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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 110 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    J'aimerais souhaiter le bonjour à nos invités et à nos témoins. Notre étude aujourd'hui porte sur la contribution du Canada aux efforts internationaux de maintien de la paix. Merci d'être avec nous.
    Nous accueillons aujourd'hui Dr Adam Day, responsable des programmes, Centre for Policy Research — le centre de recherche stratégique — de l'Université des Nations unies à New York. Nous accueillons également Dr Richard Gowan, chercheur invité, Centre for Policy Research.
    Également à partir de New York, nous accueillons, à titre personnel, Ameerah Haq, ancienne secrétaire générale adjointe, Département de l'appui aux missions, Organisation des Nations unies.
    Nous entendrons également M. Ian Johnstone, de l'Université Tufts. Il se trouve à Bruxelles, en Belgique.
    Merci beaucoup à vous tous d'avoir accepté de témoigner. C'est important pour nous d'explorer des points de vue extérieurs sur le sujet à l'étude.
    C'est un peu difficile de gérer une vidéoconférence avec trois ou quatre personnes en autant d'écrans, alors si vous me voyez faire ce geste, c'est que je vous demande de conclure votre témoignage en 30 secondes et de terminer en beauté avant que nous passions à la personne suivante. Ainsi, je vais pouvoir gérer le temps de tout le monde.
    Cela dit, je vais céder la parole à M. Adam Day.
    Je vous demanderais de ne pas prendre plus de 10 minutes pour faire votre déclaration. Ensuite, nous pourrons amorcer la discussion.
    Docteur Day.
    Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de présenter un exposé devant votre comité. Je vais prendre moins de 10 minutes, alors inutile de vous inquiéter.
    Ce que je veux dire aujourd'hui s'appuie sur mon expérience, puisque j'ai été conseiller politique dans le cadre d'une opération de paix des Nations unies au Congo. J'ai aussi participé à l'occasion à d'autres importantes opérations de maintien de la paix.
    Je vais essayer d'aborder trois sujets. Je commencerai par les tendances actuelles relatives au maintien de la paix, puis je parlerai des lacunes principales et des points d'entrée liés aux missions découlant de ces tendances. Pour terminer, je vais soumettre quelques considérations et peut-être quelques questions concernant la contribution et le renouvellement de l'engagement du Canada.
    À propos des tendances actuelles, les conflits se sont complexifiés à trois égards au cours des quinze dernières années, et cela a une incidence sur le maintien de la paix. Premièrement, il y a eu un accroissement des guerres civiles internes, où les civils sont de plus en plus la cible d'actes violents. Deuxièmement, il y a une tendance aux interventions régionales dans ces guerres internes. Prenez par exemple le Mali, le Congo, la Syrie ou le Yémen. Troisièmement, la montée en puissance de soi-disant groupes djihadistes complique les opérations traditionnelles de maintien de la paix de plusieurs façons. Nous pourrons en discuter en détail pendant la période de questions.
    Une chose que je veux vraiment mettre en relief est le fait que, dans l'ensemble des zones de conflit, le danger pour les civils a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années. Depuis la fin de la Guerre froide, c'est l'année 2015 qui a été l'année la plus dangereuse à l'échelle mondiale pour les civils et la protection des civils est concrètement devenue la priorité numéro 1 dans bon nombre d'opérations actuelles de maintien de la paix des Nations unies.
    En réaction à ces difficultés, les opérations de maintien de la paix des Nations unies supposent de plus en plus des partenariats avec d'autres intervenants ou entités. Il y a l'opération hybride de l'Union africaine et des Nations unies au Darfour, connue sous le sigle MINUAD; le recours à la force du G5 Sahel au Mali; et le déploiement de soldats de la mission de l'Union africaine en Somalie pour soutenir l'Opération des Nations unies en Somalie. Un autre exemple de partenariat est celui que l'ONU a conclu avec la force militaire régionale au Soudan du Sud. Cela offre aux pays contributeurs de troupes de nouvelles occasions d'acquérir de l'expérience auprès d'autres troupes, mais cela crée aussi de nouvelles difficultés.
    Une dernière tendance que je veux souligner est la pression à la baisse sur les budgets. La Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo — ou MONUSCO — a subi d'importantes compressions, au Congo, trois années de suite. La mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour prendra fin d'ici un an environ. La Mission des Nations unies pour l'appui à la Justice en Haïti est progressivement supprimée. Les principaux États membres veulent tous réaliser des économies et réduire les coûts. Ensemble, ces tendances créent des besoins concrets relatifs aux opérations de maintien de la paix des Nations unies, mais aussi des possibilités de contribution pour les États membres. Je vais nommer quelques-uns de ces besoins, ceux qui pourraient intéresser le Comité.
     Du côté de la MONUSCO, au cours des dernières années, la diminution de la présence militaire statique a créé le concept de « protection par projection », qui nécessite des capacités de transport supérieures ainsi que l'utilisation de drones à longue portée. C'est extrêmement nécessaire pour cette mission, vu la réduction de la présence statique.
    Dans bon nombre d'environnements complexes, par exemple au Mali, l'utilisation accrue des capacités de renseignement dans le contexte du maintien de la paix est un avantage, et de nouvelles capacités ont été mises sur pied pour des missions comme la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali — la MINUSCO — et la MONUSCO, afin de renforcer les capacités du renseignement.
    Vous êtes probablement nombreux à savoir que l'initiative intitulée Action pour le maintien de la paix a été signée la semaine dernière. L'initiative énonce clairement le besoin de renouveler l'engagement à fournir au personnel déployé la formation et l'équipement dont il a besoin pour être en mesure d'intervenir rapidement et efficacement et enrayer les menaces à la sécurité. Je voudrais aussi mettre l'accent sur l'Initiative Elsie, qui concerne les formations. Il vaudrait la peine d'en discuter plus tard.
    Présentement, la demande surpasse l'offre dans ces trois domaines: les capacités aériennes, les capacités de renseignement dans le contexte du maintien de la paix et la formation et l'équipement. Cela soulève une série de questions relatives au renouvellement des engagements du Canada à l'égard des opérations de maintien de la paix. Premièrement, en renouvelant ses engagements, quelle expérience le gouvernement du Canada espère-t-il acquérir? Veut-il contribuer directement aux rigoureuses activités de protection aujourd'hui associées au maintien de la paix dans des pays comme la République centrafricaine ou souhaite-t-il davantage acquérir une expérience commune avec ses partenaires européens au Sahel? Le Canada prévoit-il contribuer au renforcement des capacités de maintien de la paix à long terme, ou préfère-t-il opter pour des déploiements ponctuels plus courts, comme le font certains pays contributeurs au Mali et ailleurs? Le Canada veut-il seulement déployer des troupes, ou pourrait-il envisager de déployer, par exemple, des unités de police spécialisées, ce qui serait peut-être plus efficace là où il y a également des risques urbains à grande échelle?
    Il convient aussi de se demander si les engagements pris l'année dernière à Vancouver répondent aux besoins que je viens de décrire. Selon moi, les engagements sont tout à fait adaptés. La force opérationnelle aérienne au Mali comble une grave lacune en matière de capacités aériennes, comme je l'ai mentionné. La capacité de transport aérien stratégique à Entebbe serait extrêmement avantageuse pour le déroulement des missions dans la région. Une force d'intervention rapide renforcerait presque certainement les capacités de protection de l'ONU, et cela comblerait en tous points les besoins que j'ai décrits. Les formations offertes correspondent exactement aux besoins énoncés dans l'Action pour le maintien de la paix. Selon moi, une excellente contribution au maintien de la paix, comme je l'ai dit, serait de respecter les engagements pris à Vancouver.
(1105)
    J'ajouterai aussi que, dans l'ensemble, tout les gens avec qui j'ai discuté du maintien de la paix estiment que l'Initiative Elsie visant à accroître le rôle des femmes dans le maintien de la paix est un projet vital qui mérite d'être soutenu davantage.
    Ma dernière question est la suivante: quelle valeur le Canada vient-il ajouter au maintien de la paix? Je travaille de près avec des agents canadiens dans tout un éventail de contextes, et je crois qu'ils figurent parmi les meilleurs — ou sont carrément les meilleurs — dans le domaine du maintien de la paix. Précisément, je crois que le Canada peut offrir une combinaison de capacités linguistiques et une formation militaire supérieure à ce que la plupart des autres pays du monde peuvent offrir. C'est le genre de choses dont nous avons grandement besoin pour certaines missions importantes dont j'ai parlé aujourd'hui.
    Dans le contexte actuel, où la majeure partie des activités de maintien de la paix supposent d'avoir la capacité d'interagir avec la population locale et l'expérience nécessaire à l'élaboration de stratégies complexes, nous avons besoin plus que jamais de contributeurs véritables comme le Canada.
    Je vais m'arrêter ici et redonner la parole au Comité.
    Merci beaucoup. Puisqu'il est juste à côté de vous, je vais donner la parole au docteur M. Gowan.
    Je remercie le Comité de m'avoir invité à témoigner.
    Je veux aussi vous remercier, monsieur le président, de nous avoir accordé, Adam et moi, le statut de docteur. Mais soyons honnêtes: nous sommes de simples messieurs.
    C'est noté.
    Mon témoignage, qui vient appuyer celui d'Adam, portera sur trois questions: les effets stratégiques des opérations actuelles de paix de l'ONU, l'importance du maintien de la paix au regard de l'ensemble des relations stratégiques du Canada et le besoin d'innovations stratégiques dans le cadre des opérations de l'ONU.
    Je vais aborder les effets stratégiques en premier. Nous devons admettre, je crois, que le doute plane quant aux effets des opérations de maintien de la paix. L'ONU traverse présentement une période difficile, et la pression est extrêmement élevée sur ses missions, du Congo au plateau du Golan. Nous avons assisté à la fin d'opérations de construction de nation menées par l'ONU et tout à fait réussies dans des pays comme le Libéria, Haïti et la Côte d'Ivoire. Je crois que toutes ces opérations ont prouvé, malgré de nombreux problèmes comme le scandale du choléra en Haïti, que l'ONU peut construire des nations et stabiliser des pays très faibles.
    Aujourd'hui, les trois quart des soldats du maintien de la paix de l'ONU sont déployés en Afrique dans le cadre de cinq missions d'envergure: au Mali, en République centrafricaine, au Congo, au Soudan et au Soudan du Sud. Là-bas, ils font face à des difficultés encore plus grandes, et la possibilité d'une victoire facile est quasiment nulle. Les forces de l'ONU au Liban et sur le plateau du Golan doivent également affronter des risques très élevés en raison de la situation instable au Moyen-Orient.
    Néanmoins, je crois qu'il faut souligner que les opérations de maintien de la paix ont toujours des effets stratégiques positifs. Même si elles ne permettront jamais facilement de stabiliser une région, les opérations permettent d'endiguer et de restreindre la violence dans les États fragiles comme le Mali et de veiller à ce qu'aucun groupe, djihadiste ou non étatique, ne renverse le gouvernement en déstabilisant la région. Les opérations de maintien de la paix servent à protéger et à faciliter l'aide humanitaire, et elles sauvent un grand nombre de vies. Plus important encore, elles servent à établir des cadres pour les processus stratégiques de maintien de la paix à long terme.
    Les opérations ne se déroulent pas sans problème, et l'ONU fait preuve de transparence quant à ses échecs. Dans une série de rapports, y compris le rapport HIPPO — rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix des Nations unies, dirigé par Ameerah Haq — l'ONU a décrit avec une très grande franchise les difficultés que connaissent les Casques bleus. Il y a beaucoup de places à l'amélioration. Les opérations de maintien de la paix de l'ONU ne sont pas toujours le meilleur des outils dans les états fragiles, par exemple la Somalie.
    Néanmoins, les activités de maintien de la paix offrent une résilience. Cela fait depuis les années 1990 que nous n'avons pas vu d'opération de maintien de la paix s'effondrer comme cela a été le cas en Bosnie et en Somalie. Je crois que la valeur stratégique des opérations de maintien de la paix est toujours prouvée.
    Cela m'amène à parler de la place du maintien de la paix dans l'ensemble des relations stratégiques du Canada. Outre leurs impacts immédiats, les opérations de maintien de la paix font l'objet d'un rare consensus entre les États, à une époque où la sécurité internationale ne réunit presque jamais de consensus. La très grande majorité des membres de l'ONU soutiennent toujours les Casques bleus. Adam a mentionné l'Action pour le maintien de la paix. Je crois qu'il est important de souligner que 149 nations et quatre organisations régionales ont appuyé cette initiative, ce qui montre que la communauté internationale est encore capable de s'entendre, du moins en ce qui concerne le maintien de la paix. En outre, tous les membres du P5, y compris la Chine et la Russie, sont signataires de l'initiative.
    Pour parler en termes plus précis, je dirais que les opérations de maintien de la paix contribuent aux relations stratégiques du Canada de trois façons.
    Premièrement, les opérations de maintien de la paix de l'ONU s'inscrivent dans la solidarité transatlantique que pratique le Canada. Certains analystes soulignent la nette dichotomie entre les contributions à l'OTAN et les contributions à l'ONU, mais, pour bon nombre de gouvernements européens, en particulier la France et les pays méditerranéens, la mission de l'ONU au Mali a une très grande importance pour la structure de sécurité régionale, tout comme les missions de l'OTAN dans la mer baltique ont une importance pour la sécurité européenne. En contribuant aux opérations de maintien de la paix au Sahel, le Canada contribue à la sécurité de ses alliés de l'OTAN, et ce, même si ces opérations ne se font pas sous le drapeau de l'OTAN, et les pays d'Europe lui en sont très reconnaissants.
    Deuxièmement, il existe un lien entre les opérations de maintien de la paix et les relations transpacifiques en matière de sécurité. Nous voyons un nombre croissant de pays de l'Asie-Pacifique investir de plus en plus dans les opérations de maintien de la paix. Notamment, la Chine a investi énormément dans le maintien de la paix pour accroître sa présence sur la scène mondiale. Étant donné que la compétition stratégique avec la Chine se fait de plus en plus féroce, le maintien de la paix devrait continuer d'être un domaine de coopération.
(1110)
    Même si la Chine déploie seulement, je crois, environ 3 000 soldats dans le cadre des missions de l'ONU, ce nombre va probablement augmenter de façon exponentielle au cours des prochaines années. Je crois que le Canada aurait avantage à envisager les opérations de maintien de la paix comme une façon de tisser des liens avec l'Armée populaire de libération.
    On entend parfois dire que la Chine espionne les autres soldats pendant les opérations de maintien de la paix de l'ONU; c'est vrai. Il importe toutefois de souligner que d'autres pays espionnent les unités chinoises pendant les opérations de maintien de la paix de l'ONU. C'est la réalité. De façon plus générale, j'aimerais souligner que le maintien de la paix est une plateforme favorisant la coopération avec un certain nombre de partenaires du Pacifique.
    En outre, les opérations de maintien de la paix peuvent contribuer aux efforts mondiaux de lutte contre le terrorisme. Cependant, ces opérations ne devraient pas devenir des missions antiterroristes, étant donné les dangers des rencontres entre les groupes djihadistes et les soldats du maintien de la paix. Néanmoins, dans certains cas, par exemple au Mali, la présence de la force de l'ONU contribue effectivement à l'ensemble des activités de sécurité et de secours et aide à constituer un cadre de collaboration stratégique et économique dans les collectivités qui viennent d'être libérées de l'emprise djihadiste. Je crois que nous devons reconnaître que les opérations de maintien de la paix peuvent être une composante — mais seulement une composante — de la lutte contre les organisations terroristes, en particulier en Afrique.
    Très rapidement, j'ai un dernier point à soulever à propos des innovations stratégiques. Il est important de savoir que le système de maintien de la paix actuel, qui est principalement axé sur les cinq grandes missions en Afrique que j'ai mentionnées plus tôt, n'est pas permanent. Les opérations de maintien de la paix de l'ONU traversent souvent des périodes de transformation rapide. Cela s'est produit dans les années 1990 et à nouveau dans les années 2000. Au cours des dernières années, l'ONU a relevé de nouveaux défis opérationnels, par exemple le retrait des armes chimiques de la Syrie ou la lutte contre la propagation du virus ebola en Afrique occidentale. Nous savons aussi que l'ONU réfléchit, à tout le moins, à la possibilité de mener de nouvelles missions dans de nouvelles régions. Il est question, par exemple, de patrouiller l'est de l'Ukraine afin de mettre un terme à l'impasse avec la Russie.
    Comme Adam l'a mentionné, l'ONU est en train de mettre au point un éventail de nouvelles modalités de travail avec des partenaires comme l'Union africaine dans des pays comme la Somalie. Les opérations de maintien de la paix sont un outil flexible, et elles évoluent souvent en réaction aux crises.
    Le Canada a longtemps joué un rôle important dans l'orientation de cette évolution. Après tout, c'est pour ainsi dire le Canada qui a inventé le concept du maintien de la paix dans les années 1950. Je crois qu'il est important que le gouvernement, les instituts de recherche et les groupes de réflexion du Canada continuent d'apporter des idées fraîches sur l'avenir du maintien de la paix, étant donné que le contexte de sécurité internationale est de plus en plus complexe.
    Merci.
(1115)
    Merci.
    Madame Haq, vous avez la parole.
    Adam et Richard ont déjà couvert beaucoup de terrain, alors je vais faire de mon mieux pour ne pas répéter. Je vais plutôt essayer d'approfondir certains aspects de ce qu'ils ont dit.
    Pour commencer, je veux exposer notre situation actuelle et expliquer comment les termes sont définis. Nous avons beau parler de maintien de la paix, je crois que, de plus en plus, les opérations portent sur la résolution de conflits. De fait, cela est souligné dans le rapport HIPPO. Même si le rapport a été écrit il y a quatre ans déjà, je crois que son contenu demeure très pertinent.
    Étant donné le changement de mentalité et la nuance contextuelle entre une opération de paix et une opération de maintien de la paix au sens strict — comme il y a quatre ans, je l'ai mentionné —, nos opérations portent maintenant nettement plus sur la résolution des conflits. Dans ce cadre, bien sûr, la compétition régionale et internationale entre les grandes puissances influence les efforts de résolution de conflits menés aux quatre coins du monde.
