Passer au contenu
;

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 102 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 juin 2018

[Énregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour. Bienvenue au Comité permanent de la défense nationale. Aujourd'hui, nous accueillons M. Artur Gerasimov, député du Parlement de l'Ukraine et président du Sous-comité de la coopération militaro-industrielle et militaro-technique, ainsi que Yurii Levchenko, président du Sous-comité de l'évaluation des projets de loi et, bien sûr, leur attaché militaire.
    Messieurs, comme vous le savez — et les membres du Comité le savent aussi — et pour le compte rendu, notre comité a produit un rapport sur la crise en Ukraine. Nous avons parlé de l'agression de la Russie, de l'occupation de la Russie et du comportement inacceptable et illégal de la Russie. Nous avons présenté un rapport en décembre, et je sais que vous êtes au courant.
    Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour nous faire une mise à jour de la situation en Ukraine, car notre comité et le gouvernement du Canada se préoccupent grandement du succès de l'Ukraine, et nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de nous faire le bilan de la situation.
    Cela dit, je vous donne la parole.
    C'est un grand honneur d'être ici pour assister, pour la deuxième fois, à une réunion de votre comité. Je vous en suis très reconnaissant.
    Aujourd'hui, je parlerai brièvement et très précisément de certains faits que nous voulons vous communiquer. Malheureusement, en ce moment, les choses empirent sur tous les plans en Ukraine du côté de la Russie. Nous avons parlé de certaines de ces choses très concrètes lors de notre comparution précédente, mais je tiens à les mentionner à nouveau.
    J'aimerais d'abord parler de la Crimée. En Crimée, on est très inquiet pour deux raisons principales. Tout d'abord, il y a l'énorme militarisation de la péninsule, surtout depuis que le pont est terminé. Je crois que les possibilités d'amener des forces supplémentaires en Crimée augmenteront maintenant de façon considérable.
    Deuxièmement, il y a le rétablissement complet des installations d'armes nucléaires dans la péninsule. Déjà, des hauts fonctionnaires — et pas seulement des journalistes — de la Fédération de Russie ont mentionné qu'ils avaient complètement rétabli les installations d'armes nucléaires en Crimée — par exemple, à Balaklava, où se situent les installations spéciales et l'entrepôt d'armes nucléaires.
    Il existe également des données non officielles qui démontrent qu'on a tenté de déplacer des navires de Novorossiysk à Sébastopol avec des armes nucléaires à bord.
    Ensuite, j'aimerais parler du MH17. Manifestement, vous connaissez tous les récentes conclusions de la Commission des Pays-Bas; il a été prouvé que cet aéronef — et les gens qui se trouvaient à bord — a été abattu par la 53e brigade de la Fédération de Russie. Nous observons maintenant que les Russes, lorsqu'ils assistent aux conférences et aux réunions internationales, tentent de garder le silence sur ce sujet et de l'oublier, car ils comprennent que lorsqu'une discussion sur ce sujet est entamée, ils n'ont aucun argument à opposer aux faits. Nous ne devons pas leur permettre de simplement oublier ces événements et de rester silencieux.
    Ensuite, j'aimerais parler de Nord Stream 2. Au premier coup d'oeil, certains Européens tentent d'affirmer que ce projet est de nature commerciale, et même pas politique. Toutefois, j'aborde ce sujet ici, pendant votre réunion, car les Ukrainiens comprennent parfaitement bien qu'il ne s'agit pas du tout d'un projet commercial. Ce n'est même pas un projet politique. En effet, c'est absolument un projet militaire.
    Si la Russie n'a pas organisé une énorme opération offensive en 2014 et en 2015, c'est principalement à cause de la présence de ce pipeline et du transport du gaz en Europe. Les Russes comprennent très bien que dans le cas d'une énorme opération offensive, ce pipeline a toutes les chances d'être détruit, ce qui mettrait fin à l'approvisionnement de gaz vers l'Europe. Manifestement, les Russes perdraient ainsi de l'argent et des relations avec certains pays européens, etc. Lorsque Nord Stream 2 sera créé, les Russes enverront tout le gaz ukrainien par ce pipeline, et cette raison disparaîtra.
    Nous devons croire cela, malgré les nombreuses affirmations de la Fédération de Russie selon lesquelles elle poursuivra le transport du gaz à travers l'Ukraine, etc. Je tiens à vous rappeler un fait au sujet du Nord Stream Line 1, le pipeline qui a été créé il y a plusieurs années. En effet, Nord Stream Line 1 a été créé et appuyé par l'Union européenne, car la Fédération de Russie avait promis que ce pipeline serait exclusivement utilisé pour transporter du nouveau gaz à partir du champ gazier de Shtokman, en Russie. Immédiatement après la création de Nord Stream Line 1, tout le monde a oublié le nouveau champ gazier, et on a simplement envoyé le gaz du pipeline ukrainien dans Nord Stream Line 1. Nous pouvons clairement le voir dans les données, car ces données sont ouvertes, et nous pouvons voir ce qu'ils transportent dans Nord Stream Line 1, dans le pipeline ukrainien et dans les autres pipelines.
    Le dernier enjeu, mais non le moindre, est de nature générale. En effet, plus tard, avec nos collègues, nous aborderons des enjeux plus précis liés à l'impasse et à tout ce qui concerne l'agression de la Russie.
(0855)
    En ce moment, manifestement, il y a la première ligne à l'est et l'occupation de la Crimée, mais nous ne devons jamais oublier les frontières maritimes de l'Ukraine, car selon nos informations, les Russes analysent maintenant très sérieusement la possibilité d'organiser une opération offensive aux frontières maritimes de l'Ukraine. Il y a des frontières maritimes tout autour de la Crimée; elles commencent dans la région de Donetsk et se terminent dans la région d'Odessa, près de Transnistrie. Ce sujet est également très important lorsqu'on discute des étapes et des mesures qui pourront potentiellement être prises par la Fédération de Russie.
    Cela vous donne une idée générale de la situation.
    Maintenant, j'aimerais parler plus concrètement du Donbass, et je donnerai ensuite la parole à mon collègue, qui m'aidera.
    Lorsqu'on parle du Donbass, il faut bien comprendre ce qui se passe là-bas. Tout d'abord, il y a une chaîne de commandement très stricte de la Fédération de Russie. En commençant au niveau du peloton, en passant par la compagnie, le bataillon et la brigade, ce sont des soldats russes ordinaires.
    De quelles armées parlons-nous et combien y a-t-il de personnes là-bas actuellement? Il y a environ 40 000 personnes sur les territoires occupés. Parmi ces personnes, 70 % sont des soldats russes ordinaires ou des combattants terroristes étrangers de la Fédération de Russie, des gens qui sont maintenant classifiés comme étant « en vacances », mais qui sont en réalité des militaires ou des gens qui viennent de terminer leur service militaire et qui ont signé un contrat et qui sont sur le territoire ukrainien.
    C'est pour vous aider à comprendre. Il y a environ 40 000 personnes et au moins 70 % de ces personnes sont des soldats russes ordinaires et des combattants terroristes étrangers de la Fédération de Russie.
    En ce qui concerne les techniques, nous vous ferons une présentation spéciale, mais pour vous aider à comprendre, sur le territoire occupé, la Russie a maintenant environ 500 chars d'assaut, environ 800 systèmes d'artillerie, plus de 200 lance-roquettes multiples — je veux dire des Grads — et vraiment, ces chiffres sont plus élevés que ceux de la France et de l'Allemagne combinées. Je crois que l'une des raisons pour lesquelles ils s'opposent fermement à la fermeture de la frontière, c'est que lorsque la frontière sera fermée, il faudra trouver une façon d'enlever tous ces chars d'assaut et l'artillerie du territoire occupé. En effet, tous ces chars d'assaut et ces pièces d'artillerie ont des numéros, et il est donc facile de découvrir quand et où ils ont été fabriqués. C'est généralement comme cela.
    De plus, récemment, avec les membres de la délégation de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, je suis personnellement allé aux premières lignes. Des membres de notre délégation — des Finlandais, des Suédois, des Allemands et des Géorgiens — ont entendu des coups de feu, car même durant les quelques minutes pendant lesquelles nous étions aux premières lignes, il y a eu une énorme canonnade avec des pièces d'artillerie, des mortiers et tout le reste.
    Nous avons également visité le Centre d'expertise des véhicules aériens sans pilote de la Mission spéciale de surveillance de l'OSCE. On nous a dit que tous les véhicules aériens sans pilote étaient bloqués lorsqu'ils commençaient à se déplacer vers la partie non contrôlée de la frontière, car comme nous le comprenons parfaitement, chaque jour, la Russie déplace des munitions, des forces de campagne, des chars d'assaut, etc., dans la partie non contrôlée de la frontière et même plus loin.
    La situation est tellement cynique. Par exemple, ils transportent des soi-disant « convois humanitaires ». Nous savons exactement quand les « convois humanitaires » arrivent, car il y a une augmentation des bombardements. En effet, ces convois livrent des munitions. Même si des organisations internationales tentent de voir ce qui se trouve à l'intérieur de ces convois humanitaires, c'est interdit — interdit par les Russes.
    Cela vous donne une idée générale de cet enjeu.
    Permettez-moi de donner la parole à Yurii Levchenko et ensuite, nous serons prêts à répondre à vos questions au sujet de ces enjeux.
    Je vous remercie de nous accueillir ici aujourd'hui. C'est un grand honneur, et il est très important pour nous de vous fournir les renseignements les plus récents sur la guerre en Ukraine.
    C'est peut-être le premier point que je souhaite aborder, c'est-à-dire le fait qu'il s'agit d'une guerre. Elle n'a pas cessé. Ce n'est pas une sorte de conflit statique. Il y a diverses idées en circulation, surtout dans les médias occidentaux, sur le nom qu'on devrait lui donner, mais c'est une guerre, à tous les égards.
    Pendant la guerre, l'Ukraine a annoncé un cessez-le-feu à 13 reprises. Le dernier cessez-le-feu a été annoncé en mars dernier et il a duré seulement 10 minutes. Presque immédiatement après notre annonce de cessez-le-feu, les forces de l'occupation russe ont commencé à bombarder nos positions — et pas seulement nos positions, mais également les territoires derrière nos positions, qui sont des territoires pacifiques, pour ainsi dire.
    En mai dernier, 17 de nos militaires sont morts. Cela fait plus d'une personne tous les deux jours de ce mois. Je crois que c'est une statistique qui indique clairement qu'il s'agit essentiellement d'une guerre. En avril, huit de nos militaires sont morts. Ce sont seulement les statistiques des deux derniers mois. Chaque mois, nous perdons en moyenne plus de 10 militaires. C'est sans mentionner les pertes que nous subissons dans la population civile.
    L'un des derniers exemples est, tout à fait, horrible et il a entraîné de vives protestations en Ukraine. Une jeune fille de 15 ans, Daria Kazemirova, du petit village de Zalizne, est morte lorsqu'un bombardement absolument non provoqué a été mené dans ce village pacifique. Ils ne bombardaient même pas nos positions militaires, ils bombardaient un village très loin derrière les premières lignes. Elle est morte en marchant à l'extérieur — c'était la mort complètement non provoquée d'une jeune fille. C'est ce qui se produit, malheureusement, en ce moment. Elle n'était pas la seule enfant à mourir en mai, car un autre enfant est aussi décédé. Deux de nos enfants sont donc morts en mai en raison de ce bombardement non provoqué.
    Pendant cette guerre, plus de 3 000 militaires ont été tués de notre côté et 300 autres sont disparus au combat. Dans les prisons de la Russie et de la Crimée, il y a plus de 60 Ukrainiens et 60 Tatars de Crimée, et des dizaines d'Ukrainiens sont emprisonnés sur les territoires occupés. Malheureusement, l'administration de l'occupation soutient qu'il y a seulement 20 prisonniers, mais en réalité, il y a plus de 20 prisonniers.
    Un autre problème, c'est que tout au long de la guerre, ils ont refusé de laisser les membres du Comité international de la Croix-Rouge visiter nos gens qui sont dans leurs prisons, et il est donc très difficile de déterminer leur nombre exact. Il est également impossible d'observer les conditions dans lesquelles ces gens sont emprisonnés.
    Ensuite, lorsque nous réussissons à faire un échange de prisonniers, des gens nous reviennent dans un état terrible. Ils ont été battus. Il leur manque des dents. Ils ont des os brisés. Un grand nombre d'entre eux ont dit qu'ils avaient subi des agressions sexuelles, et souvent des agressions sexuelles collectives.
    Comme je l'ai dit, le problème, c'est qu'il est impossible d'empêcher cela pendant qu'ils sont en prison, car on ne permet à aucun organisme humanitaire de les visiter. C'est un énorme problème. À mon avis, cela démontre clairement la façon dont les troupes russes et l'administration de l'occupation russe traitent nos prisonniers.
    Il y a un autre gros problème. Comme dans un grand nombre d'autres conflits et guerres, de nombreuses mines sont placées près des premières lignes. En ce moment, nous évaluons qu'environ 7 000 kilomètres carrés ont été minés, et cette superficie continue de s'accroître. Il semble que les Russes tentent de s'assurer qu'il soit aussi difficile que possible de remettre ce territoire sous le contrôle ukrainien.
(0900)
    Même s'ils songent peut-être à se retirer un jour, de très nombreuses mines ont été placées, et elles l'ont été de façon absolument chaotique, sans carte et sans supervision. Ils placent tout simplement des mines partout. De plus, 355 personnes ont déjà été tuées par ces mines pendant la guerre. Elles ont également infligé des blessures graves à presque 1 500 personnes.
    Il existe un rapport des Nations unies sur le nombre de civils et de militaires des deux côtés tués par les mines. Selon ce rapport, les mines ont tué 2 500 personnes au total.
    Un autre gros problème est lié à la situation écologique. Vous vous demandez peut-être pourquoi c'est le cas. L'écologie est évidemment très importante, mais vous êtes le Comité de la défense nationale. Comment le problème écologique est-il lié à la sécurité? C'est en raison des mines de charbon inondées qui étaient autrefois utilisées — surtout une mine de charbon en particulier — pour entreposer des déchets nucléaires. Lorsque les Ukrainiens contrôlaient ce territoire, ils pompaient souvent l'eau de ces mines. Qu'une mine soit utilisée ou non, l'eau souterraine s'infiltre constamment dans une vieille mine de charbon. Lorsque nous contrôlions notre territoire, nous dépensions beaucoup d'argent et de ressources pour pomper l'eau des mines de charbon. Les forces d'occupation ont simplement décidé de ne pas consacrer de ressources à cette tâche et d'oublier simplement le problème. Actuellement, environ 30 mines de charbon sont inondées. L'une de ces mines, la mine de charbon Yuncom, était utilisée pour entreposer des déchets nucléaires radioactifs. L'administration de l'occupation refuse de permettre aux experts internationaux d'organiser le pompage de l'eau de cette mine.
    C'est un énorme problème et il ne fera que s'aggraver, car cela compliquera tout retour à la normale lorsque — nous l'espérons — nous reprendrons le contrôle de notre territoire.
    Par exemple, la ville de Horlivka est énorme. En effet, plusieurs centaines de milliers de personnes y vivent. Elle est presque en totalité située au-dessus d'anciennes mines de charbon qui sont actuellement inondées. Cela pourrait causer divers problèmes. Par exemple, des parties de la ville pourraient tout simplement s'effondrer. Ensuite, l'eau pourrait sortir des mines et entraîner les déchets qui s'y trouvent. Même lorsque les mines n'étaient pas utilisées pour entreposer des déchets nucléaires, d'autres déchets y ont été entreposés, et elles sont en train de déborder. C'est un énorme problème qui pourrait rendre inhabitables de gigantesques portions de notre territoire dans la région du Donbass.
    De plus, les forces de l'occupation bombardent constamment une infrastructure essentielle. Cette infrastructure fournit de l'eau potable non seulement aux territoires libres, mais aussi aux territoires occupés. Ils bombardent donc l'infrastructure qui fournit des services utiles aux gens sous leur contrôle. C'est également un problème constant. Les forces et les travailleurs ukrainiens doivent réparer l'infrastructure directement sous les bombardements.
    Ce sont quelques renseignements que je tenais à vous communiquer, mais pour résumer, j'aimerais insister sur le fait qu'il est très important pour nous que tous les Occidentaux se rendent compte que cette guerre n'a pas cessé et que l'intensité de ce conflit n'a pas diminué. Lorsque vous examinez le nombre de morts, c'est comme un diagramme qui monte et descend, mais en moyenne, le nombre de morts est toujours constant. On ne peut pas dire, par exemple, qu'on observe une réduction cette année comparativement à l'année dernière. En effet, ces décès continuent de se produire, et ils ne sont pas provoqués.
(0905)
    En gros, ils utilisent seulement nos troupes comme cibles de pratique. Je ne suis pas cynique: c'est la vérité. Les Russes utilisent nos troupes comme cibles de pratique pour leurs cadets, leurs jeunes officiers, qu'ils font venir de Russie.
    Ce n'est pas seulement pour les tirs d'artillerie, mais aussi pour les tireurs d'élite. C'est important de le souligner, parce qu'au cours des quelques derniers mois, nous avons constaté une augmentation marquée du nombre de décès sous les tirs de tireurs d'élite. Il n'y a pas que des tirs sans provocation, il y a constamment des tireurs d'élite qui ciblent nos positions, sans provocation de notre part.
    Ils utilisent nos troupes comme cibles de pratique, et pas seulement nos troupes, notre population civile aussi. De toute évidence, c'est la guerre.
    Bien sûr, le Canada est notre grand ami. Le Canada nous aide autant que possible, et c'est probablement celui qui nous aide le plus parmi tous nos alliés.
    Nous voulons souligner encore une fois qu'il est important que vos députés, vos citoyens et vos électeurs comprennent que c'est une guerre. Je lis souvent les journaux occidentaux. Je suis les nouvelles de la BBC et de CNN tous les jours. Malheureusement, il faut dire qu'ils ne parlent presque pas de cette guerre. On en parle de moins en moins tous les jours, et de temps en temps seulement, on en parle un peu. Il m'apparaît très important que tout le monde, en Occident, comprenne qu'il y a là une guerre qui fait rage.
    J'aurais une dernière chose à dire avant de passer aux questions ou aux explications plus détaillées. Je sais que c'est peut-être une question politiquement litigieuse au sein de votre Parlement, mais il est très important pour nous que nous ayons accès au plus grand nombre d'armes létales possibles. Nos propres armes sont obsolètes, de bien des façons. Et même si elles ne le sont pas, les Russes savent tout ce qu'il y a à savoir à leur sujet. Ce sont les armes mêmes que l'industrie fournissait à l'ancienne Union soviétique. Il est très important que nous puissions obtenir le plus d'armes létales possible de l'Occident, et pas seulement des petites armes. Je sais qu'à l'heure actuelle, nous pouvons obtenir de petites armes du Canada, mais nous aurions aussi besoin d'armement antichar. C'est important pour nous d'acquérir le plus d'armes possible des pays occidentaux.
    C'est peut-être lié au fait qu'il est fort peu probable que vous réussissiez à durcir vos sanctions contre la Russie dans un avenir rapproché, pour des raisons politiques et autres. C'est la deuxième chose la plus importante après les sanctions, et à mon avis personnel, c'est peut-être la plus importante. Les sanctions sont très importantes aussi, et nous vous en remercions. Elles ont fait leurs preuves pour empêcher la Russie d'aller plus loin, mais elles n'empêchent pas la Russie de nous bombarder tous les jours. Les sanctions ne sont pas vraiment dissuasives sur le plan stratégique. Par exemple, si pour une raison ou une autre, le Kremlin décide d'avancer — et bien souvent, il prend des décisions irrationnelles —, je ne crois pas que des sanctions l'arrêteront vraiment. Un armement digne de ce nom pourrait peut-être l'arrêter, ou au moins le pousser à y réfléchir à deux fois.
    Je prie donc tous les députés ici présents de faire tout en leur pouvoir pour nous permettre d'obtenir les armes létales canadiennes qui nous aideraient.
    C'est tout pour moi. Si vous avez des questions...
(0910)
    En Ukraine, nous sommes les grosses pointures, parce que je suis au pouvoir, au sein de la faction présidentielle, alors que Yurii représente l'opposition de droite, mais ici, nous parlons d'une même voix. Malheureusement, nous comprenons bien qu'en ce moment, l'Ukraine ne se bat pas seulement pour le sol et les familles ukrainiennes. Nous sommes en première ligne de la bataille de tout le monde libre contre les pires voyous, malheureusement.
    Merci.
    Je vous remercie infiniment de ce survol.
    L'horloge m'indique qu'il nous reste 30 minutes avec vous. J'ai un ordre d'intervention, selon nos règles habituelles.
    Je donnerai d'abord la parole au député Spengemann pour les sept premières minutes. Si vous voyez ce signe, c'est qu'il vous reste environ 30 secondes pour conclure, parce que je veux m'assurer que toutes les personnes inscrites à la liste aient la parole.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les trois d'être avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par vous faire part de mes condoléances, pour vous et les familles de tous ceux qui ont perdu la vie dans les conflits, civils et militaires.
    L'amitié entre le Canada et l'Ukraine est profonde. Il y a Ottawa, il y a l'Ukraine, mais il y a aussi tout un forum international, comme l'Union interparlementaire, à laquelle je participe. Nous avons eu une excellente discussion bilatérale à Genève avec la délégation ukrainienne. Je tiens seulement à ce que vous sachiez que cette amitié comporte beaucoup de facettes.
    J'aimerais commencer par aborder, pour le compte rendu, une question que vous avez déjà mentionnée dans votre déclaration. Je veux parler du Donbass, qui est situé dans l'Est de l'Ukraine et où il y a un régime sécessionniste appuyé par la Russie. Il y a ensuite l'armée russe, qui est déployée le long de votre frontière occidentale avec la Moldova et la Transnistrie, comme vous l'avez dit. Comment évaluez-vous les menaces à votre sécurité en provenance de l'ouest? Comment coopérez-vous avec la Moldova pour éviter de voir s'ouvrir un deuxième front? Je pense qu'il est très important que le Comité le comprenne en détail.
    D'abord, la menace est bien réelle. Vous savez qu'il y a deux ans, il y a eu une véritable tentative de complot à Odessa pour que les forces se déplacent de la Transnistrie jusqu'à la soi-disant République soviétique d'Odessa, comme c'est arrivé dans le Donbass, à Donetsk et dans l'oblast de Lougansk.
    Heureusement, nos services spéciaux s'en sont rendu compte et ont totalement... C'était une opération brillante. Nous avons déjoué le complot, mais la situation nous a montré encore une fois que les Russes concoctent ce genre de plan. Oui, ils existent, et nous devons toujours en tenir compte.
    Il y a aussi deux autres questions connexes. Il y a d'abord les frontières maritimes, parce que la Transnistrie et Odessa sont très près l'une de l'autre. Il y a ensuite qu'ils attaquent du nord. Vous êtes au courant des dernières manoeuvres réalisées au Bélarus; ces manoeuvres de l'armée russe en Biélorussie ciblent non seulement l'Ukraine, à partir du nord, mais aussi les pays baltes, sur le plan stratégique.
(0915)
    Y a-t-il une coopération et une coordination actives avec la Moldova? Quelle forme prennent-elles?
    Nous avons eu de très bonnes discussions à ce sujet avec le gouvernement de la Moldova. Hier, un représentant de notre délégation a rencontré le ministre des Affaires étrangères de la Moldova à ce sujet.
    J'aimerais vous en parler un peu plus.
    Il y a des pourparlers avec la Moldova, qui sont très importants, mais vous devez comprendre que géographiquement, en toute honnêteté, la Moldova ne peut pas vraiment nous aider beaucoup si les Russes souhaitent l'utiliser comme plateforme d'attaque contre l'Ukraine, parce que la Moldova se situe de l'autre côté de la Transnistrie. Bien sûr, nous sommes en pourparlers avec la Moldova, mais malheureusement, si les Russes souhaitent l'utiliser comme plateforme d'attaque, ils pourront le faire, quoi qu'en pensent les Moldaves.
    De mon point de vue personnel, il est beaucoup plus important pour eux, à l'heure actuelle, de poursuivre leurs actions agressives dans le Donbass. Je suis d'accord avec mon collègue pour dire que c'est ce qu'ils voulaient faire il y a deux ou trois ans, c'est clair. Je pense qu'aujourd'hui, il est très peu probable qu'ils passent par la Transnistrie. Ils veulent utiliser la région du Donbass le plus possible pour parvenir à leurs fins.
    Si nous parlons de combinaison entre une attaque maritime et l'utilisation de la Transnistrie, c'est qu'ils y pensent. Les Russes ont même déjà essayé de nous prouver que les frontières maritimes ne sont pas protégées, parce qu'ils s'y sont aventurés pour voir ce qui se passerait.
    Vous avez mentionné la militarisation de la péninsule de Crimée. Pouvez-vous nous parler un peu plus des formes qu'elle prend et nous expliquer comment vous voyez la réaction de l'Europe?
    Vous savez, parfois, je ne comprends pas la réaction de l'Europe, parce que la Russie a désormais des missiles Iskander dans l'oblast de Kaliningrad. Vous savez ce que l'utilisation d'Iskander signifie? Si je ne me trompe pas, ils peuvent transporter une arme nucléaire.
    Ce sont des systèmes techniques russes dotés de capacité nucléaire...
    Oui, et cette région se trouve en plein coeur de l'Europe. La Russie pourrait atteindre presque toutes les capitales de l'Europe avec ses missiles nucléaires.
    Ce sont des missiles nucléaires tactiques.
    Ce sont des missiles tactiques, mais ils restent des missiles nucléaires.
    Ensuite, quand nous parlons de militarisation, non seulement les Russes déploient-ils des forces additionnelles, mais ils essaient de construire de nouvelles fortifications militaires et de nouvelles installations militaires. Ils ont placé des armes de haute technologie dans la péninsule, non seulement pour défendre la péninsule, mais pour pouvoir atteindre l'Europe méridionale depuis la Crimée.
    Nous pourrions vous faire une autre présentation, parce que nous avons beaucoup d'information. Nous pourrions vous dire de quel type d'armement ils disposent déjà en Crimée, quelles brigades y sont déjà et quelles mesures ils prennent en Crimée. Je pense que nos représentants ici présents vous remettront de l'information supplémentaire par écrit.
    Concernant les principaux problèmes que posent leurs armements en Crimée, je dirais que le pire, ce sont les armes nucléaires. Nous disposons d'informations crédibles nous portant à croire qu'ils ont transporté et qu'ils continuent de transporter des armes nucléaires de divers types en Crimée. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'ancienne base soviétique de Balaklava a été rouverte. Il s'agit d'une base autrefois utilisée pour les sous-marins nucléaires, qui ne sont pas des sous-marins alimentés à l'énergie nucléaire mais qui transportent des armes nucléaires. De même, nous disposons d'informations crédibles comme quoi il y a aussi des ogives de roquettes à charge nucléaire en Crimée.
    Pour répondre à votre question sur l'Europe, cela ne concerne pas que l'Europe. L'Europe est concernée, de manière générale, mais sa réaction est peut-être plus surprenante que d'autres parce que tout cela se passe à ses portes. En toute honnêteté, je crois personnellement que les gens ne retirent pas toutes les leçons qu'ils devraient de la guerre des quatre dernières années. Beaucoup de politiciens d'Europe croient toujours que cela ne touche que l'Ukraine et que tant que l'Ukraine est là, cela ne touche pas le reste de l'Europe de l'Ouest. Malheureusement, ils semblent s'imaginer que cela se passe loin de chez eux et que la situation se stabilise.
(0920)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Bezan sera le prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui et de nous donner toute cette information, publiquement, puisque comme nous l'avons dit hier, il y a trop de personnes dans le monde, particulièrement au Canada, qui oublient qu'il y a une guerre active et sanglante qui fait rage en Ukraine et dans le Donbass et qu'il y a toutes sortes de violation des droits de la personne qui se produisent dans les territoires occupés, particulièrement en Crimée. La plupart contreviennent à la Convention de Genève. Il suffit de voir comment les Tatars de Crimée, les journalistes et toute assemblée démocratique en Crimée sont réprimés par la Fédération russe.
    Je suppose que tout le monde souhaiterait savoir s'il y a une façon de nous sortir de la crise. Nous avons préparé un rapport que je considère excellent du Comité permanent de la Défense nationale après notre voyage en Ukraine, nos rencontres avec les dirigeants et une visite de nos troupes déployées là-bas dans le cadre de l'Opération UNIFIER. Vous avez mentionné que l'Ukraine a besoin d'armes létales. La question est: pouvez-vous en acheter ou vos budgets militaires sont-ils si bas après l'effondrement de l'économie ukrainienne, en raison de l'occupation, que le gouvernement doit essayer d'obtenir des dons?
    En tant qu'opposition officielle, nous militons pour que les armes actuellement en stock au Canada et ailleurs qui devaient être envoyées en Irak, pour aider les peshmergas kurdes, soient plutôt envoyées en Ukraine. Cela comprend, entre autres, des missiles antichars, des fusils de tireur d'élite, des mitrailleuses, des mortiers et des lance-grenades.
    De quoi l'Ukraine a-t-elle besoin? Pourquoi n'achetez-vous pas tout simplement ces armes? Je sais que vous avez augmenté beaucoup votre flotte de chars d'assaut et qu'il est très important que l'Ukraine soit en position de force pour pouvoir négocier la paix.
    Je vous remercie beaucoup de cette question. J'essaierai d'être très bref.
    Premièrement, concernant une chose que vous avez mentionnée, qui rejoint les propos de Yurii sur l'Europe, quand nous parlons de notre combat contre la Russie, ce n'est pas le combat de l'Ukraine, mais le combat du monde libre. Vous devez absolument prévoir 10 coups à l'avance et aussi prendre en considération que les Russes ne suivent pas les mêmes règles que vous. C'est extrêmement important.
    Par exemple, l'opération Nord Stream 2 est très futée, d'abord parce que ce pipeline se rend jusqu'en Europe et ensuite, parce que les Russes en profiteront pour fermer le pipeline ukrainien. Quelle sera la prochaine étape? Croyez-moi, ils diront au monde libre: « Nous allons maintenant acheminer 80 % de notre gaz par ces deux pipelines. Nous devons les protéger et pour cette raison, nous devons accroître notre présence militaire dans la mer Baltique. » Je peux vous parier une bonne bouteille de champagne que c'est ce qu'ils feront dans un an ou deux, mais la véritable cible sera l'Estonie ou la Lettonie. Pour quelle autre raison voudraient-ils intensifier leur présence là-bas?
    Vous nous demandez aussi si nous sommes prêts. Oui. Nous avons déjà pourvu beaucoup de positions des capacités nécessaires. Nous sommes prêts à acheter ce qu'il faut. Pour nous, peu importe que nous ayons une bonne économie ou une moins bonne économie — et pour l'instant, nous faisons de notre mieux à cet égard — sans pays, peu importe que l'économie aille bien ou mal. Il faut d'abord et avant tout un pays.
    Pour cette raison, l'Ukraine est l'un des rares pays au monde à dépenser plus de 5 % de son PIB en défense et en sécurité. Oui, nous sommes prêts à acheter ce qu'il faut, mais en même temps, nous comptons vraiment sur l'aide extérieure. Pourquoi? À cause du Mémorandum de Budapest. En signant le Mémorandum de Budapest, d'une part l'Ukraine a accepté de se défaire du troisième plus grand stock de missiles nucléaires au monde. Nous les avons abandonnés, en échange de garanties, mais aujourd'hui, il n'y a plus de garanties.
    C'est la raison pour laquelle je crois que ce sera une combinaison des deux. Oui, nous sommes prêts à en acheter, mais en même temps, nous espérons que nos alliés nous fourniront des armes, conformément au Mémorandum de Budapest, parce que pour l'instant, il n'est pas respecté.
(0925)
    Même si nous sommes des adversaires au sein de notre Parlement, je ne m'inscrirai pas en faux avec ce que mon collègue dit ici. J'aimerais souligner, surtout à titre de membre du comité des budgets, que nous accueillerions avec joie toutes les armes possibles, à rabais ou autrement, qui pourraient alléger nos problèmes budgétaires.
    Bien sûr, tout cela peut sembler très bien sur papier, mais dans les faits, il faut tenir compte de ce qui a déjà été dit: la puissance d'artillerie de la Russie dans les territoires occupés est désormais supérieure à celles de l'Allemagne et de la France combinées. Pouvez-vous imaginer contre quoi nous devons nous battre?
    Compte tenu de tout ce dont nous aurions besoin, même nos dépenses déjà énormes, selon nos standards, ne suffiront pas. Je dois souligner que des 5 % de notre PIB que nous consacrons à la défense et à la sécurité, de 2,5 à 3 % vont aux forces armées. Le reste va à la police, aux forces spéciales, etc. Donc bien sûr, nous apprécierions beaucoup pouvoir obtenir des armes, non seulement sur le libre marché, mais peut-être aussi sous forme d'aide.
    La dernière déclaration que vous avez faite en résumé est particulièrement importante pour moi. Vous avez souligné l'importance que l'Ukraine soit assez puissante pour pouvoir obtenir la paix. Selon moi, nous ne pourrons obtenir la paix qu'à nos conditions, selon ce qui est bon pour l'Ukraine et pour personne d'autre, quand nous serons assez puissants pour qu'il soit trop difficile pour la Russie de continuer d'avancer ou même de maintenir son occupation des territoires. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous aurons la chance de négocier la paix à nos conditions.
    Mais avant cela, nous serons toujours forcés de faire des compromis qui ne seront pas justes pour nous, d'une manière ou d'une autre. Il ne faut pas oublier — et je pense que c'est Bismarck qui le disait — que tous les traités signés avec la Russie valent moins que le bout de papier sur lequel ils tiennent. Il ne faut pas l'oublier.
    J'aimerais terminer en remerciant l'Ukraine du sacrifice de ses hommes et de ses femmes en première ligne et à la place Maïdan, je la remercie de se battre contre la corruption, contre l'agression russe et de protéger l'Europe. Vous méritez plus que notre gratitude. Je vous remercie et je vous exprime encore une fois nos condoléances pour toutes les vies perdues.
    Le prochain intervenant sera M. Garrison.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les députés ukrainiens d'être ici aujourd'hui. Je pense que c'est important pour sensibiliser les Canadiens à ce qui se passe en Ukraine. Quelles que soient nos différences de points de vue sur les armes létales, il y a unanimité dans ce Parlement pour dire qu'il faut renforcer l'Ukraine.
    J'aimerais revenir à une chose que vous avez mentionnée hier sur l'Opération UNIFIER, quand vous avez dit qu'il fallait élargir le programme. Pouvez-vous nous décrire un peu la situation, à ce stade-ci, et nous indiquer ce que vous a dit le gouvernement canadien?
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, c'est formidable. Merci de ne pas seulement nous appuyer par communiqué ou message, mais de nous soutenir véritablement sur le terrain. L'opération Unifier est maintenant un des meilleurs exemples d'initiative qui aide vraiment l'armée ukrainienne de différentes manières. Nous souhaitons vous remercier d'avoir décidé récemment d'étendre la mission à l'ensemble du territoire ukrainien, à l'exclusion de la ligne de front.
    Comme je l'ai dit hier — et je veux aussi en parler maintenant —, nous recevons beaucoup de connaissances des officiers et des soldats canadiens, mais, d'un autre côté, l'armée ukrainienne possède une expérience réelle non seulement des problèmes de première ligne, mais aussi des enjeux de guerre hybride, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une ligne de front. Il est question de cybersécurité, de média et d'influence politique.
    À première vue, ce n'est peut-être pas un enjeu de sécurité, mais ce que la Russie fait en Ukraine se répétera dans d'autres pays. Dans l'opération Unifier, il vaudrait peut-être mieux envoyer non seulement des spécialistes pour enseigner aux Ukrainiens, mais aussi des personnes pouvant recueillir des connaissances auprès de la société ukrainienne au sujet des tentatives de guerre hybride de la Russie dans différentes directions.
    Que savons-nous, au juste? Ils s'essaient en Ukraine. D'accord. À un moment donné, ils le feront partout dans le monde. Il ne reste qu'à déterminer quel pays sera visé, et à quel moment. C'est leur objectif.
(0930)
    Vous avez demandé à quel point l'opération Unifier est importante pour nous, et dans quelle mesure sa continuation sera bienvenue. Je tiens à souligner que je trouve l'opération des plus importantes.
    Vous devez prendre conscience que notre armée n'existait pratiquement pas avant la guerre. Au début des hostilités, il n'y avait que 4 000 hommes prêts au combat, plus ou moins, sur près de 200 000 en théorie. Bien sûr, la guerre a créé une armée compétente par le combat et l'entraînement direct, mais cet entraînement doit se poursuivre. Compte tenu de notre voisin, il est impossible de créer en quatre ans l'armée dont nous avons besoin. Nous ne pouvons pas le faire dans ce laps de temps, étant donné que nos ressources sont relativement faibles, que nous sommes constamment la cible d'hostilité soutenue et que cette armée doit être très compétente à l'avenir.
    Bien franchement, je pense que des programmes comme Unifier seront très importants pour de nombreuses années à venir, d'autant plus qu'adhérer à l'OTAN est l'objectif stratégique de tous les partis ukrainiens au Parlement, qu'il s'agisse du gouvernement ou non. Si nous voulons nous joindre à l'OTAN, nous devons poursuivre cette formation pour nous rapprocher des normes de l'Organisation.
    Nous vous sommes fort reconnaissants de ces programmes, et nous espérons qu'ils se poursuivront indéfiniment, sans condition.
    Je voudrais prendre 10 secondes pour compléter la réponse à la question de M. Bezan.
    Nous devons tenir compte non seulement de la taille actuelle de l'armée ukrainienne, mais aussi de la présence de plusieurs centaines de milliers de personnes dans la première ligne de réserve, qui sont allées au front et ont une expérience du combat. Au besoin, elles sont actuellement prêtes à aller au front aux côtés du service militaire.
    Au sein du Comité, nous avons discuté d'autres choses que le Canada peut faire pour aider l'Ukraine à se renforcer. Nous avons notamment parlé d'une exemption de visa pour les Ukrainiens qui se rendent au Canada, dans la même veine que notre accord de libre-échange. Nous avons un tel accord, et nous voulons accroître les visites sans visa.
    Quand nous étions en Ukraine, on nous a dit que les pourparlers avaient commencé. C'était il y a longtemps. Avez-vous de l'information sur l'évolution de ces discussions?
    Honnêtement, aucun progrès n'est réalisé pour l'instant. Soyons justes.
    Notre idée est la suivante: l'Ukraine est une nation très fiable, et pas seulement du point de vue militaire. Examinons le résultat d'une exemption de visa avec l'Union européenne, parce que de nombreux sceptiques pensaient que les Ukrainiens allaient... Non. Pour le moment, les missions de surveillance européennes se rendent compte que quelques personnes seulement ont profité de la dispense pour aller en Europe. De ce nombre, 99,9 % y sont allés, puis sont revenus en Ukraine.
    Nous sommes d'avis que votre pays a ses propres indicateurs de rendement clés, ou IRC, pour l'exemption de visa. Prenons la même méthode que nous utilisons avec l'Union européenne. Vous avez vos IRC, vous surveillez la situation, et nous sommes un pays. Si nous répondons aux exigences des IRC du Canada, vous instaurerez un régime sans visa. Nous sommes prêts. Nous négocions des dispenses de visa non seulement avec l'Union européenne, mais aussi avec un grand nombre de pays dans le monde, et le passeport ukrainien prend de la valeur dans la liste des passeports.
    Enfin, lorsque je parlais d'une exemption de visa du point de vue de la sécurité, c'était uniquement à titre d'information. Sur le plan de la préparation, il y a le nouveau projet de loi sur la citoyenneté en Ukraine — pas la citoyenneté en tant que telle, mais la façon de l'obtenir.
    Pour l'instant, la commission présidentielle peut l'octroyer, et le service de l'immigration aussi. Mais en vertu du projet de loi, le service de l'immigration perdra ce pouvoir de fournir la citoyenneté, ce qui passera uniquement par la commission présidentielle. Pourquoi? Parce que ce sera beaucoup plus limité et strict, car nous voulons désormais être encore plus fiables que nous l'étions.
(0935)
    Je voudrais illustrer, grâce à mon expérience personnelle, l'importance d'être exempté de visa lorsque nous voyageons au Canada. J'ai eu la chance d'étudier à Londres. Je suis diplômé de la London School of Economics, après quoi je suis revenu en Ukraine. Je trouve très important, surtout pour les jeunes Ukrainiens, de voir le monde occidental autant que possible, d'en faire l'expérience et d'améliorer sa connaissance de l'anglais, ce qui est crucial. Je peux aujourd'hui vous parler sans interprète, et je dirais que c'est fort utile pour répondre aux besoins de l'Ukraine. C'est très important.
    Je pense que plus les gens visiteront l'occident et en feront l'expérience, mieux les choses se porteront en Ukraine, sur le plan politique. Je trouve l'initiative fort importante, et je vous demande tous de vous attaquer au problème comme vous le pouvez.
    Merci.
    Le prochain intervenant est le député Fisher.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec Mme Alleslev, car je sais que nous manquons de temps.
    Messieurs, merci beaucoup d'être ici.
    Monsieur Levchenko, vous parliez de cessez-le-feu. Je suis vraiment curieux de savoir pourquoi les Ukrainiens continuent d'annoncer d'autres cessez-le-feu. Je pense que vous avez dit qu'il y en a eu 13, et que dans les 10 minutes qui ont suivi le 13e, les Russes ont bombardé. Pouvez-vous me parler un peu de ce processus? Pourquoi y a-t-il une entente de nouveau cessez-le-feu alors que personne ne s'attend à ce qu'il soit respecté?
    Par la suite, monsieur Gerasimov, vous avez dit que vous étiez en première ligne. Est-ce que vous pourriez brièvement brosser un tableau pour quelqu'un sans formation militaire? À quoi ressemble la ligne de front au moment d'un cessez-le-feu?
    En ce qui concerne la situation des cessez-le-feu, comme Artur l'a dit, nous sommes une nation respectueuse des lois qui fait tout son possible pour remplir ses obligations internationales. Comme vous le savez, nous avons signé les accords de Minsk, en vertu desquels nous avons certaines obligations. L'une d'entre elles vise à ce qu'un cessez-le-feu permanent soit décrété, et qu'il n'y ait plus de bombardements dans l'une ou l'autre des directions, mais l'initiative vient toujours de notre côté. Chaque fois que les forces d'occupation commencent un bombardement non provoqué, nous essayons de les arrêter en ayant recours au processus de Minsk et en décrétant un autre cessez-le-feu. Il s'agit essentiellement d'un cessez-le-feu à l'intérieur d'un cessez-le-feu. Le cessez-le-feu est censé être permanent, mais puisqu'il est constamment violé, nous essayons de le relancer. C'est notre initiative.
    Tout d'abord, cela suit une logique purement diplomatique: si un cessez-le-feu est censé être en vigueur en vertu des accords de Minsk, nous essayons d'y arriver. C'est la première chose. Un deuxième élément entre en ligne de compte: faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir ces décès, tant chez nos militaires que chez les femmes et la population civile.
    C'est toujours l'initiative de l'Ukraine. Malheureusement, même lorsque les dirigeants de l'occupation acceptent un cessez-le-feu, celui-ci est généralement violé en l'espace de 10 minutes à 24 heures. Nous espérons simplement que la communauté internationale se penchera sur le problème, en prendra note et comprendra que c'est une autre raison de voir qui ces gens sont réellement, comment ils fonctionnent et ce qu'ils défendent. Ils ne veulent pas vraiment de cessez-le-feu permanent et de désescalade permanente.
    Si vous ripostez 11 minutes plus tard, et qu'ils tirent 10 minutes plus tard, est-ce une riposte ou...?
    La riposte est également interdite en vertu des accords de Minsk. C'est seulement en cas de menaces directes ou, pour être honnête — et nous ne serons peut-être pas d'accord, mais je vous dis simplement comment les choses se passent —, lorsque la vie de nos soldats est menacée directement ou a déjà été perdue que nous pouvons donner l'ordre de riposter à la source des tirs ennemis. Mais c'est seulement dans de tels cas. Nous essayons de respecter les accords de Minsk au maximum.
    Je vous invite à compléter la réponse de façon à laisser au moins quelques minutes de plus pour une autre question...
    Oui, je serai très bref. Voici un exemple concret de ce que signifie un cessez-le-feu.
    La vie sur la ligne de front est très difficile pour les gens ordinaires. Par exemple, ma plus grande réussite des deux dernières années est d'avoir fourni de l'eau au dernier plancher de certains immeubles à cinq étages. Pour moi, c'était un grand succès. J'ai beaucoup négocié. Certaines personnes disaient: « Et alors? » Je leur réponds: « Vous savez quoi? C'est pour les vieilles dames qui doivent porter de l'eau jusqu'au cinquième étage... Maintenant, elles en ont. » J'ai aussi essayé de récupérer leur toit. J'ai tout fourni: le matériel, les ouvriers, et ainsi de suite. Savez-vous ce que les Russes ont commencé à faire? Ils se sont mis à jouer avec leurs tireurs d'élite sans tuer. Ils ont commencé à tirer 50 centimètres à gauche, puis 50 à droite. Pouvez-vous imaginer que mes travailleurs n'ont pas apprécié? Déjà que nous avions négocié trois mois pour convenir d'un véritable cessez-le-feu. Ils ont vu que c'étaient des ouvriers, et qu'ils réparaient le toit.
    Parlons maintenant de la ligne de front. Tout d'abord, je l'ai visitée très souvent. En passant, beaucoup de gens me disent de très bons mots au sujet de la formation canadienne. De nombreuses personnes l'ont suivie. Nous disons que la formation est très bonne.
    En quoi consiste la ligne de front? Selon l'accord de Minsk, nous avons une ligne GPS, définie par des coordonnées GPS. C'est la ligne. Ensuite, de notre côté, nous avons bien sûr des troupes qui sont maintenant autorisées à aller plus loin, mais les Russes s'essaient tout le temps, vous savez. Quelle est la différence? La différence, c'est qu'ils dépassent la ligne de Minsk, alors que nous ne le faisons jamais. Si nous avançons de 500 mètres ou d'un kilomètre, nous nous trouvons juste avant la ligne de Minsk. C'est une très grande différence, parce que la Russie essaie maintenant de dire: « Aha, la ligne ukrainienne s'est déplacée d'un kilomètre », mais ils doivent vérifier où se situe la ligne de Minsk.
    Par exemple, il y a eu la bataille de Debaltseve. Selon l'accord de Minsk, Debaltseve devrait être en territoire ukrainien. La ville est maintenant sous occupation. Bien sûr, nous avons retiré toutes les armes lourdes suivant l'accord de Minsk. Malheureusement, la Russie ne l'a pas fait. La mission de surveillance spéciale de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, ou OSCE, le mentionne constamment.
    En passant, voici un des plus gros problèmes. Sur notre territoire, ils sont autorisés à visiter ce qu'ils veulent. Or, le territoire occupé est parsemé d'interdictions de passage. C'est un problème.
(0940)
    Avant de continuer, il nous reste environ trois minutes, ce qui laisse à Mme Alleslev le temps de poser une autre question. Comme nous avons une occasion unique de discuter avec les députés d'Ukraine, et que je ne m'attends pas à ce que le rapport pose problème, si nous pouvions prolonger la séance d'une dizaine de minutes, cela nous laisserait 5 minutes pour dire au revoir, puis 30 pour examiner notre rapport à huis clos, si le Comité est d'accord.
    Je vous remercie. Vous êtes la dernière intervenante, madame Alleslev.
    Pourriez-vous nous donner de l'information sur la relation avec l'industrie canadienne de la défense? Nous avons parlé de relations de gouvernement à gouvernement, et de ce que nous pouvions faire pour aider à ce chapitre. Pourriez-vous nous donner une idée de la relation avec l'industrie canadienne de la défense, et nous dire ce que nous pourrions faire, le cas échéant, pour favoriser ce genre de relation et vous soutenir dans ce domaine?
    Premièrement, vous savez que nous avons récemment signé un accord de coopération en matière de défense, et que nous travaillons fort en ce sens. Il y a quelques nouvelles choses que je veux mentionner.
    C'est encore au niveau préparatoire, mais un nouveau projet de loi sera soumis à notre Parlement dans quelques mois, je pense, puis fera certainement l'objet d'un vote. Ses dispositions nous permettront beaucoup plus facilement de créer des projets conjoints avec nos partenaires de l'OTAN dans l'industrie ukrainienne de la défense.
    C'est important, car les projets conjoints dans le domaine de la défense ne sont pas simples en Ukraine. Les obstacles bureaucratiques sont nombreux, en particulier dans le secteur de la défense. Nous sommes en train de préparer ce projet de loi, et nous créons un groupe de travail avec nos partenaires de l'OTAN. Je pense que ce sera adopté cette année, après quoi nous pourrons aller dans cette direction beaucoup plus vite.
    En deuxième lieu, nous avons d'assez bonnes initiatives dans des domaines particuliers. Au cours des deux ou trois dernières années, l'industrie ukrainienne de la défense est revenue parmi les 10 meilleures au monde. Sur le plan de la qualité, nous sommes bons dans les missiles — oui, c'est vrai. Plus tôt cette année, nous avons achevé assez rapidement la création de nouveaux petits missiles, mais nous avons besoin de technologies de pointe. Je suis d'avis que c'est le véritable enjeu de la coopération: de la haute technologie du côté canadien, et des éléments fondamentaux de notre côté. Il serait très bien d'établir une telle collaboration.
    Allez-y, monsieur Bezan.
    Monsieur le président, j'aimerais présenter une motion à la lumière de ce que nous avons entendu aujourd'hui. Je propose:
Que le Comité permanent de la défense nationale fasse rapport à la Chambre sur les témoignages reçus au cours de sa réunion du mardi 12 juin 2018, tenue pour faire le point sur la situation en Ukraine, afin de donner suite à son rapport intitulé « L’aide du Canada à l’Ukraine en période de crise et de conflit armé », déposé à la Chambre des communes en décembre 2017.
(0945)
    Allez-y, monsieur Gerretsen.
    Y aurait-il des recommandations, ou un simple résumé de ce que nous avons entendu?
    Je propose un résumé de ce que nous avons entendu aujourd'hui. Nous avons un rapport qui contient déjà des recommandations. C'est juste pour mettre à jour le rapport que nous avons déposé en décembre.
    Aurons-nous l'occasion d'examiner le résumé d'abord?
    Bien sûr.
    Êtes-vous en faveur de cette motion? Qui s'y oppose?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Messieurs, merci beaucoup d'être venus. La réussite de l'Ukraine est très importante pour le Comité. Nous continuerons à vous donner une voix et à vous permettre d'en parler.
    La séance est levée.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU