernement doit les racheter quand elles arrivent à échéance.
    Je le comprends.
    Quand vous achetez ces obligations, le gouvernement a la capacité d'en dépenser la valeur dans l'économie, ce qu'il a fait, d'ailleurs. Est‑ce exact?
    Le gouvernement emprunte sur les marchés de l'argent qu'il doit rembourser. Nous avons acheté des obligations pour... Comme notre taux directeur était à la valeur plancher, nous ne pouvions plus l'abaisser. Il nous est toutefois également possible de réduire les taux d'intérêt en achetant des obligations du gouvernement, ce qui en fait augmenter le prix et baisser le taux d'intérêt. C'est une manière différente de réduire les taux d'intérêt et cela a eu un effet de stimulus.
    Oui, je comprends que cette mesure a fourni un stimulus et que ce dernier était nécessaire. Je ne dis pas le contraire. Ce que je dis, c'est que quand vous entreprenez d'acheter des obligations, le gouvernement a la capacité de dépenser et il le fait, ce qui injecte des stimulus dans l'économie.
    Permettez-moi de passer à une autre question.
    Vous avez fait allusion à l'endettement élevé des ménages, un phénomène qui me préoccupe également. Notre ratio entre la dette et le revenu disponible des ménages est de 180 % actuellement, ce qui est substantiellement plus élevé que celui des États-Unis. La Banque du Canada a‑t‑elle réalisé des calculs sur les répercussions de la hausse des taux d'intérêt sur les consommateurs fortement endettés, comme ceux qui ont des hypothèques élevées, des cartes de crédit avec des marges élevées et d'autres prêts à la consommation? Avez-vous fait ces calculs?
    Je profiterai de l'occasion pour inviter la première sous-gouverneure Rogers dans la conversation.
    Madame Rogers, pourquoi ne répondriez-vous pas à cette question?
     Je vous remercie, monsieur Fast. C'est une question importante.
    La Banque passe assurément du temps à réfléchir à la question et en tient compte quand elle examine l'effet des décisions qu'elle prend quant à sa politique monétaire sur l'économie canadienne.
    Par exemple, un calcul rapide de l'effet de l'annonce d'aujourd'hui sur le taux d'intérêt permettrait d'en arriver à un montant d'envion 12 $ sur une hypothèque de 100 000 $. Ce calcul repose sur de nombreuses présomptions quant à la durée et au taux de l'hypothèque.
    Ce qu'il importe de savoir à propos des hypothèques au Canada, toutefois, c'est que la plupart d'entre eux, même ceux à taux variable, ont des versements à taux fixe qui ne changeront pas immédiatement. Ce qui change, c'est la part du versement qui va au principal. Le remboursement de l'hypothèque sera donc plus long. Nous l'admettons. L'économie est certainement plus endettée.
    Je vous remercie, madame Rogers.
    Nous avons considérablement dépassé les six minutes, mais je vous remercie de cette question et de ces explications.
    Nous accordons la parole à Mme Dzerowicz, du Parti libéral, pour cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le gouverneur et la sous-gouverneure de témoigner aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup du travail important que vous accomplissez pour notre pays.
    Je commencerai en corrigeant très rapidement mon collègue conservateur, qui a commencé son intervention en affirmant que le gouvernement continue de croire que l'économie a besoin de plus de stimulus et d'investissement. Je tiens à préciser ce que notre gouvernement a fait.
    Depuis l'été dernier, nous avons très délibérément réduit le financement de nos programmes d'urgence en agissant de manière très ciblée. Ce que nous voulions tenter de faire, alors que nous commençons à sortir de la COVID, c'est réduire le montant d'argent que nous fournissons, mais pas si rapidement que cela déstabiliserait les fondations de notre économie, car nous voulons que nos entreprises continuent de s'adapter et de rebondir.
    Je vous remercie, monsieur le gouverneur. Je vous sais gré de nous avoir indiqué que notre politique fiscale s'est avérée un succès et que nos généreux programmes d'urgence ont réussi à stabiliser l'économie et à l'aider à se rétablir en bonne partie pour à en arriver à son état actuel.
    Ma première question porte sur les ménages. Comme vous l'avez fait observer avec justesse, tout le monde s'inquiète de la hausse des prix, une hausse qui touche apparemment tout.
    Avez-vous procédé à une analyse afin de déterminer l'effet de cette hausse sur les ménages en ce qui concerne les augmentations du taux d'intérêt?
(1620)
    Les ménages se trouvent dans un large éventail de situations. Comme M. Blaikie l'a laissé entendre dans sa question, si on approche de la retraite ou si on est retraité, on s'intéresse aux intérêts qu'on peut obtenir de ses économies. Si on est plus jeune et veut acheter une maison, on va s'endetter, bien entendu, et payer de l'intérêt. Il existe un large spectre de situations parmi les Canadiens.
    Je peux toutefois préciser qu'en moyenne, le bilan des Canadiens s'est en fait amélioré depuis l'an dernier. Comme je l'ai indiqué, ils ont accumulé environ 200 milliards de dollars en « épargne excédentaire », comme les appellent les économistes, car ils étaient incapables d'acheter un grand nombre de choses qu'ils voulaient acquérir pendant la pandémie.
    Nous avons déjà constaté qu'ils retournent au restaurant et s'adonnent de nouveau à des loisirs, surtout au cours de l'automne, quand certains lieux ont rouvert leurs portes. Le taux d'épargne commence donc à diminuer, mais il reste encore beaucoup d'épargne excédentaire.
    Cette situation ne vaut pas pour tous les Canadiens, cependant. Certains d'entre eux se sont considérablement endettés pour acheter leur première maison et seront donc plus touchés quand les taux augmentent. Comme je l'ai souligné plus tôt aujourd'hui, nous admettons que la hausse des taux d'intérêt aura des répercussions sur les Canadiens. Nous agirons de manière délibérée, précautionneuse et réfléchie quand nous augmentons le taux, évaluant les effets de cette hausse en cours de route. L'économie est solide et nous considérons certainement qu'elle peut supporter une hausse des taux d'intérêt. Nous sommes d'avis qu'elle a besoin de taux d'intérêt plus élevés, mais le fait que nous augmentions les taux ne signifie pas que nous sommes sur le pilote automatique.
    Comme vous l'avez souligné avec justesse, nous aidons beaucoup l'Ukraine à la suite de l'agression russe. Pouvons-nous faire les deux: dépenser pour soutenir l'Ukraine et lutter contre l'inflation en même temps?
    Une fois encore, les décisions relatives aux dépenses relèvent des gouvernements.
    Pour ce qui est des dépenses en Ukraine, je pense que cela dépend de ce pour quoi on dépense, mais si on envoie de l'aide à l'Ukraine, cela ne créera pas vraiment d'inflation au Canada. Cela creusera le déficit, mais on dépense en Ukraine, pas au Canada.
    Nous savons que la Banque s'efforcera de réduire l'inflation. Est‑ce que certains facteurs externes contribueront à réduire l'inflation?
    Outre les efforts de la Banque du Canada, peut-être existe‑t‑il des entreprises qui aident à résoudre le problème de la chaîne d'approvisionnement, ou peut-être que d'autres facteurs contribuent à faire baisser l'inflation.
    Je demanderai à notre première sous-gouverneure, Mme Rogers, de répondre à cette question.
    Un des facteurs les plus importants qui contribuera à réduire l'inflation est l'amélioration de la productivité. Un grand nombre d'entreprises ont subi les contrecoups de la pandémie et ont vu leur productivité diminuer. On le constate quand on va à l'épicerie ou au restaurant, où des employés supplémentaires sont affectés à la vérification des passeports vaccinaux, au nettoyage, à la gestion des files d'attente ou à ce genre de tâches.
    Alors que la pandémie perd de la vigueur et que l'économie continue de se rétablir, nous prévoyons que la productivité s'améliorera. Quand ce sera le cas, l'économie pourra combler plus de demande sans que cela exerce de pression sur les prix. La productivité donnera certainement un coup de pouce et nous aidera à lutter contre l'inflation.
(1625)
    J'ajouterais juste que des investissements clés...
    Monsieur le gouverneur, le temps est écoulé, mais je suis certain que vous aurez une occasion de dire que vous vouliez dire lors d'une autre intervention.
    Nous accordons la parole à M. Ste-Marie, du Bloc, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure, j'aimerais connaître les raisons qui ont motivé votre choix de ne pas relever le taux directeur en janvier dernier. Plus particulièrement, j'aimerais savoir de quelle manière les éléments suivants ont pu influencer votre choix: premièrement, le fait que l'économie n'était pas revenue à un niveau suffisamment élevé, selon vos critères; deuxièmement, le respect de l'engagement de ne pas relever les taux avant un certain temps ou avant le retour de l'économie à son plein potentiel; troisièmement, l'arrimage de votre politique monétaire à celle de la Réserve fédérale américaine.
