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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 novembre 2022

[Énregistrement électronique]

(1555)

[Traduction]

    Bienvenue à la réunion no 43 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile.
    Je confirme que tous les témoins ont effectué les tests techniques exigés en prévision de la réunion.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue au premier groupe de témoins.
    Nous avons M. Frantz André, porte-parole et coordonnateur du Comité d'action des personnes sans statut.
    Nous accueillons également des représentants du Centre de réfugiés: le directeur général, M. Abdulla Daoud, et le chef du département juridique et avocat spécialiste des réfugiés, M. Pierre-Luc Bouchard.
    Le troisième témoin est Mme Eva-Gazelle Rududura, vice-présidente de l'organisme Unis pour une intégration consciente au Canada.
    Au nom de tous les membres du Comité, bienvenue à tous. Vous avez cinq minutes chacun pour votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite à la première série de questions.
    Nous allons commencer avec M. André.
    Vous avez cinq minutes pour prononcer votre déclaration liminaire. La parole est à vous.

[Français]

    C'est pour moi un privilège d'avoir l'occasion de parler de la situation de crise que vivent les migrants en général lorsqu'ils arrivent au Canada. Je vais prendre à titre d'exemple la situation des migrants haïtiens, tout particulièrement, mais sachez qu'il y a des similitudes avec ce que vivent d'autres migrants de différentes origines. Il faut tout de même préciser qu'actuellement, une grande majorité des migrants qui arrivent à la frontière par le chemin Roxham sont d'origine haïtienne, comme ce fut le cas en 2017.
     Leur arrivée par le chemin Roxham est qualifiée d'« irrégulière ». Ce que nous devons décrire comme non seulement irrégulier, mais également dramatique, c'est le fait que ces migrants haïtiens ont eu à traverser de nombreux pays, en passant par des forêts ou par des zones dans lesquelles ils étaient pris pour cibles par des bandits, lorsque ce n'était pas par des animaux sauvages. Pour ce qui est des femmes migrantes en particulier, plusieurs ont subi des violences sexuelles en route.
    Vous comprendrez que de tels parcours migratoires laissent des séquelles et des traumatismes. Les migrants passent bien sûr par les États‑Unis avant d'arriver au Canada, mais ils décident bien souvent de ne pas y rester en raison des mauvais traitements et du racisme qu'ils subissent dans ce pays. On se rappellera les images choquantes qui ont circulé l'an dernier dans l'actualité nous montrant des agents frontaliers américains à cheval, pourchassant des migrants vers une rivière avec un lasso en main, comme s'il s'agissait d'une chasse aux esclaves.
    Outre ces images, il y a aussi les faits qui sont choquants: les États‑Unis ont déporté plus de 28 000 Haïtiens sans leur donner la possibilité de faire entendre leur demande d'asile. Dans un tel contexte, les migrants haïtiens, tout comme les migrants d'autres origines, préfèrent venir faire une demande d'asile au Canada. Cependant, l'Entente sur les tiers pays sûrs exige que leur demande soit faite aux États‑Unis. Voilà, en bref, ce qui explique pourquoi les migrants en viennent à entrer au Canada de façon irrégulière.
    En ce qui concerne l'accueil des migrants, il y a une inconstance dans le traitement des dossiers, occasionnée par un manque de ressources. Les autres défis concernent l'hébergement des migrants. Dans plusieurs cas, il y a encore des situations de quarantaine qui retardent le dépôt des documents. Dans d'autres cas, des migrants qui étaient hébergés au Québec se sont fait donner un préavis court pour se trouver un logement par leurs propres moyens, sinon accepter de se faire déplacer en autobus de leur site d'hébergement au Québec vers un centre d'hébergement en Ontario. J'ai entendu des témoignages selon lesquels plusieurs d'entre eux n'avaient pas compris qu'on les emmenait dans une autre province.
     En ce qui concerne le document de demande d'asile, qualifié de « papier brun » et qui permet d'obtenir un permis de travail, celui-ci nécessite que d'autres documents préliminaires soient remplis et envoyés électroniquement pour analyse de la demande. Cependant, n'ayant pas les capacités techniques ou la capacité d'écrire dans l'une des deux langues officielles, plusieurs migrants envoient des documents tardivement, de sorte qu'il y a une longue période d'attente avant l'obtention du permis de travail. Ainsi, ils n'ont d'autre choix que de continuer à recevoir l'aide de dernier recours, qui est insuffisante pour répondre à leurs besoins de base et qui les maintient dans une situation de précarité.
    Plusieurs font le choix de travailler au noir et sont alors à la merci d'agences de placement qui ne respectent pas les normes du travail ou d'employeurs qui les exposent à des conditions de travail abusives. Un défi majeur concerne la difficulté à se trouver un avocat en immigration, que ce soit par l'entremise de l'aide juridique ou au privé. Parallèlement à cela, le portail du gouvernement, qui devrait permettre de trouver de l'information ou d'envoyer des documents, est très difficile à utiliser.
    Il y aurait encore beaucoup à dire, mais cinq minutes ne suffisent pas pour vous parler de la détresse que vivent les demandeurs d'asile qui ont fait le choix de venir vivre au Canada avec l'espoir qu'ils et elles pourront travailler et s'intégrer dans une société de droit, accueillante et sécuritaire.
    Depuis quelques mois, il est question d'Haïti dans l'actualité en raison de la situation d'insécurité et de la crise humanitaire qui s'est aggravée dernièrement dans ce pays, qui est mon pays d'origine. Ce qui n'est pas expliqué dans les médias, c'est le lien entre la politique étrangère du Canada en Haïti et la fuite des migrants haïtiens vers le Canada. Le Canada doit avoir une politique étrangère qui ne contribue pas à aggraver les conflits qui existent à l'étranger. Le Canada a surtout le devoir d'accueillir les migrants dans la dignité et le respect à la hauteur de leurs espoirs.
    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole à ce sujet.
(1600)

[Traduction]

     Merci.
    Nous allons passer à M. Daoud, qui représente le Centre de réfugiés.
    Monsieur Daoud, vous avez cinq minutes pour prononcer votre déclaration liminaire.
    La parole est à vous.
     Merci. Je suis accompagné de M. Pierre-Luc Bouchard.
    Madame la présidente, messieurs les vice-présidents et membres du Comité, merci de m'avoir donné l'occasion de soumettre un mémoire et de comparaître aujourd'hui au nom du Centre de réfugiés.
    Je suis venu ici accompagné du chef de notre clinique juridique, Me Pierre-Luc Bouchard, pour parler de problèmes urgents liés au processus de demande d'asile au Canada qui, selon nous, doivent être portés à l'attention du Comité et de l'ensemble des décideurs.
    En règle générale, les personnes qui font une demande d'asile au Canada, que ce soit une demande présentée à un bureau intérieur, une demande présentée à la frontière ou une demande irrégulière, reçoivent le document du demandeur d'asile, appelé communément « papier brun ». Une fois munis de ce document, les demandeurs disposent de 45 jours pour soumettre les formulaires et lancer leur demande d'asile. Le papier brun leur confère certains droits au pays, notamment l'accès au Programme fédéral de santé intérimaire et la possibilité de faire une demande pour obtenir le permis de travail pour les demandeurs d'asile au Canada.
    Le Comité sait déjà que le temps d'attente pour obtenir une audience devant la Commission d'immigration et du statut de réfugié, ou CISR, peut aller jusqu'à deux ans. Le papier brun est le seul document canadien d'identité avec photo remis aux demandeurs. Ceux-ci doivent être en possession de ce document pour pouvoir rester au Canada jusqu'à la tenue de leur audience.
    Au début de janvier 2022, Me Pierre-Luc Bouchard et moi-même avons vu circuler deux nouveaux documents, l'un ou l'autre remis selon le point d'entrée aux demandeurs d'asile qui n'ont pas pu obtenir tout de suite leur papier brun. Intitulés « Accusé de réception de la demande d'asile » et « Entrée avec examen ultérieur », les deux documents sont des instruments bureaucratiques conçus pour retarder la remise du papier brun et priver par le fait même le demandeur d'asile de certains droits octroyés par ce document.
    Initialement, les deux documents en question s'accompagnaient d'un rendez-vous fixé dans les trois à six semaines suivant la date d'entrée. C'est à ce rendez-vous que les demandeurs d'asile obtenaient leur papier brun et pouvaient ainsi commencer leur demande d'asile au Canada. Mais depuis, les délais se sont allongés, si bien que les demandeurs doivent attendre aujourd'hui de 12 à 24 mois. En outre, la date des rendez-vous est déterminée sans rigueur apparente. Par exemple, à la clinique juridique, nous avons vu un rendez-vous fixé un dimanche, 16 mois après la date d'entrée. Inutile de mentionner que les bureaux de la CISR sont fermés le dimanche. Cette pratique commence elle aussi à devenir la norme. Selon nos statistiques internes, du 1er septembre à aujourd'hui, plus de 90 % des 312 demandeurs d'asile avec qui nous avons travaillé ont reçu un accusé de réception assorti d'un rendez-vous pour l'obtention du papier brun.
    En tenant compte du temps d'attente pour les audiences devant la CISR, auquel s'ajoutent désormais des délais créés par l'Agence canadienne des services frontaliers et par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, nous avons calculé que les demandeurs d'asile devaient patienter de deux à quatre ans avant d'avoir la possibilité de plaider leur cause afin de rester au Canada en sécurité. La plupart de ces personnes n'ont pas de document d'identité canadien avec photo. Ils ne peuvent pas non plus travailler, puisque les permis de travail sont traités séparément dans un délai supplémentaire de six à huit mois en raison d'une politique adoptée récemment.
    Si la lourdeur bureaucratique continue de s'accroître, les effets socioéconomiques sur la population de demandeurs d'asile seront dévastateurs. Cette tactique de l'accumulation de délais contraint les demandeurs d'asile à se tourner vers l'aide sociale, privés qu'ils sont de la possibilité de travailler. Ils ne peuvent pas assurer leur subsistance, et ce, au détriment de l'ensemble de l'économie canadienne.
    Qui plus est, comme ils n'ont pas de document d'identité canadien avec photo, les demandeurs d'asile à la recherche d'un logement n'ont pratiquement aucun droit. Les propriétaires d'immeubles prêts à traiter avec eux leur louent des logements vétustes moyennant des versements en argent comptant seulement. L'accès aux soins de santé est extrêmement difficile. Comme la majorité des cliniques qui acceptent le Programme fédéral de santé intérimaire ne connaissent pas l'accusé de réception de la demande d'asile, elles refusent un grand nombre de nos clients.
    Ces vaines tracasseries administratives poussent nos clients dans un cycle de pauvreté systémique.
    Malgré les idées reçues, le Canada a les moyens et les capacités de fournir à ses futurs citoyens des conditions de départ plus favorables et plus stables dans leur terre d'accueil. La réponse louable du Canada aux récentes crises mondiales prouve qu'il peut prendre en charge les personnes vulnérables. Le gouvernement a fourni des documents à des personnes vulnérables et a procédé avec fluidité et célérité lors des crises en Syrie et en Afghanistan, et plus récemment, pour les Ukrainiens.
    De surcroît, avant la COVID‑19 et avant la réouverture des frontières, les papiers bruns étaient produits avec un nombre d'employés et de ressources moindres. Aujourd'hui, le nombre de demandes est similaire ou inférieur à ce qu'il était et le financement et le nombre d'employés ont augmenté. Il est impossible de voir une logique dans tout cela.
    Je vous cède la parole, monsieur Bouchard.
(1605)

[Français]

     Je poursuis sur le sujet dont mon collègue vous a entretenu. Sur la base de nos conclusions et des résultats dont nous sommes les témoins directs, nous recommandons fortement au Comité une liste de suggestions que vous retrouverez dans le mémoire que nous vous avons soumis.
    Deux recommandations principales sont les plus urgentes pour nous.
    La première est de normaliser l'émission du document du demandeur d'asile, soit le « papier brun ». À l'arrivée des demandeurs d'asile, il faudrait leur remettre un permis de travail ouvert ou, à tout le moins, une pièce d'identité fédérale temporaire leur permettant de demander un permis de travail ou leur garantissant des droits supplémentaires, étant donné que l'obtention du document du demandeur d'asile prend beaucoup de temps.
    La deuxième recommandation que nous jugeons importante et urgente est de prolonger la période de validité des documents.

[Traduction]

     Votre temps est écoulé. Vous pourrez faire part de vos recommandations pendant la période de questions.
    Nous passons maintenant à Mme Rududura.
    Vous avez cinq minutes. La parole est à vous.

[Français]

     Chers membres du comité parlementaire et chers invités, bonjour.
    Je m'appelle Eva‑Gazelle Rududura, et je suis vice-présidente d'Unis pour une intégration consciente au Canada, UNICC, une organisation à but non lucratif qui a pour objectif de promouvoir l'intégration socioprofessionnelle harmonieuse des nouveaux arrivants de la diaspora burundaise et de leur permettre de contribuer au développement socioculturel de leur nouveau pays, le Canada.
    Dans le cadre de l'invitation que l'organisation a reçue pour témoigner des conditions auxquelles font face les demandeurs d'asile de la communauté burundaise qui empruntent le chemin Roxham, un travail de collecte d'information a été effectué afin de recueillir leurs témoignages. En plus des informations que nous recevons régulièrement des membres de la communauté que nous accueillons et aidons à s'intégrer, nous avons discuté individuellement avec plus d'une dizaine de personnes qui sont passées par le chemin Roxham. Ayant reçu l'assurance que leur anonymat serait maintenu, elles se sont exprimées à cœur ouvert. Nous vous livrons ici un condensé de leurs témoignages.
    Tous les témoignages obtenus au sujet de l'entrée au Canada par le chemin Roxham ont fait état d'un accueil chaleureux, humain et très respectueux de la part des agents des services frontaliers et des policiers. En général, les personnes qui se sont exprimées ont indiqué avoir bénéficié d'une bonne orientation relativement au déroulement des formalités administratives ainsi qu'une aide à la navigation pour obtenir les services de soutien dont elles avaient besoin.
    Une femme qui est passée par le chemin Roxham alors qu'elle était enceinte nous a dit que, à son arrivée, elle a reçu des salutations en français et qu'elle s'est sentie rassurée, non seulement par la langue, mais aussi par la chaleur humaine des agents canadiens. Après l'avoir aidée dans ses démarches administratives, ils lui ont montré un endroit où elle pouvait acheter quelque chose à manger et l'ont guidé vers la station où elle a pu prendre l'autobus pour se rendre au YMCA du centre-ville de Montréal, où elle a passé la nuit. Au YMCA, elle a fait la rencontre d'une autre femme qui l'a orientée vers le bureau de l'immigration, afin qu'elle puisse signaler qu'elle préférait rejoindre son oncle qui résidait à Ottawa. Son dossier a alors été transféré à Ottawa, où elle réside aujourd'hui avec son mari et ses deux fils. Cette femme est l'épouse de l'actuel président de l'UNICC, M. Corneille Nibaruta, qui l'a rejointe quelques années plus tard. Aujourd'hui, tous les deux travaillent à la Gendarmerie royale du Canada.
    Lors de nos entretiens, qui sont assez similaires sur le plan de la positivité, nous avons également recueilli le témoignage d'un jeune homme qui est arrivé il y a quelques mois par le chemin Roxham et qui ne connaissait personne au Canada. Il nous a confié que tout ce qu'il savait de ce pays, c'est qu'il pouvait y bâtir une vie qui valait la peine d'être vécue. Aujourd'hui, il a réussi à trouver un logement en colocation et attend avec impatience un permis de travail pour pouvoir intégrer la vie active.
    Cet engouement pour la vie active est une marque de fabrique de la communauté burundaise vivant au Canada. Cette communauté est majoritairement composée de personnes qui ont d'abord bénéficié du statut de personne protégée. Aujourd'hui, elles se sont intégrées à la société et sont devenues des résidents permanents ou des citoyens canadiens qui contribuent à la richesse du Canada. D'ailleurs, elles en sont fières.
    Parmi les membres de la communauté burundaise du Canada se trouvent des fonctionnaires des gouvernements fédéral et provinciaux, des travailleurs de la santé qui sauvent des vies et contribuent à assurer la vitalité des systèmes de santé canadiens d'un océan à l'autre, des entrepreneurs à succès qui créent des emplois et participent au renforcement de l'économie canadienne, ou encore des ingénieurs chevronnés comme cette dame canado-burundaise qui travaille sur des projets comme le bras spatial canadien ou l'arrivée de l'Internet au pôle Nord.
    Une autre caractéristique non négligeable de la communauté burundaise est sa contribution considérable à la francophonie canadienne, comme le démontrent les chiffres suivants: entre 2016 et 2020, 5 % de la population immigrante francophone au Canada hors Québec était originaire du Burundi. Entre 2006 et 2016, le Burundi occupait la deuxième place après la France dans le classement des pays d’origine des nouveaux arrivants francophones en Ontario.
    Finalement, les demandeurs d'asile d'aujourd’hui sont aussi les potentiels résidents et citoyens canadiens de demain, sur qui le Canada peut compter. En donnant à des milliers de demandeurs d'asile un souffle nouveau, le Canada reçoit en retour tout ce que ceux-ci ont à offrir de plus beau, que ce soit leur savoir, leurs compétences, leur force de travail ou, dans bien des cas, leur jeunesse.
    Vous trouverez, en annexe de mon allocution, un article que le président de l’UNICC, M. Corneille Nibaruta, a écrit en célébration de cette terre d'accueil qu'est le Canada. Cet article a été publié dans le journal Le Droit le 28 juin 2019 et s'intitule « La reconnaissance d’un citoyen envers le Canada ». L'histoire de M. Nibaruta, qui est aujourd'hui un citoyen canadien fier et engagé, ressemble à beaucoup d'autres que nous retrouvons au sein de notre communauté. C'est une histoire qui, comme tant d'autres, a vu le jour grâce à une entrée par le chemin Roxham et qui continue aujourd’hui avec la reconnaissance d'un citoyen fier et engagé.
    Je vous remercie.
(1610)

[Traduction]

     Merci.
    Passons maintenant à la période de questions. Nous allons commencer avec Mme Rempel Garner.
    Vous disposez de six minutes pour votre première série de questions. Vous pouvez commencer.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais commencer avec M. André.
    Si je ne m'abuse, les États-Unis ont prolongé ce mois‑ci le statut de protection temporaire pour les ressortissants haïtiens qui font des demandes d'asile. Est‑ce exact?

[Français]

     Oui, c'est exact.
    Depuis maintenant quelques semaines, ce programme a été prolongé. Par contre, il y a toujours beaucoup d'incertitude et d'angoisse entourant la possibilité qu'il soit suspendu et à quel moment. Sous l'administration Trump, ce programme avait été suspendu, puis rétabli.

[Traduction]

    Je vais essayer de formuler des questions fermées, car j'en ai beaucoup à poser en un court laps de temps.
    La durée du statut de protection temporaire a été prolongée pour les ressortissants haïtiens. Selon vous, la capacité du cadre législatif américain à évaluer les problèmes chroniques ou émergents dans les pays apporte‑t‑elle la souplesse nécessaire pour prolonger la durée de la protection accordée aux demandeurs d'asile?
(1615)

[Français]

    Non.

[Traduction]

    D'accord.
    Vous avez dit dans votre témoignage que les ressortissants haïtiens préféraient remplir leurs demandes au Canada plutôt qu'aux États-Unis. Comme ce pays a prolongé la durée du statut de protection temporaire pour les ressortissants haïtiens, y a‑t‑il une autre raison pour laquelle les demandeurs d'asile choisissent le Canada?

[Français]

    Dans beaucoup de cas, quand les gens se sont rendus à leur audience pour être évalués, bon nombre d'entre eux ont été détenus et déportés. Des actions aléatoires sont menées et il y a cette incertitude et la rumeur de déportation qui circule, ce qui motive les gens à venir ici.

[Traduction]

    Merci pour votre réponse, et merci d'avoir été bref.
    Avez-vous des preuves du caractère arbitraire du processus dont vous venez de parler?

[Français]

    Je peux certainement vous fournir des éléments de preuve.
    Plusieurs personnes avec lesquelles j'ai été en contact ont été à leur audience aux États-Unis, d'où elles ont été détenues et déportées. Il y a également des gens qui sont venus ici et qui sont retournés aux États-Unis, où ils ont été repris par les autorités et déportés également.

[Traduction]

    Est‑ce que leur demande de statut de réfugié était en attente ou est‑ce qu'ils n'étaient passés par aucun processus?

[Français]

    Voulez-vous dire ici, au Canada?

[Traduction]

    Je parle des États-Unis, principalement.

[Français]

    Dans la plupart des cas, les gens ne font pas de demande d'asile. Ils sont convoqués à une audience. À cause de ce qui s'est passé l'année dernière, où plus de 28 000  personnes ont été déportées, les gens ont cette crainte d'être détenus et déportés, ce qui les amène à quitter les États-Unis.

[Traduction]

    Croyez-vous qu'il y a une différence entre la perception de la peur et une décision qui a été rendue dans le cadre d'un processus d'audience?

[Français]

    Je crois que la peur pousse beaucoup de gens à quitter leur pays, ce qu'ils ne choisiraient pas de faire s'il n'y avait pas de conflit.
    Les États-Unis ne démontrent pas qu'ils sont un pays sûr puisqu'une sélection de gens sont plus favorisés que d'autres. Dans ma communauté et d'autres, comme la communauté nigérienne principalement, j'ai pu observer qu'un grand nombre de personnes arrivent ici. Il semble même que le Canada, durant la période où il n'accordait pas de moratoire pour les Haïtiens, déportait davantage de gens ces deux groupes, les Haïtiens et les Nigériens.

[Traduction]

    Dans le but de réduire l'effet d'attraction vers un pays plutôt qu'un autre, on pourrait recommander au gouvernement de resserrer ses processus d'examen afin de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination dans le cadre d'une demande d'asile et à ce que personne ne soit assujetti à des mesures arbitraires ou subjectives.
    Êtes-vous d'accord?

[Français]

    Je suis d'accord qu'il faudrait réévaluer l'Entente sur les tiers pays sûrs, qui cause justement les problèmes que nous avons ici. Je pense aussi qu'il faut un peu réviser le pouvoir discrétionnaire que les agents des services frontaliers ont de renvoyer certaines personnes.

[Traduction]

    À ce sujet, pour le temps qu'il me reste, j'aimerais obtenir des précisions, parce que j'ai entendu des témoignages contradictoires. Vous venez de dire qu'à votre avis, les États-Unis étaient un pays sécuritaire, mais que l'Entente sur les tiers pays sûrs ne devrait pas s'appliquer. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous vouliez dire? Il y a peut-être eu un glissement dans l'interprétation de vos propos.

[Français]

     En aucun moment n'ai-je dit ou suggéré que les États‑Unis étaient un pays sûr. Au contraire, ils ne le sont pas et c'est la raison pour laquelle les gens viennent ici. C'est l'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États‑Unis qui est discriminatoire.

[Traduction]

    Croyez-vous que pour quantifier la discrimination...? Je siège au Comité depuis plus de sept ans maintenant. Croyez-vous qu'il faudrait trouver de meilleures façons de quantifier la discrimination de sorte qu'elle ne représente pas un argument subjectif fondé sur la personne qui est au pouvoir au Canada ou aux États-Unis?

[Français]

    Je crois qu'actuellement un des problèmes est que les gens sont mal préparés. Comme les dossiers sont très mal montés, quand les gens arrivent à l'audience, il y a un plus grand nombre de membres de certaines communautés qui sont refusés et déportés. Alors, je crois que la discrimination n'est pas quelque chose que le Canada soutient.
    Par contre, sur le plan du discours, notamment au plan provincial, nous devons constater qu'il y a des abus. Il y a une province en particulier qui discrimine et qui, à mon avis, est complètement condescendante.
(1620)

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre. Vous n'avez plus de temps, madame Rempel Garner.
    Nous allons maintenant entendre Mme Kayabaga.
    Madame Kayabaga, vous disposez de six minutes. Allez‑y.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais tout d'abord remercier nos invités d'être ici aujourd'hui et d'avoir cette discussion sur ce sujet qui est très important.
    Monsieur André, je veux vous dire que nous comprenons bien que la discrimination n'est pas quelque chose qui peut être quantifié dans des recherches. Il faut vraiment vivre la discrimination pour comprendre ce que c'est et ce qu'elle fait aux gens.
    Madame Rududura, je veux vous remercier de votre beau témoignage. Vous avez bien parlé de la communauté burundaise canadienne, dont je fais moi-même partie, et vous avez grandement mentionné comment les Burundais contribuent à ce pays.
    Pourquoi pensez-vous que les gens de la communauté burundaise, ou d'autres personnes, choisissent de passer par le chemin Roxham au lieu des frontières qui sont déjà là? Croyez-vous que le danger auquel ils font face les pousse à passer par le chemin Roxham, risquant ainsi beaucoup de choses pour pouvoir être au Canada?
    Que pensez-vous du fait que le chemin Roxham est directement lié aux États‑Unis? Est-ce que les Burundais trouvent que les États‑Unis sont un pays sûr pour eux? Pourquoi ne restent-ils pas aux États‑Unis?
    Merci de vos questions, madame Kayabaga.
    Selon les discussions que nous avons eues avec les personnes de la communauté, j'ai cru comprendre que les personnes passant par le chemin Roxham ont parfois peur de ne pas pouvoir être acceptées parce qu'elles n'ont pas d'attache ni de famille directe dans le pays. En même temps, il y a aussi ce besoin de se retrouver dans un endroit où on se reconnaît un peu.
    Au Burundi, nous sommes francophones pour la plupart. Je sais que lorsque je suis venue au Canada, d'entendre parler le français m'a rassurée. Il était déjà assez pénible d'être loin de chez moi, alors de pouvoir me retrouver dans un endroit où je pouvais me reconnaître était aussi important. Après, chacun a une histoire particulière. Il y a des personnes qui poursuivent ce rêve de se trouver au Canada.
    Quand on quitte son chez-soi, autant pouvoir être dans un endroit où on peut enfin être tranquille. Il y a aussi cette impression qu'aux États‑Unis, ce ne sera pas le même climat d'accueil. Par conséquent, lorsqu'on voit un endroit pas très loin où on peut se reconnaître, on y va.
    Pour vous, donc, les Burundais cherchent à venir au Canada parce que c'est un pays où l'on parle leur langue.
    Pensez-vous que fermer le chemin Roxham serait valable? Avez-vous d'autres suggestions pour le gouvernement pour gérer ce chemin?
    Les gens partent, pas parce qu'il y a nécessairement un chemin, mais parce qu'ils fuient quelque chose. Que le chemin soit fermé ou non, les gens vont trouver un moyen de partir quand même. Ce n'est pas parce qu'on est attiré par une lumière au loin qu'on y va. Ce serait trop simple.
    Parmi tous les témoignages que j'ai reçus, je n'ai eu aucune plainte de gens qui ont souffert d'avoir utilisé ce chemin. Cela m'a surprise. Tout le monde était reconnaissant de l'accueil canadien. Je n'ai rien à rapporter de douloureux de la part des personnes auxquelles j'ai parlé.
    Tout ce que je pourrais suggérer serait de renforcer les capacités d'accueil dans les endroits où les gens vont passer de toute manière, cela pour éviter des problèmes humanitaires.
     Selon vous, donc, les gens vont emprunter ce chemin de toute façon s'ils fuient quelque chose. Il est donc important d'avoir des mesures en place pour donner un sentiment de sécurité aux gens qui fuient quelque chose. Ils n'utilisent pas ce chemin tellement risqué pour rien, ils le font parce qu'ils sont dans une situation très difficile.
    C'est mon opinion. Selon les témoignages que j'ai entendus, c'est ce que les gens ont vécu qui les a amenés à ce périple et à emprunter ce chemin, et pas le fait qu'il existe un tel chemin. Quand on fuit quelque chose, on trouve un moyen. On en a la preuve, quand on voit tous ces gens qui se noient dans la Méditerranée: ce n'est pas qu'ils voulaient se noyer, ils voulaient simplement survivre.
(1625)
    Merci, madame Rududura.
    Monsieur André, vous avez dit que beaucoup d'Haïtiens empruntaient eux aussi le chemin Roxham. Tout à l'heure, on a parlé des ententes du Canada avec les États‑Unis afin de rendre la vie plus facile aux gens qui fuient quelque chose.
    Qu'est-ce que le Canada pourrait faire pour assurer la sécurité de ces gens?
    Les demandeurs d'asile sont très reconnaissants. À la frontière, je n'ai pas vraiment entendu de témoignages négatifs, sinon quelques-uns.
    Comme l'a suggéré un de nos collègues ici, on pourrait donner aux migrants leur « papier brun » ou permis de travail dès leur passage à la frontière, incluant un numéro d'assurance sociale. Déjà, cela les rassurerait quant à la possibilité pour eux d'apporter leur contribution.
    Ils sont des citoyens à part entière aussitôt qu'ils passent la frontière et on doit leur donner dès ce moment la possibilité de travailler. Après tout, il y a une pénurie de main-d'œuvre au Canada. Cela les réconforterait, plutôt que de lire des commentaires sur WhatsApp — l'application qu'ils utilisent — où des gens disent attendre leurs papiers depuis sept ou huit mois et recevoir encore des prestations d'aide sociale.
    Merci.

[Traduction]

    Votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe.
    Vous disposez de six minutes. Allez‑y.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous nos témoins de comparaître aujourd'hui dans le cadre de cette étude importante, qui a d'ailleurs été proposée par le Bloc québécois. Nous en sommes très fiers, car cette étude cible précisément l'aspect humanitaire de l'entrée par le chemin Roxham. C'est sur cet aspect que nous voulons insister dans notre rapport et c'était aussi dans le libellé de la motion.
    Monsieur André, on a entendu parler de réseaux de passeurs criminels qui sont aux États‑Unis et qui soutirent de l'argent à des migrants. Avez-vous entendu de pareilles histoires? Le cas échéant, pouvez-vous nous donner plus de détails?
    J'ai eu l'occasion d'aller sur place, en Floride, avec l'équipe de l'émission Enquête. Effectivement, nous avons constaté que certaines personnes profitent de la situation et qu'il est question de montants tout de même importants. Bien avant d'arriver aux États‑Unis, des gens auront déjà dépensé des montants incroyables — 8 000 $, 10 000 $, voire 12 000 $. Une dame qui a été refoulée trois fois vers le Chili avait même déboursé 37 000 $.
     Leur rêve d'arriver dans un pays accueillant comme le Canada est si grand que ces gens sont prêts à tout donner, même leur vie; on le sent. Des passeurs profitent de la vulnérabilité de ces gens, mais le rêve de ces derniers est si grand qu'ils sont prêts à tout. Si ce ne sont pas les gens que nous avons rencontrés, ce seront d'autres gens qui débourseront des montants encore plus importants.
    Je ne dis pas de nepas criminaliser les activités des passeurs. Néanmoins, le choix est simple: accueillons les gens ici avec respect et dignité. Nous montrerons ainsi que le Canada est beaucoup plus grand que ce pays du Sud qui renvoie les gens en toute discrimination.
    Vous parlez d'accueillir les gens dignement. En répondant à des questions et dans votre allocution, vous avez dit que le Canada pouvait, de façon unilatérale et sans demander la permission à personne, suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs. Cet outil est à sa disposition. Ainsi, le Canada pourrait accueillir des migrants à tous les postes frontaliers canadiens réguliers plutôt que de les voir entrer irrégulièrement au pays par un chemin dans le bois.
    Pouvez-vous nous parler un peu plus de la suspension de cette entente? Vous n'êtes pas le seul à la réclamer. Je sais que plusieurs associations de défense des migrants ou d'associations d'avocats en immigration la réclament aussi.
     Je vous remercie de cette question.
    Les États‑Unis utilisent justement l'Entente sur les tiers pays sûrs pour nous envoyer des gens qu'ils devraient accueillir avec respect. Il leur est plus facile de démontrer une attitude très austère, ce qui amène des gens à ne pas forcément entrer par des postes frontaliers réguliers.
    Par exemple, une dame est arrivée au Canada avec son mari et leurs enfants la semaine dernière. Plutôt que de devoir attendre des mois pour un permis de travail, ils ont décidé de passer par le bois. [Difficultés techniques] pour se faire prendre par les autorités américaines.
    Quand je parle de dignité, ce sont des situations comme celle-là auxquelles je pense. Il faut que le Canada démontre qu'il agit beaucoup plus correctement que cela et qu'il ouvre ses frontières régulières en éliminant l'Entente sur les tiers pays sûrs.
(1630)
     Cet échange est trop intéressant, monsieur André.
    Ma question va peut-être vous prendre de court. Je ne sais pas si vous avez lu les articles publiés en fin de semaine, notamment dans La Presse, où il était question des organismes communautaires qui n'arrivent plus à fournir les services essentiels aux migrants qui viennent d'un peu partout sur la planète et qui demandent de l'aide.
     Il s'agit surtout d'organismes communautaires qui se trouvent à Montréal. N'est-ce pas parce que tous les migrants arrivent par le même chemin? Les organismes communautaires qui doivent les aider sont au même endroit et n'arrivent pas à fournir de l'aide à un nombre aussi élevé de personnes. Est-ce exact?
    Oui, totalement. Il ne faut pas seulement parler des organismes. Même le système d'accueil à la frontière, tant le Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile que le ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, ont atteint un point de rupture. À mon avis, même s'il y avait 36 heures dans une journée, ce ne serait pas suffisant pour accueillir les gens et leur donner l'information adéquate.
    À l'heure actuelle, les systèmes sont vraiment dysfonctionnels. Tout le monde n'a pas la même information. Pour ma part, quand je reçois ces personnes, je dois recommencer à zéro les explications sur les documents à remplir et la façon dont il faut le faire. Cela crée énormément de pression sur les organismes. Présentement, il y a même de la mendicité: les gens viennent chercher de la nourriture tous les jours.
    Merci, monsieur André.
    Il ne me reste que 30 secondes.
    Monsieur Bouchard, vos recommandations incluent-elles la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs?
     Nous ne l'avons pas recommandée, mais nous appuierions sans problème cette idée. Comme l'a dit M. André, les gens ont peur des autorités américaines.
     Pour ma part, j'ai rencontré tout juste ce matin une personne de la communauté LGBTQ+ qui provenait de la Sierra Leone. Comme le font probablement plusieurs migrants, cette personne est descendue jusqu'en Équateur, car c'était le seul endroit où elle pouvait aller, et est remontée ensuite jusqu'au Canada.
     En arrivant aux États‑Unis, cette personne a été détenue pendant des mois. Pour qu'elle soit libérée, un organisme communautaire de la Floride, le LGBTQ Freedom Fund, a dû fournir 5 000 $ pour payer sa caution. Une fois cette personne libérée, on lui a fixé un bracelet électronique à la cheville. Quand ses chaînes lui ont été retirées, elle s'est présentée au Canada en empruntant le chemin Roxham, et le processus de demande d'asile a alors commencé.
     Il y a plusieurs cas de ce genre, et je vous épargne les détails sur la façon dont vivent les familles...

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre. Vous n'avez plus de temps.

[Français]

    À l'intention des analystes, je confirme que M. Bouchard a dit oui, qu'il appuie l'idée de suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs.

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Kwan.
    Madame Kwan, vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.
    Je demanderais aux représentants du Centre de réfugiés de nous faire part de leurs recommandations, afin qu'elles soient consignées au compte rendu. Ensuite, j'aimerais poser une question précise.

[Français]

    La dernière recommandation, que nous n'avons pas eu le temps de finir d'expliquer, concerne la prolongation de la période de validité du document du demandeur d'asile.
    Nous, les témoins, essayons de vous convaincre qu'il y a beaucoup de formalités administratives. Or, comme l'a dit M. André, il s'agit ici de personnes qui ont beaucoup de difficulté avec l'ordinateur et tout le reste.
     Nous recommandons donc de faire passer la période de validité du document du demandeur d'asile de deux ans, sa durée actuelle, à quatre ans.

[Traduction]

    Merci.
    J'aimerais poser une question très précise à tous les témoins. Étant donné la situation que nous connaissons et le danger que courent les demandeurs d'asile, est‑ce que le gouvernement canadien devrait, à tout le moins, suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Est‑ce que je pourrais entendre la réponse de tous les témoins? J'aimerais une réponse claire et peut-être quelques explications.
    Je commencerais avec M. Daoud.
    Oui, le gouvernement devrait suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    En gros, on force les demandeurs d'asile à se rendre en terrain très dangereux. Nous avons déjà établi qu'il s'agit de demandes légitimes et que ce qu'ils doivent subir est déplorable. Pour réglementer la question et veiller à ce que le gouvernement et les organisations communautaires puissent servir ces gens correctement, il faut suspendre l'Entente.
(1635)
    Monsieur Bouchard, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Non, je crois qu'il a bien résumé la situation.

[Français]

     Excusez-moi.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Je vais passer à Mme Rududura.

[Français]

    Compte tenu de ce que notre communauté nous rapporte, il faut s'assurer d'accueillir dignement les personnes qui vivent ces péripéties. C'est ce que nous suggérons. Je ne pense pas que cette entente ait quelque chose à voir avec ce que les gens endurent. Je pense que le Canada peut seulement contrôler la manière dont il va permettre aux gens de retrouver une vie normale et de contribuer à la société. Sinon, pour le reste, je pense que les gens passent par toutes sortes de situations avant même d'emprunter ce chemin. Par conséquent, nous n'avons pas de recommandation à cet effet.

[Traduction]

    Si le gouvernement canadien suspendait l'Entente sur les tiers pays sûrs, par exemple, les gens ne devraient pas s'en remettre aux entrées irrégulières. En fait, ils pourraient se rendre aux ports d'entrée officiels sans crainte. À l'heure actuelle, ils n'ont pas le droit de le faire, à cause de l'Entente. Ils se font automatiquement rejeter.
    C'est pourquoi j'ai posé la question.
    J'aimerais entendre la réponse de M. André.

[Français]

    Je réitère qu'à mon avis, il faut éliminer l'Entente sur les tiers pays sûrs. Je crois que les gens auraient beaucoup moins peur de migrer en sachant qu'ils peuvent entrer par un point d'entrée ayant pour valeur d'accueillir les gens dans la dignité. Passer par une route où l'on se fait dire que, si on continue, on se fera arrêter, c'est subir encore un stress et une forme d'agression après avoir été refoulé par tant de pays. C'est pourquoi je suggère fortement que l'Entente sur les tiers pays sûrs soit éliminée.

[Traduction]

    Merci.
    Le gouvernement canadien dit « moderniser » l'Entente sur les tiers pays sûrs. C'est le terme qu'il a utilisé. Il ne nous dit pas ce que cela signifie et ce qu'il prévoit faire dans le cadre des négociations avec les États-Unis.
    Ce qu'on a vu, c'est que le gouvernement a, de façon cachée, élargi le recours à l'Entente sur les tiers pays sûrs. Dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget C‑97, un document de 790 pages, le gouvernement a inséré l'application de l'Entente sur les tiers pays sûrs aux pays du Groupe des cinq. Ainsi, les personnes qui tentent d'obtenir l'asile au Canada sont automatiquement rejetées.
    Croyez-vous que c'est la bonne chose à faire?
    Ma question s'adresse aux représentants du Centre de réfugiés. Je ne sais pas qui veut y répondre.
    Étant donné ce que nous avons dit plus tôt, nous croyons que ce n'est pas la bonne chose à faire.
    Étant donné ce que vivent les réfugiés et la légitimité de leurs demandes, nous ne devrions pas les rejeter. Nous avons déjà établi que l'autre alternative ne fonctionnait pas et qu'ils seraient en danger autrement.
    Monsieur André, je vous pose la même question.

[Français]

    Merci de votre question.
    L'élargissement de cette entente avec les États‑Unis aux autres pays membres du Groupe des cinq, au lieu de sa suspension, démontrerait que le Canada est de plus en plus fermé à l'immigration et qu'il crée finalement beaucoup plus de restrictions dans le monde pour ceux qui aimeraient venir goûter à nos valeurs québécoises et canadiennes. Je crois qu'effectivement, le gouvernement canadien ne dévoile pas manifestement qu'il a l'intention d'annuler l'Entente sur les tiers pays sûrs.

[Traduction]

    Merci.
    En ce qui a trait au processus associé au papier brun et aux retards connexes, le gouvernement a ajouté le document « Contrôle complémentaire »; est‑ce que c'est nouveau?
    Oui. Nous avons commencé à le voir en janvier 2022. Le gouvernement a toujours eu le droit de l'appliquer, mais il ne l'a fait qu'à partir de janvier 2022.
    Combien de temps cela ajoute-t-il à la période de traitement des demandes?
    On parle de 12 à 24 mois de plus, selon l'agent de l'Agence des services frontaliers du Canada ou du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui délivre le document.
    Je suis désolée de vous interrompre. Votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons maintenant à notre deuxième série de questions.
    Monsieur Redekopp, vous disposez de deux minutes. Allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais céder mon temps de parole à M. Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Je suis reconnaissant à mes amis conservateurs de me donner un peu de temps.
    Madame Rududura, je comprends que vous avez peut-être été invitée par un parti en particulier, et c'est correct. J'ai beaucoup aimé votre témoignage.
    Seriez-vous en faveur de donner la possibilité aux migrants d'arriver au Canada de façon régulière par différents points d'entrée et de leur donner accès plus rapidement, par exemple, à des ressources communautaires?
(1640)
    Je serais en faveur de tout ce qui donnerait la possibilité à des migrants et à des personnes qui en ont besoin de trouver un lieu sûr pour avoir une vie normale, obtenir les services qu'il leur faut et être appuyés.
     Merci, madame Rududura.
    Monsieur André, il y a un flux plus important de migrants, surtout dans les derniers mois. Avez-vous senti que les services aux migrants, particulièrement à Montréal, empirent à cause du flux des migrants, qui est concentré à un seul endroit?
    Oui, effectivement.
    Je me trouve présentement dans un bureau où on assure un service aux réfugiés. Nous voyons de plus en plus de gens qui sont dépourvus de ressources. N'oublions pas que nous sommes dans un pays où il fait froid très rapidement. Les gens arrivent sans manteau et sans bottes. Les gens n'ont pas de nourriture.
    Je ne suis pas là pour me valoriser, mais j'ai dû sortir de l'argent de ma poche pour qu'une famille puisse s'acheter du lait. Un homme était dans mon bureau quand son épouse m'a appelé pour me dire qu'ils avaient besoin d'aide. Ils n'avaient pas les moyens d'acheter de la nourriture, parce que cela fait des mois qu'ils attendaient d'avoir leur « papier brun » et leur permis de travail.
    Logiquement, en suspendant l'Entente sur les tiers pays sûrs, les gens arriveraient par différents points d'entrée et auraient accès à plus de services. N'est-ce pas?
    Oui. Effectivement, je pense qu'ils se retrouveraient dans d'autres provinces au lieu de se retrouver principalement au Québec, où ils ont eu à subir les insultes qu'on a entendues durant la période électorale. On a dit d'eux qu'ils étaient porteurs de la COVID‑19, alors que ce sont de futurs anges gardiens en santé et qu'ils ont contribué à sauver des vies durant la pandémie.
    Sachez, monsieur André, que je suis entièrement d'accord avec vous.

[Traduction]

    Je suis désolée, vous n'avez plus de temps.
    Nous passons maintenant à M. Dhaliwal.
    Monsieur Dhaliwal, vous disposez de deux minutes. Allez‑y.
    Mes questions s'adressent également à M. André.
    Monsieur André, vous avez dit que les gens préféraient le Canada aux États-Unis. C'est un fait. Les gens de partout dans le monde veulent vivre au Canada — j'en suis un exemple —, mais cela ne devrait pas être la seule raison d'accueillir des demandeurs d'asile. Je crois que si nous éliminons l'Entente sur les pays tiers sûrs... Nous avons vu 2,5 millions de personnes traverser la frontière entre le Mexique et les États-Unis, et si nous n'avons pas en place une telle entente, alors nous vivrons une période difficile.
    Que diriez-vous au sujet du déplacement libre des gens vers le Canada?

[Français]

    Monsieur Dhaliwal, tout comme vous, je suis un immigrant. Mes parents ont fui Haïti sous le régime de Duvalier.
    Il faut se demander si le Canada a la volonté de sauver des vies et de recevoir les gens dans la dignité, alors qu'ils ont toutes les raisons de vouloir quitter leur pays. Il ne faut pas oublier que le Canada est engagé dans beaucoup des politiques intérieures de certains pays. Je prends en exemple la communauté haïtienne, qui quitte son pays parce que cela fait des décennies que le Canada, avec ses taxes, soutient les gouvernements au pouvoir qui poussent les gens à fuir leur pays.
     Pourquoi ne pas les appuyer ici, si l'on ne peut pas les soutenir dans leur pays?

[Traduction]

    Pour ce qui est du nombre relatif, non seulement par rapport aux autres nations, mais aussi en ce qui a trait aux chiffres absolus, nous avons accepté plus de réfugiés que tout autre pays. En fait, le Canada est très généreux à cet égard.
    Vous avez dit que les États-Unis n'étaient pas un pays sécuritaire pour vivre. En fait, mon frère, qui est citoyen canadien et qui travaille pour une société canadienne... Je n'ai pas entendu dire que les États-Unis n'étaient pas un endroit sécuritaire, comparativement au Canada.
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

[Français]

    J'ai de la famille qui vit aux États‑Unis. J'ai des neveux qui sont des universitaires. Ils peuvent vivre cette réalité de faire partie des privilégiés. Or, les gens qui arrivent par le chemin Roxham n'ont pas cette formation et risquent d'être utilisés comme des esclaves modernes et possiblement...

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre. Le temps de parole de M. Dhaliwal est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous disposez de 90 secondes. Allez‑y.

[Français]

    Monsieur André, je vais vous donner l'occasion de terminer vos propos. Vous avez carte blanche et vous disposez d'une minute et demie.
(1645)
    Je tiens à remercier le Canada d'avoir accueilli mes parents ici. Je suis un fier Canadien d'origine haïtienne, mais je suis avant tout d'origine haïtienne. Je comprends donc les problèmes et les douleurs que vivent les gens.
    J'ai reçu dans mon bureau une femme qui s'est fait violer par 15 personnes et qui a vu son mari se faire tuer. Elle est venue au Canada alors qu'elle était enceinte et elle est laissée à elle-même. Je crois que nous avons un devoir de démontrer que nous sommes réellement une société et un pays qui a des valeurs.
    Je suggère définitivement qu'un permis de travail soit accordé le plus rapidement possible et qu'un numéro d'assurance sociale soit automatiquement attribué en même temps. Cela permettrait aux gens de commencer tout de suite à travailler.
    Je suggère de trouver une manière d'amener les gens dans les régions en leur accordant des incitatifs pour les encourager à ne pas tous rester au même endroit et ainsi éviter une possible pénurie de logements, entre autres. Je suis très en faveur de cette idée.
    Je crois également qu'il faut apporter des changements au processus d'immigration. Je remercie les avocats de tout le travail qu'ils font pour les demandeurs d'asile. Je sais que la pandémie de COVID-19 leur a imposé l'utilisation d'un nouveau portail. À mon avis, les entrevues ou les audiences virtuelles sont complètement dépourvues d'humanité, surtout lorsqu'un demandeur d'asile n'est pas aux côtés de son avocat ou qu'il se retrouve avec une connexion Wifi qui ne fonctionne pas.
    Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour trouver un moyen qui permettra aux gens d'être rassurés afin qu'ils puissent faire entendre leur voix et qu'ils se sentent acceptés ici.
     Je vous remercie infiniment, ainsi que tous les témoins.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre Mme Kwan.
    Madame Kwan, vous disposez de 90 secondes. Allez‑y.
    Au sujet du papier brun, qui est essentiel, recommanderiez-vous au gouvernement de le remettre aux demandeurs d'asile à leur arrivée au pays, monsieur Daoud?
    Oui, comme c'était le cas avant.
    Monsieur André, qu'en pensez-vous?

[Français]

    Je crois que c'est essentiel, certainement.

[Traduction]

    Allez‑y, madame Rududura.
    Je suis d'accord.
    Par le passé, le Canada prévoyait une deuxième exemption à l'Entente sur les pays tiers sûrs, pour les personnes qui ne seraient pas en sécurité si elles étaient renvoyées dans leur pays d'origine. On devait mettre en place un moratoire à cet égard. En 2009, le gouvernement Harper a retiré cette exemption.
    Ma question s'adresse à tous les témoins. Est‑ce que le Canada devrait rétablir cette exemption si le gouvernement ne suspend pas l'Entente sur les pays tiers sûrs, au moins pour les personnes qui risquent d'être victimes de violence fondée sur le sexe, par exemple, ou de la violence des gangs?
    Oui, je crois que c'est assez clair.
    Allez‑y, monsieur André.

[Français]

    Certainement, oui.

[Traduction]

    Allez‑y, madame Rududura.
    Je suis d'accord également.
    Merci.
    J'aimerais vous poser une question au sujet des États-Unis... À l'heure actuelle, avec le changement d'administration, certaines personnes diront que les États-Unis sont un pays sécuritaire pour les demandeurs d'asile. Est‑ce le cas?
    Monsieur André, allez‑y.

[Français]

    Non, les États‑Unis ne sont pas un pays sûr. Tous les jours, j'entends parler de gens qui, comme au Canada, craignent d'être attrapés, de se perdre dans le vide ou d'être victimes d'abus. Je crois donc qu'il faut mettre fin à l'Entente sur les tiers pays sûrs.

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre, mais vous n'avez plus de temps.
    Sur ce, au nom des membres du Comité, je tiens à remercier tous les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous vous remercions de nous avoir accordé votre temps. Vos témoignages sont importants. Certains d'entre vous sont avec nous pour la deuxième fois. Lors de la réunion précédente, nous n'avions pas pu vous entendre en raison de la tenue des votes. Je veux vous remercier d'avoir à nouveau pris le temps de témoigner devant le Comité.
    Sur ce, nous allons mettre fin à cette partie de la réunion. Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes afin de procéder aux tests de son du deuxième groupe de témoins.
    Merci.
    La séance est suspendue.
(1645)

(1655)
    Nous reprenons les travaux.
    Au nom des membres du Comité, je souhaite la bienvenue à notre groupe de témoins.
    Pour cette partie de la réunion, nous recevons l'avocate et ancienne présidente de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, Maureen Silcoff. Nous recevons également les représentants de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration: Me Perla Abou-Jaoudé, avocate et Me Vincent Desbiens, avocat. Enfin, nous recevons le directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, Stephan Reichhold.
    Vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
    Madame Silcoff, vous avez la parole.
    L'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés est une organisation nationale qui s'occupe de plaidoyer, de litige et d'éducation pour défendre les droits des réfugiés et des migrants.
    Comme le ministre Fraser l'a mentionné la semaine dernière, personne ne choisit d'être un réfugié, et les gens qui traversent la frontière entre les postes frontaliers au Canada cherchent désespérément un lieu sûr. J'ai un cas qui me hante encore. Une femme traumatisée par la violence sexiste dans son pays d'origine, à qui on a refusé le droit d'asile aux États-Unis, et désespérée à l'idée d'être déportée là où elle subirait d'autres violences, s'est rendue au Canada avec ses deux enfants mineurs en s'accrochant à l'arrière d'un train de marchandises. Sa demande d'asile a plus tard été acceptée.
    Lors de son examen de l'entente en 2002, le Comité avait prévu que si les entrées irrégulières devenaient un problème et que le nombre ne diminuait pas, il faudrait suspendre l'entente ou y mettre fin.
    Je vais vous expliquer pourquoi il est temps de réexaminer cette entente en vous parlant de cinq leçons apprises, et je vais ensuite vous soumettre une recommandation.
    Première leçon: la façon d'entrer au pays ne nous dit rien sur le bien-fondé d'une demande d'asile. Les taux d'acceptation sont très semblables, peu importe le mode d'arrivée. Dans le cas des demandes d'asile tranchées sur le fond, le taux d'acceptation est de 66 %, et dans le cas des entrées irrégulières, il est de 61 %.
    Deuxième leçon: l'Entente sur les tiers pays sûrs est la source du problème au chemin Roxham; en y mettant fin ou en créant plus d'exceptions, cela aura pour effet de répartir les entrées le long de la frontière d'un océan à l'autre et de mettre fin à la canalisation au Québec. Les villes et les provinces dans tout le Canada pourraient alors offrir des services d'établissement.
    Troisième leçon: il se pourrait que les entrées à la frontière n'augmentent pas, car les gens entreraient tout simplement ailleurs. En fait, Althia Raj rapportait récemment les propos d'un haut dirigeant d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, selon qui, mettre fin à l'entente pourrait ne pas entraîner vraiment de changements, car il n'y aurait pas de chemin Roxham dans ce cas, étant donné que les gens pourraient traverser aux postes frontaliers.
    La Cour fédérale a dit la même chose. Dans sa décision rendue en 2020, elle a déclaré qu'il n'y avait, en fait, aucune preuve que le nombre d'arrivées augmenterait si on mettait fin à l'entente et, de plus, que les ministères ont toujours géré les fluctuations. Il faut se rappeler que notre situation géographique fait en sorte que le Canada accueillera toujours un très petit pourcentage du nombre total de réfugiés dans le monde.
    Quatrième leçon: même si on parle de modernisation, l'élargissement poussera plus de gens à entrer de façon irrégulière, sans être repérés et sans qu'il y ait de contrôle, ce qui, bien sûr, mettra plus de vies en danger.
    Cinquième leçon: les gens qui arrivent par le chemin Roxham apportent une contribution importante au Canada. Beaucoup d'entre eux, par exemple, ont été des anges gardiens pendant le pic de la pandémie et ont risqué leur vie en travaillant notamment dans des établissements de soins de longue durée.
    Nous pouvons donc en conclure que les effets délétères de l'entente, en ce moment, dépassent, de toute évidence, ses avantages.
    Une solution est, bien entendu, de mettre fin à l'entente ou de la suspendre, mais il y a aussi une autre option. L'article 6 de l'entente permet au Canada d'exempter des catégories de personnes ou des personnes pour des motifs d'intérêt public. L'article prévoit: « Par dérogation à toute autre disposition du présent accord, l’une des parties, ou l’autre, peut, à son gré, décider d’examiner toute demande du statut de réfugié qui lui a été faite si elle juge qu’il est dans l’intérêt public de le faire. » Cet article nous donne donc toute la souplesse nécessaire pour remédier aux problèmes actuels.
    Le Canada n'utilise actuellement qu'une seule exception liée à l'intérêt public, soit pour les gens qui font face à la peine de mort. Il y en a déjà eu une deuxième, comme il a été mentionné, qui s'appliquait aux ressortissants des pays vers lesquels le Canada n'expulse pas de gens. Cette exception a pris fin en 2009.
    Les options qui s'offrent à nous à l'heure actuelle pourraient être notamment d'accorder plus d'exceptions, d'autoriser les revendications fondées sur le sexe qui, malgré l'annulation de la décision « Affaire A‑B‑ », demeurent assujetties à beaucoup de restrictions. En fait, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a recommandé d'utiliser des exceptions pour des motifs d'intérêt public dans ses commentaires sur le projet de réglementation du Canada en 2002, ce qui inclut les revendications fondées sur le sexe.
    De plus, on pourrait aussi créer des exceptions pour les personnes vulnérables qui sont refoulées à la frontière et envoyées dans des prisons aux États-Unis. Voir des enfants dans des cages nous montre un aspect épouvantable d'un système dans lequel on emprisonne des personnes vulnérables qui sont simplement en quête de sécurité.
    Les exceptions pour des motifs d'intérêt public sont un pilier de notre système d'immigration. Il serait tout à fait logique de s'en servir actuellement.
(1700)
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Abou-Jaoudé ou à M. Desbiens, selon le cas.
    Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, l'AQAADI, a été fondée il y a plus de 30 ans et regroupe plus de 460 avocats et avocates travaillant dans le domaine particulier du droit de l'immigration et de la protection des réfugiés.
    L'AQAADI soutient que la seule solution pour protéger la santé, la sécurité et l'intégrité des demandeurs d'asile est d'abolir l'Entente sur les tiers pays sûrs. Effectivement, en l'absence de cette entente, il y aurait une meilleure répartition du nombre de demandeurs d'asile au Canada. De plus, cela permettrait à ceux-ci d'avoir un meilleur accès aux services sociaux et juridiques dont ils ont besoin, sans pour autant entraîner une augmentation des demandes d'asile.
    Toutefois, en raison de cette entente, la majorité des demandeurs d'asile entrent au Québec en faisant une demande dès leur entrée, ce qui entraîne des répercussions considérables pour ces personnes qui ont déjà trop souffert. Les demandeurs d'asile arrivent au Québec, mais le système est déjà surchargé. Il faut garder à l'esprit que ces êtres humains qui se présentent à nos frontières le font dans l'espoir d'obtenir la protection du Canada, puisque leur vie est en danger. Leur quête ne peut être couronnée de succès que si nous leur offrons les outils nécessaires pour faire valoir convenablement leurs revendications, et cela passe bien évidemment par l'accès à la justice.
    Plusieurs ne sont pas en mesure de trouver un avocat, ce qui nuit à la présentation de leurs revendications et, de ce fait, les empêche d'obtenir à long terme la sécurité convoitée. Il va de soi que cette incapacité à avoir accès à la justice engendre chez ces nouveaux arrivants une grande détresse psychologique et émotionnelle, à court et à moyen termes. Nous, les avocats sur le terrain, le constatons quotidiennement. Non seulement les demandeurs d'asile ont de la difficulté à trouver un avocat, mais ils ont aussi de la difficulté à trouver de l'aide auprès des organismes voués à l'aide au logement, entre autres.
    Certains diront que, bien que l'arrivée des demandeurs d'asile ait lieu au Québec, ceux-ci peuvent se déplacer rapidement ailleurs au Canada. À vrai dire, la réalité est tout autre.
    Premièrement, leur mobilité est restreinte, car ils doivent attendre la réception de leur permis de travail par la poste pour subvenir aussitôt que possible à leurs besoins. Ils vivent dans la précarité financière, alors que l'accès au logement est déjà difficile et que le prix de la nourriture ne fait que grimper. Durant ce temps, l'ensemble des services sociaux disponibles en vue de leur intégration débute au Québec, sur les plans tant juridique que social. Une fois que les demandeurs ont trouvé un avocat, loué un logement et inscrit leurs enfants à l'école, il devient beaucoup plus difficile pour eux d'aller vivre ailleurs. Il va de soi qu'un système plus rapide de délivrance des permis de travail doit être envisagé.
    Parallèlement à cela, nous ne pouvons passer sous silence le fait que, dès leur arrivée au Canada, ces personnes migrantes ne peuvent être encadrées de manière humaine et sereine, comme elles le méritent, par le personnel à la frontière. En effet, en raison de l'important volume de demandes, le personnel à la frontière ne dispose pas du temps nécessaire pour s'assurer que les demandeurs comprennent bien les informations essentielles à leur dossier, ce qui cause une anxiété importante. Leur intégrité psychologique et émotionnelle en pâtit grandement, particulièrement dans un système où le processus est de plus en plus complexe et requiert un accès à la technologie, ce dont ces nouveaux arrivants ne bénéficient que très rarement. Le tout se passe dans des délais règlementaires très courts.
    Dans certains cas, les familles sont séparées et les membres ont difficilement accès aux informations relatives à leurs proches, par exemple si l'un des membres de la famille est détenu ou hospitalisé. Cela cause stress et panique à chacun des membres de la famille qui ignore le sort de l'autre. Trop souvent, ceux-ci arrivent à nos bureaux déboussolés et dans un état de très grande précarité. L'avocat doit alors pallier les acteurs étatiques pour informer convenablement ces gens du processus de leurs revendications.
    Pour finir, certains moyens ont été mis en place afin de tenter de répartir plus équitablement les demandeurs partout au Canada, ce qu'empêche l'Entente sur les tiers pays sûrs. À cet égard, plusieurs personnes ont été transférées du Québec à l'Ontario. Malheureusement, plusieurs d'entre elles ne comprenaient pas ce qui se produisait ou ne souhaitaient pas changer de province. Elles n'avaient pas réellement le désir d'aller vivre sur le territoire ontarien et de subir un autre parcours migratoire, ayant déjà suffisamment souffert pour parvenir jusqu'au Canada.
    Plusieurs personnes détenues au Québec ont été transférées dans un centre de détention de l'Ontario, alors que toute leur famille était en liberté au Québec. Une fois remises en liberté, elles ont dû revenir par elles-mêmes en sol québécois. Nous ne pouvons qu'imaginer l'angoisse des familles à l'idée d'une telle séparation. Nous soutenons respectueusement que ces tentatives de pallier les situations qu'entraîne cette entente ne font qu'aggraver la situation, en plus d'être infructueuses et contre-productives.
    De plus, la simple fermeture du chemin Roxham serait encore plus dévastatrice que le statu quo si nous conservions l'Entente sur les tiers pays sûrs. Gardons en mémoire les nombreux migrants qui ont mis leur vie et leur intégrité en danger en tentant de traverser nos frontières en plein hiver ou en passant par des zones dangereuses. Fermer le chemin Roxham n'empêcherait pas les demandeurs d'asile de venir au Canada, mais, s'ils traversaient la frontière n'importe où, cela réduirait lacapacité du gouvernement à les identifier rapidement, comme il le fait actuellement au moyen de leurs empreintes digitales et de leurs papiers d'identité.
    En définitive, nous soumettons respectueusement que, en raison de l'Entente sur les tiers pays sûrs, la sécurité, l'intégrité et la santé des personnes et des familles migrantes sont en péril, non seulement à court terme, mais aussi à long terme.
(1705)
     Les répercussions s'échelonnent sur plusieurs années et elles peuvent même aller jusqu'à priver de son sens notre système de demande d'asile, à savoir que ceux qui méritent la sécurité obtiennent la protection du Canada.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Reichhold.
    Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonsoir, tout le monde.
    Je suis le directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui regroupe 160 organismes d'accueil et de soutien à l'établissement se consacrant à accueillir les nouveaux arrivants, que ce soit des personnes réfugiées, immigrantes ou sans statut.
     Mes considérations viseront plutôt des aspects sociosanitaires, vu que les aspects juridiques sont bien couverts par tous les avocats qui sont présents aujourd'hui. Je vais parler davantage de la perspective actuelle des organismes. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, il y a une urgence humanitaire sanitaire au Québec actuellement. Tout le monde en est conscient, mais il reste qu'il faut prendre des mesures.
    Je ne sais pas si le dispositif d'accompagnement du Québec, qui existe depuis plusieurs décennies et qui est unique au Canada, vous est familier. Si un demandeur d'asile, qu'il soit régulier ou irrégulier, arrive au pays et qu'il a besoin d'être pris en charge sur le plan de l'hébergement, il le sera par les services sociaux du Québec, plus précisément par le PRAIDA, le Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile. Ce dernier leur fournit un hébergement temporaire pendant trois ou quatre semaines en moyenne, jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur premier chèque d'aide sociale. Après, on leur demande gentiment de quitter le site d'hébergement temporaire et de se débrouiller tout seuls.
     Cela a bien fonctionné au cours des dernières années, mais, en raison du volume actuel de demandes d'asile, le système ne fonctionne plus. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a annoncé au fédéral qu'il fixait un plafond quant à ses capacités d'hébergement. Je pense qu'il est de 1 200 lits, à peu près. Le fédéral prend lui aussi en charge des personnes dans des hôtels, 14 en ce moment, dans la région de Montréal. Cet hébergement est temporaire, mais il n'inclut aucun service, les services médicaux et sociaux étant assurés par les services sociaux du Québec.
    Cela crée énormément de pression sur les organismes qui essaient habituellement d'aider les demandeurs d'asile, comme mon collègue M. Frantz André l'a expliqué en parlant de son travail. Comme c'est le cas dans le reste du Canada, ces organismes, surtout caritatifs, ne reçoivent pas d'argent et doivent donc se financer au moyen de fondations ou de collectes de fonds.
    Il faut dire aussi que les services sont très limités. Au Québec comme ailleurs au Canada, les demandeurs d'asile ont droit à très peu, ce qui se résume vraiment aux services essentiels, notamment à une couverture médicale de base. On estime que, depuis janvier, le Québec a accueilli à peu près 45 000 personnes sur les 72 000 demandeurs d'asile qui sont arrivés au Canada, qu'ils soient réguliers ou irréguliers, une distinction que personne ne fait en matière de services ou d'hébergement, d'ailleurs.
    Les organismes d'aide à l'établissement sont saturés et ils n'ont plus de capacité. De plus, comme on l'a mentionné tout à l'heure, la lourdeur des cas est de plus en plus inquiétante, ce qui cause un débordement sur les réseaux communautaires responsables des non-immigrants, comme les organismes œuvrant pour la famille, les jeunes, les itinérants et les femmes. Ces organismes mettent la main à la pâte pour dépanner ces individus et les aider à survivre.
     Alors que l'hiver arrive actuellement, nous sommes très inquiets. Nous en sommes vraiment à un point de rupture dans la région de Montréal, en raison du volume de demandes d'asile. Bien que ce volume ne se compare pas à ce qui se passe en Europe ou à la frontière mexicaine, il met tout de même beaucoup de pression sur les organismes bénévoles.
    Nous proposons et nous demandons au gouvernement fédéral de mettre en place, peut-être avec le ministère québécois de la Sécurité publique et la Croix-Rouge, un système d'hébergement à plus long terme, au moins pendant l'hiver et surtout pour les familles plus vulnérables. Vu la crise du logement, il est quasiment impossible de trouver un endroit où se loger. Le taux de fréquentation des centres d'hébergement pour les itinérants est donc à la hausse, ce qu'on veut absolument éviter. C'est l'une de nos recommandations pour le gouvernement fédéral.
(1710)
     La situation qui prévaut entre le Canada et le Québec rappelle un couple divorcé qui ne veut pas s'entendre sur la prise en charge des enfants. Chacun renvoie la balle à l'autre et les deux se chicanent tout le temps, de sorte que les enfants sont laissés à eux-mêmes. C'est un peu ce à quoi ressemble la situation actuelle des demandeurs d'asile.
    Il est important que le fédéral et le Québec s'entendent pour mettre en place des mesures d'urgence...

[Traduction]

    Je suis désolée de vous interrompre, mais votre temps est écoulé. Vous pourrez nous en dire plus lors de la période des questions.
    Sur ce, nous allons commencer la première série de questions.
    Monsieur Redekopp, vous avez six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Vos témoignages nous sont utiles.
    Madame Silcoff, je voulais vous poser la question suivante. Nous avons entendu un point de vue différent, à savoir que si on supprime l'Entente sur les tiers pays sûrs, il y aurait probablement une augmentation du nombre de migrants arrivant au Canada. Vous avez mentionné dans votre troisième point, je pense, que ce nombre pourrait ne pas augmenter, puis vous avez parlé d'une journaliste qui a écrit un article.
    Avez-vous des preuves concrètes, outre cela, qui expliqueraient pourquoi ce serait le cas?
    C'est intéressant. On craint que le nombre augmente, mais je pense qu'il faut séparer les faits de nos simples craintes. Nous savons qu'il n'existe aucune preuve montrant qu'il y aura, en fait, une augmentation.
    Des preuves ont été présentées par l'Agence des services frontaliers du Canada lors de la contestation de l'Entente sur les tiers pays sûrs devant la Cour fédérale. La Cour a déterminé qu'il n'y avait aucune preuve qu'il y aurait une augmentation, qu'aucune statistique n'avait été présentée à ce sujet. Je sais que l'affaire est en appel, mais cet élément en soi n'a pas été contesté.
(1715)
    Je dispose de très peu de temps. On a mentionné dans le précédent groupe de témoins que beaucoup d'Haïtiens arrivent aux États-Unis. Vous ne m'avez pas donné de preuves que le nombre n'augmentera pas.
    En raison du grand nombre d'Haïtiens, par exemple, qui se rendent aux États-Unis, il y aura une augmentation du nombre de migrants aux États-Unis. Il me semble logique de penser que cela accroîtra la pression, en particulier si on supprime l'Entente. N'êtes-vous pas d'accord avec cela?
    Non, pas nécessairement, car si les États-Unis disposent de bons programmes pour protéger les gens, et on vient de parler du statut de protection temporaire... Je pense qu'il faut regarder la situation. Nous savons qu'à certaines périodes, il y a moins de gens, et qu'à certaines autres, il y en a plus. Nous savons qu'il y a toujours des limites, en raison de notre situation géographique.
    J'ai une autre question. Vous avez mentionné que, selon vous, les désavantages dépassent les avantages. Je suis curieux. Selon vous, quels sont les avantages de l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Je pense que l'Entente a été mise en place parce que l’on considérait les États-Unis comme un partenaire fiable pour partager la responsabilité à l'égard des réfugiés. C'était l'objectif et la raison d'être de l'Entente. Toutefois, nous savons maintenant que les problèmes qui y sont associés dépassent les avantages.
    En fait, le Comité lui-même s'en inquiétait en 2002. Il a mentionné que s'il y avait des problèmes, l'Entente allait devoir être réexaminée et qu'on pourrait devoir la suspendre unilatéralement, ou y mettre fin. Je pense qu'on prévoyait qu'il pourrait y avoir des problèmes, et nous pouvons voir maintenant que c'est le cas, concrètement. Nous avons vu...
    Je vous remercie.
    Monsieur Desbiens, je me demande simplement de combien de clients environ vous vous êtes occupés au sujet du chemin Roxham?
    Je m'excuse, mais je vais répondre aux questions posées à notre association.
    Je pratique depuis 10 ans. Nous nous occupons de cas tous les jours.
    Pouvez-vous me donner un chiffre approximatif... Parle‑t‑on d'environ 10, 100, 1 000?
    Je dirais que leur nombre se compte par centaines.
    Je ne peux vous donner un chiffre, car nous ne faisons pas la distinction entre eux qui arrivent par le chemin Roxham et ceux qui arrivent par voie régulière.
    Les clients qui arrivent par le chemin Roxham résident-ils habituellement dans des hôtels subventionnés par le gouvernement?
    Oui, c'est le cas, mais pas tous.
    Combien de temps séjournent-ils habituellement dans les hôtels?
    Je ne peux pas répondre à votre question. Je n'ai pas les chiffres à ce sujet.
    Nous avons entendu dire que les temps d'attente s'allongeaient. Que constatez-vous à ce sujet sur le terrain, en ce qui concerne précisément la CISR, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada?
    Parlez-vous du moment où ils sont transférés à la CISR, ou avant?
    Je pense qu'il y a deux choses — le temps que cela prend pour qu'ils obtiennent ce qu'on appelle les « papiers bruns », puis le temps que cela prend à la CISR pour traiter les dossiers.
    Dernièrement, il fallait environ un an pour obtenir le papier brun, puis, par la suite, lorsqu'ils sont transférés à la CISR, le temps d'attente est d'environ deux ans, parfois plus. Je pense que la CISR sera en mesure de répondre exactement pour ce qui est du temps d'attente; toutefois, nous avons noté une accélération des audiences devant la CISR.
    Le Comité peut notamment faire des recommandations au gouvernement. Ce qui me vient à l'esprit en écoutant les témoignages, c'est que nous devrions recommander que le gouvernement réduise de façon importante le temps d'attente à la CISR.
    Qu'en pensez-vous et quel serait un temps d'attente raisonnable à proposer à ce sujet?
    Le problème n'est pas le temps d'attente. Je pense que c'est plutôt l'accès à la justice et l'accès à un avocat. À l'heure actuelle, ce qui est difficile pour les demandeurs, c'est d'avoir accès à un avocat, d'être bien représentés et de pouvoir présenter leur dossier de la bonne façon. C'est l'un des problèmes que nous voyons sur le terrain.
    Disons qu'un client a accès à un avocat. Quel serait un laps de temps raisonnable pour la CISR? Que recommanderiez-vous?
(1720)
    Le mieux est le plus vite possible. Tout dépend si le dossier est prêt, mais à l'heure actuelle, ce n'est pas ce qu'on constate sur le terrain. Je ne peux pas vous donner de laps de temps, car cela dépend vraiment.
    Si vous parlez du temps qui leur est accordé pour remplir les formulaires, raconter leur histoire, ils ont à l'heure actuelle 45 jours pour le faire; toutefois, nous pensons que c'est peu. Pour qu'ils arrivent à nous raconter leur histoire, pour qu'on établisse le lien de confiance...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais le temps de M. Redekopp est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Kayabaga.
    Madame Kayabaga, vous avez six minutes. Vous pouvez commencer, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier encore une fois les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Reichhold, j'aimerais que vous nous parliez du point de vue de la province de Québec sur l'Entente sur les tiers pays sûrs qui lie le Canada et les États‑Unis. À votre avis, dans le cadre des négociations bilatérales en cours entre les deux pays, le Québec préférerait-il une approche de contrôle frontalier plus stricte consistant à resserrer l'entrée du chemin Roxham, ou une approche aux frontières ouverte et douce permettant aux demandeurs d'asile d'entrer ouvertement par la porte d'entrée de Saint‑Bernard‑de‑Lacolle?
    À ma connaissance, parce que ces deux aspects ne relèvent pas de lui, le gouvernement actuel du Québec ne s'est jamais prononcé sur l'Entente sur les tiers pays sûrs ni sur la façon dont on devrait traiter l'arrivée des demandeurs d'asile à la frontière. Il est sûr que le Québec a son mot à dire en ce qui concerne l'accueil et la prise en charge des demandeurs d'asile.
    Toutefois, comme plusieurs de mes collègues autour de la table, je suis convaincu que, si on suspendait l'Entente sur les tiers pays sûrs, l'arrivée et l'accueil des immigrants se feraient de manière beaucoup plus ordonnée et contrôlée. Cela serait réparti sur l'ensemble du territoire canadien, ce qui enlèverait beaucoup de la pression actuelle sur le Québec, notamment en matière de services, d'accueil et de services juridiques. Nous sommes totalement en faveur de la suspension de cette entente, tout comme les organismes d'établissement.
     Je soupçonne que le Québec et le gouvernement fédéral préféreraient que les personnes entrent par tous les postes frontaliers canadiens.
    Si le chemin Roxham était fermé, cela empêcherait-il les réfugiés de traverser la frontière vers le Québec?
    Absolument pas. D'ailleurs, je ne sais pas comment on pourrait fermer le chemin. Supposons qu'on met un grillage d'un kilomètre autour du chemin Roxham. On le voit bien à la frontière mexicaine, à la frontière grecque ou ailleurs, les gens font le tour de la clôture et entrent quand même, mais de manière beaucoup plus risquée et avec un problème de...
    Selon vous, quelles pourraient être les pressions sur les réfugiés qui empruntent ce chemin au Québec, si jamais on le fermait?
     Je n'arrive pas à visualiser comment vous pouvez fermer les frontières. Comment voulez-vous faire cela, en montant un grillage, peut-être? Les gens vont contourner ce grillage, c'est normal et humain. Tous les gens vont faire cela et entrer quand même, mais ils ne seront plus contrôlés. Ils entreront sans contrôle sur le territoire canadien. Je pense que personne ne souhaite cela.
    Pensez-vous que le nombre de demandeurs augmenterait si jamais on fermait le chemin Roxham? Croyez-vous qu'on verrait les mêmes chiffres que voient les États‑Unis présentement?
    Si on fermait le chemin Roxham — qu'on ne peut pas fermer —, la seule solution à mon avis serait de suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs. On n'aurait plus besoin du chemin Roxham.
    Pensez-vous que, si jamais on fermait ce chemin, cela serait un pas régressif ou progressif?
(1725)
    Cela donnerait lieu à un chaos indescriptible. Les gens essaieraient de trouver d'autres chemins beaucoup moins sécurisés que le chemin Roxham. Cela ne serait à l'avantage de personne — ni des réfugiés, ni de la sécurité canadienne, ni des provinces. C'est une fausse bonne idée.
    Merci, monsieur Reichhold.
    Madame Silcoff, je vais passer à vous.

[Traduction]

    Je voulais simplement vous poser une question au sujet des gens qui décident de traverser la frontière et qui ne voient pas les États-Unis comme un pays sûr. M. André a parlé un peu plus tôt, par exemple, de la communauté haïtienne. Nous avons aussi entendu parler d'autres personnes, comme les Burundais, qui arrivent aux États-Unis, mais qui se rendent ensuite au chemin Roxham.
    Pourquoi est‑ce ainsi? Pourquoi ne voient-ils pas les États-Unis comme un pays sûr où ils pourraient demeurer?
    Je pense qu'il faut se pencher sur chacun des aspects du système d'asile aux États-Unis pour comprendre cela. Lorsque les gens disent que « ce n'est pas sécuritaire », ils n'ont pas une idée claire à ce sujet.
    Voici ce que nous savons. Une personne peut présenter une demande parce qu'elle craint la violence conjugale, qu'elle craint les agressions sexuelles d'étrangers, ou qu'elle a subi une mutilation génitale féminine. La loi aux États-Unis est si restrictive que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a émis des critiques à ce sujet. Elle est beaucoup plus restrictive que celle que nous avons au Canada. C'est un exemple précis d'une catégorie ou d'un groupe de personnes qui n'ont pas une chance équitable d'obtenir la protection aux États-Unis. C'est pourquoi elles veulent présenter une demande au Canada. C'est un exemple précis, pour des motifs pratiques.
    Un autre exemple est ce qu'on appelle l'interdiction d'un an aux États-Unis. Si une personne ne soumet pas sa demande dans un délai d'un an, elle ne peut être admise dans le système d'asile. C'est un autre énorme problème. En fait, c'est lié aux revendications fondées sur le sexe. Souvent, lorsqu'une personne se trouve dans cette situation...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais le temps de Mme Kayabaga est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe pendant six minutes.
    Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins qui sont ici présents dans le cadre de cette importante étude.
    Monsieur Reichhold, je pense qu'il est assez évident qu'il faut distinguer entre fermer le chemin Roxham et suspendre l'Entente sur les tiers pays sûrs. Ce sont deux choses complètement différentes. Je suis sincèrement d'accord avec vous que, si on essaie de monter un grillage, il y a de bonnes chances que les gens essaieront de le contourner.
    Je veux m'adresser aux représentants de l'AQAADI et je crois que c'est vous, maître Abou‑Jaoudé, qui allez répondre aux questions.
    J'ai entendu Me Desbiens souligner dans son allocution qu'il y avait des lacunes sur le plan de l'accès, non seulement à certains outils nécessaires, dont les services d'un avocat, par exemple, mais aussi à certains autres services de base. Pouvez-vous nous en parler plus en profondeur?
    Le nombre de demandeurs exerce une pression sur le système québécois en raison du nombre insuffisant d'avocats pour tous les prendre en charge, ce qui restreint l'accès de ces demandeurs d'asile à la justice.
    Nous pensons que la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs mènerait à une meilleure répartition des demandes dans tout le pays, permettant notamment aux demandeurs d'avoir accès à un avocat de l'Association. Cet élément est très important pour qu'ils soient bien représentés et que leur crédibilité soit reconnue par le juge.
    D'autre part, cela donnerait aux demandeurs un meilleur accès au logement, à la nourriture et à différents services, dont ceux d'interprétation. En allégeant la pression qui s'exerce sur le système québécois, cela faciliterait un meilleur accès à tous ces services.
     Certaines mauvaises langues parlent parfois des avocats de façon péjorative. Or, vous venez de faire la démonstration que, en fait, vous voulez moins de clients et qu'il n'y a donc aucune motivation pécuniaire dans votre cas. Vous voulez que les gens puissent utiliser les services d'un avocat partout au Canada.
    Ai-je raison de croire que cela signifiera donc qu'il y aura moins de clients pour les avocats en immigration au Québec?
    Je ne crois pas que cela va diminuer la quantité de clients qu'auront les avocats au Québec dans cette situation, parce que, pour l'instant, nous sommes incapables de subvenir...
    Désolé, je me suis mal exprimé.
    Si on suspend l'Entente sur les tiers pays sûrs, les pressions sur le Québec seront réparties sur tout le territoire canadien. Cela veut aussi dire qu'il y aura moins de pressions sur le système de représentation par un avocat au Québec pour ces gens.
(1730)
    Oui. Il y aura moins de pressions sur l'Agence des services frontaliers du Canada et sur la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Nous pensons aussi qu'il y aura une meilleure répartition de la charge de travail et, surtout, une meilleure capacité à soutenir ces personnes qui arrivent.
    Parfait. Merci beaucoup.
    Monsieur Reichhold, je vous ai écouté avec attention. Vous avez dit qu'il y avait un problème humanitaire. J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus, car ce que nous ciblons dans cette étude, c'est la crise humanitaire que les migrants vivent actuellement.
    Je pense que mon collègue Frantz André a bien décrit la situation qu'il vit en tant qu'aidant.
    Au moment où nous nous parlons, des gens sont dehors sans manteau, sans vêtements, et ils n'ont pas mangé depuis trois jours. Ce phénomène est très concentré autour des hôtels loués par le gouvernement fédéral dans Saint‑Laurent, Ahuntsic ou Bordeaux‑Cartierville, et cela déborde maintenant dans La Petite‑Patrie et Villeray. On parle de milliers de personnes.
    La semaine dernière, il y avait à peu près 5 000 personnes en hébergement temporaire, fédéral et québécois. Ils y restent pendant environ trois à quatre semaines. Ensuite, une fois qu'ils quittent les hébergements temporaires, ils sont laissés à eux-mêmes. Ils vont donc frapper à toutes les portes. Or, il y a de moins en moins de portes où frapper.
    Avec un chèque de 750 $ par adulte, on ne peut pas trouver de logement ni nourrir une famille. Il y a beaucoup d'enfants dans le lot. On voit aussi une augmentation importante de femmes enceintes, qui sont incapables de voir un médecin.
     J'appelle cela une urgence humanitaire. Les gouvernements devraient se responsabiliser et, comme dans les cas de catastrophes naturelles, mettre en place des ressources.
    Merci infiniment.
    Madame Silcoff, je vais vous poser une question qui vous paraîtra peut-être un peu venue de nulle part. Lors de la dernière réunion du Comité, une haute fonctionnaire d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a comparu. Elle participe aux négociations de modernisation de l'Entente, qui durent apparemment depuis quatre ans. Or, elle nous a dit ne pas savoir quel était le processus de demande d'asile en provenance des États‑Unis avant la mise en place de l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    Trouvez-vous normal qu'une personne qui participe à ces négociations ne sache pas comment les choses se passaient avant la mise en place de l'entente?

[Traduction]

    Je pense que ce qu'il est important de noter dans ce contexte, c'est ce qui a mené à l'entente. Nous savions qu'il y avait des inquiétudes dès le départ, car l'entente est entrée en vigueur en 2004, mais les discussions ont eu lieu en 2002...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais le temps de M. Brunelle-Duceppe est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Kwan.
    Vous avez six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
    Ma question s'adresse à Mme Silcoff. Au sujet des États-Unis et du fait de savoir s'il s'agit ou non d'un pays sûr pour les demandeurs d'asile, beaucoup de gens affirmeront qu'il s'agit d'un pays sûr. J'aimerais beaucoup savoir quels ont été les arguments juridiques présentés qui vont dans le sens contraire au sujet de la présente situation. Pourquoi n'est‑ce pas un pays sûr pour les demandeurs d'asile?
    Encore une fois ici, je pense qu'il est vraiment utile de se pencher sur les catégories ou les classes précises de personnes qui se heurtent à un système qui ne les protège pas et qui comporte de graves lacunes. Si le système ne fonctionne pas adéquatement, les personnes risquent d'être refoulées à la frontière, ce qui veut dire qu'elles seront déportées dans leur pays d'origine où elles seront à nouveau persécutées.
    Je tentais un peu plus tôt de parler de l'interdiction d'un an. Les personnes qui ne demandent pas tout de suite l'asile ne peuvent être admises dans le système. Il existe beaucoup de raisons qui font en sorte qu'une personne n'agit pas tout de suite — parce qu'elle est traumatisée, parce qu'elle a honte, pour des raisons culturelles —, alors cela touche principalement les revendications fondées sur le sexe.
    Nous savons que des personnes peuvent ne pas présenter de demande, et si ensuite elles arrivent à la frontière et sont refusées en raison de l'Entente sur les tiers pays sûrs, elles sont alors vraiment en difficulté aux États-Unis, car elles ne sont pas admises dans le système d'asile. C'est une autre catégorie de personnes qui sont touchées.
    De plus, certaines personnes risquent d'être emprisonnées. Nous savons que le Canada traite la détention d'une façon très différente des États-Unis. Au Canada, la détention est considérée, tant du point de vue de la jurisprudence que des politiques, comme un dernier recours. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés précise que les personnes en quête de protection ne devraient être détenues qu'en dernier recours. Les États-Unis voient la détention d'une façon très différente. Ils la voient comme un outil de gestion de l'immigration. La situation s'est aggravée sous l'administration Trump, mais elle existait avant et elle existe encore aujourd'hui. Lorsqu'une personne est en prison aux États-Unis, elle se trouve en graves difficultés, ce qui est très différent du Canada, alors nous avons là une autre catégorie de personnes qui sont vulnérables.
(1735)
    Je vous remercie.
    Je veux en venir aux demandeurs d'asile qui fuient la violence fondée sur le sexe et dont la demande est rejetée aux États-Unis. Dans ce cas, si une personne tente de faire une demande au Canada et qu'elle est rejetée, cette personne sera déportée dans son pays d'origine où elle devra affronter la violence qu'elle tentait de fuir. Est‑ce exact?
    C'est tout à fait exact. Dans l'exemple que je vous ai donné de la femme qui s'est accrochée à l'arrière d'un train de marchandises, c'était son dilemme, car elle savait que si elle demeurait aux États-Unis, il y avait de fortes chances qu'elle soit déportée et qu'elle soit à nouveau victime de violence fondée sur le sexe.
    Sur cette base, l'Entente sur les tiers pays sûrs expose en fait les gens à un risque de refoulement supplémentaire. En fait, si le Canada appliquait la déportation à ces personnes, il violerait le droit international sur le refoulement. N'est‑ce pas le cas?
    C'est exact. Le Canada est responsable du refoulement des personnes à la frontière, donc le Canada n'est pas une partie innocente dans cette affaire, mais il y a des solutions qui...
    Je suis désolée de vous interrompre. J'ai arrêté le chronomètre.
    Il y a tellement de conversations secondaires qui se déroulent. Les témoins sont ici, alors donnez-leur l'occasion de répondre aux questions, et évitez les conversations parallèles. Je vous remercie.
    Veuillez continuer.
    Je pense que lorsque des gens sont refoulés du Canada, le Canada a une responsabilité, mais nous pouvons faire quelque chose. Nous pouvons mettre fin à l'accord ou le suspendre, mais nous pouvons aussi nous pencher sur les exemptions discrétionnaires d'intérêt public, dont ce comité s'est inquiété en 2002, ainsi que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, également en 2002. Il est maintenant temps de les regarder de près et d'examiner sérieusement ce que nous pouvons en faire.
    Votre première recommandation pour ce comité est que le gouvernement canadien suspende l'Entente sur les tiers pays sûrs, au minimum, ou qu'il s'en débarrasse complètement. Sinon, il s'agit de rétablir ces exemptions, les exemptions d'ordre public prévues à l'article 6, afin d'inclure les demandes fondées sur le sexe, par exemple, et d'autres catégories de personnes vulnérables.
    Est‑ce là votre recommandation?
    Exactement. Il n'y a qu'une seule exemption en place à l'heure actuelle et c'est pour les personnes qui risquent la peine de mort. Elle est rarement utilisée. Il y en avait une pour les personnes venant de pays vers lesquels le Canada n'expulse pas — elle a disparu. Les demandes fondées sur le sexe en sont un parfait exemple. Les personnes qui retourneraient aux États-Unis pour y être emprisonnées simplement parce qu'elles veulent être protégées, voilà un autre bon exemple. Les personnes qui sont exclues du régime de l'asile parce qu'elles ont passé la barre d'un an, voilà un autre bon exemple.
    Ce sont toutes des catégories de politiques publiques discrétionnaires que le Canada peut mettre en place.
    En ce qui concerne la question de l'arrivée des personnes et des retards quant au traitement de leurs dossiers, nous venons d'entendre le groupe précédent dire que les gens n'étaient pas en mesure d'accéder à ce qu'ils appellent le document en papier brun en temps opportun, et par conséquent, ils vivent dans la pauvreté et doivent demander l'aide au revenu.
    À votre avis, que devrait faire le gouvernement canadien en ce qui a trait au traitement des demandes? Devrait‑il délivrer le document de papier brun dès l'arrivée des personnes afin qu'elles puissent accéder à tous les services que procure ce document très important?
     Je pense que nous devons regarder la réalité de la situation. Nous savons que le budget de 2022 prévoit 1,3 milliard de dollars pour l'Agence des services frontaliers du Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Il y a des fonds pour ces services, et je pense que les gens ne devraient pas avoir à souffrir. Les gens devraient avoir accès aux ressources d'aide à l'établissement le plus rapidement possible.
    Je veux poser la même question à M. Desbiens à propos du document en papier brun. Le gouvernement devrait‑il le délivrer dès l'arrivée pour que les gens puissent se procurer le genre de soutien dont ils ont besoin pour survivre, puis se mettre à chercher un emploi?
(1740)
    Désolée, je vais prendre le relais.
     Oui, nous pensons qu'il devrait être remis le plus tôt possible. Une autre façon de le faire serait d'avoir un point à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada où un demandeur pourrait aller tout de suite parce que...
    Je suis désolée de vous interrompre. Le temps dont disposait Mme Kwan est écoulé.
    Le segment réservé à ce groupe d'experts est donc terminé.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir comparu devant le Comité aujourd'hui. Merci beaucoup de vos importants témoignages. S'il y a quelque chose que vous souhaitez porter à l'attention du Comité, vous pouvez toujours faire parvenir des observations écrites à notre greffière. Elles seront distribuées à tous les membres et nous en tiendrons compte lors de la rédaction de notre rapport.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance. Tous les députés qui participent virtuellement devront se débrancher, puis se rebrancher à la réunion à huis clos, où il sera question des travaux du Comité.
     Tous les témoins peuvent maintenant quitter la réunion.
    Les députés sont priés de se débrancher, puis de se rebrancher pour la portion à huis clos de la réunion. Nous aurons quelques minutes pour discuter des travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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