Passer au contenu
;

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 mai 2022

[Enregistrement électronique]

(1610)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la vingtième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Conformément à la motion adoptée le 31 janvier, le Comité se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude de la situation dans le détroit de Taïwan.

[Français]

    Comme d'habitude, des services d'interprétation sont offerts pendant cette réunion. Il suffit de cliquer sur l'icône illustrant un globe, au bas de votre écran.
    Pour les députés qui participent à la réunion en personne, veuillez garder à l'esprit les directives du Bureau de régie interne sur le port du masque ainsi que sur les protocoles en matière de mesures sanitaires.

[Traduction]

    Je voudrais prendre un moment pour rappeler aux participants que les captures d'écran et les photos d'écran ne sont pas autorisées.

[Français]

    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, je vous demande de mettre votre micro en sourdine.
    Je vous rappelle également que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.

[Traduction]

    Distingués collègues, je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins et remercier ces derniers d'avoir accepté de revenir.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Kerry Brown, professeur d'études chinoises et directeur du Lau China Institute, au King's College de Londres, et le professeur Steve Tsang, professeur à l'Université SOAS de Londres.
    Messieurs, soyez les bienvenus au Comité.

[Français]

    Nous recevons également le professeur André Laliberté, de l'Université d'Ottawa. Il sera présent pendant les interventions du premier groupe de témoins, mais il ne nous offrira son témoignage qu'à la deuxième heure.
    Bienvenue, professeur Laliberté.

[Traduction]

    Sur ce, nous allons passer aux déclarations liminaires du professeur Brown et du professeur Tsang, dans l'ordre. Messieurs, vous avez cinq minutes chacun.
    Professeur Brown, la parole est à vous. Veuillez commencer, je vous prie.
    Merci de m'avoir invité aujourd'hui.
    Je présume que le conflit entre la Russie et l'Ukraine a amené les gens à réfléchir avec un peu plus d'empressement à ce que pourrait être le point de vue de la République populaire de Chine sur une sorte de résolution au sujet de la République de Chine, c'est‑à‑dire Taïwan. C'est un enjeu auquel on craint de s'attaquer depuis longtemps.
    Sous la direction de l'actuel dirigeant, Xi Jinping, je crois que l'idée qui veut que la Chine soit rendue à un jalon important de son histoire s'est beaucoup raffermie. Selon cette idée, la Chine suit ce parcours particulier de son histoire et ce parcours comprend la notion d'unification, à savoir que la Chine n'est pas complète et entière, et qu'elle doit donc se réapproprier ce qui lui a déjà appartenu. C'est le récit historique, bien sûr, mais il est grandement contesté, et je suis certain que nous pourrons en parler plus tard, si les gens le souhaitent.
    Depuis 2014, Xi Jinping soutient de façon très directe que le cadre consistant à parler de collaboration économique, de ce type de collaboration sociétale plus douce entre les deux côtés du détroit ne saurait suffire. En 2014, je crois, il y a dit à un ancien dirigeant politique taïwanais en visite qu'il ne pouvait pas continuer à repousser cette question et qu'il faudrait un jour ou l'autre en arriver à une résolution.
    En 2015, lorsque le précédent président de Taïwan, Ma Ying-jeou, était en poste, Xi Jinping a effectivement organisé une réunion bilatérale entre les dirigeants des deux États, la première depuis 1949. Il semblait y avoir une sorte d'élan politique vers quelque chose, mais la dynamique a changé lorsque Tsai Ing‑wen a été élue 18 mois plus tard, parce qu'elle représente le parti démocratique et progressiste et qu'on la considère comme étant un peu plus réfractaire aux visées de la Chine et plus encline à préconiser l'indépendance vis‑à‑vis de Pékin. Il ne fait aucun doute que le dialogue entre la Chine et Taïwan est devenu beaucoup plus difficile.
    Cela est dû en partie à la situation internationale et, entre autres choses, au durcissement des relations entre la Chine et les États-Unis. On pourrait également blâmer la détérioration de la situation depuis le début de la COVID, même si, d'une certaine manière, cela a eu des répercussions sur tout. Enfin, je présume que l'on pourrait évoquer la consolidation, sous le leadership de Xi Jinping, d'une sorte de noyau nationaliste.
    Auparavant, nous pensions qu'en Chine, tout était une question d'économie — « c'est l'économie, imbécile! » —, mais je crois qu'il vaudrait mieux dire « c'est l'identité, imbécile! ». L'identité est une question vraiment névralgique. Étant donné ces questions culturelles en matière d'identité et le fait que la Chine soit un grand pays, puissant et fort sur la scène mondiale, la question de Taïwan est devenue plus importante sur le plan intérieur pour les dirigeants de Pékin.
    Enfin, en ce qui concerne l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les scènes épouvantables auxquelles nous avons assisté au cours des deux derniers mois et ce que cela signifie pour la question des relations entre les deux rives du détroit, on peut présumer que, d'une certaine manière, cela a probablement rendu les dirigeants de Pékin beaucoup plus circonspects à l'égard des conséquences d'une invasion et de ce que sont les actions militaires. Il ne faut pas oublier que la Chine n'a pas eu d'expérience de combat à proprement parler depuis de nombreuses décennies. Il y a eu le Vietnam en 1979, mais de façon très limitée. Avant cela, il faut probablement remonter à la guerre de Corée, il y a 70 ans.
     La Chine dispose d'une grande armée, mais elle ne l'a pas vraiment utilisée au‑delà de ses frontières. Alors, quand elle voit un acteur relativement expérimenté comme la Russie — l'Union soviétique a été en Afghanistan pendant presque 10 ans — avoir des problèmes aussi importants en Ukraine, je suppose que ses dirigeants doivent être en processus de réévaluation. Un débarquement amphibie n'est pas chose facile. Je crois que le dernier a eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est une entreprise énorme.
    La deuxième chose, c'est que les Chinois vont regarder cela et penser à la question des « cœurs et des esprits », c'est‑à‑dire au fait que 23 millions de Taïwanais ne se considèrent absolument pas comme ayant une identité entièrement chinoise — les sondages l'ont prouvée à maintes reprises — et au fait qu'ils seront confrontés à un problème énorme même s'ils devaient, Dieu nous en garde, envisager des options militaires.
(1615)
    La dernière remarque que je ferai sur cette dynamique nationaliste est que l'on ne voit pas trop comment elle pourrait disparaître. Si les dirigeants ont fait autant pour miser sur l'identité en tant qu'élément clé, alors l'échéance de 2049 est bien réelle. L'idée de ce que la réunification pourrait signifier dans l'abstrait, et je souligne « dans l'abstrait » s'impose par son aspect d'urgence. Il est peu probable que ces dirigeants changent radicalement d'avis sur l'idée de 2049, qui marquera le 100e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine. C'est une date névralgique, bien entendu, et elle doit être soulignée d'une manière extrêmement importante, et il est évident que Taïwan fera partie de cela.
    Je ne pense pas que cette question va disparaître. Il y a de nombreuses façons de parler de ce qui serait possible dans le cadre des paramètres de la réunification, mais je pense que politiquement, l'engagement envers la réunification dans l'abstrait ne disparaîtra pas à Pékin, même s'il devient de plus en plus difficile d'imaginer la forme que cela prendra. En effet, du point de vue de Taïwan, on ne voit pas vraiment comment les choses pourraient aller autrement qu'un rejet complet de la réunification.
    Merci beaucoup.
    Professeur Brown, merci beaucoup de votre exposé. Je sais qu'il y aura un grand intérêt lorsque viendra le temps pour nous de revenir sur vos propos.
    Nous allons maintenant laisser la parole au professeur Tsang, pour cinq minutes.
    Monsieur Tsang, la parole est à vous. Allez‑y, je vous en prie.
    Tout d'abord, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité.
    Permettez-moi de commencer par dire que la situation dans le détroit de Taïwan est effectivement très tendue, mais que je ne vois pas une guerre comme quelque chose d'imminent. La guerre en Ukraine est un sujet extrêmement important pour Taïwan, et même pour Pékin. Les deux capitales observent ce qui se passe en Ukraine et en périphérie pour tirer des leçons, voir quelles leçons l'autre partie en tire et tenter subséquemment d'élaborer leur propre politique en fonction de cela.
    Permettez-moi de commencer par le côté taïwanais. Les Taïwanais veulent voir comment se déroule le soutien de l'Occident à l'Ukraine et quelles leçons la Chine en tirera. Ici, je pense qu'il faut examiner à la fois les aspects militaires et économiques. En ce qui concerne la question militaire, la manière incroyablement imaginative dont les Ukrainiens ont procédé, ainsi que l'aide et le soutien que les pays occidentaux ont apportés à l'Ukraine se sont révélés très importants et très utiles puisqu'ils ont amené les Taïwanais à réfléchir à ce qu'ils devraient faire.
    Les Taïwanais réfléchissent également aux leçons que tirent les Chinois. Je pense que pour ces derniers, la leçon évidente sur le plan militaire est que les Russes sont entrés dans le pays sans planification ni préparation appropriées. Les Chinois vont s'assurer de ne pas commettre la même erreur. Cela ne signifie pas pour autant que les Chinois vont revoir leur détermination à l'égard de Taïwan.
    En ce qui concerne l'aspect économique, la leçon importante que les deux parties tirent ici est celle de l'unité dont les nations occidentales ont fait preuve dans leur réponse à l'Ukraine. Les questions sont donc les suivantes: l'Occident, dirigé par les États-Unis, serait‑il capable de réagir de manière similaire en cas de crise dans le détroit de Taïwan? Les sanctions occidentales à l'encontre de la Russie, notamment en ce qui concerne la réserve de change russe, pourraient-elles être appliquées à la Chine? Si l'on envisageait d'appliquer à la Chine des sanctions similaires à celles que l'on a prises à l'endroit de la Russie, quels seraient les dommages causés aux deux parties? Ces sanctions pourraient-elles exercer un quelconque pouvoir dissuasif sur la Chine?
    Très rapidement, du côté chinois, je pense que la principale leçon est la suivante: sur le plan militaire, nous pourrons nous en tirer. Il nous suffira de nous préparer beaucoup mieux que les Russes l'ont fait.
    Sur le plan économique, le problème est beaucoup plus grave. Il est encore trop tôt pour savoir si l'unité occidentale tiendra. Si elle ne tient pas, les leçons que les deux parties tireront seront très différentes. Si la finalité de l'Ukraine est essentiellement eurocentrique, les Chinois en tireront une série d'enseignements. S'ils considèrent la finalité de l'Ukraine comme étant une question qui va au‑delà des frontières européennes, ils en tireront des conclusions très différentes. Cela pourrait les dissuader.
    Je vais m'arrêter là.
(1620)
    Professeur Tsang, merci beaucoup de votre exposé.
    Chers collègues, juste avant d'entamer notre première série de questions, je tiens à rappeler à nos témoins, et à vous également, la méthode que nous utilisons pour faciliter le suivi du temps de parole. C'est une méthode très simple, mais efficace. J'ai ici une carte que je brandirai à la fois dans la salle et devant la caméra quand il ne restera plus que 30 secondes à votre temps de parole ou à vos questions. Les allocations de temps sont très soigneusement négociées entre les whips et, dans certains cas, elles ne dépassent pas deux minutes et demie.
    Si les témoins et les membres du Comité pouvaient garder un œil sur l'heure, cela faciliterait grandement la conversation.
    Nous allons commencer la première série de questions par des segments de six minutes.
    Notre premier intervenant est M. Chong. Allez‑y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux professeurs de leur présence.
    Ma première question porte sur le président Xi Jinping. Peut‑on dire que l'objectif numéro un du président Xi Jinping en tant que dirigeant de la République populaire de Chine est la réunification de Taïwan avec la Chine continentale?
    L'un ou l'autre peut répondre.
    Je serai très heureux de le faire.
    Je ne pense pas que la grande priorité de Xi Jinping est d'intégrer Taïwan à la Chine. Sa grande priorité est de maintenir Xi Jinping et le Parti communiste au pouvoir. Pour cela, il faut que la Chine retrouve sa grandeur, et la prise de Taïwan est une partie de ce processus.
    Merci, professeur Tsang.
    Professeur Brown, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Cela dépend de ce que vous entendez par « réunification ». C'est un mot qui a beaucoup de significations différentes. Le modèle dont on parlait dans le passé était presque l'équivalent d'un « holding ». Il s'agissait ensuite d'élaborer deux sortes de structures distinctes dotées d'une grande autonomie.
    Je suppose que ce qui a changé la dynamique, c'est ce qui s'est passé avec Hong Kong. Le traitement que Pékin a réservé à Hong Kong a eu un effet important sur Taïwan et sur sa façon de voir les choses.
    Je suis d'accord avec M. Tsang. La mission nationaliste est très importante, et cela en fait partie, mais c'est la mission nationaliste qui a préséance. Il s'agit d'offrir la vision d'un pays qui est au centre du monde et qui est une grande puissance. C'est pourquoi cette partie de la mission est importante, mais ce n'est pas la seule.
    Je vous remercie.
    Vous avez tous les deux mentionné l'importance de l'Ukraine.
    Diriez-vous que le succès de l'Ouest et de l'Ukraine ou l'absence de succès en Ukraine a une incidence directe sur la sécurité de Taïwan? En d'autres termes, la mesure dans laquelle l'Ouest et l'Ukraine réussiront à contrer l'attaque russe conditionne à quel point Pékin hésitera à utiliser la force militaire pour accomplir quoi que ce soit à l'égard de Taïwan. Cette affirmation est-elle juste?
    Si je puis me permettre, je pense que la nature, la rapidité et l'ampleur des sanctions imposées, notamment par l'Amérique du Nord et l'Europe — mais aussi par le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande —, ont pris la Chine par surprise. Je pense que cela va la faire réfléchir un peu.
    Nous ne devons pas oublier que ces sanctions n'ont pas été cautionnées par l'Afrique, l'Amérique latine, le Moyen-Orient et de nombreux autres pays. Cela a eu pour effet de souligner à gros traits les divisions géopolitiques qui existent entre ce que nous pourrions appeler « l'Occident et le reste ».
    Je présume également que la Chine ne sera pas la bienvenue... Bien sûr, lorsque Xi Jinping a rencontré Poutine le 4 février dernier, ils ont publié un communiqué commun. Si vous regardez le libellé de ce communiqué, vous constaterez qu'il est très chinois au chapitre de la coopération conjointe, et très abstrait. Ce que Poutine et Xi Jinping se sont dit et ce que Poutine a dit à Xi Jinping au sujet de ses intentions en Ukraine ont soulevé une pléthore de questions. Or, le consensus semble être que Poutine ne lui a pas dit grand-chose.
    Bien que la Chine ait été neutre, mais tout de même très amicale à l'endroit de la Russie, je ne pense pas que la situation en Ukraine soit bonne pour elle. Elle ne veut pas de ce genre de problème, car cela a un effet déstabilisant. Du reste, son impact sur l'économie mondiale est malvenu.
    D'un autre côté, je suis convaincu qu'elle n'est pas mécontente de voir l'Occident se faire piéger et distraire par cette question. Cela renforcera probablement l'idée que la Chine est sur la voie de la victoire, que l'Occident est simplement occupé à se battre contre lui-même et que l'Europe est occupée à tuer les siens. C'est une interprétation que ces événements viennent renforcer.
(1625)
    Merci.
    Professeur Tsang, avez-vous quelque chose à dire sur cette question de l'Ukraine?
    La question porte sur trois mots clés: unité, succès et endurance. Ce sont trois aspects que la Chine surveille. Si l'Ouest s'en tire bien sur ces trois fronts, cela aura potentiellement un effet dissuasif sur la Chine. Si l'Ouest échoue à l'un ou l'autre de ces enjeux ou n'arrive pas à maintenir la cadence, les Chinois pourraient percevoir les choses différemment.
    La politique chinoise, pour la résumer très brièvement, est une politique de neutralité claire: soutenir la Russie et ne pas avoir de prix à payer. Telles sont les limites du soutien chinois quant à son amitié illimitée avec la Russie. C'est la Chine d'abord.
    Je vous remercie.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur Chong.
    Je remercie aussi les témoins.
    Madame Bendayan, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de leurs témoignages.

[Traduction]

    Je suis très heureuse que vous soyez ici à notre comité aujourd'hui. Je commencerai par dire que c'était un honneur d'assister à la soirée de Taïwan hier aux côtés de nombreux amis, dont le représentant Chen. Bien entendu, beaucoup d'entre nous étaient là pour exprimer leur solidarité envers Taïwan et le peuple taïwanais, plus particulièrement à la lumière de ce que nous avons vu aujourd'hui dans les nouvelles concernant les exercices militaires en cours.
    Je vais vous expliquer, monsieur Tsang. Le 6 mai de cette année, 18 aéronefs, si je ne m'abuse, y compris des avions de chasse et des bombardiers, ont pénétré dans la zone de défense aérienne de Taïwan, ce qui a entraîné le brouillage de nombreux avions à réaction taïwanais. Cette semaine, le 10 mai, je crois, le directeur du renseignement national des États-Unis a déclaré devant le Comité des forces armées du Sénat ce qui suit:
Nous pensons que [les Chinois] travaillent dur pour se mettre dans une position où leur armée serait capable de prendre Taïwan sans notre intervention.
    Messieurs, je me demande si vous pourriez parler de cet effort en cours. Pas plus tard qu'aujourd'hui, le National Post a mentionné que d'autres exercices militaires avaient été menés dans les régions du Sud-Est de l'île.
    Monsieur Tsang, vous avez fait un parallèle avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, en disant que la Chine surveille de près la situation et ne commettrait pas la même erreur que la Russie en ne planifiant pas soigneusement une invasion.
    Je vais vous poser la question de cette façon. Ne voyez-vous pas que les exercices militaires sont une forme de planification?
    C'est assurément une forme de planification, de préparation et d'intimidation. Ils mettent aussi à l'essai les capacités de réponse et les faiblesses de Taïwan. Ils en font certainement partie, mais cela ne signifie pas qu'une attaque ou une invasion est imminente.
    La Chine peut bâtir [difficultés techniques] pour envahir Taïwan assez rapidement, mais la formation des gens pour les utiliser efficacement, surtout dans le cadre d'une opération complexe et combinée, prendra un peu de temps. Je dirais qu'il faudra au moins 10 ans, voire un peu plus, avant que la Chine ait réellement la capacité de le faire. Toutefois, si et quand elle en aura la capacité, je m'attends à ce que Xi Jinping l'utilise, mais son approche consistera à faire preuve d'une force écrasante afin de contraindre le gouvernement de Taipei de négocier et de se rendre. Une fois les négociations entamées, il n'y a aucune raison pour l'Amérique ou quiconque d'intervenir.
(1630)
    Merci. C'est un témoignage incroyablement éclairant.
    J'aimerais vous emmener dans la psychologie du président Jinping. Le 9 octobre, c'était l'anniversaire de la révolution de 1911, comme vous le savez très bien. Le président Jinping a déclaré: « Le séparatisme indépendantiste de Taïwan est le plus grand obstacle à la réunification de la patrie, et le plus grave danger caché pour le rajeunissement national. » Plus tard, il a ajouté:« La tâche historique de la réunification complète de la mère patrie doit être accomplie, et elle le sera certainement. »
    Je vous entends sur le calendrier que vous jugez le plus probable, mais pouvez-vous nous éclairer un peu sur la façon dont cet objectif de rajeunissement national doit être compris et, peut-être, sur la planification qui sera nécessaire dans les prochaines années pour qu'il atteigne cet objectif?
    Xi Jinping fera tout ce qu'il faut pour prendre Taïwan. En raison de la manière dont il utilise ses discours et de sa mauvaise compréhension de l'histoire... Xi Jinping est quelqu'un qui ne sait pas que le Parti communiste chinois a été, historiquement, l'un des plus fervents et des plus anciens défenseurs de l'indépendance de Taïwan. Si vous dites cela, il vous mettra en prison pour avoir commis un crime de nihilisme historique.
    Maintenant, que fera-t‑il réellement? Il va constituer la force qu'il pense nécessaire pour prendre le contrôle de Taïwan et dissuader les États-Unis d'intervenir, mais en calculant que les Américains ne pourront peut-être pas être dissuadés et qu'ils devront donc éliminer des forces américaines importantes pour les repousser.
    Je pense qu'il aime parler beaucoup plus simplement de l'unification nationale, mais Taïwan est bien plus importante que la question de l'unification nationale. Taïwan est stratégiquement critique pour la stratégie globale de la Chine. Taïwan se trouve en plein milieu de la première chaîne d'îles, et elle ne peut être prise qu'en dissuadant les Américains ou en les vainquant. Si cela se concrétise, les Américains seront effectivement repoussés au milieu de l'océan Pacifique, réalisant ainsi ce que Xi Jinping a dit au président Obama en 2013 à Sunnylands, à savoir que l'océan Pacifique est très grand et qu'il est assez grand pour deux — restez de votre côté et je resterai du mien.
    Dans ce scénario, nous assistons à un changement fondamental dans la politique de la région indo-pacifique. Les 10 États membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud‑Est, l'ANASE, devront tous conclure des accords avec la Chine, de même que la Corée du Sud. Le Japon devra soit opter pour le nucléaire, soit conclure un accord avec la Chine, car il ne pourra plus compter sur le traité de défense entre les États-Unis et le Japon.
    Cela établira fondamentalement l'hégémonie chinoise dans cette partie du monde et fera disparaître les États-Unis en tant que chef de file mondial efficace. C'est...
    Monsieur Tsang, je suis désolé. Pour respecter le temps, je vais devoir vous interrompre ici.
    Vous aurez l'occasion de revenir aux points que vous soulevez en ce moment, qui sont importants.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame Bendayan.
    Je remercie encore une fois les témoins.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres et de nous faire part du fruit de leur expérience et de leurs recherches.
    Dans les lettres de mandat qui ont été produites pour la ministre des Affaires étrangères, le premier ministre lui demande ceci: « Élaborer et mettre en œuvre une nouvelle stratégie indopacifique exhaustive pour renforcer les partenariats en matière de diplomatie, d’économie et de défense, ainsi que l’aide internationale dans la région [...] ». Or nous savons pertinemment que Taïwan joue un rôle très important, qui est inextricablement imbriqué dans l'économie internationale. Taïwan est le 11e partenaire commercial du Canada et le 5e en Asie.
    Le gouvernement du Canada négocie actuellement avec Taïwan un accord sur les investissements, et il a dit qu'il allait favoriser l'adhésion de Taïwan à nombre d'organisations internationales. Il s'est déjà prononcé en faveur de son adhésion, en tant que membre observateur, à l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, et à l'Assemblée mondiale de la santé. Or, au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, les députés libéraux se sont opposés à l'adhésion de Taïwan à l'Organisation de l'aviation civile internationale, ou OACI, alors que Taïwan constitue une plaque tournante importante de l'aviation dans la région de l'Asie‑Pacifique et que, bien que cet État ne soit pas membre de l'OACI, il applique les règlements édictés par celle-ci.
    Premièrement, comment expliquer cette attitude du gouvernement fédéral, qui souffle le chaud et le froid quant à l'adhésion de Taïwan à certaines organisations internationales?
    Deuxièmement, la République populaire de Chine et Taïwan ont demandé, à une semaine d'intervalle, leur adhésion à l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, à la fin de septembre 2021. Puisque nous savons que la République populaire de Chine est un joueur moins loyal en ce qui a trait au respect des règles internationales et que, d'autre part, Taïwan se verrait éternellement exclue, pour ainsi dire, du partenariat si la République populaire de Chine devait y accéder d'abord, n'y a-t-il pas lieu de favoriser l'entrée de Taïwan dans un premier temps?
(1635)

[Traduction]

    Il semble que le premier point concerne en fait des questions internes au Canada. Taïwan souhaite adhérer aux organisations internationales depuis un certain temps, et il y a eu une brève période sous la présidence de Ma Ying-jeou, il y a environ 10 ou 12 ans, où la Chine était un peu plus souple, mais cette période est révolue. La Chine est certainement de plus en plus énergique pour montrer que Taïwan n'a pas d'espace international, et c'est sa stratégie.
    Ma seule réponse à la deuxième question est que chaque pays doit faire face à un dilemme. Il faut décider de l'importance de l'économie et du marché chinois et de la mesure dans laquelle on veut les mettre en péril, car la Chine est plus disposée à repousser et à dire non à ses partenaires si l'on veut s'engager avec Taïwan. C'est une affaire très risquée, et ce n'est pas une décision facile à prendre, car sous la présidence de Xi Jinping, je pense qu'il y a plus de clarté. Il n'y a plus d'ambiguïté maintenant. Vous ne pouvez pas vous abstenir de prendre position. Vous devez choisir entre les deux. Je pense que stratégiquement, c'est probablement ce que Péquin est le plus susceptible de faire — bloquer la position de Taïwan et lui rendre la tâche plus difficile au sein de la communauté internationale. Il dispose des instruments pour le faire.
    Il est possible que les gens disent qu'ils se rangeront du côté de Taïwan, mais je suppose que la seule chose qu'ils doivent prendre en considération est que cette prise de position est assortie d'un coût élevé, non seulement sur le plan de la sécurité, mais aussi sur le plan économique. Je ne serais pas blasé à ce sujet, parce que, évidemment, sur le plan économique, le monde est dans une position très difficile actuellement. C'est la seule chose que je soulignerais vraiment. Oui, vous pouvez faire ces choix et dire que vous vous rangerez du côté de Taïwan plutôt que du côté de la République populaire de Chine, mais il y aura des coûts de plus en plus élevés pour cela, et ils ne devraient pas être occultés.
(1640)
    Puis‑je intervenir?
    Je n'ai pas entendu une partie de la première question, car j'ai mis du temps à trouver le canal anglais.
    Je pense que les deux questions portent en réalité sur le même enjeu, qu'il s'agisse du PTPGP ou des organisations internationales auxquelles Taïwan doit participer. Il y a deux problèmes ici. Le premier est que le gouvernement chinois utilisera son influence économique pour que d'autres pays suivent ce qu'il veut faire à propos de Taïwan. Autrement dit, les Chinois viendront vous intimider s'ils peuvent s'en tirer à bon compte, et je pense que ce sera le cas.
    La deuxième question qui se pose donc est la suivante: comment peut‑on réagir efficacement à une telle situation? À part les États-Unis d'Amérique, je ne pense pas qu'il y ait un seul pays qui soit actuellement assez fort et assez puissant pour pouvoir, à lui seul, tenir tête au gouvernement chinois et ne pas être puni. Les États-Unis peuvent le faire parce que la Chine ne peut pas encore se permettre d'intimider les États-Unis. Si le Canada peut s'unir ou se concerter avec un nombre important d'économies commerciales qui croient en votre système de valeurs et en la nécessité de faire ce qui est juste, alors c'est possible, car collectivement, vous êtes plus grands que la Chine, et elle ne peut pas vous punir.
    Collectivement, vous pouvez le faire. Jusqu'à ce que vous puissiez le faire...
    Merci beaucoup, monsieur Tsang.
    Je m'excuse encore une fois. Nous devons nous arrêter là.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.
    Avez-vous tenu compte du temps perdu à cause des problèmes liés à l'interprétation?
    Je vous ai donné une minute de plus, monsieur Bergeron.
    D'accord.

[Traduction]

    Nous allons entendre Mme McPherson, s'il vous plaît, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être ici. Ce sont des témoignages très fascinants et intéressants.
    Je vais peut-être revenir sur certaines des observations que M. Bergeron a formulées avant moi et donner à M. Tsang un moment pour terminer ses remarques.
    Les néo-démocrates ont également plaidé en faveur de l'inclusion et de la pleine participation à plusieurs institutions et réunions multilatérales, y compris, bien entendu, l'Assemblée mondiale de la santé et l'Organisation de l'aviation civile internationale. La raison pour laquelle j'ai plaidé en faveur de cela, c'est que je crois que Taïwan a ces expériences inestimables qu'il peut apporter à des secteurs de la santé mondiale, plus particulièrement dans la façon dont la pandémie a été gérée, de même que dans les secteurs de la sécurité aérienne. M. Bergeron a mentionné l'importance de l'aviation et Taïwan.
    J'aimerais beaucoup entendre d'autres commentaires de votre part, en particulier de M. Tsang pour commencer, puis de M. Brown, si possible. Vous parlez de l'intimidation de la Chine et de la nécessité de travailler avec des alliés. Vous parlez de la nécessité pour nous de travailler collectivement. Ce que j'en retiens, c'est que le Canada devrait se concerter davantage avec certaines de ces autres économies pour prendre ces décisions en collaboration.
    Pouvez-vous parler un peu de l'autre côté de ce qu'il y a à gagner si Taïwan est en mesure de participer à ces institutions et réunions multilatérales?
    Merci.
    Je pense que Taïwan a énormément à apporter à la communauté internationale. Si l'on examine simplement la santé et la pandémie de la COVID, Taïwan a été l'un des tout premiers gouvernements à tirer la sonnette d'alarme. Si nous l'avions écouté, nous aurions peut-être pu contenir la pandémie dès le début. Nous ne l'avons pas fait. Le reste appartient à l'histoire, comme on dit.
    Nous parlons d'une puissance moyenne très importante. Si nous utilisons les pays européens comme point de comparaison, Taïwan se situe juste au milieu des pays de l'Union européenne pour ce qui est des capacités et de la portée de l'innovation et du changement, et elle est un citoyen international tout à fait crédible, alors il y a toutes les raisons de le faire.
    Je pense qu'il y a quelque chose d'encore plus important pour cela, à savoir que, malgré tous les problèmes de l'ordre libéral international, c'est fondamentalement un ordre fondé sur des règles qui répond davantage aux types de valeurs auxquelles nous croyons en tant que démocraties. Le gouvernement chinois s'efforce de changer cela et, en obligeant les gouvernements à respecter les règles chinoises, il modifie également le fonctionnement des organisations internationales, y compris les Nations unies. Ce n'est pas une direction que nous souhaitons voir prendre.
    Je vais m'arrêter ici et vous céder la parole.
(1645)
    Monsieur Brown, voudriez-vous ajouter quelque chose?
    Plus tôt, M. Tsang a évoqué le type de coopération entre de nombreux partenaires différents dans le cadre de la collaboration avec Taïwan et les possibilités offertes par ce pays. Je ne veux pas être négatif, mais chaque pays d'Europe, d'Amérique du Nord et de la région de l'Asie-Pacifique qui est impliqué dans ce dossier a une dynamique très différente et des priorités différentes. Bien que, pour le moment, il semble y avoir une sorte de consensus parce qu'il y a beaucoup de négativité et d'hostilité à l'égard de la Chine — et bien sûr, ce qu'elle fait à l'égard de Taïwan est inquiétant —, je ne suis pas si sûr qu'il y aura un grand consensus entre les différents pays à mesure que nous irons de l'avant.
    Ce sera difficile, et la raison pour laquelle ce sera difficile est que les indicateurs économiques sont plutôt sombres, et les pays vont probablement se concentrer sur la façon dont ils vont faire quelque chose à ce sujet. Le Royaume-Uni en est un exemple. Je ne sais pas si nous pouvons dire que nous soutenons Taïwan — oui, spirituellement et émotionnellement, et c'est bien. Je ne sais pas quelle action suivra réellement, car dire une chose et faire une chose, c'est complètement différent. Le fait est que Taïwan est une économie minuscule par rapport à la Chine. C'est une très petite économie.
    Bien sûr.
    Monsieur Brown, puisque je viens de vous recevoir, vous avez parlé un peu de l'incidence de ce qui se passe avec la Fédération de la Russie avec son invasion illégale de l'Ukraine et la communauté mondiale là‑bas. Que croyez-vous que la Chine va penser de la possibilité que la Suède et la Finlande fassent partie de l'OTAN? Cela aura‑t‑il une incidence sur la Chine et ses actions?
    Je ne pense pas que ce soit un problème majeur. Je ne pense pas que la Chine ait une grande opinion de l'OTAN, à part, bien sûr, lorsqu'elle a bombardé l'ambassade de Chine à Belgrade, il y a 23 ou 24 ans.
    Je pense que sa relation avec la Russie — nous présumons — est positive, mais les Russes à qui j'ai parlé et les Chinois reconnaissent que c'est une relation de leader à leader. C'est Poutine et Xi Jinping. Autrement, dans le passé, bien sûr, il n'y a pas eu beaucoup d'unité. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une relation fondée sur un profond niveau de confiance. Je ne pense pas que nous devrions l'oublier en examinant cette question.
    Le changement serait assez considérable et monumental si Poutine n'était plus le dirigeant de la Fédération de Russie. Cela changerait cette dynamique. Cela changerait la façon dont la Chine évaluerait ses prochaines étapes.
    Oui. Je ne pense pas que la Chine souhaite l'instabilité. Elle n'a rien contre un Occident plus faible, mais elle ne veut certainement pas d'un Occident qui s'écroule sous ses yeux.
    Ils ont investi énormément dans Poutine et ils ne veulent pas non plus qu'il devienne sauvage et commence à faire des folies. Il se peut qu'à ce moment‑là, ils soient obligés de sortir de leur neutralité, mais pour l'instant, je pense qu'ils vont simplement tenir le coup.
    Merci, madame McPherson, et merci aux témoins.
    Chers collègues, pour ce qui est de la gestion du temps, nous avons commencé la séance avec ce groupe de témoins à 16 h 5. Il nous reste environ 15 minutes pour compléter l'heure.
    J'aimerais que nous procédions à un tour de questions complet. Je suggère de réduire les attributions de temps pour permettre à chaque membre de poser au moins une question. Ce serait donc des attributions de trois minutes et d'une minute et demie.
    Si mes collègues sont d'accord, nous commencerons avec M. Morantz, pour trois minutes.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Vous avez la parole, monsieur Bergeron.
    Jusqu'à quelle heure voulez-vous que le Comité poursuive ses travaux avec le premier groupe de témoins?
    Nous poursuivrons les travaux jusqu'à 17 h 5.
    Cela nous amènerait à quelle heure pour discuter avec le deuxième groupe de témoins?
    Cela nous amènerait à 18 h 5. Nous avions prévu deux heures complètes pour les discussions.
    D'accord.
    Cela convient-il à tout le monde?
    Je ne sais pas. C'est aux membres du Comité d'en décider. S'ils sont d'accord, nous pouvons prendre les deux heures, sinon, nous pourrons écourter la séance.
    Je suis d'accord pour que nous prenions les deux heures.

[Traduction]

    Monsieur le président, je peux rester jusqu'à 17 h 45, mais je ne pourrai pas rester plus tard.
(1650)
    Au besoin, si les membres veulent se faire remplacer, ils peuvent le faire.
    Il y a un petit point à régler, et c'est l'approbation du budget que nous devrons défendre demain en votre nom devant le Sous-comité du Comité de liaison. C'est seulement pour veiller à ce que les membres du Comité puissent voyager. C'est absolument essentiel pour demain. Il me faut seulement une motion et une approbation pour pouvoir en saisir le Sous-comité. Je propose de régler cela très rapidement après cette heure‑ci, avant notre deuxième groupe de témoins. Ensuite, ce sera à la discrétion des membres s'ils souhaitent rester pour les deux heures complètes jusqu'à 18 h 5. On ne peut pas dépasser 18 h 5.
    Si vous êtes d'accord, nous allons passer à M. Morantz pour trois minutes.
    Madame McPherson, vous avez la parole.
    Je suis désolée, monsieur le président. Je veux seulement vous signaler que M. Ehsassi a la main levée.
    Je suis désolé, monsieur Ehsassi. Allez‑y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je comprends à quel point c'est compliqué lorsqu'on doit surveiller les écrans aussi.
    Je dois signaler que je dois absolument partir à 17 45. Je me demandais s'il est possible de terminer la séance du Comité à 17 h 45 aujourd'hui, étant donné que d'autres membres doivent quitter à cette heure‑là aussi. Nous avons entendu M. Sarai.
    Nous pouvons tenir un vote, monsieur Ehsassi, si vous voulez. Vous pouvez faire une proposition et nous pouvons la mettre aux voix. Nous avons encore le quorum.
    S'il n'y en a pas d'autres, c'est correct.
    En ce qui concerne la décision que nous devons prendre, je proposerais que nous la prenions avant de passer au deuxième groupe de témoins afin d'avoir la motion qu'il nous faut pour demain, si cela vous convient. Si vous avez besoin d'un remplaçant pour les 15 ou 20 dernières minutes, vous pouvez certainement en avoir un.
    C'est au tour de M. Morantz, pour trois minutes.
    Je veux aborder la réunion entre M. Poutine et M. Xi en février avant que la Russie envahisse l'Ukraine. À cette réunion, ils ont déclaré une nouvelle ère dans l'ordre mondial, où ils ont avalisé leurs ambitions territoriales respectives. Cela signifie vraisemblablement que la Russie soutient les revendications de la Chine sur Taïwan. Le pacte a remis en question les États-Unis en tant que puissance mondiale et l'OTAN en tant que pierre angulaire de la sécurité internationale et de la démocratie libérale.
    Je suppose que la question que je me posais était... Je peux comprendre pourquoi M. Poutine aurait aimé avoir ce pacte avant d'envahir l'Ukraine. J'aimerais connaître vos observations sur les raisons qui ont poussé le président Xi à accepter une chose pareille. Je me demande si le président Xi le regrette, compte tenu de la façon dont cette incursion russe se déroule pour lui.
    Cette question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous.
    Comme je l'ai mentionné précédemment, le communiqué complet du 4 février est rédigé dans le langage diplomatique officiel de la Chine, avec le concept de « tout le monde y gagne » et ce genre de propos. Je pense qu'il serait surprenant que Poutine ait été très explicite le 4 février. Je ne pense pas que la Chine s'attendait à ce qui s'est produit, mais je ne pense pas que la Chine changerait radicalement son soutien à la Russie, car ces pays ont entretenu une relation stratégique solide au cours des 20 dernières années.
    La question la plus intéressante est de savoir qui est dominant dans cette relation. Je pense que pour Xi Jinping, le fait que la Russie soit le mauvais garçon et soit toujours la cible de critiques est une bonne chose. C'est bien.
    De plus, si l'on y réfléchit, les États-Unis et tous les autres pays sont maintenant distraits par ce qui se passe en Russie, entre la Russie et l'Ukraine, et ne se concentrent plus autant sur les questions relatives à la Chine. Tous les efforts diplomatiques sont déployés dans ce pays, et pour la Chine, ce n'est pas une mauvaise chose. Ce qui l'inquiète, c'est une escalade et le fait que Poutine soit acculé au mur parce qu'il a fait quelque chose d'impulsif et d'intempestif.
    Merci. Comme je manque de temps, j'espérais pouvoir... J'ai une autre question.
    Je suis désolé, monsieur Tsang. Voulez-vous intervenir à ce sujet très brièvement?
    Oui, je pense que c'est un point très important, à savoir que je ne suis pas d'accord avec M. Brown pour dire que la relation est strictement personnelle. Tout ce que Xi Jinping et Poutine veulent, c'est un partenariat stratégique entre la Russie et la Chine, même s'ils ont d'autres problèmes historiques qui n'ont pas disparu. Xi Jinping savait exactement ce qu'il faisait lorsqu'il a accepté cet accord avec Poutine, et il soutient pleinement Poutine dans l'invasion. Je pense que nous devons garder cela à l'esprit. Même s'il n'a peut-être pas eu tous les détails, il n'a pas été dupé.
(1655)
    Merci beaucoup, monsieur Tsang.
    Je m'excuse, monsieur Morantz. Nous devons être un peu plus stricts avec le temps, car ce sont des attributions très fermes de trois minutes et d'une minute et demie.
    Mme Fry, vous avez trois minutes, s'il vous plaît.
    Je veux remercier les témoins d'être venus et de nous donner des réponses très franches et éclairées.
    La question que je veux poser est la suivante: avec le Japon qui dit clairement qu'elle s'inquiète pour Taïwan et ce qui se passe dans la partie du détroit, et l'Australie qui défend... Taïwan a perdu de nombreux alliés, des gens qui faisaient du commerce avec lui et qui le défendaient. Il ne reste plus que 14 pays qui essaient encore de travailler avec Taïwan.
    Pensez-vous que les choses vont changer, étant donné que 24 nations européennes ont soutenu le Canada dans l'affaire Michael Spavor et Michael Korvig? Ils sont venus se présenter devant le tribunal et se sont exprimés sur cette affaire. Pensez-vous que l'Europe, en voyant les liens entre l'Ukraine et Poutine à l'heure actuelle, commencera à prendre conscience de ce qui pourrait survenir et à écouter le Japon, qui est un pays du G7 et qui pourrait être très préoccupé par ce qui se passe là‑bas pour son propre bien?
    C'est ce que je me demande. Pensez-vous que ces éléments amènent les gens à se concentrer un peu plus discrètement sur ce qui se passe? Le bourdonnement des navires et des avions dans le détroit entourant Taïwan est aussi quelque chose que la Russie a fait lorsqu'elle est entrée en Crimée et a commencé à se livrer à toutes ces manœuvres, etc. Il se peut très bien que ce soit un message que la Chine envoie.
    Ma question est la suivante: que va‑t‑il se passer avec la région indo-pacifique? Où l'Inde ira-t-elle? Où la Corée du Sud ira-t-elle lorsque nous commencerons à nous rallier et à former des alliances, si quelque chose commence à se produire là‑bas?
    Premièrement, je pense que l'Union européenne est de plus en plus préoccupée par l'affirmation de la Chine, mais ne prête pas vraiment attention à la situation du détroit central. Je pense que l'on peut faire les deux en même temps.
    L'Inde prend la montée en puissance de la Chine très au sérieux. Elle ne fait pas vraiment confiance aux Chinois à l'heure actuelle, mais leur position sera plutôt opportuniste, en particulier si nous continuons à avoir une administration Modi à Delhi.
    D'autres dans la région sont préoccupés par la Chine, mais aucun d'entre eux ne veut se trouver de l'autre côté de la Chine, car ils risquent d'être punis par les Chinois.
    Merci, monsieur Fry. Votre temps est pour ainsi dire écoulé, à quelque cinq secondes près. Je suis désolé. Ces rondes sont beaucoup plus strictes, et je dois respecter le temps alloué simplement pour m'assurer que tous les points seront abordés. Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez une minute et demie pour poser une question et entendre la réponse.

