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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 057 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 avril 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Nous revenons de notre étude du projet de loi C-337 la Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel pour ce qui a trait aux agressions sexuelles. Nous avons la chance d'avoir aujourd'hui de nombreux témoins. Je commence par Jemery Dial, le directeur général du Centre canadien pour la diversité des genres et de la sexualité, et Katerina Frost, qui en est la coordinatrice des affaires gouvernementales.
    Nous avons aussi Bonnie Brayton, directrice nationale du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada.
    Nneka MacGregor et Mandi Gray de WomenatthecentrE.
    Et, par vidéoconférence de Halifax en Nouvelle-Écosse, Jackie Stevens, qui est la directrice générale de l'Avalon Sexual Assault Centre.
    Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins du jour. Pour commencer, chacun de vous aura le droit à cinq minutes pour ses commentaires.
    Nous commencerons par Katerina pour cinq minutes.
    Merci, chers membres du Comité, de nous avoir conviés ici aujourd'hui. Je m'appelle Katerina. Je représente le Centre canadien pour la diversité des genres et de la sexualité avec Jeremy Dias.
    En passant en revue ce projet de loi, nous avons noté les points suivants, que nous demandons respectueusement au Comité de prendre en considération. Tout d'abord, nous espérons que, dans vos délibérations au Comité, vous ne tiendrez pas compte du statut des hommes et des femmes cisgenres seulement, mais aussi des personnes transgenres, intersexuées, intergenres, à identité sexuelle changeante et non-conformistes sexuelles. Par exemple, un chiffre issu du sondage Trans PULSE de 2014 fait réfléchir: 20 % des personnes transgenres ont été agressées physiquement ou sexuellement parce qu'elles sont ce qu'elles sont.
    Le Comité a déjà inclus dans sa discussion du projet de loi l'intersectionalité dans la formation judiciaire sur la violence fondée sur le sexe et les contextes sociaux. Nous sommes d'accord pour dire que c'est un facteur important. Nous espérons que le Comité prendra aussi en compte, comme par le passé, le statut des gais, des lesbiennes et des bisexuels qui sont beaucoup plus souvent victimes de violences sexuelles que les hétérosexuels.
    En outre, nous demandons au Comité d'examiner les conséquences des poursuites pour agression sexuelle des personnes d'identité, d'expression et d'orientation sexuelle diverses. Si les membres de la magistrature ne suivent pas de formation couvrant ces points, nous craignons que des déclarations ou actes non intentionnels hétéronormatifs, homophobiques ou transphobiques ne créent, pour les victimes, encore plus de stigmatisation et d'humiliation. Nous espérons de plus que vous réfléchirez à la manière dont les formations peuvent aborder ces questions sensibles dans le cadre d'une expérience évidemment déjà traumatisante pour les victimes.
    Nous souhaitons encore que le Comité considère les changements du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel. Une fois que ce dernier aura été adopté, ce dont nous sommes absolument convaincus, il pourrait, selon nous, rester des interprétations problématiques de la loi dans les cas d'agression sexuelle où l'identité ou l'expression de genre jouent un rôle. Pour ce qui est de la formation des juges et de la formation juridique sur les agressions sexuelles, nous espérons que le Comité envisagera des mises à jour continues. Nous espérons que ce contenu sera ajouté à la formation, même si le projet de loi n'est pas adopté, car les personnes ayant contribué à l'élaboration du projet de loi C-16 ne vont pas disparaître. Elles demanderont avec plus de vigueur encore l'égalité, en tout et à tous les échelons.
    En matière de conception et de contenu de la formation des juges, nous espérons que le Comité réfléchira aux effets positifs de l'orientation par des membres influents de la communauté LGBTQ+ qui ont de l'expérience en accompagnement de victimes d'agressions sexuelles et en soutien aux personnes aux identités intersectionnelles et aux groupes marginalisés.
    Pour nous, ce projet de loi relève des droits de la personne: toutes les personnes, quels que soient leur genre ou leur orientation sexuelle, doivent être convaincues que le système judiciaire est en prise sur son époque, qu'il est bien renseigné et sensible à leurs besoins. Ce projet fait en sorte que les juges reçoivent une formation complète qui couvre la totalité des problèmes et des défis auxquels font face les membres de la communauté LGBTQ+.
    Merci.
(0850)
    Très bien.
    Nous passons maintenant la parole à Bonnie Brayton pour cinq minutes.
    Bienvenue à vous, Bonnie.
    J'aimerais commencer en reconnaissant que nous sommes réunis sur le territoire du peuple algonquin et que se déroule actuellement la Commission de vérité et réconciliation du Canada. J'ai été invitée à témoigner pour le projet de loi C-337. Je suis certaine que les autres personnes qui se présenteront devant vous se concentreront...
    Madame la présidente, puis-je faire une suggestion?
    La témoin arrive à l'instant dans la salle en raison de problèmes d'accessibilité. Si elle est d'accord, puis-je suggérer que nous passions au témoin suivant? C'est une question de cinq minutes seulement.
    Cela me donnerait quelques minutes pour reprendre mes esprits.
    Ce n'est pas un problème.
    Nous allons donc passer à Nneka MacGregor et à Mandi Gray. Vous avez cinq minutes.
    Chers membres du Comité, bonjour. Merci de votre extrême bienveillance à l'égard de Bonnie. Merci pour elle.
    De la part du Women's Centre for Social Justice, mieux connu sous le nom de WomenatthecentrE, nous vous remercions de cette occasion de soumettre nos propositions pour ce très important projet de loi.
    Notre coordinatrice aux agressions sexuelles, Mandi Gray, et moi sommes ici en tant qu'ex-victimes de violence sexiste pour parler de la nécessité de pouvoir compter sur une magistrature informée, grâce à une formation complète et efficace portant sur tous les aspects de la violence à l'encontre des femmes, y compris les agressions sexuelles.
    Tout d'abord, sachez que la plupart de mes commentaires sont fondés sur un projet pilote de suivi de poursuites judiciaires que nous avons mené en 2014-2015. Nous avons effectué un examen rapide des affaires traitées dans plusieurs tribunaux spécialisés en violence familiale, à Toronto. Les constatations des observateurs ont un rapport direct avec les questions abordées dans ce projet de loi.
    Les seules poursuites connues du grand public sont celles qui sont assez importantes pour se retrouver dans la presse, comme le deuxième procès présidé par le juge Robin Camp. Ses commentaires odieux et irréfléchis peuvent passer pour des aberrations occasionnelles. Mais nous, les femmes ayant subi des agressions sexuelles, savons que ce type de commentaires et d'attitudes sont bien plus répandus qu'on le dit. Ils participent de la misogynie habituelle des tribunaux du pays entier, et cela a été confirmé par notre programme d'observation. La seule différence est que personne n'observe les autres juges qui font des commentaires semblables, qui ont ce type de point de vue qui culpabilise les victimes et qui, souvent, ne justifie pas les décisions qu'ils rendent. Personne ne les dénonce ouvertement, ce qui leur permet de continuer à n'accorder aucune considération aux victimes, et ce qui fait pencher la balance en faveur des accusés.
    Dans beaucoup trop de procès pour agression sexuelle, des membres de la magistrature s'en sont pris aux plaignantes comme s'ils les considéraient comme fautives. On les rend responsables de la violence de leur agresseur. C'est comme tenir le propriétaire de la maison responsable du cambriolage. La société ne fait pas ça, alors pourquoi les femmes victimes d'une agression sexuelle sont-elles traitées différemment? C'est en grande partie dû au fait que les personnes qui président au déroulement de ce type de poursuites n'ont pas reçu l'éducation ni la formation nécessaires pour comprendre les facteurs différentiateurs des cas d'agressions sexuelles. Elles ne savent pas pourquoi ces cas doivent être traités différemment.
    Dans notre observation des tribunaux, nous avons documenté de nombreux cas dans lesquels le juge n'a pas tenu l'agresseur comme responsable, même après que celui-ci ait plaidé coupable. Dans certains cas, comme dans celui du juge Robert Camp, nous avons relevé des propos monstrueux mais ne les avons pas mentionnés, bien que nous envisagions de le faire à l'avenir, dans notre suivi du travail des tribunaux.
    Je passe maintenant la parole à ma collègue Mandi Gray.
    Merci beaucoup.
    Bonjour. Je m'appelle Mandi Gray. Je travaille pour WomenatthecentrE. Je suis étudiante de doctorat et je me remets à peine d'un procès pour un viol dont j'ai été victime.
    Il est important de remarquer que le Canada a les lois parmi les plus progressistes en matière de consentement et de protection de la vie privée des plaignants. Le problème provient du fait que les juges ont du mal à appliquer la loi. Ceci est en particulier vrai quand l'agression sexuelle sort de l'archétype de la jeune victime blanche et sobre violemment attaquée par un étranger, racialisé, dans un lieu public.
    Je vais me concentrer sur deux préoccupations principales que j'ai remarquées dans les tribunaux canadiens et qui pourraient contribuer à corriger certaines des attitudes discriminatoires. Le premier est le besoin de formation sur les dispositions du Code criminel. Le second porte sur la formation sur les cas où l'alcool est un facteur.
    Il existe un besoin en ce qui concerne l'article 276 du Code criminel, qui porte sur les antécédents sexuels, et l'article 278 qui porte sur les dossiers de tierces parties. On les appelle communément les « lois sur la protection des victimes de viol. »
    En théorie, il faut effectuer une demande pour contre-interroger un plaignant sur son activité sexuelle antérieure ou pour accéder à ses dossiers de tierces parties, qui sont en général des dossiers de thérapeutes ou d'autres dossiers médicaux. La décision du juge de déposer en preuve l'un ou l'autre peut avoir de sérieuses implications pour la plaignante. Il est donc impératif que cette décision soit éclairée.
    Lors de l'audience pour la demande de communication de dossiers de tiers, la partie plaignante a le droit d'être représentée par un avocat payé par les services de l'aide juridique. Par contre, pour une demande d'antécédents sexuels, même si la partie plaignante paye pour être représentée par un avocat, elle a l'interdiction d'assister à l'audience.
    Étant donné que les tribunaux ont le droit de mettre les détails les plus intimes dans les archives publiques, il est de la plus haute importance que le juge soit conscient des motifs très limités dans lesquels les antécédents sexuels sont pertinents dans une affaire d'agression sexuelle. Bien entendu, le juge doit faire en sorte que l'accusé ait le droit à un procès équitable, mais il ne peut pas non plus autoriser une défense discriminatoire. En théorie, cela semble être une tâche facile, mais elle s'est révélée très difficile dans la pratique. Même lorsque l'avocat de la défense ne fait aucune des deux demandes ou lorsqu'il les présente et qu'elles sont refusées par un juge de première instance, il utilise dans son interrogatoire des questions interdites, en se disant que ni la Couronne ni le juge n'interviendront, même s'il agit au mépris des règles.
    Il est également important que toute formation traite du rôle de l'alcool, qui représente un danger particulier si la victime femme suit des études postsecondaires. L'alcool joue un rôle dans la plupart de ces cas. Il n'existe pas de limite définie d'ivresse pour les cas d'agression sexuelle, ce qui peut représenter une difficulté pour un juge ayant peu d'expérience dans le domaine. Cela explique peut-être aussi partiellement pourquoi les cas où l'alcool entre en jeu ne débouchent presque jamais sur une condamnation.
    Beaucoup de ressources sont investies dans campagnes sur les réseaux sociaux, mais on n'en constate pas les résultats dans les tribunaux canadiens. Dans la situation actuelle, l'alcool est l'alibi parfait dans les affaires d'agression sexuelle. On peut changer cela de deux façons, soit en donnant aux plaignants un avocat, soit en apprenant aux intervenants du système judiciaire à appliquer les lois du Canada.
(0855)
    Très bien. Nous donnons maintenant la parole à Bonnie Brayton pour cinq minutes.
    Encore une fois, bonjour.

[Français]

    Bonjour à toutes et à tous.
    Merci.

[Traduction]

    Je tiens à rappeler que nous sommes en territoire algonquin.
    J'ai été invitée pour parler du projet de loi C-337, et je suis persuadée que les personnes qui me suivront se concentreront sur le contenu et la substance de ce projet de loi, qui, comme nous le savons, traite de la nécessité d'avoir un système judiciaire bien informé en ce a trait aux agressions sexuelles.
    Comme le temps est limité, nous avons choisi de nous concentrer sur la décision de la Cour suprême, dont nous pensons qu'elle indique clairement pourquoi la formation des juges est essentielle. Nous suggérerons également une révision détaillée du contenu de cette formation pour faire en sorte que le cours comprenne la gamme des mesures d'adaptation nécessaires pour appuyer toutes les femmes.
    Le 10 février 2012, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire R. c. D.A.I. LEAF, dans laquelle le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada avait été intervenant. Dans cette décision, la juge en chef McLachlin, s'exprimant au nom de la majorité, a qualifié l'agression sexuelle de fléau et a reconnu que les femmes ayant une déficience intellectuelle en sont les victimes dans une proportion alarmante. La Cour a confirmé l'importance du témoignage des femmes ayant une déficience intellectuelle et reconnu que celui-ci est essentiel pour arrêter les abus sexuels et faire en sorte que les agresseurs soient traduits en justice.
    La question légale posée à la Cour portait sur l'interprétation du paragraphe  16(3) de la Loi sur la preuve au Canada qui permet à un témoin ne pouvant pas comprend la nature du serment ou de l’affirmation solennelle de témoigner en jurant de dire la vérité. Les tribunaux inférieurs ont adopté une pratique exigeant de tout témoin qui souffre de déficience intellectuelle d'expliquer la signification de concepts comme celui de promesse, de vérité et de mensonge. Aucune autre catégorie de témoins, pas même les parjures reconnus coupables, ne sont soumis à un tel questionnement avant leur témoignage.
    La décision de la Cour suprême du Canada précise que les personnes ayant une déficience intellectuelle ne sont pas tenues de répondre à un critère plus rigoureux que n'importe quel autre témoin avant même d'être appelées à la barre. Si un témoin peut communiquer ses expériences et décrire ce qui lui est arrivé, il peut témoigner après avoir promis de dire la vérité.
    Dans sa décision, la Cour mentionne que, par le passé, les victimes d'infraction sexuelle souffrant de déficience intellectuelle avaient été empêchées de témoigner, non pas au motif qu'elles ne pouvaient pas raconter ce qui s'était passé, mais parce qu'elles n'étaient pas capables d'expliquer clairement en termes abstraits la différence entre la vérité et un mensonge.
    Les femmes ayant une déficience intellectuelle ou cognitive, y compris celles atteintes de lésions cérébrales découlant de violences sont victimes d'agressions sexuelles dans une proportion effarante, car elles sont perçues comme des victimes faciles. Les agresseurs pensent que les femmes ayant un handicap ne pourront pas se plaindre ou qu'on ne les croira pas si elles le font. En rendant cette décision, la Cour suprême a reconnu cette réalité et confirmé que leur témoignage est essentiel pour qu'il y ait de véritables possibilités de poursuites.
    La Cour suprême a reconnu que le témoignage des femmes atteintes d'un handicap mental permet la recherche de la vérité, qui est le but du procès criminel, ce qui est particulièrement important étant donné la prévalence des agressions sexuelles et l'importance du signalement et des poursuites judiciaires pour la société. Comme l'a elle-même déclaré la Cour, l'exclusion des preuves exonérerait de fait une catégorie entière de contrevenants de toute responsabilité criminelle relativement à leurs actes, ce qui aurait un effet dévastateur sur les femmes victimes et sur la société dans son ensemble.
    La décision rendue par la Cour suprême du Canada fait également remarquer que, pour interroger un adulte ayant une déficience intellectuelle, il peut être nécessaire d'adopter des mesures d'adaptation tenant compte de ses besoins particuliers afin que la personne rende le meilleur témoignage possible. On rejoint ici les lois internationales appliquées ailleurs dans le monde. Par exemple, le Royaume-Uni a actuellement une grande avance sur le Canada. Les personnes ayant des troubles de communication ou une déficience intellectuelle sont aidées par des intermédiaires qui les aident à accéder à tous les échelons du système de justice, de la déposition au poste de police, au témoignage devant le tribunal. La prochaine étape logique pour le gouvernement fédéral est de créer une liste d'intermédiaires pour les témoins et de leur apporter son appui.
    Cette décision est également conforme aux engagements internationaux du Canada en matière de droits de la personne. La Convention relative aux droits des personnes handicapées de l'ONU nous indique qu'il faut respecter l'article 13, le droit a un accès égal à la justice et l'article 16, qui engage les États signataires à faire en sorte que les cas d’exploitation, de violence et de maltraitance des personnes handicapées soient dépistés, fassent l’objet d’une enquête et, le cas échéant, donnent lieu à des poursuites.
    Au Canada et dans le monde entier, cette décision est considérée comme une grande victoire pour les femmes et les personnes handicapées, et elle ouvre droit à faire appel dans toutes les juridictions du monde.
(0900)
    Très bien. La parole est maintenant à Jackie Stevens, qui est directrice générale de l'Avalon Sexual Assault Centre.
    Je m'appelle Jackie Stevens, de l'Avalon Sexual Assault Centre. Je tiens à souligner que je vous présente mon exposé ce matin à partir du territoire non cédé du peuple micmac ici, à Halifax.
    L'Avalon Sexual Assault Centre est une organisation féministe, qui tient compte des traumatismes et qui offre des services aux personnes touchées par la violence sexualisée. Avalon met principalement l'accent sur les services de soutien, de formation, de counselling, de leadership et de défense des intérêts à l'intention des femmes, des transgenres ainsi que des personnes ayant des identités sexuelles non binaires.
    Avalon offre aux femmes, aux transgenres et aux personnes ayant des identités sexuelles non binaires de 16 ans et plus des services de programme et de counselling thérapeutique de groupe et individuels tenant compte des traumatismes, relativement aux agressions sexuelles ou à l'exploitation sexuelle. Nous offrons une formation communautaire, une sensibilisation du public ainsi que de la formation juridique et professionnelle ciblant la prévention de la violence sexualisée, l'intervention et le soutien aux victimes et survivantes.
    Avalon offre aussi un programme d'infirmières-examinatrices préposées aux victimes d'agressions sexuelles qui fournit une intervention immédiate auprès des victimes d'agression sexuelle de tous les âges et de tous les genres nécessitant des soins médicaux et la collecte de preuves médico-légales.
    Avalon possède l'expertise et l'expérience de desservir directement les personnes qui ont fait l'objet d'une violence sexualisée, en plus de préconiser une sensibilisation pour une intervention communautaire axée sur l'égalité en ce qui concerne la violence sexualisée. Nous offrons des services de formation et de défense des droits juridiques sur ces questions en Nouvelle-Écosse depuis 1983.
    Avalon possède une expertise dans le domaine de l'égalité véritable, de la discrimination sexospécifique et différenciée selon les sexes ainsi que du droit relatif aux agressions sexuelles. L'exposé est censé fournir au Comité permanent de la condition féminine d'autres points d'analyse et d'examen concernant le projet de loi C-337.
    Avalon a un intérêt important dans ce projet de loi et le travail du Comité, en raison de son importance pour le développement de la jurisprudence en matière d'agression sexuelle et l'incidence de cette jurisprudence sur l'égalité réelle des femmes, notamment les femmes directement desservies par le centre Avalon.
    Voici quelques points que j'aimerais que vous preniez en considération dans le cadre de votre examen du projet de loi.
    Premièrement, des exemples notoires d'échec systémique à tous les niveaux du processus juridique ont donné lieu à des faibles taux de déclaration des agressions sexuelles, et ont amené les victimes à décider de ne pas participer au processus juridique ou à ne pas continuer avec ce processus après une agression sexuelle ou des actes de violence.
    Deuxièmement, il y a un niveau de méfiance et un manque de confiance en ce qui concerne le processus de justice pénale sur les agressions sexuelles, non seulement de la part des victimes, mais aussi du grand public.
    Troisièmement, il existe une perception selon laquelle les droits de la personne accusée sont plus importants que ceux des victimes, et que la justice n'est pas possible pour les victimes de violence sexualisée dans le cadre de l'actuel processus judiciaire.
    Quatrièmement, les enjeux présentés au public suite à de nombreuses affaires médiatisées ont fait augmenter le nombre de personnes qui rendent publiques leurs expériences devant les tribunaux et qui cherchent des systèmes ainsi qu'une défense des droits et un soutien juridiques.
    Finalement, les avocats œuvrant dans le domaine des agressions sexuelles ne disposent pas de ressources adéquates pour offrir une surveillance permanente des tribunaux ainsi qu'un soutien d'aide judiciaire, en plus d'examiner la nécessité de réformes et de changements tant au niveau des victimes individuelles que de la société et du système.
    La réforme de la justice pénale devrait continuer à se fonder sur l'histoire de la réforme du droit relatif aux agressions sexuelles au Canada et dans l'intention du Parlement d'exclure les mythes et stéréotypes discriminatoires à l'endroit des femmes du processus décisionnel judiciaire.
    Les déclarations passées et présentes dans des décisions, notamment celles des juges McClung et Lenehan, et du juge Camp, démontrent un désintéressement envers les femmes qui ont été ciblées pour une violence sexualisée. Leurs commentaires sont enracinés dans la misogynie, les stéréotypes sexospécifiques et les mythes relatifs aux agressions sexuelles. Leurs décisions démontrent également une discrimination fondée sur l'âge, la race, et la perception de ce qu'est un comportement jugé approprié.
    Ce qu'il est essentiel de souligner, c'est que leurs décisions démontrent également un manque de compréhension de l'agression sexuelle et du consentement au sens du Code criminel du Canada et un mépris évident des lois.
    Les processus de réforme devraient traduire une analyse sexospécifique des expériences des victimes et des survivants d'agression sexuelle, tant lorsqu'elles sont victimisées que devant le tribunal. L'agression sexuelle et l'exploitation sexuelle se font d'une position de pouvoir et de contrôle, et certaines victimes sont ciblées en raison de leur sexe, de leur race ou de leur marginalisation sociétale. Les lois relatives aux agressions sexuelles en vertu du Code criminel ne sont pas sexospécifiques. Cependant, la façon dont elles sont administrées et interprétées est presque toujours fondée sur des perceptions sociétales liées au sexe, à la race, à l'âge, aux déficiences, etc.
    De nombreuses affaires d'agression sexuelle font l'objet d'enquêtes, de procès, et elles sont décidées en fonction du comportement et des actions de la victime pour déterminer le consentement ou pour réfuter qu'il y a eu agression sexuelle, plutôt que sur le comportement de la personne accusée qui démontre des actions prédatrices, intentionnelles ou criminelles.
    Les réformes devraient s'appliquer à tous les niveaux de tribunaux, et non seulement les cours supérieures canadiennes, et devraient refléter toutes les formes de violence ou d'agression sexuelle au sens de la loi.
(0905)
    Indépendamment du projet de loi C-337, j'aimerais que le Comité tienne compte des pratiques en place pour s'assurer que les politiques, lois et mandats existants relativement aux décisions et à la formation des juges sont respectés, et comment le Comité peut influer sur ces processus actuels ou les améliorer.
    Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
    Nous passons aux questions. Madame Damoff, vous avez sept minutes.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier tous de comparaître et je tiens à m'excuser auprès de vous, Bonnie, pour les problèmes que vous avez eus pour entrer dans l'édifice. C'est inacceptable, et vous avez ma parole que nous ferons un suivi auprès des responsables de l'édifice pour nous assurer que cela ne se reproduit pas pour quiconque veut participer à une séance du Comité.
    Merci.
    Nous en sommes à notre deuxième journée de témoignages concernant ce projet de loi. Quand nous entendons parler de décisions, comme dans le cas où il a été dit qu'une personne en état d'ébriété est capable de donner son consentement, ou des commentaires faits par l'ancien juge Camp avant que le gouvernement précédent le nomme à la Cour fédérale, tout le monde ici s'entend pour dire que ces commentaires sont tout simplement inacceptables et nous devons faire quelque chose pour les éliminer.
    La question est donc de savoir comment nous nous y prenons, parce que ces deux juges sont actuellement en fonction et que nous, les législateurs, n'avons pas la capacité d'exiger qu'ils suivent une formation. Par contre, nous avons la capacité de fournir des ressources de formation. Nous avons donc fourni 2,7 millions de dollars à cet effet. De plus, lors de notre dernière séance, nous avons accueilli la juge Kent qui a indiqué qu'il y aura dorénavant une formation obligatoire pour les juges. Voilà un véritable bon pas.
    Nous avions également Ursula Hendel, qui a parlé des procureurs de la Couronne et du fait qu'il n'y a absolument aucune formation qui leur est donnée. Elle est une procureure de la Couronne depuis 20 ans et elle a dû attendre cinq ans avant de recevoir sa première formation.
    Je me demande si vous pourriez parler de la nécessité d'une formation pour les procureurs de la Couronne, surtout compte tenu de certains des groupes que vous représentez et qui comptent parmi les plus marginalisés dans nos collectivités. Pourriez-vous tout simplement nous parler de ce besoin, et s'il y a un rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer dans la formation des procureurs de la Couronne? Vous pouvez tous nous parler de cet aspect si vous le souhaitez.
    D'abord et avant tout, je tiens à remercier le Comité une fois de plus de nous avoir invités. Nous sommes vraiment heureux d'être parmi vous.
    Pour ce qui est des procureurs de la Couronne, je parlerai tout simplement du point de vue de mon expérience personnelle lorsque ma cause a été instruite. Le procureur de la Couronne a indiqué qu'il n'avait pas suffisamment de temps, même pour me parler. Pour moi, ce fut la partie la plus désolante de mon expérience. J'ai dû traiter avec le service de police d'Ottawa et les détectives. Ils ont recueilli mon témoignage, et avant même que le procès débute, il y avait un règlement hors cour. J'ai supplié le procureur de la Couronne de prendre cinq minutes pour me rencontrer, mais il a indiqué qu'il était tout simplement trop occupé.
    Ensuite, après avoir fait des recherches, j'ai constaté que de nombreux procureurs de la Couronne sont surchargés de travail et qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment de ressources pour qu'ils puissent faire leur travail. Même avant que nous parlions de formation pour les procureurs de la Couronne, je pense qu'il est vraiment important que nous reconnaissions que le système est plutôt surchargé. Les procureurs ont des charges de travail élevées, le taux de roulement est élevé et l'acquisition d'une expertise est difficile.
    Pour l'avenir, je pense que le gouvernement fédéral doit tendre la main aux gouvernements provinciaux. Étant donné que les avocats sont formés au niveau provincial dans les écoles de formation, qu'il considère que la démarche actuelle constitue une partie obligatoire de la formation. Plusieurs membres de notre personnel et plusieurs de nos bénévoles, qui viennent de terminer leurs études en droit ou qui sont des avocats au sein de notre équipe, n'ont jamais même parlé de questions reliées aux LGBTA, et encore moins de déficiences, de race ou d'intersectionnalité.
    Que vous puissiez passer de la maternelle à la fin de vos études en droit sans parler de ces questions vraiment essentielles est renversant. De plus, bien que je comprenne qu'il s'agit maintenant d'une question relevant des provinces et des territoires, je pense vraiment que le leadership venant de vous tous autour de cette table a le pouvoir de sensibiliser les ministres de l'Éducation à ce problème que vous constatez au niveau fédéral et... comment ils pourraient s'attaquer à la question avant même qu'elle ne devienne un problème dans l'avenir. Il y a un aspect à long terme à examiner, mais aussi un aspect à court terme.
    Je reconnais également que la formation — et je serai bref, parce que je sais que ces intervenants veulent prendre la parole...
(0910)
    Je ne dispose pas de beaucoup de temps. Pouvez-vous conclure afin que d'autres personnes puissent présenter leurs observations?
    Très rapidement, le dernier point que je veux soulever est que bien que nous reconnaissions qu'il y a de nouveaux fonds pour donner de la formation aux juges, je ne pense pas que ces fonds devraient être confiés à des organisations communautaires pour qu'elles donnent la formation et que cette dernière se fasse en collaboration, par opposition...
    Je m'excuse. Voulez-vous dire que vous devriez donner la formation aux juges?
    Oui, au lieu de donner les fonds aux juges afin qu'ils se forment eux-mêmes et qu'ils décident qui ils doivent former, je pense que les fonds devraient être confiés à des organisations communautaires afin que nous soyons les responsables de la formation et je pense que la formation doit être obligatoire et donnée par des organisations communautaires. Si vous voulez donner une formation sur les questions liées aux LGBTA, vous venez au Centre canadien pour la diversité des genres et de la sexualité — vous voyez ce que je veux dire —, une organisation désignée...
    Ce que le gouvernement fait avec Xerox, n'est-ce pas? Si vous voulez payer pour une photocopie qui est faite avec...
    Je dois vous interrompre, parce qu'il ne me reste que deux minutes.
    J'ai terminé.
    Je tiens tout simplement à dire très rapidement que mon expérience a été une anomalie totale. La Couronne avait une excellente analyse du droit relatif aux agressions sexuelles, le juge était un expert du domaine des agressions sexuelles, et pourtant j'ai été absolument brutalisée en contre-interrogatoire. La Couronne est terrifiée de s'objecter aux questions problématiques, parce que tout est tellement normalisé dans la salle d'audience.
    La cause est maintenant en appel, parce que le juge était trop formé sur les agressions sexuelles, et on a l'impression que la condamnation allait être infirmée. Je pense que c'est principalement relié au changement des normes quant à ce qui est acceptable dans la salle d'audience, parce que cela est devenu tellement normalisé que même les intervenants qui possèdent cette expertise et cette formation sont considérés comme partiaux ou craignent de s'objecter à des questions particulières, parce qu'ils s'inquiètent d'un appel devant une cour supérieure.
    Même dans le cas de la formation, je pense qu'il s'agit davantage de modifier le cadre d'un procès pour agression sexuelle dans sa forme actuelle.
    Je pense que les discussions que nous avons sont importantes pour modifier aussi cette conversation.
    Bonnie.
    De fait, j'assisterai la semaine prochaine à la conférence provinciale des procureurs de la Couronne et je donnerai un atelier sur la décision D.A.I. Je suis convaincue qu'il s'agit là d'une façon très importante de voir aussi un plus grand nombre de condamnations. Il ne fait aucun doute que la partie sur les procureurs de la Couronne est extrêmement essentielle.
    J'appuie ce que Jeremy a dit. Comme vous l'avez entendu dans mes propos liminaires, il est assez évident que des ajustements doivent être apportés même à la formation actuelle des juges. Je dirais que tant pour les juges que pour les procureurs de la Couronne, vous devez faire intervenir des organisations de la société civile qui ont l'expertise pour donner cette formation.
    Aviez-vous quelque chose à ajouter? J'allais passer à ma question suivante.
    J'aimerais ajouter deux choses, si c'est possible.
    Bien sûr. Allez-y.
    Merci.
    Il y a deux éléments liés à la question de la formation des procureurs de la Couronne.
    Ici, en Nouvelle-Écosse, le service des poursuites pénales de la Nouvelle-Écosse est indépendant du ministère de la Justice. Je sais qu'il s'agit d'une situation unique au pays. Lorsqu'il est question de rendre obligatoires des choses comme la formation et des politiques, le contexte est légèrement différent ailleurs, notre ministre de la Justice n'ayant aucun pouvoir sur la Couronne.
    L'autre élément est que récemment, le gouvernement libéral de la Nouvelle-Écosse a nommé deux procureurs de la Couronne chargés des agressions sexuelles, des procureurs qui seront formés de façon précise et qui se spécialiseront dans la poursuite des affaires d'agression sexuelle. Bien entendu, nous espérons que cette mesure modifiera de façon radicale le climat que l'on a connu récemment ici en Nouvelle-Écosse.
(0915)
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Vecchio. Vous avez sept minutes.
    Tout d'abord, je tiens à apporter une correction. Mme Damoff a indiqué qu'il y avait une formation obligatoire. Cette formation obligatoire est pour les nouveaux juges; elle n'est pas pour les juges actuellement en fonction. Je veux tout simplement m'assurer que le compte rendu le mentionne.
    L'autre jour, nous avons accueilli d'excellents témoins experts et, en regardant les témoins que nous accueillons aujourd'hui, vous formez un groupe extraordinaire, surtout lorsque nous tenons compte de certains des enjeux.
    L'un de ces enjeux est la diversité. Mme Elaine Craig a déclaré:
La diversité dans la magistrature constitue un énorme enjeu qui a le potentiel d'améliorer un éventail d'aspects du processus... Indépendamment du bassin, nous parlons d'un facteur démographique très étroit touchant des personnes très privilégiées.
    Je pense que nous devons toujours en tenir compte. Nous parlons d'investir de l'argent dans des juges et un éventail d'autres choses du genre, mais nous devons reconnaître — et il est fantastique de voir notre groupe de témoins ici aujourd'hui — que nous menons tous des vies différentes. Par conséquent, pour que quelqu'un comprenne... Nous parlons d'un groupe ici qui essaie de comprendre un groupe là-bas, ce qui ne va pas vraiment se produire. Je pense qu'il est très important que, lorsque nous examinons cette formation, elle doit être offerte.
    J'essaie de savoir ce que vous en pensez. Nous parlons de membres de la communauté LGBTA. Nous parlons de personnes handicapées. Je pense qu'il est très important de reconnaître que les juges qui instruiront ces causes, qui ont soit déjà été choisis ou qui sont en fonction depuis plusieurs années, ont besoin de suivre cette formation.
    Quelles sont vos préoccupations relativement à l'avenir? Nous avons parlé de la formation obligatoire. Nous savons que la formation obligatoire touche à tout, pas seulement l'agression sexuelle. Nous voulons jeter un coup d'œil précis sur l'agression sexuelle.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Jeremy, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je commencerais par vous.
    Je vais laisser Bonnie commencer, j'ai été le premier au dernier tour.
    Merci, Jeremy.
    Je pense que vous soulevez un point très important. Il est bien évident que l'une des choses que nous aimerions, ce serait de voir plus de juges provenant de communautés diverses. Il s'agit là d'une façon très essentielle de commencer à changer la conversation.
    C'est essentiel, mais le problème est que nous devons reconnaître que le bassin n'est pas là. Il s'agit d'un aspect à l'égard duquel je voulais vraiment savoir ce que vous en pensiez. C'est d'ailleurs pour cette raison que je pense que la formation obligatoire est si importante. Nous ne parlons peut-être pas du palier supérieur de 1 %, mais des personnes qui ont le privilège ou qui ont eu la possibilité d'arriver là où elles en sont aujourd'hui.
    Continuez. Merci.
    Pour cette raison précise, voilà pourquoi cette formation obligatoire doit être donnée. C'est pour cela que nous insistons tellement pour nous assurer que le programme d'études est élaboré de façon appropriée et couvre toute la gamme des connaissances dont ils ont besoin pour rendre ce genre de décisions qu'on leur demande de rendre et pour superviser ces affaires.
    Je pense que l'on a également soulevé plus tôt le fait que l'une des choses « désintéressées » auxquelles nous devons songer à cet égard, encore une fois, est que la recommandation aux ministères de l'Éducation concerne des rajustements dans le programme d'études. L'une des façons utilisées par RAFH pour essayer d'aborder cette question a été l'élaboration de ce que nous appelons des « résumés d'apprentissage ». Nous avons élaboré ces résumés d'apprentissage et nous les avons transmis aux facultés de droit, aux programmes d'études sexospécifiques et à une gamme d'établissements d'enseignement postsecondaire au sujet de l'idée voulant que, parce que le programme d'études n'existe pas, il est important d'avoir des exemples, notamment l'affaire R. c. D.A.I., et de s'en servir en salle de classe.
    Je suis d'accord, cela ne règle pas le problème dont vous parlez en ce moment. Je pense que la raison pour laquelle l'actuel projet de loi est si important est précisément cela, parce que nous devons passer de quelque chose qui n'est pas obligatoire à quelque chose qui l'est, y compris pour les personnes qui occupent déjà cette place de privilège.
    Merci beaucoup, Bonnie.
    Pour nous, c'est vraiment une question de savoir qui donne la formation et la qualité de l'information qui est transmise. En tant que survivantes, lorsque nous parlons, nous le faisons du point de vue de l'expérience vécue. Nous parlons d'enjeux, comme ceux dont Mandi et Jeremy ont parlé, comme l'incidence que leur procès a eue sur eux, et des leçons que vous pouvez tirer après avoir passé au travers de tout ce processus.
    Pour nous, la formation obligatoire est importante, mais qui donne cette formation? Vous devez inclure la voix des personnes qui ont vécu cette situation, parce que c'est notre expérience qui va en réalité modifier la perception et la compréhension.
    Tout à fait.
    Mandi.
(0920)
    Je suis tout à fait d'accord.
    Fantastique.
    J'ajouterai tout simplement qu'il y a un besoin tellement criant de diversifier le bassin dès le départ. Je pense que l'absence d'un accès à la formation pour les LGBTA, surtout les transgenres et les personnes ayant des identités sexuelles non binaires, demeure un problème crucial. Une fois de plus, je pense que nous devons envisager forcer les provinces à subventionner ou à rendre plus équitable l'accès à l'éducation de sorte que les jeunes puissent gravir les échelons un peu plus haut et parvenir à de vraiment belles perspectives. Il est aussi très essentiel que les dirigeants s'impliquent et appuient d'autres personnes qui occupent des postes marginalisés.
    Bien entendu, la première étape à cet égard est de créer ce dialogue. Encore une fois, je veux tout simplement réitérer le point soulevé par Pam. Si les législateurs, les sociétés d'aide juridique canadiennes, les barreaux et les juges se donnent eux-mêmes une formation, le problème est que la société civile est tenue à l'écart de la conversation. La première étape est d'ouvrir les portes afin que nous puissions dialoguer avec eux dans le cadre de cette conversation. Ensuite, la deuxième étape est qu'ils créent cet espace afin que nous puissions postuler ces emplois et postuler pour ces perspectives et nous voir nous-mêmes dans ces dernières.
    Merci beaucoup.
    Jackie, je vous donne la parole afin que vous puissiez terminer la dernière question et aborder la nouvelle. Nous avons entendu parler des affaires qui retiennent l'attention du public. Nous savons que vous avez de nombreuses causes, et je sais même que dans la région de London, où j'ai parlé aux responsables de Violence Against Women, il y a énormément de femmes avec lesquelles nous travaillons et envers qui le système de justice n'a pas été équitable.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la dernière question ainsi que des autres situations qui ne retiennent pas nécessairement l'attention du public, des choses avec lesquelles vous avez dû composer et pour lesquelles vous avez constaté que le système de justice ne les appuie pas à cause du manque de compréhension?
    Merci.
    Quelques-unes de mes observations toucheront à ces deux questions, je pense.
    Au fil des ans, la Nouvelle-Écosse a eu l'un des plus faibles taux de signalement, d'accusations, de condamnations et d'imposition d'une peine. Bien entendu, alors que nous essayons de comprendre et de s'expliquer la situation, une partie du problème provient d'après nous de l'histoire qui nous indique à quel point la violence sexualisée était cachée dans notre province et l'absence, jusqu'à tout récemment, de services complets d'un bout à l'autre de la province pour régler ces problèmes avec les victimes et les survivantes. On ne disposait tout simplement pas des ressources ou des services et programmes spécialisés qui peuvent offrir les soutiens dont les victimes ont besoin dans tout le spectre, depuis le moment de la divulgation, si elles choisissent de le faire, jusqu'au processus de justice pénale, mais également au-delà.
    Il y a 20 ans, le Avalon Centre a mis en œuvre le premier programme spécialisé de counselling thérapeutique relié aux agressions sexuelles qui tient compte des traumatismes. Il a été le seul en son genre jusqu'à tout récemment. Il n'en demeure pas moins que les gens n'ont pas eu accès aux services et aux soutiens, ou encore on ne disposait pas des ressources pour fournir la défense des droits et les actions et l'activisme à long terme dont les gens ont besoin à tous les niveaux. Ils sont essentiels ici, en Nouvelle-Écosse.
    Votre temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Malcolmson. Vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Nous avons beaucoup de chance. Tous les témoins nous ont donné énormément de matériel dont nous pourrons tenir compte dans nos recommandations définitives.
    Je tiens aussi à vous donner l'assurance que du côté du NPD, nous insistons pour avoir un véritable plan d'action national afin de mettre un terme à la violence à l'endroit des femmes. Il nous donnerait le leadership, pour former la police, pour former les établissements d'enseignement, pour obtenir une culture de consentement dans tout le système, comme d'autres pays, par l'entremise des Nations unies, l'ont fait. Cet élan continue.
    Par contre, pour ce qui est de notre étude, j'aimerais que les quatre groupes de témoins nous en parlent. Premièrement, pouvez-vous me dire si vous convenez que, pour obtenir la bonne formation pour les juges, vous devriez avoir accès au programme d'études afin d'aider à le concevoir et à l'éclairer? Deuxièmement, avez-vous été invités à le faire par le passé?
    Puis-je commencer avec RAFH et passer d'un groupe à l'autre jusqu'à Avalon?
    Vous posez une excellente question et, oui, je pense que cela est absolument essentiel. L'une des choses que 30 années de travail au RAFH nous ont enseignées, c'est que nous continuons, dans pratiquement tous les domaines, à constater que la compréhension de base des aménagements et du soutien à l'endroit des femmes handicapées a été un échec de l'État à chaque niveau. Clairement, le niveau de confiance que nous aurions en quiconque, sauf une organisation comme RAFH Canada qui s'impliquerait et élaborerait cette formation... Ce n'est tout simplement pas crédible.
    Pour ce qui est de la façon de le faire, il est important de comprendre aussi que de nombreuses organisations qui ont cette expertise ont été contestées et ont manqué de ressources depuis longtemps. En outre, la capacité de progresser avec une telle initiative doit être comprise comme étant quelque chose à long terme et qui s'engage à appuyer les organisations de femmes et les organisations pour les personnes que nous représentons. Il en est ainsi pour que nous puissions continuer à faire le travail et non à être nous-mêmes contestés au point où la capacité de donner cette formation essentielle n'est pas possible. Il s'agit d'un point qu'il est important de savoir.
    Merci beaucoup, Sheila.
(0925)
    J'aborde cette question sous un angle légèrement différent, parce que les gens parlent de tribunaux spécialisés et de spécialisation. Dans le cadre du programme de surveillance des tribunaux que nous avons mené en 2014-2015, nous l'avons fait auprès des tribunaux spécialisés en violence familiale. Nous avons constaté, et ce, de manière écrasante, que même si on parlait de « tribunaux spécialisés » qui comptaient sur des policiers spécialisés, des procureurs de la Couronne spécialisés et supposément des juges spécialisés, la réalité a été que même avec toute la spécialisation, il leur manquait l'analyse fondamentale des enjeux sexospécifiques. Vous auriez des exemples où une personne a effectivement le courage, va de l'avant, divulgue, la police enquête, et il y a procès. Peu importe l'accusation ou l'agression, on aboutit au même résultat. Chacun aboutit avec un engagement de ne pas troubler l'ordre public, et il s'en sort. Rien ne se produit.
    Pour moi, lorsque nous parlons de spécialisation, je reviens à la question de savoir qui donne la formation. Qui donne la formation qui vous permet de comprendre ce qui se produit effectivement dans ce contexte?
    Pour nous, pour répondre à votre question de savoir si nous avons déjà été invités, non, nous ne l'avons pas été. Il est essentiel de revenir au point que faisait valoir Jeremy, à savoir que vous ne pouvez pas former qui que ce soit sur une matière sans les experts. Il vous faut des experts pour faire la formation. Vous ne pouvez pas avoir des juges qui parlent à d'autres juges d'enjeux dont ils ne connaissent rien.
    Je vais être bref, car je sais qu'Avalon a beaucoup de choses à dire à ce sujet.
    Cela s'applique aussi à la formation offerte aux avocats dans notre pays. Plusieurs avocats au Canada doivent suivre une formation obligatoire de quelque 30 heures chaque année. Les avocats me disent continuellement que ces journées de formation sont souvent regroupées, pour lesquelles ils se présentent à tour de rôle sur la tribune et parlent entre eux de leurs expériences.
    J'ai assisté à ces journées d'information, et c'est épouvantable. C'est terrible. Bien entendu, la farce est que je vais m'asseoir à l'arrière et que je ne suis même pas invité à parler des questions liées aux LGBTA.
    Nous n'avons jamais été consultés. Aucune autre organisation LGBTA n'a été invitée à la table pour parler de ces enjeux. Nous avons eu des parlementaires, des avocats et des juges qui nous ont regardés et nous ont dit « Vous savez, ce macaron que vous portez, je ne sais même pas comment m'y prendre, encore moins les effets pour une personne qui est victimisée en tant que transgenre ou personne ayant des identités sexuelles non binaires par une agression sexuelle. »
    Je suis totalement convaincu que la société civile a un rôle crucial à jouer et je pense que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle essentiel dans l'établissement du programme d'études. On a l'impression que vous empiétez sur les compétences des provinces et des territoires, mais en réalité, vous ne le feriez pas, parce que vous présentez cette mesure législative. Il vous suffirait de quelques efforts supplémentaires et de dire que vous mettez aussi sur pied le programme d'études.
    Merci. Avalon, allez-y.
    J'aimerais me faire l'écho de ce que les autres présentateurs ont dit. Il faut absolument que les experts de la communauté collaborant à ces enjeux, et les victimes elles-mêmes, s'impliquent dans le processus d'élaboration et de prestation de la formation à tous les professionnels du domaine juridique et de l'application de la loi, y compris les juges.
    Avalon a collaboré avec la Police régionale d'Halifax à l'élaboration de la formation sur les interventions et les enquêtes de police, et nous donnons cette formation de façon régulière. Nous avons collaboré avec la Nova Scotia Barristers' Society à l'élaboration d'une formation à l'intention des avocats. Il s'agit d'une formation à laquelle les avocats peuvent avoir accès s'ils le souhaitent, mais elle n'est pas obligatoire. Encore une fois, l'une des questions est de savoir si elle rejoint les bonnes personnes.
    Au fil des ans, nous avons parlé à des juges et nous avons préconisé une formation pour les juges ici, en Nouvelle-Écosse. Nous avons aussi collaboré avec des organisations de tout le pays pour préconiser une formation à l'intention des juges. Nous n'avons pas été invités à le faire. Souvent, nous entendons dire que les juges ne seraient pas perçus comme étant impartiaux s'ils recevaient une formation spécialisée.
    Je pense que ce que nous essayons tous de faire valoir, c'est que cela ne signifie pas pour autant que vous n'êtes plus impartiaux. Cela veut dire que vous êtes informés et que vous possédez effectivement les connaissances précises et la compréhension des enjeux liés à la violence sexualisée, de même que les intersectionnalités de race et d'autres oppressions et sur l'incidence que cela a sur les victimes et les points de droit.
    Bien entendu, comme nous l'ont appris un grand nombre des personnes qui font partie du groupe devant vous aujourd'hui, et d'autres affaires notoires d'un bout à l'autre du pays, des personnes sont délibérément ciblées pour des motifs précis, qu'il s'agisse de la race ou d'autres formes de marginalisation en raison de l'alcool ou de la misogynie. Ces personnes ne sont pas seulement ciblées pour être victimisées en raison de ces enjeux, mais les enjeux mêmes des raisons pour lesquelles elles sont victimes sont retenus contre elles devant un tribunal et sont utilisés pour nier ce qui leur est arrivé.
    Voilà ce que nous devons viser, c'est-à-dire la base même de notre compréhension de la violence sexualisée, par la formation.
(0930)
    Très bien.
    Nous passons maintenant à Mme Vandenbeld. Vous avez sept minutes.
    Je tiens à remercier tous nos témoins. Vos témoignages sont éloquents. Encore une fois, je m'excuse auprès de Mme Brayton pour les difficultés qu'elle a eues pour avoir accès à l'édifice.
    Nous avons beaucoup entendu parler dans notre comité du fait que les femmes qui ont des identités qui se recoupent sont plus nombreuses à être victimes de violence, et qu'elles vivent la violence différemment. Aujourd'hui, ce que nous entendons, c'est qu'elles peuvent fort probablement être ciblées parce que le système judiciaire ne reconnaît pas cette situation. Je trouve cela très alarmant.
    Madame Brayton, je suis heureuse que vous ayez fait référence à la décision de la Cour suprême au sujet des femmes qui perdent leur voix en raison de déficiences mentales ou qui ne peuvent même pas témoigner. Je trouve cela assez alarmant.
    Je pense que c'est Mme Gray qui a mentionné les stéréotypes de ce à quoi ressemble une victime et de ce à quoi ressemble un agresseur.
    Le texte législatif qui est proposé ici porte sur la formation où sont abordés notamment « les interdits concernant la preuve, les principes sous-tendant le consentement, la procédure à suivre lors des procès [...] de même que sur les mythes et les stéréotypes. » Maintenant, dans le cas de la formation que notre gouvernement offre aux nouveaux comités consultatifs à la magistrature qui choisiront les nouveaux juges, nous allons plus loin. Nous offrons une formation sur les préjugés inconscients, la diversité et l'intersectionnalité.
    Pensez-vous que ce texte législatif va suffisamment loin? Est-il trop restrictif? Devrait-il être plus explicite au sujet des identités intersectionnelles, des personnes handicapées ou des personnes sans voix, les LGBTA, et les personnes non binaires? Pensez-vous que nous devons en inclure davantage dans ce texte législatif?
    Je vais suivre le même ordre.
    Je pense qu'il ne va pas suffisamment loin. Je pense que les besoins explicites y sont.
    Nous avons tendu la main aux juges, aux avocats et aux cabinets d'avocats, en leur disant « Écoutez, nous devons offrir cette formation », et ils ont répondu « Oh, nous avons suivi notre formation sur les préjugés inconscients » ou « Nous avons suivi notre formation sur la diversité. » Puis, nous recevons une copie de ce qu'ils ont fait, et la partie sur les LGBTA ne dure que trois minutes. Elle n'est tout simplement pas détaillée.
    La chose curieuse par contre, c'est qu'il y a des gens qui veulent apprendre et ils ont une période obligatoire qu'ils doivent utiliser chaque année pour apprendre, et pourtant ils ne consultent pas la société civile.
    Il y a un autre aspect que je tiens vraiment à mentionner. Je ne peux pas me prononcer pour les autres témoins, mais je les invite à s'exprimer si cela fait partie également de leur réalité. Nous ne recevons aucun financement de Services aux victimes Canada. Si je tends la main aux avocats, cabinets d'avocats ou juges, ce n'est rien d'officiel. Nous aimerions avoir accès à ce financement qui est offert aux différents barreaux, qui reçoivent déjà des tonnes d'argent pour faire ce travail. Nous aimerions avoir accès à ce financement pour que nous puissions faire ce travail.
    D'après mon expérience, Avalon est une exception. J'ai vu le travail de cet organisme en Nouvelle-Écosse — travail incroyable, collaboration avec le système judiciaire — et je suis constamment rempli d'admiration envers eux. Je pense qu'ils forment l'un des groupes les plus cool. Encore une fois, personne ici ne reçoit de financement pour faire ce travail de sorte que les progrès que certains d'entre nous ont pu réaliser ont été minimes et limités. Je me demande, si vous faites cela... Si nous recevions un financement pour le faire, la tâche serait de beaucoup simplifiée.
    Tout à fait. Il est important de souligner que j'ai prononcé une allocution devant une faculté de droit et que j'ai demandé aux étudiants s'ils avaient déjà eu un non-avocat présent. J'étais la première. Ils étaient des étudiants de troisième année en droit.
    Il est important de souligner qu'en tant que survivantes, on nous demande souvent à titre personnel de fournir notre expertise, de parler des moments les plus vulnérables de notre vie, sans rémunération. Avant de commencer à travailler officiellement pour le centre, je n'avais pas travaillé, mais jusque-là, on demandait de divulguer tous ces renseignements, sans rémunération ou reconnaissance du caractère sensible de l'enjeu, surtout lorsque vous donnez une formation à des gens qui ne connaissent rien des sujets. Je pense qu'un spectre de formation plus vaste est nécessaire. Il sera vraiment difficile de décider ce à quoi elle ressemblera, et ce qu'elle sera dans la pratique sera intéressant.
(0935)
    Je suis vraiment heureuse que vous ayez posé la question. Le fait que j'aie parlé de la décision de la Cour suprême est révélateur du fait qu'il fallait que nous intervenions à ce niveau pour que cet enjeu soit présenté à la magistrature, en raison de ce qui était survenu au niveau de la cour provinciale dans le cas de cette décision précise.
    La réalité est que l'on ne croit pas les femmes handicapées. De nombreuses femmes ne sont pas crues. Toute la question de la crédibilité des femmes qui témoignent est essentielle. La bataille que doit mener une femme pour se manifester et signaler un incident est énorme. Vous pouvez imaginer tous les défis qu'une femme handicapée doit surmonter uniquement pour se présenter devant cette cour si elle n'est pas appuyée. L'idée qu'elle parvient devant la cour et qu'ensuite sa crédibilité est remise en question est considérable. Sur le plan pratique, il est totalement essentiel d'inclure la société civile et de nous concentrer sur l'aspect de la formation, mais il est absolument clair qu'il faut que ce soit intersectionnel et que ce texte législatif ne va pas suffisamment loin.
    L'idée que des décisions de la Cour suprême comme celle de RAFH en 2012, dont la plupart des procureurs de la Couronne et des juges ne sont pas au courant, est tellement critique. C'était en 2012; nous sommes en 2017. En décembre 2016, j'ai entendu parler d'une femme dont la fille avait été agressée sexuellement. Elle avait un trouble d'apprentissage, elle était à l'école secondaire et le procureur de la Couronne lui a dit qu'elle ne devrait pas aller de l'avant. Elle ne voulait pas vraiment passer à travers tout ce processus, ayant été découragée de poursuivre lorsqu'elle a signalé l'incident — une fille de 13 ans agressée sexuellement pendant sa récréation à l'école. Donc, oui, je pense que cela est extrêmement essentiel.
    Les femmes handicapées sont agressées sexuellement deux fois plus que les autres femmes et nous ne recevons aucun appui pour le déclarer et témoigner. Encore une fois, j'en suis au même point que toutes les autres personnes ont fait valoir et que nous avons réitéré ici: il est essentiel de comprendre cela, de l'appuyer.
    À l'exception de LEAF, personne n'a appuyé RAFH pour aller jusqu'à la Cour suprême. Aucun financement n'a été donné. Il y avait tout juste les fonds nécessaires pour nous permettre d'être à la table. Pour comprendre que RAFH Canada continue d'exister 30 ans plus tard, et nous sommes la seule organisation pour femmes handicapées, en dit long sur l'énorme fossé qui existe dans la compréhension de qui doit être appuyé au niveau de la société civile et jusqu'au bout.
    Merci.
    Madame Stevens.
    Voilà des remarques très importantes et j'invite fortement les membres du Comité a réfléchir sérieusement au genre d'incidences que cela pourrait avoir sur les décisions que nous serons appelés à prendre relativement à ce projet de loi et dans d'autres domaines touchant à cette problématique.
    À la suite d'échanges avec d'autres intervenants, je pense que la formation est d'une importance cruciale. Elle doit être intersectionnelle, appliquée à tous les niveaux, et elle doit être offerte plus d'une fois par année ou faire partie d'un programme de formation continue. La formation doit être complète de façon à permettre d'aborder toute une gamme de problèmes, de même que les différentes façons de la dispenser. Encore une fois, la participation d'experts des secteurs d'activité de cette formation est d'une importance cruciale.
    Je suis d'accord avec d'autres intervenants quant à la nécessité d'une forme de financement, car la plupart d'entre nous effectuent ce travail dans le cadre de leur mandat, et un financement existe déjà à cet égard; cela étant, quand on aborde le type de formation spécialisée en question, il s'agit d'une formation à multiples facettes qui n'implique pas uniquement une première intervention et une prestation directe de services, mais également une application des pratiques exemplaires menant à des modifications législatives. Tout ce processus nécessite du temps, de l'énergie, des ressources et des connaissances spécialisées. Cette formation doit être reconnue et être réalisée en collaboration.
    C'est très bien. Merci beaucoup.
    Nous avons reçu une demande pour que notre comité réserve 15 minutes à la fin de la séance pour passer à huis clos. Je vais passer à notre deuxième groupe de témoins et je tiens à remercier toutes les personnes qui ont témoigné aujourd'hui. Nous reconnaissons votre expérience et votre courage à poursuivre la sensibilisation à ce problème.
    J'invoque le Règlement, ou peut-être n'est-ce qu'une question.
    Certains témoins ont livré un témoignage incroyable. S'ils sont disponibles et peuvent rester pour la seconde moitié de la séance pour répondre à des questions, nous pourrions, éventuellement, enregistrer d'autres témoignages; est-ce quelque chose d'acceptable?
    Je pense que c'est acceptable, si les témoins peuvent rester.
    Sous réserve de la disponibilité des témoins, évidemment.
    Merci.
    Très bien. Merci. Nous allons brièvement interrompre la séance, pour permettre aux autres témoins de s'installer.
(0935)

(0940)
    Nous sommes heureux d'être de retour et d'accueillir notre deuxième groupe de témoins de la journée.
    Mme Harder invoque le Règlement.
    J'ai quelques points à discuter.
    Pam Damoff a demandé à ce que le comité consacre 15 minutes à un huis clos à la fin de la séance. Nous avons invité des témoins à s'exprimer sur le sujet en cours. Il est vraiment déplacé de prendre de leur temps pour passer à huis clos sans préavis. Cela dit, nous devons également tenir un vote pour savoir si nous nous rendons vraiment à huis clos à la fin de cette séance, car nous modifions l'ordre du jour.
    Encore une fois, je crois que c'est très irrespectueux envers nos témoins. Cela dévalue le temps qu'ils nous consacrent. Nous avons déjà entendu d'excellents témoignages. Je suis certaine que ces autres personnes ont également d'excellents témoignages; de plus, nous n'arriverons pas à passer au sujet du présent débat.
    Très bien. Je demande donc un vote concernant la demande de réserver 15 minutes à la fin de la séance du Comité pour passer à huit clos.
(0945)
    Puis-je m'exprimer à ce sujet, car quelqu'un vient juste de me dire que je suis une personne irrespectueuse?
    Je ne demanderais pas à passer à huis clos si je ne pensais pas que c'était important. Nous avons décidé de remplir ces séances à pleine capacité avec énormément de témoins, ce qui représente déjà une difficulté.
    Je respecte énormément les témoins, ainsi que le temps qu'ils nous consacrent. Je vais en rester là, car l'opposition a certainement prévu quelque chose pour nous obliger à quitter la séance. Je suis toujours respectueuse envers les témoins, et je suis heureuse d'avoir la possibilité de le mentionner.
    Madame Vecchio.
    Je comprends ce que nous faisons, mais 15 minutes représentent aussi une période assez longue. Il s'agit d'une discussion de deux à trois minutes, est-ce quelque chose de tellement essentiel? Tous les témoignages se déroulent tellement bien aujourd'hui.
    Je ne sais pas, j'imagine que 15 minutes serait convenable.
    Y a-t-il d'autres discussions concernant la motion?
    Madame Malcolmson.
    Je le répète, sans préavis et sans avoir une idée de la teneur du contenu, et en tenant compte du fait que nous avons souvent des discussions individuelles, je suis également opposée. Nous avons invité des témoins ici, et nous devons ensuite passer à la période des questions à 11 heures. C'est une journée inhabituelle. J'envisage de voter non.
    Y a-t-il d'autres discussions?
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Maintenant, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Chad Kicknosway et Francyne Joe, de l'Association des femmes autochtones du Canada. Par vidéoconférence, nous accueillons Tracy Porteous de la Ending Violence Association of British Columbia. De l'Hébergement femmes Canada, Lise Martin. Du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, nous avons Marlihan Lopez, qui est agente de liaison.
    Bienvenue à vous tous.
    Chacun des orateurs aura cinq minutes pour formuler ses commentaires, et nous commencerons par Francyne.
    Bonjour madame la présidente, bonjour aux membres du Comité, aux invités et aux distingués témoins.
    Je m'appelle Francyne Joe et je suis la présidente intérimaire de l'Association des femmes autochtones du Canada. J'aimerais d'abord souligner qu'en cette superbe journée de printemps, notre rencontre a lieu en territoire Algonquin.
    Je suis honorée d'avoir travaillé aux côtés de Mme Martin de l'Hébergement femmes Canada lors des 16 jours d'activisme de la campagne visant à mettre fin à la violence faite aux femmes. Je remercie tous les témoins présents aujourd'hui pour leur engagement à soutenir l'autonomisation des femmes et la défense des politiques qui s'attaquent aux racines de la violence à l'égard des femmes.
    Je suis en compagnie de Chad Kicknosway, conseiller principal, Justice et droits de la personne, à l'AFAC.
    Nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous exprimer sur un sujet aussi important. En tant que femme autochtone et représentante nationale des femmes des Premières Nations et des métisses, mon principal objectif est de défendre les politiques qui améliorent notre bien-être. Cela inclut les sphères sociales, économiques, culturelles et politiques. La question de la violence à l'égard des femmes s'étend à chacun de ces domaines.
    Je crois que le taux officiel d'une femme sur trois qui, vivant au Canada, aurait subi des agressions sexuelles au cours sa vie représente une faible estimation, lorsqu'on considère les faibles taux de signalement de ces agressions. Pour les femmes autochtones, le taux est au moins trois fois plus élevé. Le lancement de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées souligne la reconnaissance officielle que la violence contre nos femmes a atteint des proportions pandémiques.
    Les femmes autochtones sont confrontées à de multiples obstacles pour que justice soit rendue après qu'elles ont été agressées. Le premier obstacle est la peur de dénoncer l'incident. Il peut s'agir d'une peur de représailles, mais c'est généralement la peur de ne pas être entendue ou crue. Il ne fait aucun doute que la pratique générale qui consiste à rejeter la responsabilité sur les victimes empêche de nombreuses femmes de poursuivre une telle démarche. Les femmes autochtones se heurtent non seulement aux aspects sexistes du système, mais aussi au racisme. Il est bien documenté que des femmes autochtones ont été interrogées de manière agressive, jugées injustement, humiliées, et même agressées lors du signalement de leurs agressions et même lorsqu'elles étaient sous garde.
    Le fait d'invoquer le mode de vie d'une femme qui signale une agression sexuelle n'est peut-être plus une pratique soutenue par les médias. Cependant, les décisions et les commentaires venant d'autorités judiciaires ont contribué à perpétuer le racisme et le sexisme qui contribuent à la propagation de la violence contre les femmes autochtones. Dans le cas de Cindy Gladue, un juge a permis que des clichés montrant les parties génitales de la victime, ainsi qu'un échantillon physique de son corps soient présentés devant les tribunaux. Le fait qu'elle ait été travailleuse du sexe a pesé beaucoup trop lourd dans les délibérations. Le parti pris du tribunal a eu une influence sur le jugement des membres du jury à propos de la question du consentement et a finalement mené à l'acquittement de l'homme qui l'a tuée. De telles erreurs de jugement, teintées d'ignorance, de partialité au détriment des femmes et de racisme pur et simple, envoient aux femmes autochtones et aux auteurs de violence envers les femmes autochtones, le message que la vie des femmes autochtones n'a pas de valeur.
    Nous devons montrer aux femmes autochtones qu'on les aime et qu'elles sont estimées.
    Notre système de justice doit se pencher sur cette question en adoptant des projets de loi qui dissuaderont véritablement l'imposition de peines légères aux auteurs de violences envers les femmes autochtones, qui établiront que le fait de s'en prendre à une femme autochtone constitue une circonstance aggravante pour la détermination de la peine. Il faut aussi s'attaquer au racisme et au sexisme systémiques qui enferment les femmes autochtones dans le silence, un comportement qui favorise la perception selon laquelle elles sont vulnérables.
    Ce projet de loi arrive à un moment charnière de l'histoire du Canada, alors que nous nous rapprochons d'une réconciliation avec les premiers habitants de ce pays, la population autochtone. L'adoption du projet de loi C-337 enverrait un message clair selon lequel le système de justice refuse de jouer un rôle dans la poursuite de la violence à l'égard des femmes autochtones et que les femmes autochtones sont respectées, aimées et estimées.
    Nous vous remercions de cette invitation d'apporter notre contribution aux éléments particuliers de ce projet de loi et à sa mise en œuvre.
    Par conséquent, au nom de l'Association des femmes autochtones, je suis heureuse d'exprimer notre soutien à ce projet de loi et d'élaborer nos recommandations et nos préoccupations.
    L'ajout proposé à la Loi sur les juges pour obliger les juges récemment nommés à suivre une formation exhaustive en matière de droit relatif aux agressions sexuelles est un progrès. Il faut s'attendre à ce que l'AFAC recommande que cette formation exhaustive comprenne une partie, un cours, ou un chapitre particulier traitant exclusivement des femmes autochtones. L'AFAC a déjà accompli un travail considérable à cet égard, et nous sommes prêts à vous faire profiter de nos connaissances spécialisées sur cette question. Cela pourrait s'agir, par exemple, d'élaborer une trousse complète d'outils éducatifs destinés à sensibiliser les utilisateurs aux problèmes particuliers que vivent les femmes autochtones.
    Ma première recommandation pour le Comité est l'incorporation au paragraphe 2(2) du projet de loi, d'une référence traitant spécifiquement de la violence à l'égard des femmes autochtones. Par conséquent, la fin de la modification proposée à l'alinéa 3b) de la Loi sur les juges se lirait comme suit: « ainsi que l'éducation concernant les mythes et les stéréotypes associés aux plaignants d'agression sexuelle, et l'éducation concernant les expériences particulières de la violence sexuelle à l'égard des femmes autochtones. »
(0950)
    Je crois que cette inclusion ajoutera de la valeur au processus de réconciliation entre le Canada et les premiers habitants de ce pays.
    Une lacune du projet de loi qui a peut-être été portée à votre attention, concerne les exigences du projet de loi sur la formation complète en matière d'agression sexuelle qui ne s'appliqueraient qu'aux juges récemment nommés.
    Le paragraphe 2(2) du projet de loi est clair, à savoir que les candidats admissibles à la nomination des juges doivent entreprendre une formation et suivre des « apprentissages sur les interdits concernant la preuve, les principes sous-tendant le consentement et la procédure à suivre lors des procès pour agression sexuelle, de même que sur les mythes et les stéréotypes associés aux plaignants dans les affaires d'agression sexuelle. »
    Il n'y a rien que le projet de loi...
    Merci.
    Je suis désolée, votre temps est achevé.
    D'accord.
    Nous allons maintenant passer à Tracy Porteous, la directrice générale de la Ending Violence Association of British Columbia.
    Allez-y, Tracy. Vous avez cinq minutes.
    Bonjour. Je vous parle depuis le magnifique territoire des Salish du littoral. Je suis à Vancouver. Je parle au nom de la Ending Violence Association of B.C, un organisme provincial qui administre 240 programmes partout dans la province et qui intervient dans les cas d'agression sexuelle, de violence domestique et de violence faite aux enfants. Je parle également au nom de la Ending Violence Association of Canada, la nouvelle organisation nationale mise en place pour réagir concrètement à la violence fondée sur le sexe, notamment par l'élaboration de politiques, de formations et de stratégies d'intervention.
    Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée aujourd'hui et j'aimerais exprimer notre appui à ce projet de loi qui traite d'une problématique qui en est à l'état de crise dans notre pays. Nous n'avons jamais vu un niveau aussi faible de confiance du public envers le système de justice. Lorsqu'il est question d'agression sexuelle, je pense que le qualificatif de faible niveau devient celui d'un niveau record. Je pense que de nombreuses ex-victimes d'agression sexuelle ne prennent pas l'initiative de signaler l'événement en raison des reportages entendus, et le phénomène est récurrent depuis de nombreuses années. Statistique Canada laisse entendre que seulement 5 % de ces personnes, ayant subi une agression sexuelle, déclarent l'incident à la police. Cependant, nous croyons qu'il y en a beaucoup moins.
    Ici à Vancouver, certains chercheurs de l'Université Simon Fraser affirment que le nombre de femmes qui signalent une agression sexuelle à la police est tellement faible qu'il est considéré comme statistiquement non significatif, mais les agressions sexuelles, elles, sont loin d'être non significatives. Les conséquences résultant d'une agression sexuelle peuvent avoir un effet débilitant et psychologique qui persiste pendant la vie entière des survivants. Je pense qu'il incombe au système de justice de faire les choses correctement.
    Nous savons également, grâce aux intervenants qui travaillent avec des délinquants sexuels, que pour de nombreux délinquants sexuels, il ne s'agit pas seulement d'un incident isolé. En fait, selon les normes utilisées par les chercheurs, la plupart des délinquants sexuels font entre 400 et 1 000 victimes au cours de leur vie. Alors, lorsque nous avons un survivant sur cent ou un sur mille qui se présente pour obtenir assistance auprès du système de justice, il nous incombe de bien faire les choses. Malheureusement, nous sommes très inefficaces pour encadrer les victimes. Une histoire qui se répète depuis longtemps.
    Nous remercions le comité, ainsi que la Chambre. Nous remercions la chef de l’Opposition de soulever cette question de la façon dont vous le faites aujourd'hui. Nous pensons, en particulier en ce qui concerne la formation des juges, qu'il est important que ceux-ci suivent une formation pour comprendre la neurobiologie des traumatismes et de la peur que tant de femmes éprouvent lors d'une agression sexuelle. Je pense que c'est l'un des aspects les plus mal compris. L'agression sexuelle ne ressemble à aucun autre crime. Elle est considérée comme l'un des crimes les plus violents qu'une personne puisse vivre, et elle est comparable à ce qu'un soldat d'un pays déchiré par la guerre pourrait éprouver à cause du TSPT, suite aux choses horribles dont il a été témoin ou lorsque sa vie était en danger.
    Je pense que nous devons nous assurer que la police et l'appareil judiciaire comprennent la façon avec laquelle se manifeste le traumatisme des agressions sexuelles chez un être humain, ce qui se passe au moment du traumatisme et les différents types d'actions qui se produisent par la suite chez les survivants. Nous avons vu trop de cas où le rôle de la police ou du système judiciaire était vraiment mal compris. À bien des égards, nous demandons aux personnes qui ont des emplois très importants dans notre pays de faire leur travail aveuglément, sans aucune formation. Les agressions sexuelles étant aussi compliquées qu'elles puissent l'être, nous devons également comprendre comment la dynamique de l'agression sexuelle et la peur engendrée lors d'une agression sexuelle peuvent être reproduites en tant que telles dans une salle d'audience. La plupart des agressions sexuelles sont perpétrées par des hommes sur des femmes. Il est question de pouvoir et de contrôle, et à moins qu'un juge dans sa salle d'audience ne soit complètement conscient de cela, ces mêmes dynamiques de pouvoir peuvent être reproduites dans une salle d'audience. Elles peuvent être reproduites dans une salle d'interrogatoire quand la personne se présente à la police.
    En plus de la formation nécessaire à la magistrature, nous pensons également que le projet de loi serait renforcé s'il prévoyait une formation pour la GRC. Nous comprenons que les aspects du projet de loi sont rédigés de manière à tenter d'accélérer son dénouement, mais nous sommes aussi forts que notre maillon le plus faible. Imaginons une maison que nous voulons isoler, mais avec une ou deux fenêtres ouvertes tout l'hiver; c'est de cette façon que je vois notre système de justice. Bon nombre de nos autorités policières se prévalent d'une formation sur les traumatismes.
(0955)
    Dans une certaine mesure, et à différents stades, la Couronne est concernée. Les services de lutte contre la violence et les services aux victimes d'agression sexuelle ont vraiment eu recours à la meilleure formation possible, mais si la formation n'est pas dispensée au sommet de la hiérarchie, si vous préférez au niveau des juges ou même au niveau de la police, alors nous ne rendons service à personne.
    Ce qu'il est aussi très important de comprendre est...
    Je suis désolée. Votre temps est écoulé. Je suis vraiment désolée.
    Ça va.
    Nous allons maintenant passer à Lise Martin, pour cinq minutes. Merci.
    Merci de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de partager avec vous nos réflexions sur le projet de loi C-337. Hébergement femmes Canada, anciennement le Réseau canadien des maisons d’hébergement pour femmes, est un regroupement de 14 organisations provinciales et territoriales de maisons d’hébergement représentant plus de 400 maisons partout au Canada.
    Nous voyons dans l'introduction du projet de loi C-337 et, plus important encore, dans son adoption, un grand pas dans la bonne direction. Nous félicitons les députés de tous les partis pour cette réalisation. À la suite des nombreux témoignages entendus par le Comité au cours des 18 derniers mois, je ne pense pas avoir besoin de vous convaincre de la déficience des systèmes conçus pour répondre à la violence faite aux femmes.
    De récentes décisions rendues par des tribunaux de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse dans des affaires d'agression sexuelle et de violence familiale ont soulevé l'indignation du public. De toute évidence, le juge Lenehan et l'ex-juge Camp ont démontré un mépris et un manque de compréhension flagrants à l'égard de l'agression à caractère sexuel et de la définition du consentement telle qu'elle est fixée par le Code criminel.
    En novembre 2016, la juge Deborah Paquette de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador a minimisé la gravité de la tentative d'étranglement survenue dans une affaire de violence conjugale. Elle a traité l'auteur du délit comme une victime et elle a qualifié la violence conjugale comme étant une affaire d'ordre privé. L'auteur du délit, un agent de la GRC, n'a écopé que de 14 jours de détention à domicile pour avoir agressé son ex-petite amie. C'était en novembre 2016.
    Ces exemples récents, qui sont loin d'être des exceptions, montrent à quel point les tribunaux canadiens sont incapables de transmettre le message que l'agression sexuelle et toute forme de violence à l'égard des femmes sont inacceptables. Cela fait des décennies que les défenseurs de la violence faite aux femmes — et les survivantes — luttent pour donner une plus grande visibilité à la violence conjugale et à l'agression à caractère sexuel et en faire reconnaître la gravité sur le plan social. En dépit de ces efforts, nous continuons à voir notre travail bafoué par des juges canadiens qui qualifient la violence domestique d'affaire privée et ne comprennent pas les fondements et les lois sur le consentement et l'agression sexuelle.
    L'adoption du projet de loi C-337 visant à assurer la formation des juges saisis d'affaires d'agression sexuelle confirme l'engagement qu'a pris le gouvernement du Canada pour s'assurer que notre système judiciaire croit les femmes qui ont survécu à de telles agressions. Cette formation ne doit cependant pas se limiter aux seuls juges fédéraux. Policiers, avocats, procureurs du ministère public, juges, tous ont besoin de formation sur les agressions à caractère sexuel et la violence conjugale. Le contact avec les policiers est la première interaction entre une victime d'agression sexuelle et le système judiciaire. Or, comme nous savons que la peur constitue le principal facteur qui dissuade les victimes de dénoncer une agression sexuelle ou un acte de violence conjugale, nous devons pouvoir compter sur des systèmes de justice qui appuient la victime plutôt que de lui causer des préjudices supplémentaires.
    Notre compréhension du projet de loi est qu'il ne couvre que les juges sous mandat fédéral. Voilà qui illustre bien pourquoi nous avons besoin d'un plan d'action national sur la violence faite aux femmes. Un plan national aurait l'avantage de couvrir les juges de nomination provinciale et territoriale; ce serait un bon début pour assurer aux femmes de partout au pays un accès à des niveaux comparables de services et de protection, ce qui n'est pas le cas actuellement. Ce domaine réclame un leadership fédéral.
    Pour conclure, je soutiens qu'une formation obligatoire et continue, qui intègre les conséquences neurobiologiques du traumatisme, la dynamique du pouvoir et du contrôle de la violence faite aux femmes et le rôle de l'intersectionnalité, tout en étant fondée sur l'expérience des victimes qui ont survécu à ces agressions, contribuerait grandement à améliorer les choses.
    Hébergement femmes Canada souhaiterait que la portée de la formation offerte aux juges soit élargie de manière à inclure non seulement l'agression sexuelle, mais aussi la violence familiale et le caractère sexospécifique de la violence faite aux femmes. La formation devrait permettre aux juges de mieux comprendre les traumatismes intergénérationnels hérités de longues années de colonisation, et en particulier leur incidence sur les peuples autochtones du Canada. Nous préconisons également qu'une formation soit offerte aux comités de nomination de juges. L'élaboration du programme de formation, qui devrait se faire en collaboration avec des organismes de femmes et intégrer des approches qui tiennent compte des traumatismes, devrait être façonnée par le point de vue des survivantes, puisque ce sont elles les vraies expertes dans ce domaine.
    Voilà qui termine ma présentation.
(1000)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Lopez, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner ce matin sur cette question si importante.
    Grâce aux sondages qui ont été réalisés par notre organisme, on a pu constater que les femmes qui décident de porter plainte sont nombreuses à considérer que le traitement des cas d'agressions à caractère sexuel par le système de justice est déficient, injuste et empreint de mythes et de préjugés. C'est pourquoi nous estimons que la formation des juges et des futurs juges sur les agressions sexuelles s'avère nécessaire pour contrer les stéréotypes et les préjugés présents dans le processus judiciaire et dans les jugements, ainsi que pour mieux comprendre les obstacles systémiques à un accès équitable à la justice.
    Le Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, ou CALACS, souligne que la formation des juges devrait mener à une meilleure connaissance de la problématique des agressions sexuelles et des contextes de vulnérabilité qui peuvent s'entrecroiser, comme la dépendance, l'isolement, le manque d'information, la perception de l'agresseur envers certains groupes marginalisés et les différentes manifestations de violence qui peuvent se conjuguer dans le contexte des agressions sexuelles.
    La formation des juges devrait aussi éveiller leur vigilance face aux différents mythes et préjugés présents dans notre société et dans nos institutions et comment d'autres systèmes d'oppression tels que le racisme, le sexisme, l'incapacitisme et d'autres types de discrimination envers les personnes appartenant à la communauté LGTBQ, alimentent les mythes et les préjugés dans le contexte d'agressions sexuelles.
    La formation devrait aussi mener à la reconnaissance qu'il existe des barrières systémiques à l'accès au système judiciaire qui rendent certaines victimes particulièrement susceptibles de subir de la discrimination dans le cadre du processus judiciaire et des entraves à un accès équitable à la justice.
    La formation devrait aborder la définition de ce qu'est une agression sexuelle, ainsi que l'évolution de cette définition pour inclure d'autres formes de violence sexuelle et pour répondre à notre réalité contemporaine.
    La formation devrait également aborder les liens avec les autres formes de violence comme le racisme, l'homophobie, la transphobie et l'incapacitisme, qui peuvent s'entrecroiser dans le contexte des agressions à caractère sexuel.
    Les mythes et les préjugés doivent aussi être abordés pour analyser comment certains groupes sont davantage stigmatisés à cause de leur appartenance ethnique, classe socioéconomique, orientation sexuelle et identité de genre, statut migratoire et ainsi de suite.
    Les conséquences et le caractère discriminatoire des agressions sexuelles sur les victimes, leurs besoins et leurs droits doivent aussi êtres abordés. Certaines conséquences peuvent se retrouver chez toutes les victimes tandis que d'autres sont propres à certains groupes davantage marginalisés.
    Par exemple, pour une victime avec un statut migratoire précaire, la dénonciation de son agresseur peut mettre en péril le droit de rester au pays. Dans d'autres cas, les agressions sexuelles peuvent être associés à un crime haineux si la victime a été ciblée à cause de son identité sexuelle ou de genre. Par ailleurs, les victimes en situation de handicap peuvent se voir refuser des services si leur agresseur est un tuteur ou un fournisseur de services de santé.
    C'est pourquoi les juges doivent être sensibilisés à ces réalités afin de bien comprendre la complexité des conséquences auxquelles font face les victimes d'agression sexuelle.
    La formation doit aborder les besoins particuliers des victimes — surtout des femmes — qui font face à des vulnérabilités particulières et multiples afin d'assurer un accès équitable à la justice.
    Ces besoins incluent la mise en place de mesures d'accommodement universelles au sein de l'appareil de justice et l'accès à certains moyens, comme les témoignages à l'extérieur de la salle d'audience derrière un écran et les témoignages à huis clos pour faciliter le témoignage des victimes. Il faut tenir compte des réalités particulières des femmes immigrantes et en situation de handicap, ainsi que des femmes réfugiées ou sans statut.
    La formation devrait aborder les comportements à éviter pour ne pas augmenter la victimisation des victimes et pour éviter d'agir de manière discriminatoire. Le traitement dans certains cas d'agression sexuelle est biaisé par des préjugés raciaux, sexuels, de genre, de classe et autres.
(1005)
    Dans le contexte judiciaire québécois, par exemple, il y a des cas repérés et documentés où la culture et l'identité raciale ou ethnique ont été problématisées et utilisées comme facteurs atténuants dans les jugements rendus par la cour.
    Dans la cause R. c. Lucien, l'origine ethnique et la race des agresseurs et de la victime semblent avoir été utilisées comme facteurs atténuants.
    Excusez-moi, madame Lopez, mais votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à Mme Ludwig. Vous avez sept minutes pour poser vos questions.
    Je remercie tous ceux et celles qui ont témoigné aujourd'hui. Vos témoignages nous ont apporté beaucoup d'éclaircissements supplémentaires sur la question.
    Nous reconnaissons l'importance de l'esprit du projet de loi dont nous sommes saisis et nous sommes résolus à faire les choses correctement. Aujourd'hui et lors de notre dernière séance, un grand nombre d'intervenants ont témoigné sur la portée du projet de loi et sur certains aspects qui devraient possiblement être élargis. Si l'on ajoutait au projet de loi dans sa forme actuelle une disposition prévoyant l'imposition de la formation proposée, je me demande si l'on inspirerait vraiment confiance dans le système ou si, ce faisant, on n'inspirerait pas au contraire une confiance aveugle.
    J'aimerais que nous examinions la question à la lumière de vos expériences et des possibilités à cet égard. Les témoignages entendus suggèrent que nous devons porter une attention particulière à l'entonnoir de la criminalité. Une agression sexuelle se produit. La majorité des victimes ont peur de dénoncer l'agression, puis elles vont à la police. Ce projet de loi ne tient pas compte de cet élément. Une fois l'appareil judiciaire enclenché, beaucoup de cas sont retirés. Quant aux cas qui arrivent jusqu'aux tribunaux, eh bien, des témoins nous ont parlé des problèmes liés au manque de formation et de sensibilisation des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense. À ce stade, il pourrait encore y avoir un autre plaidoyer. Il y a aussi la question des jurys et des juges.
    Si nous limitons la portée de ce projet de loi à sa forme actuelle, c'est-à-dire à la seule formation des juges, cela suffira-t-il pour instaurer la confiance dans le système? Les gens vont-ils présumer que tout l'appareil judiciaire a reçu une formation obligatoire?
(1010)
    J'ai l'impression que ceux qui font partie du système judiciaire pourraient penser que c'est suffisant, mais certainement pas ceux qui sont personnellement touchés ni les organismes et les groupes de défense qui travaillent auprès des femmes qui ont survécu à des agressions à caractère sexuel et, de manière générale, à des actes de violence.
    À mon avis, une des façons de renforcer ce projet de loi est de nous assurer qu'il prévoit la formation obligatoire non seulement des nouveaux juges, mais de tous les juges fédéraux. Dans sa formulation actuelle, le texte ne vise que les nouveaux juges, alors qu'il devrait viser tous les juges.
    Nous ne devrions pas nous contenter de créer des réformes uniquement axées sur la formation des juges. Si ce projet de loi ne permet pas d'inclure la formation des policiers, alors créons-en un autre qui garantisse que les agents de la GRC reçoivent cette formation.
    Je crois en outre que de nombreux juristes envisagent des modifications au Code criminel. Dans sa formulation actuelle, le Code criminel stipule qu'il incombe au procureur de la Couronne de prouver que le consentement n'a pas eu lieu. Or, il est très difficile de prouver que quelque chose n'a pas eu lieu. J'ai récemment assisté à une conférence où des juristes affirmaient que les règles du Code criminel entourant le consentement devraient peut-être être modifiées ou codifiées de manière à ce que ce soit à la défense qu'il incombe de prouver que le consentement a eu lieu. Ce qui est pratiquement un renversement du fardeau de la preuve.
    Il y a une foule d'autres aspects auxquels nous devrions réfléchir, je pense notamment aux juges des cours provinciales. Je sais que cela ne relève pas de votre compétence. Dans les années 1980, le procureur général du Canada a fait parvenir à tous les procureurs généraux du pays une lettre leur demandant de s'intéresser davantage à la violence conjugale, parce que des femmes étaient battues par leur conjoint à la maison et que cette forme de violence silencieuse avait cours à l'échelle du pays. Pour donner suite à ce message, les procureurs généraux des provinces et des territoires ont élaboré des politiques, des programmes et des réponses axés sur la violence conjugale.
    Bien sûr, nous n'en sommes pas là, mais je pense que vous tous qui siégez à la Chambre des communes du Canada à Ottawa ne devriez pas sous-estimer le pouvoir que vous avez d'influencer vos homologues provinciaux et territoriaux. Je pense que c'est en travaillant ensemble main dans la main que nous avons le plus de chances de faire avancer les choses. Ne considérez pas ce projet de loi en particulier comme étant le seul impératif. Je crois que nous devons travailler sur plusieurs fronts.
    Merci beaucoup. J'ajouterai ceci.
    Un grand nombre de témoins ont souligné le fait que la formation obligatoire n'est pas une solution à guichet unique. La raison pour laquelle j'ai posé la question est que, à moins que nous commencions à travailler sur l'aspect « entonnoir de la criminalité », la formation obligatoire des juges... On pourrait avoir affaire au juge le mieux formé qui soit, si le système ne prévoit aucun facteur de correction, ce juge n'a rien d'autre que les éléments de preuve déposés devant lui pour fonder son jugement. Les témoignages de ces 18 derniers mois sur la violence faite aux femmes et aux jeunes filles montrent bien que même si nous avions des juges parfaitement informés sur les agressions à caractère sexuel, il n'en reste pas moins que nous devrions adopter une approche plus exhaustive pour nous occuper des victimes survivantes et les soutenir.
    Je pense que Chad aimerait faire un commentaire. Je ne sais pas si vous souhaitez l'entendre.
    Bien sûr, et tout autre commentaire aussi.
    Merci.
    Je voulais seulement ajouter que l'article 62 de la Loi sur les juges accorde au Conseil le pouvoir d'établir un processus de formation continue des juges actuellement en poste. Ce qui me préoccupe dans ce projet de loi, c'est qu'il ne vise que les juges nouvellement nommés. Je proposerais d'inclure dans le projet de loi C-337 une disposition transitoire ou un autre type de disposition qui oblige le Conseil à se donner comme priorité de faire en sorte que tous les juges, même les anciens, suivent la formation exhaustive et obligatoire sur l'agression à caractère sexuel.
    Je vous remercie de soulever ce point. Lorsque la juge Kent et M. Sabourin étaient ici, ils ont parlé de la formation comme telle. Si la formation ne s'applique qu'aux nouveaux juges, qui pourraient très bien ne pas être saisis d'une affaire d'agression sexuelle avant cinq ou six ans, cette formation sera devenue désuète ou alors les juges l'auront oubliée — tout comme il se peut très bien qu'ils ne soient jamais saisis d'une affaire d'agression sexuelle. Une des recommandations qui nous a été faite était la mise en place d'une formation continue au sein du système judiciaire et dans d'autres secteurs.
    Je vais céder le temps qu'il me reste, à moins que vous ayez quelque chose à ajouter, Francyne.
(1015)
    Votre temps est écoulé, je crois.
    Des députés: Oh, oh!
    Je vous remercie.
    Très bien.
    Nous allons donc passer à Mme Harder, pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    L'Institut national de la magistrature a souligné l'importance de consulter l'ensemble de la société lorsqu'il s'agit de définir la formation destinée aux juges ou à laquelle les juges participent. L'Institut a indiqué son intention de le faire, et il le fait peut-être déjà.
    Lorsque Mme Ambrose a été consultée ou qu'elle a été appelée à comparaître au sujet de ce projet de loi, elle a dit espérer que le gouvernement libéral fera de la formation une priorité et que des fonds seront consacrés à la consultation de groupes comme le vôtre afin de s'assurer que les personnes que j'appellerai les expertes ou celles qui travaillent avec elles jour après jour sur le terrain ont leur mot à dire sur le sujet. Ce point est très important pour que la formation soit la plus efficace possible.
    Cela dit, je serais curieuse de savoir si quelqu'un d'entre vous a été consulté relativement à la formation des nouveaux juges.
    Commençons par Lise.
    Non. Je n'ai pas été consultée. Selon moi, l'important est de combiner la théorie et la pratique. Il ne faut pas se concentrer uniquement sur l'une ou sur l'autre. Il faut concilier la théorie et la pratique pour voir ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. La formation doit vraiment intégrer les deux aspects.
    Chad, votre organisme a-t-il été consulté?
    Non, personne ne nous a consultés.
    Francyne.
    Non.
    Tracy.
    J'ai l'impression que l'Institut national de la magistrature commence à montrer plus d'ouverture. Je travaille dans ce domaine depuis 35 ans et l'année dernière, j'ai été invitée pour la première fois à organiser un atelier ponctuel pour un groupe de juges de cours provinciales dans le cadre d'une conférence nationale des juges sur la violence familiale et l'homicide.
    Ce qu'il faut, c'est intégrer un changement systémique. Les juges diront qu'il existe un cours à l'intention des nouveaux juges sur l'agression à caractère sexuel, ou encore que les juges ont l'occasion d'acquérir de la formation lors des conférences nationales, mais une formation obligatoire et intégrée, qui consiste à...
    Comme d'autres l'ont dit avant moi, tout ce processus ne devrait pas se faire en silo. Le système judiciaire et l'Institut national de la magistrature devraient travailler en collaboration avec ceux d'entre nous qui possèdent une certaine expertise dans le domaine et qui offrent de la formation dans l'ensemble du secteur. Ce serait une façon de s'assurer que la formation offerte s'inspire à la fois de l'expérience des femmes qui ont survécu à une agression sexuelle et du traumatisme qu'elles ont subi. Je pense qu'il faut mettre un terme au travail en silo.
    Merci.
    Madame Lopez, votre organisme a-t-il été consulté?
    Non. On ne nous a jamais consultés sur ces questions. J'abonde dans le sens de Tracy. Pour des initiatives comme celles-là, il est absolument nécessaire de consulter les groupes d'experts sur le terrain. On reproduit toujours la même erreur: on met en place des projets sans consulter les groupes sur le terrain pour s'apercevoir au bout du compte qu'ils ne correspondent pas à la réalité vécue par les victimes ou par les femmes qui ont survécu à une agression sexuelle.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, ma question s'adresse à chacun de vous. Il va de soi qu'au sein de vos réseaux respectifs, vous discutez avec d'autres organismes. Avez-vous l'impression que ce projet de loi reçoit un appui général? Avez-vous entendu d'autres organismes dire: « Oui, nous appuyons l'adoption de ce projet de loi »?
    J'aimerais commencer par Tracy, cette fois.
    Oui. Tout le monde à qui j'ai parlé appuie le projet de loi. Nombreux sont ceux qui comme moi souhaiteraient que des modifications soient apportées pour que la formation obligatoire s'applique à tous les juges fédéraux et non seulement aux nouveaux juges. Nous aimerions aussi que le projet de loi prévoie un mécanisme pour assurer la formation au sein des cours provinciales, des services de police et ainsi de suite, comme je l'ai déjà mentionné.
    Je dirais que les 240 programmes qui sont de notre ressort, ainsi que les associations nationales que je copréside ont appuyé le projet de loi à l'unanimité.
    Merci beaucoup, Tracy.
    Madame Lopez.
    Il y a effectivement un appui général au projet de loi parmi les groupes qui travaillent auprès des victimes d'agression sexuelle, mais en même temps, nous craignons qu'après son adoption, le projet de loi soit vu comme une panacée aux obstacles systémiques qui entravent l'accès des victimes et des survivantes au système de justice pénale.
    Nous redoutons également le fait que l'initiative ne s'applique qu'aux juges nouvellement nommés. Je pense qu'il est important qu'on incite tous les juges à recevoir cette formation. Et non seulement les juges, mais aussi les policiers et même les personnes qui assurent des services de santé. Il ne faut pas concentrer nos efforts exclusivement sur les juges. C'est vraiment important pour les gens qui travaillent...
(1020)
    Merci beaucoup, madame Lopez.
    Francyne.
    Oui. En discutant avec des amis et des collègues en Colombie-Britannique, nous avons tous le sentiment que si cette formation avait été offerte plus tôt, elle aurait probablement permis la conduite d'enquêtes au cours desquelles les femmes auraient eu suffisamment confiance dans le système pour dénoncer leur cas.
    Comme mes collègues l'ont souligné, ce type de formation doit être intégré à l'ensemble du processus. J'ai accompagné une amie à un centre, et lorsqu'elle a pris la décision de se lancer dans le processus, c'était tellement décourageant qu'elle a laissé tomber. Un cas de plus qui n'aura pas été signalé.
    Je comprends très bien cela. La formation est un bon pas en avant. Je crois qu'il faut commencer par le judiciaire, mais il ne faut pas s'arrêter là. Ce qu'il faut, c'est une réforme du système au complet.
    Il ne nous reste que quelques secondes, Lise, quel son de cloche de votre côté?
    Sans hésitation, on appuie le projet de loi, mais je pense que nous manquerions une occasion si nous nous en tenions uniquement aux agressions à caractère sexuel. L'initiative devrait viser toute la chaîne de la violence faite aux femmes et de la violence sexospécifique.
    Tout à fait. Je suis entièrement d'accord.
    Chad.
    Encore une fois, j'aimerais rappeler l'importance d'y inclure un chapitre, un cours ou volet distinct sur les femmes autochtones.
    Les organismes appuient-ils votre préoccupation?
    Je suis désolée. C'est tout le temps que vous avez.
    Nous allons maintenant passer à Mme Malcolmson, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je dirai à tous les témoins, comme je l'ai dit au premier groupe d'experts, que cette approche globale exhaustive correspond exactement à ce à quoi le Canada s'est engagé devant les Nations unies lorsqu'il a annoncé son intention d'adopter un plan d'action visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et de prendre le leadership nécessaire pour assurer la formation des juges et des policiers, qu'ils soient de compétence municipale, provinciale ou territoriale.
    Il est malheureux que les conservateurs n'aient pas rempli cet engagement pendant qu'ils étaient au pouvoir et que le gouvernement libéral affirme qu'il ne le fera pas non plus. Le NPD continue à exercer des pressions et à dire que c'est la solution. Je reconnais qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire et qu'il ne peut occuper qu'une mince part du terrain, mais cela est dû au fait que le Canada n'a toujours pas respecté l'engagement envers l'ONU qu'il a pris il y a 20 ans...
    Cela dit, j'aimerais m'adresser à l'Association des femmes autochtones du Canada. Je vous remercie d'avoir évoqué de nouveau la tragique histoire de Cindy Gladue, une victime de l'Alberta, parce que son nom n'avait encore jamais été prononcé dans le cadre de ce comité. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que pourrait contenir la formation des juges pour tenir compte de l'expérience différente vécue par les femmes autochtones et être plus sensible à ces différences culturelles?
    J'ajouterai un deuxième volet à ma question. Serait-il utile pour des groupes comme l'AFAC — en fait, je pense que vous l'avez déjà dit en réponse à une question de mon collègue conservateur... Cependant, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de l'impératif de revoir et de redéfinir le contenu de la formation de manière à ce que les juges soient vraiment en mesure de rendre des jugements culturellement adaptés?
    Je vais commencer par quelques mots, pour ensuite céder la parole à Chad.
    Comme l'a dit Mme Martin, il faut, je crois, considérer que cette formation porte aussi sur l'histoire telle que les femmes autochtones l'ont subie.
    Il y a eu les pensionnats, avec les traumatismes vécus par les femmes. Ce passé teinte le point de vue de la société canadienne à l'endroit des femmes autochtones de sorte que certaines d'entre elles ne se sentent pas respectées ou valorisées. Ce type de formation peut commencer à ouvrir les yeux de la société canadienne et du système de justice.
    Je vais céder la parole à Chad pour qu'il vous parle davantage de ce à quoi cela ressemble.
    Cette formation devrait incorporer tout ce que Francyne a mentionné, mais elle devrait également comporter un examen des injustices systémiques, à l'intérieur du système de justice pénale, qui ont également un fort impact sur les contrevenants et les victimes.
    Ce ne sont pas seulement les juges qui dévalorisent les personnes autochtones ou qui leur accordent moins de valeur quand elles se retrouvent dans le système de justice pénale, car la Couronne et la défense sont aussi concernées.
    Je pense qu'il est important que tous les acteurs de l'appareil judiciaire comprennent que les Autochtones ne sont pas moins productifs que les autres ou qu'ils n'ont pas d'autres choix. Ils sont des citoyens canadiens à part entière et je pense que cela doit être rattaché à tout type de programme d'enseignement général.
(1025)
    Passons à Lise Martin. Pouvez-vous nous parler davantage des résultats que vous avez observés sur le terrain? Quels sont les dommages collatéraux pour les femmes qui se sont manifestées et qui se sentent injustement traitées par le système de justice? Pouvez-vous illustrer cela davantage? Quels sont les dommages occasionnés en n'améliorant pas le système et en ne donnant pas davantage de considération aux victimes et aux survivants pendant le procès?
    Je pense essentiellement que ces problèmes sont souvent un lot de mauvaises décisions quotidiennes qui s'accumulent et qui empêchent les femmes de sortir de cette vie de violence dans laquelle elles sont confinées.
    Il y a un juge du tribunal de la famille qui donne à des enfants d'âge préscolaire, de très jeunes enfants, du temps pour parler à leur père qui devait les contacter par Skype à 21 heures, pour s'adapter à l'horaire du père.
    C'est le type de geste quotidien qui a une incidence sur la situation dans son ensemble. On voit bien qu'il est possible d'appliquer les résultats de la formation à de nombreux niveaux. Et puis, il faudra appréhender cette formation suivant un cadre intersectionnel et un cadre d'équité des sexes, parce que c'est la base de tout.
    Merci. Je vais me tourner vers nos témoins du Québec et de la Colombie-Britannique qui sont en ligne.
    Madame Lopez et Madame Porteous, pouvez-vous ajouter quelque chose concernant la nécessité d'adopter une approche générale dans le cas de formations qui tiennent compte des sexes et des traumatismes à chaque étape du système judiciaire, tout en veillant à assurer l'uniformité à l'échelle du pays, afin que les femmes déménageant d'un endroit à un autre soient assurées d'avoir un accès égal à la justice?
    Nous mettons l'accent sur le fait que la formation doit obéir à une perspective intersectionnelle, parce que nous oublions souvent les réalités des groupes marginaux dans le contexte des agressions sexuelles et de la violence sexuelle. De plus, ces réalités ne sont pas examinées quand nous lançons certaines initiatives.
    Quand nous parlons d'accès au système judiciaire, il faut se rappeler que certains groupes se sont aussi heurtés à des barrières systémiques au moment de signaler l'agression, en parlant de ce qu'ils avaient vécu. C'est encore plus difficile quand on a affaire à des groupes qui n'ont même pas de statut migratoire leur permettant d'avoir accès au système. Pour les groupes qui sont confrontés à du racisme systémique ou à d'autres types de discrimination, avoir accès au système de justice est encore plus difficile.
    Je pense que cette initiative doit souligner et corriger la façon dont ces barrières systémiques nuisent à ces victimes et rendent le système de justice très difficile d'accès pour elles.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Sean Fraser pour sept minutes.
    Je vais demander à M. Dias de revenir rapidement à la table. Je sais que nous sommes limités par le temps.
    Monsieur Dias, dans votre témoignage, vous avez mentionné la qualité de la formation que vous avez suivie. Je suis avocat de profession et j'ai participé à ces mêmes séances. Celles-ci peuvent être très peu efficaces, à l'occasion, quand les gens se présentent uniquement pour prouver qu'ils ont respecté leurs obligations.
    Un témoin nous a dit que le Bureau du commissariat à la magistrature fédérale constate une importante hausse du nombre de demandes judiciaires qui serait de 500 pour cette année seulement. Il a dit, à brûle-pourpoint, que nous n'avons pas la capacité d'offrir une formation de qualité et a parlé de ce qui arrivera si nous n'offrons pas des séances qui satisfont aux exigences. Essentiellement, selon moi, ce serait comme un processus d'approbation automatique.
    Il est notamment ressorti du témoignage qu'il pourrait y avoir d'autres façons de procéder, soit en dévoilant la formation obtenue à l'intérieur du long questionnaire que nous avons instauré dans le processus de nomination. Faisons en sorte que chaque juge dise: « Si je suis nommé, je suivrai la formation complète! » et finançons, ensuite, des organismes communautaires experts en la matière afin de donner ces formations. S'agirait-il d'une meilleure façon de nous protéger contre le risque d'effectuer des approbations automatiques parce que notre personnel ne possède pas l'expérience des experts?
(1030)
    Sans aucun doute, je pense qu'il s'agirait d'une très bonne option. Je pense également que la formation doit être récurrente, parce que ces problèmes changent de façon importante dans le temps. Pendant six ans, j'ai employé des formulations neutres pour inclure les deux sexes, mais ce n'est qu'au cours des deux dernières années que j'ai vu des organismes communautaires, des entreprises, et le gouvernement reconnaître cette façon de s'exprimer.
    En réalité cette forme d'éducation nécessite des mises à jour et un suivi constants, afin de demeurer au courant. Il est très important que cela continue.
    La réponse est oui, dans l'absolu. Que cela se produise avec nous pour ensuite aller de l'avant est une idée fantastique.
    Merci beaucoup.
    Très bien.
    Malheureusement, afin que nous puissions poursuivre les travaux de notre comité, ceci marque la fin de ces échanges et je remercie tous les témoins. S'il y a des informations que vous voudriez communiquer à la greffière par la suite, cela est possible.
    J'invoque le Règlement.
    Je m'inquiète parce que nous allons passer à huis clos sans savoir de quoi nous allons parler, et j'aimerais savoir pourquoi nous allons travailler à huis clos. Je crains fortement que la raison justifiant le huis clos soit que nous n'avons pas vu le premier ministre dire qu'il...
    Cela a déjà été voté.
    En fait, un débat est permis, merci. Je suis désolée.
    La greffière m'a informée que, comme nous n'avions pas le consentement unanime pour la motion demandant le huis clos, cela déclenche un débat où chaque parti bénéficie de trois minutes suivies d'une minute de réplique pour discuter de la raison pour laquelle nous passons à huis clos.
    Ma plus grande préoccupation est que nous examinons un projet de loi substantiel qui va aider les femmes, la communauté LGBTQ, les femmes handicapées, les Premières nations, tout un éventail de personnes différentes, et nous nous inquiétons vivement de voir que ce gouvernement n'appuie pas le projet de loi. Par conséquent, nous n'avons pas la possibilité d'entendre les témoins...
    Pouvons-nous permettre aux témoins de se retirer?
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    La greffière pourra peut-être nous éclairer à ce sujet. Je crois que la procédure appropriée aurait été de débattre avant le vote. On nous a donné l'occasion de réagir et les deux côtés l'ont fait. Nous sommes passés au vote et avons voté pour le huis clos, alors cela ne devrait-il pas nécessiter un débat qui semble être de nouveau réclamé?
    La greffière nous a demandé de suspendre la séance à ce stade parce qu'elle doit vérifier, alors nous suspendons.
(1030)

(1035)
    D'accord, nous avons obtenu des précisions. Apparemment, puisque le sujet de discussion sera notre programme de travail, à propos duquel nous avions précédemment convenu que nous passerions au huis clos, alors suspendons la séance...
    Madame la présidente, puis-je simplement contrevérifier? Je croyais que le vote ne portait pas sur le rappel au Règlement. Le vote ne devait pas porter sur le huis clos. C'est ce que j'avais compris.
    Non, le vote ne portait pas sur le rappel au Règlement. Le vote portait sur la motion demandant un huis clos de 15 minutes, mais en fait nous n'avons même pas besoin d'une motion pour travailler à huis clos pour discuter de choses sur lesquelles nous nous étions précédemment entendus. Nous ne savions simplement pas quel était le sujet, mais maintenant nous savons que le sujet est notre programme et nous savons qu'une motion a été votée, alors nous pouvons passer à huis clos...
    La salle n'a pas été vidée.
    Nous allons passer à huis clos, alors videz la salle. Je vais interrompre la séance pendant que nous nous préparons au huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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