Passer au contenu
;

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 091 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 19 avril 2018

[Énregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue au Comité permanent de la défense nationale. Aujourd'hui, nous entreprenons notre étude sur la contribution du Canada aux efforts internationaux de maintien de la paix.
    Représentant Affaires mondiales, nous accueillons M. Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques, et M. Jeff Senior, directeur adjoint, Programme pour la stabilisation et les opérations de paix. Représentant le ministère de la Défense nationale, nous avons le lieutenant-général Bowes, qui est commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada; le major-général Meinzinger, directeur d'état-major de l'État-major interarmées stratégique — je vous félicite de votre nomination à titre de chef d'état-major de la Force aérienne —; le major-général Derek Joyce, directeur général, Politique de sécurité internationale.
    À l'arrière de la salle, nous aurons de nombreuses personnes. Ils arriveront de la sécurité, mais je tiens à le souligner parce que nous allons commencer nos travaux. Nous accueillerons aussi des participants au Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires — probablement 12 ou 13 —, à titre d'observateurs. Ils viennent de 12 pays différents. Nous aurons peut-être l'occasion de les saluer à la fin.
    Nous avons un important groupe de témoins aujourd'hui. Habituellement, les gens interviennent lors des questions, ce qui convient parfaitement, mais c'est là que je commence à perdre le contrôle. C'est ainsi, que voulez-vous.
    Voici le drapeau blanc qui vous permettra de terminer avec élégance. Si vous voyez ce signal, cela signifie qu'il vous reste 30 secondes pour conclure. Je devrai ensuite donner la parole au prochain intervenant pour que tous aient l'occasion de poser leurs questions. Je vous serais très reconnaissant de jeter un coup d'oeil de mon côté de temps à autre pour que je puisse gérer tout cela.
    Cela dit, je crois savoir que deux témoins souhaitent faire un exposé. Je cède maintenant la parole à M. Mark Gwozdecky.
    Monsieur, la parole est à vous.
    C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui pour discuter de la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix. Dans mon exposé, je présenterai certains éléments de contexte historique, mais je tâcherai de me concentrer sur les aspects qui se distinguent des opérations de maintien de la paix conventionnelles et sur la façon dont le Canada contribue à l'établissement d'un nouveau consensus pour le déroulement de ces missions dans une ère caractérisée par le changement.
    La question fondamentale concernant la contribution du Canada aux efforts de maintien de la paix est la suivante: pourquoi y participons-nous?
    Il y a trois considérations principales. Premièrement, nous appuyons les opérations de maintien de la paix pour des raisons d'intérêt national. Deuxièmement, cela reflète les valeurs canadiennes. Troisièmement, parce que nous voulons contribuer à titre de membre responsable d'un ordre international fondé sur des règles.
    Les conflits d'aujourd'hui, même s'ils ont lieu loin de nous, ont une incidence sur tous les Canadiens, car ils favorisent l'enracinement de l'extrémisme et des crimes violents et la création de zones non gouvernées, ce qui entraîne de vastes mouvements de réfugiés et de personnes déplacées et perturbe le développement humain et économique. Tous les pays ont intérêt à maintenir une force multilatérale et efficace en cas de conflit, ce qui signifie qu'ils doivent tous assumer une part des responsabilités et du fardeau. L'ONU a entrepris une période de réflexion et de renouveau à cet égard, ce qui rend d'autant plus importante la participation du Canada à ce moment-ci.

[Français]

     La nature du maintien de la paix a évolué dans diverses directions au fil des ans. Les premières missions étaient caractérisées par des interventions dans lesquelles les combattants étaient clairement identifiables. En règle générale, les parties acceptaient l'intervention d'une force neutre pendant que les pourparlers diplomatiques cherchaient à résoudre le conflit.
     Les missions de maintien de la paix d'aujourd'hui se déroulent dans un contexte très différent. Les belligérants peuvent être nombreux et variés, et ils peuvent comprendre non seulement des acteurs politiques, mais aussi des criminels et des terroristes qui manifestent peu d'intérêt pour la paix. Plutôt que de surveiller un cessez-le-feu ou un accord de paix, les casques bleus jouent souvent un rôle de force de stabilisation avec des tâches axées sur la protection des civils et la création des conditions propices à l'émergence de la paix. Le maintien de la paix est donc aujourd'hui très différent de celui des générations précédentes, et les outils pour faire face à ces changements constants n'ont pas suffisamment évolué.
    Je vais citer notre premier ministre:
Les offres discrètes et les engagements uniques nous ont menés jusqu’ici, mais nous ne pourrons pas créer des changements réels et transformateurs sans un véritable changement institutionnel. Le Canada est prêt à participer à orienter ces efforts.
(0850)

[Traduction]

    Je traiterai plus tard de la façon dont la nouvelle approche du Canada répond à l'évolution des opérations de maintien de la paix et à notre objectif d'apporter des changements profonds.
    Pour le moment, j'aimerais parler de la série d'études de haut niveau commandée par l'ONU ces dernières années. Ces rapports mettent en relief la nécessité d'améliorer les compétences et l'état de préparation pour les opérations de maintien de la paix dans le contexte de demandes et de pressions financières accrues. En outre, nous avons régulièrement fait valoir que les interventions de l'ONU devraient être axées sur la recherche de solutions politiques aux conflits.
    À la lumière de ces constatations, le secrétaire général des Nations unies a lancé une ambitieuse réforme du programme de paix et de sécurité, laquelle comprend une proposition visant à restructurer l'architecture de paix et de sécurité de l'ONU et à consacrer plus de ressources et d'efforts à la prévention. Ce programme reflète l'idée selon laquelle le maintien de la paix ne fonctionne pas en vase clos, mais fait partie d'un continuum de mesures qui comprend la consolidation de la paix et la prévention des conflits.
    Pour appuyer l'ONU dans ses efforts de réforme et sa réflexion sur le déroulement des missions de maintien de la paix, le Canada a organisé la Réunion de 2017 des ministres de la Défense sur le maintien de la paix des Nations unies. La réunion, la cinquième depuis 2014, s'est tenue à Vancouver en novembre 2017. Elle était axée sur l'effort visant à combler le manque de capacités essentielles relatives aux opérations onusiennes de maintien de la paix et sur les opérations de maintien de la paix dans l'environnement francophone. Cette initiative s'inscrit dans le contexte d'une hausse de la demande d'opérations de maintien de la paix: le nombre de déploiements a doublé au cours des 15 dernières années et plus de 100 000 membres du personnel militaire sont déployés actuellement.
    Honnêtement, l'ONU ne suffit plus à la demande. Les conflits dans lesquels elle doit intervenir et les mandats de missions établis par le Conseil de sécurité sont de plus en plus complexes. Les missions menées dans des environnements difficiles requièrent un plus large éventail de compétences, de ressources et de nouvelles technologies. L'ONU fait simultanément l'objet de pressions pour réformer ses activités et réaliser des économies et des gains d'efficience.
    Dans ce contexte, les discussions à Vancouver étaient centrées sur le rendement, les partenariats et l'efficacité. Le Canada a tenu cette réunion sous le thème d'une approche novatrice au maintien de la paix. Il s'agit de favoriser l'amélioration de l'efficacité des missions de paix de l'ONU en appuyant la réforme, l'innovation et l'engagement conjoint. Le Canada a annoncé sa nouvelle stratégie en matière de maintien de la paix à Vancouver. Je vais vous présenter les faits saillants et un résumé de ce que nous avons accompli depuis.
    Lors de la réunion de Vancouver, nous avons présenté les Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l'utilisation d'enfants-soldats. À ce jour, 63 États y ont adhéré. Un guide sur les Principes de Vancouver sera préparé bientôt pour aider les divers États à créer des formations et des politiques nationales adaptées et, à terme, à élaborer des directives opérationnelles sur les interactions avec des enfants-soldats dans le cadre de missions de la paix.
    Des consultations avec les intervenants ont été entreprises concernant un autre aspect de notre stratégie, l'Initiative Elsie sur les femmes dans les opérations de paix. Dans le cadre de cette initiative, le Canada travaillera avec l'ONU et d'autres États membres à l'élaboration d'approches novatrices visant l'élimination des obstacles à la participation significative des femmes militaires aux opérations de la paix de l'ONU. Cela comprendra des trousses d'assistance technique adaptées aux pays fournisseurs de contingents militaires et policiers — un ou deux pays —, et des mesures pour aider les pays partenaires à choisir les missions de l'ONU auxquelles ils participeront de façon à créer un contexte réceptif. Nous étudions en outre la création d'un fonds pour soutenir le déploiement de femmes au sein des forces de maintien de la paix. Nous tenons aussi à mentionner les aspects de la recherche, de la surveillance de l'évaluation. Ils visent à s'assurer que les composantes de l'initiative pilote sont bien conçues, qu'elles font l'objet d'un suivi et d'une évaluation et qu'elles sont ajustées au besoin. Le Canada compte annoncer d'ici juin prochain quels seront les pays fournisseurs de contingents militaires et policiers. Il aura un ou deux partenaires.
    À Vancouver, le gouvernement a aussi annoncé son intention d'appuyer les opérations de l'ONU par l'offre de capacités militaires de grande valeur sur une période de cinq ans et la mise en oeuvre d'initiatives d'instruction novatrices. Le commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, le lieutenant-général Bowes, qui est avec nous aujourd'hui, est bien placé pour donner plus de détails sur la nature de ces capacités et sur leur utilité dans un contexte de maintien de la paix.
    Permettez-moi de préparer le terrain pour son exposé. J'aimerais rappeler l'engagement de notre gouvernement et présenter des observations sur les objectifs généraux qui sont en jeu. En ce qui concerne les capacités militaires, le gouvernement figurait parmi les pays promoteurs d'une nouvelle approche pour l'utilisation des biens militaires lors de missions de maintien de la paix, soit l'approche des engagements conjoints, qui se résument essentiellement à une collaboration plus étroite des États membres pour la rotation des éléments habilitants primordiaux, comme les aéronefs, ou pour satisfaire aux besoins de formation ou aux exigences opérationnelles de l'ONU. L'objectif est d'améliorer la prévisibilité et la planification.
    Voici l'offre du Canada dans le cadre de ce nouveau modèle en évolution. D'abord, une force opérationnelle aérienne constituée d'hélicoptères armés et polyvalents et le personnel connexe. Le 19 mars, le gouvernement a annoncé qu'il est prêt à déployer cette force opérationnelle aérienne dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, aussi connue sous le nom de MINUSMA, pour une période de 12 mois. Le deuxième élément annoncé est le soutien aérien tactique, soit le déploiement d'un ou deux aéronefs de transport, pour un maximum de 12 mois, au centre de service régional des Nations unies à Entebbe, en Ouganda. Le Canada s'est aussi engagé à fournir une force de réaction rapide constituée d'une unité d'environ 200 personnes et d'équipement connexe. Le moment et le lieu du déploiement de cette unité sont à déterminer.
    Outre l'offre de capacités militaires particulières, le gouvernement s'est aussi engagé à offrir des programmes de formation novateurs dont l'objectif principal est de répondre aux besoins systémiques et spécialisés de formation des Nations unies, notamment en ce qui concerne le renforcement du rôle des femmes dans les opérations de l'ONU. L'objectif à long terme est d'offrir de la formation pour appuyer l'ONU, l'Union africaine et d'autres pays partenaires, ce qui comprend le recours à des équipes d'instruction mobiles capables de s'adapter rapidement à des besoins précis.
(0855)
    Le Canada s'est engagé à travailler, avant et pendant un déploiement, avec un ou deux pays partenaires par l'intermédiaire de l'équipe canadienne consultative en matière d'instruction pour améliorer leur contribution aux opérations de la paix de l'ONU. Cet engagement sera lié à l'Initiative Elsie qui, comme je l'ai indiqué, vise l'élimination des obstacles à la participation des femmes aux opérations de la paix.
    L'intégration de spécialistes des services de police dans ces activités et des déploiements supplémentaires de policiers canadiens dans le cadre de missions de maintien de la paix sont des options étudiées.
    En conclusion, j'aimerais souligner quelques points d'ordre général concernant les engagements annoncés à Vancouver. Premièrement, la nouvelle stratégie canadienne relative aux opérations de maintien de la paix — ou opérations de paix, comme on les appelle couramment de nos jours — vise à travailler autrement, travailler mieux et travailler ensemble. Tous les éléments de l'approche canadienne répondent directement aux conclusions des études de haut niveau commandées par les Nations unies.
    Deuxièmement, les engagements pris à Vancouver se veulent complémentaires. Nous fournissons diverses capacités opérationnelles très efficaces pour appuyer les missions de l'ONU, mais nous faisons en même temps la promotion de changements au déroulement des opérations de paix, en accordant une attention particulière à la participation des femmes et au problème des enfants-soldats. Nous espérons que la crédibilité acquise par le Canada, en tant que contributeur direct aux missions de l'ONU, aidera à amplifier les efforts que nous déployons pour définir les normes et les pratiques changeantes relatives aux opérations de paix.
    Troisièmement, la contribution du Canada s'inscrit dans un mouvement international plus large vers l'évolution des opérations de maintien de la paix. De nos jours, dans ce contexte en évolution, des pays comme le Canada misent davantage sur leurs forces pour leur contribution aux missions de l'ONU. L'époque où la contribution canadienne au maintien de la paix était synonyme de présence sur le terrain est loin derrière nous, en partie parce que les Nations unies ont réussi à obtenir la participation d'un large éventail de pays, principalement dans l'hémisphère sud, y compris la Chine. En outre, en raison de la nature changeante des conflits, les mandats de l'ONU et les exigences de mission nécessitent bien plus que des troupes sur le terrain, mais tout un éventail de nouvelles capacités.
    La stratégie et les engagements annoncés à Vancouver reflètent ces besoins changeants et y répondent. Nous commençons ainsi un nouveau chapitre de l'histoire de la participation du Canada au maintien de la paix. Le résultat se veut une réponse à la fois complexe et pragmatique aux nouveaux défis. Nous avons hâte de poursuivre notre collaboration avec l'ONU et ses États membres pour améliorer le taux de réussite des opérations de maintien de la paix.
    Merci.
(0900)
    Merci.
     Lieutenant-général Bowes, la parole est à vous.