[Traduction]

    J'espère que nous pourrons obtenir une réponse par écrit de M. Brown là‑dessus.
    Merci.
    Absolument. C'est toujours une possibilité, oui. Merci pour cette remarque.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Compte tenu du temps qu'il me reste, je vais simplement relancer une question concernant l'adhésion de l'un ou de l'autre, ou des deux territoires, à l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.
    Dois-je comprendre des réponses qui nous ont été données, notamment par le professeur Brown, que nous avons le choix entre deux options? La première consisterait à admettre d'abord la République populaire de Chine au partenariat, et Taïwan n'y aurait pas sa place, et la deuxième, à admettre d'abord Taïwan, et il serait éventuellement possible de faire une place à la République populaire de Chine au sein du partenariat.

[Traduction]

    Dans le cas de l'Organisation mondiale du commerce, bref de l'OMC, la République populaire de Chine s'y est jointe en premier, Taïwan lui emboîtant le pas presque sur-le-champ, même si Taïwan s'est conformée aux règles bien avant la République populaire. Ce pourrait probablement être une option avec le Partenariat transpacifique.
    Taïwan a signé des accords commerciaux bilatéraux, avec Singapour entre autres, si je ne m'abuse. Ce pourrait être politiquement faisable, mais il pourrait y avoir un prix à payer. La question est complexe. Il pourrait bien y avoir un prix à payer.
    Si c'est un accord majeur, vous pourriez y inclure Taïwan, mais comment pourriez-vous en exclure la Chine si vous voulez que cet accord soit pertinent? La portée de tout cela va bien au‑delà de l'économie.
(1700)
    Très brièvement, si le temps le permet, le PTPGP ne risque pas vraiment d'aller contre la Chine, car il est mené par le Japon, qui n'aimerait pas agir ainsi. Le fait est que Taïwan peut se conformer au PTPGP. La Chine, elle, n'y arrivera pas avant un bon bout de temps. Donc, la question est essentiellement la suivante: est‑ce qu'une organisation comme le PTPGP accepte que l'on refuse l'adhésion à un membre potentiel qui répond aux critères parce qu'un pays qui, lui, ne répond pas aux critères d'adhésion au PTPGP s'y oppose?
    Merci beaucoup, monsieur Tsang.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Passons à Mme PcPherson, je vous prie, pendant une minute et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je n'ai vraiment pas beaucoup de temps, donc ma question sera très brève. On s'attend à ce que le Canada adopte une nouvelle stratégie pour l'Indopacifique. De quelle façon le Canada devrait‑il aborder Taïwan dans sa nouvelle stratégie?
    Monsieur Tsang, pourrais‑je commencer par vous?
    Selon moi, la force du Canada réside toujours dans le fait qu'il a une force morale, mais qu'il ne fait pas partie des États-Unis. Donc, puisque vous n'êtes pas les États-Unis, vous n'avez pas ce type de problèmes. Vous pouvez être fidèle à vos principes. Ce faisant, vous pourriez devenir le leader d'autres pays aux valeurs communes, qui feront de même.
    Une certaine marge de manœuvre vous permet d'essayer de faire ce qui est juste, mais il faudrait vraiment agir de pair avec quelques amis. Sinon, le prix à payer sera élevé. Pékin va y veiller.
    Monsieur Brown.
    L'Indopacifique n'aura véritablement de l'importance que lorsqu'elle deviendra réalité, car j'estime que ce n'est pour l'heure qu'un concept. Je n'y vois rien de concret. Pour qu'un grand nombre de partenaires très différents et complexes l'adoptent et en fassent une réalité, les efforts diplomatiques et de coordination devront être colossaux. C'est le début de l'âge d'or de la diplomatie. Si vous êtes diplomate, c'est un secteur de croissance énorme. Je suis persuadé que les diplomates se réjouissent de l'idée de l'Indopacifique.
    Merci énormément. C'est bon.
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Monsieur McCauley, bienvenue au Comité. Vous avez trois minutes. Allez‑y, je vous prie.
    Chers témoins, je suis heureux d'être des vôtres aujourd'hui. Je voudrais vous poser une question, très rapidement, sur les investissements assez imposants de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, ou OIRPC, en Chine. Évidemment, nous avons la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures.
    Est‑ce que cela nuit à notre crédibilité ou à notre capacité à, par exemple, tenir tête à l'intimidation ou prendre position en faveur des droits démocratiques dans la région alors même que nous y investissons autant d'argent?
    Vous êtes bien entouré. Tout le monde fait ça.
    Devrions-nous garder les deux volets entièrement distincts?
    Les échanges commerciaux entre, par exemple, l'Amérique du Nord et la Chine atteignent un sommet historique. Entre l'Australie et la Chine, malgré des relations fort mauvaises, je crois que c'est la même chose, en grande partie en raison du minerai de fer. Les échanges bilatéraux entre le Royaume-Uni et la Chine sont en hausse. Si je ne m'abuse, la Chine est le plus important partenaire commercial sur 125 pays. Ce n'est pas comme si avoir à la fois d'importantes relations commerciales et de sérieux problèmes de sécurité et de valeurs était inhabituel. C'est la norme aujourd'hui. C'est la norme.
    Je crois que vous avez abordé l'importance du discours de la réunification pour la politique intérieure de Pékin. Envisagez-vous l'amplification par Pékin de sa propagande, faute d'autre mot, sur la réunification pour des raisons de politique intérieure?
    Selon moi...
    Est‑ce comparable à un régime en difficulté qui se lance dans une campagne d'intimidation? Est‑ce pour cette raison que la Chine le fait ou s'agit‑il d'une stratégie à plus long terme?
    Je ne crois pas qu'on doive y voir un régime en difficulté. Il est possible que ce soit un écran de fumée, mais je ne dirais pas que c'est le cas ici. Du point de vue de la politique intérieure, quel politicien chinois s'en plaindrait? Xi Jinping est un politicien. Ce n'est pas Dieu. C'est un politicien, un opportuniste...
(1705)
    Actuellement, ses pouvoirs sont presque comparables à ceux de Dieu en Chine. Si c'est le cas, il est bien en selle. Il est président à vie. Pourquoi maintenir cette propagande, faute d'autre mot, à propos de la réunification?
    Tout simplement parce qu'il y croit. Les dirigeants à Pékin croient que Taïwan devrait faire partie de la Chine. Il ne faut pas sous-estimer cela. Ce n'est peut-être pas notre avis, mais c'est ainsi que les leaders chinois voient les choses. C'est un argument efficace en matière d'unité nationale auprès d'un public très varié à l'échelle de la Chine. La population est réceptive au nationalisme.
    Et ce n'est pas la seule. Beaucoup de peuples, dont les Russes, et même les Britanniques, sont réceptifs au nationalisme. Il n'y a rien de singulier là‑dedans.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur McCauley.
    Passons à la dernière intervention pour ce groupe de témoins.
    Monsieur Sarai, vous avez trois minutes. Allez‑y, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Tsang. À la lumière de l'invasion russe en Ukraine, quelles sont les répercussions économiques pour Taïwan? L'amplification des préoccupations régionales en matière de sécurité dans la foulée de l'invasion illégale de l'Ukraine par la Russie rend-elle Taïwan moins attrayant pour les investisseurs?
    L'invasion a certains effets puisque les entreprises qui souhaitent investir à Taïwan soupèsent les risques auxquels le pays serait exposé. C'est quelque chose qui est souvent cité, mais qui n'était pas soulevé avant la guerre en Ukraine. Cette guerre n'a pas vraiment changé le calcul du risque. En fait, la guerre en Ukraine a donné à Taïwan beaucoup plus de latitude pour mieux assurer sa sécurité à plus long terme.
    À court et moyen termes, les répercussions économiques sur Taïwan sont réelles, mais elles pourraient être moins grandes que pour d'autres pays, que ce soit des pays européens ou même la Chine. Taïwan n'est pas assujettie à ces possibles sanctions. À certains égards, diverses industries taïwanaises sont moins directement touchées par la guerre en Ukraine que l'économie chinoise. La Chine est beaucoup plus dépendante sur le plan énergétique. La flambée des coûts de l'énergie augmente donc plus les coûts de production en Chine qu'à Taïwan de diverses façons.
    Sur un autre front, quand on regarde le Japon, à quel point la relation entre Taïwan et le Japon assure-t-elle un équilibre dans la région? Entrevoyez-vous un rapprochement du Japon et le renforcement de ses systèmes de défense? Est‑ce un agent de dissuasion assez fort, de pair avec les États-Unis, contre une invasion chinoise de Taïwan?
    Depuis trois ou quatre ans, le Japon change et prend très au sérieux la sécurité de Taïwan. De plus en plus, on peut voir que le Japon trouverait des façons d'appuyer les forces américaines advenant une crise militaire dans le détroit de Taïwan. Je crois que Pékin tient déjà pour acquis que, s'il devait faire usage de la force contre Taïwan, il affronterait non seulement les Américains, mais aussi les Japonais et les Australiens.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Sarai.
    Chers collègues, permettez-moi, en notre nom à tous, de transmettre nos remerciements aux deux témoins.
    Merci d'avoir été des nôtres à une heure si tardive pour vous, de même que pour votre témoignage important. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vous êtes maintenant priés de vous débrancher.
    Chers collègues, je me demande si nous ne pourrions pas traiter rapidement de la question administrative que j'ai soulevée, soit que la motion sur les besoins du Comité en matière de déplacement soit déposée demain devant le SBLI. Est‑ce que les membres acceptent le budget tel que reçu? Y a‑t‑il consentement à son adoption?
    Allez‑y, monsieur Bergeron.

[Français]

     Je suis tout à fait d'accord, monsieur le président.
    J'aimerais simplement faire un commentaire. Il y avait encore des éléments qui m'apparaissaient difficilement compréhensibles ou conciliables quant aux dates proposées.
    J'imagine qu'à partir du moment où la demande de budget est en cours, il est possible d'ajuster les dates en fonction des impératifs politiques et militaires du moment.
    N'est-ce pas?
(1710)
    Madame la greffière m'indique que c'est le cas.

[Traduction]

    Chers collègues, avez-vous d'autres remarques à faire sur le budget? Si non, je vous prie de confirmer votre approbation, ou à tout le moins votre objection, soit virtuellement ou dans la salle.
    Puisque je ne vois aucune objection, madame la greffière, le budget est approuvé. Je serai heureux de transmettre demain le message que le Comité approuve à l'unanimité ces plans de voyage. Merci beaucoup.
    Sur ce, chers collègues, nous accueillons maintenant le deuxième groupe de témoins de l'après-midi.

[Français]

    Nous recevons M. André Laliberté, professeur titulaire à l'École d'études politiques, de la Faculté des sciences sociales, et titulaire de la Chaire de recherche en études taïwanaises, à l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

    Se joint également à nous Joseph Wong, professeur d'innovation Roz and Ralph Halbert, à la Munk School of Global Affairs & Public Policy, et professeur de sciences politiques, à l'Université de Toronto.
    Bienvenue à vous deux. Vous aurez chacun cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire au Comité avant d'échanger avec les membres.

[Français]

    Professeur Laliberté, je vous invite maintenant à prononcer vos remarques d'ouverture.
    Je voudrais commencer par saluer le travail de M. Weldon Epp, directeur de la Direction générale de l'Asie du Nord et Océanie, et de M. Jordan Reeves, directeur du Bureau commercial du Canada à Taïpei, qui représentent très bien nos intérêts en Asie dans un contexte difficile.
    J'ai écouté attentivement les travaux de la réunion de février. Je suis attristé de constater que les situations évoquées à ce moment sont devenues réalité aujourd'hui, compte tenu de l'agression russe en Ukraine, déjà vieille de plus de deux mois.
    Je comprends que les hauts fonctionnaires qui mettent en œuvre nos politiques n'aiment pas faire des hypothèses, mais, lorsqu'il est question d'élaborer des politiques, il faut explorer des scénarios. Celui qui nous préoccupe aujourd'hui est celui d'une agression contre Taïwan par la République populaire de Chine. Je tiens à souligner ici l'importance de la terminologie. Il ne s'agit pas de réunification, comme l'affirme le gouvernement chinois, mais d'une pure et simple revendication irrédentiste pour subjuguer un État souverain, puisque Taïwan n'a jamais fait partie de la République populaire de Chine.
    L'intervention militaire contre Taïwan déstabiliserait profondément la chaîne de valeur dans le secteur névralgique des semi-conducteurs et toucherait à coup sûr l'économie mondiale. Une telle attaque menacerait gravement les régimes démocratiques d'Asie et changerait les équilibres stratégiques de manière imprévisible et difficile à gérer.
    Il s'agit de ne pas être exposé à ce risque et de le prévenir en faisant savoir le plus clairement possible qu'une telle action serait illégale en vertu du droit international, nonobstant la loi anti-sécession adoptée par l'Assemblée nationale populaire en Chine. J'espère que le Canada se montrera aussi empressé à montrer sa solidarité envers le droit des Taïwanais à disposer d'eux-mêmes qu'il le fait, à juste titre, pour l'Ukraine.
    Pour certains, cette comparaison peut sembler peu valide, parce que Taïwan ne bénéficie pas, comme l'Ukraine, d'une reconnaissance diplomatique de la communauté internationale. Je voudrais faire remarquer à ce sujet que Taïwan est un État souverain selon les critères de la Convention de Montevideo, soit une occupation permanente, un territoire clairement défini, un gouvernement et la capacité à entretenir des relations diplomatiques.
    Premièrement, Taïwan a été habitée de façon permanente par des peuples autochtones, longtemps arrivés avant les premiers colons d'origine chinoise, qui sont arrivés au moment même où des Européens arrivaient ici, à l'Île de la Tortue.
    Deuxièmement, non seulement Taïwan contrôle le territoire, mais elle a su le mettre en valeur pour en faire la 25e puissance économique du monde. Elle s'est donné les moyens de se défendre en se dotant d'un budget militaire considérable, le 22e en importance sur la planète.
    Troisièmement, Taïwan est non seulement dotée d'un gouvernement fonctionnel, mais ce dernier jouit d'une légitimité incontestable, ce que l'on ne peut pas dire de l'État qui lui fait face. Le gouvernement est choisi par des élections compétitives dans ce qui est considéré depuis plusieurs années comme le plus démocratique régime d'Asie.
    Finalement, Taïwan a fait la démonstration de sa capacité à entrer en relation avec d'autres États par le travail inlassable de ses représentants, lesquels ont fait preuve au fil des années d'un professionnalisme exceptionnel quant aux efforts soutenus de la Chine pour obliger le reste du monde à ne pas reconnaître le pays qu'elle représente.
    La prémisse à toutes nos réflexions sur les relations entre la Chine et Taïwan, c'est que la paix repose sur le dialogue entre les deux parties. Taïwan a entamé ce dialogue en 1991, lorsque le président Lee Teng‑Hui avait déclaré que la République de Chine à Taïwan renonçait à toute revendication sur le territoire gouverné par la République populaire.
    La présidente Tsai Ing‑wen, qui, depuis son arrivée au pouvoir, a fait montre du même pragmatisme, a repris à son compte cette démarche. Depuis le début, c'est le Parti communiste chinois qui s'est refusé à tout dialogue en imposant ses conditions.
(1715)
    Peu importe les scénarios qui, à moyen terme, sont envisagés sur le plan politique à Taïwan, une chose est sûre, c'est que ses citoyens et citoyennes ne croient plus aux promesses associées à « un pays, deux systèmes ». Les sondages démontrent clairement que la majorité de la population se reconnaît dans son identité taiwanaise, et non pas chinoise ou encore moitié-moitié.
    Il y a un risque important que le déni continu de la reconnaissance juridique de la nation taïwanaise fragilise la validité du droit international lorsque l'on s'incline devant le résultat d'un rapport de forces plutôt que de respecter les principes sur lesquels ce droit doit s'appuyer.
    Je vous remercie beaucoup, professeur Laliberté.
    Je cède maintenant la parole à M. Wong.

[Traduction]

    Monsieur Wong, procédez avec votre déclaration liminaire de cinq minutes, je vous prie.
    Je me joins à vous d'Accra, au Ghana, grâce à Zoom, donc vous devrez m'excuser si la connexion est parfois un peu instable. Je vais faire de mon mieux.
    J'aimerais d'abord préciser qu'il ne fait aucun doute que Taïwan et ce qu'il en adviendra sont au cœur de l'exercice de légitimation du régime autoritaire de Pékin. Comme l'ont souligné MM. Brown et Tsang plus tôt, l'avenir même de Taïwan et la capacité du Parti communiste chinois à se l'approprier et, éventuellement, à unifier Taïwan et la Chine continentale sont absolument essentiels à l'exercice de légitimation de ce régime. Bref, comme l'a signalé M. Brown, la politique identitaire l'emporte souvent sur la politique économique.
    La position de Taïwan est donc très précaire et j'avancerais même que cela s'aggravera au fil du temps, car, d'une part, Taïwan a de moins en moins de marge de manœuvre sur la scène internationale, puisque l'on a vu le régime de Pékin déployer des efforts imposants pour la limiter.
    Toutefois, j'avance que cela se produit exactement au moment où le soutien international pour Taïwan n'a jamais été aussi grand. Il y a environ 10 ans, je me souviens que Charles Glaser a pondu un article très influent publié dans diverses revues de politique étrangère aux États-Unis et dans lequel il avançait que le temps était peut-être venu pour les États-Unis de renoncer à Taïwan, qui devenait un problème de plus en plus épineux pour la politique étrangère américaine. C'était il y a 10 ans, et cette vision de Taïwan vieillit de plus en plus mal.
    En effet, j'estime que Taïwan se montre à la face du monde comme un modèle démocratique. C'est le leader régional de la participation des femmes en politique, elle qui a notamment accordé à une femme deux mandats à la présidence. Taïwan est un modèle pour le monde industrialisé en matière de politiques sociales. Son programme national d'assurance-santé devrait être repris par tous, sans compter ses politiques progressistes visant la communauté LGBTQ et ainsi de suite.
    Je crois également que Taïwan, qui a tiré des leçons de ses relations avec les peuples autochtones, a beaucoup à nous apprendre dans ce dossier, et que le Canada peut se prévaloir de maintes possibilités de collaboration avec Taïwan à cet égard.
    Bien sûr, Taïwan est une économie extraordinaire, et nous voyons que tout blocage dans la chaîne d'approvisionnement mondiale, et plus particulièrement dans le secteur des semiconducteurs, peut être débilitant. Sa valeur stratégique est actuellement sans précédent.
    Toutefois, je le précise d'ailleurs pour illustrer que Taïwan a de moins en moins de marge de manœuvre, la valeur de Taïwan et son avenir n'ont jamais été autant menacés que maintenant, ce qui signifie la possibilité d'un conflit, dont les risques sont encore plus sinistres.
    La question sur laquelle je souhaite me pencher est donc la suivante: que faire de la Chine? Accroître les perspectives d'avenir de la Chine et, dans le cas du régime chinois, aspirer à une transition démocratique m'apparaissent être une façon de s'extirper de cette épineuse situation.
    Permettez-moi de formuler quelques réflexions à cet égard. M. Laliberté, il me semble, nous a décrit de façon extraordinaire la situation à Taïwan. Je souhaite pour ma part parler un peu de la Chine.
    Nos théories de la transition démocratique veulent traditionnellement que les démocraties naissent des cendres de régimes qui se sont effondrés, que nous attendions et désirions que les régimes s'effondrent sous le poids de leur illégitimité et qu'ils donnent ainsi naissance à la démocratie. C'est en effet l'une des façons dont la démocratie s'est installée dans une bonne partie du monde.
    Toutefois, en Asie, la voie qui s'impose en matière de transition démocratique n'est pas une naissance à partir des cendres d'un régime déchu, mais plutôt l'émergence d'une démocratie grâce au leadership de solides partis politiques. En effet, Taïwan en est le meilleur exemple. Le Kouo-Min-Tang ou KMT est un régime qui a procédé à la démocratisation à la fin des années 1980 jusqu'au début des années 1990, à l'époque même où il était en déclin, mais encore un parti politique très puissant. C'était un parti fort confiant. Bref, la démocratie offrait à ce régime autoritaire des incitatifs qui lui convenaient.
    C'est un paradoxe, car ce que j'avance essentiellement c'est que, au moment même où un régime est fort et a peu de raisons d'opter pour la démocratisation, c'est là qu'il est le mieux placé pour envisager une transition démocratique, car elle va probablement mener à sa forme la plus stable. Tout le monde convient que, peu importe ce que l'on pense du régime de Pékin, personne ne souhaite qu'il s'effondre, car les répercussions d'une telle débandade entraîneraient la souffrance de quelque 1,4 milliard de personnes.
    Voilà le paradoxe. Il faut ensuite réfléchir à ce que cela implique, surtout en ce qui a trait à notre politique étrangère et à notre vision de la Chine.
(1720)
    Premièrement, nous ne devrions pas souhaiter que la Chine ou le régime du Parti communiste chinois s'effondre. Je pense que cela serait désastreux pour une bonne partie de l'humanité.
    Deuxièmement, il me semble que l'isolement ne va en aucun cas fournir au régime chinois le genre d'incitations ou d'encouragements à envisager une transition démocratique. En fait, nous savons que l'isolationnisme va probablement renforcer les mesures autoritaires employées par le régime.
    Troisièmement — et c'est le point plus important —, nous devrions considérer que les possibilités de démocratie en Chine découleront d'incitations stratégiques de la part du reste de la communauté internationale. Et nous devons reconnaître le fait que la démocratie est effectivement compatible avec le régime autoritaire et que la démocratisation du régime n'entraînerait pas l'effondrement de la Chine...
    C'est ainsi que nous pourrons rendre la sphère politique plus réceptive aux moyens qui pourraient nous permettre de continuer à reconnaître Taïwan comme la démocratie souveraine qu'elle est.
    Merci beaucoup, professeur Wong.
    J'ai recours à une règle très rapide de régie interne que le professeur Laliberté a pu observer au cours de l'audience du premier groupe de témoins. Je me sers d'une carte de rappel de 30 secondes lorsque le temps alloué est écoulé, parce que certaines des interventions des députés sont chronométrées de façon assez stricte. Dans le pire des cas, chaque intervention dure deux minutes et demie. Veuillez ne pas perdre cela de vue si vous le pouvez. Cela nous aidera à gérer le temps dont le Comité dispose.
    Nous allons maintenant passer à la première série d'interventions, qui seront d'une durée de six minutes.
    Monsieur Gray, bienvenue à la séance du Comité. Vous allez nous montrer la voie à suivre pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
    Mes questions sont destinées au professeur Laliberté. Je voulais commencer par discuter de la situation actuelle dans le détroit de Taïwan.
    Comment le commerce avec Taïwan pourrait-il être perturbé si des problèmes liés aux chaînes d'approvisionnement étaient créés?
    Vous voulez dire si un conflit éclatait?
    Je veux dire en raison des tensions. Y a-t-il une possibilité que cela se produise, et qu'est-ce qu'une telle possibilité pourrait signifier?
    Pas pour le moment. Les tensions sont de nature politique, et nous ne sommes pas encore dans une situation où une intervention militaire crédible survient. L'effet de ces tensions est donc minimal.
    En ce qui concerne notre planification à long terme, ces tensions vont entrer en ligne de compte dans la mesure où la menace semble plus crédible.
    C'est formidable. Merci.
    Il y a eu une annonce dans laquelle le gouvernement a parlé de la nécessité pour le Canada et Taïwan de continuer à travailler ensemble. Plus précisément, en janvier dernier, le compte rendu de la ministre faisait allusion — il y a un certain nombre d'éléments dans ce texte — à l'accroissement de la « collaboration en matière de science, de technologie et d'innovation ».
    Ma question à ce sujet vise à déterminer s'il existe des risques de tensions potentielles dans le détroit de Taïwan qui pourraient compromettre ce projet, notamment en ce qui concerne le partage de propriétés intellectuelles entre le Canada et Taïwan. Que pouvons-nous faire pour atténuer ces risques ou nous protéger à l'avenir?
(1725)
    Si nous maintenons et améliorons nos relations, je ne vois pas de risque, sauf si vous supposez que la Chine pourrait déclencher une intervention militaire. Bien sûr, ce risque est sérieux, mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui.
    Compte tenu du niveau actuel de nos relations officieuses avec Taïwan, je n'envisage aucun risque de manière réaliste.
    Vous avez mentionné les semi-conducteurs au cours de votre témoignage, alors je souhaitais approfondir un peu la question. Nous savons qu'il s'agit d'un produit important pour Taïwan, et qu'il revêt une grande importance pour le Canada du point de vue des chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques et des véhicules électriques.
    Je me demandais si vous pourriez nous parler davantage de la possibilité pour le Canada d'avoir un meilleur accès aux semi-conducteurs en renforçant les relations commerciales entre le Canada et Taïwan. Là encore, voyez-vous des risques potentiels?
    Je ne possède aucune compétence dans ce domaine. Je ne voudrais pas émettre trop d'hypothèses, sauf pour dire que TSMC, le principal fabricant taïwanais de semi-conducteurs, contrôle 65 % du marché mondial. De plus, il y a d'autres fabricants taïwanais de semi-conducteurs, de sorte que, dans l'ensemble du secteur, Taïwan contrôle 85 % du marché mondial.
    Comme Taïwan a manifesté un intérêt à l'égard du partenariat transpacifique, ou PTPGP, et a demandé à y adhérer, je me demande si vous aviez une idée de la manière dont le Canada pourrait soutenir la candidature de Taïwan à cet accord commercial.
    Taïwan remplit déjà les conditions d'adhésion. Cela ne fait aucun doute. La Chine ne remplit pas les conditions requises, ce qui pose un problème politique évident, sauf qu'il existe déjà des accords internationaux ou transnationaux dont l'adhésion ne se limite pas aux États. Par exemple, le territoire douanier de Taïwan est membre de l'Organisation mondiale du commerce.
    Malheureusement, à ma connaissance, le PTPGP est un accord conclu entre des États souverains. Par conséquent, nous devrons peut-être envoyer un signal indiquant que Taïwan devrait être accueillie au sein du PTPGP. Je crois que ce devrait être le cas.
     Je vous remercie de cette information.
    Dans le même ordre d'idées, quelles seraient les conséquences si des démocraties comme le Canada cessaient de plaider en faveur de la participation de Taïwan à des accords commerciaux tels que le PTPGP?
    Quelles seraient les...?
    Quelles pourraient être les conséquences si des démocraties comme la nôtre cessaient de défendre les intérêts de Taïwan ou les défendaient avec plus de modération?
    Cela contribuerait au déclin de notre réputation en matière de soutien des démocraties.
    Merci.
    Je pense que j'aurai peut-être le temps de poser une autre brève question.
    Il vous reste environ une minute et demie.
    Merci.
    Plus tôt aujourd'hui, un autre témoin nous a dit qu'il serait logique que des pays aux vues similaires se regroupent — nos économies sont plus importantes que celle de la République populaire de Chine — pour combattre collectivement les menaces éventuelles. Seriez-vous d'accord pour dire que ce serait une bonne stratégie, non seulement pour ces pays, qui pourraient inclure le Canada, mais aussi pour Taïwan?
    Je pense que l'idée de faire équipe avec des pays aux vues similaires a du sens, mais je remplacerais peut-être le mot « combattre » par un autre mot. Je dirais qu'il suffit d'être logique et d'essayer de présenter des arguments convaincants. J'aime la façon dont mon collègue, Joe Wong, a abordé la question. Il parle d'incitation. En conjuguant leurs efforts en ce qui concerne leurs relations avec la Chine, les pays aux vues similaires pourraient signaler qu'ils envisagent d'adopter des politiques différentes et de faire les choses différemment, et qu'il serait plus facile de collaborer avec la Chine si elle apportait les changements que nous préférons.
    Selon vous, quels seraient les débouchés les plus importants qu'apporterait Taïwan si elle se joignait au PTPGP?
    Je pense que cela dépend de notre volonté politique. Sommes-nous prêts à soutenir l'adhésion de Taïwan au PTPGP? En un mot, j'espère que nous le ferons.
    Formidable. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ehsassi, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Permettez-moi de remercier les deux professeurs de leurs excellents exposés. Je dois avouer que j'ai appris pas mal de choses. Je vais commencer par interroger le professeur Laliberté.
    Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez notamment souligné que le reste du monde devait indiquer clairement les conséquences que la Chine subirait si elle envahissait Taïwan. Comme nous le savons tous, les États-Unis souscrivent à une politique officielle d'ambiguïté stratégique. À votre avis, cette approche est-elle appropriée?
(1730)
    C'est une approche qui a bien fonctionné jusqu'à maintenant, mais c'est une approche qui montre maintenant ses limites. Je pense que nous devrions passer à une politique de clarté. Le Japon s'engage dans cette direction. Cependant, le Canada n'est pas dans la même position que le Japon ou les États-Unis, car nous ne sommes pas une puissance militaire. Toutefois, en qui concerne notre collaboration dans de nombreux domaines, je pense que nous devrions adopter une politique claire qui indique que, si la Chine se comporte mal dans le détroit de Taïwan, le Canada devra peut-être revoir à la baisse certaines formes de coopération.
    Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose. Nous discutons toujours en partant du principe que la Chine est un acteur important qui ne cesse de croître au sein de la communauté internationale. Je pense que nous devrions cesser d'être hypnotisés par cette perspective et considérer les autres acteurs importants de l'Asie qui se manifestent et pourraient devenir des partenaires potentiellement importants. Je pense à l'Indonésie, la plus grande démocratie musulmane de la planète. Je suis tenté de mentionner l'Inde, mais je dirais que je vais attendre les prochaines élections, car le gouvernement Modi ne m'inspire pas confiance. Je suis désolé. Je m'écarte un peu du sujet en ce moment.
    Merci.
    Maintenant, je m'adresse rapidement à vous, professeur Laliberté. Pensez-vous que la Corée du Sud et le Japon adoptent une approche plus robuste et renoncent aussi à l'ambiguïté stratégique?
    En ce qui concerne le Japon, oui, c'est vraiment ce que j'observe, mais pour ce qui est de la Corée du Sud, j'hésite à répondre, parce que la Corée du Sud est préoccupée par la Corée du Nord, et elle ne veut pas se mettre la Chine à dos. Elle entretient aussi ses propres relations économiques avec la Chine. En fin de compte, je pense que la Corée du Sud se rend compte qu'en renforçant sa coopération avec le Japon et les États-Unis, sa sécurité sera mieux protégée.
    Merci.
    Je vais maintenant me tourner vers M. Wong.
    Tout d'abord, permettez-moi de dire que votre explication sur la façon dont la transition démocratique s'est déroulée à Taïwan était fascinante. Je suis d'accord avec vous. Le pays est un modèle pour le reste de l'Asie en ce qui concerne l'inclusion et l'innovation liées à de nombreux indicateurs différents.
    Le premier groupe de témoins nous a dit que des sondages avaient été réalisés auprès des Taïwanais afin de connaître leur attitude face à une attaque chinoise ou à une éventuelle réunification. Pourriez-vous nous faire part des données ou des informations dont vous disposez à propos de l'attitude des Taïwanais face à une éventuelle réunification avec la Chine continentale?
     Je serai très bref. Au cours des quelque 20 dernières années pendant lesquelles j'ai eu le privilège d'observer des élections et de participer à des études sur Taïwan ou à Taïwan, il est de plus en plus clair pour moi que les Taïwanais ont de moins en moins d'engouement à l'égard de toute perspective de réunification avec la Chine, et selon moi, la situation à Hong Kong n'a fait qu'alimenter le discours à Taïwan selon lequel l'approche « un pays, deux systèmes » est tout simplement irréalisable et inacceptable.
    Merci.
    Cela me rappelle aussi les manifestations organisées par les jeunes de Taïwan en 2014, je crois. Pensez-vous que les jeunes Taïwanais sont encore plus nationalistes que leurs aînés?
    C'est certainement ce que l'on constate dans les données de l'enquête. Je pense que les manifestations de 2014 ont été une excellente démonstration de la démocratie à l'oeuvre et d'une jeune démocratie qui établit ses propres règles du jeu. Je pense en effet que les jeunes Taïwanais, simplement du point de vue des différences générationnelles et de l'effet de cohorte, sont tout simplement de plus en plus déconnectés de la Chine. Les questions, voire même les catégories, utilisées dans les enquêtes sont déroutantes pour de nombreux jeunes Taïwanais. Ils se demandent ce que signifient ces questions.
(1735)
    Je vous remercie de votre réponse.
    Étant donné que mon temps est compté, j'aimerais poser une dernière question.
    Le professeur Brown est d'avis que, même si nous devons être vigilants, une attaque n'est pas imminente. Il ne considère pas que c'est possible. Est-ce aussi votre interprétation de la situation?
    Oui, je pense que le gouvernement chinois agira de façon beaucoup plus stratégique à cet égard. Ils tirent des enseignements de ce qui se passe en Ukraine, et je pense qu'ils ont certainement des raisons de prendre un temps d'arrêt, même si je ne crois pas que ces événements aient en quoi que ce soit affaibli la détermination du gouvernement de Pékin à chercher à unifier Taïwan et la Chine.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Ehsassi.
    Je remercie aussi les témoins.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Je les remercie aussi de leurs commentaires fort éclairants.
    Je voudrais juste apporter une petite précision concernant le soi-disant désintérêt européen à l'égard de Taïwan qui a été évoqué par Mme Fry. Je veux simplement signaler qu'en novembre 2021, une délégation européenne s'est rendue à Taïpei. J'interprète cela comme une certaine manifestation d'intérêt de la part des Européens pour Taïwan.
    Professeur Laliberté, je dois dire que je me suis délecté de vos propos lorsque vous évoquiez les conditions contenues dans la Convention de Montevideo pour définir les caractéristiques d'un État souverain. Je me disais que le Québec répondait à toutes ces caractéristiques, et nous aurons probablement l'occasion d'en discuter une autre fois.
    J'ai été fasciné par vos propos sur l'engagement qu'a pris Taïwan de ne plus représenter l'ensemble de la chine. Des sondages indiquent que les Taïwanais se sentent maintenant davantage taïwanais que Chinois.
    Avant de vous poser ma question, je vais vous faire part d'une anecdote, si vous me le permettez.
    Me trouvant dans un aéroport aux États‑Unis, je tombe sur un groupe de gens qui sont manifestement Chinois, à entendre les conversations entre eux, mais je réalise, au bout d'un moment, qu'il y a deux groupes dans ce groupe et qu'ils ne s'adressent littéralement pas la parole. J'essaie de comprendre ce qui se passe. Vous me direz qu'il se passe à peu près la même chose entre les Parisiens et les autres Français. Quoi qu'il en soit, dans le cas qui nous intéresse, j'ai réalisé qu'une partie de ce groupe avait des passeports de la République populaire de Chine, alors que l'autre groupe avait des passeports de la République de Chine.
    Cela m'amène à la question que je veux vous poser.
    Il y a une espèce de fiction juridique qui existe depuis que le leader nationaliste Tchang Kaï‑chek a trouvé refuge sur l'île de Formose, où le gouvernement de Taïwan prétendait représenter l'ensemble de la Chine, tandis que, de l'autre côté, en Chine occidentale, la République populaire de Chine prétendait et prétend toujours représenter l'ensemble de la Chine.
    Considérant le fait que les Taïwanais se sentent de moins en moins Chinois et de plus en plus Taïwanais, comment réconcilier l'abandon de cette prétention de Taïwan qu'il représente l'ensemble de la Chine avec le fait que le pays s'appelle toujours officiellement « République de Chine »?
     Cela me ramène à mes remarques initiales. Ce n'est pas une fiction juridique. La République de Chine existe depuis 1911 et elle s'est réfugiée à Taïwan. Taïwan est un nom géographique, et la République de Chine existe toujours. La présidente de Taïwan, Tsai Ing‑wen, est parfaitement consciente que si elle décide demain matin de changer le nom du pays, ce sera la guerre, rien de moins. La Chine a adopté, à l'Assemblée nationale populaire, une loi qui indique très clairement que si le nom est changé, ce sera la guerre. C'est très clair, et il n'y a pas la moindre ambiguïté. Évidemment, le gouvernement taïwanais n'osera jamais faire une telle chose.
    Bien sûr, il y a à Taïwan des souverainistes parmi les plus endurcis, mais il faut savoir qu'ils représentent vraiment une minorité au sein de la population. Ces souverainistes souhaitent que le nom du pays devienne « République de Taïwan », de façon à refléter la réalité. Or, à moins qu'il y ait une révolution en Chine populaire, cela n'aura pas lieu de notre vivant.
(1740)
    Je précise, professeur Laliberté, que je n'ai jamais prétendu que la République de Chine était une fiction juridique. La fiction juridique à laquelle je faisais allusion, c'est cette curieuse situation, unique dans l'histoire de l'humanité, où un pays prétend représenter une entité plus large et où un autre pays prétend représenter exactement la même entité plus large.
    Je comprends très bien ce que vous me dites. J'en discutais hier avec des gens de Taïwan. Je comprends que le changement du nom serait un prétexte suffisant pour déclencher un conflit armé.
    Cela étant dit, comment réconcilier, d'une part, l'abandon de la prétention de Taïwan de représenter l'ensemble de la Chine et le sentiment des Taïwanais d'être de moins en moins chinois et de plus en plus taïwanais, et, d'autre part, le fait que le nom de l'État contient encore officiellement le mot « Chine »?
    Le nom ne peut pas être changé, mais comment les autorités taïwanaises composent-elles avec ce paradoxe, si je peux dire?
    C'est possible, de la même façon que l'on pourrait parler d'un pays européen, par exemple. En effet, la Chine est une nation, en anglais et en français, mais c'est aussi une référence à une culture. Les Taïwanais l'admettent ouvertement. Même si les derniers chiffres indiquent que 64 % d'entre eux se disent Taïwanais et que seulement 20 % se disent à la fois Chinois et Taïwanais, l'identité chinoise compte quand même. Elle représente leur culture et la langue qu'ils parlent. Le foukien, qui est la langue de la majorité taïwanaise, est quand même parlé dans la province avoisinante du Fujian.
    Les Taïwanais sont prêts à admettre qu'ils sont de culture chinoise. Parler de la République de Chine n'est pas aussi absurde qu'il pourrait sembler. Il y a quand même une raison derrière cela.
    Vous avez parlé de l'Europe. Diriez-vous que tous les Européens peuvent se prétendre européens tout en étant danois, allemands, français, voire britanniques, et que l'on pourrait dire la même chose des Taïwanais, qui appartiennent à un ensemble culturel plus large que le simple territoire traditionnel de l'Empire du Milieu?
    Vous m'entraînez dans des...
    Professeur Laliberté, je suis désolé de vous interrompre.
    Afin que nous puissions respecter l'horaire, je vous demanderais de bien vouloir répondre très rapidement.
    Oui, l'idée européenne peut fonctionner dans un sens large.
    Je vous remercie beaucoup, professeur Laliberté.
    Je vous remercie, monsieur Bergeron.

[Traduction]

     Nous allons maintenant donner la parole à Mme McPherson pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Quelle conversation fascinante! Je remercie infiniment les témoins d'avoir permis qu'elle ait lieu.
    J'aimerais commencer par interroger M. Laliberté.
    Au sujet de la stratégie américaine d'ambiguïté intentionnelle, vous avez dit à mon collègue que ce n'était pas une bonne stratégie à adopter en ce moment et que le Canada devrait opter pour une position claire.
    Vous nous avez dit tous les deux qu'il s'agissait d'une politique d'identité pour la Chine. Il y a une idéologie derrière cette politique. Comme nous le savons tous, il est presque impossible d'inciter quelqu'un à abandonner une idéologie. Par conséquent, nous avons un peu l'impression d'être dans une situation où vous affirmez que nous devons adopter une position claire à l'égard de Taïwan, alors que notre position ne fera jamais changer d'idée la Chine. Elle ne sera pas en mesure de concilier toute action que nous prendrons.
    J'ai du mal à comprendre comment je dois interpréter vos propos. Pourriez-vous nous fournir des précisions, en particulier en ce qui concerne la position du Canada?
    Parlez-vous de la question de l'identité à Taïwan?
    Si vous dites que l'ambiguïté intentionnelle n'est pas une bonne stratégie et que la stratégie que le Canada devrait adopter devrait énoncer clairement notre position à l'égard de Taïwan, tout en sachant qu'il s'agit d'une question idéologique, comment pouvons-nous justifier une telle stratégie?
    Le Canada se trouve dans une situation particulière, et nous devons être plus prudents en raison de notre capacité limitée, mais à mon avis, le Canada devrait certainement indiquer clairement que toute entente que la Chine et Taïwan parviennent à négocier devrait avoir été réalisée par des moyens pacifiques.
    Il est reconnu que Taïwan est une société distincte — et je pèse mes mots en ce moment — parce que c'est une population qui a choisi son propre gouvernement. C'est un fait. Le discours que tient la RPC consiste à dire que Taïwan fait partie de la Chine depuis des temps immémoriaux. J'espère que nos diplomates rejettent ce discours et soutiennent simplement que c'est une histoire déplorable que nous ne sommes pas forcés d'accepter.
    Nous n'avons aucune raison au monde de prendre pour argent comptant ce que disent nos homologues chinois alors que nous savons que cette histoire est fausse. Elle est factuellement fausse. Je ne soutiens même pas que cette histoire est moralement fausse. J'affirme que la prétention de la RPC n'est pas factuelle, et je serais heureux d'organiser un colloque pour approfondir cette question.
(1745)
    Je pense que nous aurons peut-être besoin d'un colloque, parce que cette question est très complexe, mais j'aime l'idée d'avoir des discussions pacifiques qui sont prudentes et qui apportent des éclaircissements. Vraiment, peut-on en demander davantage?
    Monsieur Wong, j'allais vous poser la question suivante. Vous avez parlé de Taïwan comme d'un modèle de démocratie pour l'Asie. L'une des initiatives auxquelles j'ai beaucoup travaillé avant d'être élue députée consistait à définir les objectifs de développement durable des Nations unies. Nous savons que Taïwan déploie des efforts considérables afin d'atteindre les objectifs de développement durable et qu'elle a démontré son désir et sa volonté d'être un bon partenaire international. Nous n'avons pas nécessairement vu la Chine souscrire à ces tribunes internationales avec d'aussi bonnes intentions.
    Pouvez-vous parler un peu de cet aspect et peut-être l'approfondir? Comment le Canada pourrait-il soutenir Taïwan dans ces domaines, mais aussi comment pourrait-il soutenir la société civile taïwanaise? Nous savons que la démocratie se construit de bas en haut, alors y a-t-il un moyen pour nous de soutenir la société civile à partir de la base?
    Que voilà une excellente question.
    Je voudrais, avec votre permission, revenir brièvement à la question de l'ambiguïté stratégique. Ce concept a très bien fonctionné pendant un temps, car c'était en fait un moyen de parler d'engagement stratégique. Quand l'ambiguïté stratégique a initialement émergé dans les cercles de la politique étrangère aux États-Unis, il s'agissait d'une double mission somme toute aisée consistant à nouer des liens avec la Chine, notamment du point de vue économique, tout en entretenant l'espoir d'encourager une sorte de transformation. C'était ce genre d'ambiguïté dont on faisait preuve. Je pense que si cette ambiguïté fonctionne moins bien ces jours‑ci, c'est parce que la Chine a durci son point de vue au sujet de l'ambiguïté stratégique et a clairement fait comprendre qu'elle vit dans un univers binaire divisé entre le monde autocratique et le monde démocratique. Elle nous a donc coupé l'herbe sous les pieds.
    Ce que je tente de faire comprendre, c'est qu'il ne faut pas penser que la démocratie et le fait d'en parler, que ce soit à Taïwan ou peut-être en Chine, ont nécessairement un effet antagoniste. Si nous pouvons rétablir l'équilibre, en fait, nous pouvons renouer avec le genre d'ambiguïté stratégique qui nous a bien servis pendant longtemps.
    En ce qui concerne la démocratie à Taïwan, je pense qu'il s'agit en fait d'une des principales manières dont le Canada peut continuer de soutenir Taïwan. Quand je parle aux fonctionnaires taïwanais, particulièrement à ceux du service extérieur, je fais continuellement remarquer que c'est dans les domaines des objectifs de développement durable et de la santé publique qu'ils peuvent collaborer avec le Canada. Ont‑ils tiré des leçons qu'ils pourraient nous transmettre afin de nous préparer aux pandémies? Nous savons que Taïwan a accompli des pas de géant dans la foulée du SRAS et communique en fait de formidables enseignements au reste du monde.
    Ici encore, j'ai parlé à nos collègues de Taïwan afin de collaborer davantage au chapitre des questions autochtones, de la réconciliation, de la Commission de vérité et de réconciliation et de questions connexes. Ce sont de sujets qui permettront au Canada et à la société taïwanaise de nouer des liens plus solides, de manières qui, à dire vrai, contribueront à renforcer la démocratie et à la rendre plus résiliente à Taïwan au fil du temps.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, madame.
    Chers collègues, il est 17 h 50. Pour faire une heure complète, c'est‑à‑dire pour nous rendre jusqu'à 18 h 5, je proposerais de procéder exactement comme nous l'avons fait pour le groupe de témoins précédent, en effectuant un deuxième tour comprimé d'interventions de trois minutes et d'une minute et demie, si cela vous convient.
    Je demanderais à M. Morantz de commencer le tour avec une intervention de trois minutes.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Wong, j'ai été fasciné par quelque chose que vous avez dit plus tôt sur le fait que la démocratie est née à Taïwan parce que des partis politiques forts ont évolué vers la démocratisation. Vous avez émis l'hypothèse — je pense que c'est ce que vous avez dit — que la paix pourrait potentiellement durer entre la Chine et Taïwan si la première se démocratisait. Je pense que c'est ce que vous avez dit. J'ai trouvé ces propos absolument fascinants.
    Est‑ce là une simple hypothèse de votre part? Avez-vous des motifs de croire que cela pourrait se produire dans le monde réel? Est‑ce que des indications portent à croire que cela pourrait survenir? Je voudrais que vous m'en disiez un peu plus à ce sujet dans les quelques minutes qu'il me reste.
(1750)
    Volontiers.
    Je pense qu'il y a huit ans, j'aurais pensé... En lisant dans les feuilles de thé à l'époque, on constatait certainement la présence d'une école de pensée qui considérait, en observant Xi Jinping et sa concentration du pouvoir, que c'était le préambule de ce qui serait potentiellement une sorte de libéralisation politique comme celle qui s'est produite à Taïwan, en Corée, dans les années 1980 et dans le Japon d'après-guerre.
    Je considère de moins en moins que c'est le cas, justement parce que les nombreuses questions qui ont émergé en Chine sont fondamentales pour la légitimation du Parti communiste chinois. Cela me préoccupe, cependant, car alors que nous cherchons des failles dans ce régime et en entrevoyons la chute potentielle, il fera certainement en sorte que la démocratie ne s'instaure pas, ce qui sera potentiellement désastreux.
    Je pense qu'il est encore possible de tenter de faire comprendre, en formulant des arguments positifs, que la démocratie n'est pas incompatible avec le Parti communiste chinois, comme l'a démontré le KMT à Taïwan, en fait. Ce parti s'est démocratisé et a remporté les élections, se maintenant au pouvoir pendant environ une décennie. Il a cédé le pouvoir quand il a perdu les élections, comme tout autre parti démocratique. Taïwan continue d'être stable.
    Si cette possibilité pouvait être présentée à nos collègues et à certains penseurs progressistes en Chine, je pense que ce n'est pas impossible. Je l'espère, simplement en raison de la manière dont nous agissons actuellement. Comme je l'ai indiqué dans ma préface, l'étau se resserre autour de Taïwan. Les enjeux y sont de plus en plus élevés. Le risque de conflit est donc plus grand.
    Je vous remercie de ces explications.
    Je n'ai qu'une question à poser dans le temps qu'il me reste. Le gouvernement du Canada a promis d'adopter une stratégie indo-pacifique il y a plus d'un an. Si vous pouviez prodiguer des conseils à la ministre des Affaires étrangères, que devrait indiquer cette politique quant à la position du Canada à l'égard de Taïwan?
    Veuillez répondre brièvement pour respecter le temps accordé.
    Bien sûr.
    Je pense que le Canada devrait exprimer son soutien sans équivoque envers Taïwan, sans pour autant chercher à isoler la Chine. Il est possible de ménager la chèvre et le chou. Je considère que le fait d'isoler la Chine n'aura pas de bon résultat.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Morantz. Je remercie également notre témoin.
    Nous accordons maintenant la parole à Mme Sudds pour trois.
    Excellent. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Wong. La pression diplomatique de la Chine s'est accrue en raison de l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS. À l'insistance de la Chine, l'OMS a exclu Taïwan des forums d'échange de renseignements sur la COVID‑19. Je pense qu'il est juste de dire que le Canada a réagi conformément à sa pratique générale, soutenant sans relâche la participation active de Taïwan aux échanges internationaux où sa présence est impérative pour des raisons pratiques et où son absence nuirait aux intérêts mondiaux.
    Je me demande si vous pouvez traiter du rôle que le Canada joue pour soutenir Taïwan à cet égard, peut-être plus précisément dans le cadre de l'OMS ou d'autres organisations internationales.
    Je pense qu'il est absolument ridicule que Taïwan soit continuellement exclue des discussions au sein de l'OMS. S'il est une chose que nous avons apprise du SRAS, c'est qu'en dépit de tous les déboires dont Taïwan a souffert en 2003, elle a malgré tout réussi à traverser la tempête et a en fait tiré des enseignements que nous aurions bien voulu tirer nous-mêmes au Canada dans la foulée du SRAS afin d'être mieux préparés à la pandémie cette fois‑ci, comme M. Laliberté l'a fait remarquer.
    Je pense que je veux simplement dire ici, c'est que la participation de Taïwan à l'Assemblée mondiale de la Santé ou à d'autres organismes semblables n'est pas une affaire de politique: c'est une question de santé publique mondiale et d'intérêt collectif pour nous tous, y compris la Chine. Je pense qu'il faut changer de discours et rester ferme dans notre engagement à assurer la sécurité collective, que ce soit en matière de santé, de cybersécurité ou d'autre chose. C'est un impératif fonctionnel qui devrait primer sur tout autre débat politique, en ce qui me concerne.
(1755)
    Formidable. Je suis d'accord avec vous.
    Je pense qu'il me reste suffisamment de temps pour poser une brève question à M. Laliberté au sujet des liens économiques. Les liens économiques se sont certainement renforcés entre Taïwan et la Chine, particulièrement au cours des deux dernières décennies. Je pense que les deux pays ont connu une croissance économique rapide.
    Cette prospérité économique mutuelle a‑t‑elle eu pour effet d'atténuer les tensions régionales ou les a‑t‑elle exacerbées?
    Malheureusement, cette prospérité a aussi permis aux deux côtés de mieux se connaître. De nombreux hommes d'affaires taïwanais ont déchanté, car leurs expériences avec la Chine n'ont pas toujours été positives. Les échanges commerciaux entre les deux côtés n'ont pas nécessairement amélioré leurs relations, mais l'intention était là, bien entendu.
    Les Chinois ont également vu en cette prospérité un argument pour encourager les Taïwainais à se rapprocher de la Chine. Pour leur part, de nombreuses entreprises taïwanaises ont vu que leur position économique risquait de se détériorer si elles s'intégraient trop étroitement avec la Chine. Si le mouvement Tournesol a vu le jour, c'est notamment parce que l'ancien président Ma Ying-jeou voulait rapprocher Taïwan de la Chine, semant l'inquiétude chez les jeunes entrepreneurs de Taïwan.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur Laliberté et Mme Sudds.
    Je remercie également les témoins.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour une minute et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Professeur Wong, lorsque nous avons discuté avec le précédent groupe de témoins, le professeur Tsang a avancé l'idée que Taïwan était tout simplement un obstacle géographique aux visées expansionnistes de la Chine dans le Pacifique.
    Croyez-vous qu'il soit possible de convenir d'un accord concernant les eaux territoriales situées entre Taïwan et la République populaire de Chine pour contourner ce problème?

[Traduction]

    Ce sera difficile pour un éventail de raisons. Les revendications de la Chine sur la mer de Chine du Sud ont évidemment été déclarées illégales et en contravention avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
    En outre, les revendications de la République populaire de Chine sur la mer de Chine du Sud et ses frontières maritimes se fondent sur les mêmes revendications faites par la République de Chine. La carte en neuf traits que la République populaire de Chine brandit aujourd'hui pour appuyer ses revendications historiques correspond à la carte dessinée par le gouvernement de la République de Chine avant la formation de la République populaire de Chine. Voilà qui, en soi, rend la situation très difficile à résoudre.
    D'une part, le fait de respecter cette frontière contreviendrait à la Convention des Nations unies. D'autre part, en continuant de proposer cette frontière, la Chine reconnaît par le fait même la République de Chine, ce qui place le gouvernement de la République populaire de Chine dans une situation fort épineuse.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron et professeur Wong.

[Traduction]

    Nous accordons la parole à Mme McPherson pour une minute et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Wong, vous avez parlé du risque que la violence augmente et que la situation s'aggrave.
    Dans ma dernière minute et demie, pourriez-vous m'indiquer où le Canada se situe, selon vous, peut-être en lui attribuant une note? À votre avis, comment nous en sortons-nous jusqu'à présent?
    À quel chapitre?
    Au chapitre de notre relation et de notre reconnaissance de Taïwan. Comment nous en sortons-nous sur le plan de la participation et de la collaboration avec nos alliés sur le terrain?
    À Taïwan, je pense que le Bureau commercial du Canada à Taïpei a accompli un travail extraordinaire. Au regard des contraintes sur l'échiquier mondial, je pense qu'il a fait un travail hors pair pour établir des liens au sein de la société civile, travaillant sans relâche pour tisser des liens entre les entreprises et dans l'industrie afin qu'elles échangent de la R‑D et des technologies avec des entreprises canadiennes. Je pense que dans les sphères non officielles, le Canada a fait un travail extraordinaire.
    Par ailleurs, jusqu'à présent ou jusqu'à tout récemment, le Canada ne s'était pas trop attiré les foudres de la République populaire de Chine, ce qui nous permettait encore de réfléchir aux encouragements stratégiques qui pourraient contribuer à assouplir le régime de la République populaire de Chine. Dernièrement, toutefois, ce pays a durci le ton, mettant une fois de plus fin à cet espoir. Nous devons donc nous montrer encore plus avisés et plus novateurs dans nos relations avec Taïwan.
(1800)
     Je vous remercie, monsieur Wong.
    Je vous remercie beaucoup, madame McPherson.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Morantz, ou à Mme Gray ou à M. McCauley.
    Monsieur Morantz, voulez-vous intervenir en premier? Vous pouvez partager votre temps si vous le désirez.
    Je peux intervenir.
    C'est correct.
    Selon ce qu'il s'est dit plus tôt, il semble y avoir consensus sur le fait que Taïwan ne fait pas l'objet d'une menace imminente. Je m'interroge toutefois à certains égards. La menace s'est-elle accrue sous le président Xi? C'est un point au sujet duquel je m'interroge.
    Il semble se passer beaucoup de choses dans la région. La Chine semble toujours chercher la provocation. Il a été question plus tôt des 18 avions de guerre envoyés dans la zone d'identification de défense aérienne. Taïwan a répliqué en dépêchant ses propres aéronefs. En avril, on a appris que la Chine avait conclu un accord en matière de sécurité avec les Îles Salomon. Ces dernières avaient rompu leurs liens avec Taïpei en 2019 au profit de Pékin. En outre, M. Poutine et le président Xi auraient conclu un prétendu pacte, en vertu duquel ils soutiendraient mutuellement leurs ambitions territoriales.
    Il me semble qu'il se passe beaucoup de choses pour conclure que Taïwan n'est pas immédiatement menacée. Je me demande si vous pourriez m'éclairer à ce propos.
    Je ne partage pas nécessairement l'optimisme de mon collègue. Je pense que Xi Jinping veut en arriver plus rapidement à ce qu'il considère comme une solution en vue d'une unification ou d'une annexion. La question est de savoir quelles méthodes il emploiera.
    L'optimisme s'explique par le fait qu'une intervention traditionnelle en empruntant le détroit sera extrêmement difficile, mais parmi les experts en sécurité, nombreux sont ceux qui pensent que la Chine envisage déjà diverses approches, comme la guerre asymétrique, des manières d'attaquer Taïwan qui restent en zone grise, et des embargos. La Chine pourrait forcer une décision d'une multitude de façons.
    Vous voulez savoir dans quelle mesure l'hostilité est plus élevée qu'avant. Xi Jinping s'est montré clair quant à son intention. La question — à laquelle je ne peux pas répondre, en vérité —, c'est dans quelle mesure cette intention est crédible. L'Armée populaire de libération a‑t‑elle la capacité de réellement l'emporter?
    Monsieur Wong, voulez-vous répondre à cette question?
    Je formulerai deux remarques. La première, c'est que je me préoccupe plus que jamais de Taïwan. La seconde, c'est que sous le régime de Xi Jinping, je ne pense pas qu'il y ait un espoir que la République populaire de Chine fasse une concession à propos de Taïwan. Je réfléchis donc à des manières de rendre la réforme politique plus intéressante en Chine.
    Sous le régime actuel, je ne peux imaginer Xi faire la moindre concession importante au sujet de Taïwan.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, monsieur Morantz.

[Français]

    Nous entamons le dernier tour de questions.
    Madame Bendayan, vous avez la parole pour trois minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Professeur Laliberté, d'abord, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai écouté votre témoignage avec beaucoup d'intérêt. Comme les autres membres de ce comité, je vous suis reconnaissante d'avoir attiré notre attention sur les termes que nous devrions utiliser.
    Dans le même ordre d'idées, j'aimerais aborder la façon dont la Chine fait allusion au principe constitutionnel « un pays, deux systèmes » pour apaiser les craintes de Taïwan, qui redoute, avec raison selon moi, que son système démocratique et ses traditions ne puissent pas survivre sous le contrôle de la Chine.
    Nous sommes tous au courant de ce qui se passe à Hong Kong en ce moment. Nous avons vu la répression chinoise quant au processus démocratique et à la liberté d'expression, entre autres choses.
    Selon vous, quelles sont les répercussions des événements qui ont eu lieu à Hong Kong sur la situation entre la Chine et Taïwan?
(1805)
     Je vous remercie beaucoup de la question.
    D'une part, ce n'est pas un principe constitutionnel. La formule « un pays, deux systèmes », c'est une déclaration politique. C'est une déclaration politique que Xi Jinping a simplement décidé de rejeter. Il renonce à ce principe parce que ce n'est plus son objectif. Maintenant, l'annexion de Taïwan est vraiment le but.
    D'autre part, si Taïwan est annexé, ce n'est pas pour que Taïwan soit une région autonome avec un régime différent, un régime démocratique. En fait, c'est pour que Taïwan devienne une autre province chinoise.
    Comme mon collègue Joseph Wong, je suis très pessimiste à cet égard.
    Si nous étions dans une autre réalité, c'est-à-dire si Xi Jinping démissionnait, s'il ne retournait pas à la tête du Parti communiste, il y aurait lieu de se demander si cela donnerait lieu à un processus de réforme dans le Parti. Ce serait le scénario idéal, mais les possibilités sont minimes.
    Je vous remercie beaucoup, professeur Laliberté.

[Traduction]

     Ma prochaine question s'adresse à M. Wong.
    Nous avons entendu plus tôt le témoignage d'un autre éminent professeur, qui estime qu'une invasion de Taïwan serait possible d'ici 10 ans environ. Moi et mes collègues ici présents lisons avec beaucoup d'inquiétude et de consternation ce qu'il s'écrit sur les exercices militaires qui sont menés régulièrement, comme celui qui a eu lieu cette fin de semaine dans le Sud de l'île. Je me demande si vous jugez que le délai de 10 ans est réaliste ou si l'invasion pourrait survenir plus tôt.
    Je ne peux émettre de supposition. Je pense que cela surviendra plus tôt qu'on le pensait initialement. Selon le conventionnalisme qui régnait il n'y a pas si longtemps, le temps était du côté de Taïwan. Si cette dernière pouvait rester sur sa trajectoire démocratique et si la Chine continuait de moderniser son économie, ce serait bénéfique pour les deux parties en présence.
    Cependant, il semble de plus en plus que le temps n'est pas du côté de Taïwan. Je ne peux donc pas me prononcer sur le nombre d'années. Je pense que tous les analystes examinent les divers genres de scénarios et d'invasion qui ont été évoqués, les difficultés que présente une invasion par la côte et d'autres facteurs, mais je ne suis pas en mesure de donner une date, sauf pour dire que du point de vue politique, il me semble que le délai soit beaucoup plus court qu'avant.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, professeur Wong.
    Je vous remercie, madame Bendayan. Votre temps de parole est écoulé.
    Chers collègues, permettez-moi de remercier les témoins experts d'avoir comparu devant le Comité cet après-midi.
    Professeurs Laliberté et Wong, nous vous remercions de vos témoignages et de nous avoir fait part de votre expertise.

[Traduction]

    Nous vous remercions beaucoup d'avoir témoigné. Nous vous laissons maintenant vous déconnecter.
    Chers collègues, il y a une main levée. Quelqu'un invoque le Règlement.
    Vous pouvez intervenir brièvement, madame Sudds.
    Je vous remercie.
    Je fais un bref appel au Règlement pour apporter un correctif au compte rendu. Lorsque je posais des questions, j'ai, dans l'émotion, fait référence à deux pays, alors que j'aurais dû parler de deux sociétés. Serait‑il possible de corriger le compte rendu? Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup de cet éclaircissement, madame Sudds.
    Chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre travail. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU