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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 029 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 12 mai 2021

[Enregistrement électronique]

  (1645)  

[Traduction]

    Nous entamons la 29e séance du Comité de la sécurité publique. D'après ce que je vois, nous commençons avec environ 1 h 15 de retard et nous allons donc devoir prolonger la séance.
    Nous accueillons des témoins très expérimentés et compétents, qui se présenteront tous eux-mêmes. Je crois comprendre que le ministère de la Sécurité publique souhaite commencer, il sera suivi du SCRS, de la GRC, puis du CST. Nous avons demandé à ces messieurs de limiter leur exposé à cinq minutes chacun.
    Monsieur le greffier, si vous pouviez m’envoyer l’ordre des questions, je vous en serais reconnaissant.
    Sur ce, je cède la parole au représentant du ministère de la Sécurité publique.
    Bonjour aux distingués membres du Comité. Merci de nous accueillir aujourd’hui pour discuter de l’extrémisme violent motivé par l’idéologie au Canada.
    Je me présente, Dominic Rochon, sous-ministre adjoint principal responsable du Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité de Sécurité publique Canada. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’être accompagné de mes collègues, Tim Hahlweg du SCRS, Michael Duheme et Mark Flynn de la GRC, Artur Wilcynski du Centre de la sécurité des télécommunications, et Jill Wherrett qui représente le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence de Sécurité publique Canada.
    Prévenir l’extrémisme violent et lutter contre ce dernier, quelle qu’en soit la forme, est un défi complexe qui ne cesse d’évoluer. Pour déployer des efforts efficaces et durables, nous devons adopter une approche exhaustive, qui allie mesures nationales et internationales et implique une gamme d’intervenants.
    Sécurité publique Canada, les organismes de son portefeuille et des partenaires comme le Centre de la Sécurité des Télécommunications jouent chacun des rôles distincts, mais complémentaires en ce qui a trait à l’extrémisme violent, au processus d’inscription sur la liste des entités terroristes et à l’application des mesures de la loi, et c’est avec plaisir que nous aborderons ces sujets avec vous aujourd’hui.
    L’extrémisme violent à caractère idéologique ou EVCI est le terme adopté par le Canada pour décrire ce qu’on appelait auparavant l’extrémisme de droite ou l’extrémisme de gauche. Mes collègues de la SCRS en parleront en détail dans un moment, mais en bref, la rhétorique de l’EVCI et les actes violents posés par ses adeptes sont motivés par le suprémacisme blanc, l’antisémitisme, l’islamophobie, la violence misogyne et la violence antiautoritaire et bien souvent par tous ces éléments à la fois, faisant de l’EVCI l’une des menaces les plus importantes auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.

[Français]

     L'inscription de ces groupes sur la liste des entités terroristes est l'un des outils à la disposition du gouvernement du Canada.
    En 2019, comme vous vous en souvenez peut-être, le gouvernement du Canada a ajouté à la liste le réseau néonazi international Blood & Honour et sa filiale armée Combat 18.

[Traduction]

    J’invoque le Règlement, monsieur le président...
    Monsieur le président, je n’entends pas l’interprétation.
    Effectivement, moi non plus.
    Pouvons-nous vérifier cela?
    Moi, j’entends l’interprétation.
    Monsieur Rochon, poursuivez.
    Dois-je reprendre là où je me suis arrêté, ou voulez-vous que je recommence à partir de là où je suis passé au français?
    À partir du début en français, je pense que ce serait très utile. Merci.

[Français]

    D'accord.
    L'inscription de ces groupes sur la liste des entités terroristes est l'un des outils à la disposition du gouvernement du Canada.
     En 2019, comme vous vous en souvenez peut-être, le gouvernement du Canada a ajouté à la liste le réseau néonazi international Blood & Honour et sa filiale armée Combat 18.
    Sur le plan opérationnel, ces inscriptions ont contribué à la suppression de la présence en ligne de ces groupes. Les plateformes de médias sociaux qui vendaient des produits affiliés au groupe ont maintenant interdit les comptes associés. En outre, les fournisseurs de services canadiens ont aussi fermé les sites Web affiliés.

[Traduction]

    Plus tôt cette année, le gouvernement a inscrit 13 nouveaux groupes sur la liste, dont quatre groupes prônant l’extrémisme violent à caractère idéologique: le Mouvement impérial russe, Atomwaffen Division, The Base et Proud Boys. Il en est ainsi parce qu’une telle inscription entraîne d’importantes conséquences. Bien qu’être inscrit sur la Liste ne constitue pas un crime, une fois qu’une entité y est inscrite, elle correspond à la définition de « groupe terroriste » du Code criminel, qui est invoquée dans plusieurs infractions de terrorisme, notamment le recrutement, la formation, les déplacements et le financement du terrorisme. Inscrire une entité sur la liste peut donc aider la GRC à mener à bien une enquête criminelle et possiblement à déposer des accusations. Cela peut également mener à des mesures non criminelles comme la perte pour l’entité du statut d’organisme de bienfaisance ou l’interdiction de territoire imposée par le Canada à un ressortissant étranger.
    Le gouvernement du Canada adopte une approche générale pour déterminer quelles entités on devrait en priorité envisager d’inscrire sur la Liste. On se tourne ensuite vers les rapports du renseignement criminel et du renseignement de sécurité pour étayer ces choix, qui sont ultimement soumis à l’examen indépendant du ministère de la Justice; ce dernier veille à ce que le critère établi dans le Code criminel soit respecté. Il est important de souligner que le critère juridique ne vise pas uniquement les groupes qui ont commis des actes de violence. Il s’applique également chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une entité a tenté de se livrer à une activité terroriste, a conspiré en vue de s’y livrer ou a conseillé à quelqu’un de s’y livrer.
    Le régime comporte plusieurs mécanismes visant à garantir que le processus d’inscription à la Liste est équilibré et juste. Une entité qui y est inscrite peut demander que le ministre de la Sécurité publique recommande au gouverneur en conseil de l’en retirer. Cette démarche peut avoir lieu à tout moment. Le Code criminel prévoit également la possibilité que la Cour fédérale se prononce sur la décision du ministre. Finalement, la loi exige qu’un examen de chaque entité inscrite sur la Liste ait lieu aux cinq ans afin de vérifier s’il est justifié ou non qu’elle y demeure.

[Français]

     Nous sommes conscients que la lutte contre la menace de l'extrémisme violent à caractère idéologique n'est pas seulement une question d'application de la loi ou de technologie.
    Le Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence est chargé de diriger les efforts nationaux du Canada en matière de prévention de la radicalisation menant à la violence. Le Centre fournit des fonds, par l'entremise de son programme de subventions et de contributions, pour soutenir les efforts des chercheurs et des praticiens de première ligne, afin de comprendre, de prévenir et de contrer la radicalisation menant à la violence au Canada.
    Le gouvernement du Canada travaille aussi activement avec les partenaires du Groupe des cinq et les alliés du G7, le secteur technologique, les experts et la société civile pour contrer plus efficacement l'extrémisme violent à caractère idéologique dans l'espace virtuel.
    Le Canada est également signataire de l'Appel à l'action de Christchurch pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes violents en ligne.
    Notre gouvernement continuera donc de mettre à contribution toute la gamme de ressources dont il dispose pour traiter cette question et pour protéger nos communautés contre l'extrémisme violent.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Hahlweg.

  (1650)  

    Je tiens à remercier le Comité de m’avoir invité et lui suis reconnaissant qu’il prenne le temps d’étudier la question de l’extrémisme violent à caractère idéologique, l’EVCI, au Canada. Cette menace demeure une grande priorité pour le SCRS.
    Comme je l’ai mentionné, je m’appelle Tim Hahlweg et je suis directeur adjoint, Exigences, au SCRS.
    Comme vous le savez à ce comité, le mandat du SCRS consiste à enquêter sur les menaces pour la sécurité du Canada, à conseiller le gouvernement sur ces menaces et à prendre des mesures pour les réduire.
    Depuis 2014, des Canadiens motivés, en tout ou en partie, par une idéologie extrémiste ont tué 21 personnes et en ont blessé 40 autres en sol canadien. Cette menace est complexe. Ses ramifications vont bien au-delà de l’application de la loi et de la sécurité nationale. Pour la neutraliser, il faut une réponse pangouvernementale mettant en jeu des intervenants des domaines social, économique et sécuritaire. Vous entendrez mes collègues vous répéter la même chose.
    Il est important de bien choisir ses mots pour discuter des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, en particulier lorsqu’il est question d’extrémisme violent. Pour cette raison, en 2019, le SCRS a pris les devants pour établir, en collaboration avec ses partenaires du Groupe des cinq et de l’appareil du renseignement et de la sécurité, une terminologie qui décrit mieux les menaces que représente l’extrémisme violent.
    Grâce à ces efforts, le gouvernement du Canada utilise maintenant les expressions suivantes pour discuter d’extrémisme violent: extrémisme violent à caractère religieux; extrémisme violent à caractère politique et extrémisme violent à caractère idéologique.
    En ce qui a trait à l’EVCI, en particulier, les analyses du SCRS ont montré que les termes extrême droite et extrême gauche étaient trop simples et à saveur trop politique: ils ne reflétaient pas adéquatement la complexité du contexte de la menace.
    Il est difficile de trouver des termes qui qualifient parfaitement bien les menaces dans un contexte complexe. Cela dit, les expressions retenues, soit EVCP, EVCR et EVCI, ont aussi été conçues de manière à refléter les textes législatifs actuels, en particulier l’alinéa c) du paragraphe 2 c) de la Loi sur le SCRS et l’article 83.01 du Code criminel. Ces catégories d’extrémisme ne sont pas nécessairement exclusives, car les discours extrémistes sont souvent fondés sur les doléances personnelles des intéressés.
    Même l’EVCI n’est pas universel. Les acteurs de l’EVCI sont motivés par des griefs, des idées et des discours très variés, dont des théories conspirationnistes. Ils peuvent avoir l’intention de commettre des actes de violence ou inciter des personnes à commettre de tels actes pour réaliser des changements dans la société.
    Le SCRS a établi quatre catégories d’EVCI. Il regroupe donc les idéologies axées sur la xénophobie, le genre, l’opposition à l’autorité et les autres motifs de violence fondés sur des récriminations personnelles. Ces catégories ne sont pas étanches. Une personne peut être motivée par plusieurs idéologies ou passer d’une idéologie à une autre. Les partisans de l’EVCI continuent de prendre pour cible des groupes qui ont droit à un traitement équitable, comme les personnes racisées, les minorités religieuses, les membres de la communauté LGBTQ2 et les femmes.
    Comme nous le savons, il n’est pas illégal d’être haineux, raciste ou misogyne. La liberté d’expression est un droit protégé par la constitution. Pour cette raison, il est expressément interdit au SCRS d’enquêter sur les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord.
    Le SCRS n’enquête que sur les personnes dont les activités correspondent aux menaces définies dans la Loi sur le SCRS, c’est-à-dire celles dont les activités visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique. Seule une petite partie des adhérents à des discours s’inscrivant dans l’EVCI passent du clavardage aux actes. Le SCRS enquête sur les personnes qu’il soupçonne de poser une menace pour la sécurité du Canada et travaille en étroite collaboration avec les organismes d’application de la loi, comme la GRC, pour répondre adéquatement à ces menaces.
    La propagation rapide des discours de l’EVCI en ligne ajoute à ce défi. Les services en ligne peuvent faire écho à la haine. Les partisans de l’EVCI peuvent tisser des liens et communiquer anonymement en ligne. La mobilisation à la violence peut survenir rapidement. Aussi, le nombre de jeunes qui adhèrent à ces discours et inspirent d’autres personnes à commettre des actes de violence est particulièrement troublant.
    La pandémie de COVID-19 a amplifié la menace liée à l’EVCI. Les mesures de santé publique ont intensifié les propos xénophobes et antiautoritaires ainsi que les théories de complot, dont certains rationalisent l’usage de la violence. Nous pouvons voir clairement les effets de ces discours pendant la vaccination.
    Par ailleurs, je vous invite à lire le Rapport public 2020 du SCRS, qui a été déposé plus tôt ce printemps. Il décrit en détail l’important travail que le SCRS a effectué l’année dernière pour protéger le Canada et sa population dans un contexte de la menace qui changeait rapidement.

  (1655)  

    Le rapport public indique clairement que l’extrémisme violent continue de capter une partie importante de notre attention et de nos efforts, en particulier les menaces inspirées par l’EVCI en ligne et dans le monde réel. L’EVCI est une menace complexe et polyforme qui mine la cohésion sociale, et le SCRS, qui travaille en étroite collaboration avec les collectivités et nos partenaires de partout au pays, est déterminé à s’acquitter de son mandat qui consiste à assurer la sécurité de tous les Canadiens.
    Enfin, je tiens à remercier les employés du SCRS, nos collègues policiers et tous ceux qui travaillent dans le domaine de la sécurité nationale. C’est un travail difficile, qui exige souvent l’exposition à du contenu ignoble et odieux pour détecter et enquêter sur ces menaces, et je les en remercie.
    Ainsi se termine mon exposé et je serai heureux de répondre à toutes vos questions durant cette séance.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hahlweg.
    Sous-commissaire Duheme, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Monsieur le président et membres du Comité, bonsoir.
    Je m'appelle Michael Duheme. Je suis sous-commissaire à la GRC et je suis responsable du programme de la Police fédérale.