[Français]

    Je suis le lieutenant-général Stephen Bowes, commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, et je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter de la participation des Forces armées canadiennes aux opérations internationales de soutien de la paix.
    En tant que commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, je suis responsable de la préparation et de la conduite des opérations des Forces armées canadiennes, tant en ce qui concerne les opérations visant à défendre le Canada qu'en ce qui concerne celles de partout au monde. Je suis accompagné aujourd'hui du major-général Al Meinzinger, directeur d'état-major de l'État-major interarmées stratégique, et du major-général Derek Joyce, directeur général de la Politique de sécurité internationale.
    Ces officiers généraux sont respectivement responsables des aspects militaires politiques et stratégiques en matière de planification et de soutien de toutes les opérations des Forces armées canadiennes, y compris les opérations de soutien de la paix.

[Traduction]

    Mon collègue, M. Gwozdecky, a décrit les complexités associées aux opérations de paix modernes et les efforts qui sont en cours à l’ONU pour relever ces défis.
    Contrairement aux missions traditionnelles du passé, les opérations de soutien de la paix sont aujourd’hui multidimensionnelles et viennent avec de vastes mandats, allant du soutien aux processus politiques et électoraux à la protection des civils, en passant par la promotion des droits de la personne et la restauration de l’état de droit. Afin d’assurer la réalisation des mandats complexes de ces missions, il faut non seulement du personnel bien formé, mais aussi des capacités habilitantes essentielles dans des domaines tels le transport aérien stratégique et tactique, le génie spécialisé, les hôpitaux de campagne et les systèmes de communication et d’information.
    Nous avons actuellement environ 120 militaires des Forces armées canadiennes déployés dans le cadre de telles opérations complexes un peu partout dans le monde, tant dans le cadre de missions menées sous l’égide des Nations unies que d’autres organisations. Des militaires canadiens participent aux missions de l’ONU à Chypre, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud et au Moyen-Orient, effectuant des fonctions vitales dans les domaines de la logistique, de la planification, de la liaison militaire, de l’instruction et de la surveillance des zones démilitarisées. Le Canada participe également à des opérations à l’extérieur du cadre de l’ONU contribuant de façon tout aussi importante à la paix et à la sécurité régionales, notamment avec la Force multinationale et d’observateurs dans la péninsule du Sinaï en Égypte, le Bureau du Coordonnateur à la Sécurité des États-Unis pour Israël et l’Autorité palestinienne, ainsi que la Force pour le Kosovo de l’OTAN.
    Le gouvernement du Canada a récemment annoncé plusieurs initiatives visant à renforcer les opérations de soutien de la paix des Nations unies. Ces efforts sont conformes à la Politique de défense du Canada, « Protection, Sécurité, Engagement », qui stipule que les Forces armées canadiennes doivent être prêtes à apporter des contributions concrètes au rôle du Canada en tant qu’acteur international responsable, notamment en participant aux opérations de paix des Nations unies.

[Français]

     Comme mon collègue vous l'a dit, le Canada a pris une série d'engagements lors de la réunion ministérielle des Nations unies sur le maintien de la paix qui s'est tenue à Vancouver en novembre dernier, en plus de deux engagements clés concernant l'Initiative Elsie et les Principes de Vancouver. Ces engagements visent à tirer parti de l'expertise et des capacités habilitantes des Forces armées canadiennes, et comprennent notamment l'engagement envers une initiative d'instruction spécialisée, une équipe canadienne consultative en matière d'instruction, le déploiement d'une force de réaction rapide, une contribution planifiée de soutien aérien régional pour le Centre de services régional d'Entebbe et le déploiement d'une force opérationnelle aérienne au Mali en réponse à une demande de l'ONU.

[Traduction]

    Le Canada a annoncé son intention de déployer une force opérationnelle aérienne dans le cadre de la MINUSMA à la demande de l'ONU. Les travaux de mise en oeuvre de cette opération sont en cours et continuent de se dérouler rapidement afin de relever le contingent allemand cet été pour une durée d'environ un an. Cette force opérationnelle comprendra des hélicoptères Chinook et Griffon qui seront basés à Gao, dans le nord du Mali, et elle fournira à la MINUSMA une capacité essentielle pour des tâches telles que l'évacuation aéromédicale, le transport et le soutien logistique. Nous prévoyons déployer pour le moment jusqu'à quatre hélicoptères Griffon et deux hélicoptères Chinook, ainsi qu'environ 250 militaires des Forces armées canadiennes. Les détails quant au nombre exact de militaires et au type de capacités à déployer s'affinent au fur et à mesure que nos plans évoluent et que nos discussions se poursuivent avec les Nations unies au sujet des besoins.
    Comme mentionné précédemment, les opérations de soutien de la paix revêtent de nos jours de multiples facettes et nécessitent souvent des missions de force de stabilisation afin d'aider à établir les conditions d'un règlement politique. La MINUSMA est une mission du Chapitre VII qui s'inscrit dans cette catégorie. Le recours à la force armée sera par conséquent autorisé afin de protéger les civils et de contrer toutes menaces contre la paix, en cas de rupture de la paix ou d'actes d'agression. La souveraineté, l'unité et l'intégrité territoriale du Mali étant contestées, une partie de son territoire est un refuge pour des acteurs d'une menace transnationale, ce qui augmente assurément les risques de cette mission. Des risques peuvent également provenir d'autres sources, comme l'environnement dans lequel évoluent les Forces armées canadiennes, et ce sera certainement le cas au Mali.
    Les Forces armées canadiennes ont l'habitude de mener des opérations dans des environnements à haut risque. C'est pourquoi la gestion et les atténuations des risques sont essentielles à tous les niveaux du processus de planification militaire. Nous nous acquittons de cette tâche de plusieurs façons, notamment en nous assurant que notre personnel est hautement qualifié et doté des bonnes capacités, qu'il dispose de règles d'engagement appropriées pour se défendre et qu'il est soutenu par les arrangements nécessaires avec l'ONU et nos partenaires. Alors que nous nous préparons à nous déployer dans le cadre de la MINUSMA, nous allons prendre toutes les mesures nécessaires — comme pour toutes les opérations des Forces armées canadiennes — pour atténuer le niveau de risque encouru par les hommes et les femmes qui seront déployés.
    J'ai parlé plus en détail du déploiement à venir au Mali étant donné que c'est notre tâche principale actuelle en matière de planification. Cependant, je crois qu'il est important de mentionner également les nombreuses autres contributions que les Forces armées canadiennes font déjà pour accroître la paix et la stabilité ailleurs dans le monde. Plus tôt dans mon exposé, j'ai mentionné un certain nombre d'opérations de l'ONU et d'autres opérations connexes. Les membres des Forces armées canadiennes sont en outre déployés dans le cadre d'opérations visant à renforcer la capacité des forces armées de l'Irak, de la Jordanie, du Liban et du Niger, afin de les aider à maintenir la stabilité de leur pays et de leur région. Nous faisons cela de façon bilatérale, dans le cadre de coalitions et en tant qu'allié de l'OTAN, par l'entremise d'activités allant de l'instruction sur la neutralisation des engins explosifs improvisés en Irak à la fourniture d'équipement de patrouille hivernale aux forces armées libanaises. Dans la région du Sahel, les membres des Forces armées canadiennes donnent de l'instruction de renforcement des capacités au Niger. Cela touche divers domaines tels que le tir de précision, l'exécution de patrouilles efficaces et les premiers soins au combat, accroissant du coup la capacité du pays à contrôler efficacement ses frontières et à combattre la menace sans cesse croissante d'organisations extrémistes violentes, tant de façon autonome qu'en coordination avec la Force conjointe du G5 Sahel. Ces efforts, combinés à nos contributions actuelles et futures aux opérations de paix de l'ONU et aux initiatives que nous mènerons avec nos partenaires gouvernementaux sur les questions liées aux enfants-soldats et au rôle des femmes dans les opérations de paix, seront renforcés grâce à l'expertise et aux capacités efficaces du Canada.
(0905)

[Français]

    En conclusion, les Forces armées canadiennes travaillent dans le cadre d'une approche pangouvernementale intégrée afin de concrétiser l'engagement du Canada à accroître son soutien aux opérations de soutien de la paix des Nations unies et d'aider l'organisation à relever les vastes défis complexes auxquels sont confrontées ses missions dans le monde entier.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui et je suis disposé maintenant à répondre à toute question que vous auriez à poser.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Spengemann, la parole est à vous, pour sept minutes.
    Messieurs, je vous remercie d'être avec nous ce matin; merci également de votre service. J'ai beaucoup de questions, et chacune d'entre elles pourrait occuper une bonne partie du temps qui m'est imparti. Je vais donc tenter d'être le plus concis possible, puis je suivrai avec attention le reste de la discussion.
    La complexité du sujet dont nous sommes saisis a été évoquée dans les deux déclarations préliminaires. Je pense que c'est un aspect pour lequel le Comité pourrait apporter une contribution extrêmement utile.
    Pour vous donner un aperçu de mon point de vue, j'ai eu le privilège de servir dans une mission de l'ONU en Irak de 2005 à 2012, à l'époque où la coalition menait toujours des opérations de combat. À l'intérieur de la zone verte, la complexité de la situation nécessitait la coordination de multiples ministères fragmentés du gouvernement irakien, de dizaines d'organismes de l'ONU ayant chacun des intérêts très divergents par rapport au programme de reconstruction et de développement, et de dizaines d'États membres de l'ONU ayant chacun leurs propres intérêts d'ordre politique, économique et autres. Composer avec la complexité des intérêts était en soi un exercice colossal qui explique à certains égards le résultat obtenu en Irak.
    Je veux commencer avec M. Gwozdecky. Pour ajouter à la complexité, vous avez parlé des valeurs. Nous partons d'un point de vue canadien, étant donné nos intérêts nationaux, nos valeurs fondamentales et nos intérêts à l'égard du partage du fardeau. J'aimerais avoir votre point de vue et celui des autres témoins sur ce que je considère comme la fragmentation émergente des valeurs à l'échelle internationale, ce qui pourrait même devenir un bon point de départ pour les opérations de maintien de la paix.
    Vous avez mentionné les défis auxquels l'ONU est confrontée. Je me demande si vous pourriez nous présenter vos observations sur la multitude des valeurs liées au maintien de la paix à l'échelle internationale.
    Je dirais d'abord que j'ai été ambassadeur en Irak de 2010 à 2013, donc pendant une partie du temps où vous y étiez, et j'ai évidemment constaté la même dynamique, la complexité politique que vous avez évoquée. Cela me rappelle que fondamentalement — et je tiens à le souligner au Comité —, la réussite ou l'échec de toutes ces missions de paix dépend du dialogue politique et des processus de paix qui sont en jeu, et non des contributions militaires. Certes, l'apport militaire est très important, car il permet de créer le contexte et la stabilité nécessaires à la mise en oeuvre des processus politiques, mais en fin de compte, les défis sont d'ordre politique et non militaire.
    En ce qui concerne les valeurs, partant de l'exemple de l'Irak encore une fois, il ne s'agit pas d'un cas où le Canada tente d'imposer à un autre pays des valeurs qui lui sont étrangères. En fait, comme vous vous en souvenez sûrement, on croit fermement en Irak à la nécessité de bâtir une société inclusive, pluraliste, démocratique et libre. Le Canada est bien placé pour l'appuyer, étant donné qu'il adhère à ces mêmes valeurs, en particulier dans le cas d'un pays dont les diverses régions veulent avoir une certaine autonomie dans un éventuel arrangement politique.
    Comme je l'ai indiqué, nous avons nos valeurs, et nous pensons qu'elles sont communes à d'autres régions du monde, particulièrement là où nous serons déployés. Notre rôle est d'appuyer les pays qui cherchent à enchâsser ces valeurs dans leur structure politique.
(0910)
    Merci beaucoup; c'est extrêmement utile.
    Je vais rester dans la même veine, mais en faisant un rapprochement avec la politique nationale et avec l'intérêt des électeurs canadiens ou des électeurs de tout pays membre d'une coalition à l'égard du maintien de l'effort — à la nécessité de payer de leur sang et de leurs deniers, comme on le dit parfois —, non seulement pour assurer la réussite d'une opération de paix, mais aussi pour participer à la reconstruction après le conflit et pour éviter un retrait trop rapide.
    Vous avez participé aux délibérations et joué un rôle dans la décision prise par le membre principal de la coalition, l'administration Obama, de retirer les troupes à la fin de 2011. En rétrospective, certains croient que c'était peut-être trop tôt.
    Comment arrive-t-on à la décision de retirer l'équipement et la capacité nécessaires aux opérations de paix? Comment favorise-t-on ensuite l'émergence d'une société naissante et reconstruite capable d'assurer elle-même le maintien de l'appareil gouvernemental?
    Et bien, je dirai d'abord que notre engagement à l'égard de pays comme le Mali ou l'Irak ne se limite pas à la période de déploiement des militaires ou des policiers. Notre engagement s'étend sur une période plus longue et, dans le cas du Mali, le Canada apporte une aide au développement importante depuis plusieurs années. Je crois que nous sommes le deuxième plus important contributeur. Nous offrons également de l'aide sous d'autres formes: renforcement des capacités, formation et, maintenant, contribution militaire.
    Ce sera un engagement, un partenariat continu. Il est nécessaire de maintenir les contributions militaires ou les opérations de paix pendant un certain temps afin de stabiliser le pays pendant le processus de paix. Dans la plupart des cas, toutefois, elles sont maintenues plus longtemps que le voudraient la plupart des pays, car ce sont des processus complexes. Je dirais que c'est l'un des avantages de l'approche des engagements conjoints que l'ONU nous demande d'adopter. Grâce à cette approche, nous offrons aux Nations unies une rotation des capacités leur permettant de prolonger ses opérations de paix. Certains pays pourraient décider de mettre fin à leur contribution, mais dans ce cas, d'autres pourront intervenir de manière organisée et prévisible.
    Merci beaucoup.
    Pour la minute qui me reste, monsieur le président, j'aimerais entreprendre la discussion sur l'aspect militaire avec le lieutenant-général Bowes et ses collègues. Je suis certain que mes collègues poursuivront ensuite la discussion.
    Des acteurs non étatiques menacent la paix dans de multiples États-nations. Quel défi cela représente-t-il? Très précisément, qu'est-ce qui distingue Daech et ses hypothétiques versions futures, et en quoi réagissons-nous différemment en fonction de ce type de menace?
    En posant cette question, monsieur, vous allez au-delà du contexte de la mission au Mali...
(0915)
    Oui, tout à fait.
     Et vous pensez à d'autres aspects régionaux...
    La mission au Mali se déroule évidemment dans un environnement opérationnel complexe, et vous pouvez étendre cela au Sahel. Au cours des six ou 10 dernières années, les développements d'ordre géopolitique ont manifestement changé la donne. Je parle ici de la diversité des groupes radicaux en activité dans la région. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Cela nous ramène à l'internationalisation de tous les efforts futurs pour les contrer. M. Gwozdecky a parlé de coordination et d'engagement sur plusieurs années.
     Même de mon point de vue de militaire, je reconnais l'importance du maintien, au fil du temps, d'une approche intergouvernementale et internationale à l'égard de la région. Il convient de ne pas se concentrer sur une seule capacité simplement parce que nous assurons une présence là-bas. Nous aurons réussi lorsque nous aurons vaincu ces organisations. Quant au contexte de l'Irak, on a accordé une grande attention aux militaires qui participent aux activités de la coalition.
    Je dirais que je n'ai cessé d'être impressionné par les autres organismes qui faisaient partie de la coalition, qui enrayaient l'afflux de combattants étrangers des deux côtés, qui luttaient contre le financement du terrorisme, qui participaient aux efforts de contre-discours et qui offraient toutes sortes de capacités essentielles complémentaires aux activités que menait l'équipe de l'ONU sur le terrain en Irak. C'est très impressionnant. Voilà l'aspect qu'il convient de souligner à l'avenir. Cela ne résulte pas du travail d'un seul organisme comme l'ONU; il s'agit d'un effort international plus vaste.
    Merci.
    Monsieur Bezan.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    C'est toujours un plaisir d'accueillir le général Bowes. Lorsque j'étais à votre place, monsieur le président, il a sensibilisé le Comité à l'importance de comprendre la doctrine militaire. Avoir l'occasion d'aller à Wainwright pour observer l'entraînement de nos troupes a toujours été un formidable atout pour le Comité.
    Je vous suis reconnaissant de tout le travail que vous avez accompli et je vous souhaite tout le succès possible dans la poursuite de votre carrière au ministère des Anciens Combattants. Je sais que ce sera un défi en soi, étant donné l'aide qu'il faut offrir.
    Je tiens aussi à féliciter le général Meinzinger pour sa nomination au poste de commandant de l'Aviation royale canadienne. Nous vous souhaitons tout le succès possible dans ces fonctions.
    J'aimerais traiter de nos expériences au sein de missions de l'ONU, particulièrement en Afrique. M. Gwozdecky a parlé des défis dans la région, mais quelles leçons avons-nous tirées de nos expériences passées dans des pays comme le Rwanda et la Somalie? Les améliorations apportées à la chaîne de commandement de l'ONU et aux règles d'engagement sont-elles suffisantes pour nous donner la certitude que nos troupes seront utilisées à bon escient? Chaque mission comporte des risques, mais quelles mesures prenons-nous pour les atténuer adéquatement, surtout dans le contexte d'une intervention en zone de conflit avec de multiples partenaires?
    Général Bowes.
    Nous avons beaucoup appris au cours de ces 20 ans et nous en sommes extrêmement fiers. Au début de notre engagement, il y a quelques années, j'ai dirigé au sein des forces une unité essentiellement chargée d'intégrer les leçons apprises dans le système.
    Par rapport à l'atténuation des risques, il convient toutefois de se rappeler que le chef d'état-major de la Défense ne cède jamais pleinement le commandement de nos forces. Lorsque nous sommes déployés dans un théâtre quelconque, je suis tenu d'informer le chef de la Défense des risques potentiels. C'est donc la première chose à laquelle je pense au lever le matin, et la dernière au coucher le soir.
    Nous travaillons avec acharnement pour examiner toutes les difficultés auxquelles notre effectif est confronté, et nous sommes les seuls responsables. Nos militaires connaissent les règles d'engagement canadiennes; ils sont autorisés à se défendre, même dans le contexte d'une coalition de la MINUSMA.
    À titre d'exemple, nous utilisons des hélicoptères dans la mission de la MINUSMA. Notre rendement sera mesuré en fonction de notre capacité d'assurer la logistique et le maintien en puissance du volet aéromédical. Nous sommes chargés de tous les aspects, depuis la sécurité des vols — qui relèvera bientôt du général Meinzinger — jusqu'au contexte de la menace dans lequel nous évoluons au Mali en passant par l'aspect environnemental. L'environnement est plus difficile que ce que nous avons connu dans le passé.
    Je crois comprendre qu'il y a déjà eu deux écrasements d'hélicoptère dans cet environnement.
    J'ai souvenir d'un seul incident, mais...
    Pour ce qui est des règles d'engagement, de la chaîne de commandement, pouvons-nous imposer des restrictions lorsque nous déployons des troupes dans le cadre de missions de l'ONU? Je pensais que l'ONU n'autorisait pas les États membres à le faire.
    L'ONU ne l'encourage pas. En fait, notre politique dissuade le recours aux restrictions, mais c'est permis; nous en imposons à l'occasion.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Une des leçons importantes est liée aux enfants-soldats. Le plus difficile, pour un militaire canadien et un Casque bleu, est de savoir comment réagir lorsqu'il arrive face à face avec un jeune de 14 ans muni d'une arme. Voilà la raison d'être des Principes de Vancouver; il s'agit de sensibiliser une coalition internationale des pays de façon à mieux nous attaquer à ces enjeux.
    Nous avons parlé des opérations antiterroristes qui se déroulent là-bas et des multiples groupes terroristes qui étaient en activité au Mali, mais qui ne sont maintenant plus que deux. Comme l'indique le rapport de l'ONU sur la MINUSMA publié à la fin mars, le groupe État islamique dans le Grand Sahara a menacé le 15 janvier de mener une action conjointe avec Al-Qaïda au Maghreb pour contrer le déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel. Nous savons également qu'il est précisé, au paragraphe 13 de la résolution 2391 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU le 8 décembre, que le secrétaire général des Nations unies peut affecter les ressources de l'ONU aux opérations du G5 Sahel au Mali, en particulier pour l'évacuation sanitaire et l'évacuation des pertes. Nos troupes pourraient se retrouver au milieu de conflits intenses. Aurons-nous des mesures de protection de la force adéquates et la capacité de nous défendre dans ces situations de danger?
(0920)
    La mission concerne principalement notre force opérationnelle aérienne, ce qui se résume à l'évacuation aéromédicale, le soutien logistique et le transport. Le commandant de la Force opérationnelle du Canada relève toujours du chef d'état-major de la Défense, et nous acceptons de participer aux missions conformes au mandat de l'ONU. Le commandant de la force est autorisé à demander au Canada d'appuyer la mission de la MINUSMA à l'aide d'hélicoptères, pourvu que les missions et les tâches qui nous sont confiées soient conformes au mandat de la MINUSMA.
    Mais le G5 Sahel n'a aucun rapport avec la MINUSMA.
    Oui, j'ai dit MINUSMA. Mais la MINUSMA... Les Nations unies ont accepté, par l'intermédiaire de la résolution du Conseil de sécurité, que la MINUSMA appuie le G5 Sahel.
    Sommes-nous certains que lorsque nos troupes se rendent dans des zones de guerre où des opérations de contre-terrorisme sont en cours et où des combattants de Daech et d'Al-Qaïda résistent... En plus, ils ont été extrêmement audacieux. Au cours du dernier mois, quatre gardiens de la paix de l'ONU ont été tués dans trois attaques menées contre des bases de l'ONU. Cela ne se passe pas seulement dans le théâtre d'opérations. Ils viennent jusque sur les bases pour se battre contre nous. Sommes-nous certains que les opérations d'appui rapproché et les mesures de sécurité sur les bases sont en place pour protéger nos troupes lorsqu'ils ne sont pas en mission?
    Si vous regardez les détails des attaques, vous avez certainement raison lorsque vous dites qu'elles sont rendues plus audacieuses. Toutefois, les réactions aux attaques ont aussi été efficaces. La mission française, l'opération Barkhane, est axée sur le contre-terrorisme; la priorité de l'ONU est donc la stabilisation. Pour ce qui concerne notre mission à l'étranger, c'est impossible d'éliminer totalement le risque au Mali. De fait, c'est impossible d'éliminer totalement le risque dans chacune de nos missions. Ce que nous pouvons faire, c'est cerner les risques dans tous les domaines, puis prendre des mesures pour les réduire. Nous avons des règles d'engagement et nous avons les moyens de nous défendre et d'agir de façon à réduire les risques, mais c'est impossible d'éliminer l'ensemble des risques.
    Nos troupes seront-elles armées sur la base?
    Oui, absolument.
    Merci.
    Monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens, moi aussi, à féliciter le général Bowes et le général Meinzinger pour leurs nominations à venir.
    Comme M. Spengemann l'a dit, c'est notre première séance sur le maintien de la paix, et nous avons tous tendance à nous lancer dans toutes les directions.
    J'aimerais dire au président que c'est une motion que j'ai déposée il y a presque un an et demi. Je l'ai formulée en termes plutôt généraux à ce moment-là puisque nous ignorions où nous allions. Nous l'aurions peut-être écrite un peu différemment à la lumière de la situation actuelle.
    J'aimerais savoir si nous aurons l'occasion de parler au ministre précisément de la mission au Mali durant notre étude. C'est une suggestion que je soumets au Comité. Certaines questions sont liées à des décisions politiques, et il est préférable de les poser au ministre plutôt qu'aux témoins que nous recevons aujourd'hui.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez décrit le nouveau rôle que le Canada va assumer, ses nouvelles tâches et sa nouvelle approche. Je ne veux aucunement diminuer l'importance de ces tâches, mais il me semble qu'il s'agit d'un recul relativement au rôle que nous avons joué traditionnellement dans le maintien de la paix. Auparavant, nous ne fournissions pas uniquement des troupes, mais aussi un leadership de très haut niveau, non seulement pour les missions auxquelles des troupes canadiennes participaient, mais aussi pour d'autres missions des Nations unies, en mettant à contribution des responsables tant civils que militaires. Nous offrions aussi de la formation de très haut niveau, qui était organisée au Canada par le Centre Pearson pour le maintien de la paix. J'aimerais savoir s'il y a une impression — et c'est peut-être une de ces questions qu'il est injuste de vous poser — que cette nouvelle approche plus technique au maintien de la paix représente un recul relativement au rôle de chef de file que nous avons joué traditionnellement.
    Permettez-moi de répondre aux deux parties de votre question.
    La première concerne le leadership. Nous n'écartons pas la possibilité qu'un Canadien ou qu'une Canadienne prenne la direction d'une opération de l'ONU si une telle occasion se présentait et si elle permettait au Canada d'apporter des changements.
    Je dirais que notre approche est plus ambitieuse que ce que vous laissez entendre. Nous voulons tenter de modifier la façon dont l'ONU dirige l'ensemble de ses opérations de paix, et non apporter une contribution restreinte en ne participant qu'à une opération. Il y a 100 000 soldats du maintien de la paix sur le terrain. Les 600 soldats du Canada, déployés ici et là, ne transformeront pas les opérations de paix de l'ONU.
    C'est pour cette raison que nous voulons tenter de trouver des solutions aux problèmes systémiques de l'ONU, qui comprennent la sous-représentation des femmes à tous les échelons. Aussi, pouvons-nous combler les lacunes importantes dont vous avez parlé en ce qui concerne la formation? À notre avis, c'est un des domaines dans lesquels le Canada pourrait être très utile grâce aux types de formation que nous pouvons offrir et que nous avons déjà offerte à des endroits comme l'Afghanistan, formations qui ont eu une incidence réelle. En améliorant la formation donnée dans les pays qui fournissent des troupes de façon à ce que ces troupes aient un effet plus grand et plus positif sur le terrain, nous croyons être en mesure d'apporter des changements à l'échelle du système de l'ONU.
(0925)
    Je le répète, je ne veux pas dire que l'initiative n'est pas importante.
    Puisque mon temps est limité, j'aimerais maintenant m'adresser au ministère de la Défense nationale.
    Nous recevons de nombreuses demandes de troupes canadiennes de la part des Nations unies et d'autres groupes. Le général Bowes a abordé le sujet durant son exposé. Pourquoi la demande de troupes canadiennes est-elle si forte? Quelle est la valeur ajoutée que nous apportons à ces missions?
    Ayant participé à deux missions des Nations unies, je suis convaincu que nous apportons à ces déploiements des aviateurs, des aviatrices, des soldats, des soldates et des marins bien formés, compétents et professionnels. Je pense que nous avons une grande souplesse.
    Lorsque j'étais commandant d'escadre en Afghanistan, je me rappelle que je me vantais souvent devant les invités en utilisant l'analogie du chasseur: nous avons un rayon de braquage parmi nos alliés, ce qui veut dire que nous avons les moyens de répondre à des demandes urgentes et de faire preuve de souplesse, mais nous le faisons de manière très professionnelle. C'est un exemple de la force aérienne, mais je dirais que c'est vrai pour l'ensemble de nos forces.
    De plus, par rapport à la qualité des membres des Forces armées canadiennes — vous avez parlé de leadership —, je regarde la mission au Mali et la personne qui commandera la force opérationnelle aérienne. Il a été commandant de l'escadron de Chinook en Afghanistan; c'est un excellent dirigeant grâce à l'expérience qu'il a acquise durant des opérations.
    De façon générale, je pense que les Canadiens tirent parti de leur expérience lorsqu'ils participent à de nouvelles missions. C'est une caractéristique que je trouve digne d'être soulignée.
    J'ajouterais, si vous me le permettez, que de nombreux pays qui fournissent des forces contribuent des appelés, alors que nos militaires sont professionnels et volontaires. C'est vrai que nous avons un système de perfectionnement professionnel rigoureux, mais ce qui revient dans tous mes voyages, c'est notre régime axé sur les valeurs. Nous portons peut-être un uniforme, mais nous sommes avant tout Canadiens, et l'important, ce sont les valeurs canadiennes que nous apportons sur la scène internationale. Outre le professionnalisme de nos forces, sur le plan militaire, les valeurs canadiennes sont recherchées.
    Je sais qu'il me reste très peu de temps, mais moi qui suis un des membres du Comité ayant passé du temps dans les zones de conflit au Timor-Oriental et en Afghanistan, je m'intéresse vivement à la question d'une force de déploiement rapide. C'était il y a longtemps, mais j'ai été coordonnateur d'une mission d'observateurs des droits de la personne au Timor-Oriental. Nous demandions qu'une force des Nations unies soit prête à intervenir dans le cas où nos prédictions quant au vote sur l'indépendance se réaliseraient. La force est arrivée beaucoup trop tard; 10 000 personnes ont été tuées et l'infrastructure du pays a été détruite. Les Canadiens ont grandement contribué à sa reconstruction.
    Où en sommes-nous relativement à la force de déploiement rapide dont M. Gwozdecky a parlé? Quelle en serait la taille et dans quelles circonstances serait-elle déployée?
    Parlez-vous de la force de réaction rapide?
(0930)
    Oui.
    Le gouvernement devra encore suivre un processus de sélection avec les Nations unies pour déterminer à quel moment et à quel endroit la force sera déployée. Ensuite, de notre côté, la composition de la force dépendra du milieu dans lequel elle sera envoyée.
    Vous comprendrez qu'en fonction des exigences militaires, dans certains pays, on pourrait employer une force de réaction terrestre, alors que dans d'autres régions, il faudrait une force de réaction aérienne, selon la géographie, le manque de routes ou de voies ferrées, les infrastructures, etc.
    Nous sommes très loin d'avoir un plan militaire détaillé concernant une force de réaction rapide à mon échelon, car je ne participe pas à cela.
    Je demanderais à mes collègues des deux côtés de vous parler de la façon dont le gouvernement procédera au processus de sélection et du rôle du chef d'état-major de la Défense.
    Malheureusement, je vais devoir vous arrêter là, mais je suis certain que nous aurons le temps de revenir à la question.
    Je donne la parole à M. Robillard.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Depuis l'annonce de la ministre Freeland et du ministre Sajjan concernant le déploiement d'une force opérationnelle aérienne, le 19 mars dernier, auprès de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la MINUSMA, quelles ont été les dernières discussions avec le Mali, les pays partenaires ainsi que l'ONU afin de préparer la venue de la contribution canadienne?
    À cet effet, quelles sont les prochaines grandes étapes concernant le déploiement de cette mission?