    De nos jours, je crois que le rôle de gardien de la paix de l'ONU est interprété à travers le prisme des jeux politiques entre les grandes puissances, ce qui a pour conséquence que les émissaires spéciaux et les représentants spéciaux du Secrétaire général doivent affronter des tensions croissantes dans les régions ainsi que des fossés géopolitiques de plus en plus profonds. Nous devons aussi reconnaître qu'il y a un climat de scepticisme de plus en plus prononcé à l'égard du multilatéralisme.
    J'espère que cela va contextualiser une partie de ce que vous présenterez à New York. Nous savons effectivement — du moins, c'est mon cas — que le Canada joue un rôle très important pour ce qui est de contrer cette vague de scepticisme à l'égard du multilatéralisme. Je crois en la très grande importance d'un vaste soutien initial et à un appui réitéré au multilatéralisme.
    Richard a aussi mentionné — je voulais le souligner —, que nous ne pouvons pas redéfinir le maintien de la paix comme étant des opérations de lutte contre l'extrémisme violent. La question est donc de savoir comment nous pourrons intervenir dans ces théâtres d'opérations lorsque nous nous y retrouverons.
    Comme nous le disions dans le rapport HIPPO à propos de la réalisation et du financement des missions qui nous concernent... Je me souviens des débats passionnés que nous avons eu à l'ONU avant d'aller au Mali; nous nous demandions si nous étions convenablement équipés et si nous disposions de ressources suffisantes.
    Vous devez savoir que les opérations de maintien de la paix traversent une période difficile, en particulier du fait que les attentes de la population, ainsi que celles des États membres, sont élevées. Les gens font des remarques gratuites et désobligeantes à propos du manque de capacité de l'ONU, alors que, dans les faits, l'ONU manque de ressources.
    Selon moi, les pressions visant à ce que l'ONU et ses troupes aient accès à suffisamment de ressources... Je ne veux pas dire par là uniquement du matériel plus sophistiqué ou plus technologique, du renseignement et des choses du genre, mais aussi de la formation, comme Adam et Richard l'ont mentionné.
    Nous devons aussi prendre conscience du fait que le concept de communauté internationale est en train de disparaître. Nous avons tendance à l'utiliser pour décrire un monde uni qui parle d'une seule voix, mais je crois que ce concept est en train de s'éroder peu à peu.
    À nouveau, je crois que le Canada joue un rôle très important pour ce qui est de lutter contre cette mentalité et l'attitude des grandes puissances qui croient à la « raison du plus fort ».
(1120)
    C'est la valeur de l'ONU dans son ensemble qui est remise en questions.
    Dans ce contexte, vous avez probablement des questions très précises sur la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix, étant donné ce que vos soldats vivent présentement au Mali. C'est un sujet important, certes, mais il est aussi très important de réfléchir à la position fondamentale de l'ONU quant aux moyens de rétablir le concept de communauté internationale et de lutter contre cette mentalité opposée au multilatéralisme.
    Pour entrer dans le détail, je dirais que la formation est toujours, bien sûr, très importante. Dans le cadre de certaines opérations, par exemple au Congo ou en Somalie, où nous avons formé un partenariat avec l'Union africaine, nous avons bien vu que les formations sont très importantes et que le Canada peut jouer un rôle de premier plan à ce chapitre.
    Adam a mentionné le déploiement d'unités de police spécialisées, et j'ajouterai que le Canada a un excellent dossier et une très bonne réputation en ce qui concerne les services de police communautaires. Il est important d'assurer une formation et d'intégrer ceux qui s'intéressent aux services de police communautaires, vu les cas de violence et d'agression familiale inhérents dans ces contextes.
    Pour terminer, le problème de la violence et de l'exploitation sexuelles demeure, dans son ensemble, une très grande priorité. Le Canada peut jouer un rôle tout aussi important à ce chapitre en aidant à la formation des soldats d'autres pays qui seront déployés pour l'ONU. Mais nous avons beau offrir toute la formation possible avant le déploiement, nous savons d'expérience que ce n'est pas suffisant. Le Canada a donc beaucoup à apporter dans la lutte contre l'exploitation et la violence sexuelles.
    Merci.
    Merci, madame Haq.
    Monsieur Johnstone, vous avez la parole.
    Vous me voyez désolé de devoir témoigner à partir de ma chambre d'hôtel à Bruxelles. J'espère qu'il n'y aura pas de problèmes de connexion. Faites-moi signe si vous ne m'entendez pas clairement.
(1125)
    Nous voyons que vous avez fait votre lit.
    Oui, pour autant que personne ne vienne poser un chocolat sur l'oreiller et vende la mèche.
    Aussi, je ne pourrais pas rester avec vous plus d'une heure et des poussières. Je vais devoir partir un peu après midi, heure d'Ottawa. Vous m'en voyez navré.
    À l'instar de mes collègues, ma déclaration préliminaire portera principalement sur les deux tendances générales qui se sont dégagées au cours des quelque 20 dernières années, relativement aux opérations de maintien de la paix. Ensuite, je vais vous présenter mes quatre recommandations pour augmenter l'efficacité de ces opérations.
    Avant, toutefois, je veux mettre en relief le fait que même si le bilan des opérations de maintien de la paix depuis la fin de la guerre froide est inégal, ces opérations ont connu de nombreuses réussites. Diverses études universitaires ont conclu que, dans l'ensemble, les opérations de maintien de la paix fonctionnent. Il est difficile de mesurer ou même de définir la réussite, mais les études universitaires font l'unanimité quant au fait que la mise en oeuvre d'une opération de paix réduit considérablement le risque qu'un conflit de grande envergure éclate à nouveau. Elles ont donc un effet préventif.
    Certaines des histoires de réussite les plus fameuses concernent la Namibie, la République d'El Salvador et le Mozambique, au début des années 1990, le Timor-Leste et la Sierra Leone au début des années 2000 et, tout récemment, le Libéria et la Côte d'Ivoire.
    Cela dit, comme mes collègues l'ont mentionné, les opérations deviennent de plus en plus difficiles. Les endroits où les soldats de la paix sont déployés sont de plus en plus dangereux, et il est de plus en plus compliqué de s'attaquer aux causes profondes d'un conflit.
    Il existe deux tendances générales. Je ne vous apprendrai rien de nouveau, mais je crois qu'il convient de les résumer afin de situer les difficultés contemporaines dans leur contexte. La première tendance est que les opérations deviennent de plus en plus vigoureuses et que la force est utilisée à de plus en plus de fins. La deuxième tendance est que les fonctions civiles des opérations de paix ont pris de l'ampleur et se sont intégrées profondément dans certains aspects de la gouvernance. L'évolution n'a pas été linéaire, mais la progression des tendances est claire.
    Également claires sont les conséquences potentielles des deux tendances et préoccupations qui en découlent. Certaines personnes se demandent si la vigueur grandissante des opérations de paix ne nuit pas aux stratégies et aux solutions de nature politique. D'autres affirment avec inquiétude que la construction d'une nation à grande échelle est à la fois impossible à réaliser et suspecte sur le plan idéologique. Même si je comprends d'où viennent ces deux préoccupations, je crois qu'elles sont exagérées.
    Je vais d'abord aborder la question de la vigueur. Au début, comme vous le savez tous, les soldats du maintien de la paix étaient déployés en vertu du chapitre VI de la Charte des Nations unies et utilisaient la force seulement en cas de défense légitime. De nos jours, de nombreuses opérations de paix utilisent la force non seulement en légitime défense, mais aussi pour protéger les civils et dissuader les fauteurs de troubles. Ce mandat leur est habituellement accordé en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies.
    On peut remonter à 1999, à la Sierra Leone, pour ce qui est de la protection des civils. Cela fait maintenant partie de la plupart des mandats des opérations de paix depuis lors.
    Protéger les civils avec des ressources limitées représente un grand défi, et l'ONU a dû innover au cours des dernières années, par exemple en déployant une brigade d'intervention en République démocratique du Congo et en ouvrant ses bases à 180 000 personnes déplacées dans le Soudan du Sud.
    Au sujet des fauteurs de troubles, le rapport Brahimi, publié en 2001, mentionnait que les forces de maintien de la paix devraient être plus importantes et mieux équipées afin de pouvoir lutter efficacement contre les groupes qui ont recours à la violence pour miner le processus de paix. Combiné aux mandats de protection des civils, cette déclaration a servi de motif pour donner à la brigade d'intervention le mandat de mener « des offensives ciblées » et de « neutraliser » les groupes armés dans l'est « et de les désarmer ».
    Au Mali, il est difficile de protéger les civils sans aussi lutter contre le terrorisme, même si la plupart s'entendent pour dire que ce n'est pas le but des opérations de paix de l'ONU. Le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali ne comprend pas de composante antiterroriste, mais il prévoit — et, encore une fois, je cite la résolution —, que des « mesures actives et robustes » doivent être prises pour lutter contre les menaces asymétriques visant les civils et pour prévenir le retour d'éléments armés dans les zones où les civils sont en danger. On voit que la ligne qui sépare la protection des civils et la lutte antiterroriste est devenue bien mince, au Mali.
    Il y a toujours un grand soutien pour la prise de mesures robustes par l'ONU, en particulier en ce qui concerne la protection de la force et des civils. On craint également que la militarisation des opérations de maintien de la paix se fasse au détriment des solutions de nature politique, voire que cela les empêche carrément. Je vais y revenir dans un moment.
     J'en viens maintenant à la deuxième tendance, la construction de nation à grande échelle [Difficultés techniques] multidimensionnelle [Difficultés techniques] depuis la guerre froide [Difficultés techniques] et les fonctions de construction de la nation relativement au rapatriement des réfugiés et à la surveillance des droits de la personne, à la tenue d'élections et au rétablissement de la justice [Difficultés techniques].
(1130)
    Les opérations conventionnelles de maintien de la paix ciblent les causes profondes des conflits, et vous ne pouvez les débusquer que par une approche holistique, combinant des éléments militaires, policiers et civils. Cela commence par une médiation entre les parties, mais il faut aller plus loin afin de soutenir des processus politiques inclusifs, de mettre en place des institutions légitimes et d'établir le fondement du développement économique.
    Les réactions à ce vaste programme de consolidation de la paix coulent d'au moins deux sources. D'abord, il est perçu par certains comme une liste de souhaits impossibles à satisfaire. Comme l'a dit le secrétaire général Guterres au Conseil de sécurité, l'an dernier au sujet des mandats qui ressemblent à un arbre de Noël: « Noël, c'est terminé [et la Mission des Nations unies au Soudan du Sud] ne peut pas plausiblement mettre en oeuvre les 209 points de son mandat. »
    Ensuite, la plupart des gouvernements sont de moins en moins disposés à recevoir des conseils sur leur façon de gouverner. C'est le cas du Soudan, du Soudan du Sud et de la République démocratique du Congo. Il est tentant de répondre en invoquant le principe de l'appropriation nationale et de laisser ces gouvernements prendre toutes les décisions, mais, si cela signifie les aider à imposer leur autorité sur une large partie de la population, qui les considère comme illégitimes, c'est vraiment problématique.
    Ce sont les deux plus importantes tendances que j'observe, dans les opérations de maintien de la paix, et certaines des complexités opérationnelles qu'elles engendrent actuellement.
    Je vais à présent aborder mes quatre propositions sur la manière de gérer ces complexités.
    D'abord, comme l'indique le rapport HIPPO et d'autres rapports, nous devons concevoir des missions plus souples, plus appropriées au contexte et mieux adaptées. Le défi, concrètement n'est pas d'imaginer un quelconque état final idéal et de concevoir une mission pour le réaliser, mais plutôt de déterminer ce qui est réalisable à la lumière des conditions sur le terrain. La possibilité d'atteindre un résultat, quel qu'il soit, dépendra largement des dynamiques politiques locales, régionales et mondiales.
    Dans certaines circonstances [Difficultés techniques], la construction d'un État peut être possible. Dans d'autres, la réduction du niveau de violence et la protection des civils peuvent être les seuls résultats réalisables. Le fait qu'aucune solution n'est adaptée à toutes les situations. Le tout est de trouver ce qui est faisable dans les circonstances, de concevoir une mission en conséquence et d'être prêt à s'adapter aux circonstances.
    La deuxième proposition en ce qui concerne les [Difficultés techniques] premières étapes.
    Troisième [Difficultés techniques]
    Monsieur Johnstone, si vous pouvez m'entendre, la qualité de votre connexion Internet s'est détériorée au point que nous comprenons un mot sur trois ou quatre; ils vont devoir régler le problème.
    D'accord.
    Il semble que dès que je suis intervenu, ça s'est arrangé tout seul.
    Laissons-les travailler une seconde. Je vais passer aux questions. Nous pourrons vous revenir.
    J'aimerais rappeler aux membres que M. Johnstone et Mme Haq sont seulement présents jusqu'à la fin de l'heure, donc, si vous voulez donc leur poser des questions, vous avez seulement 20 minutes environ pour le faire.
    Nous passons à des questions de sept minutes. Je vais donner la parole au député Gerretsen.
    Merci, monsieur le président, et merci aussi aux témoins.
    Madame Haq, je voudrais revenir sur une chose que vous avez dite. Vous avez dit que les efforts internationaux de maintien de la paix « s'érodent ». Je pense que tout le monde autour de cette table serait d'accord avec vous, mais pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que cela se produit?
    Je parlais de la pression générale contre le multilatéralisme, et je disais que cette notion de communauté internationale est en train de s'éroder. En d'autres termes, je pense que les positions de beaucoup de nos États membres, et de certains États clés qui sont contre ont presque fait une sorte de combat maintenant, au sein de l'ONU.
    En effet.
    Cela fait partie de ce que le Canada et d'autres pays qui ont des vues similaires, j'espère... Comme je le disais, quand vous irez à New York, j'espère que vous pouvez aller à l'encontre de cela, en soutenant fermement le multilatéralisme.
    Madame Haq, mon temps de parole est limité.
    Ma question est la suivante: pourquoi pensez-vous que cela se produit? Quelles sont les causes sociales et culturelles sous-jacentes de cette érosion?
(1135)
    Je pense qu'il s'agit en partie, comme nous pouvons le constater dans nombre de pays, de la montée d'une sorte de nationalisme et d'une tendance à aller vers des politiques plus isolationnistes. Je pense que l'ONU est devenue un bouc émissaire très utile dans les débats des hommes politiques et des dirigeants de notre pays. Ce genre d'attaque contre l'ONU... Je ne conteste pas du tout les gains d'efficience de l'ONU. J'y ai travaillé pendant de nombreuses années, et je pense que ces gains d'efficience sont absolument essentiels. Ces gains d'efficience sont nécessaires, mais je pense que...
    J'ai bien compris, vous avez dit que l'ONU devient un bouc émissaire, et je suis d'accord avec vous sur ce point. Je pense que très souvent, les gens utilisent ce discours à l'égard de l'ONU comme pour s'opposer à cette organisation élitiste ou quelque chose du genre.
    Diriez-vous qu'une partie du problème, c'est que les gens ne comprennent pas tout à fait et n'apprécient pas la contribution de l'ONU? Quand je parle des gens, je ne parle pas des gens assis ici autour de la table, de ceux qui font partie de l'ONU, de ceux qui participent à ses activités, de ceux qui y sont activement engagés ni des universitaires. Je parle des gens qui dirigent des mouvements populistes, dans certains pays. Diriez-vous qu'ils ne saisissent pas très bien la nécessité des efforts de maintien de la paix dans le monde ni pourquoi ces efforts contribuent à la sécurité de leur propre nation?
    Oui, je pense qu'il y a une mauvaise compréhension.
    J'aimerais aussi dire que, même du point de vue canadien, il y a deux manières d'envisager les choses. Une d'entre elles consiste à envoyer ses propres troupes dans l'arène du maintien de la paix. Cependant, il y a aussi une autre manière très importante de voir les choses, qui consiste à soutenir les principes du maintien de la paix sans nécessairement envoyer ses propres troupes sur le terrain. C'est là où je sens que... On souhaiterait que les deux manières soient possibles, mais, en l'absence de... ou étant donné la réticence des parlements nationaux à exposer leurs propres ressortissants sur les théâtres où l'ONU intervient, il restera toujours le soutien.
    Des efforts ont été déployés pour amener d'autres pays à apporter leur soutien et à envoyer des troupes. Des efforts peuvent être faits pour assurer la formation et pour fournir l'équipement. Il peut y avoir un soutien financier. Il peut y avoir un soutien sur le plan politique, passant par l'élaboration de bons types de mandats, qui énoncent des attentes réalisables, plutôt que de donner à l'ONU des mandats qui ressemblent à un arbre de Noël et qui sont voués à l'échec.
    Beaucoup de choses peuvent être faites, mais cela, je pense, c'est...
    L'objectif du Comité est de présenter au gouvernement, par le truchement de notre système parlementaire, des recommandations sur ce qu'il peut faire pour améliorer son rôle dans la collectivité qui veille au maintien de la paix. Compte tenu de tout ce que vous avez dit, quelle recommandation nous proposez-vous de faire?
    Tout d'abord, comme je l'ai dit, je pense que la grande question concerne votre soutien continuel et indéfectible au multilatéralisme en général. Cependant, les points précis que tous mes autres collègues ont également relevés touchent votre engagement à l'égard des opérations de maintien de la paix, votre engagement à fournir des ressources adéquates et votre engagement à l'égard des formations que vous pouvez fournir aux autres pays pour qu'ils puissent augmenter leur capacité.
    Il s'agit en partie de maintenir une tendance favorable au soutien. Je pense que le maintien de la paix est une partie très importante de la réponse internationale aux conflits. Dans un sens, le Canada doit s'assurer qu'il ouvre la voie au soutien du maintien de la paix.
    J'avais également quelques questions à poser à M. Day, mais je pense qu'il me reste seulement 30 secondes environ, je m'arrête donc ici. Peut-être que, s'il reste un peu de temps après, j'y reviendrai.
    C'est bon.
    Monsieur Johnstone, m'entendez-vous, maintenant?
(1140)
    Oui, je vous entends.
    Vous, m'entendez-vous?
    Oui, nous vous entendons maintenant.
    Je dois aviser les membres du Comité, que le témoin communique par téléphone, vous ne pouvez donc pas le voir. Cependant, il est toujours là.
    Ce que nous allons probablement faire, compte tenu du temps qu'il nous reste... Je sais qu'il y a des gens ici qui voudront vous poser quelques questions. Nous avons déjà entendu, bien sûr, une partie de votre témoignage. Auriez-vous la gentillesse de faire parvenir au Comité ce que vous n'avez pas pu dire à cause de la mauvaise connexion? J'aimerais poursuivre les questions, si vous êtes d'accord.
    Je le ferai avec plaisir.
    Merci.
    Merci.
    Cela dit, je donne la parole au député Martel.
    Ma question est adressée à Mme Ameerah Haq.

[Français]

     Vous avez dit tout à l'heure que la formation était très importante.
    Que pourrait-on faire pour améliorer la formation? S'agit-il seulement d'une question d'argent?
    Vous avez dit que ces formations étaient extrêmement importantes, que suggérez-vous pour améliorer davantage cette formation?

[Traduction]

    Merci de poser cette importante question. Je pense que toutes les personnes qui ont témoigné ici devant vous estiment que c'est un élément très important. Je vous donne deux exemples.
    Quand nous avons pris la relève de l'Union africaine, à la fois au Darfour et au Mali, l'une des choses qui nous ont frappés, c'était le manque de formation des soldats envoyés en mission de maintien de la paix de l'ONU. En ce qui concerne le transfert des soldats et le contrôle de leur formation — je parle des soldats qui étaient déjà sur le terrain au Darfour et au Mali —, premièrement, nous avons trouvé beaucoup d'enfants soldats au sein de ces troupes. Deuxièmement, il y a la simple question du niveau opérationnel de ces soldats. Le processus d'approbation a été très difficile à appliquer; il fallait laisser des soldats partir et ensuite essayer de trouver des soldats satisfaisant aux normes de l'ONU.
    D'abord, il existe différents programmes bilatéraux et internationaux visant à assurer que les soldats envoyés dans de nombreux pays, pour participer à des opérations, ont atteint le bon niveau opérationnel. Comme nous avons parlé d'augmenter les partenariats avec les organismes régionaux, nous voulons nous assurer que ces soldats ont atteint ce niveau. C'est-à-dire le bon niveau opérationnel et stratégique, en premier lieu, avec toutes les sortes de formations qui y sont associées.
    Ensuite, lorsqu'ils font partie de la Force de maintien de la paix de l'ONU, les soldats ont besoin de plus de formation sur des éléments très importants, comme la compréhension des droits de la personne et des questions liées au genre, entre autres. Ces formations sont données par l'ONU avant le déploiement des soldats. L'ONU ne peut évidemment pas se rendre dans chaque établissement de formation sur le maintien de la paix où les soldats se préparent pour leur déploiement, et les formations de ce type, qu'elles soient dispensées de façon bilatérale ou avec d'autres partenaires qui sont dans le même contexte, sont donc également importantes pour augmenter le niveau opérationnel des soldats.
    Les commandants de nos forces nous parlent de certaines lacunes, qui sont parfois assez fondamentales. Même si nous avons fixé des normes que nous croyons respecter, il y a encore un élément très important, comme je l'ai dit, l'aspect stratégique et opérationnel, tout ce qui concerne les droits de la personne et la sensibilisation à l'égalité des sexes et aussi d'autres éléments importants comme la planification stratégique. Nous en parlons beaucoup depuis que les commandants des forces et les commandants des contingents ont parfois des opinions diamétralement opposées sur la façon d'organiser l'ensemble du déploiement et d'en faire un seul plan stratégique. Il est important pour ces officiers d'avoir ces capacités de planification.
    Permettez-moi de dire que tous les aspects de la planification sont nécessaires, et je pense que les soldats que nous envoyons à l'ONU manquent terriblement de capacité éprouvée. J'ai observé cela il y a quatre ans, et je suis plutôt convaincue que le monde n'a pas changé en quatre ans; je pense donc que ce besoin en formation est encore présent.
(1145)

[Français]

    Je vous remercie.
    Ma question s'adresse à M. Adam Day.
    À votre avis, depuis le début de la mission au Mali, avez-vous constaté du progrès du côté de la stabilité ou de la paix?
    J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur ce point concernant la mission au Mali.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Martel.
    Juste une petite remarque: je n'ai jamais été envoyé en mission au Mali, ces observations viennent donc de l'extérieur.
    Je crois que la situation de la sécurité au Mali tend à fluctuer, et que la composante militaire de la MINUSMA a réalisé certains gains dans certaines des régions où elle a été déployée, comme à Tessalit, à Kidal et dans certaines autres régions plus à l'est.
    Je pense qu'il y a aussi eu des progrès en ce qui a trait à la participation régionale. Le déploiement du G5 Sahel a amené les principaux États membres régionaux à s'engager à résoudre les problèmes au Mali. Je crois qu'il s'agit d'une évolution importante en soi.
    Les rapports du secrétaire général des Nations unies parlent de gains réalisés au chapitre de la protection civile également au cours des deux ou trois dernières années. Je ne sais pas à quel point ils sont durables. Le Mali est un très gros pays.
    En ce qui a trait au processus politique, la situation est plus difficile. Je crois comprendre qu'il y a eu du progrès sur le plan politique avec les groupes armés prétendument dociles, un ensemble d'engagements ont été pris et sont graduellement mis en oeuvre. Manifestement, l'un des problèmes au Mali, c'est qu'il y a deux différents ensembles de groupes. L'un d'eux participe au processus, et l'autre en est exclu et est appelé un groupe terroriste armé. Je crois qu'un des défis de la mission sera de composer avec ces groupes de manière durable.
    Richard a peut-être des opinions sur le sujet également.
    Merci beaucoup.
    Nous allons devoir y revenir. Si vous avez autre chose à ajouter, peut-être qu'un autre député y reviendra, mais je vais donner la parole au député Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à Mme Haq et aborder la question de la formation.
    Nous parlons souvent de formation de manière très générale. Je vais me risquer à vous poser une question à laquelle vous répondrez « toutes ces réponses », mais lorsqu'on parle d'une contribution canadienne à la formation, parlons-nous de l'élaboration de matériel de formation? De missions de formation bilatérales? De fournir des formateurs à l'ONU? Comment la contribution du Canada à la formation pourrait-elle être la plus efficace?
    Je vais réellement devoir répondre « toutes ces réponses »...
    Des voix: Ha, ha!
    Mme Ameerah Haq: ... mais laissez-moi vous dire, en ce qui concerne la formation préalable au déploiement, comme je l'ai dit, il est impossible pour l'ONU d'envoyer des formateurs pour chaque déploiement de troupes. J'ai parlé de cela quand j'étais au Département de l'appui aux missions. Si nous pouvions trouver des formateurs... Je crois que le Canada a mis en place un très bon programme dans lequel on a recours à des retraités... J'ai oublié le nom du programme, mais nous l'avons utilisé. Nous pourrions envoyer ces gens, particulièrement lorsque nous établissons un partenariat, comme l'a dit Adam, qui concerne le Mali, et nous savons que nous travaillons parallèlement à un autre déploiement de troupes. Cela pourrait se faire sous les auspices de l'ONU. Il faudra vous adresser à mes collègues qui sont maintenant au Département des opérations de maintien de la paix et au Département de l'appui aux missions, entre autres. Si nous pouvions permettre à plus de gens de suivre la formation préalable au déploiement, ce serait très bénéfique. Cela pourrait se faire.
    Ensuite, il y a la formation dans le théâtre des opérations. L'ONU assure la présence d'une unité de formation pour chacune des missions. Encore une fois, comme nous avons des cours spécifiques, je crois qu'il est important que vous travailliez en étroite collaboration avec l'unité de formation pour voir dans quels domaines le Canada peut jouer un rôle spécial, comme je l'ai dit plus tôt, particulièrement au chapitre des services de police communautaires et de la protection des civils. Pour de nombreuses troupes venant de certains pays, ce genre d'enjeux ne fait tout simplement pas partie des règles inhérentes de socialisation, mais c'est le cas au Canada. Lorsque j'ai travaillé au Timor-Oriental, nous avons collaboré étroitement avec les troupes australiennes et néo-zélandaises sur ces types d'enjeux.
    Ce sont des compétences particulières que, je le répète, vous pourriez mettre à profit dans le cadre de la formation préalable au déploiement, dans le théâtre des opérations et en entraînement. Vous avez établi des normes très élevées en matière d'exploitation et de violence sexuelles. Encore une fois, il faut renforcer ces normes. Puis, bien sûr, il y a les approches bilatérales ou organisationnelles, quelles qu'elles soient. L'ONU a donné beaucoup de formation aux troupes qui prenaient part à l'opération UNOSOM en Somalie.
    Je crois que vous pourriez intervenir à bien des égards.
    Il y a le matériel de formation, mais, comme je l'ai dit, j'ai parfois l'impression que nous sommes un peu en retard. Encore une fois, les choses ont peut-être changé, mais j'ai toujours eu le sentiment que... Tant de choses sont à votre disposition de nos jours. Je crois qu'on pourrait aussi soutenir nos troupes en leur permettant de profiter de certains progrès technologiques et d'avoir accès à de l'information, en utilisant une meilleure technologie.
    Merci.
(1150)
    D'accord.
    J'aimerais m'adresser à nos invités de l'Université des Nations unies et leur poser une question, sans qu'elle soit tendancieuse, au sujet de l'absence du Centre Pearson pour le maintien de la paix au Canada à l'heure actuelle. La fermeture du centre a-t-elle entraîné des lacunes qui pourraient être comblées de nouveau au Canada, ou est-ce que ces fonctions de recherche et de formation sont assumées ailleurs depuis la fermeture?
    Je ne pense pas que le Canada souffre d'une pénurie de chercheurs qui se concentrent sur le maintien de la paix. Vous en formez un très grand nombre. Toutefois, je pense qu'il est juste de dire que le Centre Pearson, comme d'autres centres en Suède et en Allemagne, a joué un rôle important en établissant un lien entre la recherche, l'élaboration de politiques et la formation. C'est précisément ce qui en a fait un institut reconnu pour réunir non seulement des chercheurs, mais aussi des praticiens, et pour offrir de la formation.
    Je pense que, pour toutes les raisons dont nous avons déjà parlé, l'amélioration de la formation sur le maintien de la paix est une tâche très importante, et un centre comme Pearson peut être très précieux à cet égard, donc c'est une perte.
    Monsieur Day, avez-vous quoi que ce soit à ajouter à propos des commentaires de Mme Haq sur la formation? Vous avez insisté sur la formation pendant votre déclaration préliminaire. Voulez-vous ajouter quelques mots sur le sujet?
    Je pense qu'elle a bien couvert le sujet. D'après mon expérience, l'interopérabilité est un enjeu important pour les nouvelles troupes qui arrivent. C'est souvent le cas avec un pays contributeur de troupes qui n'a pas l'habitude d'exercer ses activités aux côtés de certains des pays les plus développés. La prestation d'une formation sur l'interopérabilité et la coordination à leur intention a eu beaucoup d'incidence. Je crois qu'il vaut la peine de le préciser.
    Je vais m'arrêter ici.
    Je remarque qu'il est presque midi ici à Ottawa. Je pense que Mme Haq et M. Johnstone doivent maintenant partir.
    Je tiens à vous remercier. Restez aussi longtemps que vous voudrez, mais si vous devez partir, je tiens à souligner votre présence ici et à vous remercier de votre contribution.
    Monsieur Johnstone, j'aimerais vous rappeler de soumettre les observations que vous n'avez pas pu présenter aujourd'hui au Comité. Nous vous en serions reconnaissants.
(1155)
    Oui, je le ferai.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Avant de passer à la série de questions de cinq minutes, il reste une période de sept minutes.
    Nous allons laisser la parole au député Robillard. C'est à vous.
    Ma question s'adressait à Mme Haq.
    Une voix: Elle vient tout juste de partir.
    Il y a d'autres personnes à qui vous pouvez vous adresser.

[Français]

    Je vais quand même poser ma question et quelqu'un pourra peut-être y répondre.
    Plus tôt dans l'année, lors d'une conférence portant sur les femmes dans les missions de maintien de la paix, vous avez dit que vous étiez fiers de voir le Bangladesh envoyer des contingents constitués de femmes seulement.
    Pouvez-vous nous parler davantage de cette initiative et nous donner un peu de rétroaction sur cette expérience?

[Traduction]

    Comme il s'agissait du point soulevé par Mme Haq, selon son expérience au sein des troupes au Bangladesh, j'ai bien peur de n'avoir rien d'autre à ajouter. Je pense que c'est le cas pour Richard également. Toutes mes excuses.
    D'accord. Je vais essayer de poser une autre question.

[Français]

    La semaine dernière, Donald Trump a annoncé aux Nations unies une réduction énorme de la contribution américaine aux missions de maintien de la paix dans le monde. Que peut faire le Canada dans cette optique? Percevez-vous cette situation comme une occasion pour le Canada de reprendre son rôle de leader mondial dans les opérations de maintien de la paix?

[Traduction]

    Nous allons tous les deux tenter une réponse.
    Pour répondre brièvement, oui. La réduction de la contribution aux missions de maintien de la paix ne date pas d'aujourd'hui. On y procède depuis plusieurs années. Le budget consacré aux missions de maintien de la paix a été à son plus haut avec 8 milliards de dollars, et il est maintenant passé sous la barre des 7 milliards de dollars. Certains éléments de grandes missions comme MONUSCO ont subi des réductions allant jusqu'à 20 %. Cela crée assurément de nouveaux besoins. Certains des engagements que le Canada a pris à Vancouver correspondent parfaitement à ces besoins. La réponse est oui, vous pouvez combler ces lacunes.
    En ce qui a trait au leadership, je suis tout à fait d'accord avec certains points qu'a soulevés Ameerah: il est aussi très utile de respecter les principes pour les troupes sur le terrain et d'être capable de diriger l'orientation stratégique de la mission. Le Canada, par exemple, assume des rôles très importants dans le cadre d'une mission comme MONUSCO, avec ses officiers d'état-major et ses planificateurs. À cet égard, le Canada pourrait ouvrir la voie encore davantage dans certaines autres missions.
    Je vais laisser à Richard la chance de faire valoir son point de vue également.
    J'aimerais simplement signaler que, même si les États-Unis ont tenté d'imposer des réductions considérables du budget des missions de maintien de la paix au cours des deux dernières années, en fait, les représentants américains sont disposés à faire des compromis sur la question. Malgré leur discours général contre le multilatéralisme, les États-Unis ont reconnu la valeur des forces de maintien de la paix dans des situations comme celles du Soudan du Sud et de la République centrafricaine. Je pense que c'est un exemple où le président n'est pas aussi méchant qu'il en a l'air.

[Français]

    Je vous remercie.
    Mon autre question s'adresse à M. Adam Day.
    Quels sont les défis associés à la conduite d'opérations de maintien de la paix des Nations unies dans le cadre des groupements tactiques multinationaux?

[Traduction]

    J'imagine que vous voulez parler du recours à de multiples pays contributeurs de troupes au sein d'un seul... D'accord.
    C'est différent d'un pays à l'autre. Je pense que l'un des principaux problèmes, c'est que la formation et les capacités varient grandement au sein des différentes troupes de maintien de la paix. Dans certaines des plus importantes missions de protection des civils et d'autres tâches clés, le fait d'avoir des contributeurs de troupes largement différents est un défi.
    Je crois que cela souligne la nécessité que des pays comme le Canada participent encore plus.
    Les difficultés linguistiques sont évidemment présentes, notamment dans beaucoup de missions francophones et lorsque de nombreuses troupes de la région sont francophones. La présence d'officiers d'état-major anglophones crée une étrange asymétrie, selon moi, et il serait évidemment utile qu'il y ait plus d'officiers d'état-major francophones.
    Je pense qu'il y a une dynamique sous-jacente selon laquelle l'Union africaine considère encore parfois que l'ONU impose des valeurs légèrement occidentales, les partenariats dont je parlais — intégrer les états limitrophes, établir un partenariat avec l'Union africaine, la Communauté économique des États de l'Afrique centrale et d'autres — ont donc aidé à régler certaines de ces tensions multinationales. En fait, il y a beaucoup d'excellents résultats sur le terrain, même s'ils ne sont pas particulièrement bons dans des endroits comme le Darfour.
(1200)
    Merci beaucoup.
    Les députés du côté libéral ont encore deux minutes si quelqu'un veut prendre la parole.
    Mark Gerretsen.
    Monsieur Day, dans un article intitulé « Political Solutions Must Drive the Design and Implementation of Peace Operations », vous avez dit que, dans des cas comme ce qu'on voit au Soudan du Sud, les décisions prises par les dirigeants nationaux de poursuivre le conflit violent plutôt que d'opter pour la réconciliation politique ont laissé peu de place à l'ONU pour qu'elle trouve des solutions politiques.
    Pouvez-vous nous en dire plus?
    Bien sûr. Je pense que c'était dans le contexte du Soudan du Sud. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Quand la mission au Soudan du Sud a été mise sur pied en 2011, il s'agissait essentiellement d'un projet d'édification de l'État. En 2013, la guerre civile qui a éclaté entre le président et le vice-président a essentiellement laissé peu de marge de manoeuvre pour le type de processus que nous mettions en oeuvre. Nous avons ensuite dû laisser tomber en quelque sorte l'édification de l'État pour nous concentrer davantage sur la réconciliation entre les deux côtés et la protection des civils.
    Avec le temps, après plusieurs années de guerre civile, l'ONU n'avait plus vraiment de voie ou de rôle politique clairs pour servir de médiateur. Nous avons dû improviser. Nous avions un bureau à Addis pour essayer de négocier une entente. Je crois comprendre que la démarche traditionnelle de maintien de la paix — où il y a une entente et des Casques bleus sont déployés pour surveiller l'application de l'entente. Nous étions déjà sur le terrain, puis la guerre civile a éclaté. Il s'agissait en quelque sorte d'un contexte non traditionnel de maintien de la paix dans lequel l'ONU ne pouvait pas vraiment intervenir par voie politique.
    Vous avez 30 secondes.
    Quelles mesures peut-on prendre pour réussir à éviter que ce type de scénario se reproduise à l'avenir en ce qui a trait à la relation de l'ONU?
    Je crois que l'un des points qu'a soulevés Ian concernait la définition du mandat; il faut un mandat qui énonce très clairement dès le début l'objectif politique et qui ne prévoit pas 290 autres tâches à faire en même temps.
    De plus, certaines mesures peuvent être prises: énoncer un mandat pour une nouvelle mission ou pour une mission transitoire, travailler avec les parties au conflit afin qu'elles comprennent mieux la raison du déploiement dès le début et qu'elles expriment leur consentement explicite à cet égard, plutôt que d'imposer des mandats venant de l'extérieur.
    Le rapport HIPPO propose un processus de mandat en deux étapes qui prévoit des consultations avant l'établissement du mandat.
    Merci. C'est formidable.
    Nous allons maintenant passer aux questions de cinq minutes.
    La première question de cinq minutes ira à la députée Dzerowicz.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans la même lancée. Ma question s'adresse à vous, Richard, mais Adam, si vous souhaitez formuler un commentaire également, je serai très reconnaissante.
    Cela peut paraître un peu étrange. Richard, dans le cadre de votre exposé, vous avez parlé des missions en Afrique. Vous avez expliqué en quoi une mission de maintien de la paix établit un cadre pour la paix à long terme, l'aide humanitaire essentielle et vous avez énuméré une liste.
    L'ONU a-t-elle les bons objectifs de maintien de la paix? Chaque fois que l'ONU intervient, pense-t-elle aux bonnes choses au moment de mettre en oeuvre ces initiatives de maintien de la paix et de se rendre dans les différents pays? J'imagine qu'on travaille avec les gouvernements locaux pour établir ces objectifs.
    Commençons par cela, et nous verrons par la suite.
    Soyons honnête: le Conseil de sécurité lance souvent des missions de maintien de la paix en situations de crise sans élaborer une stratégie tout à fait claire, et il n'est pas rare que les représentants de l'ONU sur le terrain doivent faire ce qu'ils peuvent une fois déployés. En République centrafricaine, ou en fait au Mali, l'ONU est intervenue avec un sentiment d'urgence, puis elle a pris un certain temps pour établir un plan politique.
    Le Conseil de sécurité pourrait être plus à l'écoute en demandant que les opérations de maintien de la paix se déroulent avec plus de souplesse que c'est le cas actuellement. C'est une organisation lourdement surchargée qui gère de multiples missions.
    Comme l'a dit Ameerah Haq, on reconnaît sans équivoque que l'ONU doit investir davantage et obtenir plus d'aide des pays amis, comme le Canada, au chapitre de l'analyse et de la collecte d'information concernant les pays où elle va. Cela lui permettrait d'élaborer des stratégies politiques plus crédibles, et ce, plus rapidement.
(1205)
    Si je comprends bien, vous dites que le Conseil de sécurité de l'ONU dira: « Nous avons un problème au Mali », et y déploiera un groupe, mais une fois sur les lieux, il dira: « Que devons-nous faire pour créer les conditions propices à la paix? »
    Vous laissez entendre qu'il pourrait y avoir une réflexion et un travail stratégique plus approfondis, de sorte que le Conseil puisse dire: « Établissons nos objectifs avant de nous rendre sur le terrain pour que nous ayons une meilleure idée de la façon de rétablir la paix. » Ai-je bien compris?
    Oui.
    Comment l'information sur le terrain est-elle transmise à l'ONU? Nous semblons prendre part à des initiatives plus complexes. C'est un travail à long terme. Nous ne sommes pas là pour quelques semaines; nous sommes là pour des années. Comment se fait la rétroaction constante et de quelle manière se font les rajustements pendant le déroulement de l'opération afin que l'on puisse assurer le maintien de la paix?
    Il n'y pas de lacunes au chapitre de la transmission de renseignements entre les personnes sur le terrain et le siège social. En fait, il y a parfois probablement trop de renseignements et il faut en éliminer. Il y a des rapports quotidiens, des câbles et tout un centre mis en place pour recevoir l'information, les rapports d'information, etc.
    La partie la plus intéressante, c'est la façon de changer de vitesse et d'apporter des changements au fil du temps. Il y a tout un processus d'examens stratégiques en place, qui est mené de manière de plus en plus indépendante. Il évalue l'orientation de la mission, la mesure dans laquelle les objectifs sont atteints et la nécessité d'apporter des changements. Cela peut être causé par une crise, comme c'était le cas en 2013 avec la guerre civile au Soudan du Sud. Les examens peuvent se faire régulièrement; ils peuvent être exigés par le Conseil de sécurité et également par le secrétaire général de l'ONU. C'est la façon traditionnelle de changer de stratégies.
    De plus, dans certaines missions, on voit maintenant qu'il y a beaucoup d'innovation sur le terrain. La création de capacités de renseignement dans des pays comme le Mali et le Congo est une innovation qui découle largement d'un besoin sur le terrain. Cela s'intègre aux nouvelles politiques qui contribuent maintenant à d'autres missions également; par conséquent, beaucoup de choses qui se passent sur le terrain influent sur le processus.
    Par ailleurs, il y a bien sûr l'établissement de mandats annuels, où une mission peut changer de direction en fonction d'un rapport du secrétaire général de l'ONU. Cela découle de ce qui se passe sur le terrain également.
    Pensez-vous que les choses se passent généralement bien en ce qui a trait à la communication de renseignements ou y a-t-il des aspects qui peuvent être améliorés?
    Je n'ai que 20 secondes pour répondre.
    Il y a toujours place à l'amélioration. L'initiative d'examen stratégique est une très bonne amélioration, et plus nous rendrons l'initiative indépendante et transparente, mieux ce sera.
    Merci beaucoup.
    Députée Gallant.
    Monsieur le président, par votre entremise, ma première question s'adresse à Richard Gowan.
    Vous avez parlé de l'évolution de l'intelligence artificielle comme une force que la diplomatie traditionnelle peine à maîtriser efficacement. Pourriez-vous nous expliquer le problème que pose l'intelligence artificielle à la paix et à la sécurité internationales et nous dire pourquoi les méthodes traditionnelles de diplomatie n'arrivent pas à la prendre en charge?
    L'intelligence artificielle me pose également un problème, car je ne suis absolument pas une personne technique, mon commentaire est donc celui d'un généraliste.
    Nous constatons que l’intelligence artificielle et la cyberguerre évoluent et que l’ONU et d’autres institutions multinationales n’ont pas de cadres en place pour les régir. L’ONU ne dispose pas encore de l’architecture nécessaire pour gérer et prévenir toute nouvelle forme de guerre que nous sommes susceptibles de voir dans les décennies à venir ni pour y faire face. Ces problèmes se distinguent de ceux qui concernent le maintien de la paix et d’autres éléments du système de l’ONU qui pourraient être mis sur pied pour composer avec cela.
    Le secrétaire général Antonio Guterres a précisément été saisi de ces questions et a mis sur pied une initiative, que notre centre à New York soutient, pour s’attaquer aux défis que posent les nouvelles technologies. Je vous recommande de visiter notre site Web pour voir certains de nos travaux préliminaires à cet égard. Mais les aspects politiques entourant la question et, particulièrement, les aspects politiques touchant la Chine et les États-Unis montrent qu'il s’agit d’un processus extrêmement délicat que devra promouvoir l’ONU.
(1210)
    Que devrions-nous faire pendant ce temps s'il y a une lacune? Y a-t-il une autre entité qui pourrait combler ce besoin?
    Je crois que l'ONU est le cadre naturel pour les ententes multilatérales concernant l'intelligence artificielle et les autres formes de technologie. Ce qui est intéressant, c'est que mes collègues qui travaillent sur le dossier ici disent que des entreprises de Silicon Valley, qui conçoivent de nouvelles formes de technologie, sont de plus en plus intéressées à parler à l'ONU, je crois donc que l'ONU est le meilleur endroit pour gérer la situation. Comme vous le savez bien, toutefois, l'ONU possède de nombreuses qualités, mais la vitesse n'en est pas une, et en toute franchise, nous en sommes toujours à une étape très préparatoire où on travaille non seulement sur les aspects politiques de la gestion et de la gouvernance de l'intelligence artificielle, mais aussi sur les possibilités dans ce domaine qui évolue très rapidement. C'est un gros obstacle à surmonter.
    Merci.
    Vous avez dit qu'il était raisonnable de se demander pourquoi le Conseil de sécurité croit qu'une force de l'ONU peut faire mieux au Mali, même avec les renforts européens. La force de maintien de la paix de l'ONU a-t-elle une chance de réussir au Mali?
    Je crois que oui. Même si la MINUSMA comporte de nombreux défis, il convient de souligner qu'il s'agit d'une nette amélioration par rapport à la force africaine dont la présence a été brève auparavant. C'est également vrai pour la République centrafricaine, si on compare l'ONU et la force africaine.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, il est important de souligner que la force de l'ONU a maîtrisé le conflit, mais à quoi ressemblera la réussite? Elle supportera à un processus de réconciliation entre les différents groupes armés au Mali. En définitive, cela doit reposer sur la volonté du gouvernement à Bamako et de ses opposants. L'ONU ne peut ramener la paix à elle seule. En l'occurrence, elle peut fournir un cadre de sécurité pour le processus politique, et je crois que c'est possible avec le temps.
    Votre analyse des cinq grandes missions de maintien de la paix de l'ONU, y compris la mission au Mali, montre que les missions se dérouleront dans un contexte où la situation humanitaire et la sécurité se détériorent, et les Casques bleus feront face à des défis de plus en plus grands. Pouvez-vous nous expliquer quels sont ces situations et ces défis et nous dire quelles menaces ils posent pour les Forces armées canadiennes qui servent au Mali?
    Les défis varient au cas par cas, mais au Mali, les principales menaces qui pèsent contre la force de maintien de la paix viennent manifestement des attaques asymétriques perpétrées par des groupes armés non étatiques, y compris Al-Qaïda dans le Maghreb. En fait, nous avons constaté que les pays occidentaux au Mali avaient relativement bien réussi à contrer ces menaces. L'expérience de l'Afghanistan a préparé les forces européennes et canadiennes à cet environnement. La majorité des victimes font partie des contingents africains au Mali, qui n'ont pas l'équipement et l'expérience nécessaires pour exercer leurs activités dans ce contexte. On a fait du bon travail pour soutenir ces contingents africains en leur donnant de la formation sur la lutte contre les engins explosifs improvisés, entre autres, et je pense que le Canada devrait y prendre part également.
    Merci.
    La parole est au député Fisher.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être restés. Je vais adresser ma question à M. Day, mais j'aimerais vous entendre tous les deux à ce sujet.
    Les forces de maintien de la paix de l'ONU s'adaptent-elles assez rapidement au rôle évolutif du maintien de la paix et est-ce que le rôle changeant des missions de paix de l'ONU engendre des problèmes du point de vue de l'engagement politique ou des efforts diplomatiques?
    Je pense qu'il y a eu certaines adaptations importantes au cours des dernières années au chapitre du renforcement des capacités de renseignement et de la compréhension du conflit. Je crois que certaines autres innovations, notamment l'utilisation de drones aériens pour arpenter des secteurs où nous ne sommes pas déployés, nous ont permis d'avoir de bien meilleures connaissances géographiques qu'avant. À certains égards, les adaptations sont plutôt bonnes pour une organisation à grande échelle. Manifestement, cela pourrait être plus rapide.
    L’un des aspects intéressants que je veux souligner, lorsqu’il est question du lien avec les objectifs plus politiques, c’est que ces immenses missions nécessitent une énorme logistique et beaucoup de ressources lorsqu’il est question de déploiement et de maintien des troupes, de la police et d’autres intervenants. D’après mon expérience, cela fait en sorte qu’il est plus difficile d’avoir suffisamment d’attention pendant la mission pour se concentrer sur certains des processus politiques. Je pense que les missions plus petites, plus simples et plus axées sur la politique sont parfois plus efficaces pour trouver des points d’entrée politiques.
    Je pense que la difficulté tient au fait que ces capacités devraient être mises à contribution du côté politique. Vous pouvez élaborer des stratégies selon lesquelles le déploiement de grands nombres de troupes, d'agents de police et de civils peut se traduire en intérêt politique, et les points d’entrée sont le grand défi de l’ONU. Pour être franc, dans certains contextes, nous n’avons pas obtenu suffisamment de leviers politiques. Le Mali est peut-être un cas où nous en avons eu un peu plus. La surveillance des élections a aidé, au même titre que la participation au dialogue politique entre les partis. Le soutien du processus de DDR a un peu aidé à fusionner les aspects opérationnel et politique, mais c’est un défi difficile à relever.
    Pour en revenir aux examens stratégiques, il vaudrait la peine de se pencher sur l'examen stratégique de la MINUSMA. C'est Ellen Loj qui l'a dirigée, et elle a formulé d'intéressantes recommandations quant à la façon d'orienter les missions de façon à respecter davantage le mandat politique.
(1215)
    Pour ce qui est de votre question sur l'adaptation, je crois que les Nations unies sont une organisation qui s'adapte mieux que nous le reconnaissons souvent. Particulièrement pour ce qui est de la question du renseignement, qui, il y a cinq ans, était un sujet très tabou, nous avons réalisé d'énormes progrès. Un vaste groupe d'États soutiennent désormais fortement la collecte de renseignements faite par les Nations unies, alors un changement est possible.
    Je crois qu'il faut reconnaître que les forces des Nations unies évoluent encore dans des environnements très difficiles. Même une force de l'OTAN éprouverait des difficultés dans une situation comme celle du Darfour ou du Soudan du Sud. Les Nations unies essaient encore de gérer ces environnements opérationnels avec moins de capacités. Alors, elles s'adaptent, mais elles doivent également faire face à des environnements de mission très décourageants.
    Vous avez une minute et demie, monsieur Fisher.
    D'accord.
    Les Casques bleus canadiens sont-ils utilisés correctement dans le cadre des opérations actuelles de maintien de la paix? Vous avez une minute et demie.
    À mon avis, je dirais que les Canadiens jouent un rôle clé dans les missions comme celle de MONUSCO, une mission francophone. Ils assurent la liaison avec l'armée nationale et sont vraiment en mesure de bien le faire. Je ne pourrais pas imaginer un autre pays qui apporterait une meilleure contribution. Le Canada mène les plans du G5 à l'est pour la supervision des opérations. Je ne pourrais pas imaginer un meilleur État membre dans ce rôle, en particulier parce qu'il suppose la liaison avec d'autres troupes là-bas.
    Selon mon expérience, nous obtenons beaucoup de la part des Canadiens qui se trouvent sur le terrain, même lorsqu'ils sont relativement peu nombreux. Je ne peux pas vraiment parler des autres missions, mais si vous pouviez avoir ce type de capacité liée également aux troupes, ce serait un énorme coup de pouce à n'importe quelle mission.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous passons à M. Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier nos témoins d'être ici avec nous aujourd'hui. J'apprécie tous les commentaires.
    Je veux revenir sur quelque chose que vous venez juste de dire, monsieur Day, à savoir que vous appréciez la contribution canadienne même lorsque les groupes sont relativement peu nombreux. Comment perçoit-on le fait que le premier ministre Trudeau ait dit que nous enverrions 600 troupes et 150 policiers et que nous ayons déployé 250 troupes et une force opérationnelle aérienne plutôt spécialisée?
    Il convient de souligner que je ne travaille pas pour le maintien de la paix des Nations unies...
    Je sais, mais vous êtes à l'Université des Nations unies. Vous étudiez ces choses et vous devez recevoir une certaine rétroaction. Vous étiez là.
    Je crois qu'il y a un certain degré de mélancolie relativement au respect de l'engagement total. Les conférences ministérielles sur la défense que vous avez tenues et l'engagement pour une force de réaction rapide et également d'autres choses suscitent beaucoup d'enthousiasme.
    Je ne dirais pas qu'il y a de la déception, mais si nous pouvions obtenir le reste de cet engagement, cela ferait en réalité évoluer le maintien de la paix de manière très concrète, particulièrement parce que cela représente une contribution importante pour une mission de maintien de la paix.
    Merci.
    Monsieur Gowan, vous avez écrit le mois dernier que vous avez demandé aux Nations unies de revenir à la mission qu'elle s'était donnée après la Deuxième Guerre mondiale et de ne pas essayer d'innover. Que proposez-vous?
(1220)
    Je souhaiterais que les gens ne lisent pas ce que j'ai écrit.
    Des voix: Ha, ha!
    Cela m'a intrigué.
    Ce n'était pas dans le contexte du maintien de la paix. Ce que je faisais valoir, c'est qu'on entend aujourd'hui beaucoup de belles paroles sur l'évolution de la gouvernance mondiale. Je mettais l'accent sur le fait que le coeur des Nations unies demeure le Conseil de sécurité et que le rôle principal de ce dernier, c'est en fait d'agir comme un centre d'échange d'information pour les grandes puissances, y compris les États-Unis, la Russie et la Chine, afin qu'ils règlent leurs différends.
    Au cours des dernières années, nous avons clairement observé un échec de la diplomatie du Conseil de sécurité en Syrie. C'est une honte pour l'organisation. À l'inverse, nous avons été surpris d'observer une bonne collaboration entre la Chine et les États-Unis pour ce qui est de la Corée du Nord — ce n'était pas parfait, mais assez impressionnant en réalité.
    Ce que je faisais valoir dans l'article auquel vous avez fait référence, c'est que, en cette ère de concurrence croissante entre les grandes puissances, le Conseil de sécurité devra jouer son important rôle d'harmonisation entre les grandes puissances beaucoup plus qu'au cours des 30 dernières années, durant lesquelles, en un sens, les Nations unies se sont vu retirer leur mission géostratégique pendant la période de paix après la Guerre froide.
    En réalité, vous touchez au noeud du problème: les pays qui possèdent un droit de veto et qui siègent au Conseil de sécurité des Nations unies. Vous avez mentionné un maintien de la paix possible dans la région de Donbass de l'Ukraine et de la Crimée. Ce sont des choses que le Comité a également examinées. Un élément que je soutiens personnellement, c'est qu'il y ait une force de maintien de la paix à Donbass pour séparer les côtés et faire reculer les Russes au-delà de la frontière. Quelle est la probabilité que cela se produise alors que la Russie détient un droit de veto?
    Si vous regardez les grands conflits dans le monde aujourd'hui, comme la Syrie, les effondrements partout dans le Moyen-Orient et l'agression des Russes en Europe de l'est, particulièrement en Ukraine et en Georgie et possiblement en Moldavie, quel rôle les Nations unies joueront-elles si la Russie continue d'exercer son droit de veto relativement à tous les efforts de diplomatie ou de maintien de la paix déployés dans l'avenir dans ces régions? Les Russes vont-ils nous laisser tenter de régler des conflits liés au djihadisme qui durent depuis longtemps en Afrique?
    Il y a un véritable risque que, si les relations avec la Russie se détériorent davantage, le Conseil de sécurité soit encore plus bloqué. Toutefois, il convient de noter que, pour la Russie, le siège au Conseil de sécurité est une source permanente de prestige, et Moscou ne veut pas que l'organisation s'effondre complètement.
    Dans le cas précis de Donbass, il s'agit de quelque chose sur lequel j'ai beaucoup travaillé au cours de la dernière année. Le maintien de ses forces dans l'est de l'Ukraine entraîne, honnêtement, des coûts importants pour la Russie. Je crois qu'il est possible, après les prochaines élections ukrainiennes, que Moscou puisse être disposé à faire des compromis sur un certain type de force de maintien de la paix afin de se retirer d'un conflit coûteux.
    Merci.
    Nous avons maintenant M. Spengemann.
    Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, d'être avec nous.
    Je veux profiter de votre présence en tant que chercheurs pour nous aider à orienter les idées qui serviront à la préparation de notre rapport. Mon regard se tourne vers nos formidables analystes, et je mentionne cela pour peut-être souligner ce que vous vous apprêtez à nous dire.
    Vous parlez à un comité sur la défense de la question du maintien de la paix des Nations unies, ce qui est une question extrêmement complexe et interdisciplinaire. J'aimerais vous parler des points de connexion et des tentacules dont doit tenir compte le Comité afin de s'assurer que nous menions bien les opérations de maintien de la paix. Je parle du programme humanitaire ainsi que du programme de gouvernance et reconstruction après un conflit.
    Dans beaucoup de scénarios, nous aurons des résolutions adoptées conformément au chapitre VII et des opérations de maintien de la paix sur le terrain, mais en même temps, nous devrons reconstruire un État qui a récemment été détruit. Si nous ne le faisons pas rapidement et bien, il y aura des factions mal intentionnées qui prendront le contrôle de la fourniture de biens et de services publics et qui acquerront ainsi une légitimité un peu comme Daech. Ce sont des choses compliquées. Comment le Comité peut-il distinguer les éléments qui relèvent strictement d'opérations militaires et toutes les choses que, si nous n'y répondons pas nous-mêmes, nous devrions au moins signaler pour que d'autres puissent envisager d'examiner l'aspect interdisciplinaire du problème?
    Je crois que vous avez également servi dans certains de ces endroits, alors je vous remercie de votre point de vue.
    À mon avis, rien ne sépare l'armée des autres aspects de la situation. Le point de départ, selon moi, et ce dont le secrétaire général parlait lorsqu'il a conçu ces réformes pour les Nations unies, c'est de mettre en place une structure dans laquelle le travail opérationnel immédiat est lié à la consolidation de la paix à long terme.
    Je crois qu'une des choses que vous avez dites au départ constituera la nouvelle structure de paix et de sécurité ici à New York, laquelle devrait assurer un peu plus l'harmonisation entre la consolidation de la paix et les processus politiques ainsi que les bureaux régionaux qui coordonnent tout cela et qui examinent les stratégies régionales. C'est une chose importante pour comprendre la façon dont les Nations unies peuvent réagir à ces initiatives.
    La réforme du système de développement des Nations unies, qui en est actuellement aux dernières étapes, j'imagine, doit également faire en sorte que les environnements où aucune mission n'est effectuée et les organismes axés sur le développement soient davantage orientés vers la prévention des conflits avant que ceux-ci éclatent. Voici une autre chose à laquelle vos analystes peuvent réfléchir: comment pouvons-nous, avec l'éventail d'autres cadres de développement, faire une meilleure prévention du conflit?
    Beaucoup de travail a été réalisé pour établir un lien plus étroit entre les Nations unies et la Banque mondiale en ce qui concerne la prévention et la gestion des conflits. D'excellents points de départ ont été mentionnés; nous pourrions les signaler à vos analystes afin qu'ils comprennent la façon dont nous pouvons mieux travailler avec ces organismes en établissant un lien entre les interventions à court terme et celles à long terme.
    Richard, avez-vous autre chose à ajouter?
(1225)
    Merci.
    J'aimerais que vous parliez un peu plus de l'aspect opérationnel et de l'aspect sur le terrain, pour ce qui est des pays qui mènent les opérations de maintien de la paix. Comment pouvons-nous assurer la planification et la coordination civiles et militaires? On parle souvent de collaboration, mais il devrait vraiment s'agir de coordination. Il y aura une myriade d'organismes des Nations unies qui ont chacun des intérêts différents envers le programme de reconstruction; ils veulent tous bien agir et ont tous divers degrés de légitimité ou un manque de légitimité dans le pays qui reçoit de l'aide.
    Quel type de cadres devrions-nous avoir en place sur le terrain pour la planification civile et militaire, ou faisons-nous déjà un assez bon travail selon votre évaluation?
    Beaucoup de travail de planification interorganismes est fait sur le terrain. Dans un endroit comme l'Est du Congo, les responsables du BCAH, du PNUD et des missions se rencontrent très régulièrement. Cependant, je crois qu'il y a des tensions qu'on pourrait examiner relativement l'espace humanitaire et aux opérations de maintien de la paix afin de vraiment comprendre la mesure dans laquelle une grande opération de maintien de la paix vise en réalité à soutenir le travail humanitaire et non pas à lui nuire. Voilà une des questions clés au chapitre du déploiement. Un contact direct avec les responsables du BCAH sur le terrain est très important.
    Il faut aussi souligner que nombre d'États membres peuvent très bien comprendre la façon dont ces dynamiques fonctionnent sur le terrain. Il faut établir un lien avec ces États, particulièrement avec un pays comme le Mali. Ils sont également une de nos meilleures sources d'information.
    J'ai une très petite question à laquelle vous pouvez répondre par oui ou par non. Vous n'avez probablement pas le temps de faire également un commentaire.
    Est-il juste de dire que le fait de laisser un vide dans la fourniture de biens et de services, un vide que des factions mal intentionnées pourraient combler, est une leçon retenue que nous devons prendre très au sérieux, si on regarde le scénario de l'Irak et de Daech dans ce scénario?
    Oui. Il ne s'agit pas seulement de vides concrets, mais également de vides politiques, absolument.
    Merci beaucoup. J'apprécie votre réponse.
    Merci d'avoir été très discipliné à la fin.
    La dernière question officielle de la deuxième série ira à M. le député Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Le Canada possède, évidemment, des ressources limitées. Nous devons choisir combien d'argent nous accordons à des organisations régionales ou à des alliances comme l'OTAN et au maintien de la paix des Nations unies, et dans quelle mesure nous voulons travailler de manière indépendante ou bilatérale. M. Gowan a indirectement soulevé ce point lorsqu'il parlait de l'avantage que tiraient les Nations unies d'une intervention régionale. Pour ce qui est des intérêts du maintien de la paix, pouvez-vous nous dire quelles sont les stratégies les plus efficaces?
    Merci, Richard.
    La première chose que je dirais, c'est qu'il y a clairement une différence entre les missions de l'OTAN et les missions des Nations unies pour le Canada, mais nous parlons également de la différence entre les missions des Nations unies et les missions de l'Union africaine, par exemple, en Afrique.
    Je crois que le développement de la structure de paix et de sécurité de l'Union africaine au cours de la dernière décennie a été très impressionnant et que nous devrions le célébrer, mais lorsqu'il s'agit de mener d'importantes missions multidimensionnelles, les Nations unies sont encore les mieux placées pour gérer nombre des aspects techniques et l'administration de ces missions. Pour l'instant, en Afrique, les Nations unies sont les meilleures pour mener des opérations de maintien de la paix multidimensionnelles de grande envergure. Ce qui est remarquable, c'est que les pays africains eux-mêmes ont augmenté massivement leurs contributions aux opérations de maintien de la paix des Nations unies. C'est une autre bonne nouvelle.
    Je crois qu'on peut soutenir l'Union africaine et les Nations unies, mais pour ce qui est de l'aspect opérationnel, les Nations unies sont encore le chef de file sur le continent africain. En ce qui concerne l'équilibre entre les missions des Nations unies et celles de l'OTAN pour un pays comme le Canada, il est clair que ce dernier doit faire beaucoup de choix complexes qui vont au-delà de sa politique sur le maintien de la paix.
    Ce que nous voyons au Mali, c'est une évolution positive: nombre de pays de l'OTAN se regroupent en vue de travailler sous l'égide des Nations unies, et malgré certaines frictions, ils découvrent qu'ils sont à l'aise de collaborer dans ce cadre. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, pour les Français et un certain nombre d'autres pays européens, effectuer une mission efficace au Mali est un intérêt de sécurité nationale important, alors la dichotomie OTAN-Nations unies n'est pas aussi extrême qu'elle l'a déjà été.
(1230)
    Merci.
    Vous allez avoir une autre occasion de faire des commentaires.
    Il semble qu'on veuille poser beaucoup d'autres questions. Il nous reste environ 25 minutes. Nous pouvons entendre encore une fois les membres du Comité. Ils auront chacun quatre minutes.
    Je vais donner la première question à M. Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Day, vous avez parlé plus tôt de la nécessité de plus d'interopérabilité.
    Monsieur Gowan, vous avez mentionné les défis de travailler aux côtés de Casques bleus de l'armée chinoise, car ils sont des espions potentiels, et leur réputation jusqu'à maintenant en matière de maintien de la paix n'est pas très bonne.
    Je suis un peu préoccupé, comme nombre de Canadiens, par les pays avec lesquels nous servons lorsque nous participons à des missions des Nations unies. Malgré la question de la nécessité d'éliminer les obstacles qui se dressent entre d'autres pays et le Canada, je ne suis pas certain de vouloir que nos troupes servent aux côtés des Chinois ou d'autres pays qui ont des antécédents de violence sexuelle lorsqu'ils participent à des missions des Nations unies.
    Même s'il faut plus d'interopérabilité, ne serions-nous pas mieux de servir avec des pays qui se portent volontaires et auxquels nous faisons confiance plutôt qu'avec certains autres qui font partie des missions des Nations unies?
    Nous pouvons tous deux répondre à cette question.
    Pour ce qui est des Chinois, ils ont envoyé en réalité des troupes très bien préparées et très bien équipées pour faire les tâches qu'on leur avait confiées. C'était au Darfour. Mon expérience avec eux a été relativement positive.
    Dans certains environnements, les pays qui vont vous appuyer sont une source évidente de préoccupation. À mon avis, dans la structure mise en place au Mali, la plupart des troupes européennes se sentent probablement très soutenues. C'est un aspect sur lequel il faut dégager un consensus.
    Comme l'a souligné Richard, la grande majorité des victimes font partie des troupes qui ne viennent pas d'Europe. Je crois qu'il y en a eu 99 dans la MINUSMA, et un très petit nombre provenait de troupes occidentales. Selon moi, la structure là-bas ne vise pas exactement à servir immédiatement aux côtés de troupes auxquelles vous ne faites pas confiance.
    Quant à l'exploitation et aux violences sexuelles, je n'ai qu'une chose à dire. Nous espérons que, plus il y aura de troupes comme les vôtres qui travailleront aux côtés de troupes présentant un risque élevé, mieux ces dernières se conduiront. Il y a beaucoup à gagner à envoyer des troupes de qualité bien entraînées qui donnent un bon exemple et à avoir plus de gens sur le terrain. Pour être honnête et très pragmatique, du point de vue du maintien de la paix, un déploiement canadien est une énorme valeur ajoutée à cet égard.
    Monsieur Gowan.
    Je comprends ces préoccupations. Je répondrais simplement en racontant une anecdote.
    Je parlais à un homologue suédois de l'expérience des pays nordiques au Mali, et il a dit que, initialement, ils ont entamé la mission en étant très arrogants envers les troupes non occidentales parce qu'elles ne respectent pas toutes les normes de l'OTAN. Il a dit que, à la fin de la mission, ils respectaient beaucoup plus ces troupes, et ce sont en réalité les Suédois qui ont reconnu que les troupes — je crois qu'elles étaient mauritaniennes, mais je n'en suis pas certain — qui les appuyaient comprenaient beaucoup mieux ce qui se passait et disposaient de bien meilleurs renseignements en raison de leurs affinités culturelles avec les Maliens.
    Nous avons beaucoup de choses à enseigner aux Nations unies, mais je crois que, parfois, nous pouvons également en apprendre des gens aux côtés desquels nous ne sommes pas habitués de servir.
    Je veux juste revenir à un des commentaires que vous avez faits au cours de votre déclaration liminaire, monsieur Gowan.
    Par le passé, vous avez écrit sur les réussites que vous avez connues au Libéria et dans d'autres pays, mais avez dit que nous n'allons pas avoir le même succès. Vous avez mentionné que les cinq puissances... aujourd'hui, je crois que vous avez dit que les chances d'obtenir du succès dans le cadre de ces missions des Nations unies sont nulles. Quelle est la stratégie à long terme? Comment pouvons-nous adopter une bonne résolution, ou est-ce que tout cela ne sert à rien?
(1235)
    Ce n'est pas que tout cela ne sert à rien, mais je crois que nous devons reconnaître que nous n'allons pas transformer Congo ou le Soudan du Sud en administrations comme le Québec ou l'Ontario prochainement.
    Nous allons laisser derrière nous des pays qui, au mieux, pourront maintenir un minimum de stabilité, et ils auront besoin de beaucoup de temps pour se développer davantage, mais c'est mieux que de les laisser dans un état de conflit total ou aux prises avec des guerres régionales, comme nous l'avons vu en Afrique centrale dans les années 1990.
    Merci.
    La parole est à M. Gerretsen.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Day, la dernière fois que je vous ai posé une question, je vous ai demandé de parler d'un article dans lequel vous étiez cité: « Political Solutions Must Drive the Design and Implementation of Peace Operations ». Dans le même article, vous avez mentionné l'observation suivante faite en 2015 par le Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix:
La paix durable est obtenue grâce non pas à des accords militaires et techniques, mais à des solutions politiques. Les solutions politiques devraient toujours guider la conception et le déploiement des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Lorsque la dynamique sous-jacente à la paix faiblit, les Nations unies, et particulièrement ses États membres, doivent aider à déployer des efforts politiques renouvelés afin de maintenir les processus de paix sur la bonne voie.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur cette observation?
    Oui.
    Je crois que, habituellement, un mandat de mission comporte un vaste programme politique qui prévoit des réformes nationales s’appuyant sur un accord de paix; c'est le type de choses qu’on a vues au Congo en 2002 ou dans l’accord de paix qui a été signé après les élections au Mali. Il y a ensuite une série de tâches opérationnelles accomplies dans le cadre de la mission: la neutralisation des groupes armés, le DDR, un éventail complet de mesures pour soutenir l’aide humanitaire et toutes ces autres choses.
    Ce qui peut se produire au cours des missions, c'est que ces deux éléments peuvent devenir distincts, et vous pouvez penser que ces objectifs opérationnels sont une fin en soi et continuer à braquer les roues. Il demeure que ce que nous devons faire, c'est de penser à la façon dont les pays contribuent à cet objectif politique. Pourquoi faites-vous du DDR avec des groupes armés? C'est parce qu'il s'agit du résultat de l'accord de paix que vous souhaitez.
    À mon avis, la raison pour laquelle les Nations unies n'ont pas nécessairement réalisé une planification stratégique conformément au rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix, c'est que les politiciens ont tendance à prendre des décisions du haut de la hiérarchie et, souvent, les gens sur le terrain n'en tiennent pas compte dans le cadre des opérations; vous vous retrouvez donc pris dans des situations comme celle du Congo, où il y a un mandat de neutralisation des groupes armés, mais, selon moi, il ne contribue pas directement aux objectifs politiques de la mission, à proprement parler.
    Vous avez une question supplémentaire, je peux le voir.
    Oui.
    Quelles recommandations précises pouvez-vous adresser au Canada à ce sujet? Quel rôle le gouvernement du Canada peut-il jouer pour régler ce problème?
    Il faudrait demander un processus de mandat pour le Conseil de sécurité, lequel serait dirigé par les gens sur le terrain et non pas ceux qui se trouvent à New York. Ce processus requerrait que les membres du Conseil envoient d’avance une petite équipe afin de déterminer les objectifs politiques concrets et réalistes à court et à moyen termes, ce qui guidera ensuite le mandat grâce à cette analyse. Essentiellement, un processus de mandat à deux étapes est très important. Il évitera ces types de vastes mandats beaucoup trop compliqués qui s’étalent sur 40 ans dans le cadre desquels vous n’obtiendrez pas les réformes que vous désirez dans la période voulue.
    Est-ce pratique? Croyez-vous qu'il est pratique d'envoyer ce groupe en avance afin de déterminer exactement de quoi il en retourne? Vous avez réalisé beaucoup de recherche à ce sujet, qu'en pensez-vous? Est-ce que cela se produira?
    Non seulement c'est pratique, mais cela a été fait. Ian Martin est allé rencontrer le chef de la formation officielle de la mission et il a rédigé un rapport qui guidait essentiellement le quartier général concernant ce que pourraient être les résultats viables. La Libye s'est effondrée, mais ce n'est pas une lacune du processus. En réalité, c'est un exemple d'une façon légère et peu coûteuse, mais très efficace de définir un mandat.
    Je crois que si vous aviez défini un mandat différent pour la Libye sans adopter cette approche, on aurait eu une idée très différente de l'endroit où se trouvaient les points d'entrée politique en périphérie.
    Je suis désolé, je vois encore une fois la feuille. Il semble que je la vois rapidement.
    Vous êtes beaucoup plus obéissant que la plupart des témoins qui viennent témoigner devant le Comité.
    Il ne reste que 30 secondes. C'est presque fini.
    D'accord.
    Il vous reste 30 secondes pour terminer en beauté, mais j'aimerais que nous nous arrêtions ici.
    Je vais laisser la parole à M. le député Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins, pour qui nos procédures obscures doivent sembler bizarres, particulièrement si vous témoignez par vidéoconférence parce que vous ne pouvez pas voir qui est assis du côté du gouvernement et qui est assis du côté de l'opposition.
    Je veux revenir aux questions que j'ai posées à M. Gowan sur les choix que doit faire le Canada quant à sa participation et le quatrième choix dont nous n'avons pas vraiment parlé, c'est-à-dire la participation à des coalitions de partenaires pour une même cause.
    Je me demande si vous avez des commentaires sur les mérites relatifs des missions des Nations unies par rapport aux coalitions de partenaires pour une même cause. Des témoins nous ont dit que, souvent, ces coalitions ne se concentrent pas beaucoup sur la reconstruction et le processus de paix et que les Nations unies seraient meilleures à cet égard. Avez-vous des commentaires là-dessus?
(1240)
    Écoutez, les forces multinationales et les coalitions de partenaires pour une même cause sont probablement la meilleure façon d'intervenir s'il s'agit d'une situation où le but est de tuer des gens de manière proactive. C'est le cas dans une situation de lutte contre le terrorisme ou une situation comme celle de la Somalie. Il semble logique de former des coalitions de pays qui sont disposés à prendre le risque de mener des opérations de grande intensité et des opérations agressives. Je crois que la plupart des responsables des Nations unies diraient que, lorsque vous passez à l'offensive sur le plan militaire, ce n'est pas un travail pour les Casques bleus; cela revient au type de coalitions que vous décrivez. Au Mali, nous voyons les pays du G5 former une coalition afin de poursuivre les djihadistes de manière plus proactive dans le cadre de la MINUSMA.
    Selon moi, là où les Nations unies possèdent un avantage, c'est, comme je l'ai dit, lorsqu'elles mènent des missions robustes multidimensionnelles au fil du temps, dans le cadre desquelles on peut recourir à la force et parfois aux tactiques pendant une offensive tout en ayant un objectif stratégique général de consolidation de la paix. C'est là où, à mon avis, les Casques bleus possèdent un avantage.
    Monsieur Day, avez-vous des commentaires à formuler sur la question des coalitions de partenaires pour une même cause par rapport aux opérations des Nations unies?
    Pour être honnête, je n'ai aucune expérience directe en la matière sur le terrain, et je pense donc que les arguments de Richard résument bien la situation.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons à la députée Dzerowicz.
    Je vous remercie infiniment, monsieur le président.
    Mme Haq a mentionné quelque chose au sujet de la grande importance du commerce dans les pays africains, et de fait que le Canada peut jouer un rôle important; par conséquent, en ce qui concerne... désolée, j'ai dit commerce, oui. Le commerce est très important. Je peux lire sur vos lèvres. Vous aviez une question.
    Je voulais savoir si vous étiez d'accord avec cela et, le cas échéant, si nous songeons à nos propres objectifs quant à notre participation, comment intégrons-nous cela à mesure que nous allons de l'avant?
    L'un ou l'autre peut répondre le premier.
    Il s'agit là d'une question difficile, qui concerne le point de vue d'Ameerah.
    L'une des choses que l'ONU a essayé de faire, en particulier dans la Corne de l'Afrique, c'est de collaborer avec l'UA pour que les accords politiques soient liés aux accords économiques auxiliaires. Je pense qu'il y a eu un certain succès à cet égard. Le bureau de soutien de l'UA à Addis-Abeba a travaillé sur le dossier. Il est essentiel de lier ce processus aux commissions régionales qui s'occupent des aspects économiques, et l'ONU a renforcé ses capacités de liaison avec les commissions économiques, en particulier en Afrique de l'Est. Je n'en sais pas autant en ce qui concerne l'Afrique de l'Ouest, mais je crois comprendre qu'une partie du travail effectué auprès de la CEDEAO au sujet de certains des conflits qui y sévissent a en réalité été directement lié aux processus économiques qui sous-tendent leur communauté. Je pense donc que le fait de s'associer directement à ces institutions, peut-être en y affectant du personnel — l'ONU a établi ce genre de partenariat direct avec eux —, est la façon d'établir les liens qui s'imposent.
    Je dirais une chose, c'est qu'il y a une ressource qui est sous-utilisée dans l'ensemble, et il s'agit des commissions économiques régionales dont dispose l'ONU. Certains des meilleurs analystes des risques en Syrie étaient en fait des personnes travaillant au sein de la CESAO à Beyrouth, mais il s'agissait toujours de particuliers, et je ne pense pas qu'ils aient été exploités. Je pense que c'est sous-utilisé dans le système de l'ONU. Il pourrait être légèrement mis en évidence par les États membres.
    Richard, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Effectivement, je souhaiterais également faire un lien avec les commentaires de M. Garrison.
    Je pense qu'il est très important que le Canada, lorsqu'il envoie des Casques bleus sur le terrain, s'assure que sa politique bilatérale cadre avec sa politique multilatérale. Nous voyons assez souvent des pays déployer des Casques bleus, mais en fait se préoccuper très peu du pays dans lequel ils ordonnent ce déploiement. Je pense qu'une façon de promouvoir à la fois les processus politiques et peut-être aussi le commerce est de veiller à ce que votre ambassade bilatérale à Bamako, si vous en avez une, ainsi que les autres missions diplomatiques dans la région soient clairement chargées d'appuyer autant que possible le travail relatif au maintien de la paix, que ce soit par un engagement politique ou par la promotion commerciale, afin que le Canada soit réellement présent, non seulement au moyen de ses hélicoptères et de son personnel, mais dans tout le spectre d'engagement.
(1245)
    Je vous remercie.
    Je pense qu'il me reste moins d'une minute. Nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Monsieur Day, vous avez mentionné dans un de vos commentaires initiaux que les djihadistes compliquent le processus de maintien de la paix. Pouvez-vous, en 30 à 40 secondes, nous parler un peu de cela?
    Je pense que j'ai dit « les soi-disant djihadistes ».
    Ils le font de plusieurs façons. Premièrement, ils ont tendance à être isolés du processus politique. Au Mali, par exemple, il y a les groupes armés dociles et les groupes armés dits terroristes; par conséquent, ce n'est pas un point d'entrée politique facile. La deuxième difficulté qui a rendu la situation plus complexe est l'usage asymétrique de la force contre les populations civiles. Les IED sont largement utilisés, ainsi que d'autres dispositifs que l'on ne voit pas dans beaucoup d'autres situations de conflit. La troisième est, cela va de soi, que la condamnation internationale plus générale de ces groupes fait en sorte qu'il est beaucoup plus difficile pour l'ONU d'avoir un point d'entrée pour la mobilisation.
    J'ai 30 secondes, alors j'ajouterai que, même avec les particuliers et les groupes les plus proscrits, l'ONU a tendance à trouver le moyen de collaborer avec eux. Quand j'étais au Soudan, Bashir faisait face à une mise en accusation par la CPI. Nous étions la seule entité à vouloir le rencontrer et collaborer avec lui. Je pense que l'engagement réel est une valeur ajoutée essentielle pour l'ONU, et ce, malgré les risques.
    Je vous remercie.
    Passons au député Martel.
    M. Bezan vous a posé une question intéressante au sujet de nos troupes.
    Je vais poursuivre en français.

[Français]

     Si nos Casques bleus canadiens ont une bonne crédibilité et peuvent être un chef de file dans les missions, croyez-vous qu'ils peuvent faire confiance à nos alliés en ce qui a trait à la protection?
    Ma question suivante va dans le même sens. Si le niveau de formation des Casques bleus est plus élevé que les autres, peut-on faire confiance à nos alliés pour assurer notre protection? Qu'en pensez-vous?
    Le Canada pourrait-il communiquer avec ses alliés pour que la formation soit la même?

[Traduction]

    Cette question comporte différents aspects.
    En ce qui concerne votre dernier point, je pense que le Canada occupe une position unique pour bien communiquer avec les alliés, en partie pour des raisons linguistiques, mais également en raison d'une longue expérience au chapitre du maintien de la paix. Lorsque je vois un problème de communication entre les différents types de troupes, il s'agit le plus souvent d'un problème linguistique; je dirais donc que le Canada est très bien placé.
    Pour ce qui est du degré de confiance envers vos alliés, je ne crois pas pouvoir répondre à cette question. C'est une question qui concerne votre politique nationale et la leur. Mais...
    ... et la protection également.
    D'après ce que j'ai compris, la plupart des troupes, lorsqu'elles sont déployées, assurent elles-mêmes leur propre protection. Vous dirigez une base d'opérations, et les troupes canadiennes patrouillent dans celle-ci. Si je comprends bien, la plupart du temps, vous n'avez généralement pas à compter sur d'autres troupes pour votre propre protection physique immédiate.
    Lorsque j'en ai été témoin, les troupes se sont assez bien protégées les unes les autres. Dans l'Est du Congo, il y a eu des déploiements d'un pays vers la base d'opérations d'un autre pays, et ceux-ci sont généralement la priorité absolue de la mission. Lorsque vous parlez de triage et de décisions relatives au déploiement des troupes pour se protéger mutuellement, selon mon expérience, la décision de protéger les autres entités de l'ONU est presque toujours la priorité.
    Je vais partager mon temps.
    Merci. Il partage son temps avec moi.
    Monsieur Gowan, vous avez écrit que la force de maintien de la paix de l'ONU au Mali n'est pas bien équipée ni formée pour faire face aux menaces terroristes auxquelles le Mali est exposé. L'aspect antiterroriste de la mission n'aurait-il pas dû être confié à une organisation qui possède la formation et l'expérience nécessaires pour mener des opérations antiterroristes?
    Je pense que, dans l'article que dont vous parlez, je citais une étude réalisée par l'Institut danois des études internationales sur les unités africaines de la MINUSMA et, assurément, celle-ci avait révélé des lacunes extrêmement importantes dans certains équipements des unités africaines. Comme je l'ai dit, nous avons vu des Casques bleus africains au Mali être particulièrement vulnérables à diverses formes d'attaques asymétriques. Cependant, j'ajouterais que l'ONU a travaillé très dur pour rendre ces unités plus robustes et surtout pour rendre les convois au Mali moins vulnérables aux attaques.
(1250)
    Je vous remercie.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Fisher.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore, messieurs.
    Je vais profiter du fait que nous avons ici une mine d'or, avec vous assis devant nous, pour poser une question que j'ai déjà posée mardi dernier.
    Si nous recrutons plus de femmes et les encourageons à participer à des opérations de maintien de la paix au moyen de stratégies comme l'Initiative Elsie — que vous avez mentionnée, monsieur Day, je pense —, la mission aurait-elle plus de chance de contrer l'extrémisme violent?
    Je peux répondre très brièvement à cette question en disant oui, presque certainement. Plusieurs raisons justifient d'accroître le rôle des femmes dans le maintien de la paix. Il y a une raison de principe, mais je vais m'en tenir à l'efficacité.
    Dans bon nombre de ces situations, l'accès aux collectivités, la compréhension de celles-ci et l'engagement des troupes envers elles sont des éléments clés de la réussite. Il y a un article que je peux trouver pour vous. Il est prouvé que, au fil du temps, les femmes sont des Casques bleus plus efficaces sur un certain nombre de plans, dont celui-là. D'après mon expérience, l'un des aspects essentiels qu'il faut favoriser est un déploiement des troupes plus efficace et axé sur l'analyse.
    Le principe est clair. De toute évidence, il existe d'autres moyens par lesquels les Casques bleus de l'ONU peuvent s'engager, et les femmes sont particulièrement bien placées pour le faire. Quand je travaillais au Soudan du Sud, il y avait beaucoup de violence sexuelle dans les collectivités. La présence de femmes Casques bleus a envoyé un message très important et a rendu les collectivités plus ouvertes et réceptives à l'ONU.
    Plus précisément, quels rôles les femmes peuvent-elles ou devraient-elles jouer dans les opérations de maintien de la paix?
    Absolument tous les rôles, y compris la direction de la mission. Je pense que, à l'heure actuelle, le nombre est relativement petit, mais il y a sans aucun doute un leadership politique, militaire et policier à tous les égards.
    Monsieur Gowan, souhaitez-vous intervenir? J'ai également une question pour vous, si j'ai le temps.
    Vous l'avez. Vous avez deux minutes.
    Allez-y, posez votre question.
    Dans un de vos articles, vous avez dit que l'ONU doit également maintenir une option de dernier recours consistant à administrer des missions de stabilisation plus robustes lorsque c'est nécessaire, tout en mettant l'accent sur la sécurisation des lieux pour les opérations de maintien de la paix non militaires. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Bien sûr. Comme je l'ai dit, cependant, dans la plupart des environnements à haut risque, les forces multinationales sont peut-être la meilleure option. Nous devrions être conscients que, plus tard, on pourrait demander à l'ONU d'aller dans un pays comme le Yémen. Si c'est difficile au Mali, ce le sera 1 000 fois plus au Yémen. Si le Conseil de sécurité, dans sa sagesse, voulait mettre en place une force multilatérale au Yémen, je pense qu'il serait nécessaire que le secrétaire général Guterres dise que nous ne pouvons pas le faire au moyen des procédures normales des Casques bleus et que nous avons besoin d'une force multinationale plus forte. J'envisageais la possibilité, ce qui a de temps en temps fait l'objet de discussions au cours de la dernière décennie, de déployer les forces de l'ONU au Yémen, en Libye ou peut-être en Syrie, bien que je pense que ce ne soit plus du tout une option envisageable.
    Monsieur Day, en ce qui concerne la contribution du Canada — j'essayais de prendre cela en note —, vous avez parlé de la réduction de la présence militaire statique, ce qui démontre la pertinence de nos contributions. Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche. Pourriez-vous nous en parler? Je l'ai noté très rapidement lorsque vous en avez parlé.
    Dans le contexte des vastes compressions budgétaires, ce que l'on voit dans beaucoup de missions — et j'ai 30 secondes pour m'exprimer —, c'est que les bases fixes dans les endroits où il est difficile de se rendre sont en train d'être supprimées et remplacées par des forces d'intervention rapide, des ressources aériennes et une surveillance aérienne sans pilote. Quand je regarde la liste des engagements que vous avez pris à Vancouver, vous parlez de transport aérien, de force opérationnelle aérienne et de force d'intervention rapide. Ce sont précisément les capacités...
    ... exactement ce dont nous avons besoin, oui.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier tous les deux de votre contribution à ce sujet très important. C'est très apprécié, tout comme votre temps.
    Avant de lever la séance, je tiens à signaler que l'une de nos analystes s'en va, alors soyez indulgents.
    J'aimerais remercier Stéphanie de son travail acharné au sein de ce Comité et lui souhaiter du succès dans ses projets.
    Merci, messieurs.
(1255)
    Merci.
    Merci.
    La séance est levée.
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