[Traduction]

    Je suis accompagné du commissaire adjoint Mark Flynn, qui est le directeur général de la sécurité nationale et de la police de protection de la GRC.
    Nous nous réjouissons d’être parmi vous aujourd’hui pour répondre à des questions sur l’EVCI, en compagnie de mes collègues du gouvernement fédéral qui sont également touchés par ce sujet très préoccupant.
    Le contexte de la menace que constitue l’EVCI est complexe et évolue rapidement, et il exige une collaboration étroite entre les partenaires de la sécurité et du renseignement à tous les niveaux. Du point de vue de l’application de la loi, les incidents violents motivés par la haine et les menaces criminelles découlant de l’EVCI sont de plus en plus fréquents dans tout le pays. Les auteurs de la menace les plus courants que nous voyons sont des individus sans affiliation claire à un groupe, qui sont motivés par des idéologies très personnalisées et nuancées qui amènent les individus à inciter à la violence ou à se mobiliser en faveur de la violence.
    Ce qui est peut-être le plus important, c’est que la GRC constate une croissance effrénée du contenu haineux et EVCI en ligne. Nous sommes profondément préoccupés par les opinions extrémistes qui sont d’abord encouragées en ligne et qui peuvent mener — et ont mené — à la violence physique. La GRC a vu plusieurs exemples de cette évolution, mais je ne peux pas fournir de détails dans cette tribune ouverte, car plusieurs de ces enquêtes sont en cours ou ont donné lieu à des poursuites actuellement en instance devant les tribunaux.
    La nature de plus en plus individualisée et sans leader de ce contexte de menace, combinée au caractère central et à l’effet amplificateur du monde virtuel, occasionne des difficultés de détection et d’autres défis qui entraînent un changement dans les priorités de la GRC en matière de sécurité nationale. Dans cette optique, nous réévaluons les éléments de notre positionnement actuel en matière de lutte contre le terrorisme, ainsi que nos stratégies de lutte contre les menaces EVCI et les besoins en ressources. La GRC prend son mandat de prévention très au sérieux, et la clé de la prévention est une information et une intervention opportunes, avant qu’il ne soit trop tard.
    La nature de la menace posée par l’EVCI soulève également des considérations de compétence et de mandat qui renforcent le besoin de coordination et d’échange d’information entre les partenaires nationaux d’application de la loi et le milieu de la sécurité et du renseignement.
    En vertu du Programme de services de police fédérale et de sécurité nationale, la GRC a pour mandat d’enquêter sur les activités criminelles liées à l’EVCI qui constituent une menace pour la sécurité nationale au sens de la Loi sur le SCRS. À ce titre, nous entretenons des partenariats étroits avec le SCRS et d’autres organismes nationaux de sécurité et de renseignement, et nous participons à l’échange d’informations tactiques avec des partenaires étrangers pour contrer les menaces liées à l’EVCI.
    Par ailleurs, les services de police compétents ont la responsabilité principale d’enquêter sur les activités criminelles motivées par la haine. Ces réalités liées aux administrations soulignent l’importance de la coordination de l’application de la loi à tous les niveaux pour combattre cette menace en évolution, ainsi que la valeur des services de police axés sur le renseignement.
    Comme il y a souvent chevauchement entre les crimes motivés par la haine et la criminalité liée à l’extrémisme violent motivé par une idéologie, la GRC travaille en étroite collaboration avec les services de police compétents afin de cerner les menaces criminelles qui intéressent la sécurité nationale et afin de mener des enquêtes coordonnées. Nous travaillons également, à l’interne, à l’élaboration de lignes directrices et d’indicateurs uniformes pour déterminer si une menace ou une activité criminelle particulière relève du mandat de la GRC en matière de sécurité nationale.
    En ce qui concerne les enquêtes criminelles, la priorité absolue de la GRC est de protéger la sécurité des Canadiens. Il est également important de remarquer que les Canadiens minoritaires sont, de façon disproportionnée, les victimes — et non les auteurs — de la violence motivée par la haine et liée à l’EVCI. Il incombe au milieu de la sécurité et du renseignement d’utiliser tous les outils à sa disposition pour protéger ces collectivités contre des actes violents.
    La GRC a le mandat rigoureux de prévenir les activités criminelles, et nous pouvons suivre diverses pistes d’enquête pour atténuer les menaces potentielles à la sécurité publique ou nationale, lorsqu’elles sont portées à notre attention. Lorsque des accusations criminelles s’appliquent, la GRC travaille de concert avec les procureurs de la Couronne, y compris le Service des poursuites pénales du Canada, afin de déterminer avec soin quelles infractions ont les meilleures chances d’aboutir à des poursuivies fructueuses.
    Sur ce, je vous remercie. J’espère que ma présence et celle de Mark Flynn pourront vous aider à clarifier la situation en ce qui concerne EVCI.
    Merci, monsieur le président.

  (1700)  

    Merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Sur ce, le dernier témoin est du CST.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui pour discuter de l'extrémisme violent à caractère idéologique au Canada.
    Mon nom est Artur Wilczynski. Je suis le chef adjoint associé du Renseignement électromagnétique, ou SIGINT, auprès du Centre de la sécurité des télécommunications, aussi appelé le CST.
    Le CST relève du ministre de la Défense nationale et est l'un des principaux organismes de sécurité et de renseignement du Canada, dont le mandat est de fournir du renseignement étranger à l'appui des nombreuses priorités du gouvernement. Le CST est aussi la principale autorité technique du pays en matière de cybersécurité.

[Traduction]

    Comme mes collègues l’ont indiqué, le paysage de la menace liée à l’extrémisme violent à caractère idéologique continue d’évoluer, amplifié par l’utilisation accrue d’Internet et des médias sociaux par les auteurs de menaces. Ce phénomène a donné lieu à une augmentation de la production de messages terroristes et extrémistes violents, que les groupes continuent de diffuser tout en tentant de recruter des personnes aux vues similaires pour les allier à leur cause et à leurs activités de planification.
    En vertu de son mandat de renseignement étranger, le CST s’efforce de découvrir des extrémistes basés à l’étranger, notamment ceux motivés par une idéologie, dont les efforts visent à concrétiser des attaques au Canada et à l’étranger. Il est important d’insister sur le fait que le CST ne peut pas diriger ses activités contre les Canadiens ou quiconque se trouvant au Canada. Nos efforts doivent cibler des auteurs de menaces qui se trouvent à l’extérieur du Canada.
    En plus du renseignement étranger, le CST peut fournir du soutien technique à des partenaires clés du gouvernement du Canada qui exercent des fonctions de sécurité nationale, de police fédérale, et aux organismes de défense. Toute assistance offerte se déroule conformément aux pouvoirs et aux paramètres juridiques et politiques du mandat de l’organisme demandeur.
    Le CST travaille en étroite collaboration avec ses partenaires internationaux. Nous échangeons entre partenaires de précieux renseignements sur des auteurs de menaces, y compris sur l’EVCI. Ces échanges ont d’importants effets positifs sur le maintien de la sûreté et de la sécurité de nos pays respectifs.

[Français]

    La collaboration avec nos partenaires du gouvernement fédéral et nos partenaires internationaux est essentielle pour lutter contre l'extrémisme violent à caractère idéologique, et je tiens à vous assurer que le CST continuera de travailler en vertu de son mandat et avec ses partenaires pour appuyer les efforts contre l'extrémisme.
    Je vous remercie.
    Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci aux témoins.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions, de six minutes chacune.
    Nous allons passer à Mme Stubbs, à Mme Damoff, à Mme Michaud et à M. Harris, dans cet ordre.
    Madame Stubbs, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Hahlweg, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de la fluidité des définitions liées aux différentes catégories de l’EVCI, dont vous avez parlé, mais aussi au sujet d’autres activités, comme l’extrémisme violent à caractère politique ou religieux.
    Pourriez-vous également nous parler du tableau qui figure dans le rapport de 2019 et qui divise l’extrémisme violent à caractère idéologique en sous-catégories? Il y a aussi une catégorie supplémentaire intitulée « autres ». S’agit-il d’un fourre-tout pour les attaques de masse? Qu’est-ce qui serait inclus là-dedans?
    Merci beaucoup pour la question.
    Je peux peut-être commencer par le bas de la liste. Je pense parvenir à être un peu plus clair si je commence par la catégorie « autres », qui va m'aider à cerner la réalité de l'univers de l'EVCI.
    Dans cet univers, la catégorie « autres » est évidemment liée aux quatre catégories que j’ai énoncées au début, qui comprennent la xénophobie, le suprémacisme blanc ou le néonazisme et l’ethnonationalisme; l’antiautorité et le ciblage du gouvernement et des forces de l’ordre; et le ciblage du genre, qui peut mener à la misogynie violente. La catégorie « autres » exemplifie la fluidité de cet environnement parce qu'un certain nombre de personnes n’ont pas d’idéologie définie, ne sont pas liées à un complot donné ou passent d'un groupe à l'autre, et qu'il est dès lors très difficile de les situer.
    Dans l’univers de l'EVCR, on trouve d'autres auteurs de menace comme Al-Qaïda et Daech. Nous avons affaire à une idéologie commune à laquelle ces gens adhèrent.
    Dans l’univers de l'EVCI, les choses sont très différentes. Nous assistons à beaucoup de mouvements selon la nature des doléances qui changent constamment au gré des situations. C'est ce que nous avons constaté à la faveur de l'épidémie de COVID-19, certains s'étant enthousiasmés pour les causes soutenues, de sorte que cette catégorie n’est pas aussi fluide que les autres, plus typiques et plus traditionnelles de de l'univers de l'EVCR.
    J’espère que cela répond à votre question.

  (1705)  

     Oui, c’est le cas. Merci.
    C’est édifiant et il apparaît alors logique que les définitions aient été adaptées pour ne pas être perçues comme étant teintées de partisanerie ou politique politicienne. De plus, si je vous ai bien compris, il existerait un fil conducteur entre ces différents acteurs, celui de l’extrémisme violent à caractère idéologique, ainsi que celui de l’extrémisme violent à caractère religieux ou politique, ce qui est révélateur.
    Je me demande si vous êtes en mesure de nous donner plus de précisions sur les attaques qui ont causé la mort des 21 personnes mentionnées dans le rapport de 2020. Je ne suis pas certaine de ce dont nous pouvons parler ici à propos des enquêtes ou des organismes plus ou moins concernés — tous sont probablement concernés —, mais pouvez-vous donner aux Canadiens une idée de ce qui a causé ces décès ainsi que des attaques menées contre ces victimes?
    Absolument.
    En 2014, il y a d'abord eu la fusillade de Moncton, perpétrée par Justin Bourque. Trois personnes ont été tuées et deux autres blessées. En 2015, un projet d'attentat contre un centre commercial d’Halifax a été déjoué, et il n’y a pas eu de victimes. En 2016, il y a eu l’agression à coups de pied, à Edmonton, qui a laissé une personne morte. En 2017, Alexandre Bissonnette a attaqué la mosquée de Québec et a fait six morts et 19 blessées.
    En 2018, Alek Minassian a attaqué une fourgonnette à Toronto. Dix personnes ont été tuées et 16 ont été blessées. En 2019, il y a eu l’attaque au couteau à Sudbury, qui a fait deux blessés. Enfin, en 2020, il y a eu l’attaque dans un salon de massage à Toronto qui a fit un mort et un blessé.
    Je pense ne rien avoir oublié, mais au cas où, je vais inviter mes homologues de la GRC vous répondre.
    Non, vous avez tout couvert.
    Merci.
    Merci.
    Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de complots liés à l'extrémisme violent à caractère idéologique, qui ont été déjoués l’an dernier?
    Malheureusement, compte tenu des conditions dans lesquelles se déroule cet entretien, je ne pourrai pas entrer dans les détails de ces enquêtes, en particulier sur les complots déjoués, outre que certaines enquêtes sont toujours en cours.
    Je peux vous assurer que vos collègues du CPSNR et du Service se rencontrent régulièrement pour discuter de ces discussions classifiées.
    Pouvez-vous nous donner une idée générale de l’ampleur ou de la portée des menaces? Cela concerne-t-il des dizaines, des centaines ou des milliers de cas...?
    Je peux dire qu’en général, parce que nous prenons la menace très au sérieux et que nous mobilisons de gros moyens au sein de l’organisation... Comme vous le savez, nous avons des antennes régionales un peu partout au pays et des postes à l’étranger. Tous ces employés de notre organisation travaillent de concert avec leurs partenaires chargés de faire appliquer la loi et d’autres membres du milieu de la sécurité et du renseignement afin de repérer et de perturber ce genre d'activité.
    Vous savez que nous avons aussi pour mandat de réduire la menace et nous prenons donc les mesures qui s'imposent pour essayer de perturber les complots. Face à la montée en puissance des activités de nature terroriste, nous avons dû forcément accroître nos actions de perturbation.

  (1710)  

    Merci, madame Stubbs.
    Madame Damoff, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins d’être ici aujourd’hui, surtout à si court préavis. Vos témoignages sont très appréciables.
    Ma première question s’adresse au SCRS.
     Vous avez parlé de la haine en ligne et de la prévalence des « caisses à résonance de la haine », qui accélèrent le passage à la violence. L'Association nationale pour les armes à feu est un groupe qui publie des photos offensantes en ligne et qui a répercuté des tweets sympathiques à des groupes considérés de la mouvance de l'EVCI. L’un des tweets en question disait ceci: « Si la police ne vous protège pas pendant une émeute violente, vous devrez vous protéger et protéger les autres. »
    J’ai personnellement été la cible de leurs commentaires. Récemment, le Comité a voté pour condamner les propos tenus par ce groupe qui dans des échanges où les gens proposaient de passer à la guillotine les parlementaires qui appuient le contrôle des armes à feu, qualifiant ce qui se passe au Canada de « tyrannie ».
    Ma question est simple. Nous avons vu beaucoup trop d’exemples où des propos répréhensibles sont d'abord présentés comme des blagues, puis donnent lieu à une violence réelle, soit par les auteurs mêmes de ces propos, soit par leurs disciples. Je me demande simplement quel impact ce genre de propos peut avoir sur ceux qui les lisent? Ils peuvent se radicaliser à cause de cela, et ne devrions-nous pas dénoncer ces propos pour ce qu’ils sont.
     C’est une excellente question, et je pense qu’il serait utile à ce moment-ci que je vous donne une idée de la façon dont le SCRS enquête dans ce domaine. Je pense que cela nous aidera à mieux définir l'univers dans lequel nous évoluons par rapport à celui d’autres acteurs.
    Sur le plan organisationnel, nous abordons les choses suivant trois volets.
    Le premier volet concerne l’engagement passif qui repose sur des livres, des vidéos et des clavardoirs. Beaucoup de gens écoutent ou regardent les contenus violents et odieux, mais ils demeurent passifs. À ce stade-ci, ils ne passent pas à la violence.
    Quand ils passent à ce que nous considérons être le deuxième niveau de menace, leur engagement est plus actif. Non seulement ils écoutent, mais en plus, ils font de la propagande. Ils ajoutent du contenu, communiquent et font connaître leurs positions. Une grande partie de tout cela relève encore de la liberté d’expression, mais à ce stade, les gens commencent à glisser vers ce que nous appelons le troisième niveau, celui où nous intervenons activement.
    Au troisième niveau, les gens se mobilisent pour devenir violents. On constate une nette augmentation des mesures de sécurité opérationnelles qui les entourent. Ils n'agissent plus à découvert, mais dans des salles de clavardage privées et dans des forums chiffrés. Ils se tournent vers bien d’autres plateformes. À l'analyse de ce que nous devons faire à ce troisième niveau, il est vraiment important pour nous d'agir dans les limites du mandat du SCRS. Nous avons beaucoup travaillé dans ce domaine au cours des dernières années avec nos partenaires de la communauté de la sécurité et du renseignement.
    Que faut-il pour que nous puissions ouvrir une enquête sur ce genre de menaces? Nous devons avoir constaté une volonté de tuer ou d’inspirer d’autres personnes à tuer; une menace de violence grave; une tentative de changer la société, pas seulement par un discours personnel, mais par une action plus radicale; et une influence idéologique. Dès que nous sommes en présence de ces déclencheurs, nous pouvons enquêter sur les menaces. Nous nous entendons régulièrement avec nos collègues policiers, surtout ceux de la GRC, et décidons ensemble de qui de nous est le mieux placé pour prendre le dossier.
    J’espère que cela répond à votre question.
    Oui, en quelque sorte.
    Je vais poser au représentant de la GRC une question qui se situe dans la même veine. On a constaté une croissance fulgurante de ce type de contenu en ligne, et vous nous avez fait part de vos sérieuses préoccupations à cause de la circulation en ligne de points de vue extrémistes qui peuvent mener et qui ont déjà mené à de la violence physique. Mon collègue du SCRS a énuméré un certain nombre de cas où il y a eu des morts et des blessés.
    Qui est visé? Croyez-vous qu’il s’agisse d'une haine dirigée contre la race ou le genre? Voyez-vous une lien avec les manifestations anti-masques, où l’on voit flotter des drapeaux néonazis?

  (1715)  

    Nous constatons que les groupes vulnérables, comme je les appelle, sont plus ciblés que la population en général. Il est important de noter que nous faisons une distinction entre les actions EVCI et les crimes motivés par la haine. Nous avons affaire à beaucoup de propos et de crimes motivés par la haine qui tombent sous le coup du Code criminel du Canada. Il faut faire une différence. Le Code contient des articles précis sur les crimes motivés par la haine. D'un autre côté, comme mon collègue Hahlweg l’a mentionné plus tôt, avec l’EVCI, on a affaire à une idéologie profondément enracinée qui est plus complexe que la simple haine.
    Rien ne me permet de dire qu’il existe un rapport avec les drapeaux brandis lors des manifestations. Nous prenons chaque plainte au sérieux et nous faisons enquête sur chaque plainte qui nous est signalée.
    Peut-être que Mark Flynn voudra ajouter quelque chose.
    C’est dans un reportage de la CBC, à l'occasion d’une manifestation à Saskatoon, que j’ai vu cela.
    Je crois que mon temps est écoulé, monsieur le président.
    Oui, vous en êtes à six minutes. Merci beaucoup.

[Français]

     Madame Michaud, vous avez la parole pour six minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence. Je leur en suis très reconnaissante.
    La semaine dernière, nous avons reçu M. McGuinty, du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui nous a présenté son rapport annuel. Il expliquait justement à quel point les membres de ce comité dressaient un état de la situation et présentaient des recommandations au gouvernement.
    De quelle façon le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile reçoit-il cet état de la situation? Qu'en fait-il?
    On reconnaît encore le terrorisme comme la plus grande menace contre le Canada. Je me demandais si nous percevions toute cette montée de l'extrémisme violent à caractère idéologique comme une forme de terrorisme, actuellement.
    Mes questions s'adressent à M. Rochon, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Si les représentants du Service canadien du renseignement de sécurité et du Centre de la sécurité des télécommunications veulent ajouter quoi que ce soit, je les invite à le faire.
     Je vous remercie de la question.
    Je crois qu'il serait plus approprié que la GRC et le SCRS parlent de leur définition des menaces.
    Cela dit, je peux vous donner une réponse rapide. Comme mes collègues l'ont dit, il s'agit d'un travail d'équipe sur un sujet très complexe. Il est vrai que, jusqu'à ce jour, le terrorisme était vraiment la menace la plus exigeante. L'extrémisme violent constitue une sous-catégorie de cette menace. Cela fait partie du terrorisme, mais, comme l'ont expliqué mes collègues du SCRS, il nous faut de meilleures définitions.
    Nous sommes en train de définir ces différentes catégories pour savoir exactement d'où viennent ces menaces et pour mieux pouvoir y répondre.
    Voilà ma réponse à votre question. Mes collègues de la GRC ou du SCRS aimeraient peut-être ajouter quelque chose.
    En réponse à votre question au sujet de l'EVCI, j'ajouterais simplement qu'il arrive que des crimes ne semblent pas de prime abord constituer de l'extrémisme violent à caractère idéologique, mais que, durant l'enquête, nous découvrons qu'il y a un aspect d'EVCI.
    En mai 2020, une attaque a eu lieu à Toronto, et l'enquête a révélé que la personne faisait partie d'un groupe de célibataires involontaires qui n'était pas répertorié. Or, puisque l'acte avait des motivations idéologiques et qu'il visait à engendrer des conséquences, nous avons réussi à déposer des accusations de terrorisme contre cet individu.
    Donc, l'approche de la GRC en matière d'EVCI est vraiment une approche terroriste, maintenant que des groupes sont sur la liste des groupes terroristes.
    Merci beaucoup.
    On remarque que les groupes extrémistes dépendent beaucoup des réseaux sociaux et des plateformes, comme Facebook, Twitter et d'autres plateformes qui ont même été bannies, pour recruter des gens et pour les désinformer et les radicaliser. Certaines personnes croient que le fait de fermer certaines plateformes ne serait pas bénéfique parce que cela enverrait les gens sur des réseaux privés sur Internet.
    Même si ce n'est pas sur ces réseaux privés et que c'est sur les plateformes que nous connaissons et que nous consultons tous les jours, de quelle façon le gouvernement et la GRC peuvent-ils intervenir pour détecter ce genre d'extrémisme violent, qu'il s'agisse de propos violents ou de partage de vidéos?
    Faut-il qu'il y ait une collaboration avec les entreprises privées qui détiennent ces plateformes, ou est-ce que le gouvernement et la GRC pourraient intervenir directement?

  (1720)  

    Je parlerai de ce que la GRC peut faire en ce qui a trait aux sites Internet.
    La majorité des enquêtes que nous menons sur des commentaires haineux propagés sur les réseaux sociaux sont déclenchées lorsque nous recevons des signalements de gens qui ont observé cela sur un site et qui nous le rapportent. Dans la plupart des cas, nous déclenchons une enquête.
    Évidemment, si les réseaux sociaux retirent l'information sans nous en aviser, nous n'avons pas accès à cette information. Ce n'est pas différent de ce qui se passe quand quelqu'un appelle la police pour faire un signalement et que la police déclenche une enquête, sauf que cela se passe sur les réseaux sociaux.
    Si les plateformes retirent cette information sans nous en aviser, nous ne pouvons plus agir en toute connaissance de cause relativement à la plainte.
    Il arrive souvent que des députés du Parlement reçoivent un message à caractère désobligeant ou haineux sur les réseaux sociaux. Dans ces cas également, la GRC déclenche une enquête et nous la menons jusqu'au bout. Parfois, cela représente un défi parce que les gens peuvent utiliser toutes sortes de mécanismes sur les réseaux sociaux pour ne pas être retrouvés.
    Je ne vous cacherai pas qu'il s'agit de l'une de nos préoccupations, et cela ne concerne pas que les réseaux sociaux. Lorsqu'on met en œuvre une nouvelle loi ou un nouveau processus, les gens trouvent toujours des moyens de contourner cela grâce à d'autres mécanismes.
    Vous avez tous entendu parler du dark Web, ou Web caché. Il y a probablement déjà beaucoup de groupes d'EVCI sur le Web caché.

[Traduction]

     Malheureusement, votre temps est écoulé, madame Michaud.
    Monsieur Harris, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de nous avoir éclairés sur certaines de ces questions de plus en plus préoccupantes.
    Tout d’abord, M. Hahlweg pourrait peut-être répondre à cette question.
    Selon le rapport du CPSNR, on dénombrerait plus de 300 groupes de la mouvance EVCI qui sont actifs au Canada. Cela me semble énorme. Ces groups sont-ils comptabilisés à partir du niveau trois? Dans quelle mesure doivent-ils être organisés pour être considérés comme tels?
    C’est une excellente question.
    Je dirais d’abord que c’est là que réside toute la complexité des enquêtes que nous menons, parce qu’un grand nombre de doléances personnelles et de théories du complot ne se rattachent pas à une idéologie solide apte à motiver les masses. Nombreux sont ceux qui pourraient passer très rapidement de l’un à l’autre. Du point de vue du SCRS, il est essentiel de constater que la personne est arrivée au seuil de la violence ou qu'elle profane des menaces de violence, selon les quatre étapes dont j’ai parlé un peu plus tôt, avant de pouvoir enquêter activement sur elle.
    Pour ce qui est des chiffres globaux, si l'on imagine un entonnoir, le premier palier dont j’ai parlé est composé de centaines de récits différents, d’idéologies différentes, de théories de conspiration différentes. Une grande partie de tout cela relève encore de la liberté d’expression. Bon nombre de ces personnes resteront tout simplement passives. Du point de vue du SCRS, ces personnes ne deviendront pas violentes et ne nous obligeront donc pas à agir.
    J’espère que cela répond à votre question.
    Dans une certaine mesure, oui.
    Dans ces groupes du troisième niveau — je suppose que c’est là que se trouvent les 300 groupes dont nous parlons —, y a-t-il un type particulier? Nous parlons de la propension à la violence, de plans de violence ou de suggestions de passage à la violence. Y a-t-il un groupe prédominant dans les 300? Nous n’avons pas 300 catégories. Nous en avons énuméré plusieurs, comme celles qui sont motivées par une idéologie particulière, comme le suprémacisme blanc, l’antiautorité ou la xénophobie, avec des chevauchements évidents entre les sous-catégories.
    Pouvez-vous les classer pour nous et nous dire quel groupe prédomine, s’il y en a un?

  (1725)  

    Les idéologies prédominantes sont celles dont j’ai parlé au début, du moins selon nous, Les néonazis et les ethnonationalistes sont l’un des principaux groupes. L’antiautorité et le fait de cibler les gouvernements et les forces de l’ordre sont aussi une idéologie préoccupante qui a cours tant aux États-Unis qu’ici. Certaines des attaques sur notre territoire, dont j’ai parlé, ont été motivées en tout ou en partie par une misogynie violente. Ensuite, l’autre catégorie dont nous avons discuté concerne les gens qui n'obéissent à aucune idéologie sous-jacente, mais qui entretiennent des doléances personnelles et ont beaucoup de choses différentes. Encore une fois, ce sont des idéologies prédominantes, mais on assiste à beaucoup de mouvement dans cet univers. Cette fluidité est en fait l’une des plus complexes à étudier.
    Je vais céder la parole à mes collègues, mais je dois dire que je travaille dans ce domaine depuis plus de 20 ans et que je participe activement à ces enquêtes depuis longtemps. C’est un domaine complexe pour nous tous. Cependant, compte tenu de nos divers mandats et de la collaboration qui caractérise notre travail, je pense que nous faisons plus qu’atténuer la menace, car nous en définissons les contours... Pour y parvenir, et en ce qui concerne le SCRS, nous devons nous assurer d’avoir le bon mandat. Nous devons veiller à avoir les bons outils à notre disposition, ce qui passe par la modernisation de la loi afin de nous permettre de faire face à ces menaces au fur et à mesure qu’elles apparaissent.
    Merci beaucoup.
    Pouvez-vous nous dire si vous avez trouvé — et c’est probablement une question que vous vous posez tous — ce qui motive une personne, ou pouvez-vous nous dire ce qui incite quelqu’un à passer du deuxième au troisième niveau? Est-ce quelque chose qui dépasse vos compétences ou êtes-vous en train de regarder ce qui se passe?
    C’est très certainement quelque chose que nous analysons tous les jours et à longueur de journée.
    Le passage d'un niveau à l'autre est intéressant. Contrairement à ce que l'on constate dans la plupart des cas d'EVCR ou d’autres groupes, le passage peut se faire très rapidement. Les gens peuvent se mobiliser au troisième niveau et devenir très rapidement violents. Nous en avons vu passer du premier au troisième niveau sans vraiment de signes avant-coureurs. Nous avons aussi constaté le contraire. Nous avons vu des gens arriver à ce troisième niveau et se dire: « Oh là, là, je ne savais pas dans quoi je m'embarquais », et qui sont revenus à une position plus passive.
    On voit un peu de tout, mais c’est certainement quelque chose que nous surveillons de près.
     J’ai une petite question. Les Proud Boys ont été déclarés groupe terroriste et ont été dissous. Qu’est-ce que cela signifie? Cela veut-il dire qu’ils se sont dispersés dans d’autres groupes? Cela ne veut pas dire qu’ils ont changé d’idéologie, de pensée ou de croyance, à mon avis. Que se passe-t-il selon vous?
    Je n’en suis pas certain. Je ne peux pas parler de choses qui ont fait l’objet d’une surveillance active dans le domaine des enquêtes.
    Les Proud Boys personnifient probablement bien d’autres doléances. Il existe des sous-groupes. Il est possible que l’idéologie dominante conduise à une mobilisation violente. Certains d'entre eux demeureront dans les premiers niveaux. Ce n'est pas simplement parce que quelqu’un est un Proud Boy qu’il est activement tourné vers la violence.
    Nous voyons constamment apparaître des strates différentes dans ces groupes. C’est ce qui rend la surveillance active très difficile.
    Merci.
    Merci, monsieur Harris.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour. Nous allons accorder cinq minutes à M. Van Popta, puis à M. Fisher.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d’être parmi nous aujourd’hui et de nous éclairer sur ce sujet très important.
    Je vais poursuivre dans la même veine avec M. Hahlweg, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur.
    Nous avons beaucoup parlé aujourd’hui des trois catégories de motivation de l’extrémisme violent. Je me demande à quel point il est important de les définir. Par exemple, un de nos témoins a parlé des 21 morts dues à l'extrémisme violent caractérisé par l'idéologie, dont la fusillade à la mosquée de Québec. J’aurais plutôt pensé que cet événement aurait été attribué à des motifs religieux.
    Dans quelle mesure est-il important, monsieur Hahlweg, de bien catégoriser les choses? En quoi ces catégories constituent-elles outil qui permet au SCRS d’assurer la sécurité des Canadiens et d’intenter des poursuites?

  (1730)  

    La question se pose effectivement. Merci.
    Nous abordons la question sous l’angle du service. Je peux vous dire que la tuerie de la mosquée... Nous examinons les facteurs qui nous amènent à intervenir. À l’article 2 de notre loi, l’alinéa c) définit si le SCRS doit ou non intervenir, c'est-à-dire quand il y a violence grave. Que ce soit dans l’univers de l'EVCR, dans l'univers de l'EVCI ou dans celui du terrorisme religieux, nous nous mobilisons et décidons, à l'interne, de la priorité à accorder à nos activités d’enquête à partir de ces dispositions. C’est l’alinéa 2c) de la loi fixant notre mandat qui dicte si nous allons nous attaquer à tel ou tel univers de l'extrémisme.
    Je pense qu’il est très important d’expliquer clairement — et c’est pourquoi nous avons choisi de le faire en 2019 dans le cas de l'univers de l'EVCI — la complexité des enquêtes qui visent à nous permettre de nous représenter activement ce qui se passe et de décider du moment où notre mandat s'applique et où nous devons déclencher une enquête. À part cela, l'harmonisation avec la GRC et d’autres intervenants de notre communauté. est cruciale. Au bout du compte, nous cherchons tous à prévenir la violence dès qu'il y a une menace.
    Merci.
    Quels sont les outils que cela vous donne pour intenter des poursuites? Vous avez parlé de quatre déclencheurs. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet pour que je comprenne mieux.
    C’est un très bon point que vous avez soulevé au sujet des poursuites. Cet aspect incombe à nos bons amis de la GRC et des autres corps policiers.
    Du point de vue du SCRS, ces quatre déclencheurs, comme nous les appelons — soit la volonté d’inspirer des assassinats; la violence grave; la tentative de provoquer un changement social; et l’influence idéologique... Il est très important pour nous de passer en revue toutes ces étapes afin de comprendre ce que fait la personne dans l'univers en question, cela pour nous assurer que nous pouvons nous entendre avec nos homologues et savoir qui est le mieux placé pour faire face à cette menace. Est-ce la GRC? Est-ce un corps policier local, ou est-ce le SCRS? À moins que la personne visée ne soit pas allée aussi loin auquel cas, nous pourrions peut-être informer d’autres personnes afin qu’elles puissent remplir leur mandat un peu plus efficacement?
    Bien. Merci.
    Je ne sais pas à qui s’adresse cette question, mais elle concerne les extrémistes canadiens qui rentrent au pays, ceux qui sont allés combattre pour Al-Qaïda ou Daech en Syrie ou ailleurs, et qui reviennent parce qu’ils sont citoyens canadiens.
    Quelle est l’importance de cette menace pour le Canada? Cela me semble être un danger bien réel pour les Canadiens.
    Je ne sais pas trop à qui cela s’adresse... peut-être à la GRC.
    Je vais commencer, monsieur le président, mais je pense que votre question s'adresse un peu à Sécurité publique et au SCRS aussi.
    Ce qui est important ici, c’est qu'en vertu du mandat de la GRC, en ce qui touche à la sécurité nationale et à l’EVCI, la Gendarmerie est concernée dès qu’il y a un élément criminel.
    M. Hahlweg a mentionné que nous travaillons bien ensemble. C'est vrai. Nous ne nous disputons pas pour savoir qui va assumer la responsabilité de tel ou tel dossier, mais dès qu’il y a un élément criminel dans un dossier, cela devient notre responsabilité. Nous travaillons toujours en étroite collaboration avec le SCRS, tout au long du processus.
    Dans le cas des anciens combattants de l'EI rentrant au pays, nous commençons par examiner la liste gens qui sont déjà connus de nos services pour d'autres activités criminelles. Le SCRS peut avoir une liste différente correspondant à son mandat et à ses renseignements.
    Ces gens-là représentent-ils une menace? Nous en parlons beaucoup au sein de la communauté du renseignement pour savoir quel genre de suivi exercer à leur retour — dans le cas de ceux qui reviennent — et pour nous assurer que nous avons les ressources appropriées, les moyens de surveillance et les informations nécessaires pour agir. Vous comprendrez que, dans le cas d'une personne qui a passé six, sept ou dix ans hors du pays, on ne sait pas exactement ce qu'elle a fait ni là où elle en est.
    Ce n’est pas un problème facile, mais nous sommes une communauté unie et qui surveille la situation de près pour être certaine d'avoir les ressources nécessaires afin de remédier aux problèmes.
    Merci.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Monsieur Fisher, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins pour leurs témoignages extraordinaires. Je vous remercie d'être ici.
    Personnellement, je suis heureux que nous parlions de tout cela aujourd'hui. Dans ma circonscription, Dartmouth—Cole Harbour, les gens sont extrêmement préoccupés par la présence d'organisations comme les Proud Boys.
    Ma question s'adresse à M. Rochon, de la Sécurité publique.
    Ce n'est qu'en 2019 que deux organisations de suprémacistes, motivées par des considérations d'ordre idéologique — il en a été question aujourd'hui, soit Blood & Honour, qui s'appelle elle-même, je crois, B&H, et Combat 18 ou C18 — ont été ajoutées à la liste des organisations terroristes du Code criminel. Plus tôt cette année, quatre autres groupes avaient été ajoutés à cette liste, dont les Proud Boys.
    J'en ai parlé avec M. McGuinty l'autre jour, mais quel objectif espérez-vous atteindre par le biais du processus d'inscription sur la liste? Quel message cela envoie-t-il aux Canadiens?

  (1735)  

    Je vous remercie de la question.
    Franchement, je pense que j'ai peut-être rendu un mauvais service à Mme Michaud tout à l'heure, parce que je pense que c'est là où elle voulait en venir en ce qui concerne l'EVCI et le terrorisme, et c'est là où les deux se rejoignent en quelque sorte. La question qui vient d'être posée au sujet des voyageurs extrémistes canadiens a également portée sur cela.
    Ce ne sont pas des catégories qui s'excluent mutuellement, et c'est une situation très complexe. Pour lutter contre l'extrémisme violent à caractère idéologique, l'extrémisme violent à caractère religieux et toutes les autres formes d'extrémisme que nous commençons à définir, nous devons utiliser au mieux les outils dont nous disposons.
    Le régime d'inscription en vertu du Code criminel est l'un de ces outils. Je pense que nous avons parlé des enquêtes criminelles liées à la sécurité nationale, ou des enquêtes du SCRS, comme étant d'autres outils potentiels. Vous avez la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, qui est un autre outil. Nous avons la disposition sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public appliqué au terrorisme. Ce sont là autant d'outils qui nous aident à faire face à l'évolution des menaces que nous observons.
    Jusqu'en 2019, comme vous l'avez souligné à juste titre, l'extrémisme violent à caractère idéologique ne faisait pas partie des caractéristiques susceptibles de donner lieu à une inscription sur la liste. Le Canada a été l'un des premiers pays du Groupe des cinq, en 2019, à inscrire un groupe d'EVCI sur la liste, comme vous l'avez souligné. Plus tôt cette année, nous avons ajouté quatre autres groupes.
    Je pense qu'on constate que ces groupes d'EVCI commencent à atteindre correspondre à la définition que le Code criminel donne d'activité terroriste justifiant une inscription sur la liste. Au fur et à mesure que les groupes atteignent ce seuil, nous les couchons sur la liste qui devient un autre outil nous permettant de mieux faire face à la situation.
    Merci beaucoup.
    Dans son témoignage quelqu'un a soutenu que deux groupes néonazis n'étaient plus présents en ligne. M. Harris en a parlé également.
    Dites-nous s'il y a lieu de craindre que ces organisations se transforment en quelque chose d'autre ou qu'elles se cachent davantage, parce qu'elles ne renoncent pas à la haine qu'elles ressentent.
     Je vais essayer de répondre à cette question.
    Je pense que mon collègue du SCRS, M. Hahlweg, a bien décrit les dangers qui continueront de se présenter après l'inscription de ces entités sur la liste. A priori, le fait de les énumérer permet aux plateformes de médias sociaux de supprimer leurs comptes. Ce que je veux dire par là, c'est que ces entités pourraient avoir être présentes dans les médias sociaux afin d'essayer de recueillir des fonds pour leur cause, par exemple. Comme elles figurent sur la liste, cela permet aux plateformes de médias sociaux de leur dire: « Non, nous ne vendrons pas vos gaminets destinés à promouvoir votre idéologie. » Les plateformes peuvent donc commencer à éliminer ce genre de présence.
     Cela ne veut pas dire que vous les priverez de leur capacité à propager leur message. Je pense que c'est mon collègue de la GRC, M. Duheme, qui a dit qu'inévitablement, ces entités reviendraient sur le Web profond ou sur des canaux cryptés ou cachés pour pouvoir continuer à répandre leur discours. Au moins, avec cet outil qu'est la liste du Code criminel, ils ne pourront pas le faire aussi ouvertement.
     Toutefois, comme je l'ai dit, la liste du Code criminel n'est qu'un outil parmi d'autres. Elle nous aide à certains égards, mais elle ne fait que repousser dans le temps le moment où il faudra affronter certains défis liés à la diffusion de leurs discours dans d'autres contextes.
    Il vous reste une quinzaine de secondes.
    D'accord. J'ai une petite question.
    De façon générale, comment l'approche du Canada se compare-t-elle à celle d'autres pays aux vues similaires? Sommes-nous un chef de file dans ce domaine?
    Très rapidement, j'aime à croire que nous sommes à la table, au côté de nos partenaires du Groupe des cinq et d'autres pour essayer de régler ce problème. Ce n'est pas un problème pour lequel le Canada est seul, loin de là.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Fisher.

[Français]

     Madame Michaud, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs Rochon et Duheme, de vos réponses précédentes.
    Je vais continuer dans la même veine. Vous avez dit que la GRC peut intervenir lorsqu'une situation est portée à son attention, pas nécessairement par le dépôt d'une plainte de citoyen, mais aussi par un appel pour vous la signaler. J'imagine donc que vous pouvez documenter le genre de situation à caractère violent ou d'extrémisme violent à caractère idéologique.
    Je pense à la fameuse idéologie des incels, les célibataires involontaires. Vous avez dit qu'une accusation avait été portée à cet égard. Au-delà de cette accusation, en cette époque où l'on observe une montée des féminicides et où l'on parle beaucoup de violence envers les femmes et des moyens à prendre pour trouver des solutions, l'idéologie des incels est extrêmement inquiétante.
    Comment y faites-vous face? Trouvez-vous inquiétante la façon dont on vous signale les cas?

  (1740)  

    Ce que nous avons vu dans la dernière année, c'est qu'il y a une certaine préoccupation. Je ne veux pas jeter le blâme sur la COVID-19, mais le fait que les gens sont plus renfermés à la maison et plus présents sur l'ordinateur ou sur les réseaux sociaux a une influence. Nous avons d'ailleurs observé une augmentation des menaces ou des commentaires désobligeants envers les élus.
    J'aimerais vous donner quelques chiffres sur nos observations. En 2019 et en 2020, nous avons examiné 273 dossiers qui remplissaient les critères de l'EVCI. De ce nombre, 65 dossiers étaient liés à des motifs racistes, ethnonationalistes, et à caractère violent extrême. Environ un cinquième de ces dossiers étaient liés à l'anti-autorité, alors que la majorité d'entre eux étaient liés à des décisions gouvernementales. Les personnes visées dans ces dossiers étaient contre les lois et la police. Par la suite, il y a 29 dossiers, vraiment liés à...

[Traduction]

    Malheureusement, nous allons devoir en rester là. Ce sont des statistiques très importantes, et j'espère que vous pourrez les intégrer à d'autres questions.
    Monsieur Harris, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à M. Hahlweg, du SCRS.
    Vous avez dit que les groupes du troisième niveau ont une propension à la violence. Vous dites que cela respecte un seuil pour ce qui est, je présume, de vos pouvoirs de prendre des mesures perturbatrices.
     Pouvez-vous nous dire quelles mesures perturbatrices le SCRS pourrait prendre dans ces circonstances? De quels outils disposez-vous? Quel genre de choses faites-vous?
     Je ne suis malheureusement pas en mesure, dans le cadre de ces échanges — même si j'apprécie vraiment la question —, de parler de nos méthodes opérationnelles ou de discuter de ce que nous faisons sur ce plan, Je peux toutefois dire, compte tenu de la nature de la menace EVCI et de l'importance que nous lui accordons au SCRS, organisation, que nous avons consacré un certain nombre de ressources, comme je l'ai mentionné plus tôt. Nos bureaux régionaux et nos bureaux à l'étranger sont en contact avec des partenaires étrangers pour mieux comprendre cette menace.
    Nous disposons d'un certain nombre d'outils. Il y en a d'autres, et nous devons nous assurer de les avoir dans notre boîte à outils. Dans certains cas, il faudra examiner la Loi sur le SCRS pour s'assurer que les outils sont adaptés à la finalité recherchée afin que nous puissions identifier et contrer adéquatement toutes ces menaces.
    Une grande partie du problème, cependant, consiste à régler rapidement et fréquemment les conflits avec nos partenaires d'application de la loi et à veiller à ce que nos mandats respectifs soient pleinement appliqués...
    Je suis désolé. Vous grugez notre temps, mais vous ne nous dites rien. Merci beaucoup de votre tentative.
    Arrive-t-il souvent que des gens sont recrutés, par exemple, pour le régiment Azov en Ukraine? Nous avons identifié 14 Canadiens qui se rendent en Ukraine pour s'entraîner avec des extrémistes. Est-ce courant?
    Au début, il y a eu des voyages dans divers pays sous la rubrique EVCI. Compte tenu des restrictions imposées par la COVID-19, nous en avons évidemment beaucoup moins vus, pour diverses raisons. Nous surveillons de près ce genre d'activité.
    Cela tombe sous le coup du recrutement. Est-ce que cela se fait aussi dans le cas des organisations dont vous avez parlé?

  (1745)  

    Je dirais qu'il y a une foule de choses. C'est le recrutement, le rassemblement et les réseaux. Il s'agit de tout cela.
    Merci, monsieur Harris.
    Allez-y, monsieur Kurek. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi de remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je suis curieux. Tout à l'heure, l'un d'entre vous a mentionné 273 enquêtes concernant l'EVCI, si je me souviens bien. Avez-vous également des chiffres pour les extrémismes à caractère politique ou religieux.
    Ils sont regroupés en un seul... Je vais revenir sur les chiffres, pour bien préciser les choses.
    Nous avons classé 273 dossiers dans la catégorie EVCI, en fonction de certains critères. De ce nombre, 165 étaient des cas d'extrémiste violent à caractère racial et ethniques. Environ le cinquième des dossiers d'EVCI appartenaient à la catégorie des antiautorité. Il pouvait s'agir de commentaires désobligeants à l'endroit d'un gouvernement, mais pas nécessairement à l'endroit des élus. Des gens qui occupent des postes clés transmettent des messages sur certaines questions. Nous constatons une hausse. Les doléances contre l'application de la loi représentent un cinquième des 273 dossiers.
    Vingt-neuf dossiers sont liés à la violence d'origine incel, les autres dossiers ont un rapport avec d'autres doléances idéologiques, comme QAnon et ses théories complotistes ou les thèses sur la COVID-19, et les menaces à l'endroit d'élus.
    Merci beaucoup.
     J'ai lu qu'il n'est pas facile de faire condamner des extrémistes violents parce qu'il est difficile d'entrer des renseignements dans le système judiciaire. Il y a des conflits à cet égard.
    Je vais poser la question à la GRC et au SCRS. De quels outils a-t-on besoin pour s'assurer que les preuves recueillies et l'information trouvée peuvent être saisies et donner lieu à des condamnations?
    Il est certain qu'il faut des outils pour passer du renseignement à la preuve, et c'est une priorité pour nous. L'approche que nous adoptons, du point de vue de l'application de la loi, est toujours axée sur la sécurité publique.
    Si vous examinez les statistiques sur les condamnations pour terrorisme ou les infractions et les accusations pour terrorisme, vous constaterez que les chiffres ne sont pas très élevés. Du point de vue de l'application de la loi, nous saisissons toute occasion d'avoir un impact sur les personnes concernées pour les empêcher de progresser au sein de cet univers violent. Il suffit de frapper à leur porte et de les informer. Il pourra s'agir pour nous d'ajouter un groupe particulier, ou de préconiser l'ajout d'un groupe particulier à la liste pour que les gens sachent que tel ou tel comportement est inacceptable et qu'ils s'en dissocient. Vous verrez également des accusations récentes liées à des infractions commises avec des armes à feu, à la profération de menaces, à la possession d'explosifs, à des attaques contre des infrastructures essentielles, etc.
    Même s'il nous est difficile de mettre la main sur des renseignements qui pourraient nous apporter une bien meilleure connaissance de l'ensemble du problème, en tant que forces de l'ordre, nous tirons parti des possibilités qui existent déjà, où des éléments législatifs peuvent être appliqués, afin de nous assurer que des mesures sont prises et que nous intervenons le plus tôt possible.
     Merci beaucoup.
    Dans le récent projet de loi C-59, les conservateurs ont proposé un processus juridique allant du renseignement à la preuve en vue de permettre aux tribunaux d'obtenir des renseignements dans le cadre d'un processus d'examen judiciaire sans pour autant révéler les sources, ce qui, d'après ce que nous avons entendu dire, représente un défi de taille.
    Est-ce qu'une telle mesure permettrait aux procureurs de poursuivre plus facilement les auteurs d'actes terroristes et d'actes extrémistes violents, en particulier dans le cas de certains de ces groupes transnationaux et de diverses autres entités motivées par la haine?
    Il sera difficile de répondre à cette question en 30 secondes, monsieur Flynn.
    Pour être honnête, je ne sais pas trop par où commencer.
    Comme je l'ai dit, il y a certainement des problèmes liés au renseignement et au processus d'établissement de la preuve, et il faut trouver le juste équilibre entre la protection des sources de renseignement — qui nous aident beaucoup à comprendre comment prioriser une partie du travail que nous faisons — et la menace que posent les groupes. Les articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada prévoient déjà des mécanismes de protection.
    Du point de vue de l'application de la loi, il est évidemment très avantageux pour nous de disposer de plus d'outils et de plus d'aide pour présenter des éléments de preuve aux juges afin de déterminer la culpabilité.

  (1750)  

    Merci, monsieur Kurek, et merci, monsieur Flynn, d'avoir fait l'effort de répondre à une question très difficile.
    Monsieur Lightbound, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie, d'entrée de jeu, tous les témoins présents aujourd'hui.
    Je vous remercie des services que vous rendez au Canada en protégeant nos communautés, et également de vos témoignages, aujourd'hui, qui sont très poignants. Ils confirment l'importance pour le Comité de s'intéresser à l'enjeu de l'extrémisme violent à caractère idéologique.
    Ma première question s'adresse au Centre de sécurité des télécommunications.
    La semaine dernière, nous avons entendu le président du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, soit le CPSNR, nous mentionner, entre autres, que le caractère de la menace de l'extrémisme violent est beaucoup plus diffus qu'il ne l'était dans l'extrémisme inspiré par l'idéologie de Daech ou d'Al-Qaïda. C'est souvent une constellation de différents acteurs diffus et pas nécessairement reliés. Il s'ajoute à cela la multiplicité des moyens de communication, c'est-à-dire des canaux plus souterrains. On n'a qu'à penser à Parler, Telegram et Gab. Ce sont de nouvelles plateformes pour communiquer. Dans son rapport, le président nous mentionnait qu'on avait maintenant répertorié 6 600 voies de communication pour des groupes extrémistes, souvent d'extrême droite.
    Quels défis est-ce que cela représente pour le Centre de la sécurité des télécommunications?
    Comment vous adaptez-vous à ce nouvel environnement?

[Traduction]

    [Difficultés techniques]
    Encore une fois, monsieur Wilczynski, nous ne vous entendons pas.
    Je suis désolé. Je suppose que je dois appuyer plus fort sur le bouton.

[Français]

    Merci beaucoup de votre question.
    Une meilleure compréhension des moyens de communication actuels des groupes extrémistes est très importante du point de vue du renseignement étranger, pour déterminer les motivations de ces groupes et les stratégies qu'ils veulent adopter pour mettre à exécution leurs plans.
    C'est effectivement un défi pour nous. Nous travaillons en partenariat avec les autres agences de sécurité qui sont représentées ici, pour prioriser les différentes menaces vers lesquelles nous devons cibler nos efforts, afin de fournir l'information nécessaire pour que les collègues puissent prendre les mesures requises afin d'améliorer la sécurité des Canadiens.
    Je vous remercie.
    J'adresse ma prochaine question aux membres du SCRS.
     Vous mentionniez que la crise de la COVID-19 avait amplifié non seulement le sentiment xénophobe chez certains groupes, mais aussi les attitudes antigouvernementales et anti-autorité.
    Est-ce qu'il y a eu une mouvance de certains groupes davantage portés sur la xénophobie, vers les théories de conspiration et la mouvance antigouvernementale, anti-autorité et anti-mesures sanitaires?
    On rapportait dans les médias, par exemple, que bien des membres d'un groupe ouvertement xénophobe et particulièrement présent au Québec, la Meute, s'étaient redirigés vers des groupes s'opposant aux mesures sanitaires et à tendance conspirationniste.
    Avez-vous observé ce changement?

[Traduction]

     C'est une excellente question. Oui, nous l'avons constaté. Nous voyons souvent ce genre de mouvements. C'est assez fréquent quand un nouvel événement social galvanise les gens autour de théories complotistes ou que certains ont l'intention d'agir individuellement.
    Plus précisément, dans le cas de la COVID-19, nous avons vu divers groupes qui n'avaient jamais fait corps, ou des personnes qui ne partageaient peut-être pas la même idéologie ou la même motivation, se réunir pour une cause commune, qu'il s'agisse d'activités antigouvernementales ou d'activités anti-vaccination.
    Nous constatons très souvent cette fluidité. Cela complique énormément nos efforts d'enquête et nos efforts d'analyse. Il est très important que tous les témoins que nous recevons aujourd'hui soient en mesure d'identifier ces menaces tôt et régulièrement, afin que nous puissions nous assurer d'être bien placés pour les identifier et informer le gouvernement en conséquence.

  (1755)  

[Français]

     Ma question s'adresse toujours aux membres du SCRS.
    Vous avez mentionné, plus tôt dans votre témoignage, que, dans ces groupes d'extrémisme violent à caractère idéologique, on bougeait plus rapidement d'un tiers à un autre que dans les groupes motivés par l'idéologie religieuse.
    Pourquoi est-ce le cas?

[Traduction]

    Il y a de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte pour répondre à votre question, mais l'un des facteurs est qu'aucune idéologie commune ne lie ces groupes entre eux. Ils proviennent de vecteurs sociaux très différents. Ils ont des griefs personnels différents. Ils se réunissent dans un but précis, puis ils se dispersent et vont ailleurs.
     Dans l'univers EVCR, nous avons des auteurs de menaces traditionnels qui obéissent à une idéologie commune. C'est une situation très difficile et différente, et c'est pourquoi nous avons vraiment essayé d'identifier et de classer les différents groupes et pourquoi ces activités sont différentes.
    Merci, monsieur Lightbound.
    Cela met fin à notre deuxième série de questions.
    Pour la troisième série de questions, M. Kurek et Mme Khera ont cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Flynn, vouliez-vous ajouter quelque chose avant que n'achève mon temps de parole? Je peux passer à la prochaine question, mais je veux vous donner l'occasion de terminer votre réflexion.
    Vous devriez passer à la question suivante. Je pense avoir terminé du mieux que je le pouvais... interpellé comme je l'ai été par la question.
    Je comprends cela. Merci beaucoup.
    J'aimerais poser une autre question au sujet du projet de loi C-59, et M. Flynn serait donc probablement le mieux placé pour y répondre.
    Ce projet de loi a resserré les critère d'émission de mandats destinés à recueillir des preuves dans des affaires de terrorisme, sans changer les exigences juridiques de délivrance des mandats. Essentiellement, il est désormais plus difficile d'obtenir un mandat contre un terroriste, mais la démarche à suivre pour en obtenir un est inchangée.
    Combien de mandats la GRC ou le SCRS demandent-ils chaque année dans le cadre de ces nouvelles dispositions? Avez-vous des chiffres à ce sujet?
    Je n'ai pas ces chiffres sous la main. Je ne sais pas si le SCRS a des renseignements à ce sujet.
    Je n'ai pas non plus de chiffres précis sur le nombre de mandats que nous demandons.
    Je peux vous dire que nous parlons tous les jours de cette question dans cet édifice, pour essayer d'obtenir plus de mandats devant la Cour fédérale. C'est quelque chose que nous travaillons avec nos collègues du ministère de la Justice, mais je n'ai pas de chiffres précis.
    Je vais reposer ma question.
    Y a-t-il des outils précis qui sont nécessaires pour veiller à ce que les organismes d'application de la loi et d'enquête aient ce qu'il faut pour atteindre les objectifs et réaliser les mandats que vous avez?
    Voilà le genre de question qui s'adresse généralement davantage à un ministre qu'à des gens qui travaillent à la fonction publique. Je suis sûr qu'ils ont leurs propres idées, mais je ne suis pas sûr qu'ils puissent vous en faire part.
    Tous les témoins qui comparaissent devant nous sont très avertis, alors avec cette mise en garde, je propose que quiconque souhaite répondre à la question de M. Kurek le fasse.
    Je vais essayer de répondre.
    Bien sûr. Merci.
    Et courageusement...
    Je vais vous donner un exemple. Nous sommes très fiers du travail que nous faisons dans le cadre de nos activités de sensibilisation. Nous avons collaboré activement avec le milieu universitaire et Biopharma pendant la pandémie de COVID. Nous avons discuté avec le CRSNG des menaces qui pèsent sur les institutions d'enseignement. Nous sommes vraiment présents et engagés.
    Il y a une chose qui pose problème et que nous essayons de régler. Dans le cadre de notre engagement auprès de personnes sans autorisation de sécurité, en vertu de l'article 19 de notre loi, nous sommes autorisés à fournir seulement des renseignements non classifiés. Il est donc difficile pour nous de vraiment fournir à la collectivité l'information dont elle a besoin pour se protéger et s'assurer qu'elle résiste aux menaces qui nous guettent.
    Quand nous disons que le SCRS la loi qui le régit ne sont pas adaptés aux circonstances, je pense que cela vaudra un examen à l'avenir.

  (1800)  

    Si le temps le permet, je voudrais ajouter quelque chose.
     Allez-y. Je suis sûr que M. Kurek en sera satisfait.
    Oui, absolument.
    En dehors de toute demande prévue par la loi, nous faisons un travail important pour déterminer ce que nous pouvons améliorer, à l'interne et collectivement, notamment en collaboration avec le SCRS. Nous avons mis en œuvre de nouveaux programmes après un examen des programmes opérationnels.
     Nous mettons en œuvre un programme d'indices dans le cadre duquel nous collaborons dès que nous avons vent d'un problème. Nous faisons appel à des psychologues pour aider la police à réagir à ces problèmes, notamment pour mieux comprendre les gens et savoir comment les écarter de l'extrémisme violent ou leur offrir une occasion rapide d'atténuer les torts qu'ils causent. Je pourrais vous parler de plusieurs choses, mais je pense que cela prendrait plus de temps que ce qui est disponible.
    Je suis très curieux de l'influence étrangère qui peut jouer et des efforts déployés pour déstabiliser notre démocratie. L'un d'entre vous, peut-être un témoin du SCRS ou du CST, aurait-il quelque chose à dire de ces influences étrangères et de leur incidence sur le Canada, en ce qui concerne l'EVCI?
    Je peux commencer.
     L'ingérence étrangère est l'une des plus importantes menaces stratégiques qui pèsent sur la sécurité nationale du Canada. Le directeur du SCRS l'a dit sur bien des tribunes. Elle mine la souveraineté du Canada, ses intérêts nationaux et, plus précisément, ses valeurs. C'est une menace très complexe.
     C'est aussi une menace nationale. Elle cible tous les ordres de gouvernement, comme vous le savez, dans toutes les villes et localités de notre pays. La menace a toujours été persistante dans l'univers du renseignement étranger au Canada, mais à la faveur de la mondialisation et du développement de la technologie, le phénomène a considérablement progressé par l'ampleur, la vitesse, la portée et l'impact. Il fait appel toute une gamme de techniques, y compris les opérations de renseignement humain, les médias parrainés par l'État ou influencés par l'étranger et les cyberoutils de pointe.
     Je suis certain que mon collègue, M. Wilczynski, pourra vous en dire plus à ce sujet, mais c'est une menace importante dont, au SCRS, nous sommes absolument conscients.
    Je suis certain que M. Wilczynski aimerait répondre à cette question, mais il ne pourra pas le faire parce que le temps de parole de M. Kurek est écoulé.
    Madame Khera, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être là et, surtout, de tout le travail qu'ils accomplissent.
    Ma question s'adresse au SCRS.
     En 2010-2011, le gouvernement de l'époque a informé les Canadiens que l'extrémisme de droite n'était pas un problème important dans leur pays et que les bouffonneries de certains suprémacistes blancs très en vue étaient extrêmement rares.
    Depuis, nous avons vu proliférer les menaces posées par l'EVCI, comme celles des incels et des personnes inspirées par la xénophobie. Comment peut-on expliquer cette croissance? Ces menaces ont-elles toujours été importantes sans que nous cherchions à lutter contre elles, ou y a-t-il vraiment eu une progression rapide qui a pu être stimulée par des forces externes au cours des dernières années?
     C'est une très bonne question, mais elle est compliquée.
    Si je remonte à l'époque où on parlait encore d'extrémisme de droite et où il y a eu des attentats au Québec et d'autres attentats... À ce moment-là, pour mettre les choses en contexte, nous nous occupions, en 2014, des attentats ciblant la Colline du Parlement et de beaucoup d'autres attentats qui s'inscrivaient davantage dans la catégorie de l'extrémisme violent à caractère religieux. C'est un travail que nous recommençons tous sans cesse. Il s'agit de redéfinir l'ordre de priorité des menaces et d'affecter les ressources nécessaires pour les contrer.
     Avec la réémergence de l'EVCI et le recalibrage du Service, nous avons constaté, en ce qui concerne la deuxième partie de votre question, que ceux qui sont à l'origine des menaces ont des moyens plus avancés que ce que nous avons vu par le passé. Il y a de nouveaux outils en ligne, de nouveaux moyens de communication, une interaction plus rapide, de sorte que ces gens peuvent rester tranquillement chez eux sans avoir jamais à se rencontrer en personne. Cela a donné un élan à l'univers de l'EVCI, qui prend de l'ampleur, de sorte que la surveillance est très difficile et complexe.
    Merci.

  (1805)  

    Merci.
    Monsieur Wilczynski, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui.
    Pour revenir à ce que M. Hahlweg a dit et à une partie des questions précédentes, je tiens à souligner qu'il s'agit vraiment d'un phénomène mondial. Lorsque nous interagissons avec des partenaires internationaux, lorsque nous parlons à nos collègues du Groupe des cinq, nous constatons que c'est une préoccupation de plus en plus présente chez nos collègues. Voilà pourquoi, au plan du renseignement étranger, nous croyons devoir continuer de nous occuper de cette question et, encore une fois, de travailler avec nos collègues du SCRS et d'autres clients, car nous devons nous assurer que la dimension internationale du problème et sa nature mondiale sont comprises, tout comme le lien entre le phénomène et sa manifestation au Canada.
    Je vous remercie.
    J'ai une autre question à poser au SCRS ou peut-être même à la GRC. Nous savons que la violence fondée sur le sexe est une menace très grave, et nous sommes en train d'élaborer une stratégie nationale de lutte contre cette violence. Dans votre déclaration liminaire au nom du SCRS, vous avez dit que l'un des visages de cette violence est la misogynie. Pourriez-vous expliquer un peu plus en détail le lien entre l'EVCI et la violence fondée sur le sexe?
    Lorsque nous examinons des groupes comme les incels, c'est-à-dire les célibataires involontaires, nous remarquons que cette idéologie présente beaucoup de caractéristiques de nombreuses idéologies dont nous étions conscients par le passé.
    Les incels appartiennent à un groupe d'hommes misogynes. Comme la plupart des autres personnes violentes, ils se rassemblent principalement sur des plateformes en ligne. Ils utilisent une terminologie unifiée. Ils ne constituent pas vraiment un groupe organisé, de notre point de vue, et il n'existe pas de structure ou de planification centralisées. Ils croient toutefois que leur génétique détermine la qualité de leur vie et de leurs relations, ce qui signifie qu'ils blâment leurs caractéristiques physiques peu attrayantes pour leur incapacité à attirer les femmes. Ils attribuent leurs lacunes perçues à la femme et à la société en général.
    Il y a aussi des sous-catégories dans ce genre d'idéologie. L'androsphère a émergé. Il s'agit d'un réseau de groupes misogynes et suprémacistes masculins en ligne qui parlent des droits des hommes pour glorifier la violence dans la misogynie violente. Ces sous-groupes nous inquiètent beaucoup.
    Du point de vue du service, je dirais que ces hommes ne sont pas tous violents. Pour ce qui est de la loi et de l'atteinte de notre seuil d'intervention, une grande partie de cette activité se situe au premier niveau dont j'ai parlé. Toutefois, c'est tout à fait un sujet de préoccupation au plan national.
    Merci.
    Merci, madame Khera.
    Madame Michaud, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    On comprend que l'extrémisme violent à caractère religieux qui dépend des réseaux sociaux représente une menace extrêmement moderne, et qu'il devient difficile de légiférer à cet égard. Comme vous le disiez, monsieur Duheme, les gens vont vraisemblablement trouver une manière de contourner ces nouvelles lois, les rendant rapidement caduques.
    Vous être probablement tous au courant du massacre de Christchurch, que la première ministre de Nouvelle-Zélande avait qualifié de geste destiné à être diffusé sur Internet. À la suite de cet événement, l'Australie a adopté la Criminal Code Amendment (Sharing of Abhorrent Violent Material) Act 2019, qui modifie le Code criminel australien en ajoutant comme infraction le fait d'héberger ou de diffuser du contenu violent sur les réseaux sociaux ou sur tous sites.
    Selon vous, le Canada devrait-il adopter une loi similaire?
     Je vais demander à M. Rochon de vous parler de ce qui se fait à l'heure actuelle et de l'enjeu que vous avez soulevé.
    Je vous remercie.
    Justement, je n'ai pas envie de continuer à passer le flambeau.

[Traduction]

    Jill Wherrett pourrait-elle intervenir pour donner le point de vue de la Sécurité publique, en ce qui concerne la réponse du Canada à l'appel de Christchurch? Nous avons certainement été solidaires de nos collègues néo-zélandais. Le deuxième anniversaire de l'attentat sera souligné cette semaine.
    Madame Wherrett, voulez-vous répondre à la question de Mme Michaud?
    Je vais réitérer la même mise en garde que j'ai adressée à M. Kurek: la possibilité d'une initiative législative relève du ministre.
    Mais vous semblez tous être de bonnes gens et vous avez certainement des opinions, alors je vais laisser les choses suivre leur cours.

  (1810)  

[Français]

    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Je ne dirai pas un mot de la politique gouvernementale sur le plan législatif, mais je répondrais que, comme mes collègues l'ont expliqué, il y a vraiment une variété d'outils qui peuvent être utilisés — mesures législatives, collaboration avec des organisations de la société civile ou bénévolat —, et les gouvernements, les plateformes des médias sociaux et l'industrie du numérique peuvent travailler ensemble. C'est certainement un aspect important, en fait, de l'appel de Christchurch dont mon collègue vient de parler; il y a une série d'engagements pour les gouvernements, des engagements pour les entreprises de technologie et des engagements communs.
    L'un des éléments — et nous y travaillons ici —, c'est que, outre la dimension législative, des protocoles de crise peuvent être mis en place, de sorte que lorsqu'il y a certaines activités de diffusion en continu, comme dans le cas de Christchurch, nous puissions nous mobiliser rapidement pour travailler avec les entreprises et stopper la diffusion du contenu. C'est un autre outil que nous pouvons utiliser. Les mesures législatives ont leur rôle à jouer.
    Merci, madame Michaud.
    Monsieur Harris, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Le représentant du SCRS pourrait peut-être répondre à ma première question également.
     On signale des activités de groupes extrémistes au sein des forces armées. Le monsieur, un certain M. Hurren — ce n'est peut-être pas à bon escient que je l'appelle monsieur —, qui est allé à Rideau Hall avec un camion rempli d'armes et qui a renversé la barrière, était un réserviste.
    On nous dit qu'il y a des groupes de partisans de l'extrémisme au sein des forces armées. Menez-vous activement des enquêtes concernant les militaires, ou ce travail est-il laissé à la police militaire?
    Je vous remercie de votre question.
     Le Service participe activement et collabore avec les militaires en ce qui concerne l'EVCI et toutes les autres activités de menace. Ce que je peux dire, c'est que, si une personne au sein de l'armée répond à nos critères d'enquête ou d'utilisation de notre pouvoir de réduction de la menace, le fait qu'il s'agit d'un militaire ne va pas nous empêcher de faire notre travail.
    Nous collaborons activement avec les militaires sur le plan de l'éducation de première ligne. Nous les renseignons sur les éléments qu'il peut y avoir lieu de surveiller. S'ils ont des inquiétudes, nous pouvons analyser certaines choses, faire enquête, en ce qui concerne l'EVCI, dans le but de les éduquer afin qu'ils soient mieux en mesure de repérer certains de ces problèmes par eux-mêmes.
    Les statistiques nous disent que la police militaire compte environ 1 250 agents. Elle ne manque pas de personnel.
    Dans le Service, avez-vous remarqué que, peut-être le plus souvent, vous tombez sur des militaires? Est-ce fréquent? Renvoyez-vous ces cas à la police militaire ou continuez-vous votre travail comme si c'était n'importe qui d'autre?
    Bien que je ne puisse pas parler d'activités d'enquête ni de dossiers précis, je peux dire que, globalement, le phénomène de l'EVCI a pris de l'importance. Dans tous les secteurs de la société, nous voyons de plus en plus d'activités de cette nature. Il me semble donc normal que nous constations la même chose chez les militaires. Nous entretenons un étroit dialogue avec nos collègues du MDN.
    Merci, monsieur Harris.
    Monsieur Van Popta, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je vais poser des questions qui font suite à celles de Mme Michaud, il y a quelques minutes, au sujet des cadres législatifs de lutte contre la violence extrémiste en ligne. Ce n'est pas tellement une question de législation, mais plutôt une question technique, et je ne suis pas du tout technicien.
    Monsieur Wilczynski, avons-nous les outils technologiques voulus pour pouvoir repérer les communautés en ligne qui favorisent la violence sous quelque forme que ce soit et prévenir et perturber leur action?

  (1815)  

    Je vous remercie de la question.
    Encore une fois, je vais revenir au mandat de base du CST, et au SIGINT, qui est la collecte de renseignement étranger. Les types d'activités dont vous parlez, à propos de nos pouvoirs de collecte, ne sont pas nécessairement conformes à notre loi habilitante.
    En ce qui concerne les mesures législatives récentes, le projet de loi C-59 et la Loi sur le CST nous confèrent un mandat en matière de cyberopérations. Les seuils et la proportionnalité sont cependant des considérations très importantes que nous ne devons pas perdre de vue. Nous sommes très conscients de l'importance de la liberté d'expression. Il y a un seuil assez élevé à respecter. Le CST tend à être très prudent à cet égard.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous des mandats d'engagement? Cela relève-t-il de votre compétence?
    Devrais-je poser cette question à la GRC?
    [Difficultés techniques]
    Essayez de nouveau, monsieur Wilczynski.
    Je ne faisais que renvoyer la question à quelqu'un d'autre. Cela ne fait pas partie de notre mandat.
    Nous allons peut-être passer à M. Duheme, de la GRC.
    Les mandats d'engagement sont un outil extraordinaire. Quelle en est l'importance, dans la panoplie de vos moyens de prévenir la violence au Canada?
    Merci. Je vais répondre à cette question.
    Lorsque vous parlez de mandat d'engagement, vous faites probablement allusion à l'engagement à ne pas troubler l'ordre public lié au terrorisme ou à quelque chose de semblable...
    C'est exact.
    C'est un outil très important pour nous. Nous l'utilisons très tôt lorsqu'une personne est identifiée comme un risque et a le potentiel de participer à une activité terroriste en association avec d'autres terroristes ou en publiant des messages en ligne à cet égard. C'est un outil de grande valeur qui nous permet d'intervenir tôt, de nous assurer qu'il y a une sensibilisation et d'appliquer les niveaux appropriés de restrictions, par l'entremise des tribunaux, relativement à la personne et à son association avec d'autres ou avec certaines activités.
    C'est un outil très précieux utilisé par notre organisation et d'autres services de police au Canada.
    Merci.
    Est-il utilisé à l'échelle internationale en collaboration avec d'autres services de sécurité publique dans le monde?
    Dans le cadre des enquêtes de la GRC, nous collaborons avec nos partenaires à l'échelle mondiale, car le terrorisme ne se limite pas au territoire canadien. Pourvu que nous ayons la compétence voulue ou qu'il y ait un lien avec une entité internationale, nous collaborons fréquemment. Il arrive parfois qu'une personne soit assujettie à des engagements de ne pas troubler l'ordre public lié au terrorisme — ou à d'autres mesures, selon le pays — dans plusieurs pays en même temps.
    Merci. J'ai une brève question à poser au SCRS.
    Le SCRS a identifié Daech et Al-Qaïda comme des entités particulièrement bien organisées sur Internet pour recueillir des fonds, recruter des adhérents et organiser leur action. Y a-t-il le même degré de perfectionnement et de menace du côté des organisations ou des particuliers liés à l'EVCI?
    Je vous remercie de la question.
    Je dirais que les organisations traditionnelles ont eu beaucoup plus de temps pour s'organiser. Par conséquent, elles sont en mesure de mener ces activités beaucoup plus fréquemment et de façon soutenue. Compte tenu de la fluidité que j'ai décrite de la menace de l'EVCI et des liens pas très étroits qui unissent les gens dans cet univers, je dirais que la méthodologie de l'EVCR est probablement encore très éprouvée et réelle.
    Merci.
    Madame Lambropoulos, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins d'être parmi nous pour répondre à nos questions.
    Avant que je n'oublie, et si vous n'y voyez pas d'inconvénient, pourriez-vous communiquer au Comité, après la séance, la ventilation des 273 événements violents à caractère idéologique qui ont eu lieu au Canada?
    Ma question s'adresse au SCRS. Elle se rattache plus ou moins à ce dont vous avez déjà parlé. Vous avez parlé du groupe des célibataires involontaires, sur lequel j'ai fait des recherches par le passé. Selon vous, ce n'est pas vraiment un groupe violent, mais il agit davantage en ligne. Ce n'est pas vrai. En 2018, Alek Minassian a foncé avec un véhicule bélier dans une foule de piétons à Toronto, tuant 10 personnes, et il a affiché sur Facebook un message disant que la rébellion incel avait commencé.
    Que faut-il de plus pour qu'un groupe soit considéré comme violent?

  (1820)  

     Excusez-moi si je me suis mal exprimé, mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Je crois avoir dit que ce ne sont pas tous les membres de ce groupe qui sont violents. Il y en a certainement qi le sont, et ce type est certainement l'un d'eux. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Lorsqu'ils se mobilisent pour en arriver à ce niveau de violence, il est certain que le seuil défini par le SCRS est atteint.
    Ce groupe est-il considéré comme un groupe terroriste au Canada?
    Non, Incel ne l'est pas.
    Je vais devoir m'en remettre à vous, mais il ne s'agit pas d'une entité terroriste inscrite, si ma mémoire est bonne.
    En fait, non. Il y a ici une nuance terminologique. C'est un peu comme demander si l'EVCI est un groupe terroriste. Incel est une idéologie qui rallie tout un tas de gens différents, et certains groupes pourraient entrer dans cette catégorie. S'ils répondaient aux critères du Code criminel, ils deviendraient une entité inscrite.
    J'espère que c'est clair.
    Merci beaucoup.
    Dans votre témoignage de tout à l'heure, vous avez énuméré plusieurs incidents — dont ceux de Christchurch, de la mosquée de Québec et de Pittsburgh — qui étaient des attentats contre des groupes religieux particuliers. Nous avons parlé de la lutte contre les méfaits en ligne et de la mise en oeuvre de lois qui permettent de sonner l'alarme pour éviter que les personnes qui présentent un risque pour autrui n'aient accès à des armes à feu.
    Quelles mesures supplémentaires pouvons-nous prendre pour détecter et prévenir de tels attentats à l'avenir?
    Je ne sais pas qui doit intervenir.
    Je ne sais pas trop à qui la question s'adresse. Le point de départ, ce sont la vigilance et les signalements du public. Il est très important que ceux qui remarquent quelque chose de particulier le signalent. Il y a des constantes qu'on peut déceler très tôt, dans différents téléversements, et qui peuvent aider le Service à perturber les activités ou amener la GRC à faire enquête et à porter des accusations avant que quelque chose ne se produise. Il est impossible pour la police ou le Service de surveiller tout ce qui se passe sur Internet. Il faut tout d'abord que le public soit vigilant et signale ce qu'il remarque.
    Je suis tout à fait d'accord. J'ajouterais que, de notre point de vue, il est extrêmement important d'aller sur le terrain et de renseigner les gens: que faut-il essayer de déceler, que faut-il signaler à la police? Le Comité et le travail que vous faites sont également très utiles pour faire savoir que le gouvernement prend cette question au sérieux.
    Il vous reste environ une minute.
    Merci. Je vais céder mon temps de parole.
    Chers collègues, cela nous amène à la fin du troisième tour. Il nous reste une vingtaine de minutes pour entendre ces excellents témoins. Je propose un autre tour de trois ou quatre minutes pour chacun des partis. Pendant que vous réfléchissez à ma proposition — et il serait bien que vous communiquiez avec le greffier à ce sujet —, je profiterai de l'occasion pour poser moi-même une ou deux questions.
    Vous avez tous une expérience d'enquêteur extraordinaire. Ce qui m'a frappé dans le cas de bon nombre de ces organisations, c'est l'état limite, en matière de santé mentale, de certaines des personnes sur lesquelles portent les enquêtes: paranoïa, dissociation de la réalité, complotisme, etc. Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'élément qui, dans vos enquêtes, peut constituer une maladie mentale quelconque?

  (1825)  

     Monsieur le président, du point de vue de la GRC, je dirais que la maladie mentale est un élément très important. Dans la situation de pandémie où nous sommes actuellement, on signale de toute part une augmentation des troubles mentaux en raison de l'isolement. À mon avis, il y a un lien à faire entre certaines des hausses que nous observons et la tendance à s'aligner sur une cause.
    Dans certaines de nos enquêtes... En fait, nous en avons une en cours en ce moment même. Je n'entrerai pas trop dans les détails, mais elle vise une personne qui se trouve actuellement en établissement psychiatrique, et à qui nous avons déjà eu affaire. Il ne me vient pas de meilleur exemple que celui-là pour illustrer le lien entre ce problème et la maladie mentale.
     Je vais poser la même question à M. Hahlweg.
     Le SCRS intervient avant la police, n'est-ce pas? Il s'agit d'enquêter, pas de recueillir des preuves.
    Vous avez dû observer des signes de maladie mentale chez quelques-unes de ces personnes. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Comme nos collègues de la GRC, nous en voyons davantage, c'est certain. Nous sommes devenus experts à détecter certains indicateurs de santé mentale qui nous aident à évaluer dès le départ ce que nous pouvons ou devrions faire du point de vue de l'enquête.
    Une grande partie de notre travail consiste à traiter avec des membres de l'entourage qui ont avantage à intervenir de façon préventive auprès des personnes, au lieu d'enclencher les pouvoirs d'enquête du SCRS.
    Merci.
    Chers collègues, souhaitez-vous poser d'autres questions ou devons-nous mettre fin à la séance?
    Allez-y, monsieur Harris.
    J'aimerais revenir aux chiffres mentionnés par le sous-commissaire Duheme à propos des incels. Sur les 273 dossiers, 29 — soit plus de 10 % — se rapportaient à des incels. Cela me semble un chiffre élevé, puisque c'est un groupe dont je n'avais jamais entendu parler avant 2018.
     Quelle est l'importance de ce groupe par rapport à d'autres, quant au nombre de personnes qui en font partie? On nous a bien expliqué sa nature, mais est-ce qu'il prolifère dans la société?
    Merci, monsieur Harris.
    Encore une fois, il s'agit d'une idéologie. Il ne s'agit pas d'un groupe; ce n'est pas considéré comme tel. Il y a ici et là des poches de célibataires qui adhèrent à la même idéologie. Je ne pourrais pas vous donner de chiffre.
    Monsieur Lightbound, je crois que vous avez une autre question.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'ai une dernière question pour M. Rochon.
    Vous avez parlé du Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence. Pouvez-vous nous en dire plus sur les activités du Centre?
    Je me souviens d'avoir entendu, il y a environ un an, que l'équipe du New York Times avait retracé le parcours d'un jeune qui s'était radicalisé sur Internet et avait sombré dans l'extrémisme de droite. On avait retracé le chemin qu'il avait parcouru sur YouTube et sur les réseaux sociaux pour en arriver à ce stade de radicalisation.
    Quel genre de recherche fait-on au Centre? Y a-t-il des moyens efficaces pour détourner certains individus d'une voie qui les rapproche de la radicalisation et de l'extrémisme violent, et dans laquelle ils se sont engagés?
    C'est une très bonne question, je vous remercie.
    Ce centre relève justement de Mme Wherrett. Je vais donc lui céder la parole pour qu'elle vous donne plus de renseignements à ce sujet.
    Je vous remercie de la question, monsieur Lightbound.

[Traduction]

    Le Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence a été inauguré en 2017. Il s'agit vraiment d'un centre d'excellence où on coordonne les efforts du gouvernement du Canada pour contrer la radicalisation menant à la violence et où on complète par la prévention et l'intervention certaines des mesures de sécurité dont vous entendez parler aujourd'hui.
    Le Centre canadien s'occupe de tous les types de radicalisation menant à la violence, peu importe l'idéologie ou les motifs politiques ou religieux. Comme on peut le lire dans la Stratégie nationale de lutte contre la radicalisation menant à la violence, qui a été publiée il y a plusieurs années, il y a trois priorités. La première: acquérir, communiquer et mettre en application des connaissances. Il s'agit vraiment d'enrichir la base de connaissances que nous avons au Canada et à l'étranger. La deuxième: s'attaquer à la radicalisation menant à la violence en ligne. Comme vous le savez bien d'après la conversation d'aujourd'hui, c'est un souci primordial à l'heure actuelle. Enfin la troisième: soutenir les interventions de première ligne.
     Soyons clairs, le Centre canadien ne travaille pas directement avec les personnes à risque ou celles qui se sont radicalisées vers la violence, mais ce que nous avons, c'est le programme de résilience communautaire. Chaque année, nous consacrons sept millions de dollars à des projets de recherche qui servent à enrichir notre base de connaissances, ainsi qu'à des praticiens de première ligne et des organismes communautaires qui préviennent et combattent la radicalisation au Canada. Ce sont des organismes de ce genre qui s'occupent des personnes qui donnent des signes de radicalisation menant à la violence.
     À ce jour, nous avons financé environ 42 projets au Canada. Il y a les projets de recherche, mais les fonds vont en grande partie aussi à des programmes de prévention et d'intervention.

  (1830)  

     Merci.
    Je crois que M. Kurek a levé la main.
    Je suis dans la salle, et nous avons un grand écran ici.
    Je me pose la question. C'est une drôle de question, mais on dirait que l'épinglette de M. Hahlweg se décompose en pixels et c'est un peu étrange, l'épinglette qu'il porte sur son revers. Dans la salle, je vois le grand écran. Comme vous pouvez le voir, je porte une épinglette du drapeau canadien, or elle est pixélisée et difficile à discerner.
    Désolé, c'est juste une drôle de question qui me vient comme cela.
     C'est une question bien étrange. Je ne sais trop quoi en faire, mais apparemment la pixélisation n'est pas une bonne chose.
    Je vais l'enlever, monsieur le président.
    Je ne vois pas d'autres questions.
    Permettez-moi de terminer avec le sous-commissaire Duheme. Vers la fin de votre énumération de 276 dossiers ou peu importe, vous avez parlé de menaces contre des politiciens ou des élus.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Est-ce que cela a augmenté ou diminué? Je pense qu'il n'y a personne ici qui n'a pas été l'objet d'une menace quelconque. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos observations à ce sujet?
    Sur les 273 dossiers, il y en a environ un cinquième, dont la majorité sont contre le gouvernement et contre la police. Ce que nous voyons, ce sont des propos désobligeants, des propos blessants à l'égard de représentants élus ou nommés. Je dirais que la plupart du temps, ou pour une bonne part, ils ne franchissent pas le seuil à partir duquel on peut porter des accusations au criminel.
    C'est là que nous faisons de l'interruption. L'équipe qui s'en charge travaille avec celle des sciences du comportement pour essayer de mieux comprendre les personnes. Il y a des enjeux de santé mentale à considérer, mais souvent, ce que nous constatons, c'est qu'il suffit de cogner à la porte pour que cessent les propos en question.
    Les gens se sentent parfois en sécurité dans leur sous-sol. Ils se sentent protégés parce qu'ils sont en ligne et non face à face, mais une simple interruption fait aussi bien l'affaire.
    Est-ce que cela a augmenté? Oui. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons constaté une augmentation des agissements que nous surveillons, pas nécessairement envers tous les députés élus, mais envers les ministres. À mon avis, ce que nous voyons, ce sont des gens qui sont à domicile en raison de la COVID et qui se sentent protégés sur Internet. Je dirais que nous avons constaté une augmentation des propos négatifs. Ce ne sont pas toujours des menaces.
    Je pense que M. Flynn aimerait ajouter quelque chose, monsieur le président.
    Allez-y.
    Je voudrais parler d'un programme que nous avons et dont je suis très fier. Je pense qu'il s'applique aussi aux affaires d'EVCI en dehors de la sécurité des personnes protégées en vertu du mandat de la GRC.
    Dans notre programme de police de protection, nous avons des spécialistes du comportement qui examinent les renseignements ou les éléments de preuve que nous recueillons concernant des menaces et les personnes qui sont impliquées. Nous classons ces personnes dans des catégories définies, avec des régimes de suivi établis en fonction de la gravité des menaces, surtout lorsqu'elles ne passent pas le seuil des poursuites qui mèneraient probablement à une condamnation au criminel.
    C'est une approche toute neuve que nous appliquons depuis quelques années. C'est un groupe très spécialisé qui fait les évaluations, ainsi que les plans d'intervention. Cela peut aller d'un suivi mensuel obligatoire auprès de responsables de la santé publique, à des services psychologiques, de counselling, etc., jusqu'à un simple suivi annuel pour savoir si une personne augmente ou diminue son activité. C'est un groupe très efficace, et je suis très fier du service qu'il offre.

  (1835)  

    Merci, monsieur Flynn.
    Monsieur Duheme, votre emploi de l'expression « cogner à la porte » coïncide avec ma propre expérience, sauf qu'on cognait à la porte d'un ancien policier.
    Je vois deux mains levées, et je pense que ce sera tout pour aujourd'hui. Nous passons à M. Fisher, puis à Mme Damoff.
    Merci beaucoup. Je crois que Mme Damoff a levé la main en premier.
    Quelqu'un a dit aujourd'hui que si un citoyen canadien est témoin de quelque chose, il devrait le signaler. Si un citoyen pense être témoin d'une manifestation d'EVCI, quelle serait la meilleure façon de la signaler?
     Je ne peux pas me dérober. C'est moi qui ai dit cela.
    Pour les menaces à la sécurité nationale, il y a un numéro 1-800 à la GRC, 1-800-420-5805, mais je pense que le message qu'en veut lancer ici à la population canadienne est d'appeler la police locale, la police compétente. Nous avons des liens dans les différentes provinces avec les corps de police compétents. Ils comprennent les rôles, les responsabilités et les mandats. Si c'est urgent, évidemment, il y a le 911, et il y a d'autres façons de communiquer avec la police compétente.
    Pour moi, c'est très important, parce que, je le répète, les forces de l'ordre, les services de sécurité, ne peuvent pas détecter tout ce qui se passe. La plus grande partie du travail que nous faisons dans ce domaine part des signalements que nous font les citoyens.
    Merci, monsieur Fisher.
    Madame Damoff, à vous de poser la dernière question.
    Merci, monsieur le président.
    Les Canadiens ont souvent peur de l'extrémisme qui vient de l'étranger. Je ne sais pas si on a conscience de cet extrémisme violent à caractère idéologique et du nombre de Canadiens qui sont morts à cause de ce que le ministre Goodale aurait appelé, au cours de la dernière législature, des « loups solitaires », ceux qui obéissent à ce type d'idéologie.
    Dans quelle mesure est-il important pour les Canadiens de reconnaître qu'il y a là une menace intérieure, et qu'elle tient en fait à des gens d'ici qui se font radicaliser, non pas des combattants étrangers, mais des gens qui deviennent radicaux ici même au Canada parce qu'ils vont en ligne et qu'ils adhèrent à ces groupes d'extrémistes violents?
    Ma question s'adresse à M. Duheme ou à M. Hahlweg.
    Allez-y, monsieur Duheme.
    Je vais commencer, puis M. Hahlweg... et je vois que M. Flynn avait la main sur le microphone.
    Très rapidement, l'aspect délicat ici, c'est le spectre d'activité qui amène la personne à passer à l'acte. C'est un peu comme pour la radicalisation. Ce n'est pas illégal d'être radicalisé. C'est lorsqu'on en vient à commettre une infraction criminelle que ce l'est.
    C'est difficile de savoir quand la personne va passer à l'acte. C'est tout un défi. Dans le spectre d'activité, il est parfois difficile de mettre le doigt sur le point précis où la personne décide de passer à l'acte.
    Je vais laisser la parole à M. Flynn, qui voudrait ajouter quelque chose.
    Pour ce qui est de la conscientisation du public, c'est absolument essentiel. Si les gens comprennent que la menace existe et qu'ils ouvrent les yeux davantage, ils ont la capacité de contrer en partie le dangereux scénario qui se dessine et de le signaler à la police et à d'autres partenaires de la sécurité et du renseignement.
    Du point de vue du maintien de l'ordre, un des meilleurs outils dont nous disposons pour résoudre le problème ou pour y remédier dans la mesure du possible, c'est la conscience du public et son engagement.

  (1840)  

    Monsieur Hahlweg, vous avez le dernier mot.
    J'abonde dans le même sens. La clé est dans l'éducation.
    Le rapport annuel du SCRS, le rapport du CPSNR et les examens du CSARS visent à sensibiliser les gens à cette menace, mais c'est l'éducation de première ligne qui est le moyen le plus efficace de contrer la menace. Dans l'univers de l'EVCI, la plus grande partie du matériel haineux est produite au pays, alors je dirais que l'éducation est essentielle.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci.
    Au nom du Comité et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier du service que vous rendez à notre pays. Beaucoup d'entre vous font carrière en toute discrétion parce que c'est une nécessité du travail, mais je pense qu'il faut reconnaître publiquement le service immense que vous rendez à notre pays.
    Je tiens aussi à vous remercier d'avoir bien voulu comparaître aujourd'hui malgré le court préavis et de vous être pliés aux caprices des calendriers parlementaires. Vous avez été très généreux de votre temps, et nous vous en sommes reconnaissants. Vous avez certainement donné un excellent coup d'envoi à notre étude.
    Sur ce, chers collègues, je pense que nous allons prendre congé. M. Harris pourra voir à ses besoins nutritionnels, et M. Fisher fera de même, en partageant sans doute un repas avec M. Harris.
    Merci beaucoup et à plus tard. La séance est levée.
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