Passer au contenu
;

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 14 février 2017

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

     J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Peter Jennings, qui nous vient de l'Australie. M. Jennings est directeur exécutif de l'Australian Strategic Policy Institute. Notre étude sur la Marine royale canadienne, la disponibilité opérationnelle des forces navales et la défense de l'Amérique touche à sa fin.
    Le nom de l'Australie est revenu à quelques reprises durant notre étude. Il semble que votre présence ici tombe à point. Nous avons appris que vous étiez de passage en ville, et nous nous sommes dit que ce serait une bonne occasion de nous faire expliquer comment votre pays fait les choses. Les pratiques exemplaires sont toujours les bienvenues. Vous pourriez également nous parler des choses qui n'ont pas fonctionné pour vous et nous éviter ainsi de foncer dans certains écueils qui pourraient se présenter en cours de route.
    Je tiens à vous remercier très sincèrement d'être venu, et je m'excuse de ce retard. Vous avez la parole.
     Monsieur le président, merci beaucoup. C'est un honneur de pouvoir m'adresser au Comité. J'ai témoigné de nombreuses fois devant votre équivalent australien, mais ce sera la première fois pour moi devant un comité parlementaire canadien. Sachez que je suis heureux d'être ici.
    Je devrais présenter mes excuses à certains membres du Comité. Comme la majorité des Australiens, je ne parle que l'anglais — assez mal, diraient certains —, alors ma présentation se fera uniquement en anglais, et je vous prie de m'en excuser.
     Je vais parler à titre de directeur exécutif de l'Australian Strategic Policy Institute, l'ASPI. L’ASPI est un groupe de réflexion impartial de Canberra qui a été créé il y a environ 15 ans pour fournir des conseils indépendants et judicieux au gouvernement sur des questions de défense et de sécurité nationale. Nous avons participé activement au débat public concernant les plans de l'Australie de se doter de nouvelles plateformes navales, telles que des sous-marins de nouvelle génération et de nouveaux navires de combat.
    Je crois comprendre que le Canada se propose de construire jusqu'à 15 frégates d'une nouvelle classe pour remplacer les classes Iroquois et Halifax. Il est logique pour l’Australie et le Canada de comparer leurs notes sur leurs stratégies respectives de construction navale et sur leur environnement maritime commun. Je suis donc heureux, monsieur le président, de pouvoir contribuer aujourd'hui à ce qui, je l'espère, sera un dialogue continu et une concertation plus étroite entre nos pays sur cette question.
     Pour les besoins du compte-rendu, je tiens à préciser que tout ce que je vais dire ici n’engage que moi et ne représente aucunement les positions du gouvernement de l’Australie.
    Monsieur le président, dans le cadre des plans du gouvernement australien visant à moderniser et à accroître les capacités de l’Australian Defence Force, l’ADF, la Royal Australian Navy, la RAN, en est aux premiers stades d'une très importante recapitalisation. Au cours des dernières années, la RAN a commandé deux navires d'assaut amphibies porte-hélicoptères de la classe Canberra, des bâtiments de 27 000 tonnes, les plus grands que notre marine ait jamais mis en service. Plus tard cette année, le premier de trois nouveaux destroyers de combat aérien de la classe Hobart équipés du système de radar Aegis sera mis en service avec la RAN, et les deux autres doivent être livrés en 2020. Le gouvernement australien et le ministère de la Défense planifient actuellement les prochains stades de recapitalisation de la marine royale, prévoyant notamment une nouvelle classe de 9 frégates à capacité de lutte anti-sous-marine, 12 nouveaux patrouilleurs hauturiers ainsi qu'une nouvelle flotte de sous-marins, dont le nombre doublera, passant de 6 à 12. Il est prévu que toutes ces plateformes seront construites par des chantiers maritimes australiens.
    En Australie, nous avons tenu deux discussions, distinctes dans l’ensemble, mais interreliées, au sujet de la prochaine génération de navires militaires. La première portait sur les types de capacités dont la Royal Australian Navy aura besoin pour constituer une force efficace au cours des prochaines décennies compte tenu de l’évolution rapide de l'environnement stratégique. Par exemple, la décision d'agrandir la flotte sous-marine australienne a été prise en 2009 en réponse à la prolifération des sous-marins en Asie-Pacifique et pour maintenir la capacité de démontrer la puissance de l’Australie dans les zones contestées étant donné la prolifération des capacités d'interdiction des mers de plus en plus sophistiquées.
    Il serait préférable que l’Australie se concentre davantage sur ces grandes questions stratégiques, car elles devraient orienter nos capacités navales futures et nous rappeler l'urgence de la tâche à accomplir. Or, une plus grande attention est accordée à la seconde discussion, qui porte sur les moyens d'établir un programme permettant une capacité continue et durable de construction navale en Australie. Le contraste est marqué avec le cycle en dents de scie des années passées où l'industrie de la construction navale s'atrophiait entre les grands projets. Au cours du siècle dernier, l'Australie a alterné entre l’acquisition de navires de fournisseurs d'outre-mer et la construction nationale, mais à l’heure actuelle, le climat qui règne au gouvernement et au sein de la communauté australienne en général — ce qui est appuyé par l'électorat, selon un sondage — en est à la construction locale. La plupart des décisions majeures, sinon la totalité, sur l'amélioration de l'Australian Defence Force au cours des prochaines années reçoivent l'appui bipartite du Parlement de l'Australie. Cela inclut le projet de constituer une robuste industrie nationale de construction navale.
    L'Australie fait face à des difficultés stratégiques et industrielles qui ont chacune leur importance. Or, ces difficultés sont aussi interreliées, ce qui peut compliquer la planification. Ce que j’essaie de dire, c’est que le sens de l'urgence stratégique dans la région Asie-Pacifique s'est accru considérablement au cours des 10 dernières années, et le phénomène semble s'accélérer.
(1550)
    C'est ce sentiment d'urgence qui est à la source de la décision d'agrandir les flottes sous-marine et de surface australiennes. Cependant, la volonté d'établir une industrie de construction navale stable requiert un calendrier de livraison adéquatement réparti dans le temps pour assurer une production soutenue. L'urgence stratégique dont je parle, monsieur le président, va à l'encontre d'un programme de construction navale qui, par exemple, prévoirait la livraison de son 12e sous-marin vers 2050, ce qui signifie que les membres qui constitueront l’équipage de ce bâtiment ne sont même pas encore nés.
    La mise sur pied du programme industriel comporte également des difficultés à court terme, puisqu'il faudrait concevoir et commencer à construire trois nouvelles classes de navires au cours des 10 prochaines années. Le gouvernement de l’Australie a prévu de commencer la construction de nouveaux patrouilleurs hauturiers d'environ 2 000 tonnes en 2018, puis de commencer la construction des futures frégates de 6 000 tonnes ou plus en 2020. Cet échéancier serré a été établi dans le but de réduire l'effet sur l'effectif de construction navale de la diminution des flux de travail dans les chantiers maritimes d'Adélaïde, en Australie-Méridionale, après la fin des travaux de fabrication pour les destroyers pour la guerre aérienne. La presse australienne qualifie de « vallée de la mort » les pertes d'emplois dans les chantiers maritimes, ce qui est peu désirable du point de vue politique.
    Or, la date de début de 2018 pour les patrouilleurs est, je le crains, déjà repoussée puisque nous n’avons pas encore choisi de partenaire concepteur parmi nos trois candidats. Le lancement du processus pour la future frégate sera probablement aussi retardé en raison des importants travaux d'ingénierie requis pour décider avec certitude de la conception finale avant le début de la construction.
    Le gouvernement de l’Australie a dit qu'il mettra au point un plan de production continu de navires militaires. Pour être viable, le programme de construction de navires de combat australiens doit produire un bâtiment tous les deux ans environ et chaque unité doit avoir une durée de service de 24 ans. Les mêmes chiffres pourraient s'appliquer à la flotte de 12 sous-marins.
    Ce que cela signifie, monsieur le président, c’est que ce volume permettra une production continue, mais à peine. Si le nombre d'unités est moindre, la cadence de production devra être ralentie au point d’être inefficiente ou la durée de service des navires devra être raccourcie.
    À cause de la nature « minimaliste » du programme, il y a de fortes chances qu'un seul chantier maritime effectuera tous les travaux de construction navale pour les grands navires, ce qui donnera lieu aux difficultés de gestion découlant d’une situation de monopole dans l'approvisionnement.
    Le gouvernement de l’Australie possède actuellement ses propres chantiers de construction de navires et de sous-marins, qui forment ASC Pty Ltd, en Australie méridionale, et l'entreprise a récemment été divisée en trois entités. Ce que fait le gouvernement avec chacune reste à déterminer, mais cela lui confère une grande marge de manoeuvre pour ce qui est de vendre ou de conserver les diverses composantes.
    Selon moi, la stratégie doit déterminer les politiques de l'industrie plutôt que l'inverse. Sur le plan stratégique, nous vivons une période de changement rapide, et les développements dans le domaine maritime sont particulièrement marqués. Les armées régionales se modernisent et prennent de l’expansion, et les sous-marins prolifèrent. Ces tendances sont particulièrement visibles en Chine. La politique de « pivot vers l'Asie » de l'administration Obama n'a réussi que partiellement et les plans d'engagement en Asie de l'administration Trump ne sont pas encore clairs.
    Comme le Canada, l’Australie est responsable d'un vaste territoire maritime. Dans le but d'accroitre ses plateformes navales au cours des prochaines années, l’ADF se voit aussi dotée de nouvelles capacités aériennes, parmi lesquelles il convient de mentionner le P8A Poseidon, un avion de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine. Notre armée de l'air sera aussi la première entité autre que la marine américaine à utiliser le Triton, un patrouilleur maritime sans pilote capable de voler à haute altitude et sur de longues périodes.
    La recapitalisation de notre force aérienne arrive, selon moi, à un moment opportun compte tenu des circonstances stratégiques, mais les appareils ne sont pas construits en Australie; nous les achetons à l’étranger. Le Comité sera peut-être aussi intéressé de savoir que le pays s'est engagé à acquérir au moins 72 avions de combat interarmées F-35 pour son armée de l'air, et qu’il prendra bientôt livraison de 12 avions d'attaque électronique EA-18G.
(1555)
    Il vaut la peine de le mentionner étant donné l'important effet interarmée et interallié de l'usage de tous ces systèmes. L'un des plus grands défis de la Défense, cependant, consiste encore à déterminer comment intégrer ces différentes plateformes en une capacité de combat unique.
    Monsieur le président, je vais passer par dessus les autres observations que j'avais préparées à votre intention, mais je tiens tout de même à dire aux membres du Comité que je pense depuis longtemps que l’Australie et le Canada ne pourraient que tirer profit de relations plus étroites en matière de stratégie, de planification, d'acquisition et de maintenance au chapitre de la défense.
    Nous avons le grand avantage d'organiser et de diriger nos forces militaires de manière similaire. De plus, elles sont d'une échelle comparable, ce qui signifie que nous pouvons chacun tirer des leçons de nos réussites et de nos problèmes respectifs en matière d'acquisition.
    Nos liens en matière de défense sont étroits, même s'ils se limitent surtout à l'entraînement et à des détachements militaires. Je crois que nous pourrions faire mieux en collaborant davantage dans le contexte d'une réflexion stratégique et en échangeant nos pratiques exemplaires en matière d'acquisition et d'engagement industriel.
    Voilà qui met fin à mon exposé, monsieur le président. Je serai très heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Pour ce qui est du déroulement, nous allons procéder à une série de questions officielles, ce qui prendra environ une heure, puis nous aurons trente minutes pour traiter des travaux du Comité sous la direction de notre personnel ici présent. Cela sera suffisant pour faire le survol des instructions de rédaction. Ensuite, il ne faut pas oublier mon signal. Si vous me voyez faire un signe avec mon papier, cela voudra dire qu'il vous restera 30 secondes pour mettre fin à votre intervention. Je veillerai en cela à ce que chacun respecte le temps qui lui est imparti. Ma stratégie du papier semble fonctionner, alors je vais continuer de l'appliquer.
    La première tranche de sept minutes appartient à Leona Alleslev.
    Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Jennings, merci beaucoup de votre présence. Je suis on ne peut plus d'accord avec vous: il y a tellement plus de choses que nous pourrions apprendre, et c'est vraiment un privilège de vous avoir parmi nous pour nous aider en ce sens.
    Vous avez mis en évidence le caractère d'urgence que revêt la recapitalisation de la marine. Vous avez aussi souligné combien il est important sur le plan de la souveraineté du pays de disposer d'une capacité industrielle militaire et de veiller à ce que cette capacité soit une réussite. Pouvez-vous nous en dire plus sur la valeur et l'importance de disposer d'une capacité nationale pour la marine et sur ce que vous faites pour vous assurer d'en avoir une?
    Merci de cette question.
    Je crois que le gouvernement australien a vécu un moment charnière aux alentours de 2014-2015 lorsqu'il a établi de façon décisive qu'il voulait conserver les capacités du pays en matière de construction navale. On a débattu pendant 10 ans des avantages de l'approvisionnement outre-mer par rapport à la construction en sol australien. Or, pour la première fois en 30 ans, nous avons un consensus bipartite considérable: la construction en sol australien est la bonne solution.
    Je crois que l'on reconnaît qu'il pourrait y avoir un prix à payer, puisque notre base manufacturière est relativement modeste en comparaison de celle des grands producteurs de navires de guerre.
    L'un des défis pour le gouvernement et pour la Défense est de trouver la façon la plus rentable d'y arriver. Il semble que la réponse se trouve dans la construction en continu, car elle permet de réaliser des économies sur à peu près toutes les plateformes produites. Vous pouvez vous attendre à une économie d'environ 5 % sur chaque plateforme qui sort de la chaîne de production.
(1600)
    Diriez-vous que cela se limite à la construction navale? Cela serait-il aussi applicable aux systèmes de commandement et de contrôle?
    En ce qui nous concerne, la base industrielle cherche à répondre aux différents besoins de la défense. Cela nous permet de faire une partie de l'intégration des systèmes et de produire nous-mêmes des capacités radars sophistiquées, autant d'éléments qui sont d'ores et déjà utilisés sur certains de nos navires de guerre. En revanche, nous avons eu tendance à nous adresser aux États-Unis pour les systèmes de combat et les systèmes d'arme. Par exemple, la torpille que nous utilisons, la Mark 48, est le fruit d'une collaboration australo-américaine.
    Le vrai défi pour l'industrie australienne consiste à trouver la façon d'intégrer toutes ces capacités en une seule plateforme. Par exemple, dans le cas du nouveau sous-marin, qui est de conception française, nous aurons des systèmes d'armes américains qui seront intégrés en Australie, ce qui est loin d'être facile à réaliser.
    Plutôt que de s'essayer du côté de la conception de systèmes d'armes — que nous sommes très heureux de nous procurer à l'étranger —, notre industrie doit s'efforcer d'être très forte sur le plan de la technologie de pointe et d'acquérir les capacités d'intégration dont nous avons besoin.
     Vous êtes d'avis qu'il est important d'avoir une capacité souveraine en matière d'intégration aux systèmes d'armes.
    Je me méfie un peu du terme « capacité souveraine », puisque dans mon esprit du moins...
    Disons « nationale » alors.
    ... la meilleure capacité que nous pouvons avoir est de faire partie de chaînes de valeur internationales, lesquelles lient l'Australie aux capacités d'autres pays.
    Je sais que ce n'est pas dans le domaine de la marine, mais prenez l'exemple de l'avion d'attaque interarmées. Nous fabriquons des composants de cet appareil pour l'ensemble de la flotte et pas seulement pour les nôtres. Je dirais que c'est ce que cela signifie de faire partie des chaînes de valeur internationales. Je pense néanmoins qu'il est extrêmement profitable pour nous d'avoir ces capacités chez nous, en Australie, puisque nous savons que nous pourrons en tirer parti, et ce, même en périodes de crise. Je miserais plus sur les systèmes de pointe et sur l'intégration des systèmes que sur le coulage de l'acier qui entre dans la fabrication des coques de navires.
    Très bien.
    Pouvons-nous parler un peu d'approvisionnement? Dans l'approvisionnement auprès d'un fournisseur unique, il faut s'efforcer de garder les coûts bas et de faire respecter les délais. Comme notre système est un peu différent du vôtre, vous serait-il possible de nous parler des relations, des rôles et des responsabilités des différents intervenants qui prennent part à ce scénario? Je souhaite personnellement en savoir plus long sur votre groupe d'approvisionnement et de soutien.
    Je ne pourrais pas nécessairement affirmer que nous avons trouvé la solution parfaite. Il nous est arrivé de dépasser considérablement les coûts et les échéances prévus, par exemple, pour la construction de nos destroyers de guerre aérienne.
    Avec l'approche actuelle, nous tentons d'établir un nouveau type de relation entre la défense et l'industrie. En peu de mots, nous considérons l'industrie comme un élément fondamental de la capacité. Le gouvernement et l'industrie doivent donc collaborer beaucoup plus étroitement pour permettre le développement en spirale de la technologie. Ainsi, durant la construction de 12 sous-marins ou de 9 frégates, on peut s'attendre à ce que des améliorations soient apportées tout au long du processus.
    Il s'agit d'une différence subtile, mais importante par rapport à l'ancienne façon de procéder, qui visait vraiment à ce que le contrat soit rempli à temps, peu importe si les spécifications dataient d'il y a 10 ans; c'est ce qu'il fallait livrer. C'est la relation que l'industrie avait avec la défense dans le passé.
    Aujourd'hui, nous voulons un engagement plus étroit. D'après moi, pour y parvenir, nous devons établir une relation de confiance entre le ministère de la Défense, la marine et le milieu industriel. On y arrivera seulement avec le temps.
    De qui relève le groupe d'approvisionnement et de soutien?
    Il relève de la ministre de la Défense, ou du secrétaire du ministère de la Défense et du chef de la force de défense. Ce groupe est un élément fondamental du ministère de la Défense. À l'échelle politique, nous avons maintenant deux ministres: la ministre de la Défense et le ministre de l'Industrie de la défense. Les deux sont membres du Cabinet, et par un processus magique d'osmose, ils se mettent d'accord sur les priorités relatives à la construction industrielle.
    Pouvez-vous nous donner une idée de la responsabilité...
    Je vais devoir vous interrompre; votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Paul-Hus, la parole est à vous.
(1605)

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue chez nous, monsieur Jennings.
    J'aimerais revenir au système que vous utilisez pour la construction de navires.
    À l'heure actuelle, l'Australie livre ses navires assez rapidement. On a parlé de systèmes d'armement qui provenaient de l'étranger. C'est normal puisque vous avez fait l'acquisition de systèmes qui peuvent venir des États-Unis ou d'autres pays. En revanche, j'aimerais savoir si l'assemblage des navires se fait au même chantier du début jusqu'à la fin.
    Sinon, est-ce que des tourelles ou des pièces fabriquées dans d'autres chantiers sont assemblées chez vous?

[Traduction]

    La première chose que je peux dire, c'est que votre déclaration au sujet de notre livraison rapide des navires est trop généreuse. Nous avons accusé des retards considérables dans des projets de construction majeurs, y compris le plus grand en cours actuellement, celui des destroyers de guerre aérienne.
    Jusqu'à maintenant, nous avons employé une stratégie de construction modulaire. Les modules sont fabriqués dans plusieurs chantiers partout au pays, et l'assemblée finale est faite à Adélaïde, en Australie-Méridionale. Or, je pense que dans les années à venir, les deux chantiers navals principaux fusionneront et il ne restera plus que celui de l'Australie-Méridionale, en plus d'un plus petit chantier pour les patrouilleurs hauturiers de l'Australie-Occidentale. Nous aurons donc une base d'environ un chantier naval et demi. Toute la construction et l'entretien des sous-marins et des nouvelles frégates seront faits à Adélaïde.

[Français]

     D'accord.
    Dans le cadre de l'étude du Comité sur les chantiers au Canada, nous constatons qu'il y a de grands joueurs qui se partagent les contrats et d'autres qui aimeraient en obtenir.
    Le but de votre présence parmi nous aujourd'hui est de nous informer au sujet de la manière dont vous avez amélioré votre façon de procéder. Vous avez parlé du fait qu'actuellement, la répartition des contrats de construction se fait entre plusieurs chantiers. Toutefois, comme vous l'avez souligné, le gouvernement tente parfois de concentrer le travail dans un chantier ou un chantier et demi. Les chantiers sont des entreprises privées et appartiennent donc à des intérêts privés. Les chantiers qui risquent de perdre les contrats vont-ils devoir fermer? Sinon, existe-t-il d'autres options pour eux? En somme, comment gérez-vous l'attribution des contrats à un ou à deux chantiers seulement, alors que d'autres voudraient également obtenir leur part?

[Traduction]

    En Australie, c'est le défi politique central posé par l'attribution des contrats. Je pense que le gouvernement et l'opposition ont enfin accepté la réalité que pour maintenir une industrie de la construction navale viable, nous allons devoir réduire le nombre de chantiers. C'est évident que cela sera difficile pour certaines régions, mais selon moi, cette approche reflète une compréhension réaliste de la capacité de l'Australie de maintenir cette industrie.
    À mon avis, l'industrie australienne de la construction navale de demain sera formée d'un grand chantier à Adélaïde ayant deux lignes de construction — une pour les sous-marins et une pour les frégates — et un plus petit chantier en Australie-Occidentale qui s'occupera principalement des bâtiments de moins de 2 000 tonnes. Il y aura du travail de sous-composantes pour un petit nombre de fabricants partout au pays, mais nous verrons des fusions, probablement dans l'État de Victoria. Ce serait très difficile à éviter si le gouvernement continue à travailler à la mise en place d'une base industrielle durable à long terme.
    Il vous reste environ deux minutes.

[Français]

    La perception et l'information que nous avions, c'est que dans le cadre du processus australien, le côté politique avait été évacué. Cependant, je constate actuellement que c'est l'appareil politique et les ministères qui sont encore responsables des décisions. Nous voulons bien comprendre la situation.
    Supposons, par exemple, que l'Australie décide de faire construire quatre sous-marins. Deux ou trois ans plus tard, un nouveau gouvernement peut-il annuler ce contrat? C'est ce genre de situations qui provoque des problèmes. L'Australie s'est-elle dotée d'une politique qui empêche d'annuler un contrat afin de pouvoir planifier la construction à long terme?
(1610)

[Traduction]

    Oui, habituellement, les gouvernements conservent les contrats en cours, mais chaque nouveau gouvernement a l'occasion de revoir et de repenser la façon de procéder.
    Je ne sais pas comment les choses se passent ici, mais chez nous, à l'heure actuelle, un des plus grands défis est certainement les pressions exercées par les gouvernements des États qui tentent d'attirer des emplois chez eux. Ces pressions sont beaucoup plus fortes qu'elles ne l'étaient dans le passé en Australie, et je dois dire qu'elles sont inopportunes, du point de vue fédéral, car cela veut souvent dire que la décision est prise en fonction du gouvernement étatique ayant le plus besoin d'aide avant les élections régionales.
    Nous n'avons pas ce problème ici au Canada.
    Des voix: Ah, ah!
    Je suis heureux de l'entendre.
    Toutefois, la décision de centrer la construction navale future en Australie-Méridionale et d'en faire un peu dans l'Ouest est maintenant irréversible, et ce sera très difficile pour un gouvernement à venir de changer cela.

[Français]

    Ne vous inquiétez pas. Nous vivons la même situation, mais au lieu d'appeler cela des États, nous cela appelons des provinces.
    Pour ce qui est du travail de la Marine royale australienne, sur le plan tactique, en ce qui concerne l'armement, travaillez-vous beaucoup avec les Américains? Les Canadiens travaillent beaucoup avec l'OTAN. Toutefois, pour ce qui est de l'Australie, sur le plan tactique, faites-vous davantage affaire avec la Marine royale britannique ou avec les Américains? Quel est votre principal partenaire?

[Traduction]

    Nous avons une vaste gamme de partenaires, surtout pour la construction navale. L'entreprise française DCNS a décroché le contrat de conception pour notre futur sous-marin. Le gouvernement a déjà annoncé que nous utiliserons un système de combat américain avec ce sous-marin, le système AN/BYG-1, conçu aux États-Unis. Nous...

[Français]

     Ma question se situe plutôt au niveau des opérations, soit aux niveaux opérationnel et tactique.
    En ce qui a trait à la communication stratégique, vos navires doivent être en relation avec certains pays. Avec qui travaillez-vous surtout? Est-ce avec les Américains ou avec les Britanniques?

[Traduction]

    Les Américains sont certainement nos plus proches alliés sur le plan des activités opérationnelles. Nous travaillons très étroitement avec eux.
    Nous collaborons aussi de très près avec votre marine, la marine britannique, les Singapouriens et, de plus en plus, les Japonais. L'interopérabilité de notre marine et des marines de la région est grande, mais les États-Unis sont de loin nos plus proches et nos plus importants alliés.
    Je suis désolé, monsieur Paul-Hus, mais je vais devoir vous arrêter là et donner la parole à M. Garrison.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, monsieur Jennings.
    Mes antécédents comprennent du travail lié à l'Asie-Pacifique. Je pense qu'il y a des parallèles intéressants, comme vous l'avez dit, sur le plan de la taille des forces militaires et de la façon dont nous fonctionnons.
    Je viens de la côte Ouest, et d'après moi, un des problèmes que nous avons constamment au Canada, c'est que les gens se concentrent sur l'Atlantique. Un des points intéressants que vous soulignez dans votre mémoire, c'est que le Canada est aussi proche de la plus grande partie de l'Asie-Pacifique que l'Australie. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les défis stratégiques que la région de l'Asie-Pacifique pose actuellement au Canada et à l'Australie.
    Bien entendu, c'est une grande zone, monsieur Garrison, mais d'après moi, nous vivons une période de changement stratégique rapide et fondamental dans la région de l'Asie-Pacifique.
    Les gens déclarent, avec beaucoup de crédibilité, qu'il y a actuellement une course aux armements en Asie du Nord, pour des armes classiques. Je ne crois pas que ce soit une exagération.
    Bien sûr, c'est la Chine qui est en tête. Elle a renforcé toutes ses capacités militaires, mais surtout ses capacités maritimes, de manière très rapide et élaborée. Ce que je dirais au Comité à ce sujet, c'est de ne pas trop se préoccuper du porte-avions chinois. Il faut se concentrer sur les nouveaux missiles, les missiles de croisière antinavires supersoniques et toute la technologie conçue pour éloigner le plus possible la marine américaine et ses alliées de la Chine continentale.
    C'est une région dynamique et en évolution qui présente de plus en plus de risques pour tous les pays, mais surtout pour les pays comme le Canada, qui a une frontière importante sur l'océan Pacifique. Ce serait sûrement impoli de ma part de me présenter devant le Comité pour parler de la conception stratégique canadienne, mais je crois que les intérêts du Canada le forceront inévitablement à jouer un plus grand rôle militaire dans la région du Pacifique, ce qui conviendrait à l'Australie.
(1615)
    Je présume que la plupart des gens de la côte Ouest souligneraient que nous échangeons autant en passant par l'océan Pacifique que par l'océan Atlantique; la stabilité dans la région nous intéresse donc.
    Pouvez-vous nous parler un peu des sous-marins? Vous avez soulevé la question des sous-marins dans le contexte de la course aux armements en cours en Asie-Pacifique ou dans la région indo-pacifique.
    D'après moi, l'élément le plus important de la course aux armements en Asie, c'est la croissance de la capacité sous-marine, notamment le renforcement massif fait par la Chine.
    C'est presque plus facile de nommer les pays qui ne se procurent pas de sous-marins que ceux qui en acquièrent. Ils comprennent de nouveaux joueurs inattendus comme le Bangladesh. De nombreux pays de l'Asie du Sud-Est décident de renforcer leurs propres capacités sous-marines. Par exemple, le Vietnam a acheté d'autres sous-marins de la Russie, et la Malaisie, la Thaïlande, Singapour et l'Indonésie ont acquis des sous-marins pour la première fois ou renouvellent leurs flottes.
    Il y a aussi tous les dispositifs associés aux sous-marins, y compris les drones sous-marins et les appareils d'écoute placés dans les fonds marins. La prochaine guerre dans l'Asie-Pacifique sera centrée sur la lutte anti-sous-marine, et le pays le mieux équipé sera le vainqueur.
    Je sais que vous avez déjà dit que vous pensez qu'il serait un peu impoli de parler des capacités canadiennes, mais parlons des sous-marins canadiens. Avez-vous des observations à faire sur notre flotte sous-marine actuelle et sur les remplacements nécessaires comparativement à ce qui se passe dans l'Asie-Pacifique?
    Le premier point à souligner, c'est que l'Australie devient de plus en plus compétente dans la fabrication de sous-marins, et je recommanderais au Canada de penser à nous lorsqu'il se demandera d'où devraient venir ses prochains sous-marins. Je ne le dis vraiment pas avec désinvolture. D'après moi, plus nous employons les mêmes concepts pour nos capteurs et nos armes, mieux c'est.
    Nombreux sont ceux qui croient que l'avenir des marines est sous l'eau. Certains disent à la blague: « Il y a des sous-marins et il y a des cibles. » Je ne souscris pas entièrement à ce point de vue, mais je crois que la capacité sous-marine est une partie essentielle de la marine évoluée d'un pays industrialisé.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à M. Spengemann.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être avec nous, monsieur Jennings.
    J'aimerais revenir sur votre discussion avec M. Garrison. Quelle est votre conception de la stratégie chinoise? S'agit-il d'une stratégie à long terme? La Chine tente-t-elle de se rattraper, puis de prendre rapidement la tête? À quel point est-elle durable? Comment la situez-vous dans le contexte des intérêts commerciaux croissants de la Chine et du maintien de l'accès maritime commercial à son territoire?
    Merci.
    Il existe, je crois, une expression publique claire de la stratégie à long terme de la Chine, la stratégie « Une ceinture, une route », qui concerne la construction d'infrastructures pour le transport terrestre et ferroviaire et les pipelines vers le centre de l'Asie, et la construction d'infrastructures portuaires dans le Sud, en passant par de nombreux pays pour atteindre le Pakistan et le golfe.
    C'est important de ne pas considérer cette opération comme étant strictement commerciale, car elle donnera aussi à la Chine une impression d'influence accrue sur les plans stratégique, politique et militaire. On écrit beaucoup dans la presse chinoise que l'Armée populaire de libération assurera le succès de la stratégie « Une ceinture, une route », et avec le commerce vient le militaire.
    D'après moi, au sens le plus large, c'est là la stratégie de la Chine. Je suis aussi d'avis qu'on ne peut pas facilement considérer cette stratégie comme étant complémentaire à l'ordre international actuel, si je peux le dire ainsi, et qu'à de nombreux égards, la Chine la voit comme une façon de remplacer cet ordre. Elle considère l'ordre comme quelque chose qui a été conçu pour la réprimer et la mettre à sa place. Elle promeut de plus en plus la stratégie « Une ceinture, une route » comme étant la façon dont elle peut prendre la position qui lui revient sur la scène internationale.
    Je pense que nous devons suivre la situation de très près. Ce que je dirais au Comité, c'est qu'aucun accord avec la Chine n'est purement commercial. Il y a toujours un élément stratégique.
(1620)
    Cette réponse est très utile.
    J'aimerais avoir un peu plus de détails que ceux que vous avez pu donner à M. Garrison. Quel est l'objectif réel de la course? Est-ce que c'est de mettre des coques dans l'eau ou sous l'eau, ou est-ce que c'est de se procurer des systèmes d'armes? Comment pouvons-nous lutter contre les capacités principalement chinoises d'interdiction des mers que vous abordez dans votre mémoire?
    La véritable course, c'est que la Chine, sur la base de générations de réflexion stratégique, cherche des façons de tirer parti des faiblesses et des vulnérabilités des capacités occidentales. C'est l'idée de l'asymétrie, de cibler nos plus grandes faiblesses. D'après moi, les coques dans l'eau sont moins importantes que les missiles et les missiles de croisière qu'elle acquiert, et son investissement majeur dans les cybercapacités suit de très près.
    Un conflit futur débutera avec une cyberattaque, qui ne ciblera pas nécessairement les forces armées. Elle pourrait tout aussi bien être conçue pour détruire votre réseau électrique ou votre système de santé, et je suis convaincu que cela fait partie de la réflexion stratégique de la Chine. Évidemment, ce n'est pas le seul pays qui travaille à cela, mais elle est en train de perfectionner ces habiletés.
    Comme je l'ai déjà dit, des choses comme les porte-avions sont extrêmement importantes sur le plan politique. Elles influent sur l'opinion nationale de la Chine, mais elles sont moins importantes sur le plan militaire que d'autres facteurs que j'ai mentionnés.
    Voilà une autre réponse très utile.
    Dans ce cas, appuyez-vous l'affirmation selon laquelle aux fins de la défense nationale du Canada et de notre étude, la connaissance du domaine physique et la connaissance du cyberespace sont d'une importance capitale?
    Oui, monsieur. C'est d'une importance capitale pour toutes les forces modernes. Il faut en fait réussir à faire communiquer ces deux volets, à créer une image commune de la menace, et à se servir de l'un pour utiliser ou diriger des armes qui appartiennent à l'autre.
    En ce qui a trait aux cybercapacités, il faut continuellement accélérer et augmenter les investissements, car ce qui semble adéquat aujourd'hui sera terriblement inadéquat dans 18 mois. Ce défi particulier exige qu'on reste au fait de la situation.
    Merci pour ces informations.
    Parlons maintenant du contexte national en Australie. Quelle est l’importance de la stratégie australienne en matière de construction navale commerciale — à des fins civiles, à des fins privées, pour le secteur privé — à titre de synergie pour maintenir les frais généraux bas, tout en assurant le maintien d’une main-d’oeuvre intelligente et active de façon à éviter les cycles d’expansion et de ralentissement?
    Malheureusement, nous n’avons pas vraiment une capacité importante pour la construction de gros bâtiments. Nous avons une capacité pour la construction commerciale à petite échelle de bâtiments de pêche ou d’embarcations de plaisance, par exemple, mais la construction à grande échelle se concentre maintenant sur la construction navale et militaire. Il n’y a pas vraiment d’argument économique pour la construction civile dans une économie de la taille de celle de l’Australie.
    Y a-t-il des obstacles en matière de main-d’œuvre ou disposez-vous d’une main-d’œuvre suffisante pour satisfaire la demande accrue prévue dans votre…
    Non. Nous avons des défis à relever à cet égard afin de satisfaire la production prévue dans quatre ou cinq ans, compte tenu des nombreux projets en cours.
    Le gouvernement a établi un bon plan de développement pour l’acquisition des compétences nécessaires grâce à la formation et à l’éducation dans le secteur de l’enseignement supérieur, un élément absolument nécessaire. La lutte est ardue pour trouver des travailleurs qualifiés, car les industries minière et extractive, par exemple, travaillent fort pour attirer les travailleurs ayant ce genre…
    M. Sven Spengemann: Des compétences transférables.
    M. Peter Jennings: … donc, nous aurons toujours des difficultés à ce chapitre.
(1625)
    Monsieur le président, j’aurais une dernière question à poser, mais, puisque mon temps d’intervention est presque écoulé, je vais la garder pour ma prochaine intervention.
    Nous allons maintenant passer à la prochaine série de questions. Les intervenants disposeront de cinq minutes chacun.
    Monsieur Robillard, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jennings, je vous remercie de votre témoignage.
    Des experts de l'industrie et du milieu universitaire qui ont témoigné devant le Comité lui ont indiqué qu'un trop grand nombre de ministères fédéraux intervenaient dans le processus d'approvisionnement en matière de défense au Canada. Selon eux, cela empêche l'établissement d’une chaîne de responsabilité claire et directe à l'échelle gouvernementale et ministérielle.
    Que pensez-vous du processus pluriministériel utilisé pour l'approvisionnement en défense au Canada? Quels sont selon vous ses succès et ses défis?

[Traduction]

    Monsieur Robillard, j’hésite à m’immiscer dans le débat canadien sur la question, car je ne connais pas suffisamment bien les détails et nuances de votre situation. Je vous répondrai en parlant brièvement du contexte australien.
    Nous avons connu du succès lorsque les responsabilités relatives aux projets étaient clairement définies. Cela fonctionne à plusieurs niveaux.
    Premièrement, il y a le projet en tant que tel et le consortium d’industries qui uniront leurs forces afin de fabriquer tout le nécessaire, comme la plateforme, les armes et les capteurs.
    Deuxièmement, il y a la responsabilité du ministère de la Défense. À cet égard, des changements importants ont été apportés pour réunir des organisations distinctes sous une seule organisation et préciser les responsabilités de cette organisation.
    Troisièmement, il y a la responsabilité gouvernementale et ministérielle; dans notre système, cette responsabilité est endossée par le comité national de sécurité du cabinet. Concernant ce qui est nécessaire, moins, c’est mieux.
    Selon mon expérience, en tant que fonctionnaire de carrière, plus il y a de joueurs, plus le processus décisionnel est lent. Les efforts sont consacrés à jouer une partie de football interministérielle plutôt qu’à définir les objectifs.
    Merci, monsieur.
    Je vais partager mon temps avec Mme Alleslev.
    Je vous remercie.
    J’aimerais aller un peu plus loin. Si j’ai bien compris, le Capability Acquisition and Sustainment Group a été formé en 2015. J’aimerais savoir quels sont les trois principaux enjeux ciblés avec la création de ce groupe.
    Évidemment, ce groupe existait déjà auparavant, mais sous le nom de Defence Materiel Organization.
    À mon avis, il y a trois enjeux importants. D’abord, le besoin continu de maintenir les compétences de la main-d’oeuvre au sein de ce groupe. L’organisation compte maintenant plusieurs milliers d’employés responsables de contrats de plusieurs milliards de dollars. Donc, les contrats de construction navale dont j’ai parlé…
    Le budget total s’élève à environ 12 milliards de dollars, c’est exact?
    Non. Notre budget de défense s’élève maintenant à environ…
    Non, celui du Capability Acquisition and Sustainment Group.
    Pour cette année, oui, mais l’enveloppe pour la de construction navale dont j’ai parlée s’élève à 91 milliards de dollars. Le dernier livre blanc de la défense faisait état de 261 milliards de dollars pour la capacité d’acquisition. Un milliard ici, un milliard là, la somme grimpe rapidement. L’un des principaux défis qui attendent le groupe est la gestion de la base de compétence nécessaire pour la gestion de projet.
    Ensuite, il faut faire approuver les décisions par le cabinet. En une année, le comité national de sécurité du cabinet doit approuver environ 40 décisions pour nous permettre de dépenser notre budget. Par « nous », j’entends l’organisation de la défense. Il s’agit d’un obstacle très difficile à franchir. C’est une charge de travail importante pour le cabinet. Cela force les joueurs du match de football dont je parlais plus tôt à bien réfléchir aux éléments qui ralentissent le processus décisionnel. Il faudra voir s’il est possible de pousser le gouvernement à prendre des décisions assez rapidement pour nous permettre de dépenser notre budget. Je crois qu’il s’agit d’une des vulnérabilités critiques de notre système.
    Le troisième enjeu concerne les risques techniques associés à certains des problèmes d’intégration dont j’ai parlé. Par exemple, le modèle de sous-marin choisi s’appuie sur un sous-marin à propulsion nucléaire, alors que, selon notre politique actuelle, nous devons avoir un système de propulsion conventionnel. Il y a donc des défis conceptuels associés à cette transformation. Est-ce possible à réaliser? Pourrons-nous le faire dans les délais prescrits pour permettre au gouvernement de prendre les décisions qu’il souhaite prendre? Ce sera très difficile.
(1630)
    Merci.
    Monsieur Bezan, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jennings, nous sommes heureux de vous accueillir. À mon avis, le Canada et l’Australie ont une histoire très similaire. Nous avons lutté côte à côte dans le cadre de nombreux conflits, de la guerre des Boers à la guerre en Irak. Nous partageons nos pratiques exemplaires afin de nous améliorer mutuellement et nous étudions ce que vous faites. Je vous remercie d’avoir accepté de venir nous transmettre vos informations.
    Je suis d’accord avec vous: nous devons dès maintenant élargir le champ d’activité du Groupe des cinq. Je crois que ce que peuvent accomplir ensemble le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis ne peut que stimuler nos intérêts en matière de sécurité nationale et notre sécurité collective en tant que partenaires mondiaux.
    Comme Mme Alleslev, j’aimerais pousser un peu plus loin. J’aimerais savoir comment vous avez réussi à réunir tout ce monde sous la responsabilité d’un ministre de l’industrie de la Défense chargé de s’assurer du bon fonctionnement de l’approvisionnement et de l’élimination des questions politiques, malgré le fait que vous ayez à composer avec certains des mêmes défis que nous concernant la stratégie de construction navale et la réalisation de projets selon les échéances et budgets établis. Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez réussi cette manoeuvre politique? Y avait-il seulement deux partis ou est-ce que les partis travailliste, national et libéral y ont participé? Les verts appuient-ils cette décision? Est-ce que tout le monde était d’accord ou seulement les principaux organes directeurs?
    Probablement pas le Parti vert, car les membres de ce parti ne veulent pas de cet investissement dans ces capacités.
    Je crois qu’il y avait un terrain d’entente solide entre les partis du centre gauche et du centre droit pour accepter l’idée selon laquelle la politique industrielle de défense devait être considérée comme un sous-ensemble des tentatives du gouvernement australien visant à stimuler l’économie et à créer des emplois. Les partis ont accepté sans trop broncher. Il reste un combat politique énorme à mener — et avec raison — sur les questions relatives aux contrats, notamment, mais il s’agit d’un élément essentiel au sain du fonctionnement du système. Toutefois, cette idée plus large est très utile, car elle permet de mettre au rancard le débat entre extracôtier et infracôtier et j’espère qu’il y restera pour le moment.
    Concernant le ministre de l’Industrie de la défense, il s’agit d’une option utile pour vous à considérer. Je crois que le gouvernement s’est tourné vers cette option en raison de la charge de travail que pouvaient se partager le ministre de la Défense et le ministre de l’Industrie et, en partie, parce qu’il a réalisé que le programme d’acquisition fixé dans le cadre du dernier livre blanc de la défense constitue le plus grand risque. Il demande le plus d’attention du gouvernement et il inclut les plus importantes dépenses de ce gouvernement ou de tout autre gouvernement dans l’histoire du pays.
    Est-ce que cela justifiait la création d’un nouveau poste de ministre au cabinet? Je crois que oui, et le gouvernement partage cet avis.
    En tant que pays, l’Australie a choisi de conserver des contre-torpilleurs. Vous travaillez à la construction de vos premiers contre-torpilleurs de classe Hobart et j’imagine que vous tenez compte du facteur de risque associé à la prolifération des missiles de croisière hypersoniques.
    S’agit-il de contre-torpilleurs traditionnels ou sont-ils équipés de nouvelles technologies? Peut-être sont-ils plus petits, mais qu’ils possèdent toutes les capacités des contre-torpilleurs traditionnels?
(1635)
    Ce sont de très bons navires axés sur la guerre aérienne. Leur meilleur système d’armes est un conteneur — lanceur de missiles placés à l’avant du bâtiment et conçu pour abattre une grande variété d’aéronefs et de missiles. Ils disposent d’une capacité d’amélioration, si jamais le gouvernement décide de leur donner également une capacité de défense antimissile balistique.
    Donc, la coque est beaucoup plus grande que celle de vos frégates.
    Oui. En fait, pas vraiment. La coque pourrait être la même, car un des soumissionnaires pour les nouvelles frégates est le même qui assure la construction du contre-torpilleur de guerre aérienne dont le modèle s’appuie sur celui du F100 espagnol.
    Encore une fois, la coque est moins importante que les systèmes d’armes. Ce navire pourrait être très efficace à titre de composante d’une force alliée. Dans le cadre, disons, une opération alliée avec les États-Unis et le Japon au large des côtes de la Corée du Nord, la capacité de ce navire à fonctionner au sein d'une flotte alliée pourrait s’avérer importante pour créer un écran de protection autour de plusieurs bâtiments chargés d’accomplir différentes tâches.
    Le temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Monsieur Fisher, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Jennings, d’avoir accepté de venir nous partager votre point de vue.
    Vous ne serez probablement pas surpris que je parle de PIB et de l’engagement de nos deux pays à nous rapprocher du 2 %. À mon avis, avec certains pays, c’est comme comparer des pommes et des oranges, alors je m’intéresse à la situation en Australie. Contrairement aux États-Unis, le budget du Canada ne tient pas compte de la Garde côtière. Votre budget tient-il compte de la garde côtière et les navires de votre garde côtière sont-ils armés?
    Nous avons réglé le problème en choisissant de ne pas avoir de garde côtière, monsieur Fisher.
    C’est la marine qui se charge des tâches traditionnelles de la garde côtière. Nous disposons également d’une petite capacité d’embarcations de patrouille dont l’entretien est assuré par la marine, chose que je n’ai pas encore eu l’occasion de préciser.
    Cela dit, nous augmentons notre contrôle frontalier, une responsabilité qui revient au ministère de l’Immigration et de la Protection frontalière, qui…
    Mais, vous n’avez pas de frontière.
    Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous avons une frontière et nous la protégeons assidûment.
    La marine utilise maintenant huit bâtiments, légèrement armés, pour effectuer des tâches de services de police civile.
    Tout cela est inclus dans votre budget?
    Non. C’est très distinct.
    Ce que vous voyez, c’est essentiellement notre budget de défense. Il ne tient pas compte des droits des vétérans ou des pensions. Il est consacré aux acquisitions et aux paiements associés à la force actuelle et au maintien des opérations. C’est ce qui est inclus dans le budget de défense.
    Vous dites qu’à l’heure actuelle, l’Australie a l’intention de construire des navires en Australie. Y a-t-il des frais supplémentaires? Est-ce plus dispendieux? Si oui, pourriez-vous nous donner une idée de ce surplus, en pourcentage?
    C’est un secret bien gardé. Certains prétendent que la construction des contre-torpilleurs de défense aérienne coûte peut-être 20 % de plus que ce qu’elle n’en aurait coûté aux États-Unis…
    Mais, les avantages économiques dépassent largement ce 20 %.
    Certains économistes diraient que non, mais je ne serais pas d’accord avec eux. Je suis heureux de voir que ces navires sont construits en Australie. Par le passé, comme pour les frégates Anzac, par exemple — car la Nouvelle-Zélande a participé au projet —, nous avons réussi à faire baisser un frais théorique supplémentaire de 20 % à zéro à la fin du projet.
    L’important, c’est de comprendre que, dans le cadre de la construction navale, il y a une courbe d’apprentissage et que des économies sont réalisées au fur et à mesure que les nouveaux navires sont terminés. Le but, c’est de faire baisser la prime à zéro ou aussi bas que possible par rapport à la concurrence.
(1640)
    Concernant les retards en matière d’approvisionnement… et je ne veux pas paraphraser et dire que vous êtes reconnus pour les retards. Ces retards sont-ils attribuables à des raisons culturelles ou principalement politiques?
    Non. Chaque programme d’approvisionnement connaît des retards pour ses propres raisons.
    Dans le cas, par exemple, du contre-torpilleur de défense aérienne, qui a connu des retards importants, c’était en raison d’un problème perpétuel. Nous construisons toujours quelques navires, puis nous arrêtons, ce qui nous empêche d’apprendre au fur et à mesure que le projet avance. La construction du premier contre-torpilleur de défense aérienne a été un apprentissage difficile. La construction du troisième se passe très bien.
    Le problème pour des pays comme le nôtre, c’est que les projets sont toujours petits. Nous avons l’habitude de prendre des décisions au compte-gouttes. Nous construisons deux bâtiments, puis nous arrêtons et perdons les travailleurs au profit d’autres secteurs avant de reprendre la construction. J’espère que cette idée de construction continue constitue la solution pour créer une nouvelle habitude de terminer nos projets selon l’échéance et le budget fixés.
    Vous avez dit que jusqu'à maintenant, on construisait les navires selon un concept modulaire. Avez-vous des exemples de navires construits en divers modules dans divers chantiers navals de l'Australie?
    Oui. Le destroyer de guerre aérienne, fondé sur le modèle du F100 espagnol, a été construit en modules en Australie-Méridionale et à Williamstown, à Victoria, près de Melbourne. Je crois que certains modules ont même été construits dans un petit chantier du Queensland.
    Et cela a été une réussite, en gros?
    Plus le projet avançait, plus c'était une réussite.
    L'assemblage final s'est fait à Adélaïde. Sur le plan technique, c'est tout à fait possible de le faire, mais cela demande beaucoup de travail. Plus on travaille un module avant de l'intégrer au navire, plus il sera facile et économique de le faire. La construction modulaire est sensée. Même si nous construisons tous les navires à Adélaïde à l'avenir, nous le ferons en modules qui seront assemblés par la suite.
    Merci.
    Je vais devoir vous interrompre.
    Madame Gallant, vous avez la parole.
    Je vais partager mon temps de parole avec M. Bezan.
    Monsieur Jennings, lorsqu'on vous a demandé si l'on pouvait réaliser certains projets d'approvisionnement de façon conjointe, vous avez parlé des sous-marins. Or, ces projets ne seraient pas conjoints, puisque nous ne les construisons pas du tout.
    Dans votre proposition, vous parlez d'une urgence stratégique et vous dites que votre 12e sous-marin devrait être construit vers 2050. Comment géreriez-vous une commande canadienne? Est-ce qu'il s'agit d'un autre type de sous-marin qui serait construit dans un autre chantier?
    Je crois que c'est l'un des plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés. C'est la discordance entre ce dont nous avons besoin en raison de l'évolution des circonstances stratégiques et l'idée d'une production stable de navires sur 18 mois ou deux ans. Je ne sais pas comment nous pouvons rapprocher ces deux défis opposés pour le moment. Je crois que tout changement dépendra de l'état de la région de l'Asie-Pacifique au cours des prochaines années. Si nous ressentons une plus grande urgence, il se peut que nous repensions le plan.
    En ce qui a trait au travail conjoint que nous pourrions réaliser avec le Canada, je ne crois pas que nous arrivions à un stade où nous pourrions construire des pétroliers pour votre marine dans les chantiers australiens. Je crois que les possibilités ont plutôt trait à la construction de sous-systèmes — surtout les capteurs et les armes de haute technologie — et au partage des chaînes de valeurs de sorte que notre industrie et la vôtre puissent jouer un rôle interchangeable dans les systèmes d'approvisionnement canadien et australien. Je crois que nous pouvons profiter d'excellentes occasions à cet égard.
    Est-ce que vos systèmes sont interopérables avec la flotte de l'OTAN?
    Oui.
(1645)
    Merci.
    Vous avez parlé de l'influence de la Chine et de la prolifération des sous-marins nucléaires au pays, et du Vietnam qui achète maintenant des sous-marins russes; vous avez aussi dit que vous collaboriez avec Singapour, mais le pays fait aussi souvent affaire avec la Russie.
    À votre avis, quelle influence la Russie exerce-t-elle dans la région de l'Asie-Pacifique? Est-ce que cette situation inquiète l'Australie?
    Nous nous inquiétons certainement du comportement de la Russie en général, de sa façon déstabilisante d'agir à l'international, et nous sommes très inquiets des perspectives en matière de sécurité asiatique si la Russie accroît sa participation.
    En octobre dernier, les Russes et les Chinois ont réalisé un exercice maritime dans la mer de Chine méridionale; c'était la première fois que les Russes y retournaient depuis qu'ils avaient quitté la baie de Cam Ranh, au Vietnam, en 2001. Le dernier navire a quitté la baie et les Russes y ont maintenu une installation de collecte de renseignements pendant quelques années par la suite.
    Je crois que la relation entre la Russie et le Vietnam est à surveiller, parce que les deux pays entretiennent toujours une relation très étroite. Comme nous l'avons vu, la Russie se positionne une fois de plus à titre de fournisseur de choix pour l'armée vietnamienne, et je ne crois pas que ce soit productif pour la sécurité de la région de l'Asie-Pacifique à long terme.
    Il vous reste encore une minute pour une question ou une réponse, si vous le souhaitez.
    Une partie de notre étude a trait à la Garde côtière et à son intégration dans la Marine. Quelle est la relation entre la garde côtière et la marine royale australienne?
    Nous n'avons pas de garde côtière en Australie.
    Vous n'en avez aucune?
    Nous n'en avons aucune.
    Nous y avons pensé au moins deux fois au cours des 20 dernières années, mais étant donné notre taille, nous avons déterminé qu'il valait mieux maintenir une seule capacité d'exécution de la loi hautement compétente dans la marine. Personnellement, je suis très à l'aise avec cette décision. Donc, la marine s'acquitte d'une grande partie des fonctions de la garde côtière. C'est en fait le terrain de formation des jeunes officiers de marine avant qu'ils ne passent à des navires de plus grande capacité.
    Notre service des douanes maintient une petite capacité maritime, que l'on appelle les services frontaliers, et qui s'acquitte de diverses fonctions de police civile pour la lutte contre la contrebande de drogue et les déplacements illégaux de personnes, qui sont loin des conflits auxquels la marine est confrontée.
    Monsieur Gerresten, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur Jennings, de votre présence ici aujourd'hui. J'ai aimé votre témoignage. C'est bien de savoir que nous ne sommes pas les seuls à faire face à ces défis.
    Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant dans votre discussion et dans votre exposé, que j'ai lu à l'avance, c'est qu'il semble que la population australienne se rallie peut-être un peu plus derrière la défense que la population canadienne... du moins c'est que j'ai dégagé de ma lecture.
    Vous avez aussi parlé avec M. Bezan de l'appui bipartite. Ici, autour de la table, les membres de trois partis politiques différents vous diront tous qu'ils croient en la défense. Nous croyons en la souveraineté et nous croyons qu'il faut se défendre. Ils ne s'entendent toutefois pas sur les priorités en matière d'investissement. Leurs opinions diffèrent à cet égard.
    Est-ce que la population soutient la défense et la marine? Dans vos commentaires, vous abordez brièvement la question de notre « proximité » avec les États-Unis. J'ai souvent l'impression que cette proximité nuit à la volonté politique du Canada, mais c'est mon opinion personnelle, bien sûr.
    Quelle est votre opinion à ce sujet?
    À mon avis, monsieur Gerretsen, la menace est une perception plus ancrée au sein de la communauté australienne. Un ministre des Affaires étrangères australien a bien expliqué la situation; il a dit que l'Australie sentait le souffle de l'Asie sur son cou. Je crois que cela a trait à notre position géographique et au sentiment de vulnérabilité de l'Australie sur le plan stratégique.
(1650)
    Est-ce le sentiment général de la population, à votre avis? Est-ce que cela interpelle toute la population ou seulement les gens comme nous?
    La question interpelle une grande partie de la population. Dans les sondages d'opinion, 80 % de la population appuie notre alliance avec les États-Unis.
    M. Mark Gerretsen: Wow.
    M. Peter Jennings: Le maintien des dépenses en matière de défense à 2 % du produit national brut, soit environ le double du vôtre, n'obtient pas le même appui, mais ce sont tout de même 60 % des Australiens qui appuient un tel pourcentage ou qui croient qu'on devrait dépenser plus à cet égard.
    Je crois que nous tentons de sonner l'alarme au Canada , si l'on veut, en ce qui a trait à l'activité dans le Nord. Avec l'ouverture de l'Arctique et les navires plus sophistiqués qui peuvent maintenant y naviguer, on se questionne de plus en plus sur la souveraineté et sur ce qu'il faut pour la maintenir. C'est toutefois intéressant de vous entendre.
    Vous avez parlé des transferts bureaucratiques entre les ministères et des quelque 40 recommandations qui passaient par le cabinet chaque année. Je ne vous ai pas entendu parler de la façon de rationaliser tout cela. Est-ce qu'il faudrait déléguer plus de pouvoirs? Comment pouvez-vous vous en sortir?
    Je suis d'accord avec vous: c'est impossible d'avancer de cette façon. Comment pouvez-vous vous sortir de cette impasse?
    Je propose deux stratégies, que le gouvernement étudie dans une certaine mesure.
    Tout d'abord, il faudrait déterminer la valeur minimale des dépenses examinées par le cabinet. Dans notre cas, elle est très faible. C'est 200 millions de dollars. Par exemple, en matière de défense, le seuil des dépenses qui doivent faire l'objet d'une décision par le cabinet est ridiculement bas. On pourrait donc le rehausser. On pourrait avoir recours à ce qu'on appelle « l'approbation par deux ministres »: le ministre de la Défense et le ministre des Finances pourraient prendre de nombreuses décisions, ce qui libérerait du temps au cabinet.
    Une autre stratégie est digne de mention. Ce jeu des transferts est surtout une guerre à propos de l'estimation des coûts. Le ministère de la Défense tente de maintenir une plus grande capacité en vue d'établir le coût réaliste des projets de défense pour éviter de jouer ce jeu lorsque les coûts seront remis en question par le ministère des Finances et d'autres. Pour ce faire, il faut maintenir une collaboration accrue avec le secteur privé pour l'analyse des coûts et une capacité de défense quasi permanente, et avoir des représentants des finances qui vont mener le combat avant l'étape des présentations au cabinet.
    Je crois que ces stratégies permettraient de rationaliser le processus dans une certaine mesure.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Garrison, c'est à vous que revient la dernière question. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir aux commentaires de Mme Gallant au sujet des collaborations possibles. Si je négociais avec vous, je vous demanderais de construire nos sous-marins et je vous offrirais de construire vos brise-glace et navires de ravitaillement.
    Cela m'amène à une question. Vous parlez de construire des navires à l'étranger: un brise-glace et des navires de ravitaillement. Avez-vous déjà passé ces marchés? Sont-ils en cours et avec qui ont-ils été conclus?
    Oui. Ils sont fabriqués en Corée selon des concepts civils. Ils seront bientôt livrés.
    Ils ne sont pas construits selon des modèles militaires.
    M. Peter Jennings: En effet, non.
    M. Randall Garrison: Cela m'amène à ma deuxième question, au sujet d'une autre de vos remarques, et je n'arrivais pas à trouver...
    Pardon, est-ce que je peux préciser quelque chose? Il y a deux navires de la marine — des pétroliers ravitailleurs — construits en Corée. Nous avons besoin d'un brise-glace, qui ne fera pas partie de la marine; il sera utilisé par notre effectif dans l'Antarctique. Je ne sais pas où il sera construit malheureusement.
    D'accord.
    Dans votre exposé, vous avez parlé de la tendance de quelqu'un — et nous ne savons jamais vraiment qui est responsable — de redessiner sans cesse les plans avant le début de la construction et de changer constamment le modèle. Je comprends qu'on veuille être le plus à jour possible, mais à un moment donné, cela nuit à la production. Je crois que c'est ce que vous avez vécu en Australie.
(1655)
    Tout à fait. Le gouvernement tient à cette idée de l'approvisionnement militaire de série et je ne crois pas qu'il puisse répondre aux besoins de l'Australie.
    Pour la marine, si l'on veut une conception française, un système d'armes américain et un radar australien, il est impossible de trouver cela sur le marché. Je crois que le développement en spirale fait partie de la solution et permettrait d'améliorer les navires.
    Je crois aussi qu'il faut que la marine et les responsables du développement de la capacité évitent de se laisser emporter... de se dire par exemple que deux hangars valent mieux qu'un; qu'il serait bon d'avoir deux hélicoptères sur le navire de lutte anti-sous-marine. Il faut faire preuve de discipline et se dire: « Non, nous ne ferons pas cela. Nous allons économiser 600 millions de dollars en ayant qu'un seul hangar. » Ces discussions sont difficiles, mais je crois que la défense accepte maintenant de le faire pour réaliser les projets à temps.
    J'ai une dernière question. Vous avez parlé de possibilités de coopération en ce qui a trait aux systèmes. Peut-il aussi y avoir coopération en matière de formation?
    Absolument. Je crois que le plus grand défi, c'est de se rendre sur les lieux. On le dit tout le temps, bien sûr, mais il me semble que nos forces armées utilisent de plus en plus des simulateurs, ce qui aide.
    Au bout du compte, le défi de la relation entre le Canada et l'Australie , c'est qu'il faudra déployer les efforts nécessaires pour atteindre des résultats. Sinon, cela ne sert à rien. À mon avis — et surtout en ces temps troubles —, ces efforts en valent la peine, mais il faudra parfois monter à bord d'un avion et faire le long voyage.
    Très bien; merci beaucoup.
    Monsieur Jennings, nous vous remercions de nous avoir accordé votre temps aujourd'hui et de nous avoir donné votre opinion sur la restructuration navale en Australie.
    Je vais suspendre la séance; nous allons nous dire au revoir puis nous parlerons des travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU