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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er décembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Français]

     Bienvenue, chers collègues, à la neuvième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Conformément à l'ordre de renvoi adopté le 22 octobre 2020, le comité reprend son étude sur les vulnérabilités créées et exacerbées par la pandémie de COVID-19 dans les régions en crise et touchées par des conflits.
    Pour le bon déroulement de la réunion, j'encourage tous les participants à couper leur microphone quand ils ne s'expriment pas et à adresser leurs commentaires au président.
    Lorsqu'il vous restera 30 secondes de temps de parole pour votre témoignage ou vos questions, je vous le ferai savoir en montrant ce feuillet jaune. Pour les services d'interprétation, cliquez sur l'icône en forme de globe au bas de votre écran.

[Français]

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
    Nous recevons, à titre personnel, Mme Valerie Percival, qui est professeure agrégée à la

[Traduction]

Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton.

[Français]

    Nous recevons également M. François Audet, qui est professeur à l’Université du Québec à Montréal et directeur général de l’Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaires, ainsi que M. Thomas Bollyky, qui est agrégé supérieur pour la santé mondiale, l'économie et le développement au

[Traduction]

Council on Foreign Relations (New York).
    Professeure Percival, je commencerai par vous. Vous avez la parole. Vous avez cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de parler aujourd'hui.
    Je parlerai de la réponse mondiale à la pandémie de COVID-19 dans les régions touchées par des conflits et du rôle du Canada dans cette réponse. Je conclurai par des recommandations quant à la façon dont le Canada peut faire preuve de leadership dans ces contextes difficiles.
    Le comité a entendu des témoignages sur les conséquences sanitaires, sociales et politiques de la COVID-19 dans des contextes fragiles. Ces conséquences se ressentiront pendant des décennies et seront exacerbées par les changements climatiques, les bouleversements économiques mondiaux et l'incertitude en ce qui concerne les budgets de l'aide au développement. À moins de changements de trajectoire, ces populations seront piégées dans des cycles de violence et de fragilité, avec peu d'espoir d'y échapper.
    Comment le monde, y compris le Canada, a-t-il réagi? De deux manières.
    L'une est une source d'inspiration. Des réseaux d'acteurs, de chercheurs et d'organismes de défense des droits, locaux et internationaux, dans les domaines huminataires et sanitaires, ont cerné les besoins sanitaires et repéré les groupes marginalisés, maintenu la prestation de services de santé et planifié la mise en oeuvre de tests de dépistage, de traitements et de vaccins. La pandémie a mis à rude épreuve un système humanitaire déjà débordé. Le système est loin d'être parfait. Il a souvent échoué, mais il limite les souffrances humaines dans des circonstances difficiles.
    L'autre, en revanche, la réaction des dirigeants politiques du monde, des États, est désolante et déprimante. Comme le secrétaire général des Nations unies l'a déclaré en septembre dernier, « la pandémie met manifestement à l’épreuve la coopération internationale — épreuve à laquelle nous avons échoué ».
    Or, une réponse ne peut pas fonctionner sans l'autre. Les services de santé et d'autres acteurs du secteur humanitaire ne peuvent pas répondre pleinement et efficacement aux conséquences de la COVID-19 sans leadership politique pour leur faciliter la tâche, notamment en éliminant les obstacles à cette réponse.
    Les répercussions de cette absence de leadership se ressentent durement dans les régions touchées par des conflits. Par exemple, les États ne se sont pas mobilisés pour offrir des garanties de tiers en matière de sécurité pour permettre, pour cause de COVID, l'instauration de cessez-le-feu qui puissent se transformer en accords de paix. Ils n'ont pas persuadé les gouvernements de protéger les droits des migrants et des personnes déplacées, et ils n'ont pas réagi aux mesures de répression opportunistes de régimes autoritaires.
    En bref, les dirigeants politiques du monde n'ont pas formulé de message unificateur clair expliquant pourquoi la coopération internationale est nécessaire ni présenté de plan pour la mener à bien.
    Où se situe le Canada dans tout cela?
    Le Canada a apporté un soutien important à la première réponse, au travail des réseaux humanitaires et de défense des droits. Le gouvernement a augmenté le financement de ces organisations en appui à la réponse sanitaire à la COVID-19. Il a attiré l'attention, ce qui était essentiel, sur les conséquences de la pandémie pour les femmes et les filles.
    Mais le rôle du Canada dans la deuxième réponse, celle du leadership politique, est décevante. Le Canada fait de beaux discours, mais ils ne sont pas suivis d'actions concrètes. Le Canada s'assoit à la table. Il observe. Il coordonne. Il ne dirige pas. C'est une occasion manquée.
    Monsieur le président, je sais que vous avez travaillé pour la mission des Nations unies en Iraq. Je suis certaine que vous avez vu l'énorme potentiel des « acteurs du changement », et par là, je veux dire le pouvoir du leadership des diplomates aguerris et de l'action coordonnée des États et des parties concernées, et la façon dont ce leadership peut infléchir la trajectoire d'un conflit vers la paix.
    À ce moment crucial pour les États touchés par des conflits et pour le monde, comment le Canada peut-il contribuer à ce leadership?
    Le Canada peut aider le monde à formuler un message unificateur, définir clairement un plan pour remédier aux vulnérabilités exacerbées par la COVID dans des régions touchées par des conflits et mobiliser le système international, ainsi que les institutions canadiennes, pour mettre en oeuvre ce plan.
    Premièrement, en ce qui concerne la vision unificatrice relative à notre engagement dans des régions fragiles et ailleurs, je proposerai une vision simple qui s'appuie sur notre approche féministe et qui est de protéger la dignité humaine et de promouvoir le potentiel humain.
    Deuxièmement, pour définir un plan afin de concrétiser cette vision, tirons les enseignements de ce qui marche dans la réponse à la COVID-19. Nous pouvons soutenir des réseaux d'organismes de la société civile, des chercheurs et d'autres intervenants. Nous pouvons faciliter les contacts entre ces réseaux et des pays d'optique commune. Nous pouvons étudier de nouveaux mécanismes pour prévenir les conflits, arrêter la violence et préserver la paix, et nous pouvons utiliser ces réseaux pour promouvoir des possibilités économiques dans des contextes fragiles.
    Troisièmement, nous pouvons aider à mobiliser le système international, ainsi que les Canadiens, pour réaliser cette vision.
    À l'échelle internationale, nous pouvons utiliser notre appartenance à diverses institutions pour promouvoir cette approche. Elle compléterait et soutiendrait l'appel du secrétaire général des Nations unies à un « multilatéralisme en réseau ».
    À l'échelle nationale, nous pouvons mettre à contribution les compétences des Canadiens au Canada et à l'étranger. Des spécialistes canadiens sont des chefs de file en matière de diplomatie et de médiation, d'aide humanitaire et au développement, de santé mondiale et de promotion de l'égalité des sexes, mais trop souvent, le gouvernement ne puise pas dans ces compétences.
    En quoi est-ce différent de ce que nous faisons à l'heure actuelle? Cette approche élargit notre politique féministe. Elle fait appel à des réseaux pour définir et mettre en oeuvre cette promotion de la dignité. Surtout, elle fera en sorte que le discours du Canada repose sur des bases qui permettent d'agir.
    Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers aux questions du comité.
    Je vous remercie, professeure Percival.

[Français]

     J'aimerais maintenant céder la parole au professeur Audet.
     Vous disposez de cinq minutes pour livrer votre présentation. Vous avez la parole.
    Je remercie le Comité de m'avoir invité. Comme je dispose de peu de temps, je vais attaquer le sujet directement.
     Pour répondre à votre requête, je me suis concentré essentiellement sur une analyse du phénomène de la marginalisation des communautés et des populations marginalisées par la situation actuelle. Je vais présenter cinq constats et deux recommandations.
    Le premier constat nous permet d'observer que la pandémie semble avoir beaucoup moins de conséquences sanitaires directes dans les pays pauvres que dans les pays riches. J'entends par « conséquences directes » les enjeux liés à la santé et la mortalité directement associée à la COVID-19. En effet, hormis pour les exceptions importantes, il faut le dire, que sont le Pérou, le Brésil, le Mexique et l'Équateur, la surmortalité, notamment en Afrique et dans plusieurs régions de l'Amérique latine et de l'Asie du Sud-Est, est effectivement beaucoup plus faible que celle observée dans les pays de l'OCDE. Là où les données sont moins fiables, notamment les données de dépistage, nous nous basons surtout sur la surmortalité, mais également sur les décomptes et les inventaires dans les cimetières. Cela assure une certaine rigueur aux données statistiques que nous utilisons.
    Le deuxième constat nous permet d'observer que, si les conséquences sanitaires directes sont moins importantes que ce que l'on avait anticipé, les conséquences indirectes, comme le mentionnait la professeure Percival, sont par contre déjà observables. Elles auront en outre des incidences significatives et durables sur les populations marginalisées, entre autres celles qui sont victimes de conflits. Cette vulnérabilité croissante est exacerbée depuis les premiers mois par le retrait des chaînes d'approvisionnement humanitaire et par une baisse significative des investissements directs étrangers, notamment une baisse de 28 % en Afrique et de 25 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ce repli est beaucoup moins important en Asie, étant donné l'importance de l'influence économique de la Chine dans la région.
    Le troisième constat est le suivant. Les impacts indirects qui exacerbent ces vulnérabilités sont très bien documentés. Nous avons pu le constater à maintes reprises dans le contexte d'entrevues que nous avons faites récemment. Il y a notamment une érosion importante de la confiance à l'égard des institutions, ce qui engendre davantage de tensions sociales et de conflits, étant donné l'augmentation de ces inégalités. Les situations observées au Guatemala et en Colombie, mais également en Afrique, soit au Zimbabwe, en Gambie et au Togo, ont été recensées.
    Pour ce qui est de l'accès aux soins de santé, le Comité international de la Croix-Rouge indiquait il y a quelques semaines que 30 % des cliniques avaient été détruites au Mali par les groupes armés dans la foulée du retrait des organisations humanitaires internationales. Une autre des principales vulnérabilités est liée à l'insécurité alimentaire. Cette situation est largement documentée. Vous en avez fait état dans ce comité. Cependant, au risque de me répéter, je souligne que 55 millions de personnes faisaient face à des problèmes d'insécurité alimentaire en septembre dernier. Aujourd'hui, on parle de 220 millions de personnes qui souffrent d'insécurité alimentaire directement liée à la pandémie. Je crois que ces chiffres ont été publiés hier. C'est une nette augmentation. En fait, il s'agit vraiment d'une analyse en temps réel.
    Le quatrième constat va comme suit. Les populations en déplacement, soit les gens qu'on appelle souvent « migrants », représentent aujourd'hui plus de 80 millions d'individus. Comme vous le savez, un certain nombre d'entre eux sont liés à un statut de réfugié. Les populations en déplacement, les migrants ou les détenteurs du statut de réfugié sont aussi particulièrement marginalisés par cette situation. La pandémie ayant provoqué la fermeture de la plupart des frontières internationales, des centaines de milliers de personnes se sont agglomérées à plusieurs frontières, un peu partout sur la planète. Cette situation, que l'on a malheureusement très bien pu observer au Moyen-Orient et dans la Corne de l'Afrique, réduit significativement l'accès aux soins de santé et aux denrées alimentaires.
    La situation du Venezuela est aussi extrêmement grave. On y a observé ces derniers mois le retour de 100 000 Vénézuéliens. Ils ont dû revenir au pays, soit parce que la frontière était fermée, soit en raison d'une économie littéralement en ruine, notamment dans les pays voisins, dont la Colombie. Je me dois de sensibiliser ce comité à la situation que connaît la région de Las Claritas, également au Venezuela. C'est une vaste région minière de l'Amazonie située dans l'État de Bolivar et contrôlée par les groupes armés et les trafiquants. Il y a à Las Claritas, en plus d'un désastre écologique, de l'esclavagisme, de la torture et des meurtres impunis, qui ont été largement documentés dans le cadre des exploitations d'or illégales. En raison de la pandémie, cette zone est plus que jamais vulnérable. L'absence d'autorités locales, qui sont complices ou corrompues, ainsi que le trafic de migrants vénézuéliens, autochtones ou autres, y ont aussi été largement documentés.
    Quant au dernier constat, il a été brièvement abordé par ma collègue. Dans toute cette situation que je viens de vous décrire, les femmes demeurent la population la plus vulnérable. Comme on le sait, il y a beaucoup plus de violence sexuelle.
(1545)
     On note 7 millions de grossesses non désirées dans le monde liées à la pandémie, cette année. Ce sont évidemment des chiffres très alarmants.
    Je me permets de faire rapidement mes conclusions, parce que je sais que le temps va manquer.
    La première recommandation est liée à l'importance que le Canada garde le leadership relativement à « l'agenda de la localisation humanitaire ». En tout respect, je me suis permis de faire la traduction du concept appelé « humanitarian localization agenda » en anglais.
    Comme vous le savez, cette approche de la localisation de l'aide humanitaire à laquelle le Canada a adhéré lors du « Grand Bargain » du Sommet mondial sur l'action humanitaire à Istanbul, en 2016, vise à transférer les ressources au pouvoir local. Il a été très bien démontré que cette décentralisation est centrale aux réponses humanitaires durables.
    Ma deuxième recommandation est liée à l'importance de la coopération scientifique pour assurer un accès universel et non protectionniste aux vaccins. À l'évidence, la situation humanitaire internationale actuelle nécessite une vision de solidarité pour veiller à un accès aux vaccins pour tous.
    En conclusion, je suis de ceux qui pensent que les répercussions indirectes à long terme de la pandémie seront beaucoup plus importantes que la pandémie elle-même. Ces répercussions sont liées notamment aux inégalités socio-économiques, aux conflits, aux famines, aux pertes d'espaces démocratiques et à l'érosion de la protection du droit des femmes.
     Cela me fera plaisir d'en discuter et de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
(1550)
    Merci beaucoup, professeur Audet.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Bollyky, dernier à passer. Vous avez cinq minutes pour présenter vos observations.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui sur la réponse de la communauté internationale, y compris du gouvernement canadien, aux besoins humanitaires créés et exacerbés par la pandémie.
    Les fléaux placent les sociétés qu'ils frappent devant un miroir. La pandémie de coronavirus a exposé les failles de gouvernements qui n'investissent pas dans la santé de leurs propres citoyens ou qui ne cherchent pas à contrer les risques collectifs qui se font jour quand des groupes vulnérables sont dépourvus de protections économiques et sanitaires dans le monde.
    Le Council on Foreign Relations est un organisme non partisan indépendant qui s'attache à faire mieux comprendre les choix de politique étrangère auxquels font face les États-Unis et d'autres pays. Nous avons publié récemment le rapport d'un groupe de travail indépendant sur la préparation à la prochaine pandémie, intitulé « Improving Pandemic Preparedness:Lessons From COVID-19 ».
    Monsieur Bollyky, je suis navré de vous interrompre. Nous avons perdu l'interprétation à cause de problèmes de connectivité. Nous allons demander tout de suite conseil à l'équipe des TI.
    On me dit, monsieur, que si vous éteignez votre caméra, nous gagnerons peut-être un peu de largeur de bande.
    Je crois que le problème est réglé. Continuez, je vous en prie.
    Je remercie le comité de son indulgence et je suis désolé des problèmes de connexion Internet.
    Je vais passer aux trois conclusions étroitement liées du rapport du groupe de travail.
    Premièrement, alors qu'officiellement, on approche de 1,5 million de morts attribuables au coronavirus dans le monde, il se peut que les conséquences les plus graves et les plus durables de cette pandémie ne soient pas directement imputables au virus même. Pendant l'épidémie d'Ebola en Afrique occidentale, plus de personnes sont mortes faute de soins médicaux courants, notamment de traitement contre le paludisme, qu'à cause du virus Ebola.
    Même dans des pays qui ne connaissent pas encore une croissance explosive des cas de COVID et des décès attribuables à la COVID, la pandémie accentue la pauvreté et les inégalités en matière d'accès aux soins de santé et de sécurité alimentaire. Il ressort d'une enquête menée récemment dans 18 pays membres de l'Union africaine qu'environ la moitié des répondants retardaient des consultations ou soins médicaux nécessaires. Un pourcentage similaire déclarait avoir du mal à se procurer des médicaments pendant la pandémie. Le Réseau de systèmes d'alerte précoce contre la famine estime que la pandémie survient alors que les besoins en aide alimentaire augmentent de 25 % à l'échelle du continent.
    D'après la Banque mondiale, 88 millions de personnes supplémentaires tomberont dans une extrême pauvreté à cause de la pandémie de COVID. Dans certaines régions, comme l'Asie du Sud, une plus forte croissance économique peut compenser une partie de cette pauvreté, mais il est probable qu'elle persistera dans les économies à plus faible croissance d'Afrique et dans des États fragiles comme le Venezuela.
    Les gouvernements nationaux n'ont pas utilisé les forums multilatéraux pour monter une véritable réponse collective face à la COVID-19 ou à ses conséquences sanitaires indirectes. La rivalité stratégique entre la Chine et les États-Unis compromet une action potentielle au G7, au G20 et au Conseil de sécurité des Nations unies.
    La leçon en l'occurrence est que les institutions multilatérales n'entrent pas en action comme par magie pendant des crises. Leur succès dépend du leadership éclairé de leurs États membres qui devraient être prêts à mettre leurs différends de côté et à mobiliser leurs organismes dans un effort collectif.
    L'Organisation mondiale de la santé a besoin de fonds pour son programme de gestion des situations d’urgence sanitaire et elle devrait signaler quand les États ne tiennent pas leurs engagements. Un nouveau réseau de surveillance mondial est nécessaire pour repérer les menaces de pandémie et il doit beaucoup moins dépendre des autodéclarations des États les premiers touchés.
(1555)
    Madame la greffière, je crois que nous avons complètement perdu M. Bollyky. Peut-être que l'équipe des TI pourrait revenir. Informons-le, et je lui rappellerai aussi qu'il peut envoyer ses observations par écrit et que les membres du comité peuvent aussi lui adresser des questions par écrit.
    Pour gagner du temps et parce que nous allons entamer une ronde de questions comprimée, nous allons commencer notre première série de six minutes.
    Monsieur Chong, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Professeure Percival, merci de vos observations préliminaires. Vous avez dit que le gouvernement tient de beaux discours qui sont, cependant, suivis de peu d'effets. Nous savons qu'il a réduit de 10 % l'aide au développement international par rapport au gouvernement précédent, la réduction passant de 0,3 % à environ 2,7 % du PNB. Voilà des années que le Canada ne tient pas son engagement de consacrer 0,7 % de son PNB à l'aide au développement.
    Selon vous, quel objectif devrions-nous nous fixer d'atteindre dans les prochaines années? Manifestement, 0,7 % n'est pas, à mon avis, réaliste dans l'immédiat. Quel devrait être notre objectif?
    C'est une très bonne question. Je vous remercie de la poser.
    Le financement du développement n'est pas mon domaine de compétence. J'hésite donc à donner un chiffre. Ce que je dirai, c'est qu'à mon avis, nous devons de toute évidence nous engager à augmenter notre budget de l'aide publique au développement. Je sais que le Royaume-Uni a prévenu qu'en raison des contraintes imposées par la COVID, il réduira peut-être son budget de l'aide au développement international. Nous ne pouvons pas lui emboîter le pas.
    J'ajouterai aussi que parfois, même si je suis tout à fait d'accord que nous devons augmenter notre aide financière, nous devons aussi, je pense, nous montrer plus souples dans notre réponse. C'est à cela que je voulais en venir avec cette idée de mobilisation des réseaux. Souvent, on peut beaucoup faire avec de petites sommes d'argent. Je pense à l'autonomisation d'acteurs locaux, comme le mentionnait le professeur Audet. Je crois qu'on pourrait aussi autoriser nos ambassades et nos hauts-commissariats à l'étranger à intervenir rapidement.
    Je connais des personnes qui travaillent dans des organisations humanitaires. Elles disent que les processus budgétaires pour obtenir des subventions sont pesants et longs. J'ai un ami qui en est au neuvième mois de négociation pour une subvention liée à la COVID. Nous devons vraiment pouvoir faire les choses plus rapidement. Nous devons examiner le montant, mais aussi l'efficacité et le soutien que la diplomatie et le leadership apportent en matière d'aide.
     Vous avez mentionné que certaines choses se passent mal pendant cette pandémie. Des acteurs étatiques opportunistes profitent de la situation pour recourir à la force. Je pense aux conflits dans le Sud du Caucase entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Vous avez également mentionné des répressions opportunistes. Je pense à l'imposition d'une loi draconienne sur la sécurité nationale à Hong Kong au plus fort de la pandémie. Votre analyse me paraît donc très pertinente.

[Français]

     J'ai une question pour M. Audet.

[Traduction]

    Vous mentionniez la nécessité d'un accès universel aux vaccins dans votre deuxième recommandation. Pouvez-vous en dire plus?
    Le gouvernement affirme avoir signé des contrats pour plus de vaccins par habitant que tout autre pays. J'aimerais que vous commentiez l'affirmation du gouvernement par rapport à votre deuxième recommandation.
(1600)

[Français]

     Je vous remercie de la question.
    Tout comme ma collègue, je ne suis pas non plus un expert en matière d'enjeux de vaccination. Nous observons qu'en ce qui concerne la réponse mondiale, différents États font preuve parfois d'un peu plus de protectionnisme et de nationalisme, soit d'un peu plus de multilatéralisme et d'universalisme, pour prendre les deux extrêmes. Le Canada, pour l'instant du moins, est un peu entre les deux. Il y a eu un engagement très important dans l'achat unitaire de vaccins. Je ne veux pas me prononcer sur les marques et l'efficacité de ces vaccins, puisque je ne m'y connais pas. Cependant, quant au nombre absolu, le Canada est parmi ceux qui ont pris position. Il s'est engagé à acheter un nombre de vaccins extrêmement important. Bien que ce soit une hypothèse, j'aimerais le rappeler, espérons qu'il y aura rapidement une saturation et une immunité collectives au Canada, et que le surplus, qui ne sera pas entreposé au Canada, mais qui aura été acheté auprès de compagnies, pourra être ensuite redistribué dans les régions du monde qui n'y auront pas accès.
    Si vous me permettez un autre commentaire, j'aimerais ajouter qu'en lien avec cette recommandation, il y a le fait qu'en raison de l'écosystème d'une telle pandémie — et on l'a observé avec l'Ebola, notamment —, le Canada reste vulnérable tant et aussi longtemps qu'une menace plane sur une gestion protectionniste de la sécurité. Il y va de la protection nationale du Canada de s'assurer de cette universalité. L'universalité du vaccin et la solidarité à cet égard serviront les intérêts de sécurité nationale aussi. Ce n'est pas paradoxal, au contraire, c'est extrêmement lié.
    Je retournerais très rapidement à votre première question, si vous me permettez. Nous avons étudié longtemps les engagements financiers des pays. Je conviens avec Mme Percival que le montant doit être à la hauteur de la capacité de payer des donateurs. Par contre, l'enjeu le plus important est la confiance dans les promesses des donateurs. Je crois que ce qu'on peut reprocher...

[Traduction]

    Je suis désolé. Nous allons devoir en rester là, faute de temps. Nous devons faire en sorte que tout le monde puisse poser ses questions. Je vous remercie.
    Les six prochaines minutes vont à la Dre Fry.
    Je vous remercie.
    Est-ce que M. Bollyky sera de nouveau des nôtres? J'ai tellement de questions à lui poser!
    Je ne le vois pas pour l'instant, Dre Fry. Nous pouvons lui transmettre des questions par écrit...
    Je suis là.
    Le président: Il est revenu. Très bien.
    Très bien. Parfait.
    Ma première question est pour vous, professeure Percival.
    Vous avez longuement expliqué que le gouvernement du Canada n'a pas de politique étrangère mondiale ni d'experts en politique étrangère mondiale. Si le gouvernement décidait d'agir de sorte à avoir effectivement une réponse multilatérale avec d'autres pays, quels sont les paramètres à respecter pour constituer un tel groupe? Comment procéderait-on? Combien est-ce que cela coûterait? Comment le Canada pourrait-il s'y prendre?
    Je suis désolée, je n'ai pas tout entendu. Quand vous parlez d'un groupe, voulez-vous dire canadien ou international?
    Non. Vous avez dit que le Canada n'a pas de politique étrangère mondiale ni de fonctionnaires capables d'en dessiner une.
    Que devons-nous faire pour nous doter d'une telle politique? Quels sont les paramètres à suivre pour qu'elle porte ses fruits?
    Je crois que vous faites référence à des commentaires que j'ai faits par écrit au sujet de l'absence de stratégie canadienne en matière de santé mondiale.
    L'hon. Hedy Fry: Oui.
    Mme Valerie Percival: Par souci de transparence, je précise que j'ai travaillé à Affaires étrangères et Commerce international Canada en qualité de conseillère principale en matière de santé mondiale. Je tiens à ce que le comité le sache.
    Ce que j'ai remarqué notamment dans mes contacts avec Affaires mondiales Canada au cours des dernières années, c'est que le nombre de spécialistes de la santé baisse au sein de ce ministère. J'ai également remarqué dans mes interactions avec le gouvernement du Canada un manque de coordination entre l'Agence de la santé publique du Canada et Affaires mondiales Canada en ce qui concerne ses interventions dans le monde dans des questions d'ordre sanitaire.
    Dans des articles précédents, qui remontent à avant la pandémie de COVID, je propose de créer un secrétariat à la santé mondiale rattaché au Bureau du Conseil privé, dirigé par un ambassadeur à la santé mondiale et chargé de mettre en place et de coordonner une stratégie de la santé mondiale, de même que de définir des priorités pangouvernementales avec les ministères concernés. Il me semble que ce genre de secrétariat se serait révélé très utile pendant la pandémie de COVID.
(1605)
    Je vous remercie. Je n'ai que quelques minutes et j'aimerais passer à M. Bollyky.
    Monsieur Bollyky, vous avez parlé de la vulnérabilité inhérente d'un système international de détection des pandémies fortement tributaire de la transparence, du jugement et du bon vouloir des gouvernements nationaux. Manifestement, ils se font concurrence, monsieur Bollyky, pour obtenir des vaccins, pour tout faire, et ils n'agissent en fait pas dans l'intérêt de tous.
    Vous avez également parlé de créer un groupe autonome qui servirait de sentinelle et qui trouverait des indicateurs et des moyens de mesurer comment les gouvernements répondent de manières qui sont dans l'intérêt d'une stratégie internationale de la santé mondiale. C'est dans la même veine que ce que disait la professeure Percival.
    Une fois encore, je suis désolé pour les problèmes de connectivité. J'ai remis mon mémoire à l'avance afin que vous vous y référiez.
    Nous formulons deux recommandations.
    Pour ce qui est du système, nous proposons de créer un système de surveillance sentinelle basé dans les hôpitaux, car épidémie après épidémie, les États membres touchés ont jusqu'ici tardé à transmettre leurs constatations. Ce n'est pas particulier à la pandémie de coronavirus. C'est ce qui s'est produit avec le SRAS et avec Ebola, pour parler d'épidémies récentes. C'est toujours pareil. Il nous faut d'autres sources d'information afin de repérer les risques à mesure qu'ils apparaissent.
    C'est particulièrement important aussi parce que les États membres de l'OMS sont susceptibles de se montrer plus hésitants à signaler des problèmes, étant donné le nombre de pays qui ont imposé des restrictions aux voyages à des pays qui ont fait état de problèmes. Il est probable que les conséquences économiques les feront davantage hésiter à signaler des problèmes.
    Il y a une faille dans le système de santé.
    Aviez-vous une question?
    Si on crée un système sentinelle autonome pour que les hôpitaux regardent les politiques en matière de santé adoptées par les différents pays, de qui relèvera le groupe? À qui rendra-t-il des comptes sur sa propre transparence?
    Il s'agit d'un système sentinelle basé dans les hôpitaux. Il n'évaluerait pas de politiques. Il recueillerait régulièrement des données sur les hospitalisations inhabituelles.
    En fait, il existe un système de ce genre pour les famines. Il existe un système à financement international qui communique des données sur des indicateurs à une base de données, ce qui permet une évaluation indépendante des risques. Les résultats sont transmis directement aux États membres. L'OMS et les États membres recevraient l'information et ce serait une source supplémentaire de données, en plus des autodéclarations des pays.
    Il n'aurait aucun pouvoir.
    Il ne s'agit pas de faire appliquer des dispositions, mais d'avoir un nouvel indicateur qui permette d'avoir des données autres que celles transmises par les pays qui se contentent d'une autodéclaration en cas d'épidémie, ce qui est, dans une large mesure, la situation actuelle.
    Je vous remercie.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup.
    Je remercie nos témoins d'être avec nous aujourd’hui. Je vais commencer par M. Bollyky.
    Pendant la pandémie, nous avons vu que les systèmes de solidarité mis en place par la communauté internationale se sont complètement effondrés. C'était pour ainsi dire chacun pour soi de la part de l'ensemble des États du monde, pour ce qui était d'accéder à du matériel médical.
    Dans l'édition de septembre-octobre de la revue Foreign Affairs, en collaboration avec Chad P. Bown, du Peterson Institute for International Economics, vous nous avez mis en garde contre le « nationalisme vaccinal ».
    À la lumière de ce qui s'est passé durant les premiers mois de la pandémie, croyez-vous que nous réussirons à éviter ce « chacun pour soi » auquel nous avons assisté jusqu'à présent?
    Lors du dernier G20, les leaders mondiaux se sont engagés à garantir un accès abordable aux vaccins à l'échelle mondiale, sans que cet engagement soit accompagné de mesures plus claires. Or, on constate qu'une proportion effarante des vaccins sont réservés par les pays occidentaux, jusqu'à présent. Je n'ai pas les chiffres, mais je les ai vus.
    Comment percevez-vous la chose quant à la suite de cette pandémie?
(1610)

[Traduction]

     Je pense que ce n'est pas clair à l'heure actuelle. Il y a deux [Difficulté technique].
    Le premier problème, c'est que l'initiative multilatérale, Covax, qui vise à une distribution équitable du vaccin, est sous-financée, notamment pour ce qui est des ressources nécessaires pour renforcer l'infrastructure, et aussi pour la distribution dans les pays. Elle est également sous-financée en ce qui concerne les ressources nécessaires pour acheter des doses à l'avance. C'est le premier signe préoccupant.
    Le deuxième est que beaucoup de pays, le mien et le Canada inclus, ont conclu des ententes d'achat massif [Difficulté technique] de vaccins, ce qui en fait forcément des rivaux de l'initiative multilatérale. Ils lui font concurrence en ce sens qu'ils utilisent des ressources qui autrement auraient pu aller à l'initiative multilatérale. Ils réservent aussi une capacité de production de vaccins limitée.
    Il est possible que les pays qui ont réservé d'importantes quantités de doses puissent en faire profiter d'autres une fois qu'ils auront satisfait à leurs propres besoins. On ne sait pas dans quels délais, toutefois, et cela dépendra peut-être aussi des résultats obtenus avec les vaccins. Les vaccins à base d'ARNm qui sont le plus susceptibles d'être approuvés nécessitent une chaîne du froid dont la constitution n'est pas financée dans les pays. Ces vaccins ne répondront donc pas aux besoins mondiaux. La question est de savoir si les fabricants d'autres vaccins fourniront suffisamment d'information pour obtenir une approbation réglementaire. Nous ne le savons pas encore.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je comprends que ce soit peu clair, notamment quant à la façon dont les pays occidentaux partageront leurs doses restantes, une fois qu'ils auront satisfait à leurs propres besoins. En outre, on ne sait toujours pas selon quel calendrier et de quelle façon s'effectuera la vaccination sur le territoire canadien. J'ai retrouvé les chiffres: selon Oxfam International, 13 % de la population mondiale a déjà accaparé près de 50 % des doses prévues.
    Ma prochaine question s'adresse au professeur Audet. Je trouve très intéressant le constat selon lequel les pays en développement seraient moins touchés que les pays de l'OCDE par les effets directs de la maladie sur la santé.
    A-t-on une idée de ce qui explique cet état de fait?
    Oui, tout à fait, mais il s'agit encore d'hypothèses. Comme vous le savez, on parle ici de recherches qui se font en temps réel. Les données auxquelles beaucoup de gens ont accès, un peu partout, font état de faibles taux de mortalité et d'hospitalisation. C'est surtout pour les cas de mortalité que les données sont probantes.
    Quant aux explications, elles sont assez variables. Certains parlent d'enjeux environnementaux qui seraient liés au climat. On a vu un phénomène un peu similaire ici, au Canada. La situation n'a pas été la même en été qu'en l'hiver, par exemple. Des enjeux seraient peut-être liés à une immunité naturelle chez certaines populations, ce qui reste à déterminer. Cette immunité pourrait aussi être liée à des vaccins ou à des traitements reçus auparavant pour d'autres maladies. Bon nombre de régions du Sud ont régulièrement été mises à l'épreuve lors d'autres pandémies. Or, plusieurs de ces populations ont été vaccinées massivement et ont peut-être développé une résistance à ce type de coronavirus.
    Certains enjeux sont essentiellement communautaristes ou culturels. Il y a beaucoup moins de contacts entre les gens dans les milieux ruraux que dans les milieux urbains. Il en va de même au Canada. Je ne veux pas faire de grandes généralisations, mais disons qu'une grande partie du territoire africain est assez rural. Dans les grandes villes, on voit que l'épidémie peut être un peu plus prononcée. Il reste que les enjeux liés à la mortalité sont plus faibles. La catégorie d'âge est un autre facteur important. Comme on le sait, les populations plus âgées sont touchées par cette maladie. Les courbes d'âge des populations du Sud nous indiquent que, de façon générale, leurs populations sont beaucoup plus jeunes que celles des pays occidentaux.
    Ce sont là des facteurs explicatifs qui seront déterminés et confirmés au fil du temps, quand la science sera rendue à ce point.
(1615)
    Merci beaucoup, monsieur Bergeron et professeur Audet.

[Traduction]

    Mme McPherson est la dernière de cette ronde de questions. Vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Je trouve vos exposés très intéressants.
    J'ai plusieurs questions et je sais que je ne pourrai pas toutes les poser dans le temps qui m'est imparti.
    Je voudrais revenir sur quelque chose qu'a mentionné mon collègue, M. Chong. Il a expliqué combien il serait peu réaliste de passer à 7 % et il a parlé du très faible pourcentage auquel nous sommes actuellement en matière d'aide au développement international ou d'aide publique au développement. À l'heure actuelle, le secteur du développement international demande que 1 % des dépenses canadiennes liées au COVID soient consacrées à nos efforts à l'étranger.
    Je me demande si Mme Percival pourrait expliquer pourquoi il est important de veiller à ce que notre contribution et notre engagement soient substantiels et à ce que notre contribution ne se limite pas à des paroles, à une ambition verbale, mais qu'elle soit réelle. J'aimerais qu'elle en parle et qu'elle parle aussi des conséquences pour le Canada et pour le monde si nous sommes incapables de faire preuve de plus d'ambition qu'à présent.
    Il me semble qu'il est évident pour quiconque regarde la pandémie de COVID, et surtout ses conséquences dans les régions les plus fragiles et les plus vulnérables du monde, que l'heure est cruciale. Comme le mentionnait le professeur Audet, ce ne sont pas les conséquences sanitaires immédiates que l'on redoutait dans nombre de ces contextes. Il a aussi mentionné que les conséquences indirectes, faute d'action résolue maintenant, risquent d'être dévastatrices pour beaucoup de ces pays.
    Nous savons qu'il y aura des bouleversements économiques. Nous savons qu'il y a déjà des bouleversements sociaux. Nous savons que des programmes scolaires sont interrompus. Toutes ces répercussions combinées peuvent attiser des conflits. J'ai écouté le témoignage de personnes qui m'ont précédée, comme M. Beasley, qui a insisté sur ce point. Il est essentiel, selon moi, de nous engager résolument, en nous montrant suffisamment souples, afin de montrer l'exemple.
    Je crois que vous avez notamment mentionné que la lourdeur des formalités administratives pour obtenir des financements est un énorme problème qu'il devrait être facile de régler assez rapidement.
    Je vais demander à M. Audet ce qu'il en pense. Vous avez entre autres parlé des conséquences si nous ne sommes pas capables de partager le vaccin de manière équitable dans le monde entier. J'ai lu des articles selon lesquels nous devons nous attendre à une augmentation de 30 % de la morbidité si nous n'y parvenons pas. Je trouve cela navrant. Comme le disait Mme Percival, c'est un incroyable échec de la communauté internationale et une incurie de notre part à tous.
    À l'intention des personnes insensibles à cette effroyable perte de vies humaines, pouvez-vous parler des répercussions sur l'économie mondiale si nous devons attendre deux, trois ou quatre ans pour que les populations de certaines régions du monde soient vaccinées?

[Français]

    C'est une très grande question de macroéconomie. Je crois que peu de chercheurs en ont la recette, aujourd'hui. Nous n'avons qu'à nous rappeler l'énoncé économique du Canada d'hier.
     Nous nous basons encore sur des hypothèses et nous avons très peu de données fiables sur ce que sera la planète dans six mois. Donc, bien humblement, il m'est très difficile de vous dire ce qu'il en sera dans cinq ans.
    Une chose est certaine: nous sommes dans un contexte de mondialisation où les économies sont intimement reliées. Toutes les provinces du Canada, au nord, au sud, à l'est et à l'ouest, sont ancrées dans des chaînes de valeurs, d'approvisionnement et d'exportation. Aujourd'hui, on sait très bien que, si une région du monde souffre, le reste du monde aura des problèmes. Je crois que c'est la grande leçon apprise de la mondialisation. Par contre, quand tout va bien, c'est le cas partout.
    Si nous n'agissons pas rapidement et fortement dès maintenant, les conséquences à long terme de la pandémie vont nous attirer vraisemblablement dans un tourbillon excessivement difficile. Selon moi, c'est extrêmement complexe à envisager, que ce soit sur le plan de la mortalité, de la violence faite aux femmes, des enjeux économiques majeurs, d'éventuelles guerres ou de populations en déplacement.
    Je rappelle qu'il y a neuf mois, notre urgence était climatique. Cette urgence existe encore. Il ne faut pas oublier que nos défis planétaires vont se superposer.
    La crise de la pandémie doit être rapidement résorbée. Il ne faut pas que la vision à court terme d'une économie équilibrée réduise l'aide internationale. Il est fondamental que, au minimum, l'aide humanitaire et l'aide au développement soient maintenues. Cela va sans dire.
    Malheureusement, je ne serais pas à l'aise de vous fournir des hypothèses. Il n'y a pas assez d'information disponible, actuellement.
(1620)

[Traduction]

    C'est une réponse très sensée. C'est pour ainsi dire celle que j'attendais.
    Bien sûr, je comprends aussi que notre réponse doit être à la fois immédiate et ambitieuse, en plus d'être à long terme.Je vous remercie de ce que vous avez dit à ce sujet et d'avoir souligné combien il est important que nous regardions les résultats de ce vaccin contre la COVID.
    Madame McPherson, je vais devoir vous arrêter là, faute de temps.
    Merci de ces dernières questions.
    En notre nom à tous, je remercie les trois témoins experts de cet après-midi.

[Français]

     Merci beaucoup de vos témoignages et de votre expertise.

[Traduction]

    Nous savons que notre temps est limité, mais nous en sommes reconnaissants.
    Nous allons vous laisser vous déconnecter, après quoi nous vérifierons le son pour le deuxième groupe et nous reprendrons la discussion dans peu de temps.

[Français]

    Merci beaucoup.
(1620)

(1625)

[Traduction]

    Chers collègues, soyez de nouveau les bienvenus.
    Je rappelle, pour nos nouveaux témoins, que j'encourage tous les participants à couper leur microphone quand ils ne s'expriment pas et à adresser leurs commentaires au président.
    Lorsqu'il vous restera 30 secondes de temps de parole pour votre témoignage ou vos questions, je vous le ferai savoir en montrant ce feuillet jaune
    Pour les services d'interprétation, cliquez sur l'icône en forme de globe au bas de votre écran

[Français]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du deuxième groupe.
    Nous recevons M. Idee Inyangudor, vice-président de Wellington Advocacy, qui témoignera à titre personnel.

[Traduction]

    Nous avons également Mme Ruby Dagher, professeure adjointe, École de développement international et mondialisation, Université d'Ottawa.
    Monsieur Inyangudor, vous avez la parole pour cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. Bonjour.
     Je me trouve à Lagos, au Nigéria. Il est environ 22 h 27. C’est un honneur d’avoir l’occasion de vous parler de ce qui se passe sur le terrain dans un pays en développement et de répondre à vos questions dans mon domaine d’expertise. Je suis heureux de le faire.
     Avant de poursuivre, puisque c’est la première fois que j’ai l’occasion de lui parler depuis son élection et de la voir maintenant dans un nouveau rôle, j’aimerais féliciter une députée avec qui j’ai travaillé très étroitement par le passé.
     Madame McPherson, députée d’Edmonton Strathcona, félicitations encore une fois pour votre élection. Je suis heureux de voir qu’une personne qui a une formation en développement international travaille maintenant à l’élaboration de politiques, et je vous en remercie.
     Je pense que j’ai été invité surtout pour aborder les aspects liés au secteur privé plutôt qu’aux praticiens ou à l’impact de la coopération pour le développement. J’ai eu l’honneur d’occuper le poste de directeur des politiques auprès de trois différents ministres du Développement international du gouvernement précédent, et j’ai eu l’occasion de voir les résultats de l’aide et de la politique étrangère canadienne dans différents pays en développement.
     Mes observations porteront principalement sur trois domaines, soit la sécurité alimentaire, la violence fondée sur le sexe, plus précisément la violence faite aux femmes, et la paix et la sécurité. Je terminerai en parlant des relations entre le Canada et l’Afrique.
     Je me contenterai de dire que j’ai entendu le dernier groupe de témoins, et je pense que vous avez également entendu beaucoup d’autres experts. Il ne fait aucun doute que nous faisons face à une crise mondiale sans précédent. Elle touche tout le monde. Elle touche les gens touche, mais pas aussi gravement qu’on ne l’aurait cru au départ. Ses répercussions sur le développement mondial et sur l’économie mondiale sont évidemment sans précédent, de même que sur le secteur privé, en particulier sur l’économie des petits exploitants agricoles et des petits et moyens entrepreneurs des pays en développement. Les répercussions seront importantes, et nous ne pouvons pas les ignorer.
    En ce qui concerne la sécurité alimentaire, le secrétaire général des Nations unies a récemment prévenu que la COVID-19 perturberait le fonctionnement des systèmes alimentaires, ce qui aurait des conséquences sur la santé et la nutrition et un impact gravement sous-financé et méconnu sur les mères et les bébés, surtout dans les pays en développement. La pandémie a exposé un système déjà vulnérable sur le plan de la sécurité alimentaire, et cela va se poursuivre. La réalisation des objectifs mondiaux de l’ONU pour 2020 en matière de nutrition a déjà connu un ralentissement. À l’heure actuelle, les objectifs sont absolument impossibles à atteindre sans faire preuve de beaucoup plus d’audace, d’ambition et de progrès accélérés.
    Il y a aussi la violence fondée sur le sexe. À l’instar de l’éclosion d’Ebola, dont certains ont parlé aujourd’hui, les cas de violence contre les femmes augmentent pendant des situations d’urgence. Il n’en va pas autrement. En fait, c’est ce qui s’appelle la pandémie cachée.
     Je vais passer très rapidement au troisième point, c’est-à-dire les relations entre le Canada et l’Afrique.
    La pandémie et la réponse qu’il faut y apporter doivent.... Il s’agit d’un bon moment pour redéfinir nos relations avec l’Afrique afin de fournir les types d’infrastructures et de cadres qui permettent une meilleure coopération entre les entreprises, et pour améliorer les marchés ici. Lorsque la pandémie sera terminée, les enjeux les plus importants seront toujours de savoir comment les gens d’ici survivront et comment le marché s’efforcera...
(1630)
    Merci.
    Merci, monsieur Inyangudor.
     Je cède maintenant la parole à Mme Dagher.
     Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir invitée à vous parler du sujet très important que nous examinons aujourd’hui.
     D’après ce que je comprends, de nombreux experts et représentants d’organisations des Nations unies, ainsi que d’organisations de la société civile canadienne et internationale, vous ont parlé des conséquences de la COVID-19 sur la population dans les pays fragiles et touchés par un conflit. Le bilan humain de cette pandémie est important et déchirant, et comme vous l’avez entendu au cours des dernières séances, certains groupes ont payé plus cher que d’autres.
    Aujourd’hui, j’aimerais aborder un sujet qui est lié à la pandémie de COVID-19, mais qui n’a pas reçu beaucoup d’attention.
     La COVID-19 a mis à l’épreuve la capacité de tous les pays et de tous les gouvernements du monde, y compris le Canada. Des études ont montré que plus un gouvernement réagit rapidement pour mettre en œuvre des mesures appropriées, moins les répercussions de la COVID-19 sont importantes dans ce pays ou les régions contrôlées par le gouvernement. La plupart de ces études supposent que l’État a la capacité d’agir ainsi. Plus important encore, elles présument que le gouvernement et les institutions publiques ont la légitimité, aux yeux de leur population, de faire ce qui est nécessaire pour contrôler la pandémie.
     À la lumière des recherches importantes que moi-même et d’autres avons menées sur la légitimité dans les pays fragiles et touchés par un conflit, nous savons que, bien que les gens accordent de l’importance aux normes, aux systèmes et aux structures démocratiques, les personnes qui ont de la difficulté à survivre et qui font face à un avenir sombre ont tendance à se soucier davantage de leur survie et de leurs besoins immédiats, du moins à court terme. L’entité qui tend à répondre à la détresse des gens et qui est perçue comme ayant un impact visible sur leur vie quotidienne acquiert de la légitimité, ou ce que nous appelons la légitimité de la performance.
     En tant que personne née pendant...
    Madame Dagher, je suis désolé de vous interrompre. Les services d’interprétation vous demandent de ralentir un peu votre débit. Ils ont du mal à vous suivre. Vous aurez l’occasion de donner plus de détails pendant la période de questions.
     Merci beaucoup.
    Merci.
     Comme je le disais, en tant que personne née pendant une guerre civile et qui a vécu pendant une guerre civile, qui a travaillé au développement international pour le gouvernement canadien dans des pays touchés par un conflit et qui a fait beaucoup de recherches sur ces pays, je peux vous dire personnellement que ce type de légitimité est très important. Elle est souvent confondue avec le clientélisme, et la crise qu’elle provoque est souvent à tort considérée comme de la corruption. Cette légitimité est cependant réelle et elle a une grande incidence sur les objectifs d’établir un État légitime et stable, surtout en ce qui concerne le travail fait par le Canada dans ces pays.
     Pour revenir à la COVID-19, sans légitimité, les meilleurs systèmes de soins de santé publics et les meilleures interventions stratégiques risquent d’avoir des résultats minimes. Ce que nous voyons maintenant dans de nombreux pays fragiles et touchés par un conflit, c’est cette arme à double tranchant qui entre en jeu. Les institutions publiques n’ont pas la capacité d’intervenir dans l’ensemble du pays, si c’est ce qu’elles voudraient. Elles n’ont souvent pas la légitimité, du moins aux yeux d’une partie de la population, d’imposer des règles. Cette situation peut mener aux cinq principaux résultats suivants:
     Premièrement, le gouvernement doit recourir à la violence pour calmer la population et la forcer à respecter les règles, s’il s’en soucie.
     Deuxièmement, les divers dirigeants, même ceux qui travaillent au sein du gouvernement ou des institutions publiques, utilisent cette pandémie pour alimenter les théories du complot ou intervenir en fournissant leur propre soutien et leurs propres services, acquérant ainsi de la légitimité.
     Troisièmement, les organismes locaux interviennent dans ce vide, donnent des conseils et aident à soutenir la population et à assurer sa sécurité.
     Quatrièmement, de grandes organisations internationales entrent en jeu pour soutenir les organismes locaux ou pour se substituer au gouvernement et aux organismes locaux.
     Cinquièmement, les citoyens eux-mêmes s’organisent, se soutiennent et participent à la lutte.
     Je vais brièvement parler du Liban. Lorsque la COVID-19 est apparue, la réponse du gouvernement fut très lente. Des gens ont réagi et d’autres ont suivi. La population croyait le gouvernement. Lorsque le gouvernement a commencé à intervenir, les gens ont pensé qu’il s’agissait d’une théorie du complot et que le gouvernement voulait paralyser la révolution. Les gens ont cessé de croire que la COVID-19 était réelle. Des dirigeants ont ensuite commencé à prendre la relève. Ces dirigeants font partie du gouvernement. Ils ont commencé à fournir des services, ce qui, une fois de plus, a fait paraître l’État plus impuissant, et montré que ces dirigeants étaient forts. Tout cela a influencé la dynamique de la légitimité de ce pays à l’égard du soutien et du pouvoir de ces dirigeants.
     L’autre aspect intéressant de cette situation, c’est que tous les acteurs, y compris les ONG internationales, contribuent au transfert de légitimité entre les groupes. En se substituant à l’État et aux organismes locaux et en exerçant une influence directe ou indirecte sur le sort de ces organismes locaux, elles diminuent la légitimité des organismes et des acteurs locaux, ce qui tend à amplifier la crise de la légitimité au sein du pays. C’est quelque chose que nous ne devons pas prendre à la légère. C’est un aspect sur lequel le Canada doit se concentrer, surtout dans les situations fragiles et les pays touchés par un conflit qui manquent de capacité.
     C’est une question d’équilibre. Nous devons agir sur tous les fronts. Nous ne pouvons pas ignorer le rôle des organismes locaux et l’enjeu de la légitimité. Si nous retirons la légitimité de ces groupes, nous causerons plus de tort à long terme qu’à court terme.
(1635)

[Français]

     Je vous remercie de m'avoir invitée, de m'avoir donné la chance de vous parler de ce sujet très important et de vous faire part de mon expertise.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, madame Dagher.
     Il nous reste suffisamment de temps pour une première série de questions de six minutes, et probablement une deuxième série écourtée de quelques échanges très rapides.
     La première intervention de six minutes revient à M. Morantz.
    Vous avez la parole.
     Je tiens à remercier les témoins d’aujourd’hui. Vos témoignages sont très convaincants et, franchement, alarmants.
     Je m’adresse d’abord à vous, monsieur Inyangudor.
     Nous avons entendu dire à plusieurs reprises que le budget d’aide au développement du Canada a en fait diminué d’environ 10 % par rapport à ce qu’il était sous les gouvernements précédents, passant d’environ 0,3 % du RNB à environ 0,27 % du RNB. Je veux établir un lien avec vos observations sur la relation économique entre le Canada et l’Afrique, et en particulier sur la façon dont vous évalueriez l’efficacité du bilan du Canada à diriger son aide vers les projets qui sont les plus productifs sur le plan économique.
    Si j’ai bien compris votre question, vous voulez savoir si l’aide canadienne se concentre là où elle produit les meilleurs résultats et les meilleures retombées. D’un point de vue politique, je pense qu’il n’y a, en fait, que très peu de différences entre les gouvernements canadiens successifs à l’égard de la façon de faire dans le secteur du développement international. Cela s’explique principalement par le fait que beaucoup d’accords internationaux et mondiaux sur l’aide et la meilleure façon de l’utiliser sont conclus par des experts, des praticiens et des acteurs du secteur privé.
     Je pense que la question la plus importante n’est pas de savoir si l’aide donne des résultats. C’est le cas. Il faut plutôt se demander si les résultats peuvent être meilleurs. Quels instruments nous permettraient de faire mieux? Je dirais que le paysage du financement du développement évolue rapidement. La politique étrangère du Canada et les programmes d’aide au développement international du Canada n’ont pas l’ensemble d’outils requis pour financer les types de marchés que nous ciblons. Nous obtenons des résultats, mais nous pourrions en obtenir beaucoup plus. Avec les bons instruments, nous pourrions certainement multiplier ces résultats par quatre ou cinq, surtout si l’on envisage de rendre le financement mixte disponible à des marchés comme l’Afrique ou là où je me trouve actuellement.
(1640)
    Pourriez-vous nous donner des détails sur la question du financement mixte? Dans le domaine du financement du développement, quelle est l’importance des institutions financières de développement pour attirer, par exemple, plus de capitaux du secteur privé pour aborder ces enjeux?
    Le financement mixte est un nouveau domaine de financement. Je dirais qu’il est plus durable pour les gens qui sortent des couches de pauvreté situées au bas de la pyramide. C’est un outil qui leur permet de demeurer au-dessus de ce seuil et de tirer parti de beaucoup de capitaux du secteur privé en réduisant les risques associés à divers projets et à diverses ententes et en leur donnant accès à des liquidités ou à des capitaux d’investissement.
    Merci.
     Madame Dagher, vous avez parlé du Liban. Il y a eu, bien sûr, l’événement tragique des explosions portuaires. Vous avez écrit dans un blogue à ce sujet, je crois que c’était le 15 septembre, que l’aide octroyée par le Canada en réponse à cet événement fut « trop faible, trop lente et mal placée ».
     Pourriez-nous en dire davantage à ce sujet et nous expliquer ce que vous voulez dire.
    Bien sûr.
     Je suis Libanaise. J’ai la double citoyenneté. Je suis Libanaise et Canadienne. Je suis arrivée ici après la fin de la guerre civile.
     Je croyais... après l’explosion et avoir vu les conséquences, tous mes contacts au Liban — parce que je connais des gens qui travaillent dans des organismes locaux — comprenaient qu’un engagement avait été pris, mais il s’est écoulé beaucoup de temps avant que les fonds soient transférés au Liban et parviennent aux organismes qui aidaient les gens. C’était le premier point. C’est pourquoi j’ai dit que l’aide fut trop tard, c’est parce qu’elle a mis beaucoup de temps à arriver.
     Deuxièmement, en cours de route, des montants ont été utilisés pour les coûts administratifs entre les organisations internationales et les organismes locaux, ce qui signifie que le financement n’est pas entièrement parvenu au Liban.
     Troisièmement, nous n’avons pas travaillé avec les organismes locaux autant que nous aurions dû le faire.
     Ayant travaillé à l’ACDI, je sais que le Bureau du Conseil privé fait un excellent travail pour essayer de comprendre qui sont les acteurs locaux sur le terrain, lesquels sont présents et lesquels sont absents. Je sais que notre ambassade au Liban — parce que j’ai aussi travaillé pour le programme au Liban — a aussi une très bonne idée de ce qui existe au niveau local et de ce que sont les allégeances politiques.
     Nous avions la capacité et les connaissances nécessaires pour collaborer avec des organismes locaux, mais malheureusement, nous avons fini par travailler avec de grandes organisations et détourner une partie de l’argent vers le financement administratif de ces initiatives plutôt que d’aider réellement les gens.
    Monsieur Morantz et madame Dagher, puis-je vous interrompre un instant?
     Un collègue a proposé de prolonger d’environ une minute et demie chaque série de questions au premier groupe. Nous utiliserions donc tout le temps disponible au lieu d’avoir une deuxième période de questions de peut-être une minute par membre.
     Cela vous donnerait maintenant une minute et 30 secondes de plus, monsieur Morantz, dont vous pouvez profiter, ou que vous pourriez partager avec quelqu’un de votre parti.
     Si le Comité est d’accord, je vais laisser le temps s’écouler. Ainsi, tout le monde aura une minute et 30 secondes de plus à la première période de questions.
     Poursuivez monsieur.
    Merci monsieur le président.
     Vous avez parlé de travailler avec des organismes locaux de manière indépendante et sans influence politique ou étatique. J’aimerais savoir ce que vous entendez par là.
     De plus, pendant le temps qu’il nous reste, quel type de mécanismes pourrions-nous mettre en place pour nous assurer que notre aide est utilisée aussi efficacement que possible et qu’elle parvient le plus rapidement possible aux personnes qui en ont besoin?
(1645)
    Mon commentaire ne repose pas uniquement sur le Liban, mais aussi sur mes recherches sur les pays touchés par un conflit et les pays fragiles. Je peux confirmer qu’un grand nombre des dirigeants ayant participé ou non à un conflit, à l’intérieur ou à l’extérieur d’un gouvernement, ont tendance à utiliser les organismes locaux de la société civile pour augmenter leur légitimité et leur pouvoir. Dans bien des cas, ces organismes ont des liens avec ces personnes, mais dans beaucoup d’autres, ils n’en ont pas.
     Le problème que nous avons est que si nous devions travailler avec des organismes qui sont liés à ces personnes, nous contribuerions alors à cette lutte pour le pouvoir et la légitimité, et nous finirions par saper soit le développement démocratique soit la bonne gouvernance, peu importe les initiatives que nous, ou nos partenaires, réalisons avec nos programmes à cet endroit. Cependant, je le répète, il existe des organismes locaux qui n’ont aucune affiliation, et nous pouvons certainement travailler avec eux.
     Quant à votre question sur ce que nous pouvons faire, je me reporte à ce que j’ai dit plus tôt. Le Canada possède les mécanismes dont il a besoin pour savoir qui est sur le terrain et qui ne l’est pas.
     Lorsque je travaillais pour le gouvernement, nous consultions nos partenaires pour savoir s’il y avait des affiliations ou non. Ce n’est pas que nous n’avons pas la capacité; c’est simplement que je ne suis pas certaine que nous avons la volonté de prendre le risque de commencer à travailler de cette façon.
     Je pense que nous finissons par être trop à l’aise avec les grandes organisations et que nous nous comptons sur elles simplement pour des raisons de sécurité et non...
    Madame Dagher, nous devons malheureusement nous arrêter ici.
     Merci monsieur Morantz et madame Dagher.
     La parole est maintenant à Mme Dabrusin pour huit minutes.
    Je vais partager les deux dernières minutes de mon temps avec Mme Sahota.
     J’aimerais commencer par vous, monsieur Inyangudor, si vous me le permettez, parce que je m’intéresse particulièrement aux questions de sécurité alimentaire. Vous avez dit tout d’abord que les cibles nutritionnelles de l’ONU pour cette année ne seront pas atteintes et qu’elles ralentissent. Vous avez aussi parlé des chaînes d’approvisionnement et des conséquences de la COVID-19 sur celles-ci.
     Qu’avons-nous appris de cette pandémie de COVID-19 que nous pourrions utiliser pour renforcer les chaînes d’approvisionnement alimentaire dans les zones plus vulnérables?
    Je dirais d’abord que nous devons accroître l’accès au financement. Dans le cas de la production locale, il y a un énorme écart entre les producteurs locaux et les ressources dont ils disposent pour acheminer leurs produits vers les marchés. Comme je l’ai dit, je suis au Nigeria aujourd’hui et je vais en Azerbaïdjan demain, deux pays dans lesquels il n’y a pas de pénurie alimentaire. Il y a cependant une insuffisance de mécanismes pour acheminer les aliments là où les besoins sont les plus criants ou pour en assurer la distribution dans l’ensemble du pays.
     Je pense qu’une façon de faire serait que le financement disponible devienne concessionnel avec des taux d’acquisition ou des taux du marché un peu plus abordables pour ce marché, mais le simple fait d’acheminer la nourriture vers les marchés ne suffira pas. Il y a également le problème de l’environnement opérationnel. Je pense que l’autre témoin, mon collègue, en a aussi parlé.
     Il faut renforcer ce marché pour assurer la primauté du droit et renforcer la démocratie, la justice et les droits de la personne. Tout cela doit être renforcé. Ensemble, ces aspects changent ce qui se passe dans ces marchés. Je répondrais qu’il y a l’accès au financement et le renforcement de la gouvernance démocratique.
    J’espère que j’aurai aussi quelques secondes avec Mme Dagher, mais pour poursuivre dans la même veine, l’une des choses qui m’intéressent le plus lorsque j’écoute les témoins, c’est de savoir comment nous avons de l’argent prêté pour la décentralisation. Je pense que c’est le mot qu’un témoin précédent a utilisé dans notre dernier groupe. Si nous cherchons à décentraliser l’aide d’une manière qui appuie également la société civile, comment pouvons-nous le faire pour appuyer la sécurité alimentaire? Comment y parvenir?
(1650)
    Cette question s’adresse-t-elle à moi ou à Mme Dagher?
    Vous pouvez commencer et je demanderai ensuite à Mme Dagher d’intervenir.
    À l’heure actuelle, une grande partie ou une grande majorité, disons près de 60 ou 70 %, des institutions financières de développement n’ont pas les capitaux et les liquidités dont elles ont besoin pour soutenir leurs marchés. Il est bon d’élaborer des solutions financières, mais il devrait certainement y avoir un mandat ou une sorte de politique qui permettrait à ces institutions financières de développement de travailler directement avec les institutions financières locales pour y injecter des capitaux afin qu’elles puissent ensuite prêter ou mettre ce financement à la disposition de leurs propres collectivités et marchés. C’est comme ça qu’on peut y arriver.
    Madame Dagher, puis-je vous demander de répondre? Cela touche directement de ce dont vous parlez, c’est-à-dire, comment nous assurer d’y parvenir? Avez-vous des commentaires à faire sur ce qu’a dit M. Inyangudor ou quoi que ce soit à ajouter?
    Voici ce qui est vraiment important pour moi. Je répète qu’après avoir travaillé avec gouvernement pour ce qui était l’ACDI à l’époque, je sais, par exemple, que nous avions du personnel recruté sur place. Je sais que nous avons essayé de faire appel à l’expertise locale. Je sais aussi que nous avons recueilli beaucoup d’information.
     Encore une fois, je pense que cette idée de décentralisation signifie qu’il faut être disposé à donner à ces employés recrutés sur place un peu plus de voix et de pouvoir et à leur permettre de mieux nous renseigner. Ce que j’essaie de dire depuis le début, c’est que nous devons essayer de comprendre ce qu’ils veulent, et de comprendre leur point de vue. Nous devons tenter de comprendre leurs problèmes et à partir de là, remonter à la source pour établir ce que nous pouvons faire pour les aider, plutôt que de commencer avec une idée préconçue de ce qui peut les aider et de ce qui ne les aidera pas.
     M. Inyangudor a parlé de l’accès aux marchés et des prix. Je pense qu’il s’agit en grande partie de comprendre réellement et véritablement la situation. Je pense que si nous étions capables de faire cela et de comprendre les systèmes et les structures, le risque de décentralisation ne serait pas si élevé.
    J’ai une très brève question à ce sujet.
     Lorsque nous considérons les plus vulnérables parmi les vulnérables, je pense notamment aux communautés LGBTQ2 du monde entier, comment pouvons-nous nous assurer qu’elles sont également protégées dans ce processus de délégation et de décentralisation?
    Je pense que la chose la plus importante que nous devrions faire au moment de déléguer et de décentraliser, c’est d’avoir aussi l’objectif d’écouter un large éventail de personnes et d’organisations.
     La dévolution et la décentralisation ne signifient pas qu’il faut dire « voilà, c’est tout! », d’ignorer la situation et de passer à autre chose. Cela signifie que nous devons nous assurer d’adopter les approches participatives nécessaires et de parler à un large éventail de personnes et d’essayer de comprendre leur situation. Si nous faisons les choses correctement et que nous donnons à nos employés recrutés sur place la directive d’aller parler à diverses personnes et d’identifier les populations vulnérables, je ne pense pas que nous risquons de les ignorer complètement.
    Je vais maintenant céder la parole à Mme Sahota.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une bonne minute, madame Sahota.
    Je vais peut-être ajouter quelque chose. Ma question s’adresse à Mme Dagher.
     Pour ce qui est des organismes, je comprends tout à fait pourquoi il serait avantageux de travailler directement avec les organismes locaux. Vous avez dit vouloir vous assurer que ces organismes sont indépendants du gouvernement, des dirigeants politiques, de l’opposition et des milices. Comment peut-on vraiment s’en assurer? C’est vraiment difficile. Je pense que c’est la raison pour laquelle souvent les gouvernements éloignés comptent sur les grandes organisations. Nous entendons des accusations selon lesquelles de l’argent se retrouve dans des organisations qui pourraient avoir des liens avec certains de ces groupes.
     Existe-t-il des groupes qui n’ont aucun lien avec ces acteurs?
    Veuillez répondre brièvement.
    Dans n'importe quel pays touché par un conflit, vous ne pouvez pas vous permettre de n'entretenir aucune relation. C'est impossible parce que vous devez pouvoir vous déplacer sur le territoire. Oui, il existe des organisations qui sont indépendantes. C'est un fait. J'ai contribué à en mettre sur pied toute une liste. Le Canada sait fort bien que ces organisations existent. Nous devrions repenser notre façon de nous y prendre et faire appel à une gamme diversifiée de ressources; je crois que nous pouvons le faire. Cela ne me paraît pas impossible.
(1655)
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Avec le précédent groupe de témoins, nous avons eu un échange fort intéressant. La COVID-19 affecterait moins durement les pays en développement tant sur le plan de la gravité des cas médicaux que du nombre de décès. Sauf exception, l'impact serait généralement beaucoup moins grand dans ces pays. Nous avons également discuté de la possible course aux vaccins qui défavorisera les pays en développement.
    Ma question est fort simple: peut-on s'attendre à une tiers-mondialisation de la pandémie?
    Alors que l'Occident pourrait commencer à se tirer d'affaire, la pandémie pourrait-elle se poursuivre pendant encore un certain temps dans les pays en développement?
    La question s'adresse-t-elle à moi?
    Elle s'adresse à l'un ou à l'autre de nos témoins.
    Je peux commencer.
    Je peux vous dire franchement qu'il y a un effet complètement bouleversant dans les pays en développement, beaucoup plus qu'ici. Essentiellement, c'est parce que dans plusieurs de ces pays, beaucoup de gens vivent ensemble, surtout dans les pays fragiles et touchés par les conflits où beaucoup de réfugiés se retrouvent à vivre ensemble. Cela fait qu'il y aura plus de cas de COVID-19.
    Par ailleurs, en lien avec ce que j'ai dit, il y a le fait que les gens ne font pas confiance à l'État, ils ne croient pas au système et ils n'écoutent pas les consignes. Lorsque les gens n'écoutent pas, ne veulent rien savoir et pensent que tout cela est monté de toutes pièces pour leur faire peur ou pour une autre raison, conséquemment, ils ne prendront pas les précautions nécessaires pour survivre et pour stopper la propagation du virus.
    Quant à l'accès à la technologie ou aux médicaments, on le voit déjà, il y eu beaucoup de problèmes entourant les médicaments du VIH-sida, sauf lorsque la Fondation Bill et Melinda Gates est intervenue et qu'elle a contribué à développer le médicament. À part cela, c'est extrêmement difficile. C'est très cher et ces pays n'ont pas le pouvoir. Les restrictions internationales rendent très difficile de copier ces produits et de les distribuer dans les États fragiles et touchés par les conflits, en particulier quand les gouvernements, la police ou l'armée ne sont pas présents sur le territoire.
    Est-ce que notre autre témoin veut ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Il me semble que la coopération internationale pour acheminer de vaccins dans les pays en développement est imposante. Je ne suis pas inquiet à ce sujet, et les gens sur place n'ont pas l'air de craindre de ne pas en recevoir. Ce qui les préoccupe, c'est la suite des choses. Qu'allons-nous faire tous ensemble? Les réponses antérieures à cette question ont nui aux économies pendant plusieurs décennies. Ces pays vont non seulement avoir besoin d'accès au vaccin, mais aussi d'accès à quantité de capitaux des économies riches pour consolider leurs économies et, ensuite, mettre en oeuvre des programmes de développement.
    C'est ce dont tout le monde parle ici, de ce qui va se passer après, parce qu'ils savent qu'ils vont obtenir très rapidement les vaccins. Je crois que la disponibilité des vaccins ne préoccupe guère les gens.
    L'autre préoccupation, qui est aussi très importante, est que des gens ne croient pas à l'efficacité ni au bien-fondé des vaccins. C'est peut-être un sujet sur lequel nous devrions également commencer à travailler, parce que si nous ne pouvons pas vacciner tout le monde, si les gens perdent la foi dans les vaccins, la pandémie pourrait durer passablement plus longtemps que nous le croyons.
(1700)

[Français]

     Je vous remercie.
    Je suis heureux d'entendre votre optimisme quant à la répartition des vaccins. Nos précédents témoins étaient peut-être un peu moins optimistes. Comme M. Bollyky nous l'a signalé, la chose demeure imprécise.
    J'aimerais revenir, avec Mme Dagher, sur l'idée de la perte de confiance. Pour moi, c'est un élément important. On l'a vu, par exemple, avec le mouvement complotiste, qui tente de miner la crédibilité de l'OMS, de ses recommandations et de sa réaction. On le voit, il y a, ici et dans les autres pays industrialisés, un mouvement de gens qui protestent contre l'imposition de règles, contre l'imposition du port du masque, et ainsi de suite.
    J'ai cru comprendre, par votre réponse, que c'est également une chose que l'on voit dans les pays en développement, n'est-ce pas?
    Oui, absolument, je peux vous le confirmer. Je reçois des messages textes de gens, du Liban par exemple, qui me disent que c'est un canular, quelque chose qui a été fait pour ça et qu'il faut juste boire de l'eau avec un peu de citron. Quand j'en regarde la provenance, je remarque que c'est quelque chose qui a commencé soit aux États-Unis, soit quelque part en Europe. Ce ne sont pas les gens de ces pays-là qui en sont responsables.
    Malheureusement, on exporte ces idées dans ces pays. Par ailleurs, les gens là-bas qui ne croient pas au système actuel peuvent y trouver des raisons. Malheureusement, il y a aussi des dirigeants qui utilisent ces situations pour affaiblir la confiance dans le système et dans ce qui se présente, et pour améliorer leur position. Ce faisant, ils nient l'existence de la COVID-19 ou la nécessité de prendre les mesures qui sont absolument nécessaires.
    L'une des difficultés avec lesquelles on doit composer, c'est l'effondrement de ce que j'appelle « les mécanismes de solidarité internationale », où l'on s'est retrouvé dans une situation de « chacun pour soi ». Or, l'OMS nous annonce d'emblée que l'humanité devrait être confrontée à d'autres pandémies d'ici peu.
    On a été, toutefois, tellement inefficace dans la gestion de celle-ci. L'objectif n'est pas d'essayer tout simplement de se sortir de cette pandémie, mais de mieux se préparer à la prochaine. Cette question de la perte de confiance, notamment à l'égard d'une institution comme l'OMS, m'apparaît être un élément central pour la suite des choses.
    Comment voyez-vous, personnellement, la suite des choses en ce qui concerne cette question?
    Je vous demande une très brève réponse, s'il vous plaît.
    D'accord.
    Je pense que la solidarité internationale existe toujours. Malheureusement, nous avons une solidarité qui est bonne, qui nous aide, et nous en avons une autre qui essaie de défaire tout ce que nous essayons de faire.
    Quant à la question de la légitimité, en lien avec la pandémie ou autre, c'est une chose sur laquelle le gouvernement canadien, dans son plan de travail en matière de développement international, n'a pas vraiment porté une grande attention. Je pense que cela va nous faire mal en tant qu'êtres humains, en tant que personnes qui vivent sur cette planète, et ce, pendant plusieurs années.
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vous remercie, professeur.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    C'est Mme McPherson qui va hériter de la dernière série de questions.
    Madame, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci infiniment à nos deux témoins d'aujourd'hui. Leurs témoignages ont été passionnants. J'aimerais pouvoir prendre un café avec vous pour que nous puissions échanger beaucoup plus longtemps sur ce sujet.
    Je suis bien sûr ravie de vous revoir, M. Inyangudor. C'est un plaisir de pouvoir discuter avec vous, malgré la distance et le peu de temps dont nous disposons. Avec votre permission, c'est à vous que je pose ma première question.
    Vous nous avez parlé brièvement des répercussions sur les femmes et sur les filles. Je sais que vous avez collaboré avec le ministre Paradis lorsqu'il a travaillé d'arrache-pied à l'élaboration de l'initiative de Muskoka. Celle-ci a ouvert la voie à la Politique d'aide internationale féministe. Nous sommes très fiers du travail fait à cette époque et des résultats qu'il a donnés.
    Pourriez-vous élaborer un peu plus sur ce qui vous paraît être des variations des effets de la COVID-19 selon le sexe, et nous dire ce que serait, à votre avis, une réponse appropriée du Canada?
    Il ne fait aucun doute que, en temps de crise, la violence fondée sur le sexe augmente. Cela fait maintenant 16 jours que nous avons pris conscience de ces effets et nous nous efforçons de les éliminer. C'est ce que nous faisons.
    Il y a un domaine qui est négligé, ou que nous n'examinons pas suffisamment, c'est celui des interrelations entre la situation des femmes et le fait de vivre en paix et en sécurité. Pour l'essentiel, la répétition des conflits accroît la violence contre les femmes dans les zones de conflits. Je crois que cette pandémie l'accroît. Vous pouvez le voir ici. Il ya tout juste deux jours, la même chose s'est encore produite dans le nord-est du Nigéria. Les médias n'en parlent pas. Cela ne fait pas autant les manchettes que la pandémie elle-même, et donc on l'oublie.
    Une façon de s'occuper de ces questions pourrait être de mettre sur pied un partenariat avec des dirigeantes politiques, ici sur le continent, donc en Afrique, pour faire progresser la problématique du trio femmes, paix et sécurité. La Mission de paix des premières dames africaines, une organisation fort crédible en Afrique, est l'une de ces organisations qui tirent parti de la dimension concrète du pouvoir politique pour apporter des changements. Pour modifier les paramètres de la violence fondée sur le sexe, il faut, ici, s'appuyer en permanence sur le pouvoir politique.
    Ne vous méprenez pas sur ce que je vous dis. Il faut, à juste titre, poursuivre les activités de promotion et de défense de cette cause. Parallèlement, il faut continuer à appliquer les programmes consacrés à la santé maternelle, mais il nous faut aussi oeuvrer à l'implication du monde politique.
(1705)
    L'une des choses qui touchent aux deux dimensions que vous avez abordées concernant la sécurité des femmes et la sécurité alimentaire correspond aux demandes actuelles du secteur au Canada, soit de procéder à des investissements de 400 millions de dollars par année en sécurité alimentaire. Un tel investissement constituerait une aide importante au renforcement socioéconomique des femmes et aiderait les communautés à résister à des chocs comme ceux provoqués par les changements climatiques ou par des phénomènes comme la COVID-19.
    Pensez-vous que ce type d'investissement en sécurité alimentaire pourrait aussi constituer un élément essentiel de la réponse du Canada?
    Je n'ai rien contre les nouveaux investissements.Vous ne serez pas surprise de m'entendre dire qu'il ne s'agit pas tant de savoir si le niveau des investissements augmente ou diminue. Ce qui importe est la façon de procéder. Comment nous y prendrons-nous pour faire ces investissements?
    Une fois encore, je ne veux pas enfoncer ce clou, mais je crois que si le financement et les moyens mis en oeuvre sont fonction des résultats, et si on fait appel des solutions financières mixtes, on pourra alors tirer tout le parti possible des fonds disponibles et les accroître. C'est quelque chose que vous pouvez faire sans attendre.
    L'un des éléments dont les acteurs du développement doivent être conscients est que, ici, ils travaillent aussi dans un contexte politique au niveau local, ou localement au sens du Canada dans ce cas-ci. Il va vous falloir obtenir un appui politique. Je ne sais pas si, en ces temps difficiles, pour accroître le financement, vous allez provoquer des déferlantes ou simplement de la houle. Il vaut mieux parfois attendre le bon moment, mais vous disposez actuellement d'un moyen que vous pourriez utiliser pour obtenir ce type d'effets avec les investissements que vous faites.
    Je peux vous dire que nous avons fait beaucoup de sondages. Nous avons obtenu quantité de réponses très variées. Vision mondiale Canada en a réalisé un tout récemment qui a permis d'apprendre que 88 % des Canadiens sont partisans d'une réponse internationale, et il semble donc que la réponse du monde politique traîne beaucoup derrière celle des citoyens. C'est là une question que nous pourrions étudier.
    Vos commentaires étaient très intéressants, et je vous en remercie. Je vais maintenant poser quelques questions à madame Dagher.
    Vous nous avez parlé d'investir dans des organisations locales ou de constituer des partenariats avec elles. Vous nous avez dit que nous avons les moyens et le savoir-faire, mais que nous ne faisons rien.
    Nous sommes, bien évidemment, signataires de la Grande Négociation, qui est un élément important de tout ceci. Pourquoi ne le faisons-nous pas? Pourriez-vous nous entretenir un peu des raisons pour lesquelles nous avons dit que nous le ferions, sachant que c'est la meilleure chose à faire, alors que nous n'avons pas encore bougé?
    En me fiant à mon expérience et à ce que je crois savoir, je suis encline à penser qu'il y a essentiellement deux raisons.
    La première est que nous ne nous sommes jamais préparés à faire face à ces urgences. Cela m'ennuie un peu parce que nous avons abordé ces questions maintes fois. Quand ce type d'événement se produit, il faut que nous soyons prêts à engager des fonds. Il faut le faire rapidement et les adresser à quelqu'un qui peut réellement faire le travail et prendre des mesures tout aussi rapidement. Quand une urgence se présente et que notre liste d'organisations fiables n'est pas prête et que nous ignorons qui fait quoi dans le pays, au niveau local, que nous ne savons pas qui est indépendant et qui ne l'est pas, nous avons tendance à nous en remettre à ces grands organismes.
    La seconde raison tient à notre aversion du risque. Nous ne sommes pas prêts à prendre ce risque et c'est un projet de grande ampleur à mettre sur pied. Encore une fois, ce serait si merveilleux si nous pouvions le faire. C'est tout simplement que nous ne voulons pas prendre cette responsabilité et nous passons fréquemment d'une urgence à une autre, d'un pays à l'autre, d'un problème à l'autre, ce qui fait que nous ne consacrons pas réellement du temps à un projet de cette ampleur. Nous n'investissons pas. Ce sont les efforts qu'il faut faire pour mieux comprendre la situation, ne plus nous contenter de simplement réagir, garder notre sang-froid en sachant qu'il y a une situation d'urgence. Nous pourrions le faire, comme nous le faisons au Canada. Nous savons quelles sont les organisations et avec lesquels nous pouvons collaborer mais, malheureusement, nous ne nous préparons pas à ça.
(1710)
    Serait-ce en partie parce que les divers gouvernements qui se sont succédé ont réduit dans une large mesure les budgets de nos services à l'étranger, de notre corps diplomatique? Pensez-vous qu'il s'agit là d'une partie de l'explication?
    Tout à fait.
    L'autre cause est que nous pouvons nous fier à nos partenaires étrangers pour nous transmettre de l'information mais, en même temps, nous devons la prendre avec un grain de sel. Nous ne pouvons pas la considérer comme parfaitement fiable, ce qui nous pousse à ne pas vouloir leur faire une confiance aveugle, mais nous n'avons pas non plus les moyens de recueillir cette information sur le terrain, et de ce point de vue, il s'agit donc d'un couperet à deux tranchants.
    J'ai une dernière question à vous poser, s'il me reste assez de temps.
    C'est un sujet qui me tient à coeur et, franchement, j'espère que nous pourrons le traiter dans un texte de loi soumis pendant cette session parlementaire. Je veux parler ici de direction et de surveillance. Les organisations canadiennes voulant collaborer avec des partenaires étrangers sont vraiment paralysées par notre législation canadienne archaïque sur ces questions de contrôle et de surveillance.
    Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler un peu de ces types de problèmes?
    Je vous saurai gré de répondre rapidement.
    Bien sûr. Il est vrai que nous avons quantité de règles à respecter en matière de passation de marchés et d'engagement des dépenses, ainsi qu'en ce qui concerne la gestion axée sur les résultats, sans oublier celles concernant les structures, les systèmes et les modalités de rapport. Tout cela, combiné aux exigences de transparence, d'obligation de remplir quantité de documents, du caractère juridique de certaines choses et des contrats signés, tout cela nuit à la capacité de quantité de petites organisations à travailler avec le gouvernement du Canada.
    Je sais bien que nous devons protéger l'argent des contribuables, tenir compte des dimensions légales des problèmes, mais nous avons tous étudié ces phénomènes et constaté, en observant les activités de développement international, que ces lourdeurs nuisent réellement aux efforts qui sont faits et aux activités réelles de développement. Nous devons combler le fossé, mais nous ne sommes pas à l'aise de le faire. C'est que nous avons une telle aversion du risque, que nous ne sommes pas prêts à assumer un tel projet, même s'il offrait de réels avantages.
    Merci beaucoup.
    Merci à vous, Mme McPherson.
    Nous arrivons maintenant à la fin du temps que nous avions prévu de consacrer à notre second groupe de témoins. Je tiens, au nom de tous, à remercier madame Dagher des compétences dont elle a fait preuve devant nous cet après-midi et de la qualité de son témoignage. Je tiens aussi à remercier tout spécialement monsieur Inyangudor de se joindre virtuellement à nous de Lagos à une heure si tardive pour lui. Nous avons, monsieur, réellement apprécié la conversation que nous avons eue avec vous et nous allons veiller attentivement à prendre en compte les points que vous avez portés à notre attention.
    Je vais maintenant tous vous inviter, collègues et témoins, à vous débrancher. Je rappelle aux députés que nous allons, dans quelques instants, discuter brièvement et à huis clos d'affaires du comité.
    Merci beaucoup à tous. Pour mes collègues, je leur dis à tout de suite.
    [ La séance se poursuit à huis clos.]
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