    Tout d'abord, la raison d'être de notre devise, le dollar canadien, est de nous permettre d'avoir une politique monétaire indépendante de celle des autres pays. Oui, nous tenons compte de ce qui se passe aux États‑Unis, mais nous prenons nos décisions ici, au Canada, pour les Canadiens.
    Pourquoi avons-nous pris cette décision, en janvier? À ce moment, notre capacité économique s'était rétablie. Nous n'avions plus besoin, dans nos indications prospectives, de dire à tout le monde que nous allions maintenir le taux d'intérêt à sa valeur plancher. Nous avons décidé de mettre fin à cet engagement et nous avons adressé aux Canadiens un message très clair pour qu'ils puissent anticiper l'augmentation des taux d'intérêt. Cela constituait un changement de direction assez majeur de la politique monétaire, alors il était important pour nous que ce choix soit réfléchi, que nous soyons transparents et que l'information soit transmise aux Canadiens. Hier, nous avons mis en œuvre la première étape de cette augmentation des taux d'intérêt.
    Nous pouvons donc maintenant nous attendre à une série de hausses graduelles du taux directeur au cours des prochains trimestres, n'est-ce pas?
    Vous pouvez vous attendre à ce que les taux d'intérêt augmentent davantage. Le fait d'augmenter les taux d'intérêt devrait normaliser la politique monétaire, parce que notre économie a repris un rythme plus normal.
    C'est très clair.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    Nous accordons la parole à M. Blaikie, du NPD, pour deux minutes et demie.
    Je pense qu'un des problèmes qui se posent à l'heure actuelle, c'est que bien des gens tentent de concilier les choses que nous entendons, comme les chiffres que vous avez énoncés plus tôt au sujet de l'augmentation de l'épargne des ménages, avec la pression que de nombreux Canadiens subissent manifestement au chapitre des prix.
    Un sondage réalisé plus tôt cette semaine révèle que plus de la moitié des ménages canadiens craignent de ne pas pouvoir suivre la cadence. Nous savons qu'avant la pandémie, environ la moitié des ménages canadiens étaient à 200 $ de l'insolvabilité chaque mois.
    Les gens tentent donc de comprendre les différents messages que nous entendons, et il me semble que la réponse réside en partie dans un autre élément dont on parle beaucoup moins, malheureusement. Le directeur parlementaire du budget a publié un rapport en décembre — ou environ dans ce temps‑là — indiquant que 40 % des Canadiens possèdent actuellement 1 % de la richesse générée au Canada, alors que 1 % des Canadiens en contrôlent 25 %.
    Quand on dit que l'épargne moyenne des ménages augmente, cela peut généralement être une bonne chose à l'échelle macroéconomique, mais les moyennes peuvent en fait cacher des disparités, selon la catégorie de revenu et le statut socioéconomique des gens.
    Je me demande si vous pourriez nous expliquer comment la Banque analyse cette facette du problème. De plus, quand on parle d'optimisme en raison de l'épargne moyenne des ménages, dans quelle mesure les chiffres sont-ils faussés parce que certains ménages ont des économies proportionnellement beaucoup plus costaudes que celles de nombreux autres ménages qui vivent encore d'un chèque de paie à l'autre?
(1630)
    C'est une grande question, alors permettez-moi de fournir quelques pistes de réponse.
    Premièrement, la politique monétaire est, par sa nature même, un outil très macro-économique. Nous avons un taux d'inflation pour l'ensemble du pays, l'inflation de l'IPC. C'est notre cible. Nous avons un taux d'intérêt pour l'ensemble du pays. C'est notre instrument, et nous ne pouvons évidemment pas cibler des groupes précis.
    L'un des grands coûts de l'inflation, c'est qu'il touche surtout les personnes à faible revenu les plus pauvres. Quand les prix des produits d'épicerie et de l'essence augmentent, ce sont ces personnes qui en pâtissent le plus, et c'est une importante raison pour laquelle on veut maintenir l'inflation à un niveau bas et stable.
    Cette pandémie est un excellent exemple. On ne peut pas comprendre la macroéconomie sans examiner la situation de façon plus détaillée, l'expérience des différents Canadiens dans différents secteurs, les hommes, les femmes, les jeunes et les Canadiens racialisés. On doit regarder les différentes expériences pour comprendre la vue d'ensemble.
    La chose la plus importante que vous puissiez faire pour créer plus d'égalité au pays est probablement de remettre tout le monde au travail. Si l'on examine les effets de cette pandémie, on s'aperçoit que ce n'est pas seulement le fait que trois millions de personnes se sont retrouvées sans emploi — un chiffre étonnamment élevé —, mais aussi l'incroyable inégalité de la situation. Les jeunes, les travailleurs à faible revenu et les femmes ont été les plus touchés. Avec la reprise de l'économie, la bonne nouvelle est que ces inégalités ont considérablement diminué. En fait, l'emploi chez les jeunes et les femmes est maintenant au‑dessus des niveaux prépandémiques; les travailleurs à faible revenu ont fait du chemin, mais il y a encore place à l'amélioration.
    Merci, monsieur le gouverneur, et merci, monsieur Blaikie.
    Nous allons poursuivre avec les conservateurs. Nous avons M. Albas sur la liste.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le gouverneur, et merci, madame la première sous-gouverneure, de votre présence ici aujourd'hui.
    Monsieur le gouverneur, avant que nous allions plus loin, vous avez mentionné au député Blaikie qu'il n'y a aucun lien entre l'assouplissement quantitatif et le prix des prêts hypothécaires. J'ai toujours eu l'impression que les prix des obligations et les taux d'intérêt hypothécaires avaient une relation inverse. J'ai peut-être mal compris. Pourriez-vous clarifier votre remarque?
    J'en serais ravi.
    Lorsque vous procédez à un assouplissement quantitatif, vous achetez des obligations d'État. Cela fait monter leur prix, ce qui fait baisser le rendement de ces obligations, et oui, comme vous l'avez laissé entendre, si vous faites baisser le rendement... Les obligations d'État sont la référence à partir de laquelle tout le reste est évalué, et comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, l'assouplissement quantitatif a contribué, conjointement avec les autres mesures monétaires que nous avons adoptées, à faire baisser les taux hypothécaires, ce qui a soutenu le marché immobilier.
    Quand j'ai dit qu'il n'y avait aucun lien direct... je voulais dire qu'il n'y a pas de lien quantitatif... Les banques n'ont pas besoin de nos soldes de règlement pour consentir des prêts hypothécaires. Lorsque nous passons à un resserrement quantitatif, je peux vous assurer que les banques continueront à accorder des prêts hypothécaires.
    D'accord. Merci, monsieur le gouverneur.
    Les prix changeront, mais ce n'est pas un lien quantitatif.
    Vous avez dit plus tôt que nous aurions peut-être l'occasion d'explorer davantage le secteur immobilier, et je veux certainement le faire ici, mais à cet égard, nous avons une augmentation de 43 % du prix moyen des maisons en deux ans. J'aimerais vous demander précisément comment on peut obtenir une telle augmentation, surtout compte tenu de la quantité de mesures d'assouplissement quantitatif prises par la Banque du Canada au cours des deux dernières années.
    Pourriez-vous me fournir des explications à ce sujet? J'ai l'impression, pour une raison quelconque... Écoutez, je ne regarde pas en arrière. Je suis tourné vers l'avenir. J'essaie de comprendre comment on peut enregistrer une augmentation de 43 % en seulement deux ans.
    Les prix des maisons ont considérablement augmenté. Le marché immobilier est très élevé et nous ne pouvons pas continuer d'enregistrer ce type de hausses des prix des maisons et ce type de taux de croissance que nous voyons dans le secteur immobilier. Je tiens à être très clair sur ce point d'entrée de jeu.
    Pourquoi les prix des maisons ont tant augmenté? C'est en raison d'une demande accrue de logements et d'une offre limitée. Je sais qu'un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le Comité ont beaucoup parlé de l'offre — la SCHL et d'autres. La solution fondamentale pour réduire la hausse des prix des maisons est d'augmenter l'offre au pays. C'est ce qui permettra aux gens d'accéder aux maisons qu'ils veulent.
    Je suis ravi de voir que différents ordres de gouvernement mettent davantage l'accent sur l'offre. Le problème des prix des maisons élevés et de l'endettement élevé des ménages qui ont du mal à acheter ces maisons se pose depuis sept ou huit ans. Il existait avant la pandémie. La pandémie a, comme pour bien d'autres choses, intensifié le problème.
(1635)
    Monsieur le gouverneur, en tout respect, je m'interroge sur les deux dernières années. L'assouplissement quantitatif a‑t‑il eu une incidence sur les taux d'intérêt et jeté de l'huile sur le feu pour ce qui est des prix des maisons?
    L'assouplissement quantitatif, conjointement avec d'autres mesures que nous avons adoptées, dont des taux hypothécaires plus bas, a contribué à la vigueur du marché immobilier.
    D'accord.
    Encore une fois, certains pourraient dire que le taux de 43 % écarte encore davantage la possibilité d'accéder à la propriété, qui est l'objectif et le rêve de nombreux Canadiens.
    Votre prédécesseur a mentionné une fois au Comité qu'il aimerait voir plus d'offres d'hypothèques différentes. Il a dit que nous n'avions pas une variété d'hypothèques différentes qui pourraient répondre aux différents besoins. Êtes-vous d'accord? Devrait‑il y avoir plus d'innovation dans le secteur des hypothèques qu'il y en a actuellement?
    Regardez, l'innovation qui crée plus de possibilités pour les consommateurs, je suis... oui, je pense que ce serait une bonne chose. Je pense qu'il faut faire preuve de prudence à l'égard de l'innovation. Nous devons nous assurer que les innovations sont robustes et qu'elles seront... Vous savez, nous avons vu beaucoup d'innovation dans le marché immobilier aux États-Unis en 2004, 2005 et 2006, mais les choses se sont très mal terminées. Nous n'avons heureusement pas été aussi novateurs au Canada. Il y a eu des innovations au Canada, mais à moindre échelle.
    Quelles seraient certaines innovations positives, à votre avis?
    Eh bien, je n'ai pas vraiment de suggestions précises. Ce sont des décisions que les entreprises doivent prendre.
    Je ne sais pas si notre première sous-gouverneure, Mme Rogers, a une opinion à ce sujet.
    Je pense que le député parle de suggestions pour des hypothèques à plus long terme. Je me rappelle quand le gouverneur Poloz en a parlé.
    Je pense, comme le gouverneur l'a dit, que l'innovation qui ne se fait pas au détriment de la stabilité est une bonne innovation, donc les conditions seraient certainement un facteur à prendre en compte.
    Merci de ces remarques.
    Merci, monsieur Albas.
    Nous allons passer aux libéraux.
    Monsieur MacDonald, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure, d'être ici aujourd'hui. Ce sont là des conversations très intéressantes que nous avons, qui clarifient de nombreux enjeux et de nombreuses questions que bien des gens posent.
    Je veux revenir à votre assouplissement quantitatif concernant les obligations. Pouvez-vous décrire quand et comment vous analysez le retrait de ces obligations de votre bilan?
    Il y a diverses étapes, alors nous avons procédé à un assouplissement quantitatif. Nous avons commencé en octobre 2020 ce que nous appelons la diminution ou la réduction de l'assouplissement quantitatif, en achetant moins d'obligations. Nous avons commencé avec 5 milliards par semaine, puis sommes passés à 4, à 3, puis à 2. Nous avons ensuite mis fin à l'assouplissement quantitatif, ce qui signifie que nous sommes passés à l'étape du réinvestissement, où nous achetons seulement la quantité d'obligations d'État suffisantes pour remplacer les obligations qui viennent à échéance dans notre bilan.
    À l'heure actuelle, nous sommes à l'étape du réinvestissement. Ce que nous avons dit hier, c'est que nous envisagerons de passer à l'étape suivante. Nous avons fait savoir que nous resterions à l'étape du réinvestissement jusqu'à ce que nous augmentions le taux directeur. Hier, nous l'avons augmenté, si bien que la prochaine étape logique est d'envisager de ne pas remplacer les obligations qui viennent à échéance dans notre bilan, ce que l'on appelle le resserrement quantitatif, et nous avons indiqué que nous envisagerions le resserrement quantitatif et le moment de le commencer. Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, je pense que ce que vous pouvez retenir, c'est qu'à notre prochaine décision en matière de politique monétaire en avril, nous tiendrons une discussion en direct pour examiner la possibilité de mettre fin au réinvestissement et de commencer l'assouplissement quantitatif.
    Lorsque nous en serons à l'étape de l'assouplissement quantitatif, nous ne remplacerons pas les obligations du gouvernement du Canada qui viennent à échéance dans notre bilan, si bien que le nombre d'obligations d'État que nous détenons diminuera. Pour vous donner une idée du temps qu'il faudra, environ 40 % des obligations d'État disparaîtront de notre bilan en l'espace de deux ans.
(1640)
    On nous dit régulièrement que nous allons trop rapidement ou pas assez rapidement en ce qui concerne les politiques monétaires et fiscales. Que se passe‑t‑il si elles se contractent trop rapidement en même temps?
    S'il y a un trop grand resserrement trop rapidement, l'économie ralentira. L'inflation baissera sous la cible de 2 % et il y aura plus de chômeurs et moins de revenus dans l'économie. S'il y a moins de revenus dans l'économie, les gens dépensent moins et n'achètent pas de biens, alors les entreprises commencent à réduire le prix de ces biens et l'inflation baisse et devient trop faible, inférieure à la cible. Si vous regardez notre projection, nous aurons une croissance très solide cette année et l'année prochaine, ce qui ramènera l'inflation à la cible. Oui, essayer d'équilibrer ces éléments est une tâche délicate, et nous évaluerons cela à chaque décision que nous prendrons à l'avenir.
    Merci.
    Je veux revenir aux biens de production intérieure, ce que quelques membres ont abordé un peu, si je ne m'abuse, et à l'effet de l'invasion russe de l'Ukraine.
    Les gens dans la rue s'interrogent sur ces biens de production intérieure et l'effet que la guerre aura sur eux. Je sais que vous avez abordé quelques aspects de la question, mais je souhaite voir à quel point vous pouvez approfondir le sujet pour nous fournir une réponse plus précise.
    En ce qui concerne les effets sur le Canada liés aux prix des produits, je tiens à préciser que nous parlons du prix du pétrole, du prix du gaz naturel, du prix du blé, du prix de la potasse, du prix du nickel, des biens que la Russie et...
    Monsieur le gouverneur, en ce qui concerne les biens de production intérieure, je croyais qu'il serait question de la santé et de l'éducation, entre autres choses.
    Je suis désolé. J'ai mal compris.
    Lorsque vous parlez de biens de production intérieure, vous voulez dire les services?
    Oui.
    Pour ce qui est des répercussions sur les services canadiens, je ne m'attends pas à ce qu'elles soient importantes. L'incertitude mondiale a augmenté. Il y a une plus grande volatilité sur les marchés financiers et nous pourrions voir des interruptions de l'approvisionnement, ce qui pourrait nuire à la croissance, mais je n'entrevois pas de répercussions très importantes sur des secteurs comme la santé et l'éducation au Canada.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Merci, monsieur MacDonald.
    Nous allons passer à notre troisième série de questions, chers collègues. Les conservateurs prendront la parole en premier.
    Monsieur Lawrence, on vous écoute, pour cinq minutes.
    Merci de comparaître aujourd'hui, monsieur le gouverneur.
    Je veux me concentrer sur un secteur particulier de l'inflation, à savoir l'énergie.
    Dans 7 de vos 11 derniers communiqués de presse, vous avez déclaré que l'énergie, que ce soit l'essence ou le pétrole, était la cause ou le facteur clé de l'inflation. Si nous étions en mesure de produire plus d'énergie, plus de pétrole au Canada, et d'être plus indépendants sur le plan énergétique que nous le sommes à l'heure actuelle — de manière à ne pas importer de pétrole de la Russie et d'autres pays dans le monde —, le Canada serait‑il plus en mesure de contrôler l'inflation?
(1645)
    Nous sommes de gros exportateurs de pétrole sur les marchés mondiaux. Le pétrole...
    Monsieur le gouverneur, si nous pouvions augmenter la quantité de pétrole et de gaz que nous pouvons exporter sur le marché mondial — et vous avez mentionné dans 7 des 11 derniers communiqués de presse que c'est un facteur important —, cela réduirait les pressions inflationnistes.
    En ce qui a trait à la marge, si le Canada produisait et exportait plus de pétrole, cela pourrait réduire les pressions sur les marchés mondiaux.
    Je peux vous dire que dans ma ville d'Orono, pendant que vous parlez d'épargnes excédentaires, les résidents disent à quel point ils n'arrivent pas à payer leur facture de chauffage. Ils parlent du fait qu'ils n'ont pas les moyens de payer leur essence et leurs factures de chauffage. Si nous enregistrions, par exemple, une baisse de 10 % du prix de l'essence ou du carburant pour les Canadiens, cela aurait‑il une incidence sur l'inflation?
    Oui. Cela ferait baisser l'inflation.
    La taxe sur le carbone équivaut à un coût additionnel d'environ 10 % sur le pétrole et le gaz. Si nous pouvions accorder aux Canadiens un congé de taxe pendant une certaine période, cela les aiderait‑il à affronter les pressions additionnelles auxquelles ils sont confrontés en raison de l'inflation?
    Dans notre Rapport sur la politique monétaire, nous rendons compte de l'incidence de la taxe sur le carbone sur l'inflation. C'est environ 0,1 % par année. La raison est que la taxe sur le carbone augmente sur une très longue période.
    Elle est sur le point d'augmenter, mais si vous regardez le coût du pétrole à l'heure actuelle pour remplir votre réservoir d'essence, pour chauffer votre maison ou, dans le cas des agriculteurs, pour garder leur bétail au chaud, cela peut monter à bien plus que 0,1 %. Je peux vous l'assurer. Selon les producteurs agricoles de la Saskatchewan, il en coûtait à leurs agriculteurs, en moyenne, 10 % de plus.
    Si l'on regarde le coût de l'essence à la pompe, c'est 10 %, monsieur. Pardonnez-moi si je remets en question vos chiffres.
    Le taux de 0,1 % est l'incidence d'une augmentation de la taxe sur le carbone au fil du temps. De toute évidence, si vous l'éliminez, cela aurait effectivement une plus grande incidence.
    Ce dont je parlais, c'était de donner un congé de taxe aux Canadiens — non pas une hausse, mais un congé de la taxe sur le carbone.
    Je n'ai pas cette donnée sous les yeux. Je suis désolé.
    Si vous avez dit qu'une réduction de 10 % du coût du carburant aurait une incidence sur l'inflation et que la taxe sur le carbone équivaut à un coût d'environ 10 %, c'est tout à fait logique. Si a équivaut à b et que a équivaut à c, c'est logique. Pourrions-nous avoir ces chiffres? Pourrions-nous connaître l'incidence de la taxe sur le carbone — au total, pas l'augmentation — sur l'inflation?
    Oui, nous pourrions obtenir ces chiffres.
    Merci, monsieur le gouverneur.
    L'autre chose que j'ai trouvé un peu étrange, c'est que d'une part, vous avez dit que la politique monétaire ne conduisait pas à l'inflation. Toutefois, vous vous êtes félicité plus tôt en disant que c'était la politique monétaire qui nous avait sauvés de la déflation. Je ne comprends peut-être pas.
    Pourriez-vous clarifier cela pour moi, monsieur le gouverneur?
    Oui.
    Si l'économie fonctionne en deçà de sa capacité, cela a tendance à exercer une pression à la baisse sur l'inflation. Si elle fonctionne au‑delà de sa capacité, cela fait augmenter l'inflation. L'économie fonctionne en deçà de sa capacité depuis les deux dernières années. Elle était initialement bien en deçà de sa capacité. Elle s'est relevée de façon impressionnante et fonctionne désormais à sa capacité.
    Elle n'est pas en situation de demande excédentaire; elle ne fonctionne pas au‑delà de ses capacités, ou du moins pas nettement au‑delà de ses capacités. L'inflation que nous enregistrons n'est pas générée par une demande excédentaire ici au Canada. Elle est générée par ces facteurs internationaux, que j'ai mentionnés.
     Je vous cède le reste de mon temps de parole
    Merci, monsieur Lawrence.
    Passons aux libéraux et à M. Baker pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur, merci beaucoup du temps que vous nous consacrez aujourd'hui. Je dois vous dire que j'ai une formation en finances. J'ai étudié l'économie et j'ai deux diplômes en commerce. Pourtant, rien qu'en écoutant votre témoignage aujourd'hui, j'ai déjà appris énormément de choses, alors je vous remercie de votre temps et de votre présence ici.
    Je tiens également à dire que j'ai lu votre biographie. Si je ne me trompe pas, vous avez dit avoir étudié à Queen's et à l'Université Western Ontario. Vous avez aussi, bien sûr, été doyen de l'École de gestion Rotman. Je suis diplômé de la Schulich, et je vais essayer de ne pas vous en tenir rigueur lorsque je vous poserai mes questions, si vous le voulez bien.
    Ma première question porte sur notre taux d'inflation actuel par rapport à celui de nos homologues internationaux. Je me demande, monsieur le gouverneur, si le taux d'inflation que nous observons au Canada est unique au Canada ou si le défi est le même partout dans le monde.
(1650)
    Je commencerai par dire qu'il y a beaucoup d'excellentes universités dans ce pays et que nous pouvons en être très reconnaissants.
    Je demanderai ensuite à notre première sous-gouverneure, Mme Rogers, si elle veut nous toucher quelques mots de l'inflation internationale. Elle revient tout juste au Canada après avoir vécu en Europe, de sorte qu'elle peut nous donner une perspective plus globale.
    La réponse courte recoupe ce qui a déjà été mentionné aujourd'hui, monsieur Baker. Comme l'a dit le gouverneur, l'inflation que nous observons en ce moment ne résulte pas d'une demande excessive; elle résulte d'une série de facteurs uniques découlant en grande partie de la pandémie. Elle résulte de problèmes dans les chaînes d'approvisionnement mondiales et de l'augmentation des prix des produits de base vendus à l'échelle mondiale, comme le pétrole. C'est la raison pour laquelle le portrait de l'inflation est à peu près le même partout dans le monde, quelles que soient les différences entre les économies.
    Je sais que dans les questions et discussions précédentes, on s'est demandé pourquoi les différentes économies connaissent des taux d'inflation différents. Encore une fois, comme nous l'avons dit plus tôt, les pays du G7 ont tous des économies très différentes, mais ils affichent des taux d'inflation assez comparables, parce qu'ils proviennent de la même source.
    Je vous remercie.
    Il semble bien que ce soit un phénomène mondial.
    Oui.
    Pouvez-vous nous dire comment notre taux d'inflation se compare à celui des autres pays du monde? Êtes-vous en mesure de nous l'indiquer?
    Oui. Je pense que nous avons déjà dit que ces taux sont assez comparables au sein des pays du G7 — la France, l'Italie, le Royaume-Uni, etc. Je pense que les derniers chiffres en provenance d'Europe sont juste au‑dessus de 5 %, ce qui est légèrement plus élevé que chez nous. Le taux d'inflation aux États-Unis est un peu plus haut. Il existe de petites différences dans la façon dont l'inflation est mesurée d'un pays à l'autre, et certaines différences dans les taux peuvent être attribuables à cela. Par exemple, les voitures d'occasion influencent davantage la mesure de l'inflation aux États-Unis qu'au Canada.
    Vous avez également constaté que l'économie a rebondi un peu plus vite aux États-Unis qu'ici en raison de différences entre les mesures sanitaires dans les deux pays. Il y a une foule de facteurs qui contribuent à l'inflation, mais encore une fois, on en revient aux facteurs les plus importants. Dans tous ces pays, on entend que les chaînes d'approvisionnement sont sous pression et que les prix des produits de base ont bondi.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le gouverneur ou madame la première sous-gouverneure, comment la reprise économique actuelle au Canada se compare‑t‑elle à celles qui ont suivi les récessions passées au Canada?
    Je dirais que tout dans cette récession est très différent des récessions passées. Tout d'abord, son ampleur incroyable et son caractère soudain. C'est un fait que presque tous les pays du monde sont entrés en récession presque le même jour.
    La reprise est également de loin la plus forte jamais enregistrée. Dans une certaine mesure, cela témoigne du fait que cette récession a été causée en partie par la nécessité de prendre des mesures de santé publique vraiment exceptionnelles qui ont littéralement fermé des pans entiers de l'économie. Dès que les commerces ont pu rouvrir, l'économie a rebondi très rapidement.
    L'autre élément est le stimulus exceptionnel qui a été fourni ici, au Canada, et dans de nombreux autres pays du monde. Face à la catastrophe économique, de nombreux gouvernements ont déployé des politiques exceptionnelles, avec succès.
    Très bien. Merci beaucoup, monsieur le gouverneur.
    Merci, monsieur Baker.
    Nous entendrons maintenant M. Ste‑Marie, député du Bloc, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur, le 7 février dernier, l'économiste américain Joseph Stiglitz écrivait un article intitulé « Une réponse équilibrée face à l'inflation ». Je vais vous lire deux extraits et vous demander ensuite votre opinion sur ce qu'il a écrit.