[Traduction]

    Depuis que le gouvernement a annoncé la décision, sur le plan stratégique, l'équipe a entrepris la planification militaire et opérationnelle nécessaire à l'avancement de la mission, en collaboration avec nos partenaires des Nations unies.
    De plus, nous avons effectué une mission de reconnaissance — ce que l'ONU appelle une visite des lieux — au Mali pour discuter avec nos partenaires. Simultanément, nous avons envoyé des équipes en Europe aussi récemment qu'il y a deux semaines pour parler avec nos principaux partenaires de la façon dont nous entrerons dans le théâtre, pendant que d'autres pays en sortiront.
    La semaine dernière, j'étais en Europe pour parler des prochaines étapes avec tous mes collègues européens, un représentant de l'Union européenne et des alliés travaillant en Afrique, y compris les forces françaises et les planificateurs des Nations unies. Au cours des deux prochaines semaines, nous effectuerons une mission de reconnaissance ou une visite des lieux approfondie centrée sur le maintien en puissance de notre mission ou sur l'approche que nous allons employer pour entrer. De plus, nous collaborons étroitement avec l'Allemagne, le pays que nous allons remplacer, pour ce qui touche la force opérationnelle aérienne.
    À mesure que les hélicoptères allemands quitteront le théâtre, les hélicoptères canadiens entreront, mais ce ne sera pas fait simultanément. Nous procéderons par étapes. Ce ne sont pas des aéroports internationaux, ce sont de très petits terrains d'aviation et de très petites installations. Lorsqu'un hélicoptère part, un autre vient le remplacer; nous coordonnons cela.
    C'est le rythme que suit chaque mission, même lorsqu'il s'agit d'une rotation canadienne. C'est ce qui se produira au cours des prochains mois; nous devrions activer le théâtre en juin. Nos forces et les instances principales arriveront en juillet, les hélicoptères allemands partiront durant la troisième semaine de juillet, et les hélicoptères canadiens seront sur le terrain et opérationnels au début du mois d'août.
    Merci.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter, pour ce qui concerne les activités stratégiques en cours, que nous enverrons la semaine prochaine une petite délégation à l'ONU. Nous continuons à travailler à l'établissement d'un protocole d'entente. C'est une des exigences normales de l'ONU. Le protocole d'entente sera le produit des connaissances que nous aurons acquises grâce à la reconnaissance. C'est donc une priorité à laquelle toute l'équipe travaille afin de préparer le déploiement décrit par le général Bowes.

[Français]

     Lors d'un débat thématique de haut niveau organisé par l'Assemblée générale des Nations unies, en mai 2016, l'engagement des États francophones dans les opérations de maintien de la paix avait été réaffirmé.
    Quel est, selon vous, l'apport des troupes canadiennes et francophones dans les missions de paix comme celle du Mali?

[Traduction]

    J'ai eu l'honneur et le plaisir de servir au Mali pendant plusieurs années, dans la mission que nous avons là-bas, au moment où les Nations unies mettaient sur pied leur mission et où l'accord de paix était conclu. Les compétences linguistiques du Canada sont une des raisons pour lesquelles on nous a demandé de participer. Nous avons constaté de première main à quelques occasions des fossés linguistiques à l'intérieur même de la mission de l'ONU, par exemple, entre des groupes de différents secteurs, dont certains sont anglophones et ne maîtrisent pas le français, et d'autres sont francophones ou parlent une autre langue.
    En plus de toutes les autres qualités qui ont été décrites, selon moi, nos compétences linguistiques sont une des raisons pour lesquelles on recherche activement la participation du Canada dans cette région du monde.
(0935)

[Français]

    À la suite de l'annonce du 19 mars dernier, faite par notre gouvernement, au sujet de cette nouvelle stratégie en matière de maintien de la paix, comment décririez-vous la réaction des alliés et des partenaires étrangers du Canada?

[Traduction]

    C'est fort possible. Bien que nos forces militaires soient petites, elles sont réputées comme étant très souples et très professionnelles. La réaction que j'ai vue la semaine dernière en travaillant avec des collègues était très semblable à celle que j'ai observée depuis que j'occupe ce poste, soit depuis trois ans. Lorsque nous sommes allés en Ukraine, nous travaillions avec d'autres pays; la situation était très semblable en Lettonie. C'est formidable que l'équipe comprenne des militaires canadiens.
    Sur les plans stratégique, militaire et politique, je pense aussi que c'est considéré comme un engagement d'intervention d'un effectif professionnel. La réaction a été très positive.
    Il vous reste assez de temps pour une question brève et une réponse.

[Français]

    Lors d'une visite au Canada, le président de l'Ukraine a exprimé son souhait de voir le Canada contribuer à une mission de paix des Nations unies en Ukraine. Dans le cas où une telle mission verrait le jour, alors que le gouvernement s'est engagé à déployer des troupes au Mali, une telle contribution en Ukraine serait-elle écartée?

[Traduction]

    Nous étudions la question. La ministre Freeland en a discuté personnellement avec le président Porochenko, le premier ministre de l'Ukraine, le secrétaire d'État des États-Unis et nombre d'autres dans le but de déterminer comment une mission de maintien de la paix pourrait contribuer à notre objectif global, qui est de soutenir la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
    Nous cherchons à déterminer s'il est possible de négocier un mandat de maintien de la paix qui cadrerait avec cet objectif. Dans l'affirmative, nous serions tout à fait pour. Toutefois, je pense qu'il y a des doutes profonds quant à la volonté de certains partenaires essentiels d'accepter une telle mission.
    Nous passons maintenant à la série de questions de cinq minutes.
    Madame Alleslev.
    Merci beaucoup. Bien sûr, je tiens aussi à féliciter le général Bowes et le général Meinzinger, avec lequel j'ai eu le privilège de servir. Je ne peux penser à personne de plus qualifié pour tenir ce poste, et nous sommes chanceux de vous avoir.
    C'était il y a quelques années.
    Oui. J'ai servi sous votre gouverne.
    Merci et félicitations.
    Le maintien de la paix fait partie de notre identité en tant que Canadiens. C'est un élément important de la façon dont nous nous définissons. Cependant, je pense que le maintien de la paix, comme les Canadiens le perçoivent et le définissent, n'existe plus, mais peu importe si c'est le cas ou non, le maintien de la paix a certes changé fondamentalement.
    Avec les missions de l'OTAN et les missions de la paix de l'ONU, et la portée de celle-ci, qui est visée par le chapitre VII et qui nous permet donc de recourir aux forces armées, les coalitions avec les pays volontaires et les missions non organisées par les Nations unies, la nature même du conflit, ou la guerre et la paix ont fondamentalement changé.
    Pourriez-vous nous aider à expliquer aux Canadiens à quoi ressemble la situation dans le contexte actuel, plus particulièrement avec les acteurs non étatiques? Comment décrieriez-vous les diverses missions auxquelles participe l'armée canadienne, et comment aideriez-vous les Canadiens à comprendre les différences entre les missions?
    Vous avez abordé le défi fondamental auquel les opérations de paix modernes sont confrontées, et j'utilise l'expression « opérations de paix » car il n'y a plus de maintien de la paix. Dans le cadre de ces missions, il n'y a pas une paix à maintenir. Il y a un véritable conflit. Il y a de l'instabilité, alors nous utilisons plus couramment l'expression « opérations de paix ».
    Qu'est-ce qui nous attend? Comment pouvons-nous expliquer la situation aux Canadiens? Les situations sont plus complexes que dans le passé.
    Il y a aussi le fait que ces situations de conflit et d'instabilité découlent d'enjeux politiques, et les solutions sont d'ordre politique, si bien que nos missions de paix...
(0940)
    N'est-ce pas le cas pour les guerres?
    Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que les opérations de paix ne sont pas censées être la solution. La solution doit provenir des habitants de l'État. Dans le cas du Mali, ce sont les Maliens qui doivent enclencher le processus de paix. La mission des Nations unies a pour but d'apporter une stabilité, de créer une tribune qui rend possible le dialogue politique et la diplomatie.
    C'est en fait une mission politique avec un appui militaire qui est plus complexe que tout ce que nous avons vu dans le passé, et c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de gens très bien formés qui peuvent travailler dans un environnement comme celui-là et qui reçoivent des renseignements qui les aident à comprendre qui sont les intervenants, quelles sont leurs motivations et comment ils peuvent intervenir de la meilleure façon possible. Ce sont des situations auxquelles nous n'avons jamais été confrontées auparavant, mais dans le cas du Mali, vous avez une multitude de groupes, pas seulement des groupes terroristes, mais aussi des groupes criminels transnationaux et des communautés tribales. Il faut comprendre tous ces facteurs avant de pouvoir intervenir de façon appropriée.
    De façon pragmatique, comment pouvons-nous décrire la différence? Nous regardons la mission de l'OTAN en Lettonie, qui est peut-être plus sécuritaire ou qui présente un niveau de risque différent que la mission au Mali, mais il s'agit d'une opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali, où il n'y a pas de présence avancée renforcée de l'OTAN. Comment pouvons-nous expliquer aux Canadiens les différences fondamentales entre ces missions?
    Permettez-moi de vous interrompre. Il y avait un haut dirigeant qui décrivait le monde d'une manière très marquante. Il disait que le monde est en feu et essaie de faire comprendre aux Canadiens que dans de nombreuses régions qui nous intéressent et où nous oeuvrons, il y a beaucoup de volatilité, de complexité, d'incertitude et d'ambiguïté.
    Un élément qui est très unique dans les travaux que nous menons de nos jours, qui est très différent de ce que nous faisions dans le passé et que nous pouvons voir dans l'une de nos missions dans le cadre de notre politique de défense, c'est le renforcement des capacités. Pensons à l'Ukraine, à la contribution de l'OTAN à Bismayah, qui est juste à l'extérieur de Bagdad, aux formations sur le Fonds de stimulation de l'infrastructure offertes au personnel qui lutte contre les dispositifs explosifs de circonstance, aux opérations que nous menons dans des endroits comme le Niger, avec nos forces conventionnelles, et à nos forces spéciales en Tunisie... Nous travaillons essentiellement de concert avec certains de ces alliés pour renforcer leurs forces militaires, car nous reconnaissons, comme M. Gwozdecky l'a souligné, la nature des effets transnationaux. La criminalité et l'extrémisme violent se propagent au-delà des frontières, alors nous devons créer des forces partout dans le monde, et nous le faisons à l'heure actuelle dans le cadre de nos missions de renforcement des capacités.
    Merci.
    Députée Gallant.
    Merci, monsieur le président; je vais adresser mes questions au général Bowes.
    Général, combien de troupes canadiennes seront déployées au Mali exactement?
    Environ 250.
    D'accord.
    La majorité des opérations se feront par hélicoptère. Comment les troupes seront-elles préparées à la présence des SPDAA — les systèmes portatifs de défense aérienne?
    Nous n'avons aucune preuve de l'utilisation de SPDAA dans le théâtre des opérations au Mali depuis 2011, lorsque nous avons commencé à assurer une surveillance. Nos hélicoptères sont équipés d'un éventail de capacités de défense, et lorsqu'il est question de tactiques, de techniques et de procédures, il y a des règles d'engagement dont nous ne discutons pas.
    Il y a un expert à mes côtés qui ronge son frein, car il veut intervenir. La parole est à vous.
    Oui, certainement.
    Notre approche dans le cadre de cette mission, d'un point de vue aérien, ressemblera beaucoup à celle que nous avons adoptée en Afghanistan. C'est une approche très rigoureuse quant à la façon dont nous acceptons les missions au départ, puis nous examinerons très attentivement toutes les menaces potentielles avant d'intervenir, que ce soit, les conditions météorologiques, le niveau de fatigue des troupes et les menaces que vous décrivez. Les décisions seront prises avec beaucoup de rigueur.
    À quand remonte la dernière fois où les troupes canadiennes se sont entraînées avec des troupes du Tchad, du Niger, du Bangladesh ou de la Chine? Ils seront sur le terrain avec ces troupes.
(0945)
    Les troupes s'entraînent avec celles du Niger à l'heure actuelle. L'Armée canadienne mène un programme d'instruction. Nous collaborons avec ce pays d'une manière itérative. Je ne sais pas à quand remonte, la dernière fois où nos troupes se sont entraînées avec celles du Tchad. Il faudrait que je me renseigne.
    Ces autres forces sont-elles dignes de confiance? D'après certaines sources, lorsque les Chinois étaient au Soudan et étaient la cible de tirs, ils ont lâché leurs armes et sont partis. Seront-ils solidaires de nos troupes?
    Je signale que notre contribution au Mali est une force opérationnelle aérienne. Nous serons principalement dans un camp à Gao où nous travaillerons avec des alliés tels que les Allemands. L'Allemagne est d'une grande aide. En tant que nation qui fournit les hélicoptères, elle laisse essentiellement tout ce qu'elle a, environ 500 troupes à ce camp, moins les équipages d'hélicoptère. Au quotidien, nous serons dans ce camp. Nous n'irons pas sur le terrain avec les nations participantes actuelles.
    Je pourrais ajouter quelque chose, si vous le permettez.
    Non, c'est correct.
    Quel est le coût total prévu du déploiement des troupes canadiennes au Mali?
    La question du coût n'a pas encore été réglée.
    Le coût de l'ensemble du déploiement.
    Le déploiement des troupes au Mali doit respecter la décision du gouvernement quant à ce qu'il souhaite dépenser pour financer les opérations de soutien de la paix sur plusieurs années. Le coût peut varier en fonction de notre déploiement, notre soutien et la façon dont nous entrons dans le pays. Nous sommes en train de déterminer les coûts.
    D'accord.
    Quelle est la date exacte du déploiement des troupes canadiennes au Mali?
    J'ai répondu à cette question plus tôt.
    D'accord.
    Combien de temps les Forces canadiennes seront-elles actives au Mali exactement?
    Environ un an, avec la force opérationnelle aérienne.
    Vous avez mentionné que les militaires seront armés. Porteront-ils des armes courtes?
    Les membres de cette force portent des armes légères. Je ne vais pas préciser les armes courtes. Cela dépend de la nature de la tâche, si un pilote a une arme particulière en sa possession ou si les officiers de sécurité des aéronefs tactiques portent...
    D'accord.
    Le Mali est-il une zone de guerre?
    Ce n'est pas une expression qui s'applique au Mali. C'est une zone de conflit complexe.
    Les troupes canadiennes participeront-elles aux opérations antiterroristes d'une façon quelconque?
    Elles y participeront en procédant à des évacuations aéromédicales et en transportant le personnel pour appuyer le mandat de la MINUSMA et le G5 Sahel.
    D'accord.
    Maintenant, dans le cadre des opérations, dans quelles circonstances nos troupes seront-elles autorisées à recourir à la force au Mali?
    Je ne suis pas préparé à discuter des règles d'engagement.
    D'accord, ne parlons pas des règles d'engagement.
    Eh bien, les troupes ont des règles d'engagement, mais je ne peux pas vous dire...
    Seront-elles forcées de recevoir des ordres d'un fonctionnaire des Nations unies sans consultation préalable...?
    Peu importe où nous sommes sur la planète, le chef d'état-major de la Défense conserve le commandement intégral de nos forces, et dans la matrice énoncée des responsabilités, le commandant de la force opérationnelle aérienne relève de moi. Il peut accepter des tâches du commandant de la force conformément aux paramètres que nous avons mis en place.
    D'accord.
    Les troupes seront-elles...?
    Votre temps de parole est écoulé.
    Député Gerretsen.
    Merci, monsieur le président.
    Général Bowes, notre mission ici consiste à formuler des recommandations au gouvernement sur quel devrait être le rôle du Canada en matière de maintien de la paix, et pas dans un secteur en particulier. Je veux tout d'abord essayer de comprendre où nous en sommes et comment nous nous sommes rendus là. La documentation que la Bibliothèque du Parlement nous a fournie fait état qu'il y a une diminution des contributions du Canada dans les missions de maintien de la paix depuis les années 1970. Je pense que nous nous entendons tous là-dessus. Les données laissent entendre qu'il y a eu une détérioration de l'appui sous les gouvernements conservateurs et libéraux. Ce n'est donc aucunement une question motivée par des considérations politiques, mais cette tendance semble indiquer un changement dans les priorités nationales depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui. Je me demande si vous pensez que c'est dû à un changement dans les priorités en matière de politique étrangère et de sécurité du Canada depuis les années 1970. Êtes-vous d'accord avec moi?
    Vous me posez des questions relatives aux politiques, alors M. Gwozdecky est...
    Je dirais que, dans le cadre de cette nouvelle stratégie, vous verrez une augmentation graduelle de Canadiens déployés à l'étranger, que ce soit...
    Oui, c'est cette politique... J'essaie de comprendre comment nous en sommes rendus là. Avons-nous enregistré une diminution? Convenez-vous qu'il y a eu une diminution, et est-ce dû à des changements dans nos priorités en matière de politique étrangère et de sécurité?
(0950)
    Non, je ne dirais pas que cette baisse est le résultat d'un changement dans la politique. Je pense qu'il a fallu un certain temps pour mettre en place la politique, et maintenant qu'elle est en place, vous constaterez une augmentation de façon générale.
    Comment expliquez-vous cette diminution au cours des dernières décennies?
    Je ne suis pas certain de vouloir expliquer en peu de temps ce qui s'est passé au cours de plusieurs décennies. Je reviendrais à ce que j'ai dit dans ma déclaration, où j'ai essayé d'expliquer très clairement que nous n'essayons pas de changer les choses par le nombre de troupes canadiennes sur le terrain. Nous essayons d'apporter un changement dans l'ensemble du système en déployant 100 000 casques bleus dans le monde, plutôt que de changer les choses en faisant appel aux 600 membres de Forces armées canadiennes. Nous pensons que nous apportons une plus grande contribution en changeant l'ensemble du système des Nations unies.
    D'accord. Je suppose que c'est la réponse que je voulais obtenir. Nous mettions peut-être plus l'accent sur l'aspect militaire dans le passé, tandis que maintenant, nous reconnaissons que nous pouvons faire plus que simplement déployer des militaires.
    Oui, mais nous reconnaissons aussi que les répercussions de la contribution discrète du Canada à cette mission seront beaucoup moindres que si nous formons des militaires de certains pays qui déploient des milliers et des milliers de troupes. Si nous pouvons améliorer leurs aptitudes et leur professionnalisme dans l'exécution des tâches, cela aura une plus grande incidence dans l'ensemble du système.
    Comment d'autres pays se comparent-ils par rapport au Canada en tant que contributeurs aux opérations de maintien de la paix dans le passé? Leurs contributions ont-elles diminué également?
    Je pense que je peux dire sans me tromper que la contribution des pays occidentaux développés, de façon générale, a diminué avec le temps, car les pays du Sud et la Chine ont commencé à déployer de plus en plus de troupes sur le terrain. Nous sommes arrivés au consensus selon lequel nous nous complétons mutuellement. Les pays du Sud déploient un grand nombre de troupes sur le terrain, et les nations avancées fournissent les technologies habilitantes et les capacités très spécialisées, telles que des hélicoptères, que très peu de pays ont. Nous pouvons changer les choses de cette façon.
    D'autres pays ont-ils réagi à l'engagement renouvelé du Canada à l'égard des opérations de maintien de la paix depuis 2016-2017?
    Comme le général Bowes l'a mentionné, leur réaction est très positive. Les pays attendent avec impatience les contributions du Canada: ils veulent plus de militaires des Forces armées canadiennes, plus de policiers, plus de diplomates et plus de civils.
    Général Bowes, la question suivante est probablement une bonne question à vous poser. Nous venons de terminer une étude sur l'OTAN qui mettait beaucoup l'accent sur l'interopérabilité et son importance. Quelle incidence a l'interopérabilité dans le cadre des missions internationales de maintien de la paix? Est-ce tout aussi important, comme nous l'avons appris dans le cadre de notre étude sur l'OTAN? Quelle est la situation à cet égard?
    L'interopérabilité serait un plus gros défi dans la dynamique d'une opération des Nations unies, car bon nombre des forces n'ont pas de militaires professionnels comme nous. L'interopérabilité repose fondamentalement sur les gens. Ce n'est pas un aspect technique. Le volet technique est absolument important, mais c'est l'interopérabilité des gens qui compte.
    Veuillez fournir des explications, car c'est un peu différent que...
    Je peux participer à une conversation dans un groupe de cinq personnes dont la langue principale est l'anglais. Nous pouvons utiliser le même terme et avoir cinq interprétations différentes de sa signification et avoir cinq orientations culturelles différentes pour régler un problème ou un défi. La communication est essentielle. Dans le cadre de notre mission au sein de la FAT au Mali, c'est une question moins préoccupante.
    Vous avez parlé de la prolifération d'intervenants non étatiques. L'approche traditionnelle ne sera pas aussi efficace, car vous devrez travailler en dehors des frontières. Ce doit être plus mondial.
    Merci.
    Monsieur Yurdiga.
    Merci aux témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
    Ce sont là d'excellentes questions. De nombreuses questions que j'allais poser ont été abordées d'une façon ou d'une autre.
    À l'heure actuelle, les principaux contributeurs aux opérations de maintien de la paix sont l'Éthiopie, l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh et le Rwanda. Une étude de l'ONU menée à l'interne en 2014 a relevé que les missions de maintien de la paix évitent régulièrement de recourir à la force pour protéger les civils qui sont la cible d'attaques et n'intervient que dans 20 % des cas même si les militaires ont l'autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies d'intervenir. Croyez-vous que c'est le résultat d'une formation inadéquate des casques bleus de l'ONU, ou est-ce le résultat de problèmes de communication?
(0955)
    Je pense que c'est les deux. Nous avons certainement remarqué que certains des pays qui fournissent des troupes déploient des bataillons sur le terrain qui ne sont pas prêts à relever ces types de défis, car ils ne sont pas bien formés. C'est la raison pour laquelle notre stratégie prévoit adopter un ou deux de ces grands pays qui fournissent des troupes et leur offrir le type de formation professionnelle et l'équipement dont ils ont besoin pour mener ces opérations, de manière à ce que les militaires ne restent pas dans les casernes et se rendent sur le terrain et relèvent les défis d'une manière à garantir leur sécurité et à atteindre les objectifs de la mission.
    Les Nations unies offrent un programme aux militaires avant leur déploiement pour une mission de maintien de la paix. Existe-t-il un programme qui comporte certains critères qu'ils doivent respecter? Si c'est le cas, ce programme semble être un échec.
    Nous travaillons notamment à faire en sorte que les Nations unies améliorent la formation qu'elles donnent aux militaires de pays fournisseurs de troupes avant le déploiement.
    J'ajouterais que cela s'inscrit à mon avis dans le cadre de la réforme des Nations unies. J'étais à l'ONU il y a environ neuf mois, et j'estime que l'initiative proposée par le secrétaire général visant à relever le niveau de formation, les normes... En fait, récemment, dans le cadre du processus de déploiement de nos Hercules C-130 à Entebbe, en Ouganda, ils ont rendu visite à notre 463e escadron à Trenton, car cela fait partie du processus de confirmation.
    Je crois qu'ils visent une plus grande cohérence lorsqu'il s'agit de mettre sur pied des forces de l'ONU. Il faudra une combinaison de bien des éléments, y compris la formation, qui est essentielle, comme l'a souligné M. Gwozdecky.
    J'ajouterais que le Canada est maintenant responsable d'un programme de formation de trois ans pour le compte des Nations unies. Il s'agit du programme des Nations unies pour le perfectionnement des cadres de direction, qui consiste à offrir à des cadres supérieurs et à des représentants de forces armées de différents pays la formation qui leur permettra de diriger des opérations de paix n'importe où dans le monde.
    Nous contribuons ainsi à améliorer la capacité des Nations unies d'offrir une formation de haut niveau, dans ce cas-ci à des dirigeants, mais aussi à des militaires de pays fournisseurs de troupes.
    Je dois mentionner aussi qu'il y a le Centre de formation pour le soutien de la paix à Kingston, où les pays sont invités à suivre des programmes de formation et des cours d'instruction. Nous apportons donc une contribution de façon générale.
    J'aimerais ajouter quelque chose rapidement. Vous avez parlé de l'ONU. Les Nations unies ont ciblé les lacunes sur le plan des communications et du mandat. Il y a deux rapports que je recommanderais au Comité d'examiner, à savoir le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix et le rapport Cruz. Ils sont tous les deux très utiles, car ils nous renseignent à propos des lacunes des opérations des Nations unies et des mesures qui sont prises pour y remédier.
    Ces derniers mois, je me suis entretenu avec des anciens combattants dans ma circonscription. Ils ont déjà participé à une mission de maintien de la paix et ils ont exprimé des préoccupations en tant qu'anciens combattants. Lorsque nos militaires participent à une mission de maintien de la paix, ils n'ont pas la certitude que les gens sur le terrain ont le même objectif qu'eux. Ils ne savent pas si les gens sur le terrain, qui sont censés les appuyer, vont effectivement les soutenir, car nous avons observé de terribles échecs au cours des différentes missions de maintien de la paix, dont le nombre s'élève à plus de 70.
    Qu'allons-nous faire pour nous assurer que lorsque nos militaires se retrouvent à l'étranger, ils soient certains d'être soutenus?
    À titre d'officier d'état-major qui fait rapport régulièrement au chef d'état-major, je peux vous dire que cette question est prioritaire pour lui, et je crois que le général Bowes l'a mentionné tout à l'heure. Quant à la protection de nos troupes à l'étranger, si ce n'est pas l'ONU qui s'en occupe, alors les Forces armées canadiennes, conseillées par le chef d'état-major, s'occupent de prévoir du soutien sur place pour nos militaires. Je pense notamment à du soutien médical et à une protection aérienne serrée. Nous pourrions citer de nombreux exemples, mais il est certain que, lorsque le général Vance envisage de déployer des troupes à l'étranger sous la gouverne du commandant des opérations, la protection des militaires est prioritaire à ses yeux.
(1000)
    Je vous remercie.
    Monsieur Fisher.
    Je vous remercie, messieurs, pour votre présence. Certains d'entre vous ont déjà comparu à plusieurs reprises, et je vous en remercie.
    Je vais m'adresser à vous, Mark. Vous avez parlé de notre nouvelle stratégie canadienne et d'un véritable changement institutionnel. Vous avez affirmé essentiellement que les engagements uniques sont chose du passé. Vous avez également abordé la question de la crédibilité du Canada.
    Est-ce que cette nouvelle stratégie canadienne va accroître notre crédibilité?
    Oui, elle accroîtra notre crédibilité lorsque nous participons à des missions difficiles, comme celle où nous déployons des hélicoptères au Mali, lorsque nous faisons le gros du travail et lorsque nous essayons d'opérer un changement institutionnel.
    Est-ce que notre position ou notre grande crédibilité nous permettra de tracer la voie pour les Nations unies? Vous avez mentionné que l'ONU a du mal à faire face aux défis, aux coûts et aux budgets. Quoi que, vous avez également expliqué que l'ONU peut maintenant compter sur des pays qui, traditionnellement, n'étaient pas perçus comme des pays qui pouvaient offrir de l'aide.
    Je sais que nous parlons seulement du point de vue du Canada, mais selon vous, quelle est la voie à suivre? Avez-vous une suggestion à faire à cet égard? Comment pouvons-nous trouver l'équilibre entre les besoins, les défis, les attentes et les réalités; et est-ce que notre position et notre crédibilité peuvent servir à influencer la voie à suivre pour l'ONU?
    Permettez-moi de vous répondre en soulignant que nous faisons preuve d'innovation en ce qui a trait à certains éléments de notre stratégie. Ce que nous faisons découle précisément de ce qui ressort des divers rapports de haut niveau concernant les opérations de maintien de la paix de l'ONU. Notre stratégie est une réponse à ces rapports indépendants qui décrivent ce que doit faire l'ONU pour améliorer les choses, à savoir accroître la participation des femmes, améliorer la formation, etc. Notre stratégie est axée là-dessus.
    Vous avez parlé de la mission du Canada au Mali. Nous savons que toutes les missions sont dangereuses. Aucune n'est sans danger. Pourquoi le Mali? Pourquoi l'Afrique? À votre avis, est-ce logique?
    Je ne sais pas si quelqu'un d'autre souhaite répondre également.
    Eh bien, pourquoi l'Afrique? Presque 70 % des missions de maintien de la paix de l'ONU se déroulent en Afrique. Si nous voulons contribuer à des opérations de maintien de la paix, il est fort probable que nous devions aller en Afrique.
    Deuxièmement, pourquoi le Mali? Les capacités spécialisées que le gouvernement a convenu d'offrir correspondent aux besoins qui existent là-bas, au Mali. C'est une décision logique. Bien entendu, il y a d'autres éléments qui rendent notre contribution au Mali appropriée, notamment notre longue tradition d'aide au développement et d'autres mesures de soutien, ainsi que nos compétences linguistiques. Tous ces éléments font en sorte que le Mali est l'endroit qui convient bien à ce que le Canada a à offrir.
    Je présume que l'ONU nous demanderait de l'aide pour toutes les missions, ou de nombreuses missions. Est-ce que les raisons que vous venez de mentionner sont celles qui auraient motivé notre décision d'apporter cette aide?
    Comme je l'ai dit, je pense que c'était logique. Le gouvernement a pris la décision en fonction de la valeur ajoutée que peut apporter le Canada selon lui, des capacités qui sont désespérément nécessaires pour changer les choses. L'ONU a ciblé ses lacunes et ses besoins. Il se trouve qu'au Mali, à compter du mois d'août prochain, il y aura de grands besoins du côté de l'aviation, et le Canada peut répondre à ces besoins.
(1005)
    Comment peut-on changer la perception qu'ont les gens des opérations de paix en fonction de ce qu'elles sont de nos jours? Leona et moi-même en discutions plus tôt. Nous nous imaginons des Casques bleus qui se promènent sur le terrain, mais ce n'est plus ainsi que les choses se passent. Comment changer dans l'esprit des Canadiens cette perception qu'ils ont des opérations de paix afin de l'actualiser?
    S'il y a une chose que j'aimerais que les Canadiens comprennent à propos de notre stratégie, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement d'envoyer des hélicoptères au Mali. C'est important, mais nous nous efforçons principalement d'opérer un changement au sein du système en augmentant le nombre de femmes qui participent à des opérations de paix et en améliorant la capacité des principaux pays fournisseurs de troupes d'accomplir leurs tâches de façon plus professionnelle.
    Très bien.
    Monsieur le général Meinzinger, il me reste 10 secondes.
    Les Leafs ou les Bruins?
    Les Leafs.
    La dernière question du premier tour appartient à M. Garrison.
    Je vais donner un exemple, sans doute trop long, pour revenir à la question de la formation. Avant d'aller en Afghanistan, j'ai suivi une formation de haut niveau sur la sécurité personnelle offerte par les Forces armées britanniques, car je travaillais pour une ONG britannique. Il s'agissait notamment d'apprendre à passer des barrages routiers érigés par des acteurs non étatiques. J'ai aussi suivi un cours au Centre Pearson pour le maintien de la paix. Ce cours visait notamment à enseigner comment démanteler des barrages routiers. Ce sont des compétences essentielles que j'ai mises à profit en Afghanistan.
    J'aimerais savoir sur quoi porte la formation actuellement. Au Centre Pearson pour le maintien de la paix, lorsque j'y ai suivi le cours, il y avait à la fois des participants des forces armées et des participants de la société civile. C'était également le cas lorsque j'ai suivi le cours offert par l'armée britannique. Des militaires et des civils suivaient le cours en même temps, mais le niveau de formation était différent.
    Sur quoi porte maintenant la formation?
    Je vais d'abord souligner que notre expérience des missions comme celle que nous avons menée en Afghanistan nous a enseigné que la formation peut avoir lieu dans différents milieux. Parfois, il convient d'offrir la formation au Canada, mais très souvent, il est plus profitable de l'offrir sur le terrain, et l'ATTC, dont pourraient parler nos collègues, est un concept très efficace qui a été perfectionné, je dois dire, en Afghanistan et que nous essayons d'appliquer à l'échelon local.
    Soit dit en passant, monsieur Fisher, ce ne sont pas les Bruins, mais bien les Jets.
    J'aime bien les Jets.
    Je vais laisser de côté l'ATTC pour un instant, car je dois dire que nous préparons les militaires pour le déploiement d'une façon très disciplinée. Il existe deux modules de formation. Le premier comporte une série de cours de base obligatoires. Les militaires doivent également subir un examen médical et recevoir les vaccins nécessaires. Ensuite, il y a ce que nous appelons l'instruction axée sur le théâtre et sur la mission, dont s'occupe l'équipe du général Bowes.
    À mon avis, c'est une très bonne formation. On y parle notamment des enfants soldats en fonction du contexte dans lequel nos troupes se retrouveront selon nous.
    Je me souviens que, lorsque j'ai été déployé en Haïti en 1995, un représentant de l'ACDI était venu nous parler de la culture là-bas. Je me souviens qu'il nous avait expliqué qu'il n'est pas approprié en Haïti de mettre la main sur la tête d'un enfant pour le saluer. C'est un geste qui est mal perçu. En prévision du déploiement au Mali, nous procédons actuellement à la formation de base et à l'instruction axée sur le théâtre et sur la mission, qui ont fait leurs preuves.
    Je vais revenir à la question de savoir si nous avons besoin de ce Centre Pearson pour le maintien de la paix. Depuis toujours, l'une des contributions du Canada a consisté à offrir de la formation de haut niveau, et le Centre Pearson pour le maintien de la paix a offert un grand nombre de ses cours en Afrique. Ils n'ont pas tous été donnés ici. J'espère que nous envisageons — peut-être en revitalisant ce centre — de rétablir ces capacités et de les mettre à profit, car notre modèle de formation constitue à mon avis l'une des forces du Canada.
    Si je peux me permettre, sans nécessairement parler du Centre pour le maintien de la paix Pearson, je peux vous dire que nous utilisons tous les outils à notre disposition. Nous avons mentionné l'ATTC et nos capacités internationales pour offrir ce genre d'instruction.
    Nous avons nos propres programmes d'instruction à Kingston, où nous offrirons de la formation sur les enfants dans les conflits armés, les femmes, la paix et la sécurité. Ces programmes seront tous déployés à l'échelle nationale comme internationale. Nous avons ce que nous appelons le Programme d'instruction et de coopération militaires par lequel nous offrons toutes sortes de formations au Canada et à l'étranger sur divers sujets, qui vont de l'instruction sur la logistique de l'ONU, aux femmes, à la paix et à la sécurité, en passant probablement bientôt par les enfants dans les conflits armés.
(1010)
    Merci.
    Il nous reste un peu de temps. J'aurai besoin de 10 minutes à la fin pour discuter des travaux du Comité, un point qui a été ajouté à la dernière minute à l'ordre du jour, l'autre soir, par les membres du Comité.
    J'ai encore les noms de M. Spengemann, de M. Bezan, et de M. Garrison, qui souhaitent intervenir. Si vous avez une question, faites-moi signe, et je vous inscrirai à la liste.
    J'ai moi-même une question à poser. Nous prenons le relais des Allemands, qui ont eux-mêmes pris le relais des Néerlandais, d'après ce que je comprends. Si c'est pour le même genre d'opération, les Allemands utilisaient des hélicoptères d'attaque Tiger. Les Néerlandais utilisaient des hélicoptère Apache. Nous utiliserons pour notre part nos hélicoptères Griffon. Les Griffon auront-ils les mêmes fonctions que ces autres hélicoptères et comment seront-ils configurés, parce que ce sont des hélicoptères polyvalents?
    Je commencerai, après quoi je donnerai... Nous n'avons pas d'hélicoptères d'attaque. Nos hélicoptères sont des escortes armées. Il y a une grande distinction à faire entre ces différents modèles, mais il faut bien préciser que ce n'est pas parce que nos alliés utilisaient des hélicoptères d'attaque en théâtre d'opérations qu'ils les ont nécessairement utilisés comme les hélicoptères d'attaque pouvaient être utilisés en général dans des endroits comme l'Afghanistan. Ils seraient assurément équipés pour cela, mais nous avons les moyens de faire le travail qu'on nous a confié.
    J'ajouterai seulement que nous avons tout à fait l'intention d'utiliser nos Griffon de la même manière qu'en Afghanistan, donc nos plateformes d'évacuation sanitaire aérienne, les Chinook, décolleront du camp de Gao pour se rendre sur les lieux de pertes massives et voyageront sous l'escorte de Griffon, de plusieurs Griffon, qui en assureront la surveillance. Ils les escorteront pour en protéger les flans, et ils seront sûrement armés selon la configuration requise en Afghanistan.
    Pouvez-vous nous parler plus en détail de la façon dont ils seront armés, du type d'armement requis?
    Je préférerais ne pas vous donner de détails. Je trouve important de ne pas diffuser trop publiquement nos systèmes d'armes. Vous pouvez imaginer la situation en Afghanistan et l'emploi d'un Griffon dans ces circonstances. Ce sera très similaire.
    Merci.
    Monsieur Spengemann, vous avez cinq minutes.
    J'aimerais revenir à l'idée de valeurs de base et aux raisons pour lesquelles nous faisons du maintien de la paix, simplement question de les mentionner maintenant pour en discuter davantage plus tard. L'un des phénomènes propres au nouveau conflit, c'est l'exode massif de réfugiés. Il s'agit d'un problème humanitaire à la confluence entre le militaire et la reconstruction civile, en ce sens qu'il faut protéger les réfugiés quand ils quittent leur pays, qu'ils soient déplacés à l'intérieur de territoire de leur pays ou qu'ils traversent des frontières nationales. De même, lorsque des réfugiés partent, les personnes éduquées susceptibles de pouvoir gouverner un pays ont généralement tendance à le quitter tôt.
    Ensuite, quand on parle de la reconstruction après le conflit, qui sont les personnes qui reviendront dans un endroit comme l'Irak ou la Syrie, dans des circonstances très différentes, dans un pays grandement appauvri et plus dangereux, à la toute fin du conflit, pour reconstruire le pays grâce à un effort endogène émanant des populations locales pour recréer et rebâtir l'État?
    Je souhaitais simplement vous soumettre la question, dont je suis certain que nous aurons l'occasion de discuter plus en détail plus tard, mais j'aimerais recueillir vos premières réflexions à ce sujet, s'il vous plaît.
    Ce que vous dites au sujet des réfugiés et des personnes déplacées est très important. Je ne suis pas certain que ce soit une question de valeurs, mais si l'on veut parler de valeurs, je résumerais notre approche en disant que nous croyons à un ordre international fondé sur des règles, mais que pour cela, nous devons parfois prendre des mesures afin d'assumer la responsabilité associée à la défense de cet ordre fondé sur des règles.
    Concernant les personnes déplacées, vous avez bien raison: ce n'est pas une solution que de relocaliser d'énormes pans de la population dans d'autres pays, parce que ce sont les personnes mêmes qui devront jouer un rôle fondamental dans l'établissement de la paix, et il est à espérer qu'elles pourront stabiliser le pays éventuellement.
    Comment situeriez-vous le travail qui s'effectue dans le cadre du pacte mondial à l'égard de la migration dans ce contexte?
    Je pense que le pacte mondial vise à trouver un équilibre avec la réponse nécessaire à un besoin humanitaire, compte tenu qu'il y a plus de 60 millions de personnes en migration dans le monde actuellement et que ces personnes ne pourront pas toutes rentrer chez elles. Il leur faut des moyens pour se rétablir ailleurs et mener une vie décente. En même temps, il faut tenir compte du fait qu'on ne peut pas réinstaller 65 millions de personnes dans d'autres pays. Il faut trouver des façons de permettre à ces gens de rentrer chez eux. C'est là où les opérations de paix entrent en jeu, elles visent à faciliter cela.
    Merci.
    Quand je parle des valeurs liées au problème des réfugiés, j'entends la responsabilité de protéger les populations civiles pendant leurs migrations.
    Voici donc ma question à nos collègues du domaine militaire: quels sont les défis qui se posent pour assurer la sécurité des populations civiles forcées de migrer dans les zones de conflits?
(1015)
    Pensez-vous à la situation au Mali?
    Par exemple, mais il y en a d'autres aussi; potentiellement la Syrie un peu plus tard, et l'Irak au sommet du conflit.
    Nous avons pour mandat de prêter assistance à la MINUSMA dans les limites de nos capacités, mais notre force opérationnelle aérienne n'est pas optimisée pour s'acquitter de ce mandat. Il est difficile pour moi de répondre à cette question dans ce contexte, parce que je me concentre surtout sur cet aspect.
    Si je peux me permettre, l'une des principales fonctions d'instruction dont nous sommes investis quand nous formons des étrangers consiste à faire en sorte que les militaires déployés sur le terrain se conforment au droit humanitaire international et au droit des conflits armés. Nous espérons ainsi réduire la probabilité qu'une armée participe à des violations des droits des civils ou ne cause de torts inutiles à des civils en cours de route.
    Sur le plan opérationnel, à tout le moins en théorie, cela s'appliquerait aux efforts visant à établir des zones sécuritaires, s'il y a lieu, dans des zones de guerre, dans des zones de conflit, pour les populations migratoires ou les populations civiles déplacées.
    Je suppose qu'en théorie, ce serait possible.
    Merci, monsieur le président. C'est tout.
    Monsieur Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gwozdecky, vous avez déjà affirmé qu'il n'y avait pas de paix à maintenir au Mali. Diriez-vous que le Mali est un État en déroute ou en rétablissement?
    Je dirais que le Mali est un État où le processus de paix peine à avancer et stagne. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un État en déroute, parce qu'il y a un gouvernement en place qui essaie d'exercer son pouvoir sur la totalité du territoire. Il y a assurément des régions au Mali qu'on pourrait qualifier de chaotiques, où les groupes terroristes et criminels peuvent mener leurs activités plus librement.
    Comme nous l'avons déjà dit, malheureusement, les Canadiens ont toujours une image nostalgique du maintien de la paix. Ils pensent à Chypre et au plateau du Golan.
    Même au sein de l'ONU, le chef d'état-major des forces de l'ONU au Mali, le brigadier-général Daniel Menaouine a affirmé: « L'État n'est même pas en mesure d'assurer la protection de son territoire, et l'armée malienne est en train de subir une réforme complète. » Quand on y pense un peu, il s'agit en fait d'un coup d'État. Nous ne savons même pas si nous pouvons lui faire confiance. Il a ajouté: « Nous ne sommes pas en mission de maintien de la paix. »
    Comment interpréter cela? Je pense que les Canadiens s'imaginent que nous nous rendons là-bas avec des casques bleus et que tout ira bien.
    Vous avez raison de nommer le conflit au Mali. Il y a de l'instabilité au Mali, mais en même temps, le gouvernement y est légitime. Il y aura des élections dans trois ou quatre mois au Mali, pour élire un nouveau gouvernement. Il y a donc une démocratie qui essaie de s'installer et d'affirmer son pouvoir sur la totalité du territoire.
    Le chef de la MINUSMA, M. Annadif, a affirmé à la fin de 2017: « Les terroristes se livrent à une véritable guerre asymétrique contre nous, et je tiens à insister sur le mot “guerre”. »
    Vous affirmez qu'il s'agit d'un conflit complexe. Le chef de la MINUSMA affirme qu'il s'agit d'une guerre. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Je ne sais pas comment l'on peut définir ces termes, mais le civil pris au milieu des tirs sait que la situation est sombre. Vous avez bien raison de dire qu'il y a des régions du Mali où le conflit fait rage et où il est très sanglant.
    Je sais que les Français ont décrit les ennemis auxquels ils sont confrontés. Les organisations terroristes qui y sont présentes sont mieux formées et mieux équipées que celles que nous avons rencontrées en Afghanistan.
    Général Bowes, sommes-nous prêts à affronter ce type d'adversaire?
    Il y a une énorme diversité de groupes en jeu, et il ne fait aucun doute que certains d'entre eux sont très bien équipés. Il y a des groupes qui sont affiliés à Daech, d'autres qui sont affiliés à Al-Qaïda, et il ne faut pas les sous-estimer.
    Je dois vous dire une chose. Vous seriez surpris du nombre de haut gradés qui trouvent, dans le contexte de l'ordre international d'aujourd'hui, que le libre usage du terme « guerre » est aussi ou même plus chargé que celui du terme « maintien de la paix » et la nostalgie qui y est associée. Autrement dit, il vient avec une mentalité qui ne nous aide pas tellement à accomplir les tâches qui sont les nôtres aujourd'hui et à construire l'avenir.
    Nous voyons l'ordre fondé sur les règles attaqué dans le monde par une combinaison d'organisations transcriminelles, d'extrémistes violents et d'acteurs malveillants. Quand ces trois éléments s'unissent, la convergence des bulles crée une effervescence qui transcende les frontières dans des parties du monde où les frontières sont très difficiles à faire respecter. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il s'agit d'un conflit complexe.
    Il y a aussi que quand on évoque le concept de la guerre, du point de vue des démocraties occidentales, on renvoie au pouvoir des gouvernements et des parlements, alors que le conflit qui fait rage est bien en deçà de ce seuil dans bien des régions et qu'il est l'oeuvre de groupes qui emploient divers actes de violence et d'autres tactiques pour atteindre leurs objectifs.
    Je pense qu'il faut adopter une perspective plus globale. Il est très difficile pour de nombreux Canadiens de comprendre cela, compte tenu de l'endroit où nous vivons, compte tenu de la paix relative et de la tranquillité dont nous jouissons dans notre pays, mais le monde a changé fondamentalement au cours des dernières années.
(1020)
    Je vous remercie de votre engagement.
    Monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Un ancien combattant de ma circonscription qui a été déployé à Chypre faisait justement observer, concernant l'idée selon laquelle il n'y aurait pas de paix à maintenir et que les choses sont plus complexes là-bas, que les gens ne voient que nos succès à Chypre et non le tumulte qui y régnait quand nous y sommes débarqués. Il faisait valoir que le maintien de la paix reste fondamentalement le même, bien que certains facteurs aient changé. Il n'y a pas de mission de maintien de la paix en Norvège ni en Suisse. Il y en a dans les zones de conflit.
    Il me demandait si les gens reconnaissaient vraiment la valeur des opérations de maintien de la paix de l'ONU et le succès qu'elles ont connu par le passé. Il déplorait qu'on mette trop l'accent sur les échecs ou les difficultés et pas assez sur les réussites.
    Je suppose que cette question vous est adressée, monsieur Gwozdecky.
    Je pense qu'il est effectivement important de ne pas oublier que tout n'est pas noir et qu'il y a du positif dans l'histoire. Même au Mali, il y a des signes d'espoir. La superficie des terres agricoles en production, exploitées, a augmenté, si bien que le pays peut de mieux en mieux lutter contre l'insécurité alimentaire grâce à l'effet stabilisateur d'une mission de paix de l'ONU. Nous avons également observé un déclin dans les taux de mortalité des mères, des nouveau-nés et des enfants. Il y a des développements positifs au Mali, et ceux-ci découlent en partie de l'effet stabilisateur que procure une mission de l'ONU. On peut comparer le Mali d'aujourd'hui au Mali de 2012. Après le coup d'État, les deux tiers du territoire échappaient à toute forme de gouvernement. Nous savons, pour le voir ailleurs dans le monde, ce qui arrive lorsque le chaos perdure, comme en Afghanistan, comme en Irak. On y voit émerger des groupes comme Al-Qaïda et l'État islamique, qui deviennent des menaces mondiales. Ce n'est certainement pas une chose que nous voudrions voir se reproduire.
    Vous faites valoir un point important.
    Vous avez mentionné un peu plus tôt l'aide au développement accordée par le Canada et avez demandé « pourquoi le Mali? ». Je pense que c'est un autre aspect de l'histoire qu'on omet parfois. Pouvez-vous nous parler du choix du Mali comme pays de concentration depuis quelques années?
    Je peux vous dire un certain nombre de choses sur le programme de développement déployé au Mali. Pour ce qui est du financement, c'est comme M. Gwozdecky disait. Nous sommes le deuxième principal fournisseur d'aide bilatérale au développement au Mali. Il s'agit de notre cinquième plus grand partenaire, environ, donc il se situe dans le top 20. Nous y dépensons environ 125 millions de dollars par année, dans des domaines critiques comme les soins de santé, et l'une des histoires les plus positives à raconter et celle concernant la mortalité des mères et des nourrissons. Nous mettons aussi l'accent sur la sécurité alimentaire et la production agricole, de même que sur diverses questions de gouvernance, comme les audits internes et l'imputabilité au sein du gouvernement. Ce sont nos grandes priorités. Je pense, comme on vient de le dire, que ce travail de développement a un effet stabilisateur sur le capital social au Mali, qui a arrêté de s'éroder, pendant que le gouvernement se bat pour surmonter toutes les difficultés en matière de sécurité.
    Très bien. Merci.
    Leona.
    J'aimerais revenir à ce que disait mon collègue sur la façon dont nous définissons le succès. L'ONU a-t-il un mécanisme robuste pour définir et mesurer le succès? Le Canada a-t-il lui aussi sa propre méthode pour mesurer le succès?
(1025)
    Je peux commencer par vous parler de la perspective de la mission, si vous le voulez bien. Nous mettons l'accent sur une tâche de nature aéromédicale, sur le maintien en puissance. C'est beaucoup plus facile à décrire, d'une certaine façon. Nous nous sommes engagés, par le déploiement d'une force opérationnelle aérienne, à accomplir certaines tâches. C'est relativement facile pour nous. J'hésite à utiliser le mot « facile », mais c'est plus simple à comprendre parce que le succès de notre contribution sera décrit en termes tactiques et opérationnels, parce que les capacités sur lesquelles le commandant de la force se fonde sont présentes sur le terrain.
    Pour ce qui est de la perspective politique de l'ONU, je devrai m'en remettre à Mark.
    En définitive, les critères que vous avez mentionnés viennent du fait que les démocraties libérales ou l'ordre du monde fondé sur des règles sont menacés, c'est donc d'une certaine façon de la politique étrangère. Comment déterminons-nous si nos objectifs sont atteints?
    Eh bien, ce n'est peut-être pas ce que vous vouliez dire, mais le Canada n'a pas l'intention d'exporter sa forme de démocratie libérale au Mali.
    Non, sa stabilité...
    Notre objectif est d'apporter de la stabilité et de permettre au processus de paix de suivre son cours avec succès.
    L'ONU a son propre système pour mesurer ses progrès. Il met l'accent sur l'évolution du processus politique. En ce moment, je ne crois pas qu'on puisse dire que ce processus avance beaucoup. Il stagne un peu, mais il existe toujours. Il y a toujours des efforts en cours. Tout ne s'est pas effondré, donc d'une certaine façon, nous devons continuer de l'appuyer. En fin de compte, c'est sur le plan politique qu'on mesurera le succès, et non sur le plan militaire. Nous travaillerons avec l'ONU pour l'aider à améliorer son aptitude à le faire.
    Mais cela touche aussi notre définition du succès. Le Canada a choisi de miser sur cette mission à ce moment-ci pour accomplir certaines choses pour le Canada aussi. Comment mesurons-nous tout cela, politiquement?
    Je crois que nous partageons le même objectif général que les Nations unies. Comme je l'ai dit, notre stratégie se fonde sur les résultats des examens successifs de haut niveau de l'ONU qui visent à prendre certaines mesures de même qu'à appuyer le dialogue politique qui mènera à la paix durable.
    C'est ce que nous voulons, tout comme les Nations unies. Il y a consensus à cet égard.
    À ce sujet, vous avez été très clair et je crois qu'il est important de réitérer que la mission ne vise pas uniquement un objectif militaire. Pouvez-vous nous donner une idée de la taille, de la portée et de la complexité du volet civil ou des opérations non militaires par hélicoptère?
    Je ne parlerai pas de la contribution du Canada parce que bien que notre travail soit important, nous ne sommes qu'un participant parmi tant d'autres et il y a de nombreux autres grands donateurs à l'oeuvre. L'Union européenne est probablement le plus grand joueur et elle offre diverses formes de soutien, de l'aide militaire à l'aide au développement, et tout ce qui se trouve entre les deux. Dans le cadre de l'Opération Barkhane, par exemple, les Français offrent un soutien essentiel en vue de lutter contre le terrorisme.
    En ce qui a trait au soutien civil, si vous le définissez comme étant tout ce qui n'est pas militaire — la police, l'aide à la stabilisation, la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la capacité, l'aide au développement, l'aide humanitaire — il y a toutes sortes de catégories non militaires dont la portée dépasse celle de la catégorie militaire.
    Est-ce que vous diriez que c'est une proportion de 80:20, de 70:30? Je ne vais pas vous en tenir rigueur, mais quel est l'ordre de grandeur?
    Je dirais que c'est beaucoup plus grand.
    Merci.
    Il nous reste environ cinq minutes avant de poursuivre la réunion à huis clos aux fins des travaux du Comité et les députés Rioux et Romanado voulaient poser des questions. Si vous acceptiez de partager votre temps de parole, je vous en serais reconnaissant.
    Monsieur Rioux, vous avez la parole.

[Français]

     Je vous remercie de votre présence.
    Bien que j'aie participé à la réunion sur le maintien de la paix qui s'est tenue à Vancouver, je peux vous dire que les renseignements que vous avez fournis sont des plus intéressants. Je pense que cela a aidé tout le monde à mieux comprendre la situation.
    Lieutenant-général Bowes, vous avez parlé du fait qu'il y avait un historique au Mali. Est-ce que, sur le plan de la défense, cela dépasse l'opération Frequence?
    Par ailleurs, monsieur Senior, en ce qui concerne notre engagement à aider la population, depuis combien d'années le Canada fournit-il de l'aide humanitaire au Mali?
(1030)

[Traduction]

    Notre mission dans le cadre de l'Opération Frequence est une mission aérienne stratégique à l'appui de l'Opération Bakhane. Nous appuyons donc les forces françaises. Nous fournissons un C-17 de façon périodique tout au long de l'année afin de transporter les fournitures dans le cadre du déplacement du personnel et de l'équipement des forces françaises. C'est l'objectif de l'Opération Frequence, dans la région du Sahel.
    Est-ce que c'était votre première mission pour aider les opérations militaires du Mali?
    Il faudrait que je vérifie les chiffres pour vous dire où le Canada se situe en ce qui a trait à l'offre d'aide humanitaire. Pour répondre à votre question de façon générale, depuis le début de la crise en 2012-2013, la situation s'est complexifiée et le nombre de personnes déplacées et de réfugiés dans la région a augmenté. C'est depuis cette période que la nature de l'aide canadienne a changé et comprend un volet humanitaire de plus en plus important, pour répondre à la situation. C'est de l'ordre de 60 millions de dollars, je crois, depuis 2012, sur une période de cinq ou six ans.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui. Nous sommes toujours heureux de vous voir.
    J'ai deux fils dans les Forces armées canadiennes. De plus, je suis le secrétaire parlementaire du ministre des Anciens Combattants et je suis ministre associé de la Défense nationale. Je suis donc un peu biaisé lorsqu'on parle des membres des Forces.
    L'un de mes collègues a parlé du risque, surtout pour la mission au Mali, et je ne sais pas pour vous, mais je n'ai jamais connu un membre des Forces armées canadiennes qui aurait refusé une mission. Je sais qu'ils sont très bien formés. C'est en raison de leur détermination et de leur entraînement que les autres pays demandent une aide accrue du Canada ou qu'ils sont si populaires. Vous avez dit que leur nombre était petit, mais à mon avis, nous sommes très grands.
    Cela dit, étant donné le changement dans les missions, qui sont passées du maintien de la paix à des opérations de paix, pouvez-vous nous parler des défis associés au recrutement et à l'entraînement des membres des Forces armées canadiennes, afin de veiller à ce que ces braves hommes et femmes en uniforme suivent un entraînement multidimensionnel? Parce qu'il ne s'agit pas seulement de mettre un pied à terre. Il faut aussi comprendre les différences culturelles, la prévention des conflits, les solutions diplomatiques et ainsi de suite.
    Pouvez-vous nous expliquer comment vous intégrez cela à l'entraînement des membres des Forces armées canadiennes afin qu'ils comprennent toutes les dimensions des missions d'aujourd'hui?
    La réponse à cette question est longue et nous n'avons pas le temps pour cela — le drapeau a déjà été levé —, mais il s'agit d'une organisation complexe si l'on tient compte de toutes les compétences des membres des Forces canadiennes. Or, nous travaillons en équipes. Nous nous centrons sur l'entraînement individuel et l'entraînement collectif.
    On reconnaît de plus en plus qu'il ne faut pas se limiter au recrutement. Il faut aussi conserver le personnel au fil du temps, conserver le leadership dans lequel on a investi et préparer la prochaine génération qui prendra la relève.
    L'intelligence est notre plus grande capacité et elle ne fait pas de distinction entre les races, les croyances, les couleurs, les sexes et les orientations sexuelles. En nous centrant sur le perfectionnement des plus brillants Canadiens sans égard à ces catégories, nous allons pouvoir travailler dans un environnement, que le terme « ambigu » décrit le mieux. Nous devons faire face à l'ambiguïté au quotidien. Le monde est très complexe. Avant, le maintien de la paix se faisait entre les États. Aujourd'hui, il se fait au sein même des États, avec tous ses acteurs, et c'est très complexe.
    À ce sujet, je peux vous assurer que les hommes et les femmes déployés au Mali auront droit à un appui diplomatique accru sur le terrain, c'est-à-dire qu'ils auront accès aux renseignements que recueilleront nos diplomates sur le terrain afin de mieux comprendre la dynamique et les acteurs en cause et pour que leurs interventions avec la population locale soient fondées sur la compréhension et la sensibilité culturelles, et la sensibilisation.
    Nous vous remercions d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui. On dit que tout est dans le choix du moment. Bien que la motion ait été présentée depuis un bon moment, nous commençons tout juste à l'étudier. Je crois que la discussion est pertinente parce que nous avons une approche complètement différente et que nous avons maintenant une mission. Ce n'était pas le cas il y a un an et demi lorsque nous avons parlé d'entreprendre cette étude, alors je crois que le moment est très bien choisi.
    Merci beaucoup d'être venus et merci de servir le Canada. Je vais suspendre la séance pour vous permettre de partir.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU