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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er juin 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

     Bienvenue, tout le monde, à la 64e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous entamons notre étude sur la propriété intellectuelle et le transfert des technologies.
    Je vous présente nos témoins d'aujourd'hui. Nous recevons, à titre personnel, Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, et professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Nous accueillons également Christine Trauttmansdorff, vice-présidente, Relations gouvernementales et partenariats canadiens, Collèges et instituts Canada. Se joint aussi à nous Marc Nantel, vice-président associé, Recherche et innovation, Niagara College. Enfin, nous entendrons Jaipreet Bindra, d'Ernst & Young.
    Monsieur Geist, vous avez sept minutes.
    Comme vous venez de l'entendre, je m'appelle Michael Geist et j'enseigne le droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je me spécialise notamment en politique numérique, en propriété intellectuelle et en protection de la vie privée. J'ai témoigné devant le Comité à maintes reprises sur des questions liées à la propriété intellectuelle et, comme toujours, je comparais à titre personnel pour vous présenter des opinions bien à moi.
    J'aimerais commencer par saluer le Comité pour son étude sur un aspect important de la propriété intellectuelle. Toutefois, je soutiens respectueusement que le nom de l'étude est mal choisi. Je sais que la notion de transfert des technologies a accaparé certaines des discussions sur la façon dont le Canada peut transformer la recherche innovatrice effectuée sur les campus canadiens en de nouvelles possibilités intéressantes de commercialisation. J'estime que l'objectif réel n'est pas le transfert des technologies, mais bien le transfert des connaissances.
    Le transfert des connaissances englobe un ensemble beaucoup plus vaste d'objectifs stratégiques qui visent à mettre à la disposition des citoyens le savoir qui émane de nos laboratoires et de nos salles de classe, que ce soit pour assurer la commercialisation, pour élaborer de meilleures politiques publiques ou pour permettre à la population d'être mieux informée et plus mobilisée. Le transfert des connaissances comprend non seulement le transfert des technologies, mais aussi les articles de recherche, les données d'essais, le matériel pédagogique ainsi que les étudiants et les employés hautement qualifiés. Pour dire les choses simplement, si nous visons uniquement la propriété intellectuelle et le transfert des technologies, nous perdons de vue les nombreux avantages offerts par la recherche postsecondaire innovatrice et nous risquons d'établir les mauvais incitatifs dans notre cadre stratégique.
    De plus, l'accent éventuel mis sur l'approche Bayh-Dole des États-Unis est, à mon avis, mal placé. Comme les représentants du ministère vous l'ont déjà dit, si l'on évalue la quantité de brevets et de licences, rien n'indique que les politiques qui déterminent le détenteur des droits de propriété intellectuelle ont une incidence majeure sur le succès du transfert des technologies.
    Voilà qui ne devrait guère surprendre quiconque ayant passé du temps sur des campus, en compagnie de chercheurs universitaires. Les paramètres du succès dans le milieu universitaire — comme les publications, les subventions, la permanence, les chaires et le nombre d'étudiants qui réussissent — présentent peu de corrélation avec la commercialisation. Même pour ceux ayant des intérêts commerciaux, ces paramètres sont souvent atteints au moyen d'ententes de consultation ou par d'autres mécanismes qui misent, en règle générale, sur l'expertise des gens d'affaires.
    J'ajouterais que l'accent mis sur le brevetage universitaire est mal fondé. Cela peut avoir un effet corrosif sur les universités lorsque celles-ci renoncent aux travaux de recherche importants financés par les fonds publics pour se concentrer plutôt sur les possibilités d'octroi de licences ou de brevets. Si les établissements sont bien financés, on n'a pas besoin de chercher des fonds par l'entremise de licences. Au lieu de cela, la recherche de pointe aboutit entre les mains des entreprises, qui peuvent mieux s'en servir pour exploiter les possibilités de commercialisation. Il ne faut pas considérer cela comme une perte de revenu pour les universités ou les chercheurs, mais plutôt comme une amélioration du rendement de l'investissement des citoyens dans la recherche postsecondaire.
    Du point de vue d'une stratégie en matière de propriété intellectuelle, j'aimerais m'attarder sur deux grandes questions. La première concerne la publication en libre accès. Si la monnaie d'échange des universitaires est la publication d'articles, et non les brevets, alors le défi est de déterminer comment faire en sorte que les travaux de recherche publiés finissent par être distribués le plus largement possible. Même si cette question a reçu très peu d'attention en dehors du milieu de l'éducation, force est de constater qu'Internet a facilité la publication en libre accès des travaux de recherche, transformant ainsi l'industrie de la publication universitaire, qui génère plusieurs milliards de dollars, et grâce à laquelle des millions d'articles sont gratuitement accessibles à un auditoire mondial. Le passage vers le libre accès signifie que les résultats de recherche à l'échelle internationale sont beaucoup plus accessibles à tout le monde: scientifiques, chercheurs, gens d'affaires et simples citoyens.
    Les trois organismes fédéraux qui subventionnent la recherche, soit les IRSC, le CRSNG et le CRSH, ont adopté des mandats de libre accès aux termes desquels les bénéficiaires de fonds fédéraux sont tenus de rendre leurs publications disponibles en libre accès. Cela permet de favoriser une collaboration accrue entre les chercheurs et le milieu des affaires, d'autant plus que l'amélioration de l'accès mène à des possibilités de commercialisation que l'on risquerait autrement de manquer.
    Par ailleurs, les articles librement accessibles sont déjà intégrés dans le matériel didactique, remplaçant ainsi les manuels scolaires conventionnels et éliminant la nécessité des autorisations et des redevances de droits d'auteur. En ce qui a trait aux stratégies gouvernementales, les mandats de libre accès ne devraient être que le début. La transition vers les données ouvertes dans le contexte des essais et la publication ouverte de livres constituent les prochaines étapes du processus en vue d'établir un lien entre le financement public important et l'optimisation de l'accès des citoyens aux résultats de leurs investissements.
    En ce qui concerne les obstacles juridiques à la propriété intellectuelle, nous devons d'abord souligner que le Canada respecte ou surpasse déjà les normes internationales en matière propriété intellectuelle. Une des principales préoccupations que nous devons chercher à atténuer concerne l'utilisation abusive des droits de propriété intellectuelle, une pratique qui pourrait nuire à l'innovation. Le gouvernement canadien pourrait régler le problème grâce à une loi contre l'utilisation abusive de la propriété intellectuelle.
    Les possibilités de politiques ne manquent pas. Nous pouvons parler de ces trois domaines, mais je me contenterai de prendre l'exemple des brevets: la lutte contre les chasseurs de brevets pourrait inclure une interdiction des mises en demeure qui sont délibérément ambiguës ou qui sont conçues pour inciter à un règlement, sans tenir compte des mérites de la réclamation. Parmi les autres réformes possibles, mentionnons l'obligation de divulguer publiquement les lettres de mise en demeure, la réforme de la Loi sur la concurrence pour donner au Bureau de la concurrence le pouvoir de cibler les activités anticoncurrentielles des chasseurs de brevets et le fait de donner aux tribunaux le pouvoir d'accorder des injonctions pour empêcher les chasseurs de brevets de se mettre à la recherche du magistrat le plus favorable.
(0850)
    Il faut également éliminer les obstacles en matière de propriété intellectuelle qui pourraient limiter la capacité de passer de la recherche en laboratoire à des applications dans le monde commercial. Par exemple, cette année, le gouvernement fédéral a pris le pari ambitieux de faire du Canada un chef de file mondial dans le domaine de l'intelligence artificielle; pourtant, l'existence de règles restrictives en matière de droit d'auteur pourrait empêcher les entreprises et les chercheurs de mettre à l'essai et de commercialiser de nouveaux services d'intelligence artificielle.
    Quel est le rapport entre le droit d'auteur et l'intelligence artificielle? La création de machines intelligentes, qu'il s'agisse de la traduction automatique, de l'analyse de mégadonnées ou de nouvelles fonctions de recherche, dépend des données qui sont versées dans le système. Les machines apprennent en numérisant, en lisant, en écoutant ou en visionnant les oeuvres de création humaine. Plus l'intrant est de bonne qualité, meilleur sera le résultat. Ainsi, la Loi sur le droit d'auteur entre en ligne de compte, car l'application de règles restrictives risque de limiter les ensembles de données pouvant être utilisés à des fins d'apprentissage machine. Résultat: moins d'images à numériser, moins de vidéos à visionner et moins de textes à analyser.
    En raison de l'absence d'une règle claire autorisant l'apprentissage machine au Canada, que l'on appelle souvent l'exploration de textes ou de données et qui constitue une exception aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, notre cadre juridique tire de l'arrière par rapport à celui d'autres pays qui ont réduit les risques associés à l'utilisation d'ensembles de données dans le contexte des activités liées à l'intelligence artificielle.
    Il y a deux façons de surmonter l'obstacle à l'intelligence artificielle sur le plan du droit d'auteur.
    Premièrement, le Canada pourrait et, à mon avis, devrait reproduire le modèle d'utilisation équitable des États-Unis en faisant en sorte que la liste d'activités visées par ce principe soit indicative plutôt qu'exhaustive. L'exception prévue aux États-Unis s'applique à toutes les fins, car l'atteinte d'un juste équilibre dépend de l'utilisation de l'oeuvre, sauf lorsqu'une activité a pour but de copier l'original. Comme l'apprentissage machine ne va pas à l'encontre des objectifs principaux de l'oeuvre originale, la plupart des activités d'exploration de textes et de données seront donc considérées comme une utilisation équitable.
    Deuxièmement, d'autres pays ont essayé de régler le problème en créant une exception précise pour l'exploration de textes et de données ou l'analyse informatique. Par exemple, en Grande-Bretagne, l'exception permet que l'on fasse des copies d'oeuvres sans la permission du titulaire du droit d'auteur, à condition que ce soit à des fins de techniques analytiques automatisées servant à analyser des textes et des données en vue de dégager des modèles, des tendances et d'autres renseignements. La loi canadienne sur le droit d'auteur ne contient pas une disposition semblable, ce qui pourrait nuire à notre capacité de passer des travaux de laboratoire aux possibilités de commercialisation.
    Sur ce, je suis prêt à répondre à vos questions.
(0855)
    Merci beaucoup. Vous avez terminé juste à temps.
    Nous allons maintenant entendre la représentante de Collèges et instituts Canada. Je sais que vous êtes accompagnée d'un représentant de Niagara College; nous allons donc diviser en deux vos 10 minutes. Vous avez chacun cinq minutes.

[Français]

     J'ai le plaisir de témoigner ce matin au nom de notre vaste réseau de collèges, d'instituts, de cégeps et de polytechniques. Les membres de Collèges et instituts Canada, CICan, servent 1,5 million d'apprenants issus de 3 000 communautés urbaines, rurales et éloignées de l'ensemble du Canada.

[Traduction]

    Nous nous réjouissons de la décision du Comité d'entreprendre une étude sur la propriété intellectuelle et le transfert des technologies, et nous reconnaissons pleinement le rôle essentiel que peuvent jouer nos établissements pour ce qui est de promouvoir et de commercialiser les innovations.
    Je suis heureuse de comparaître aujourd'hui, aux côtés de M. Marc Nantel, qui représente Niagara College, situé dans le Sud de l'Ontario. Je vous fournirai quelques renseignements généraux sur les politiques et les pratiques en vigueur dans les collèges et instituts d'un bout à l'autre du pays, et je laisserai ensuite Marc vous expliquer comment le tout fonctionne dans la pratique.
    Comme vous le savez tous, les collèges et instituts effectuent presque exclusivement de la recherche appliquée en fonction des besoins de leurs partenaires. Les entreprises ont recours à nos experts, nos installations et nos équipements pour résoudre des problèmes, créer des prototypes, développer des produits, mettre en oeuvre de nouvelles technologies et améliorer des services ou des procédés. Nos membres hébergent plus de 400 centres et laboratoires de recherche spécialisés, notamment 49 centres collégiaux de transfert de technologie au Québec, que l'on désigne aussi par le sigle CCTT, et 30 centres d'accès à la technologie, ou CAT, un peu partout au pays.
    Les collèges et instituts se targuent d'être en mesure de répondre rapidement aux besoins des entreprises, ce qui est particulièrement important pour les petites et moyennes entreprises, avec lesquelles nos membres travaillent le plus souvent. La plupart des projets sont achevés en moins d'un an et bon nombre d'entre eux, en moins de six mois.
    Selon notre plus récent sondage, l'année dernière, plus de 6 300 entreprises du secteur privé ont eu recours aux services de recherche et de développement offerts par les collèges et instituts et, de ce chiffre, 85 % étaient des PME et des microentreprises. Dans 90 % des cas, le partenaire de l'industrie s'est réservé des droits exclusifs de propriété intellectuelle et de commercialisation. Dans les cas où les collèges ont conservé la propriété intellectuelle, ils l'ont presque toujours mise à la disposition de leurs partenaires à titre gratuit.
    En ce qui concerne le transfert des technologies en général, les collèges et instituts considèrent que la participation des étudiants est le moyen le plus efficace de transférer, au secteur privé, les résultats et le savoir-faire associés à la recherche appliquée. L'année dernière, nos membres ont pu faire participer environ 3 % de leurs étudiants à des projets de recherche appliquée, leur donnant ainsi la chance de travailler directement avec un partenaire et d'acquérir une expérience pratique de la résolution d'un problème concret, tout en permettant aux employeurs de miser sur leurs compétences et leur expérience pour ce qui est d'utiliser les équipements et les techniques les plus modernes.
    Cela représente une très faible portion des étudiants pouvant profiter de ce genre d'occasions, et c'est loin de répondre à la demande de l'industrie. Nous sommes donc ravis de voir que le gouvernement s'est engagé, dans le budget fédéral, à créer de nouvelles possibilités d'apprentissage intégré au travail pour les étudiants de niveau postsecondaire grâce à des stages de recherche.
    Si de nombreux partenaires du secteur privé choisissent de collaborer avec les collèges et instituts, c'est parce que ces derniers leur donnent accès à des étudiants hautement qualifiés et parce qu'ils ont adopté des politiques en matière de propriété intellectuelle qui sont favorables à l'industrie. Ces politiques s'inscrivent dans le droit fil du principe général selon lequel le secteur privé est le mieux placé pour assurer l'exploitation commerciale de la propriété intellectuelle. D'après nous, notre rôle consiste à aider les entreprises à développer et à exploiter la propriété intellectuelle afin qu'elles soient mieux préparées à soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.
    Permettez-moi de vous donner un exemple de la façon dont cela s'est traduit au CCTT du Cégep de Trois-Rivières. On y trouve le Centre de métallurgie du Québec, qui se spécialise dans le traitement des métaux. L'équipe avait reçu une proposition d'un entrepreneur gaspésien désireux d'exploiter les possibilités qui s'offrent dans un secteur canadien en pleine expansion, soit celui de l'entretien des éoliennes. L'objectif était de mettre au point une plaquette de frein d'urgence plus efficace et moins coûteuse pour les milliers d'éoliennes qui existent aujourd'hui au Canada.
    Grâce à l'aide du CCTT, l'entreprise a effectué la rétro-ingénierie des pièces conventionnelles provenant de l'Europe, ce qui lui a permis d'optimiser le procédé de fabrication en vue de créer des plaquettes de frein plus efficaces. L'entreprise a conservé tous les droits d'exploitation de la propriété intellectuelle. Elle a ouvert une usine pilote à Gaspé, embauché six personnes de la région et commencé la fabrication d'un produit qui offre un meilleur rendement que la solution de rechange européenne, et ce, à un prix bien inférieur.
    Je vais terminer par un autre exemple qui est tout à fait à propos cette semaine, puisque nous sommes en pleine finale de la Coupe Stanley.
    Le British Columbia Institute of Technology a collaboré avec un entrepreneur de Penticton pour mettre au point un modèle de patins de hockey qui capte des données sur les diverses caractéristiques de patinage d'un joueur, comme la poussée, la vitesse, la coordination et l'équilibre. En l'espace de six mois, ils avaient créé un prototype qui a permis de mobiliser des fonds pour la prochaine étape. L'entreprise s'apprête maintenant à lancer la production au moyen d'une toute nouvelle technologie qui aura de grandes répercussions sur les sports de glace. Grâce à ses politiques de propriété intellectuelle adaptées aux besoins de l'industrie, en plus de ses équipements, installations et experts, le BCIT est le partenaire idéal pour toute entreprise qui se trouve à cette étape du processus de commercialisation.
    Monsieur le président, pour conclure, je tiens à dire que nous sommes fermement résolus à collaborer avec le Comité, le gouvernement et nos partenaires des universités, de l'industrie et des collectivités pour exploiter le plein potentiel de nos établissements afin de contribuer au programme d'innovation du Canada. J'ai hâte de prendre part à la discussion et de répondre aux questions.
    Merci.
(0900)
    Merci.
    Monsieur Nantel.

[Français]

    Bonjour, je m'appelle Marc Nantel.

[Traduction]

    Je suis vice-président associé de la recherche et de l'innovation au Niagara College. J'occupe ce poste depuis six ans. Avant cela, j'ai travaillé pendant plus de 13 ans pour les Centres d'excellence de l'Ontario, à titre de responsable de la propriété intellectuelle, des programmes et de tout le reste. Je suis actuellement président des chefs de recherche appliquée en Ontario, et je siège au comité consultatif national de recherche de CICan. Je crois donc pouvoir représenter les professionnels de la recherche appliquée en général dans le contexte du réseau canadien de collèges.
    Je vous remercie énormément de me donner l'occasion de vous parler de cette question. J'ai lu les notes d'information qui vous ont été fournies par les représentants d'ISDE, M. Schaan et Mme McDermott, et qui portaient principalement sur le transfert des technologies dans le milieu universitaire. Ayant été professeur auxiliaire en sciences physiques à l'Université de Toronto pendant 10 ans et étant moi-même détenteur de brevets, je connais cette partie de l'équation, mais je vous parlerai aujourd'hui surtout du transfert des technologies et des connaissances dans le réseau collégial.
    À cet égard, il est important de comprendre la différence entre les collèges et les universités. La recherche effectuée dans les collèges se fait surtout en réponse aux besoins de l'industrie, et les entreprises contribuent habituellement aux projets grâce à un financement équivalent en espèces et en nature. Autrement dit, chaque fois que le gouvernement accorde un dollar, l'industrie en fait de même. C'est donc dire que les entreprises s'y investissent réellement.

[Français]

     Au collège, la recherche appliquée se rapproche beaucoup plus de la commercialisation. Nous n'essayons pas de trouver un remède contre le cancer ou le boson de Higgs; nous tentons plutôt de créer des prototypes, de nouveaux produits, de nouveaux processus, de nouveaux services que les compagnies pourront offrir à leurs clients.

[Traduction]

     Les enseignants des collèges ne sont pas embauchés pour faire de la recherche, contrairement au modèle 40-40-20 habituel et quasi mythique des universités, où 40 % des professeurs sont censés faire de la recherche. Ils doivent être libérés de leur travail d'enseignant pour faire de la recherche. Cela signifie que les idées pour les projets ne proviennent généralement pas de la faculté, mais bien de l'entreprise. Les gens des bureaux de recherche et des collèges jumellent le problème ou l'aspiration de l'industrie aux meilleurs enseignants et aux meilleurs étudiants pour faire le travail. Dans ce contexte, l'objectif principal n'est pas d'approfondir les connaissances, mais bien de trouver une solution au problème de l'industrie.
    Parfois, ces entreprises viennent nous voir pour avoir des conseils en matière de PI, et nous les aidons de notre mieux. Bien sûr, nous n'avons pas vraiment de bureau pour le transfert des technologies. Les collèges ne retirent aucun bénéfice des coûts de recherche indirects — ou de ce que l'on appelle maintenant le « fonds de soutien à la recherche », ce fonds qui est utilisé pour appuyer ce type d'activité —, mais nous faisons de notre mieux.
    Une des différences fondamentales entre les collèges et les universités est la façon dont chacun traite la propriété intellectuelle et les transferts technologiques. Comme l'a dit mon collègue, la majeure partie de la PI générée dans les collèges est redonnée aux entreprises. Les universités ont bien deux modèles distincts — parfois la propriété va à l'inventeur, parfois elle va à l'université, ou un mélange des deux —, mais les collèges ont un troisième modèle bien à eux, modèle qui consiste à céder l'essentiel de la PI à l'industrie.
    En général, nos projets sont plus proches de la commercialisation que ceux des universités. Une grande partie de l'idée de départ et de la motivation vient en fait de l'entreprise. Le partenaire industriel contribue de façon substantielle au financement du projet, tant en espèces qu'en nature, alors c'est une chose à laquelle il tient; du reste, nous souhaitons que la commercialisation se fasse aussi rapidement et aussi aisément que possible. Habituellement, les collèges ont un mandat en matière de développement économique régional et ils cherchent à s'acquitter de ce mandat le plus souvent possible. Nous voulons que l'industrie crée de la richesse et des emplois pour nos étudiants. Souvent, l'entreprise va embaucher l'étudiant qui a travaillé sur le projet avec elle, ce qui est formidable pour nous. D'ailleurs, les collèges sont en général réticents à se retrouver avec un important portefeuille de PI. Nous n'avons pas l'argent voulu pour assumer cette PI. Tout ce que nous voulons, c'est que ces technologies et ces inventions soient utilisées en situation réelle et qu'elles génèrent de la richesse et des emplois.

[Français]

    Nous essayons d'abolir le plus grand nombre possible d'obstacles entre nous et la commercialisation du produit. Ce que nous visons, au final, c'est le développement économique.
(0905)

[Traduction]

    Selon nous, la commercialisation n'est pas la responsabilité du collège, ni celle du gouvernement, ni celle de l'université. La commercialisation est l'affaire de l'entreprise, et je crois qu'elle a les meilleures personnes pour faire cela. Le gouvernement et les établissements d'enseignement postsecondaires peuvent aider à faire tomber les obstacles et à diminuer les risques; ils peuvent cofinancer et agir comme organe de recherche pour l'entreprise, mais en fin de compte, je reste convaincu que c'est l'affaire de l'entreprise d'assumer la PI de la chose mise au point et de commercialiser cette chose. Elles sont l'interface avec les consommateurs.
    Permettez-moi de vous donner un exemple — j'en ai 457. Il s'agit d'un atelier d'usinage de Niagara qui faisait surtout des pièces automobiles et qui a décidé de s'aventurer du côté de l'industrie du rayonnage pour les vineries, les brasseries et autres fabricants de boissons. L'entreprise est venue nous voir et elle nous a dit: « Nous voulons explorer nos possibilités. » Nous nous sommes occupés de la commercialisation pour elle et nous avons fait l'étude de marché pour nous assurer que son projet était avantageux pour elle sur le plan économique. Bien entendu, après cette première étape, nous avons utilisé nos capacités avancées en matière de recherche dans le secteur de la fabrication pour les aider à concevoir leurs produits, à construire des prototypes et à tester ces produits. Nous avons même fait des tests de contrainte sur le métal utilisé dans les structures. Ces rayons sont maintenant vendus dans toute la province, et l'entreprise a commencé à regarder du côté de la Colombie-Britannique.
    Un autre exemple, ce sont les boissons sans alcool de MADD. L'organisation Mothers Against Drunk Driving a sa marque sur une foule de produits. Or, l'organisation voulait une lager sans alcool qui aurait bon goût et elle s'est adressée à nous. Grâce à la brasserie du Niagara College, nous avons conçu une lager à partir des instructions d'un groupe d'experts concernant le goût que notre produit devait avoir, la façon de brasser notre produit et la méthode magique pour garantir qu'il soit sans alcool — c'est à cet égard que la PI est entrée dans l'équation. Nous avons même testé le produit auprès de consommateurs. Cette bière est désormais vendue dans tous les Walgreens des États-Unis, les Shoppers Drug Marts du Canada et dans des milliers d'autres magasins. Le produit a généré des emplois et des recettes pour cette entreprise.
    Les exemples abondent. Je pourrais parler des pâtes sans gluten de Gabriella's Kitchen, du cidre de pomme rouge de Reinhart Foods, qui est maintenant vendu à la LCBO — allez vous en acheter une bouteille — et des saucisses de canard de Black Angus Meats qui tiennent Costco et d'autres services alimentaires. Il y a aussi cette usine de production alimentaire fondée sur l'analyse des risques et la maîtrise des points critiques que nous avons conçue pour l'entreprise Vij's at Home — Vij est un chef célèbre — qui, parce que nous avons rendu son usine plus sécuritaire, peut désormais vendre ses aliments partout au Canada. C'est quelque chose que l'entreprise ne pouvait pas faire avant notre intervention. Il y a ces grues de 10 tonnes en aluminium, les plinthes humidificatrices... Il y a une foule de différentes choses, surtout des produits et des services qui sont prêts à mettre en marché.
    Dans le cadre de votre étude, je vous conseille d'examiner le modèle des collèges. Vous allez entendre parler abondamment de la PI des universités et de la façon dont les universités traitent la PI, mais je vous demande d'examiner aussi le rapport que nous avons avec la PI, car je crois que notre façon de procéder diffère de celle des universités et qu'elle fonctionne bien pour nous. Les deux modèles ont chacun leurs forces et leurs faiblesses.
    Je vous remercie du privilège que vous me donnez d'être ici et je me ferai une joie de répondre à vos questions.
     Merci beaucoup.
    J'aurais cru que vous alliez apporter quelques échantillons de bouffe avec vous.
    Je ne sais pas si ces échantillons auraient pu franchir la sécurité.
    Monsieur Bindra, vous avez cinq minutes.
    Merci de me donner la chance de faire cette présentation.
    Mes antécédents sont différents de ceux de mes pairs puisque j'ai été conseiller en technologie pendant un certain nombre d'années. En fait, l'une des personnes qui m'ont formé est assise ici, dans cette salle. Subséquemment, j'ai travaillé dans la commercialisation des technologies pour l'un des plus grands réseaux du sud de l'Ontario.
    Il y a environ 10 ans, on parlait beaucoup de fusionner des consortiums pour faire la commercialisation des technologies. Ces fusions présentaient un avantage parce qu'elles permettaient de regrouper des ressources pour certaines universités et certains collèges qui en avaient moins, et qu'elles facilitaient les contacts entre les collèges et les universités.
    Le frein a été le manque de compatibilité. Il y a eu des engorgements parce que tous ces établissements avaient des politiques vieilles de 50 ou 60 ans qu'ils essayaient de changer. L'industrie — surtout dans le contexte de l'Ontario, qui compte surtout des petites et moyennes entreprises — ne pouvait pas se permettre d'attendre que les universités et les collèges soient en mesure de mettre en commun toutes leurs ententes.
    L'autre aspect, c'est que certains établissements ont des politiques axées sur la propriété de l'inventeur alors que d'autres insistent sur la propriété de l'établissement. J'ai travaillé dans ces deux contextes. Les établissements qui mettent l'accent sur la propriété de l'inventeur sont davantage axés sur l'entrepreneuriat, puisqu'ils font affaire avec des investisseurs en capital de risque, notamment lorsqu'il s'agit de trouver un cadre pour tester des prototypes.
    J'ai voyagé partout dans le monde, y compris aux États-Unis. J'ai travaillé dans le domaine de la commercialisation en Inde, en Asie du Sud-Est, à Singapour et en Chine. Au Canada, nous pouvons bien avoir la meilleure technologie, mais notre marché est limité. Nous sommes un peuple formidable, mais nous ne sommes que 30 millions. Des pays comme l'Inde et Singapour ont beaucoup de choses en commun avec nous puisque, à l'instar du Canada, leurs systèmes juridiques sont fondés sur la common law britannique, ce qui facilite concrètement les relations commerciales.
    J'ai quelques exemples de commercialisation de technologies qui ont bien marché, notamment grâce à la création de partenariats avec des entreprises chinoises et indiennes. C'est un modèle qu'il convient d'examiner. Ces États ont des populations qui permettent de réaliser des économies d'échelle, mais ils ne disposent pas de la PI de base que les collèges et universités du Canada s'emploient à développer.
    L'autre chose qu'il convient de considérer, c'est qu'il faut des jalons bien précis, parce que les chercheurs doivent pouvoir compter sur ces fonds, que ce soient ceux des trois Conseils ou d'un partenaire de l'industrie. Une fois qu'ils ont cela, les chercheurs respectent les échéanciers qui leur incombent relativement à la mise en marché initiale du produit visé.
    J'ai réalisé plusieurs projets avec des établissements des États-Unis. C'est intéressant parce qu'au Canada, les chercheurs sont payés pour les 12 mois de l'année, alors qu'aux États-Unis, les chercheurs universitaires ne sont payés que pour 8 mois. Pour les quatre mois qu'il reste, ils sont contraints à réfléchir autrement et à figurer comment ils vont trouver d'autres idées. Aux États-Unis, on collabore de plus près avec l'industrie. C'est un autre modèle qu'il serait bon d'examiner.
    De ces années que j'ai passées à commercialiser des technologies, je retiens une technologie qui avait été mise au point par une équipe d'ingénieurs mécaniques et qui s'appliquait au curling. Il n'y avait pas eu d'innovation dans cette industrie depuis 20 ans. Le curling est un sport très populaire partout au Canada et il compte plus d'un million d'adeptes. Les ingénieurs ont mis au point une nouvelle conception de balai. Nous avons préparé le modèle d'affaires. Comme le prix de ces balais oscillait entre 30 et 35 $, il était question d'un marché annuel récurrent de 30 millions de dollars.
    Il y a un certain nombre de petites technologies de ce type — tout particulièrement en provenance des collèges —, mais ce qu'il faut, ce sont des mesures incitatives pour l'industrie. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie a un programme qui s'appelle De l'idée à l'innovation, mais il est grandement sous-utilisé, car ce programme et les trois Conseils sont dans deux silos qui ne communiquent pas entre eux.
    Merci.
(0910)
     Merci beaucoup. Avant de continuer, je veux prendre un instant pour remercier nos témoins. Vous avez été convoqués ici un peu à la dernière minute. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir réussi à préparer des exposés intéressants malgré le peu de temps dont vous disposiez. Merci beaucoup.
    La parole est à M. Sheehan. Vous avez sept minutes.
    Merci. Je vais partager mon temps de parole avec Lloyd.
    Merci beaucoup de vos exposés, ils étaient très instructifs. Non, je n'ai pas formé Bindra, mais je joue effectivement au curling. Dans mon ancienne vie, j'ai travaillé pour le ministère de la Formation, des Collèges et des Universités de l'Ontario. Dans ce contexte, j'ai eu l'occasion de travailler avec les agents de développement communautaire des collèges, alors je sais à quel point ils sont importants.
    À Sault Ste. Marie, il y a le Sault College et l'Université Algoma. Nous avons un certain nombre de docteurs. Nous avons un certain nombre de centres de recherche qui s'intéressent aux forêts, aux espèces envahissantes et aux Grands Lacs. En matière de recherche, nous sommes l'une des collectivités les plus choyées au Canada. Nous avons des incubateurs. Avec toutes ces choses qui sont en place, nous sommes une sorte de microcosme du pays.
    J'ai amorcé une discussion avec les universités et les collèges afin de voir comment nous pourrions améliorer le transfert des technologiques vers les marchés ainsi que la commercialisation de ces technologies. En prenant Sault Ste. Marie comme exemple, à quels problèmes le pays a-t-il été confronté ces derniers temps? Au cours des cinq ou dix dernières années, les choses se sont-elles améliorées ou aggravées? Il conviendrait peut-être aussi de comparer nos processus à ceux des États-Unis. Nous sommes une ville frontière, alors nous sommes constamment en train de regarder de l'autre côté de la rivière.
    Nous allons suivre l'ordre des exposés. Michael, vous pouvez commencer, puis tout le monde aura une chance de répondre.
(0915)
     D'entrée de jeu, je peux affirmer que, dans ce domaine, les choses se sont nettement améliorées au cours des dernières années. Je peux assurément le constater sur mon propre campus, à l'Université d'Ottawa, mais c'est aussi un phénomène que nous voyons avec les incubateurs qui existent dans certaines collectivités d'un peu partout au pays ou sur des campus particuliers. Je crois aussi que nous avons fini par reconnaître l'importance de faire de vrais investissements dans le domaine de la recherche, bien que nous ayons parfois insisté davantage sur la destination de ces dollars et sur l'aspect commercialisation du procédé.
     Pour en revenir à la question transfrontalière que vous avez soulevée, j'ai vu qu'il y avait eu certains échanges lors de la dernière séance sur le fait que les gens regardaient souvent... Bayh-Dole semble être un modèle. Nous venons tout juste d'entendre des exemples de ce qui se fait aux États-Unis. Je n'avais jamais entendu parler de cette idée des huit et quatre mois. J'avoue néanmoins que la perspective de ne pas être payé pendant quatre mois me donne des frissons. Je dirais aussi que cela va à l'encontre du modèle très répandu — du moins dans les universités — selon lequel la majeure partie de ces huit mois est consacrée à l'enseignement et aux interactions avec les élèves, alors que la recherche, elle, se fait surtout durant les quatre mois restants. L'idée de renoncer à ce modèle où les gens ont du temps pour faire ce qu'ils doivent faire est un peu inquiétante.
    Ce que nous avons vu aux États-Unis, surtout aux termes de Bayh-Dole, c'est qu'il y a deux ou trois gagnants alors que certaines universités ont remporté le gros lot: Stanford et Google sont des exemples classiques de cela. La réalité est que de nombreuses universités n'ont pas retiré grand-chose de cela sur le plan financier. Le Canada a aussi connu son lot d'essais et d'erreurs. Tout cela nous ramène à un aspect qu'ont soulevé un certain nombre d'experts: si nous nous focalisons sur la commercialisation qui sort des collèges et des universités, nous faisons fausse route. Dans ce domaine, ce sont les entreprises qui excellent. Comme vous l'avez entendu, il y a différentes façons d'arriver à cela. Il conviendrait de transférer cet aspect aux étudiants, de procéder par projets particuliers, de recourir à l'accès ouvert et de s'assurer d'éliminer certains des obstacles à la PI que j'ai tenté de cerner.
    Je vais laisser Lloyd prendre la relève, car je partage mon temps de parole avec lui. Ensuite, vous aurez l'occasion de répondre.
    Merci, Terry.
     Merci de vos excellents exposés. Ils nous fournissent une très bonne base pour notre étude, puisque nous nous penchons sur les trois axes des transferts technologiques, c'est-à-dire par les universités, par les collèges et directement avec les entreprises.
    Je voudrais revenir à ce que disait M. Nantel au sujet de la stratégie des grappes selon laquelle nous nous intéresserions à certains secteurs clés où la PI sera plus présente que dans d'autres, aux secteurs qui offriront plus de débouchés que d'autres. Dans le domaine de l'agriculture de précision, je sais que Niagara College travaille avec l'Université de Guelph. Il travaille également avec le centre de recherche viticole Vineland. J'ai vu les machines qui ont été créées à Vineland pour la cueillette des champignons, ces machines qui allient les technologies culturales, les technologies de cueillette et la technologie des machines intelligentes.
    Pouvez-vous nous expliquer comment vous travaillez avec cette université et cette entreprise, et nous décrire le rôle que joue le collège dans cette dynamique?
    Ce qui est intéressant, c'est que la machine de Vineland devait apprendre à cueillir les champignons; nous avons donc imprimé une panoplie de champignons en plastique de diverses tailles et différents genres de ventouses. Par exemple, c'est très près du matériel. Nous concevons ce genre de choses, mais il faut trouver comment faire et procéder à des simulations et à des essais.
    Il existe toujours une bonne manière de travailler. Les gens veulent manifestement collaborer, mais chacun a des méthodes différentes ou s'occupe à une facette différente du problème. Si je travaille avec l'Université de Guelph dans le domaine de l'agriculture de précision relativement au blé ou au maïs, l'enseignant souhaitera étudier la génomique du maïs afin de déterminer comment on peut concevoir une meilleure souche de maïs. Il établira toute la séquence, comprendra comment procéder et produira des mégadonnées, alors que le titulaire d'une chaire en agriculture de précision d'un collège, financé par Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, se demandera comment il peut permettre à l'entreprise ou à l'agriculteur d'accroître sa production en réduisant ses dépenses parce qu'il utilise moins d'engrais et de semences. Les agriculteurs sont des exploitants d'entreprise. S'ils s'apercevaient qu'ils peuvent faire plus d'argent en cultivant des roches, nous serions dans de beaux draps.
    Nous devons donc veiller à ce que l'entreprise puisse utiliser la propriété intellectuelle pour générer des revenus et créer des emplois.
    Ernst & Young fait un lien entre... Comment les entreprises tirent-elles parti des forces des collèges et des universités? Quel rôle notre politique peut-elle jouer pour leur faciliter la tâche?
    Je fais partie du groupe des incitatifs en matière de technologie d'Ernst & Young. Un certain nombre de programmes de financement sont offerts, mais les entreprises les connaissent peu. Elles s'intéressent davantage au développement de produit; nous avons donc des discussions stratégiques avec elles, cherchant à déterminer si une technologie peut convenir aux produits qu'elles conçoivent pour les aider à accroître leur productivité ou leur efficacité. J'ai travaillé dans le domaine de la commercialisation de la technologie et j'y connais un certain nombre de personnes.
(0920)
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant accorder la parole à M. Dreeshen, qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins. Sachez que j'ai déjà été professeur de mathématiques et de physique, mais je n'ai pas travaillé avec M. Bindra. Nous allons donc apprendre à nous connaître.
    Les collèges Red Deer et Olds, qui se trouvent dans ma circonscription, accomplissent un travail formidable avec l'industrie locale et à l'échelle internationale. C'est quelque chose qu'il faut absolument faire, et chacun d'entre nous peut raconter des histoires extraordinaires à propos des excellents établissements du pays.
    Une discussion est en cours dans le domaine de l'agriculture. Monsieur Nantel, vous avez soulevé la question, tout comme Lloyd. Vous avez parlé des pâtes sans gluten et d'autres produits. Nous avons commencé à étudier certains produits axés sur les besoins du marché et pas nécessairement sur les impératifs de la santé. Nous savons qu'à peine 0,7 % de la population est intolérante au gluten; si on réussit à porter cette part de marché à 3 ou 4 %, c'est malheureusement 2,3 % de la population qui est ainsi privée des avantages du gluten, dont le corps a besoin.
    Cela concerne non seulement les groupes de TI, mais aussi les groupes de marketing. Je pense que c'est important. Si je le souligne, c'est parce que le même problème se pose au chapitre des OGM et d'un grand nombre d'autres produits. Exactement comme vous l'avez indiqué, on peut concevoir des plantes permettant de réduire la quantité de produits chimiques nécessaires et recourir à l'agriculture de précision afin d'utiliser moins d'énergie et de pesticides, mais ces produits ne sont jamais adoptés parce que d'autres forces continuent de s'élever contre ces innovations. Je voulais donner mon grain de sel et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de le faire.
    Nous nous intéressons particulièrement à la manière dont on peut aider le secteur privé à collaborer avec les établissements universitaires. J'ai lu un rapport de l'Association of University Technology Managers, qui a examiné des concepts comme la facilité d'établissement de contrat, l'appartenance de la propriété intellectuelle et la confidentialité qui va de pair. Les collèges et les universités discutent-ils de ces questions? Pouvez-nous faire bouger les choses avec ce genre de programmes?
     Essentiellement, quand une entreprise s'adresse à nous, nous discutons de ses aspirations et du problème qu'elle éprouve dans le cadre d'un projet donné. Nous évaluons la portée de ce dernier, mais nous nous assurons que l'entreprise sait d'entrée de jeu quelle sera sa contribution, en argent et en nature, et ce qu'il adviendra de la propriété intellectuelle.
    La plupart du temps — 99 % du temps —, nous savons que la propriété intellectuelle appartiendra à l'entreprise et non à nous. L'entreprise le sait dès le départ et s'investira donc davantage dans le projet.
    De plus, nous n'acceptons pas tous les projets, car certains sont pourris.
    Des députés: Ah, ah!
    M. Marc Nantel: Nous sommes les intendants de l'argent des contribuables, reçu du CRSNG ou des provinces; nous n'acceptons donc pas tous les projets. Certains sont tout bonnement stupides. Nous ne voulons accepter que les bons, ceux qui ont vraiment une chance de déboucher sur une bonne formation, une bonne propriété intellectuelle et un bon développement économique.
    Nous nous assurons que l'entreprise sait ce qu'il en est. Elle signe une pile de documents, y compris des communiqués de presse. Les étudiants signent des ententes de non-divulgation et divers documents au début du processus pour qu'ils sachent ce qu'il adviendra de la propriété intellectuelle avant même que le projet ne commence.
    Merci.
    Monsieur Geist, je me souviens maintenant où nous nous sommes déjà parlé.
    La protection des renseignements personnels et les données ouvertes sont des éléments cruciaux. Nous nous intéressons notamment au besoin de disposer de matériel et de renseignements que l'on peut aisément fournir aux étudiants, chose qu'à titre d'enseignant, je peux comprendre. À cet égard, bien des gens viennent nous indiquer qu'il faut assurer la protection du droit d'auteur et de tout le reste.
    Quand nous nous sommes rendus aux États-Unis, nous avons entendu parler des trolls des brevets. C'est vous qui avez soulevé la question et nous avez donné des idées pour gérer le problème. Cependant, je ne suis pas certain que tout le monde saisisse l'ampleur de ce problème au Canada. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous donner une idée de ce à quoi nous devrions nous préparer si la situation continue?
(0925)
    Je commencerais simplement par indiquer que je pense que tout le monde convient qu'il importe de respecter le droit d'auteur et les créateurs dans les établissements d'enseignement. Un des avantages de l'accès ouvert, particulièrement dans nombre de disciplines où pratiquement tout ce qui est publié est ouvertement accessible, c'est que l'auteur a autorisé l'utilisation de ses oeuvres. Le problème n'est pas là. Ce qui suscite en partie le mécontentement dans le domaine de l'éducation, c'est que certains groupes exigent d'être payés, en un certain sens, pour des oeuvres dont les auteurs eux-mêmes ont dit qu'elles devraient être ouvertement accessibles. Bien entendu, la population a également financé ces travaux.
    Les trolls des brevets constituent un grave problème pour bien des entreprises, certainement aux États-Unis, mais aussi ailleurs. Il s'agit majoritairement d'entités qui font main basse sur des brevets. Dans bien des cas, elles ne sont pas elles-mêmes l'inventeur, le créateur ou l'innovateur, et se contentent d'acquérir l'innovation ou le brevet. Elles utilisent ensuite la manière forte, tentant souvent d'imposer à diverses parties des conditions de licence ou d'autres formes de paiements.
    Si l'objectif du régime de brevet consiste à encourager la création de nouvelles innovations, sachez que les trolls des brevets ne créent rien de nouveau; ils utilisent seulement le système juridique pour se remplir les poches le plus possible sans faire preuve de la moindre créativité.
    Nous avons constaté qu'aux États-Unis, où les attributions de brevets sont d'une envergure considérable, que les trolls de brevets représentent une menace grave, et l'on craint sincèrement que cette menace ne s'étende jusqu'ici. Bien entendu, les entreprises canadiennes en activité aux États-Unis sont confrontées à ce problème. Research in Motion, l'exemple classique du problème au Canada, a perdu des centaines de millions de dollars dans l'aventure.
    Nous n'avons pas fait grand-chose pour tenter d'atténuer les préoccupations quant à l'utilisation abusive de la propriété intellectuelle au Canada. Le problème touche le droit d'auteur, les marques de commerce et les brevets. Dans mon exposé, j'ai essayé de traiter d'un certain nombre de mesures que nous pourrions prendre pour tenter de dissuader les trolls des brevets de sévir au Canada. Je sais qu'au sein du gouvernement, on discute déjà de la nécessité d'intervenir.
    Dans notre réflexion sur les stratégies relatives à la propriété intellectuelle et à la réforme du droit d'auteur, nous devrions garder à l'esprit les propos que la Cour suprême du Canada a tenus sur le besoin d'adopter une approche équilibrée au chapitre de la propriété intellectuelle. À certains moments, il faudra autant prévenir l'utilisation abusive de la propriété intellectuelle que faire en sorte que les gens disposent des outils et des droits efficaces dont ils ont besoin.
    Vous avez évoqué la Loi sur la concurrence.
    Mon temps est-il écoulé?
    Oui, je suis désolé. Nous allons accorder la parole à M. Masse.
    Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais continuer sur le même sujet, car c'est une question qui me préoccupe.
    J'ai récemment eu vent d'une affaire dans le cadre de laquelle un petit fabricant de t-shirts est poursuivi par l'Université Duke pour l'utilisation d'une variation de la lettre « D » qui figure sur un t-shirt des Tigers de Detroit. Ce fabricant exploite une entreprise à domicile et en tire certainement quelques revenus, mais il doit maintenant se défendre en cours au sujet d'une variation de la lettre « D ». Il a l'impression de pouvoir l'emporter, mais quiconque connaît l'association des anciens de cet établissement sait que l'Université Duke peut s'adresser aux tribunaux quand bon lui semble.
    Dans une affaire, c'est le régime d'avis et d'avis qui est en cause. Si Rogers décide de porter sa cause en appel, les tribunaux seront saisis de l'affaire.
    Pourriez-vous expliquer au Comité et à la population en général ce qu'il se passe à cet égard et ce que le ministre pourrait faire pour barrer la route aux trolls des brevets?
    Voilà qui met en lumière un autre domaine de l'utilisation abusive de la propriété intellectuelle ou, dans le cas présent, du droit d'auteur. Nombre d'entre vous se souviendront peut-être que la réforme du droit d'auteur de 2012, qui fera l'objet de bien des discussions dans le cadre de l'examen du droit d'auteur qui commencera plus tard cette année, comprenait une approche assez novatrice connue sous le nom d'« avis et avis », qui visait à trouver un moyen de permettre aux titulaires de droits de disposer d'un mécanisme pour réagir aux allégations de violation en ligne, tout en tentant de protéger la vie privée et la liberté d'expression des internautes. L'objectif consistait donc à trouver un juste équilibre entre les deux. Si les États-Unis ont opté pour un régime de retrait, souvent appelé approche « tire et vise ensuite » en vertu de laquelle le contenu légitime est souvent retiré sans la moindre supervision des tribunaux, nous avons plutôt adopté une approche faisant intervenir les fournisseurs de service Internet, comme Rogers, Bell et d'autres entreprises. Les titulaires de droits qui considèrent que leur droit d'auteur a été violé peuvent envoyer un avis au fournisseur de service Internet, qui est obligé de la transmettre à son abonné, sans toutefois devoir divulguer l'identité de ce dernier.
    Deux problèmes se sont fait jour depuis l'instauration de ce régime. Tout d'abord, certains utilisent le régime pour envoyer des demandes de règlement, une possibilité qui n'avait jamais été envisagée. Ce sont littéralement des milliers, voire des centaines de milliers de Canadiens qui reçoivent ainsi des avis; peu versés au sujet du droit d'auteur, ils prennent immédiatement peur et paient, alors que rien ne les y oblige.
    Le régime n'a jamais été conçu à cette fin. On n'a même jamais pensé qu'il serait utilisé ainsi. Le problème vient en partie du fait que le gouvernement conservateur alors au pouvoir était censé adopter des règlements à cet égard, mais ne l'a jamais fait. La loi a simplement été mise en oeuvre.
    On peut aisément corriger la situation en adoptant les règlements manquants afin d'empêcher les gens d'envoyer des demandes de règlement dans les avis, qui n'étaient jamais censés servir à cette fin.
    L'autre problème qui se pose, comme vous l'avez fait remarquer dans l'affaire Rogers, c'est que nous avons commencé à remarquer que les trolls de la propriété intellectuelle essaient d'identifier eux-mêmes les personnes et utilisent le système judiciaire pour tenter d'obliger les fournisseurs de service Internet à dévoiler l'identité de leurs abonnés. Ils agissent en masse, visant des milliers de personnes. Il s'agit, une fois encore, d'une utilisation que l'on n'avait jamais envisagée. Au bout du compte, les abonnés eux-mêmes doivent assumer des coûts substantiels, puisque les fournisseurs de services Internet sont obligés d'assumer les frais et les refilent certainement à leurs clients.
(0930)
    Ce qui me préoccupe à ce sujet, c'est l'émergence des nouveaux droits d'auteur légitimes. À l'instar de l'Agence des douanes et des revenus, nous avons constaté, à titre de députés, que des entreprises étrangères vont jusqu'à utiliser la marque pour intimider des Canadiens, car ces derniers craignent essentiellement d'être poursuivis par les véritables titulaires de droit. La situation en est arrivée au point où dans ma communauté et bien d'autres localités — je travaille avec la police à ce sujet —, des gens sortent au milieu de la nuit pour acheter des cartes de crédit pour des personnes qui leur font peur avec leur histoire de règlement. Voilà qui met en exergue toute la complexité du système. L'Agence des douanes et du revenu affecte toute une division de la fraude à ce problème.
    Je crains que la situation ne s'aggrave. Il existe des entreprises légitimes, qui utilisent le régime en vertu de la loi, même si d'aucuns diraient que certaines « utilisent » plutôt la loi.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste deux minutes et demie.
    D'accord.
    Je veux changer de sujet. Je me préoccupe à propos de certaines recherches sur les subventions. Il ne s'agit pas seulement de l'aide que les contribuables offrent aux étudiants pour qu'ils fréquentent l'université ou le collège, car certains n'auront jamais les moyens de poursuivre de telles études. Il y a un obstacle dès le départ, pour ceux qui ne peuvent se permettre d'aller à l'université ou au collège. Un autre obstacle potentiel se manifeste si on a des projets commandités par des sociétés ou qu'on effectue des recherches en vue de tels projets, auquel cas on aurait davantage accès à des réseaux de service et de distribution.
    Monsieur Nantel, vous avez indiqué que vous trouvez certaines idées stupides. Voilà qui constitue un autre obstacle.
    Je suppose que ce qui m'inquiète à propos de la recherche et de l'innovation, pas seulement au chapitre des objets destinés au marché, c'est la perte de science pure et, dans ce domaine, de la capacité d'échouer. L'échec a mené à certaines des plus grandes innovations de l'humanité, qu'il s'agisse du traitement de maladies ou des frites et des chips. Tout cela me préoccupe.
    Je suis désolé d'avoir pris autant de temps. Je vais maintenant laisser la parole à M. Nantel, puis à l'autre côté.
    Nous sommes parfaitement heureux d'échouer.
    Des députés: Ah, ah!
    M. Marc Nantel: Le fait est que nous évaluons plutôt le potentiel de l'idée. Si le projet réussit, permettra-t-il de créer des emplois, de favoriser le développement économique et d'offrir une bonne formation aux étudiants? Dans le cadre de certains projets, nous faisons de notre mieux et ils ne donnent pas le résultat escompté. Cela ne nous dérange pas, car cela signifie que nous déployons des efforts suffisants. Si nous n'échouons jamais, cela veut dire que nous n'essayons pas assez fort et que nous ne sommes pas assez novateurs.
    Quand, dans un élan de franchise, j'ai dit qu'il arrive que nous n'acceptions pas un projet parce qu'il...
    C'était drôle. Je veux dire...
    Nous évaluons le potentiel du projet pour voir s'il peut réussir. Parfois, ce potentiel est vraiment intéressant, mais il peut s'agir d'un projet risqué qui ne fonctionnera pas.
    J'ajouterais simplement que l'empreinte de la recherche appliquée menée dans les collèges constitue une part infime de l'investissement global que les Canadiens effectuent dans la recherche. L'investissement en recherche fondamentale totalise de 2 à 3 milliards de dollars par année dans les établissements postsecondaires. Quelque 50 ou 75 millions de dollars sont investis dans le réseau collégial. Nous ne considérons donc pas que le rejet d'un projet menace tout ce réseau.
(0935)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Jowhari, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les témoins. Je suis très heureux de vous voir pour la première fois. Je présume que cela répond à la question, monsieur Bindra.
    Nous avons parlé de la propriété intellectuelle et du transfert des technologies en utilisant probablement une terminologie relativement nouvelle et du transfert des connaissances dans le contexte national. Je souhaite maintenant aborder la question dans le contexte international. J'aimerais d'abord m'adresser à M. Geist.
    Croyez-vous que nous avons atteint un équilibre à l'échelle internationale en ce qui concerne le transfert des technologies?
    Je ne suis pas certain de ce que vous voulez dire par...
    Avons-nous atteint un équilibre ou un déséquilibre en ce qui concerne la PI et le transfert des technologies dans le contexte international?
    Parlez-vous du Canada comparativement aux autres pays?
    Oui.
    Je crois que nous avons réussi certaines choses, mais je crois également que nous pouvons apprendre des leçons d'autres pays.
    Par exemple, je reviens tout juste d'Israël, où je donne un cours entre l'Université d'Ottawa — mon université — et l'Université d'Haïfa. Ce cours est axé sur la politique mondiale en matière de technologies. On parlait surtout de l'environnement cybernétique et de la cybersécurité là-bas. Comme vous le savez probablement, Israël est un incubateur de certaines technologies de pointe et de certaines entreprises importantes dans ce domaine.
    L'une des choses les plus intéressantes à cet égard, c'est que nous avons rencontré plusieurs intervenants de conseils et d'entreprises axés sur ces éléments. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que la plus grande partie de la technologie et de la PI de pointe est issue du milieu militaire, et les gens qui travaillent dans ce domaine sont des jeunes qui viennent également de ce milieu. Une unité en particulier est axée sur certains de ces enjeux cybernétiques et ses membres quittent rapidement le milieu militaire pour mettre sur pied certaines entreprises qui sont maintenant, dans de nombreux cas, des chefs de file à l'échelle mondiale.
    On s'est donc demandé comment l'armée traitait la propriété intellectuelle. La réponse, c'est qu'elle ne fait rien. L'armée s'efforce de diffuser ces découvertes. En effet, on croit que la mise sur pied d'entreprises dans le secteur privé et la mise au point de meilleures technologies contribueront à améliorer la sécurité non seulement de ces entreprises, mais également de la société en général. On a donc intérêt à favoriser ce processus.
    Le point que je tente de faire valoir, c'est que sur certains plans, l'armée fonctionne en grande partie comme nos établissements d'enseignement ou comme les universités et les collèges devraient fonctionner. On ne se concentre pas sur la façon de protéger la PI ou de la commercialiser. Il s'agit plutôt de savoir comment transférer ces connaissances le plus efficacement possible, afin qu'elles produisent des avantages à plus grande échelle. Cela peut se faire de différentes façons. Si nos paramètres principaux relativement à ces établissements sont les brevets, les licences ou les revenus, nous ne mesurons pas la bonne chose.
    J'aimerais revenir à un article que vous avez publié. Je fais référence à votre site web.
    Vous avez indiqué que le Canada est un importateur net de PI et qu'il subit une perte nette en ce qui concerne le transfert de technologies dans le contexte national. À votre avis, que devrait faire notre pays pour inverser cette tendance?
    Je ne me souviens pas de cette publication particulière. J'écris beaucoup de choses.
    Cela pourrait bien avoir été écrit dans le contexte du droit d'auteur, pour revenir au point qu'a fait valoir M. Masse sur certains enjeux liés aux droits d'auteur.
    C'était dans le contexte commercial, ce qui m'amène à ma prochaine question.
    Une grande partie des échanges commerciaux et de la PI qui présente un déséquilibre, dans le contexte canadien... Il y a deux sources. Il y a d'abord le droit d'auteur, et cela peut être attribuable aux films hollywoodiens, etc. Dans ce domaine, mon argument — et je crois que de nombreuses personnes sont d'accord avec moi —, c'est que nous devons continuer de veiller à ce que les politiques canadiennes en matière de droit d'auteur reflètent les intérêts nationaux canadiens. Le régime d'avis et avis est un exemple de la façon dont nous affirmons que nous devons veiller à ce que les règlements canadiens conviennent le mieux dans ce contexte.
    L'autre défi auquel nous faisons face — et des gens comme Jim Balsillie en ont beaucoup parlé — est lié au fait que de nombreuses grandes entreprises de technologie de notre pays sont des filiales d'entreprises étrangères. Lorsqu'on commence à examiner les données, on se rend compte que cette situation est partiellement attribuable au fait que certaines des grandes entreprises sont en réalité des entreprises américaines ou des entreprises internationales qui ont des filiales canadiennes ici. Notre pays mène des activités très innovatrices, mais au bout du compte, lorsque nous examinons où se produisent certains des transferts, nous nous rendons compte que notre pays est un importateur net plutôt qu'un exportateur.
    À titre de contexte, je crois qu'il existe des dispositions internationales en matière de PI auxquelles adhèrent certaines nations, mais il n'est tout simplement pas dans l'intérêt supérieur du Canada de les adopter.
    Selon vous, d'autres pays imposent-ils au Canada des régimes de protection de la PI qu'ils n'autorisent pas sur leur propre territoire? J'aimerais parler de certains des changements prévus dans l'AECG et potentiellement dans le PTP. J'aimerais connaître votre avis à cet égard.
    Comme vous le savez peut-être, j'ai formulé des critiques sur les dispositions sur le droit d'auteur contenues dans le Partenariat transpacifique et sur certaines des dispositions concernant les brevets qui sont prévues dans l'AECG. C'est en partie en raison du fait que le marché qu'on nous a convaincus d'accepter dans certains de ces domaines n'a tout simplement pas fonctionné.
    Prenez l'exemple des produits pharmaceutiques. Il y a presque deux décennies, le Canada a apporté des changements à ses règlements relatifs aux brevets, afin d'accroître son niveau de protection pour les brevets en échange d'un engagement précis lié à la quantité d'activités de R-D qui seraient menées par les sociétés pharmaceutiques au Canada en vue de résoudre le déséquilibre que vous venez de souligner. Cela ne s'est pas produit. En fait, la quantité d'activités de R-D menées au Canada a constamment diminué.
    Malgré cela, par l'entremise de l'AECG, nous augmentons la protection relative aux brevets que nous fournissons aux entreprises de produits pharmaceutiques. Si on relance les dispositions du PTP sur les produits biologiques et les produits pharmaceutiques de la prochaine génération, dans de nombreux cas, nous offrirons des niveaux de protection qui auront des répercussions importantes sur les coûts liés aux soins de santé et qui ne serviront pas l'intérêt national comme ils le devraient dans le cadre d'une politique en matière de PI.
    Cela ne signifie pas que nous ne devrions pas tenir compte des normes internationales. Au début de mon exposé, j'ai souligné que le Canada répondait aux normes internationales. Toutefois, nous sommes souvent la cible de campagnes de lobbying énergiques menées par certains de nos partenaires commerciaux principaux qui jugent qu'il est dans leur intérêt national de décharger, en quelque sorte, leurs règlements au Canada.
    Nous devons nous montrer forts. Nous devons continuer de représenter fermement l'intérêt du Canada, que ce soit dans le cadre de politiques nationales — et je ferais valoir que cela se fera dans le cadre de l'examen du droit d'auteur qui se tiendra plus tard cette année — ou dans le cadre de certaines négociations commerciales internationales, notamment la renégociation de l'ALENA qui se déroulera bientôt, car il est clair que certaines des dispositions que nous avons observées dans le PTP émergeront dans les négociations de l'ALENA.
(0940)
    Parfait. Merci.
    La parole est maintenant à M. Lobb. Il a cinq minutes.
    Je vous remercie d'avoir comparu après un court préavis.
    Dans le cas des transferts, qu'il s'agisse d'une idée qui a germé dans une université ou ailleurs et qui a été mise au point en partenariat avec une entreprise en vue de la commercialiser, ou qu'il s'agisse d'une entreprise qui collabore avec une université et qui a une idée géniale ou qui modifie sa technologie pour commercialiser le produit final, ce genre de choses se produit manifestement dans notre pays. Parfois, c'est une grande réussite.
    Toutefois, j'aimerais vous poser une question que j'ai soulevée dans d'autres réunions du Comité. Lorsqu'une petite entreprise a une idée géniale en collaboration avec une université et qu'elle parvient à concrétiser cette idée, qu'elle embauche 10 ou 15 employés et qu'elle réalise quelques ventes aux États-Unis, elle peut soudainement faire l'objet d'une poursuite en matière de brevets aux États-Unis et au Texas. Que pouvons-nous faire dans ce cas? Devons-nous aborder cette question sans détour dans le cadre de la renégociation de l'ALENA?
    C'est un excellent point. M. Balsillie l'a également fait valoir à de nombreuses reprises.
    Cela attire l'attention sur le fait qu'en toute déférence, les négociations commerciales liées à la propriété intellectuelle au Canada ont presque toutes été complètement défensives. Cela revient à la question abordée plus tôt. Tous les efforts ont été axés sur la façon de contrer, d'une certaine façon, certaines des pressions exercées par d'autres pays à notre égard. Ces pressions viennent surtout des États-Unis et manifestement, dans le contexte de l'AECG, des pays européens.
    Je crois qu'il est important de souligner que certains de nos autres accords commerciaux, par exemple l'accord conclu avec la Corée du Sud, n'ont pas engendré le même type de pressions. Ces pays reconnaissent que le Canada respecte les normes internationales, et ils n'ont pas de problème à laisser d'autres pays prendre les règlements qu'ils jugent appropriés.
    L'une des choses que nous n'avons pas faites, mais que nous devrions faire, à mon avis, c'est de représenter les intérêts canadiens de façon plus agressive dans les négociations commerciales. M. Balsillie l'a précisément mentionné. L'utilisation abusive des brevets, surtout par les tribunaux du Texas dans le district de l'Est, ce qui représente un risque énorme pour toutes les entreprises — et manifestement pour les entreprises canadiennes —, est un problème que nous devrions résoudre, car les États-Unis se servent du système des brevets comme si c'était une arme et cela constitue une menace importante dans le contexte canadien.
    Il ne s'agit même pas seulement des brevets. Permettez-moi de vous donner un exemple. Une entreprise de Burlington appelée Skylink fabriquait une télécommande universelle pour ouvrir les portes de garage. En effet, les gens ont de multiples portes de garage qui sont parfois fabriquées par différentes entreprises. Il s'agissait donc de fabriquer une télécommande universelle pour ces portes. Cette entreprise a fait l'objet de plusieurs poursuites judiciaires devant les tribunaux américains pour atteinte au droit d'auteur dans le cadre des règles de verrouillage numérique mises en oeuvre en 2012.
    Une petite entreprise qui fait face à de multiples accusations devant le Tribunal américain du commerce international, ainsi que devant les tribunaux américains, fait face à des coûts qu'elle peut à peine payer. Nous devons donc reconnaître qu'on utilise cette arme de façon très agressive, surtout aux États-Unis, où les litiges ont tendance à être plus nombreux dans le domaine de la PI. Il s'agit, d'une certaine façon, d'un moyen de causer la fermeture d'une entreprise canadienne ou de l'obliger à se vendre à très bas prix, car elle ne peut pas payer les coûts liés au processus judiciaire.
(0945)
    À mon avis, c'est un sujet qu'on ne peut pas aborder dans les négociations.
    Mon ancien employeur, Desire2Learn, qui était votre SGA à l'Université d'Ottawa, je crois, a fait l'objet de poursuites intentées par Blackboard, à Lufkin, au Texas. Je travaillais pour cette entreprise lorsqu'elle a fait l'objet de ces poursuites.
    Le système est complètement déficient, car l'entreprise comparaît devant un jury composé de citoyens ordinaires du Texas à un moment où ces derniers considèrent qu'il s'agit d'une entreprise canadienne qui veut s'approprier des emplois américains. Tout cela dans un contexte où l'on utilise, la plupart du temps, un vocabulaire lié à la technologie de pointe.
    L'entreprise a été poursuivie en justice pour avoir porté atteinte au mot « utilisateur ». Lorsqu'une entreprise doit dépenser des millions de dollars dans le cadre d'une poursuite judiciaire au Texas au lieu d'investir dans sa croissance, on ne se trouve pas dans un système qui tente d'améliorer le monde, ou dans ce cas, d'améliorer l'éducation.
    J'espère que par l'entremise de nos négociations... mais comment peut-on se faire entendre dans l'appareil judiciaire américain? Y a-t-il une façon de se faire entendre par l'entremise de l'ALENA?
    Je crois que vous pouvez tenter d'aborder cela de plusieurs façons.
    Je suis d'accord avec vous, le problème du Texas est énorme. C'est la raison pour laquelle des entreprises comme Samsung parrainent ou paient littéralement des arénas au Texas, dans le district de l'Est. Ces entreprises comparaissent tellement souvent devant les tribunaux qu'elles tiennent à ce que les jurys potentiels connaissent bien l'entreprise et en aient une image favorable. Les petites entreprises canadiennes ne sont tout simplement pas en mesure de faire la même chose, et cela représente donc un énorme désavantage.
    Je crois qu'on peut envisager de déterminer plusieurs choses, par exemple la force exécutoire des jugements ici, mais également la façon dont cela représente un obstacle au commerce.
    Les Américains aiment beaucoup cerner des domaines qu'ils qualifient d'obstacles au commerce dans le contexte canadien. Ils exercent ensuite des pressions sur les politiciens et les responsables des politiques du Canada pour qu'ils apportent des rajustements. Nous observons cela dans le domaine du droit d'auteur.
    M. Dreeshen a mentionné plus tôt des références à la publication et au droit d'auteur. En réalité, les établissements canadiens dépensent des millions de dollars — et ils le font toujours — pour avoir accès à des licences d'utilisation, souvent par l'entremise d'intermédiaires.
    L'une des choses qu'il faut souligner, c'est que le système américain est encore plus souple que le système canadien, mais les Américains exercent pourtant des pressions sur notre pays et soutiennent que cela constitue en quelque sorte un obstacle au commerce.
    Lorsque les Canadiens entameront des négociations, ils ne devraient peut-être pas se contenter de préserver les acquis et d'aborder des domaines qui attirent beaucoup l'attention, par exemple le bois d'oeuvre, etc., dans leurs efforts pour régler ces enjeux. Si nous croyons réellement que la PI sera l'un des moteurs principaux de notre économie à l'avenir, nous devons veiller à ce que cet accord reflète également nos intérêts nationaux en matière de PI.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Baylis. Il a cinq minutes.
    J'aimerais explorer la discussion qui a été bien présentée par M. Nantel sur le fait que les collèges s'efforcent de résoudre des problèmes pour l'industrie, alors que les universités se concentrent plutôt sur l'acquisition de connaissances. Je suis d'accord avec cette évaluation. J'aimerais trouver des façons de fusionner ces deux approches. M. Jaipreet, avec qui j'ai déjà eu le plaisir de travailler, a également abordé ce sujet.
    Je pourrais peut-être d'abord m'adresser à vous. Vous avez dit que vous aviez observé des tentatives de faire cela avec des grappes, mais qu'elles avaient échoué. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela n'a pas fonctionné? De plus, avez-vous des idées qui permettraient de créer un lien entre les collèges qui s'efforcent de mettre au point des technologies et de collaborer avec l'industrie, et les universités qui tentent d'acquérir des connaissances dans le cadre d'un objectif plus puriste? Y a-t-il une façon de conjuguer ces deux approches?
    J'ai travaillé avec Marc pour les Centres d'excellence de l'Ontario. Traditionnellement — et Marc peut me corriger si je me trompe —, ces centres recevaient davantage de financement et profitaient d'une plus grande collaboration avec les universités, mais ils collaborent maintenant de plus en plus avec les collèges aussi. Je crois qu'il s'agit notamment de cerner les domaines où il existe déjà une collaboration.
    Je crois qu'une petite industrie peut établir une collaboration fructueuse avec une université et un collège, car l'université peut créer une PI intéressante, mais l'entreprise ne possède peut-être pas les ressources nécessaires pour fabriquer un prototype et le tester, et c'est à ce moment-là qu'un collège peut intervenir. J'ai suivi des cours universitaires et j'ai également suivi des cours au niveau collégial. Les collèges insistent davantage sur l'aspect pratique, ce qui pourrait réduire le temps requis pour lancer un produit sur le marché. C'est donc une façon d'y arriver.
    Je crois que c'est possible dans de nombreux endroits. En effet, sur le plan géographique, ils sont situés assez près de l'autre dans la plupart des grandes villes. Il pourrait s'agir d'une possibilité.

[Français]

     Monsieur Nantel, pourriez-vous poursuivre sur ce thème?
    Oui. Généralement, il s'agit de gens qui collaborent les uns avec les autres et non d'institutions qui collaborent entre elles.
(0950)

[Traduction]

    La plupart du temps, c'est le chercheur lui-même qui sait exactement quel collègue travaillant dans un autre établissement peut l'aider à régler un problème ou à créer les nouvelles connaissances nécessaires.
    Bien que je ne sois pas un grand partisan des mariages forcés qui surviennent parfois à l'initiative des organismes subventionnaires, il demeure formidable de pouvoir conjuguer nos efforts. FedDev, l'Agence fédérale du développement économique pour le Sud de l'Ontario, en est un bon exemple. Ainsi, le Collège Niagara, le Collège Sheridan et le Collège Mohawk ont mis de l'avant le projet SONAMI, le réseau du sud de l'Ontario pour la fabrication de pointe et l'innovation. Nous nous sommes adressés à FedDev en indiquant que nous allions aider les PME pour toutes les questions liées à la fabrication de pointe et aux technologies nécessaires.
    FedDev avait déjà reçu une proposition de l'Université McMaster dont une composante seulement lui paraissait intéressante, d'après ce qu'on m'a dit. FedDev nous a demandé — et je paraphrase — d'intégrer cette composante à notre projet si nous voulions obtenir du financement. Ce fut une excellente collaboration avec l'Université McMaster en matière de fabrication de pointe, comme cela se produit très souvent. Des universités nous approchent et nous faisons de même.
    Pour dire les choses bien franchement, les universités ne pensent pas systématiquement à faire appel à nous pour un projet ou un autre, car il n'est pas rare qu'elles ne sachent pas nécessairement ce que les collèges sont en mesure de faire.
    Je me tourne maintenant du côté de Christine. Pourriez-vous nous en dire plus long au sujet de ces centres d'accès à la technologie dont vous avez parlé? Est-ce que ces centres pourraient servir de carrefours pour regrouper, comme l'indiquait Jaipreet, les universités et les collèges d'une même région? Est-ce que c'est chose possible?
    Je pense que c'est une possibilité extrêmement intéressante. D'une manière générale, on pourrait le faire pour n'importe quel centre de recherche appliquée d'un collège ou d'une école polytechnique au pays. Comme vous l'indiquiez, ces établissements sont rapprochés les uns des autres. Les chercheurs quant à eux se déplacent sans cesse.
    Marc en est un bon exemple; son cheminement de carrière l'a amené à différents endroits. C'est ce que nous pouvons observer régulièrement. Des chercheurs quittent le système et y reviennent après avoir établi de nombreux contacts dans le secteur privé. Ils ont alors tendance à se tourner vers ces gens-là et à les mobiliser lorsqu'ils cherchent la solution à un problème particulier.
    Il arrive cependant que les structures de financement et de fonctionnement de notre système ne permettent pas que de telles choses se produisent aussi facilement et naturellement qu'on le souhaiterait.
    Vous voudriez que l'on facilite ce processus et que l'on y ait peut-être même recours dans les collèges et les universités?
    Je crois qu'il sera tout particulièrement intéressant d'observer le déroulement du concours lancé pour les supergrappes. Nous constatons que bon nombre de nos membres — et je crois que Marc en fait partie — s'activent déjà en ce sens.
    Envisagez-vous d'autres concepts, comme les minigrappes, si je puis dire?
    Étant donné que les collèges ont naturellement tendance à vouloir répondre aux besoins de l'économie locale, ils ne vont pas prendre une telle initiative pour ensuite essayer d'en vanter les mérites. Ils collaborent plutôt avec les employeurs et les industries de la région pour répondre à leurs besoins. Il va simplement en découler tout naturellement une concentration des efforts dans les domaines où la région se distingue. Dans bien des cas, les collèges seront donc tout à fait prêts à contribuer au débat sur le concours visant les supergrappes.
    Qui sait que les collèges existent et ce qu'ils sont en mesure de faire? Les petites entreprises en sont tout à fait conscientes. Il arrive que les universités et les grandes entreprises servant de point d'ancrage soient moins au fait de cette possibilité, car le travail des collèges s'accomplit par le truchement de leur chaîne d'approvisionnement.
    Merci.
    Nous passons à M. Nuttall.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invités d'aujourd'hui.
    Dans le cadre des changements stratégiques apportés par le gouvernement dans le budget, on prévoit un fonds de 800 millions de dollars spécialement consacré aux grappes et aux centres d'innovation. Il semble toutefois à ce moment-ci que ce sont les grandes villes qui vont en bénéficier, et je sais que tout le monde comprend très bien de quoi il est question.
    Ma circonscription est plutôt intéressante. À Barrie, en Ontario, nous avons des campus du Georgian College, de l'Université Lakehead, de l'Université York, de l'Université du Michigan, si je ne m'abuse, et d'une université de New York également. La situation est un peu difficile en l'absence d'un centre de l'innovation qui permettrait de former des grappes et de collaborer avec l'industrie locale pour favoriser son expansion, mais c'est ce qui se fait tout de même naturellement dans une certaine mesure. Il y a par exemple de nombreux centres de données qui s'installent en ville.
    Ma question va nous ramener au sujet du jour. Alors qu'il peut sembler facile de créer des grappes semblables dans les grands centres, comment peut-on aider quelqu'un qui est à l'origine d'un nouveau logiciel ou d'une innovation dans une ville comme Barrie pour qu'il puisse cheminer vers la commercialisation en ayant toutes les chances de réussir? Il y a bien eu quelques succès à l'échelle locale, mais il a fallu y mettre des années, alors que le tout n'aurait pris que quelques mois dans un grand centre.
(0955)
    Je peux vous parler de la situation en Ontario. Il y a des centres d'innovation dans toutes les régions de la province. C'est l'endroit où s'adresser pour une entreprise en démarrage ou même une autre qui veut lancer une nouvelle gamme de produits et qui a besoin d'aide autant pour la mise en marché que pour le financement, via notamment des investisseurs providentiels ou simplement d'autres composantes de la chaîne d'approvisionnement. Je recommanderais donc à quiconque veut lancer un nouveau produit d'entrer d'abord en contact avec son centre d'innovation régional. Il existe sans doute des mécanismes semblables dans les autres provinces.
    Je comprends un peu les difficultés que vous éprouvez en raison de la présence de Niagara à proximité, sans compter Hamilton qui vous bloque le passage et tout le reste. C'est plus compliqué, mais il faut se demander ce qu'il est possible de faire au niveau régional. Des grappes peuvent se former dans une région sans qu'il s'agisse nécessairement de supergrappes. Il s'agit de voir s'il peut exister une grappe quelconque à Barrie. À Niagara, le secteur de la fabrication occupe une place importante. Il y a aussi bien sûr l'agroalimentaire. Les entreprises s'organisent entre elles et nous, l'Université Brock et le Niagara College, les deux seuls établissements postsecondaires de la région, essayons de leur faciliter les choses.
    J'ose espérer que, dans le cadre du concours pour les supergrappes, on va prendre en considération les contributions régionales, et pas seulement celles des grandes villes, car il y a un travail d'une grande valeur qui s'accomplit dans les régions.
    J'aimerais juste ajouter brièvement quelque chose. M. Baylis a parlé des centres d'accès à la technologie un peu partout au pays. Ils font partie d'un réseau qui contribue à la mise en commun des pratiques exemplaires et de tout ce que vous pouvez imaginer. Marc peut compter au Niagara College sur deux des centres s'inscrivant dans ce réseau canadien. Les travaux à réaliser peuvent être transférés d'un centre à l'autre suivant celui qui est le mieux en mesure d'y parvenir facilement ou en fonction des grappes qui peuvent être présentes. Il est de plus en plus crucial qu'un réseau semblable puisse fonctionner de cette manière.
    Il y aura toujours des grappes locales, urbaines et régionales, mais un tel réseau permet de mobiliser les forces dans de nombreux petits centres où l'on peut trouver une expertise pointue qui n'est pas nécessairement accessible dans la grande ville où un projet est réalisé.
    Si vous m'accordez 30 secondes, je vous dirais que n'importe quel endroit peut donner naissance à une grappe. J'ai voulu insister sur l'importance du transfert des connaissances parce que le développement des collectivités ne passe pas toujours par les grappes. Il faut donc s'assurer de rendre accessibles au plus grand nombre les résultats et les données découlant des travaux effectués dans ces établissements de telle sorte que tous puissent en bénéficier.
    C'est un peu la même chose pour les possibilités de transfert des étudiants. Il y a des étudiants de Barrie qui fréquentent notre université, comme c'est le cas un peu partout au pays. Ces jeunes-là retournent ensuite dans leur collectivité en y rapportant la formation et les connaissances acquises.
    Selon moi, si nous cherchons uniquement à reproduire le modèle des grappes de toutes dimensions, nous risquons de perdre d'excellentes occasions de profiter des avantages que procure le développement de compétences et d'expertise dans une grande variété d'endroits lorsque les gens sont encouragés à retourner dans leur collectivité pour qu'elle puisse en bénéficier.
    Je répondrais simplement que les responsables de ces entreprises, en démarrage ou non, me disent qu'ils n'ont pas accès à un tel mécanisme. C'est peut-être un problème de communication, mais c'est bel et bien ce que j'entends.
    Merci.
    Nous passons à M. Arya pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Geist, vous avez indiqué à juste titre que l'on tire une grande fierté du transfert des connaissances... et non du transfert des technologies. Dans vos observations préliminaires, vous avez surtout parlé des connaissances explicites, plutôt que des connaissances tacites.
    Selon moi, les forces militaires israéliennes offrent le meilleur exemple qui soit de transfert des connaissances. Elles ne retiennent pas les brevets et permettent au personnel militaire de faire bénéficier l'industrie de leurs connaissances aussi bien explicites que tacites pour optimiser les chances de réussite.
    Je pense aussi aux commentaires de M. Bindra concernant les universités américaines où les chercheurs ne sont rémunérés que huit mois par année. Ils peuvent ainsi travailler dans l'industrie pendant les quatre autres mois avec plein transfert des connaissances explicites et tacites.
    J'ose espérer que le secrétaire parlementaire du ministre des Sciences a pris bonne note de ces observations et qu'il pourra examiner plus à fond ce modèle.
    Christine, je vous souhaite la bienvenue à nouveau et j'ai une question pour vous.
    Est-il possible que l'industrie ne soit pas suffisamment au fait des brevets et des inventions originant des établissements postsecondaires qui pourraient se retrouver sur le marché?
(1000)
    D'une manière générale, je crois que les collèges en sont sans doute à leurs premiers pas dans leurs efforts pour mieux faire connaître et comprendre leur capacité en recherche appliquée. Voilà maintenant environ 10 ans que nous sommes officiellement présents dans le secteur de la recherche appliquée. Comme je l'indiquais précédemment, cela représente encore une très petite portion des investissements fédéraux en recherche et développement au niveau universitaire ou postsecondaire. C'est un domaine qui offre d'énormes possibilités aux étudiants et aux économies locales, mais on n'est pas encore vraiment capable d'en vanter pleinement les mérites auprès des PME et des grandes entreprises.
    M. Sheehan a parlé tout à l'heure de défis. J'aime plutôt y voir des possibilités. Je crois que les collèges ont maintenant franchi l'étape de la validation de principe quant à leurs capacités en la matière. Comme nous en sommes rendus à envisager les moyens de prendre de l'expansion, nous allons assurément vous faire valoir aujourd'hui que c'est un secteur extrêmement prometteur.
    J'ai une question pour vous, messieurs Bindra et Geist. Quels sont les principaux obstacles au transfert complet des connaissances entre les universités et l'industrie?
    Comme nous avons pu le constater, même ici aujourd'hui, le débat tourne autour de la propriété intellectuelle. Les attitudes doivent changer. Lorsque les chercheurs pensent à la propriété intellectuelle, c'est simplement qu'ils sont en quête d'une autre publication, d'un autre brevet. Pour l'industrie, les brevets sont une mesure de protection pour les nouveaux produits. C'est un outil pour s'assurer un avantage concurrentiel sur le marché. Je pense qu'il y a différentes approches.
    Je vais continuer dans le même sens pour dire qu'il peut s'agir en quelque sorte d'une caractéristique, plutôt que d'une entrave.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Michael Geist: L'un des problèmes vient du fait que l'on ne retrouve pas du tout dans les universités et les collèges les mêmes incitatifs et la même culture que dans le milieu des affaires. Ce n'est pas une situation où nous devons absolument intervenir en trouvant un moyen de créer au sein des établissements d'enseignement une communauté de recherche axée sur l'entrepreneuriat et les considérations commerciales, pas plus qu'il est nécessaire pour nous d'affirmer que les entreprises doivent mettre l'accent sur la recherche primaire et les avantages de leurs actions à des fins éducatives.
    J'estime que chaque entité a son rôle à jouer. Nous nous compliquons notamment l'existence en essayant de comprendre ce qui empêche les deux de partager davantage de similitudes. Il n'est pas nécessaire que les deux secteurs soient pareils. Il s'agit surtout de s'assurer que les avantages véritables découlant du travail accompli dans les universités et les collèges profitent aux entreprises, et c'est la raison pour laquelle j'insiste autant sur le transfert des connaissances.
    J'ai très peu de temps, et j'aurais une dernière question à vous poser. Vous avez indiqué que les universités devraient rendre leurs publications plus accessibles de telle sorte que tous puissent en bénéficier. Est-ce que vous incluiez là-dedans les entreprises chinoises?
    Oui, certainement.
    Pourquoi devrions-nous investir dans nos universités si les connaissances qui en émanent deviennent librement accessibles aux entreprises chinoises?
    C'est un phénomène planétaire, et les connaissances communiquées dans les grandes publications ne sont pas celles qui ouvrent la voie à une éventuelle commercialisation. D'une certaine manière, cela fait partie du problème. On fait fausse route en se demandant pourquoi certains travaux de recherche ne conduisent pas à la mise en marché.
    Grâce à l'ingéniosité, à l'esprit d'entrepreneuriat et à la capacité d'innovation dont disposent les entreprises canadiennes, nous pouvons nous appuyer sur ces recherches et, ce, même si elles ont été menées par d'autres. La formule gagnante ne se trouve pas dans ces articles qui visent plutôt à faire en sorte que les entreprises, les chercheurs et les autres intervenants puissent mieux conjuguer leurs efforts en vue de produire des résultats optimaux à la fine pointe de la technologie.
    Je dis simplement que les entreprises et les chercheurs installés en Chine pourront également en bénéficier. N'est-ce pas ce que vous êtes en train de nous confirmer?
    Je dis seulement que nous devons livrer concurrence sur le marché planétaire. Si nous pensons pouvoir le faire en gardant pour nous les connaissances acquises, nous allons en ressortir perdants sur toute la ligne.
    Merci beaucoup.
    M. Masse aura droit aux deux dernières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais approfondir un élément qui m'apparaît ressortir de nos discussions. Tout semble indiquer que le Canada a toujours considéré l'ALENA comme la marche à suivre devant guider nos relations avec les États-Unis. Je sais que c'est notamment le cas dans le secteur de l'automobile. Nous faisons comme si les Américains nous livraient concurrence au sein d'un libre marché, mais le fait est que leur stratégie pour l'implantation de nouvelles usines de construction automobile est toujours fondée sur une aide financière assortie de la construction des routes, des infrastructures, des logements et de tous les éléments nécessaires pour que les emplois en question se retrouvent là-bas, plutôt qu'ici. Pendant ce temps-là, nous demeurons très naïfs en affirmant que l'ALENA ne permet pas ceci ou cela. C'est ainsi que depuis une bonne quinzaine d'années, aucune nouvelle usine n'a été construite dans le secteur automobile au Canada, et il faut même remonter encore plus loin dans le temps pour retracer des progrès semblables.
    Si je vous donne cet exemple, c'est parce que je voudrais prendre les quelques minutes qu'il nous reste pour discuter d'un des éléments que vous avez mentionnés, monsieur Geist. Il s'agit de la question des brevets et du niveau de protection qui n'est pas nécessairement... Vous avez parlé de l'industrie pharmaceutique où l'engagement est à hauteur de 10 %. C'est ce qui a été convenu. Reste quand même que certaines barrières non tarifaires peuvent entraver l'innovation canadienne, notamment via la chasse aux brevets et les restrictions applicables. En quoi cela peut-il faire en sorte que des idées canadiennes ne se concrétiseront pas nécessairement?
(1005)
    Je pense que cela illustre bien la pertinence des exemples fournis précédemment au sujet des entreprises canadiennes qui s'exposent à des poursuites aux États-Unis ou qui risquent d'être confrontées au phénomène des taillis de brevets ou à d'autres mécanismes limitant leur capacité d'innovation et même, dans une plus large mesure encore, de commercialisation. C'est un problème d'envergure.
    Nous devons instaurer au sein d'un plus grand nombre de nos entreprises une culture fondée sur une démarche plus agressive. Il faut dans certains cas qu'elles misent sur leur propre portefeuille de brevets. Il convient de plus qu'elles soient suffisamment informées des différents moyens à leur disposition pour protéger leur propriété intellectuelle. Il y a également l'avenue des secrets commerciaux. Il faut en outre reconnaître qu'en certaines occasions, la propriété intellectuelle n'est pas le seul champ de bataille possible. La réussite est souvent au rendez-vous lorsque vous êtes le premier à proposer un produit sur le marché et que vous vous distinguez par votre grande capacité d'innovation. Il faut également avoir le dynamisme et l'esprit d'entreprise nécessaires et ne pas attendre que toute la panoplie des droits de propriété intellectuelle entrent en jeu pour aller de l'avant.
    Il s'agit simplement parfois d'être prêt à foncer. Je présume que vous avez pu l'observer avec l'Internet où de nombreuses entreprises tablent sur la croissance la plus rapide possible. Plutôt que de s'inquiéter de l'état de leur portefeuille de brevets, ces entreprises s'emploient en priorité à accroître le plus rapidement possible leur part du marché planétaire.
    Merci beaucoup.
    Ce fut une heure très intéressante et nous espérons en avoir encore bien d'autres dans le cadre de la présente étude.
    Nous allons nous interrompre quelques instants, avant de reprendre nos travaux à huis clos pour discuter de questions administratives.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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