    Voici ce qu'il écrit au début du texte, à propos de l'inflation:
Ma principale crainte concerne toutefois le risque de voir les banques centrales surréagir, en élevant excessivement les taux d'intérêt, et en entravant la reprise naissante. Comme toujours, les catégories situées au bas de l'échelle des revenus seraient les plus susceptibles de souffrir d'un tel scénario.
    L'autre extrait se trouve vers la fin de l'article:
Ce que nous savons, c'est qu'une augmentation générale des taux d'intérêt constituerait un remède pire que le mal. Nous ne devons pas nous attaquer à un problème du côté de l'offre en réduisant la demande et en accentuant le chômage. Cela aura beau freiner l'inflation si la démarche est poussée très loin, cela ruinera également l'existence des individus.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
(1655)
    Il y a beaucoup d'aspects à considérer dans cette évaluation. Je suis d'accord sur certaines parties, mais pas sur toute l'analyse.
    Je suis d'accord que la politique monétaire ne peut, à elle seule, remédier au prix très élevé du pétrole ni réduire des goulots d'étranglement dans le système mondial. Toutefois, comme je l'ai déjà dit, il est très important que la politique monétaire maintienne des anticipations d'inflation bien ancrées, parce que, quand le prix du pétrole diminue ou, du moins, quand il n'augmente plus et que les goulots d'étranglement commencent à diminuer, les pressions sur l'inflation diminuent. L'inflation va diminuer si les anticipations d'inflation sont bien ancrées. Donc, il est très important que la politique monétaire maintienne des anticipations d'inflation bien ancrées.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    Passons maintenant à M. Blaikie, député du NPD, pour deux minutes et demie.
    Merci.
    L'une des questions que je voulais aborder, c'est qu'on a beaucoup discuté, au moment du renouvellement du mandat, de la possibilité d'ajouter le plein emploi aux objectifs de la Banque du Canada. Bien sûr, on a décidé de ne pas l'inclure dans le mandat de la Banque.
    Je me demandais si vous pouviez prendre le temps de nous parler de cette décision et du grand point d'interrogation qui subsiste pour plus de 6 % des Canadiens pour qui, même si l'on entend constamment dans l'économie que les employeurs ont besoin d'employés, le taux de chômage reste néanmoins obstinément élevé.
    Pourquoi a‑t‑on décidé de ne pas l'inclure dans le mandat de la Banque du Canada, même s'il s'agit clairement d'une question à laquelle la Banque semble vouloir accorder une attention particulière? Selon vous, quelle est la voie à suivre pour sortir de ce taux de chômage obstinément élevé, et comment la politique monétaire peut-elle contribuer à le faire baisser?
    Je pensais à cela pendant que vous répondiez à ma dernière question. Vous avez dit que la meilleure façon de combattre les inégalités au Canada, c'est de remettre tout le monde au travail, mais bien sûr, il a été décidé que cela ne faisait pas partie du mandat de la Banque du Canada. J'espère que vous pourrez nous aider à comprendre un peu mieux cette décision.
    Cela fait beaucoup pour six minutes, mais permettez-moi d'essayer de vous répondre rapidement.
    Je suis très heureux du mandat renouvelé de la Banque du Canada. Dans un certain sens, il reflète vraiment le succès que nous avons connu au cours des 30 dernières années. Cela vient clarifier aussi le rôle de l'emploi dans notre cadre. Je rappelle que l'économie doit être en plein emploi pour que l'inflation reste près de la cible. En situation de sous-emploi, il manque d'emplois dans l'économie. Il manque de salaires. Il n'y aura donc pas assez de dépenses, et l'inflation sera inférieure à l'objectif.
    L'une des choses que j'aime dans ce nouvel accord, c'est qu'il est plus clair à ce sujet. Il est plus clair que nous avons un rôle à jouer, dans le but d'assurer la stabilité des prix, pour soutenir l'emploi. Il est clair que notre objectif premier est la stabilité des prix.
    En outre, dans cet accord, nous indiquons que nous fournirons davantage d'analyses des marchés du travail. Nous avons déjà commencé à le faire. Si vous regardez notre dernier rapport sur la politique monétaire, en fait, vous y trouverez une analyse approfondie d'un vaste éventail d'indicateurs du marché du travail. Nous utilisons ces indicateurs — pas seulement les données agrégées, mais aussi celles sur l'inclusivité du marché du travail et les caractéristiques des emplois, comme les heures travaillées et les salaires — pour évaluer globalement combien il y a de marge de manœuvre dans l'économie.
(1700)
    Merci, monsieur le gouverneur. Vous avez résumé tout cela en une minute et demie. C'était très bien. Je vous remercie.
    Merci, monsieur Blaikie.
    Nous passerons aux conservateurs.
    Monsieur Chambers, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur le gouverneur. J'aimerais revenir à une chose que vous avez mentionnée à quelques reprises, à savoir la période très inhabituelle dans laquelle nous avons été plongés en 2020, et au fait que nous avons alors utilisé des outils que nous n'avions jamais utilisés auparavant. Nous les avons mis en place, en quelque sorte, pour que les taux d'intérêt... et pour que le marché demeure fonctionnel. C'est, bien sûr, l'assouplissement quantitatif dont vous avez parlé.
    À un moment donné, l'assouplissement quantitatif est devenu un outil stratégique ordinaire appliqué en permanence plutôt que pour répondre au besoin immédiat à court terme qui s'est manifesté lorsque tout a commencé. Vous avez également mentionné, lors de notre dernière conversation, que la Banque fait ses choix stratégiques en fonction des décisions prises par le ministère des Finances du gouvernement fédéral.
    La question est la suivante. Nous savons que l'assouplissement quantitatif a contribué à maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau. Le revers de la médaille, c'est que si nous ne l'avions pas fait, si nous n'avions pas acheté d'obligations d'État, les taux d'intérêt auraient augmenté. Je serais curieux de savoir si la Banque avait vraiment le choix d'utiliser ou non l'assouplissement quantitatif plus tard au cours de la pandémie, étant donné que le gouvernement présentait des plans budgétaires prévoyant des dépenses de 100, 200 ou 350 milliards de dollars.
    Eh bien, la Banque a toujours le choix. Nous utilisons nos outils pour atteindre notre cible d'inflation. La raison pour laquelle nous en avons tant fait pour nous attaquer à ce problème au début, c'est que nous étions dans la récession la plus grande et la plus brutale que nous ayons connue depuis de très nombreuses générations, donc nous nous y sommes attaqués vigoureusement.
    Je dois aussi souligner que les taux d'intérêt sont notre principal instrument. La raison pour laquelle nous avons eu recours aux indications prospectives et à l'assouplissement quantitatif, c'est que nous avions déjà abaissé les taux le plus possible. Nous les avons relevés depuis. Nous avons mis fin à l'assouplissement quantitatif en octobre dernier. Nous venons d'augmenter notre taux directeur. Nous envisageons maintenant un resserrement quantitatif. Notre taux directeur restera notre principal instrument.
    Je comprends. Je vous remercie. C'est simplement qu'à mon avis, compte tenu du plan financier que le gouvernement vous a présenté et du fait que nous voulions maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau, la Banque ne pouvait pas vraiment faire autrement.
    Parlons maintenant des Canadiens à faible revenu. Vous avez prononcé un discours il y a un an dans lequel vous disiez une chose que vous avez mentionnée de nouveau ici aujourd'hui, c'est‑à‑dire que l'inflation a un effet démesuré sur les Canadiens à faible revenu, sur ceux qui sont à court d'argent, si l'on veut, ou qui vivent d'un mois à l'autre, d'un chèque de paie à l'autre. Notre décision, celle du gouvernement et celle de la Banque, de maintenir la politique de taux d'intérêt bas pendant une période de plus en plus longue a toujours un effet profond sur ces personnes.
    Comment qualifieriez-vous ce que vous avez dit il y a tout juste un an?
    Je reste préoccupé par le fait que l'inflation a un effet disproportionné sur les Canadiens à faible revenu. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est si important de maintenir une inflation faible et stable. Les personnes qui en souffrent le plus sont celles qui ont le moins les moyens de l'absorber.
    L'inflation que nous constatons aujourd'hui, comme nous l'avons dit à maintes reprises, est fortement attribuable à l'augmentation des prix sur les marchés mondiaux. Nous devons absolument relever les taux d'intérêt pour bien ancrer les attentes d'inflation et maintenir des dépenses modérées pour ramener l'inflation au niveau cible.
    Il faudra un certain temps pour y parvenir. Nos outils prennent du temps à porter fruit, mais je suis convaincu que nous y parviendrons.
    Je vous remercie. J'espère que nous continuerons dans cette voie pour contenir l'inflation.
     J'ai une dernière question.
    On parle beaucoup des attentes d'inflation et d'ancrage, et je sais que c'est un sujet auquel vous réfléchissez beaucoup. En octobre, vous avez mis en relief deux risques dans votre projection pour l’économie, à savoir les attentes d'inflation et les attentes salariales.
    D'après les recherches menées par la banque en janvier, les entreprises estimaient, pour la première fois depuis très longtemps, que les salaires seront plus élevés dans 12 mois, et pour la première fois depuis longtemps, les salaires sont les plus élevés jamais enregistrés. Elles s'attendent à ce que les prix soient bien au‑delà de la fourchette cible de l'inflation.
    Êtes-vous inquiet que cette attente d'inflation s'installe actuellement dans l'économie?
(1705)
    Je suis heureux que vous examiniez nos sondages avec attention.
    Oui. Comme je l'ai souligné aujourd'hui, et comme nous l'avons souligné dans notre communiqué de presse hier, nous craignons que plus l'inflation reste longtemps bien au‑delà de la cible, plus le risque sera grand que les attentes d'inflation commencent à monter.
    L'autre chose qui nous préoccupe, et dont j'ai parlé assez longuement aujourd'hui, c'est que l'inflation est élevée. Elle s'étend également. Si l'on regarde les différentes composantes — il y a 165 composantes prises en compte dans l'IPC —, près des deux tiers d'entre elles dépassent maintenant les 3 %. Cela signifie que même pour un consommateur très prudent et diligent à l'affût des meilleures affaires, il est difficile d'éviter l'inflation que nous connaissons aujourd'hui. Cela fait augmenter le risque que les gens commencent à penser que ces fortes augmentations de prix vont se poursuivre. Si cela se produit, les attentes d'inflation risquent de perdre tout ancrage, et il sera beaucoup plus difficile de ramener l'inflation vers la cible.
    Merci, monsieur le gouverneur, et merci, monsieur Chambers. Votre temps est écoulé.
    Passons aux libéraux et à Mme Chatel.
    Vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais commencer par soulever quelques incohérences que je vois dans la politique économique des conservateurs. D'un côté, ils semblent croire que les dépenses gouvernementales que nous avons engagées pour protéger notre économie ont créé de l'inflation, et en même temps, ils sont particulièrement préoccupés par l'inflation dans le secteur du logement.
    Monsieur le gouverneur, comme vous l'avez très bien dit aujourd'hui, les dépenses n'ont pas d'importance en soi, tout dépend de l'objet des dépenses. Si l'on dépense pour augmenter l'offre de logements, par exemple, on se trouve en fait à réduire la pression inflationniste sur le logement.
    J'espère qu'ils y réfléchiront et qu'ils se concentreront là‑dessus: c'est l'objet des dépenses qui est vraiment la clé pour augmenter l'offre dans les domaines sous contrainte.

[Français]

    Somme toute, ce qui me préoccupe en ce moment, ce sont vraiment les changements climatiques. Comme nous le savons, et vous l'avez d'ailleurs dit, les changements climatiques vont entraîner des sécheresses, lesquelles vont causer une pression sur l'agriculture, une augmentation des prix des aliments ainsi que des bris dans la chaîne d'approvisionnement.
    C'est sûr que les gouvernements utilisent les outils qu'ils ont en ce moment pour faire un virage vert. L'un des meilleurs outils pour aider notre économie à faire la transition vers une économie verte, c'est l'établissement d'un prix sur la pollution. Cela ne fait aucun doute pour les économistes de l'OCDE.
    Comment voyez-vous les répercussions des changements climatiques sur l'inflation qui touche le secteur alimentaire? La nourriture est un produit de base pour les Canadiens à faible revenu. C'est donc très important.
    Nous commençons à travailler sur les implications des changements climatiques en ce qui concerne la politique monétaire. Pour le moment, cela ne fait pas vraiment partie des modèles de notre politique monétaire, mais nous commençons à étudier cette question.
    Nous avons mené une étude avec le Bureau du surintendant des institutions financières et six grandes institutions financières du Canada, où nous avons eu recours à l'analyse de scénarios. Il faut dire qu'il est très difficile de faire des prévisions au sujet des changements climatiques, tellement il y a d'incertitudes. Nous avons étudié différents scénarios et tenté de déterminer quelles étaient les implications de chacun d'eux, dans le but d'aider les institutions financières à gérer les risques que posent les changements climatiques pour leur bilan. Lorsque ces risques sont mieux compris, le système financier est plus en mesure d'affecter des capitaux vers des investissements plus durables.
    Cela dit, ce n'est pas à nous de donner des conseils sur les politiques en matière de changements climatiques. C'est vraiment aux élus du Canada de déterminer ces politiques. Nous avons cependant un rôle à jouer pour aider les marchés financiers à gérer ces défis.
    Nous avons du travail à faire afin de mieux comprendre les répercussions des changements climatiques sur les modèles de notre politique monétaire.
(1710)
    Forcément, les changements climatiques vont créer de l'inflation en ce qui touche les produits de l'agriculture. D'ailleurs, nous le voyons déjà.
    Oui. L'année passée, les sécheresses et les grandes tempêtes ont eu des effets sur les récoltes. C'est en partie lié aux changements climatiques. Il y avait aussi des sécheresses avant que s'amorcent les changements climatiques. Nous avons donc besoin de la science pour séparer les deux phénomènes.
    Cela dit, les changements climatiques ont certainement des effets sur les récoltes, comme nous avons pu le constater lors des sécheresses dans l'Ouest canadien.

[Traduction]

    Madame Chatel, voilà qui conclut notre troisième tour.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Chers collègues, nous ferons un dernier tour. Comme à notre habitude, à ce comité, s'il n'y a pas assez de temps pour un tour complet, nous répartissons le temps entre tous les partis. Je prévois environ quatre minutes et demie par parti. Nous allons commencer par les conservateurs, pour quatre minutes et demie.
    Monsieur Fast, à vous la parole.
    Merci.
    Monsieur le gouverneur, une grande partie de votre analyse porte sur les défis liés à l'offre qui sont à l'origine de l'inflation, comme les contraintes dans la chaîne d'approvisionnement. Vous avez laissé entendre que c'en était la principale cause, et je serais enclin à être d'accord avec vous sur ce point. Cependant, certaines personnes expriment aussi des inquiétudes quant à la demande.
    Par exemple, l'économiste en chef de la Banque TD a récemment déclaré: « La demande stimulée par la reprise de l'économie et le pouvoir d'achat accru des ménages compensera une grande partie des allégements du côté de l'offre. »
    Êtes-vous d'accord avec elle, ou y a‑t‑il un risque du côté de la demande, de sorte que nous assistions à une double pression sur l'inflation au Canada?
    Je n'ai pas lu cette publication de la Banque TD, mais oui, ce que je dis, c'est que l'économie a repris. Le ralentissement a été absorbé. Il y a un solide élan dans la demande. Nous avons eu un deuxième semestre très fort l'an dernier. Nous sortons de la vague d'Omicron et nous nous attendons à observer une vigueur soutenue.
    Cela signifie qu'il y a un risque que la demande commence à dépasser l'offre considérablement; le cas échéant, nous aurons une nouvelle source intérieure d'inflation. Cela nous ramène à la raison pour laquelle nous avons commencé à relever les taux d'intérêt et indiqué que nous prévoyons que nous devrons continuer à les relever, afin de pouvoir modérer la croissance des dépenses et maintenir la demande et l'offre à peu près en équilibre.
(1715)
    Monsieur le gouverneur, est‑il justifié d'injecter de nouvelles mesures de relance dans l'économie, que ce soit par l'assouplissement quantitatif ou des dépenses publiques?
    Eh bien, nous n'avons plus besoin de l'assouplissement quantitatif. Nous y avons mis fin en octobre dernier. En fait, nous envisageons maintenant le resserrement quantitatif…
    Qu'en est‑il des dépenses du gouvernement?
    Je vais laisser les députés prendre les décisions relatives aux dépenses gouvernementales.
    Très bien.
    Permettez-moi de vous poser une question au sujet de M. David Rosenberg que vous connaissez sans doute fort bien. Il a laissé entendre que d'ici la fin de 2022, soit la fin de cette année, nous devrons faire face à une récession, plutôt que d'avoir à nous préoccuper sans cesse de l'inflation.
    Êtes-vous d'accord avec lui? Sinon, pour quelles raisons? Est‑ce que vous prenez des mesures pour éviter que nous glissions vers une récession?
    Il n'y a rien qui ressemble à une récession dans nos prévisions. Nous anticipons plutôt une croissance assez soutenue cette année et l'an prochain. C'est une croissance modérée, mais soutenue.
    Nous croyons nécessaire de hausser les taux d'intérêt pour modérer la hausse actuelle. Nous estimons que l'économie est capable de l'absorber. Selon nous, c'est une mesure essentielle pour que l'inflation puisse être ramenée à la hauteur des cibles établies, mais nous pensons qu'il est possible de le faire sans nuire à la reprise économique.
    Je veux revenir à vos commentaires concernant l'injection de liquidités et l'assouplissement quantitatif, tout cela en lien avec l'inflation.
    Êtes-vous en train de nous dire que l'injection de liquidités sur le marché ne crée pas de l'inflation?
    Pour que les choses soient bien claires, je disais en fait qu'il n'y a pas de lien quantitatif direct entre la taille des soldes de règlement et le nombre d'hypothèques consenties au sein de l'économie. Les banques n'ont pas besoin de soldes de règlement ou de mesures d'assouplissement quantitatif pour consentir des hypothèques. Ainsi, lorsque nous passerons au resserrement quantitatif et que nous réduirons la taille de notre bilan, les banques vont continuer de consentir des hypothèques.
    Cela dit, en réduisant les taux d'intérêt et en ayant recours au cadrage prospectif avec le soutien supplémentaire de l'assouplissement quantitatif, nous avons fait baisser les taux hypothécaires, ce qui a certes contribué à la vigueur que nous avons pu observer sur le marché immobilier. Notre économie avait besoin d'un stimulus semblable. Comme notre économie est maintenant rétablie, nous nous dirigeons vers une politique monétaire se rapprochant davantage de la normale.
    Merci, monsieur le gouverneur, et merci, monsieur Fast.
    Nous passons du côté des libéraux avec Mme Dzerowicz pour une période de quatre minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier le gouverneur et la première sous-gouverneure pour tout le temps qu'ils ont la générosité de nous consacrer, ce qui nous permet d'avoir des échanges des plus intéressants.
    Mon collègue a parlé brièvement de votre formation universitaire. Je me souviens entre autres très clairement de votre participation à la rédaction d'un rapport fondateur sur la finance durable que j'ai toujours trouvé excellent.
    Vous savez sans doute que notre gouvernement fédéral a un plan très ambitieux visant à atteindre la carboneutralité d'ici 2050. Nous avons engagé à ce titre quelque 100 milliards de dollars aux fins d'une centaine de mesures différentes que nous comptons mettre en oeuvre. Compte tenu des préoccupations touchant l'inflation, pensez-vous que nous devrions ralentir la cadence?
    Voilà d'autres décisions que je vais laisser aux bons soins de nos députés élus. Ce sont des décisions qui relèvent des dépenses publiques et de la taxation, des décisions que le gouvernement…
    Je m'attendais à une réponse semblable, monsieur le gouverneur, mais je tiens tout de même à vous remercier pour votre excellent travail dans le domaine de la finance durable.
    Je vais alors revenir à la question de la productivité. Nous avons terminé notre dernière conversation sur ce sujet de la productivité, et je crois que vous vous apprêtiez alors à dire quelque chose, mais je ne sais pas si vous vous en souvenez. Sinon, je vais enchaîner avec une question de suivi à propos de la productivité.
    Je crois que je m'apprêtais à dire que la productivité doit notamment passer par les efforts des entreprises pour investir dans leurs travailleurs et injecter de nouveaux capitaux, car si vous donnez de meilleurs outils à vos travailleurs, ils deviennent plus productifs, et cette productivité accrue se traduit par de meilleurs salaires. Si les salaires grimpent parce que la productivité a augmenté, il n'y a pas de pression inflationniste.
    Parmi les éléments qui m'ont réjoui dans les données du quatrième trimestre, il y a cette reprise des investissements que l'on commence à observer. Il s'agit de parler aux chefs d'entreprise pour comprendre que leur volonté d'investir n'a jamais été aussi forte, et nous espérons sincèrement que leurs plans d'affaires vont se concrétiser par des investissements.
(1720)
    Les témoins que nous avons pu entendre au fil des ans nous ont notamment dit que l'une des meilleures façons pour nous d'accroître la productivité à un coût très faible consiste à nous employer sans cesse à éliminer les disparités réglementaires et les barrières commerciales entre les provinces. Croyez-vous que nous devrions effectivement poursuivre nos efforts en ce sens et estimez-vous que cela permettrait d'augmenter considérablement notre productivité?
    Je pense que ce serait une excellente idée. Il y a différentes choses que les gouvernements de tous ordres pourraient faire sans engager quelque somme que ce soit pour que notre économie puisse mieux fonctionner. Il y a un avantage du point de vue de la productivité, mais c'est également bénéfique pour les travailleurs. Ceux‑ci pourraient en effet se déplacer d'une province à l'autre pour trouver un emploi qui leur convient mieux. Il y a effectivement un certain nombre de règlements qui ne sont sans doute plus vraiment utiles, et l'on serait bien avisé d'y regarder de plus près.
    Merci, monsieur le gouverneur. Je vous dirais que votre intervention tombe à point nommé, car j'entends mes collègues d'en face dire qu'ils sont également très favorables à cette idée. J'espère donc que nous pourrons entreprendre une étude à ce sujet dans les plus brefs délais. Dans un contexte où notre monde devient plus imprévisible et instable, je pense qu'il est particulièrement important de renforcer notre économie intérieure, ce qui sera salutaire pour tous nos concitoyens ainsi que pour les entreprises canadiennes.
    Il me reste encore du temps pour une brève question?
    Il faudra qu'elle soit très brève, car il vous reste 30 secondes.
    Monsieur le gouverneur, vous avez indiqué aujourd'hui que vous vous attendiez à une diminution de l'inflation au second trimestre de cette année alors que les difficultés découlant de la pandémie commenceront à moins se faire sentir. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
    Certainement. Comme je le soulignais, une grande partie de la poussée inflationniste que nous observons actuellement est le résultat combiné d'une transition majeure des services vers les biens, vu que les gens ne pouvaient pas acheter beaucoup de services pendant la pandémie, et de la fragilisation des chaînes d'approvisionnement causant des étranglements de l'offre à l'échelle internationale. Au fur et à mesure que la pandémie se résorbera, nous nous attendons à voir les gens se payer à nouveau tous ces services qui leur ont manqué. Ils vont recommencer à voyager, à aller au restaurant ou à assister à un concert rock. Ils vont dépenser davantage pour les services et moins pour les biens. Les chaînes d'approvisionnement planétaires vont dès lors ressentir une pression moindre. Parallèlement à cela, nous constatons que d'importants investissements sont consentis pour améliorer le fonctionnement de ces chaînes d'approvisionnement et les consolider. Ces efforts devraient s'atténuer et l'inflation devrait diminuer, mais il faudra un certain temps.
    Merci, monsieur le gouverneur, et merci, Mme Dzerowicz.
    Nous passons maintenant au Bloc et à M. Ste-Marie pour une période de quatre minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le gouverneur, je vais refaire le même exercice, mais en prenant les propos d'un autre économiste. Je vais citer Mohamed El‑Erian, un économiste qui n'est pas du tout de la même école de pensée que Joseph Stiglitz. Dans son article publié le 28 février dernier, il est très critique quant à la gestion de l'inflation par la Réserve fédérale américaine, autrement dit la Fed.
    Vers la fin de son article, on peut lire ce qui suit:
[...] les responsables de la Fed ont exprimé publiquement des points de vue différents sur la stratégie à adopter en ce qui concerne la hausse de taux d'intérêt et la réduction de son bilan démesuré de 9 000 milliards de dollars.
En l'absence de toute orientation appropriée de la Fed, le marché s'est empressé de prévoir 7 ou 8 hausses des taux d'intérêt pour la seule année 2022. Certains analystes de Wall Street pensent qu'il pourrait y en avoir jusqu'à dix, dont une hausse de 50 points de base dès la réunion de la Fed à la mi-mars. D'autres ont appelé la Fed à une hausse d'urgence des taux d'intérêt.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur ce qu'a écrit M. Mohamed El‑Erian.
    Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris la question.
    Les gens peuvent avoir des perspectives différentes quant à ce que devrait faire la Réserve fédérale américaine.
(1725)
    Tout d'abord, M. El‑Erian critique la Réserve fédérale en disant qu'elle n'a pas bien pris en compte l'importance de l'inflation. En outre, dans la première partie de l'extrait que j'ai lu, il affirme que « les responsables de la Fed ont exprimé publiquement des points de vue différents sur la stratégie à adopter en ce qui concerne la hausse de taux d'intérêt ».
    Avez-vous une réaction à ce sujet? Êtes-vous d'accord sur ce qu'a écrit l'économiste M. El‑Erian?
    Le président de la Réserve fédérale américaine, M. Powell, a fait des déclarations, hier et aujourd'hui, au sujet de la situation aux États‑Unis. Je vais laisser à la Réserve fédérale américaine le soin de parler de sa politique monétaire. Personnellement, j'ai assez de défis ici, au Canada. Alors, je vais me concentrer sur l'inflation ici, au Canada.
    En effet, mais je crois qu'il y a une certaine interpénétration ou un jeu de vases communicants entre ce qui se fait à la Réserve fédérale américaine et les décisions que vous prenez.
    L'économiste M. El‑Erian écrit qu'il pourrait y avoir sept, huit, voire jusqu'à dix hausses des taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine au courant de l'année 2022. Est-ce une affirmation qui vous surprend? Préférez-vous, encore une fois, ne pas commenter ces propos?
    Je préfère me concentrer sur nos défis ici, au Canada. Je suis tout à fait prêt à commenter la politique monétaire canadienne, mais pas celle des autres pays.
    D'accord.
    Selon vous, est-il envisageable qu'il y ait sept ou huit hausses des taux d'intérêt au Canada au cours de l'année 2022?
    Comme je l'ai mentionné aujourd'hui, nous anticipons qu'il sera nécessaire de hausser davantage les taux d'intérêt. Nous devons prendre une décision à huit reprises au cours de l'année. À chacune de ces occasions, nous examinons ce que nous devrions faire pour ramener l'inflation vers notre cible. Si les risques à la hausse sont plus importants, il est possible que nous devions faire bouger les choses plus rapidement en utilisant des mesures plus rigoureuses. Dans ces circonstances, nous allons hausser les taux d'intérêt plus rapidement. Cependant, il est possible qu'à la suite de quelques hausses des taux d'intérêt, l'effet de notre politique monétaire soit plus fort que prévu, alors nous pourrions décider de faire une petite pause de ce côté. L'avenir nous le dira. Nous allons prendre ces décisions par étapes.
    C'est très clair. Je vous remercie.
    J'ai une dernière question à vous poser. Elle est très courte.
    Avez-vous modifié vos modèles de prévisions en lien avec l'inflation, compte tenu de ce que nous avons vu au cours de la dernière année? Si oui, quelles ont été ces modifications?
    Je vous remercie, monsieur Macklem.
    Nous essayons toujours d'améliorer nos modèles, mais nous n'y avons pas vraiment apporté de grands changements.
    En fait, nous avons commencé à utiliser toutes sortes de nouvelles données. Comme je l'ai déjà mentionné, nous regardons un large éventail de données sur le marché de la main-d'œuvre. Plus récemment, nous regardons de plus en plus les données en ce qui concerne les chaînes d'approvisionnement et les goulots d'étranglement, entre autres. Durant la pandémie, nous avons utilisé toutes sortes de nouvelles données pour regarder, par exemple, la mobilité des personnes.
    Merci, monsieur Macklem.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    M. Blaikie du NPD sera le dernier à pouvoir poser ses questions.
    Merci.
    C'est dommage que la séance soit presque terminée. Il y a tant d'autres enjeux au sujet desquels j'aurais aimé connaître votre point de vue. Jevais poser une première question pour le cas où vous souhaiteriez y répondre, mais je crois savoir dans quel sens vous allez le faire. Je m'intéresse au sort de ceux qui sont les plus vulnérables à des hausses des taux d'intérêt, soit simplement parce qu'ils ont un faible revenu ou parce que leur ratio d'endettement est élevé.
    Quels types de politiques fiscales pourraient accompagner les hausses des taux d'intérêt afin d'alléger les pressions exercées sur les ménages disproportionnellement touchés par ces augmentations? Libre à vous de nous dire ce que vous en pensez.
    J'ai une seconde question pour laquelle je crois davantage en mes chances d'obtenir une réponse. Cela concerne les mandats des banques centrales.
    Au Canada, nous venons tout juste de renouveler ce mandat. On n'y retrouve pas d'objectifs en matière de plein emploi. Nous savons que certains de nos alliés ont intégré d'autres éléments au mandat de leur banque centrale. Je crois que la Nouvelle-Zélande y a énoncé explicitement des considérations liées au prix du logement. Le Royaume-Uni a intégré au mandat de sa banque centrale une forme de financement écologique ou un principe lié aux changements climatiques.
    Ma question porte sur ce dernier élément. Selon vous, quel rôle la Banque du Canada pourrait-elle jouer pour tenter d'affranchir le Canada des investissements dans les combustibles fossiles et les autres industries à forte intensité carbonique, et la Banque du Canada dispose‑t-elle d'autres moyens pour aider l'économie canadienne à faire la transition vers un modèle plus vert et plus durable?
(1730)
    Pour ce qui est des changements climatiques, nous avons le mandat à la Banque du Canada de favoriser la fiabilité et l'efficience de notre système financier. L'un des rôles clés de ce système financier est de canaliser les économies pour générer des investissements. Comme nous avons pu le constater lors de la plus récente crise en 2008‑2009 — et ce, davantage à l'échelle mondiale qu'au Canada —, lorsque le système financier perd de sa stabilité, tout le monde en souffre.
    Le système financier peut notamment être mis à mal lorsque les risques climatiques sont mal évalués. En toute franchise, il y a surtout à craindre que ces risques soient sous-évalués. Il faut alors faire le nécessaire pour procéder très rapidement à une nouvelle estimation de ces risques dont l'ampleur peut mener à des problèmes de stabilité financière.
    Le système financier doit également permettre un acheminement efficient des capitaux vers les investissements les plus productifs. Si la menace climatique est sous-estimée, vous risquez de ne pas investir suffisamment dans l'énergie renouvelable et les autres mesures écologiques.
    Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, c'est loin d'être chose facile. L'incertitude entourant les changements climatiques est telle qu'il est très difficile de faire des prédictions. Nous avons entrepris une étude avec le BSIF et six institutions financières pour analyser différents scénarios. Il est ressorti de cette étude dont les résultats ont été rendus publics en janvier que de nombreux ajustements seront nécessaires pour que l'économie canadienne puisse s'adapter aux changements climatiques…
    Si je puis me permettre de vous interrompre, il y a un élément qui est particulièrement préoccupant et qui fait que le discours traditionnel est source de frustration pour bon nombre de Canadiens qui s'inquiètent des menaces très concrètes que fait peser sur nous la crise climatique. Je parle du fait que l'on ne semble pas retrouver ce sentiment d'urgence qui devrait, selon moi et de l'avis de bien des Canadiens, nous habiter si nous voulons venir à bout de ce problème. Nous continuons de voir d'énormes investissements dans le secteur des combustibles fossiles sans qu'une portion suffisante de ces fonds soit redirigée vers des initiatives qui réduiraient notre empreinte carbone dans un effort pour suivre la recommandation formulée notamment par le GIEC qui voudrait que le réchauffement soit limité à environ 1,5 °C.
    Croyez-vous que l'intégration de ces éléments de façon plus explicite dans le mandat de notre banque centrale pourrait contribuer à alimenter un plus grand sentiment d'urgence, non seulement au sein de la Banque elle-même, mais aussi dans l'ensemble du secteur financier?
    Monsieur le gouverneur, ce sera votre dernière réponse pour notre comité aujourd'hui.
    Il y a déjà certains éléments liés aux changements climatiques qui s'inscrivent dans le mandat de la Banque du Canada en ce sens qu'elle doit notamment assurer la stabilité et l'efficience des systèmes financiers et considérer les répercussions des changements climatiques sur la politique monétaire. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que nous ayons un mandat précis à cette fin, comme c'est le cas par exemple pour la stabilité des prix. Lorsque les changements climatiques peuvent avoir des incidences sur les responsabilités qui nous sont confiées, nous nous assurons d'analyser minutieusement la situation.
    C'est un défi énorme à relever pour toute une génération, et de nombreuses composantes du système devront contribuer à cet effort.
    Merci, monsieur le gouverneur, et merci, monsieur Blaikie.
    C'est au nom de tous les députés, de notre greffier, de nos analystes, de notre personnel et de nos interprètes que je tiens à remercier le gouverneur, M. Macklem, et la première sous-gouverneure, Mme Rogers, d'avoir bien voulu comparaître devant notre comité.
    Je sais que c'est une période très occupée pour vous et que nous vous avons invités à la dernière minute. Nous vous remercions de votre témoignage et de vos réponses à nos nombreuses questions. Merci beaucoup.
(1735)
    C'est un grand plaisir, et il est très important que nous le fassions. Merci de nous avoir invités.
    Merci.
    Est‑ce que quelqu'un veut proposer l'ajournement? Oui.
    (La motion est adoptée)
    Le président : La séance est levée.
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