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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 161 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 mai 2019

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Nous entamons maintenant la 161e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous commençons aujourd'hui notre étude sur le mandat de CBC/Radio-Canada en ce qui concerne la Loi sur la radiodiffusion.
    Nous accueillons Mme Catherine Tait, la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Mme Barbara Williams, la vice-présidente principale de CBC, et M. Michel Bissonnette, le vice-président principal de Radio-Canada.
    Madame Tait, vous pouvez commencer votre présentation.
    Merci beaucoup de votre accueil, madame la présidente.
    Je vous remercie également, membres du Comité, de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui.
    Nous avions hâte d'avoir cette conversation. Il s'agit présentement d'un moment charnière pour le diffuseur public ainsi que pour la culture et la démocratie canadiennes.
    CBC/Radio-Canada occupe une place fondamentale au sein de l'industrie culturelle canadienne. Cette industrie, qui vaut 55 milliards de dollars, repose sur la contribution d'intervenants publics et privés, qui ont chacun leur rôle à jouer. Rappelons d'ailleurs que chaque dollar investi dans le diffuseur public génère trois dollars en activité économique au pays.
    Au cours des dernières années, grâce au talent de nos employés de même qu'au réinvestissement important accordé par le Parlement — merci encore une fois —, notre transformation numérique a donné des résultats concrets.

[Traduction]

    Aujourd'hui, plus de 20 millions de Canadiens se rendent sur nos plateformes numériques chaque mois. Nous sommes le baladodiffuseur le plus populaire du Canada en plus d'être un leader mondial de ce format audio émergent. Nous présentons plus d’émissions permettant de découvrir davantage le Canada, notamment des émissions comme Unreserved, avec Rosanna Deerchild, à CBC Radio, Pour l'amour du country, à partir d’Halifax et, comme on l'a annoncé récemment, The Cost of Living, une nouvelle émission hebdomadaire produite à partir de Calgary qui couvrira les histoires commerciales de l'heure.
    Nous jouons un rôle essentiel pour rassembler notre vaste pays à l'occasion d'événements et de célébrations comme les Jeux olympiques, les Jeux paralympiques, les prix Juno, l’ADISQ et le Bye Bye.
    Nos plateformes de contenu numérique comme CBC Gem, ICI Tou.TV, Espaces autochtones et CBC Indigenous rejoignent plus de Canadiens grâce à de nouveaux moyens; des moyens qu'ils recherchent pour consommer le contenu.
    Même si la couverture de l'actualité au Canada, et tout particulièrement les nouvelles locales, est en déclin, nous avons maintenu la présence de journalistes dans 60 endroits à l'échelle du pays. À une époque où la désinformation mine la confiance dans nos institutions et notre démocratie, nous demeurons la source de nouvelles et d'information la plus digne de confiance aux yeux des Canadiens.
    Nous voulons miser sur cette confiance et sur cette réussite, afin d'en faire profiter tous les Canadiens.

[Français]

    Lancée la semaine dernière, notre stratégie pour les trois prochaines années vise à placer les auditoires au cœur de nos décisions et de nos actions, de là notre slogan « Entre nous, c'est pour la vie ».
    Ce plan poursuit aussi les objectifs suivants: préserver la confiance que le public nous témoigne, mais que nous ne tenons jamais pour acquise; approfondir nos liens avec les Canadiens; et consolider notre position de chef de file des services numériques. Pour tout cela, nous nous appuyons sur notre détermination à faire rayonner les meilleures histoires canadiennes.

[Traduction]

    Nous avons choisi de mettre l'accent sur cinq priorités.
    Tout d'abord, nous voulons offrir plus de services numériques personnalisés. Nous répondrons aux besoins des citoyens de manière plus directe, surtout par l'entremise de nos services de visionnement en ligne, c'est-à-dire ICI Tou.TV et CBC Gem et de nos services audio.
    Nous bâtirons des relations à long terme avec les Canadiens. En capturant l'attention des enfants et des jeunes avec des contenus qui les encouragent à établir des liens entre eux et avec leur pays, nous visons à renforcer la cohésion sociale et la fierté nationale.
    Nous renforcerons nos liens à l'échelle locale. C'est d'ailleurs notre plus grand atout. En effet, notre proximité avec les Canadiens est ce qui nous distingue à titre de radiodiffuseur public.
    Nous en ferons davantage pour refléter toute la richesse du Canada d'aujourd'hui, c'est-à-dire son visage multiculturel, sa réalité autochtone, et ses communautés urbaines, rurales et régionales. Nous le ferons dans les histoires que nous présenterons sur nos ondes et sur nos plateformes numériques et dans nos pratiques d'embauche — un volet très important —, afin que les Canadiens se reconnaissent dans leur radiodiffuseur public.
    Enfin, nous veillerons à ce que des extraordinaires histoires canadiennes soient vues et entendues au Canada et ailleurs dans le monde.

[Français]

    Notre industrie fait face à des défis réels, nous le savons. C'est pourquoi nous voulons travailler avec des partenaires canadiens publics et privés, parce qu'aujourd'hui, la concurrence n'est pas entre nous. Nos concurrents, ce sont Google, Facebook, Amazon et les autres géants étrangers du numérique, des géants qui font maintenant partie de nos vies. Ils captent notre attention, et aussi nos renseignements personnels.

[Traduction]

    Les géants du numérique ont compris le potentiel économique de la culture. Par exemple, Apple, Netflix et Amazon vont dépenser, ensemble, 18 milliards de dollars américains dans la production de contenu l'an prochain — c'est presque 90 fois ce que CBC/Radio-Canada est capable d'investir.
     La mondialisation des contenus d'information et de divertissement a complètement bouleversé l'écosystème médiatique canadien. Le défi consiste à rendre les histoires et les expériences canadiennes accessibles et faciles à découvrir dans cet océan de contenu étranger.
    Soyons clairs: nous n'avons rien contre ces entreprises. Elles nous ont permis de découvrir des films et des séries extraordinaires comme Roma, Transparent ou The Crown. Elles peuvent aussi donner une visibilité mondiale aux histoires canadiennes — comme Netflix l'a fait avec Anne with an E et Kim's Convenience, ou Amazon avec Annedroids.
    Toutefois, ces entreprises n'ont pas le mandat de soutenir ou d'encourager le développement des artistes et des créateurs canadiens, des athlètes canadiens dans le sport amateur ou des points de vue canadiens. C'est à nous de le faire.
(1535)

[Français]

    C'est l'objectif que nous poursuivons dans le cadre de notre stratégie.
    Nous voulons forger des partenariats avec des médias dans les communautés locales partout au pays, pour soutenir l'information et la démocratie. Nous voulons approfondir nos liens avec les Canadiens et leur permettre d'interagir les uns avec les autres. Nous voulons créer plus de contenus pour les jeunes Canadiens sur un éventail de plateformes. Enfin, nous voulons élargir notre programmation pour refléter toute la richesse du Canada.

[Traduction]

    Nous voulons également renforcer la présence du Canada sur la scène mondiale et y assurer une place à nos créateurs.
    Cette stratégie aura des répercussions positives pour nos entreprises, pour nos emplois et pour nos créateurs. De plus, elle renforcera notre culture ici, au pays.
    Je vous remercie de votre temps. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci.
    Nous entamons maintenant les séries de questions. Nous entendrons d'abord M. Long. Il a sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Bonjour, chers collègues, et merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants et c'était une déclaration très intéressante.
    Je dois admettre quelque chose. J'ai des antécédents dans le hockey et le sport à titre de copropriétaire des Sea Dogs de Saint John, l'équipe de hockey junior majeur de Saint John. J'ai grandi dans une culture de sport, et je me souviens que lorsque j'étais un jeune adulte — et cela divulguera mon âge —, mon père me faisait regarder Tommy Hunter à la CBC et, bien sûr, Hockey Night in Canada. C'était ma première expérience avec la CBC.
    J'aimerais ajouter que lorsque je faisais du porte-à-porte au début de ma campagne, en 2015, j'ai vu beaucoup d’affiches sur lesquelles on pouvait lire des messages visant à sauver CBC/Radio-Canada sur les pelouses des gens et aux événements auxquels j'ai participé. Je me suis rapidement rendu compte de l'énorme importance de CBC/Radio-Canada d'un bout à l'autre du pays et de la façon dont le radiodiffuseur rassemblait les gens et les communautés de notre pays, et comment il s'agit en quelque sorte d'un organisme d'unification à l’échelle du Canada.
    Au Nouveau-Brunswick, j’aime certainement Harry Forestell, de CBC News New Brunswick. J'aime aussi beaucoup Julia Wright, la nouvelle animatrice de Information Morning, à la radio de CBC. Mais je commence à m'inquiéter, car il y a littéralement deux jours, le chef de l'opposition a déclaré que CBC/Radio-Canada devrait cesser de couvrir les nouvelles internationales.
    Il semble penser que les événements internationaux n'ont aucune répercussion sur les Canadiens, et que les Canadiens ne se soucient pas de ce qui se passe à l'étranger. Manifestement, nous ne sommes pas seuls dans ce monde. Il ne se rend peut-être pas compte que le Brexit, les crises humanitaires qui se déroulent partout dans le monde et les guerres au Moyen-Orient peuvent avoir des répercussions sur notre société canadienne et sur notre mode de vie.
    Madame Tait, j'aimerais vous poser ma première question. À votre avis, CBC/Radio-Canada devrait-elle cesser de couvrir les nouvelles internationales?
    Je vous remercie d'avoir mentionné le Nouveau-Brunswick. Nous sommes également très fiers de nos compatriotes qui sont connus dans tout le pays, et vous avez absolument raison lorsque vous parlez de l'importance du radiodiffuseur dans les collectivités locales. C'est vraiment le cas, et nous espérons que nous avons suffisamment insisté là-dessus dans le cadre de notre nouvelle stratégie.
    Lorsque j'ai dit, dans notre déclaration, que notre proximité avec les Canadiens nous permettait de nous distinguer, c'est la force principale d'un radiodiffuseur public dans un monde où la concurrence s'étend à l'échelle mondiale.
    Pour répondre à votre question sur les nouvelles internationales, tout le monde a son mot à dire sur les nouvelles et sur le rôle de CBC/Radio-Canada dans la couverture de l'actualité. Nous sommes la marque média qui inspire le plus confiance au Canada, que ce soit en anglais ou en français. Cette confiance est fondée sur des normes et des pratiques journalistiques auxquelles adhèrent nos journalistes, car elles sont indépendantes du gouvernement et de tout processus politique; par conséquent, nous avons mérité cette confiance. Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne considérons pas cette confiance comme allant de soi. Nous nous efforçons de la mériter chaque jour.
    Donc, si des événements se produisent quelque part dans le monde, nos journalistes continueront d'en parler, car il est important que les Canadiens profitent d'une perspective canadienne sur les événements qui se déroulent ailleurs dans le monde et qui pourraient avoir des répercussions sur leur vie.
(1540)
    Merci.
    Pourriez-vous également me donner votre avis, de façon générale, sur le rôle du gouvernement lorsqu'il s'agit de dicter à un radiodiffuseur ce qu'il peut couvrir et ce qu'il ne peut pas couvrir?
    Comme vous le savez, le radiodiffuseur public canadien a été créé à partir d'un principe d'indépendance bien enraciné. Ce principe est enchâssé dans la Loi sur la radiodiffusion, et tout au long de son histoire, l'organisme s'est efforcé de conserver cette indépendance. C'est la différence fondamentale entre un radiodiffuseur public et un radiodiffuseur d’État. Par conséquent, nous vivons avec cette indépendance et nous la protégeons tous les jours. Donc, en ce qui concerne l'ingérence politique ou l'ingérence du gouvernement, nous respectons manifestement le processus démocratique dans lequel nous vivons, mais l'indépendance est essentielle pour offrir aux Canadiens des nouvelles et des points de vue justes et équilibrés. Le pluralisme et la diversité des opinions sont des notions extrêmement importantes et, encore une fois, ces notions sont enchâssées dans les normes et les pratiques journalistiques de l'organisme.
    À ce propos, comment CBC/Radio-Canada s’assure-t-elle de protéger son indépendance?
    Comme vous le savez, nous avons formulé plusieurs recommandations dans le cadre de l'examen de la Loi sur la radiodiffusion, afin de renforcer la loi pour qu'elle protège l'indépendance du radiodiffuseur, surtout en ce qui concerne la composition de notre conseil d'administration et le processus de nomination du président-directeur général, mais ces questions ont été versées au dossier public. Je vous invite à les consulter.
    D'accord. Merci.
    Pendant la campagne de 2015, je suis certainement devenu très conscient des compressions budgétaires apportées à CBC/ Radio-Canada par le gouvernement Harper.
    Encore une fois, j'aimerais revenir sur le fait qu'il y a deux jours, des journalistes ont demandé à M. Scheer s'il comptait réduire le financement du gouvernement pour CBC/Radio-Canada s'il était élu. Il n'a pas répondu directement à la question.
    Nous nous souvenons tous de la promesse visant à abolir la division de l'actualité de CBC/Radio-Canada. D'un autre côté, notre gouvernement a réinvesti 670 millions de dollars pour appuyer le radiodiffuseur. Selon vous, le financement du gouvernement est-il essentiel au fonctionnement de CBC/Radio-Canada?
    Oui, il est essentiel au fonctionnement de CBC/Radio-Canada. Il représente d'ailleurs la majorité de notre financement, comme vous le savez bien. En effet, notre organisme dépend du soutien public et ce soutien public continu nous permet de poursuivre notre bon travail.
    J'ai mentionné que nous étions présents dans 60 collectivités. Chaque collectivité du pays est-elle bien desservie par CBC/Radio-Canada? Non. Dans certaines collectivités, les journaux locaux ont cessé leurs activités pour toutes sortes de raisons, et nous aimerions beaucoup assurer une présence dans un plus grand nombre de collectivités, afin d'offrir un plus grand nombre d'excellents programmes.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Dreeshen. Il a sept minutes.
    J'ai certainement aussi grandi avec la CBC. Je viens de l'Alberta. Lorsque je conduisais un camion de grains, j'écoutais ses programmes toute la nuit.
    Je viens de la région de Red Deer, et je dois avouer que nous avons été très déçus lorsque CBC/Radio-Canada a cessé d'y offrir ses services. Cela s'est passé il y a plusieurs décennies, mais nous avons tout de même écouté certaines personnalités locales, par exemple Ron Maclean. Ce sont des gens qui éprouvaient et continuent d'éprouver une grande passion pour CBC/Radio-Canada, mais nous sommes nombreux à avoir l'impression que l’orientation principale a peut-être changé. Dans des émissions comme As It Happens et d'autres émissions avec lesquelles j'ai grandi, et avec les personnes que nous avions, nous pouvions voir la différence entre les journalistes et les éditorialistes. Je pense que c'est l’un des problèmes. C'est l'une des choses que nous observons maintenant.
    En effet, le nouveau cycle de nouvelles de 24 heures n'offre pas de nombreuses occasions d'entrer dans les détails d'une affaire. Le fait qu'on ne puisse pas faire cela semble contre-intuitif, mais c'est ce qui se passe dans les émissions de nouvelles. Autrefois, il y avait une demi-heure de nouvelles et ensuite, on présentait les affaires locales. Lorsqu'on perd cette partie… Comme il a été mentionné, vous assurez une présence dans 60 collectivités, mais vous avez dû vous retirer d'un grand nombre de collectivités.
    Ces problèmes et ces choses que j'ai observés expliquent les raisons pour lesquelles vous vous faites parfois critiquer. Je suis allé dans des endroits comme Fort McMurray, lorsque des événements importants s'y sont déroulés. CBC/Radio-Canada arrivait avec quelques camions et six ou sept personnes, mais tous les autres réseaux de nouvelles arrivaient avec seulement un camion et une ou peut-être deux personnes. Les gens vous regardaient arriver en se disant que leurs impôts devaient payer pour cela. Vous devez vous rendre compte que cette perception existe.
    En ce qui concerne l'autre enjeu soulevé par l'honorable député, je ne crois pas que sa citation était exacte, mais il a parlé du fait que CBC/Radio-Canada s'intéressait parfois un peu trop aux affaires américaines et ne se concentrait pas sur le Canada, ou du moins sur les répercussions de ces événements sur le Canada. Nous avons vu cette situation se produire. Nous n'entendons pas parler du fait que l'Australie, par exemple, a imposé une taxe sur le carbone et a ensuite décidé de l'éliminer, car le pays avait perdu toute sa compétitivité. Nous n'entendons pas parler de l'Allemagne, qui a dû apporter d'énormes changements en raison des problèmes qu'éprouve le pays avec ses ressources renouvelables, et les répercussions de cette situation.
    Nous n’entendons pas parler des décisions commerciales catastrophiques qui ont été prises. Nous savons ce qui se produit. Je suis agriculteur et je fais également partie du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et lorsque vous parlez du blé dur d'Italie et des répercussions de cet obstacle non tarifaire au commerce sur notre pays, ou de l'Arabie saoudite, où un gazouillis mal avisé du gouvernement a causé de graves problèmes pour tout l'approvisionnement d'un produit… L'Amérique du Sud a des préoccupations semblables et, manifestement, il y a eu le voyage désastreux en Inde, ainsi que les légumineuses et les occasions de faire quelque chose à cet égard. Les gens commencent à se demander où est la couverture médiatique de ces événements.
    Nous entendons parler de Donald Trump. Nous entendons parler des enjeux connexes dans ce pays et des prises de bec entre les démocrates et les républicains, mais qui s'en soucie? Nous devrions plutôt parler de la façon dont le Canada interagit avec le reste du monde. Oui, les États-Unis représentent un élément important, car c'est notre partenaire principal, mais ce n'est pas notre seul partenaire, et nous devons veiller à raconter cette histoire.
    J'aimerais savoir si, selon vous, on pourrait faire en sorte que la société se concentre davantage sur le volet canadien de ces histoires nationales au lieu de se contenter de communiquer ce qui a été dit aux États-Unis.
(1545)
    C'est une question qui comporte plusieurs volets. Permettez-moi d'y réfléchir quelques instants.
    En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet de Fort McMurray — car cela m'a profondément touchée —, je dirais que nos équipes d’Edmonton ont passé beaucoup de temps dans cette ville, et nous envoyions ensuite les nouvelles à nos collègues. C'était une histoire extrêmement importante. Honnêtement, si nous avions pu envoyer plus de gens là-bas, nous l'aurions fait, car les gens que nous avons envoyés ont dû travailler sans arrêt, et…
    Oui. Je suis désolé. Si vous me le permettez, j'aimerais préciser que c'était avant l'incendie. Je comprends.
    Oh! Je vous demande pardon. Ç'a été un événement très spécial.
    Sur la représentation en Alberta, nous venons de parler de l'importance du financement local et de celui qui vient de l'État, et si CBC/Radio-Canada bénéficiait de fonds supplémentaires, je vous assure... Nous avons dressé une carte des endroits où nous voudrions être, mais d'où nous avons dû nous retirer, dans le passé, parce que, disons le seulement très clairement, malgré les fonds réinvestis par le gouvernement, nous subissions en permanence des pressions financières, faute d'être indexés à l'inflation des prix des biens et services, pendant que les recettes publicitaires et celles des abonnements diminuaient. La situation s'aggrave chaque année malgré la réinjection annuelle d'environ 20 millions de dollars.
    Dans notre travail, nous sommes constamment exposés à cette sorte de pression. C'est simplement le contexte. Ce n'est pas que nous voulions nous retirer. Nous consacrerions beaucoup plus de ressources à la dimension locale... si nous en avions les moyens.
    Pour répondre à votre question générale sur notre couverture des événements mondiaux, encore une fois, nous estimons couvrir la planète avec très peu de ressources. Nous avons huit bureaux à l'étranger, et — encore une fois, vous pourrez me corriger — je pense que notre budget est peut-être de l'ordre de 10 millions de dollars pour la totalité du monde que nous couvrons.
    Nous ne sommes pas présents en Afrique, un continent susceptible d'influer profondément sur l'avenir de l'économie canadienne — sauf pour seulement certaines des questions que vous avez soulevées. Nous ne sommes pas en Inde. Nous gérons la couverture journalistique de ces questions très importantes du mieux que nous pouvons, souvent avec ce que nous appelons des bureaux éphémères. Nous y dépêchons certains de nos journalistes de Paris ou de Londres.
    Ce n'est pas faute d'essayer de donner aux Canadiens l'aperçu le plus complet de l'actualité mondiale. Nous y travaillons quotidiennement. Indéniablement, les États-Unis jouent un rôle très important dans la réalité canadienne, et ce serait également une omission grave de ne pas signaler ce qui s'y passe.
    Encore une fois, comme je l'ai dit, équilibre et équité sont au cœur de nos normes et de nos pratiques journalistiques, et nos journalistes le comprennent. Un ombudsman de langue anglaise et un autre de langue française ont pour rôle de s'en assurer. Je pense que nous relevons très bien ce défi.
(1550)
    We'll go to Mr. Nantel for seven minutes.

[Français]

    Monsieur Nantel, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup à nos trois invités d'être ici.
    Concernant la couverture internationale, au début de chaque année, j'ai hâte de voir l'émission où il y a une table ronde avec tous les correspondants à l'étranger. J'imagine que vous faites la même chose à CBC. À maintes reprises, j'ai trouvé que Radio-Canada, contrairement au portrait assez poussiéreux qu'en faisaient les conservateurs à l'époque où ils étaient au pouvoir, était très moderne. Sa plateforme ICI TOU.TV a ouvert la voie à la télévision de rattrapage.
    Je crois que Radio-Canada demeure un standard à bien des égards. Nous nous souvenons tous de M. Bernard Derome, qui ne voulait jamais qu'on évoque le moindrement que la façon de faire « radio-canadienne » en matière d'information était à remettre en question, et il avait bien raison.
    Madame Tait, j'ai eu la chance d'entendre votre présentation sur le nouveau paradigme qui a cours aujourd'hui. Vous avez tapé dans le mille en disant qu'il allait falloir travailler tous ensemble. Nous sommes tous devant ces nouvelles habitudes de visionnement des gens, lesquelles amènent à importer du contenu de façon phénoménale; c'est du jamais vu.
    Vous avez parlé de votre budget. Évidemment, les enchères sont ouvertes pour déterminer qui vous aime le plus ou qui vous hait le plus. Ce que je sais, c'est que les libéraux ont ramené le budget au niveau où il serait sans les compressions du gouvernement conservateur de l'époque. Dans les faits, votre budget de fonctionnement a déjà été plus élevé, n'est-ce pas? Comment gérez-vous cette situation? Votre budget est moindre, mais les salaires doivent bien augmenter et vous devez maintenir des normes de qualité. Vous demeurez la référence à bien des égards. De plus, il faut tenir compte de l'inflation. Comment y arrivez-vous?
    Je dois dire que c'est un grand défi. J'ajouterais que nous gérons deux services différents.
    Bien sûr.
    Nous gérons des services de télévision et de radio linéaires en même temps que des services numériques. Nous essayons toujours d'aller à la rencontre des Canadiens, surtout des jeunes, par exemple sur Snapchat ou YouTube. C'est un travail énorme.
    Monsieur Bissonnette, voulez-vous ajouter quelque chose sur la façon dont nous gérons le problème?
    Je dis souvent à la blague qu'il est plus facile de gérer la croissance que la décroissance. Malheureusement, nous sommes dans un environnement où il y a de la décroissance et nous devons maintenir notre service pour tous nos publics. Les services linéaires demeurent donc importants. Pour leur part, les services numériques sont très importants aussi, si nous ne voulons pas échapper une génération. Par conséquent, nous nous réinventons chaque année pour trouver de nouvelles façons de faire, parce que nous devons en offrir plus, mais dans un environnement budgétaire qui est moindre. Cela exige donc un talent visionnaire.
    Vous mettez le doigt sur le sujet qui me passionne le plus, mais qui est à la toute fin de mes questions. Vous m'obligez donc à sauter plusieurs pages.
    Vous parliez de sauter une génération. La génération du millénaire écoute rarement la télévision en direct. Cela dit, dans son allocution, Mme Tait a évoqué le Bye bye, lequel a encore une fois battu des records mondiaux, j'en suis certain.
    Je me permets de prendre quelques secondes pour rappeler aux membres du Comité que tous les sondages Numeris sur les émissions télévisuelles au Canada et au Québec confirment grosso modo, d'une semaine à l'autre, que 25 des 30 émissions les plus populaires au Québec sont produites au Québec, tandis qu'au Canada anglais, c'est plutôt la situation inverse: au moins 25 des 30 émissions les plus populaires ne sont pas canadiennes. Dans les deux cas, ce sont des records mondiaux. Il est toujours bon de rappeler qu'autant il peut n'y avoir aucun intérêt d'un côté pour du contenu local, autant il peut y en avoir un très grand de l'autre côté. Par contre, la prochaine génération va changer cela.
    Vous avez fait quelques annonces relativement à la télévision pour enfants. Selon moi, nous avons déjà perdu la génération préscolaire actuelle, c'est-à-dire les enfants qui entrent à la maternelle prochainement. En effet, il y a de fortes chances qu'ils écoutent exactement les mêmes émissions que les « ti-cul » qui habitent au Connecticut.
(1555)
    Puis-je répondre, madame Tait?
    Je vous en prie.
    La semaine dernière, nous avons rendu public notre plan stratégique pour les trois prochaines années. L'un des constats que nous avons tirés est que la programmation de CBC/Radio-Canada est très bonne pour les tout-petits, soit les enfants de 3 à 5 ans, mais que nous avons abandonné le reste de la programmation jeunesse.
    Nous avons donc pris l'engagement d'offrir, dès la prochaine année, une programmation ciblant les 3 à 5 ans, les 6 à 8 ans, les 9 à 12 ans et les 13 à 17 ans. En effet, nous ne pouvons pas établir des liens avec une clientèle de tout-petits pour ensuite les abandonner pendant 15 ans, tout en espérant les retrouver après.
    Je sais que vous êtes compétent, vous ou les gens derrière vous dans l'équipe de Radio-Canada. Je suis curieux de savoir si vous êtes d'accord avec moi que les cotes d'écoute incroyables du Bye bye de cette année s'expliquent entre autres par le fait que l'une des nouvelles vedettes de l'émission était quelqu'un qui avait accompagné dans leur jeunesse la génération du millénaire, c'est-à-dire les personnes aujourd'hui âgées de 30 à 40 ans. Je parle ici de Claude Legault, qui faisait partie d'une émission pour enfants qui s'appelait Télé-Pirate ou Radio Enfer. Il a ensuite évolué avec l'émission Dans une galaxie près de chez vous. Plus tard, à l'heure d'aller dans les bars, il a fait Minuit le soir. Ensuite, il y a eu 19-2.
    Croyez-vous qu'il y a un effet « Claude Legault »? Ce n'est pas attribuable à un simple appel du gérant de Claude Legault. C'est plutôt parce qu'il est une vedette qui a grandi avec les gens. Croyez-vous que cet attachement a eu une influence sur les cotes d'écoute?
    Ma réponse risque de me coûter cher pour les prochaines négociations avec les artistes.
    Pour ce qui est de Claude Legault, du moins. Nous allons lui demander si c'est le cas.
    Il y a un phénomène ici, ne croyez-vous pas?
    À vrai dire, il s'agit d'un phénomène qui est propre à la francophonie canadienne, à savoir le vedettariat canadien. Il provoque le succès auquel vous faisiez référence. Sur les 50 émissions les plus regardées, 46 sont canadiennes; c'est le chiffre que j'utilise le plus. Cela repose beaucoup sur la force de ce vedettariat.
    Pour ce qui est du Bye bye, cette émission a été regardée par plus de 4 millions de personnes. Alors que l'on prédit depuis plusieurs années la fin de la télévision linéaire, cette cote d'écoute demeure la plus élevée jamais enregistrée pour une émission en français au Canada.
    C'est incroyable.
    Je pense donc qu'il y a encore un avenir pour la télévision linéaire, tout comme il y a un avenir pour les contenus numériques.
    J'aimerais ajouter une chose concernant un point que vous avez soulevé tantôt. Le diffuseur public ne doit pas nécessairement faire autre chose que le diffuseur privé, mais il doit le faire autrement. Quand nous faisons des séries dramatiques comme Trop ou des webséries offertes sur ICI TOU.TV, c'est parce que nous voulons intéresser un auditoire qui est dans la vingtaine et la trentaine. Même s'il s'agit d'un auditoire plus restreint, c'est notre rôle en tant que diffuseur public d'offrir du contenu à ces gens.
    Je vous félicite de votre rôle de champion.
    Évidemment, les diffuseurs privés auront...
    Mon temps de parole est-il déjà écoulé, madame la présidente?
    Votre temps de parole est effectivement écoulé.
    Ah! Comme c'est triste.
    Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
    Oui, brièvement.

[Traduction]

    Pour les anglophones, je tiens à préciser une chose. Indéniablement, Radio-Canada occupe une place très particulière, mais Anne with an E, une émission de CBC, se classe parmi les plus écoutées en rafale dans le monde sur Netflix. Ça ne veut donc pas dire que CBC éprouve des difficultés à raconter ses propres histoires.
    Les deux marchés présentent des difficultés qui leur sont propres. Pour répondre à la première partie de votre question, nous pouvons notamment trouver des partenaires pour nous aider à obtenir plus pour notre argent. Nous prenons d'abord les décisions sur le contenu de nos partenaires, qu'ils soient du monde de l'information ou de celui du divertissement.
    Il ne s'agit pas de courir après l'argent pour finalement trouver une idée de contenu, mais de trouver une histoire qui nous semble avoir vraiment besoin d'être racontée au Canada, que nous sommes les seuls en mesure de raconter, puis de trouver quelqu'un qui voudrait l'exploiter avec nous, en apportant du financement. Ce peut être Netflix. Anne with an E est un exemple éloquent d'une série incroyablement belle que cette entreprise a pu révéler au monde entier.
    Nous comptons aussi sur nos autres diffuseurs, à l'étranger — dont la créativité est souvent synchronisée avec la nôtre —, pour y trouver des projets communs, parce que nous avons besoin de ces occasions pour rayonner davantage.
(1600)
    C'était excellent.
    Vous serez maintenant questionnés par M. Hogg.
    Notre traversée du Canada, commencée dans les Maritimes, poursuivie dans les Prairies puis au Québec, arrive à l'autre extrémité du pays, puisque je suis de la Colombie-Britannique.
    Les notions générales de l'évolution des médias et de la couverture médiatique, la désinformation, l'infox et les réalités fondées sur l'identité que nous affrontons, tout cela m'a beaucoup intéressé, surtout dans le contexte de la comparaison de la télédiffusion par l'État et de la télédiffusion publique, dont nous entendons constamment parler dans différents médias.
    Pourriez-vous parler rapidement du principe essentiel d'indépendance et exposer une réfutation du genre de critiques que nous entendons parfois, sur le marché, contre l'indépendance et le fait d'appartenir à l'État?
    Je ne suis pas sûre du lien qui existe avec les fausses nouvelles, dans votre question. Nous pouvons revenir à la question d'indépendance, mais...
    Le lien se trouve dans le fait que certains des diffuseurs étatiques ou publics d'un certain nombre de pays européens non démocratiques diffusent beaucoup d'information que nous estimons biaisée ou fausse.
    Je vois. Veuillez me pardonner.
    J'ai immédiatement pensé aux nouvelles falsifiées, mais vous parlez bien de désinformation.
    Notre monde est compliqué. Nous vivons dans la surabondance de l'information et des contenus et dans celle de la désinformation. Ajoutez de fausses nouvelles et vous obtenez des algorithmes qui isolent les utilisateurs dans des bulles filtrantes. Depuis 5 à 10 ans, les diffuseurs publics sont complètement décontenancés. Je dirais, comme on le dit à Montréal et partout ailleurs, que, l'une des raisons pour lesquelles j'ai accepté ce merveilleux travail est ma conviction que la diffusion publique n'a jamais été aussi importante qu'aujourd'hui.
    Les autres diffuseurs publics, à Paris, Londres, en Australie, avec qui je suis en relation, et moi, nous affrontons tous le même problème, la protection et la défense de l'ensemble des citoyens contre l'incroyable tsunami de la désinformation.
    Dans un certain sens, nous sommes devenus une balise de la vérité. Essentiellement, votre question — sur la comparaison du diffuseur public et du diffuseur de l'État — est que nous avons besoin du public pour nous sentir en sécurité et savoir que nous sommes une balise pour cette vérité et qu'il sait...
    Nous pouvons commettre des erreurs. Tout le monde en fait, mais les normes et les pratiques journalistiques énoncent très clairement la nécessité pour nous de mesurer, de chercher, d'être transparents, de soupeser, de nous efforcer de présenter toutes les facettes d'un sujet particulier. Voilà la nature du service et du mandat publics, que nous prenons très au sérieux.
    Je suis un grand admirateur de John Stuart Mill, qui disait qu'on peut comprendre parfaitement sa propre position, mais, tant qu'on ne peut pas exposer aussi bien celle de l'adversaire, on n'a pas le droit de choisir entre les deux.
    Vous me semblez appuyer l'utilitarisme de Mill. Je vous en remercie. Je vous remercie de renforcer mon système de croyances et mon parti pris. Je me sentirai beaucoup plus à l'aise avec mon parti pris quand je me coucherai ce soir.
    Très récemment, j'ai rencontré des amis de CBC/Radio-Canada qui sont ici. Pouvez-vous me parler un peu de vos rapports avec eux et leurs modes d'action?
    Pour être plus précise, je pense que ce sont Les amis de la radiodiffusion.
    Qu'est-ce que j'ai dit?
    Les amis de la CBC. Bien sûr, nous avons suivi le travail de votre organisme, Les amis de la radiodiffusion, mais, encore une fois, c'est un groupe de pression politique et vous savez que je vous ai notamment dit que nous ne nous mêlons pas de politique, pour absolument éviter toute influence. Nous nous efforçons beaucoup de nous distancier de tout parti pris.
(1605)
    Combien me reste-t-il de temps?
    Deux minutes et demie.
    Je les cède à mon ami Shaun Chen.
    Monsieur Chen, vous avez donc la parole.
    Je remercie nos témoins d'être ici.
    Madame Tait, je sais qu'on vous a nommée à CBC/Radio-Canada en 2018 et que le sujet de ma question date d'avant votre arrivée, mais il est important, parce que, d'après le dicton, nous pouvons toujours apprendre des erreurs du passé.
    En 2012, le gouvernement antérieur a diminué de 115 millions de dollars le financement de CBC/Radio-Canada. Je sais bien que vous n'étiez pas aux commandes à l'époque, mais quelle pourrait être la conséquence de ce type de compression à CBC/Radio-Canada? Dans quelle mesure affecterait-elle votre organisation?
    Je me pose bien sûr la question et je la pose à mes collègues ici, aujourd'hui. Nous savons très bien que l'histoire peut se répéter. Il est à espérer que ce ne sera pas dans le cas qui nous occupe ici.
    Divers éléments entrent en ligne de compte. Récemment, dans le plan stratégique que nous avons lancé, nous avons parlé de la nécessité, pour le diffuseur public, de conserver son modèle de revenus diversifiés. Précisons tout de suite de quoi il s'agit. Tout diffuseur public dans le monde possède un modèle de revenus diversifiés et il cherche à obtenir des revenus commerciaux pour équilibrer ceux qui lui sont accordés par l'État, que ce soit par crédit parlementaire, octroi d'un droit ou par un modèle quelconque de financement public. Nous considérons que c'est une police d'assurance indispensable contre les aléas.
    Pour répondre directement à votre question sur ce que nous devrions faire, nous devrions opérer des compressions, examiner tous les éléments de notre activité et réduire les services. Simplement pour que vous compreniez, certaines de nos activités, notre programmation télévisée par exemple, sont peut-être rentables, nous font encaisser de l'argent, comme le Bye bye, mais nous fournissons aussi des services aux communautés minoritaires, aux communautés francophones hors Québec, qui ne seraient simplement pas des entreprises rentables. Elles dépendent entièrement des deniers publics que nous recevons. C'est vrai aussi du côté anglais et de certains services donnés dans le Nord. Nous occupons seuls ce créneau parce que les diffuseurs privés ne s'y aventureraient jamais, ces services ne rapportant absolument rien.
    L'un des grands services...
    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé. Merci.
    Monsieur Arnold, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être ici. La discussion est vraiment intéressante.
    Vous martelez votre apolitisme. Pourtant, nos collègues d'en face semblent vouloir donner à la séance une tournure très politique.
    Revenons à l'objet officiel de l'étude, l'examen du mandat de CBC et de Radio-Canada en ce qui concerne la Loi sur la radiodiffusion. Dans le mémoire que nous avons reçu, il est précisément dit, à l'alinéa 3(1)m) de la Loi et au sous-alinéa 3(1)m)(i) que la programmation devrait « être principalement et typiquement canadienne ». Dans notre monde numérique changeant où les médias doivent se réinventer — les médias privés, essentiellement, se réinventent quotidiennement, hebdomadairement et annuellement pour se maintenir au niveau de l'accès changeant à l'information de partout dans le monde — est-ce que CBC/Radio-Canada peut continuer à être concurrentielle pour l'écoute et remplir son mandat actuel sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion?
    L'une des raisons pour lesquelles, je crois, le gouvernement a demandé l'examen de la Loi, c'est pour répondre aux questions soulevées par les médias numériques et la moderniser. Notre mémoire est assez clair à ce sujet. Nous ne sommes plus simplement un diffuseur télévisuel et radiophonique. Nous essayons visiblement de rejoindre les Canadiens et de leur fournir un service là où ils se trouvent, grâce aux médias numériques.
    Si vous nous demandez si nous croyons que la Loi devrait être modernisée, nous répondons absolument. Croyons-nous que CBC/Radio-Canada peut maintenir son pouvoir concurrentiel? La question ne se pose pas dans ces termes, parce notre raison d'être n'est pas la concurrence, mais la prestation d'un service.
(1610)
    Mais vous êtes en concurrence. Vous concurrencez les diffuseurs privés dans les mêmes créneaux de service; vous êtes incontestablement en concurrence avec eux.
    Si vous parlez de concurrence pour obtenir des dollars de publicité ou des parts de marché, voilà des choses différentes. Nous fournissons des services d'un bout à l'autre du pays aux Canadiens qui, sinon, dans de nombreux cas, seraient privés d'information et d'émissions, parce que les diffuseurs privés ont simplement dû battre en retraite devant toute une gamme de pressions financières, et nous le comprenons.
    Nous ne voulons pas être la seule voix qu'entendent ces communautés. Nous nous efforçons, avec les médias privés, d'imaginer des formes de collaboration pour résoudre ce problème.
    Pour la publicité numérique dans le système canadien, sachez que, en chiffres, nous recevons moins de 1 % des dollars qui y sont injectés et que Google et Facebook en engrangent jusqu'à 75 %. Alors...
    Voilà pourquoi je pose la question. Est-ce que CBC/Radio-Canada peut continuer à être concurrentielle avec le mandat actuel?
    Nous le pourrons tant que nous aurons la souplesse et l'indépendance voulues pour servir les Canadiens du mieux que nous pouvons, mais nous devrons être créatifs et futés pour le financement de nos activités.
    Merci.
    Encore une fois, pour revenir à ce monde rapidement changeant qui nous entoure, avec l'assimilation des marchés mondiaux et la connectivité mondiale, nous assistons à l'acquisition d'entreprises canadiennes par des entités étrangères, leur absorption dans des entreprises américaines et ainsi de suite, simplement parce que la taille de notre marché est de 10 % ou moins de celle du marché des États-Unis. En fait, dans une industrie que je connais, nous faisons moins de 2 % du marché mondial. Nous sommes conduits de plus en plus vers le creuset culturel américain. Comment CBC/Radio-Canada ou le Canada peuvent-ils résister? Comment est-ce possible?
    Dans nos bureaux dispersés dans tout le pays, nous nous disons notamment que les vraies nouvelles, la vérité, sont le meilleur antidote contre l'infox. Je suis persuadée que, tant que notre organisation aspirera à dire la vérité et à servir les Canadiens dans leur communauté et à les portraiturer dans leurs régions, aucune entreprise internationale ne désirera, pas encore, de toute façon, fournir des services à Iqaluit, à Red Deer ou à Fort McMurray ni dans aucune autre petite communauté où il n'y a pas d'argent à faire. Et je ne serais pas ici, et mes collègues non plus, si nous n'y croyions pas.
    Tant que nous privilégierons ce rôle, je crois que les Canadiens continueront de vouloir nous appuyer.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Picard, vous avez la parole pour cinq minutes.
     Bonjour, madame Tait.
    Mes commentaires se rapprochent un peu de ce qui a été mentionné au début. Vous avez fait des efforts pour diversifier vos plateformes, par exemple avec TOU.TV. D'une part, l'obligation de diversification entraîne-t-elle des coûts supplémentaires, du fait que cela compartimente vos services? D'autre part, cela vous a-t-il permis d'avoir un plus grand auditoire, ou votre auditoire est-il simplement plus segmenté ou plus spécialisé, selon le média?
    Cela a augmenté notre auditoire. La programmation que nous offrons sur les plateformes ne varie pas nécessairement de l'une à l'autre. Il y a juste plus de fenêtres de diffusion. Très souvent, une série télévisée a une première fenêtre de diffusion sur TOU.TV et se retrouve six mois plus tard sur ICI Radio-Canada Télé. Nous constatons que l'auditoire de la télévision généraliste n'a pas diminué. Nous rejoignons plus de gens qu'auparavant en offrant nos produits sur plusieurs plateformes.
    J'imagine que la segmentation de l'offre engendre une augmentation des coûts, et donc une augmentation de l'investissement public.
    Exactement.
    Vous avez dit tout à l'heure que vous n'étiez pas un compétiteur comme les autres chaînes de télévision ou les autres médias. Vous offrez quand même des émissions d'information de toutes sortes. Ce n'est pas vous qui investissez directement dans cela, c'est le public, et celui-ci veut savoir comment est évalué le rendement des investissements.
    Quand on offre un service plutôt que de marchander, comment évalue-t-on le rendement des investissements?
(1615)
    Comme diffuseur public, notre objectif n'est pas de faire de l'argent, mais d'offrir un service et de réaliser notre mandat. Comme je le disais un peu plus tôt, notre critère concernant le rendement des investissements n'est pas que nous devons faire autre chose, mais que nous devons absolument le faire autrement.
    Par exemple, un diffuseur privé n'aurait peut-être pas pris le risque de réaliser une série comme Unité 9, qui se passe dans un établissement carcéral pour femmes. Réaliser Les pays d'en haut, une série historique qui coûte plus cher qu'une série ordinaire, est aussi un risque que prend le diffuseur public.
    Pour nous, le rendement des investissements, c'est la capacité d'offrir une programmation différente de celle que peuvent offrir les diffuseurs privés.
    Étant donné qu'un plus grand nombre de plateformes permet d'avoir accès à un auditoire plus large, prévoyez-vous ajouter des plateformes pour lesquelles il faudra envisager de nouveaux investissements?
    Non, pas à court terme.
    Je vais aborder un autre sujet.
    En matière de divertissement, des choix s'offrent à nous: il y a la télévision, le cinéma, les sorties, les bars, et ainsi de suite. Pour ce qui est des actualités, c'est un peu plus restreint. Il faut que nous écoutions les nouvelles.
    Au Canada, constate-t-on une tendance dans la façon d'offrir les nouvelles? Aux États-Unis, certaines chaînes suivent certaines orientations plus que d'autres. Il y a des tendances. Or on a l'impression que certaines chaînes au Canada offrent des nouvelles sinon faussées, du moins tendancieuses.
    Observez-vous ce genre de comportement? Est-ce que cela se reflète dans vos nouvelles?
    Je vous dirais qu'il y a un équilibre dans la couverture journalistique que peuvent offrir les diffuseurs privés et le diffuseur public au Canada. Je sens de part et d'autre la même neutralité et la même objectivité. Je ne sens pas que cette tendance américaine se manifeste du côté canadien, présentement.
    Un des problèmes auxquels nous devrons faire face et dont on discute au sein d'autres comités, c'est la question des fausses nouvelles dans le contexte des élections. Vous avez proposé la vraie nouvelle comme remède à la fausse nouvelle. Pour moi, le problème n'est pas de savoir si la vraie nouvelle peut être le remède à la fausse nouvelle, mais de savoir comment je peux déterminer si la nouvelle est bonne.
    C'est beaucoup une question de confiance envers la marque. C'est ce que nous remarquons dans tous les groupes d'âge: quand nous présentons la marque de Radio-Canada, les gens savent qu'ils vont recevoir de l'information de qualité à laquelle ils peuvent se fier. Nous ajoutons aussi, pendant la campagne électorale, la vérification des faits. Chaque jour, nous vérifions ce qui a été dit et nous confirmons quelle est la vérité à ce sujet. Nous allons lancer l'automne prochain une nouveauté qui va vraiment permettre aux gens de distinguer la fausse nouvelle de la vraie nouvelle. Les citoyens pourront donc être mieux informés et mieux préparés à faire face à cette situation.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci.
    C'est tout? D'accord.

[Traduction]

    Mme Wagantall a la parole, pendant cinq minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Quel plaisir d'être ici! Trois d'entre nous ne siègent pas à leur comité habituel. Je dois donc faire un peu de rattrapage. Je dois avouer, pour que vous le sachiez, que j'ai obtenu des renseignements sur Google, mais que j'ai utilisé l'application des nouvelles de CBC/Radio-Canada.
    Bravo!
    Je trouve très important, comme vous le dites, d'avoir les faits. Nous avons entendu des observations au sujet des compressions que CBC/Radio-Canada a subies dans le passé. Je trouvais important de faire une recherche à ce sujet et d'essayer de comprendre la dynamique de cela.
    Vous avez dit, madame Tait, que vous ne voulez pas voir l'histoire se répéter.
    Avoir une dette énorme est problématique, et c'est dans cette situation que notre pays s'est retrouvé en 2008-2009, et ce, jusqu'en 2010, à cause de la crise qui a frappé le monde entier. C'est la dynamique qui prévalait à l'époque, quand les conservateurs étaient au pouvoir. J'ai vu ici qu'on disait que…
    Madame Wagantall.
    Oui.
    Elle ne peut pas faire de commentaires sur la politique gouvernementale, dans la mesure où…
    C'est bon. Je ne m'attends pas à ce qu'elle le fasse. Merci.
    Ce qu'on disait, c'est que les compressions du gouvernement fédéral signifiaient pour CBC/Radio-Canada la perte de 115 millions de dollars en financement sur trois ans, selon le budget déposé à ce moment-là. Donc, c'était une réduction de 10 % du budget de 1,1 milliard de dollars du diffuseur public, dans le cadre de compressions totales de 5,2 milliards de dollars des dépenses fédérales sur trois ans. Le budget de CBC/Radio-Canada a été réduit d'environ 36 millions de dollars par année pendant ces trois années.
    Je vais vous lire un commentaire de CBC/Radio-Canada: « Dans le cadre des mesures du gouvernement visant à réduire les dépenses, tous les ministères et organismes fédéraux ainsi que les sociétés d'État devaient soumettre des budgets montrant des compressions de 5 % ou de 10 %. »
    Je trouve cela intéressant, car je me souviens de cela. Je n'étais pas au gouvernement à l'époque, mais je viens d'une région rurale de la Saskatchewan et j'écoute la radio de CBC tout le temps. À l'époque, je ne sais pas qui représentait les diffuseurs canadiens, mais la personne qui s'occupait de cela pour CBC/Radio-Canada a dit à la radio qu'elle trouvait qu'il était vraiment très utile de faire cet exercice et de trouver des façons de faire face à de telles circonstances. Dans l'article, on disait que le diffuseur avait indiqué qu'il réaliserait les compressions d'une façon qui ne compromettrait pas outre mesure sa stratégie visant à accroître la couverture médiatique locale.
    Ce que cela me dit, c'est que le pays tout entier a dû travailler ensemble pour passer à travers une période très difficile, et que CBC/Radio-Canada a contribué et est demeurée déterminée à améliorer la couverture locale.
    Je suis contente de vous entendre dire que vous voulez poursuivre ce mandat. Je vis à 90 kilomètres de l'unique importante collectivité de toute ma circonscription rurale. Cette importante collectivité compte 16 000 habitants, et quand je prends la route de chez moi pour me rendre à Yorkton, je ne peux pas capter la radio de CBC.
    Vous parlez d'avoir comme priorité les régions de notre pays qui n'ont aucune réception — ou aucun autre diffuseur que vous. Où cela se trouve-t-il dans vos plans? Dans quelle mesure est-ce une priorité pour vous, sur le plan des dépenses, ce qui comprend les 675 millions de dollars qui sont investis maintenant et que j'applaudis? Où se situent nos régions rurales dans cette priorité? Pouvez-vous donner un pourcentage de la croissance prévue dans les circonscriptions rurales à l'échelle du Canada?
(1620)
    Vous avez posé plusieurs questions.
    Je n'étais pas là quand les propos que vous avez cités ont été prononcés.
    Je comprends cela.
    Cependant, j'aime l'optimisme dont cette personne faisait preuve.
    Je crois qu'il est important que tout le monde comprenne, en particulier si vous êtes nouveau au Comité, que CBC/Radio-Canada se situe au 16e rang parmi les 18 diffuseurs publics de la famille de l'OCDE. Les 1,2 milliard de dollars que nous recevons signifient en pratique, très approximativement, que le coût du diffuseur public pour les Canadiens est d'environ 34 $ par habitant. Si vous regardez le financement de la BBC, quand vous avez dans les 5 milliards de dollars pour des pays qui, en passant, sont nettement moins populeux… Nous travaillons sur six fuseaux horaires, dans deux langues officielles, dans huit langues autochtones, et tout cela…
    Oui. J'applaudis cela et je le comprends. Alors, comment comptez-vous vous acquitter de ce mandat à l'avenir?
    Je signale que le temps de Mme Wagantall est écoulé, mais je veux vous donner le temps de répondre à cela, si vous pouvez le faire très rapidement.
    Je ne peux pas, juste comme cela, vous donner un pourcentage, et je ne veux pas vous induire en erreur. Notre plan stratégique accorde maintenant la plus haute importance à la représentation locale et régionale et à la représentation du Canada contemporain, c'est-à-dire de toute la diversité des voix canadiennes. Nous allons gérer cela avec les ressources dont nous disposons.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Long, pour cinq minutes.
    Je viens du monde des affaires et j'ai dû équilibrer des budgets, faire des compressions, payer les salaires et ainsi de suite. Ma collègue de l'autre côté a entre autres dit que CBC/Radio-Canada avait affirmé que les compressions ne compromettraient pas outre mesure la couverture.
    Ce n'est pas moi qui l'ai dit; c'est CBC/Radio-Canada.
    Ce que je veux souligner, c'est que dire que la couverture ne serait pas compromise outre mesure signifiait qu'elle le serait, d'après moi. J'étais avec les Sea Dogs de Saint John, et si j'avais doublé mes prix, cela n'aurait pas dépassé la mesure, mais…
    Je veux revenir encore une fois sur ce que M. Scheer a dit ou s'est abstenu de dire concernant l'idée de mettre la hache dans les services d'information de CBC/Radio-Canada. Combien de personnes travaillent au sein des services d'information de CBC/Radio-Canada dans l'ensemble du pays?
(1625)
    Il y en a des milliers. Au total, il y a quelque 7 500 employés dont environ 900 probablement sont liés aux services techniques et aux tâches administratives. Il est difficile de dire combien de personnes travaillent aux services d'information, car il y a toute l'infrastructure, les liaisons ascendantes et la gestion, et même les bâtiments, puis vous devez séparer cela entre les services en anglais et les services en français. Je dirais qu'il y a probablement 5 500 personnes qui travaillent à fournir nos services essentiels, soit les nouvelles.
    Vous ne pouvez pas ventiler cela en fonction…
    Nous le pourrions, mais je ne peux pas vous donner cela de mémoire maintenant.
    Vous pourriez nous transmettre cette information.
    Certainement.
    Pouvez-vous me dire le nombre d'emplois qui ont été perdus après que les conservateurs ont décidé de réduire le budget en 2012? Vous avez dit qu'à titre de dirigeante d'une organisation, vous devez prendre des décisions difficiles en cas de compressions budgétaires. J'ai vécu cela, mais c'était à une bien plus petite échelle, naturellement. Vous devez examiner chaque poste budgétaire, chaque division et ainsi de suite.
    Êtes-vous en mesure de nous dire combien d'emplois ont été supprimés et ce que cette réduction du financement vous a fait?
    Si je crois que cette information est publique. C'était autour d'un millier de personnes.
    Un millier de personnes ont perdu leur emploi. Cela a manifestement eu un effet important sur les services d'information ou sur la programmation.
    Pour revenir à la citation de votre collègue de l'autre côté, je pense que ce que nous avons fait, c'est essayer d'accorder la priorité aux services locaux, à l'époque. Encore une fois, je n'y étais pas, alors je ne peux que vous dire des généralités. Je crois que nous avons essayé de privilégier la présence sur le terrain des journalistes comme nous le faisons maintenant. C'est au cœur de ce que nous faisons. La vitalité de CBC/Radio-Canada repose sur les journalistes sur le terrain. Concernant la programmation, nos dépenses vont à des producteurs indépendants ou autres, lesquels sont aussi affectés par les compressions, en passant. Ce n'est pas que notre effectif; c'est toute l'industrie. Il y a certainement eu des compressions de ce côté également.
    Est-ce que les compressions du côté des services d'information auraient également des effets sur la direction des programmes?
    Comme je viens de le dire, oui, c'est partout. Soit dit en passant, tout y aurait passé: la direction, les services généraux, l'ensemble de la société. Naturellement, je présume de cela, car je n'y étais pas.
    M. Scheer a dit de l'organisation qu'elle était gonflée. Un de ses conseillers a promis de se montrer implacable envers le média. Il me semble très évident que des gens de l'autre côté n'ont aucune confiance dans le travail et la capacité de la société de s'acquitter de son mandat en toute indépendance.
    Estimez-vous que les Canadiens ont perdu confiance en CBC/Radio-Canada?
    Je crois avoir dit précédemment que notre marque est celle qui suscite la plus grande confiance au pays, et ce sont des firmes de recherche appartenant à des tiers qui sont arrivées à de telles conclusions. Ce n'est pas quelque chose que nous avons inventé. Il y a le rapport Edelman, qui porte sur la confiance.
    Encore une fois, je vous rappelle que nous connaissons une baisse continue de nos revenus bruts qui n'a rien à voir avec les compressions. La baisse est attribuable à l'absence d'indexation en fonction de l'inflation ainsi qu'aux forces qui prévalent aujourd'hui dans l'industrie des médias et qui sont liées aux réalités commerciales de la baisse des revenus publicitaires que connaît la télévision traditionnelle ainsi que de la baisse des revenus d'abonnement à la télévision spécialisée. Je crois qu'il est très important d'envisager cela globalement et d'admettre qu'en effet, l'industrie subit des pressions et que ce n'est pas qu'une partie de notre univers qui nous cause des difficultés.
    Merci.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de discuter avec nous aujourd'hui. Nous avons eu une réunion très utile et informative et je vous en remercie beaucoup.
    Merci.
    Nous allons suspendre brièvement la séance afin de nous préparer pour notre prochain groupe de témoins.
(1625)

(1630)
    Nous entamons la deuxième partie de notre réunion. Nous accueillons les représentants de l'organisation Les amis de la radiodiffusion, soit Daniel Bernhard, directeur exécutif, et Jim Thompson, conseiller en communication.
    Merci beaucoup de votre présence. Nous vous écoutons.
    Je m'appelle Daniel Bernhard, et je suis le directeur exécutif des Amis de la radiodiffusion. Comme Mme Dabrusin l'a dit, je suis accompagné de mon collègue Jim Thompson.
    L'organisation Les amis de la radiodiffusion est la voix des citoyens qui veulent protéger le journalisme et les récits canadiens pour lesquels la radiodiffusion publique joue un rôle de la plus grande importance. Nous jouissons de l'appui de centaines de milliers de Canadiens qui sont également notre unique source de financement. Les amis de la radiodiffusion est une organisation tout à fait non partisane, et je tiens à souligner que nous ne sommes affiliés à aucune société ni à aucun diffuseur, notamment CBC/Radio-Canada.
(1635)

[Français]

    Les amis de la radiodiffusion travaillent à protéger et à défendre notre richesse culturelle et la saine démocratie qu'elle alimente. La force de Radio-Canada, l'audace journalistique et notre histoire commune sont au cœur de notre identité.

[Traduction]

    Il faut mettre en contexte la discussion d'aujourd'hui. Cette semaine, j'ai assisté à une réunion du Grand Comité international sur les mégadonnées, la protection des renseignements personnels et la démocratie. Au cours de cette réunion, on a essentiellement souligné la mesure dans laquelle les entreprises de technologies, principalement Google et Facebook, ont été conçues pour supplanter la démocratie et même éroder l'autonomie individuelle.
    Ces entreprises vendent une chose: nos données personnelles et privées. Elles les acquièrent en nous espionnant, souvent sans notre consentement. Elles utilisent ces données pour nous profiler, puis elles vendent l'accès à ces profils à des entreprises publicitaires. Nous générons des données qui s'additionnent à chaque seconde qui passe, et ces sociétés consacrent des milliards de dollars à nous garder en ligne plus longtemps.
    Le principal incitatif de Facebook est par conséquent de publier du contenu qui retient notre attention. Elle ne se préoccupe pas de ce que c'est —  des propos haineux, de la désinformation, même les propos de l'auteur d'une tuerie à Christchurch en Nouvelle-Zélande —, du moment que nous cliquons sur l'information, que nous indiquons l'aimer et que nous la partageons.
    Facebook a compris que les humains ont évolué de manière à remarquer en particulier les menaces. Comme l'a dit danah boyd, chercheuse chez Microsoft, nous sommes biologiquement programmés pour être attentifs aux choses qui nous stimulent, au contenu qui est dégoûtant, violent ou sexuel, et aux potins humiliants, gênants ou blessants.
    Facebook est au Canada la principale source d'information. J'aimerais donc vous poser une question. Qui parmi vous pense que c'est une bonne idée d'obtenir l'essentiel de notre information auprès d'une société dont le modèle opérationnel mise sur la publication de la plus importante quantité de contenu dégoûtant, violent, sexuel, humiliant, gênant ou insultant? Qui pense que c'est sain pour notre société?
    Facebook a comme mandat de choquer, d'espionner et de faire des profits. CBC/Radio-Canada a comme mandat de renseigner, d'éclairer et de divertir. Ce mandat va au-delà de ce qui est simplement approprié, à l'ère numérique; en cette ère marquée par un capitalisme effréné qui mise sur la surveillance, les médias publics sont plus impératifs que jamais.
    Par conséquent, il ne s'agit pas d'évaluer la pertinence du mandat de CBC/Radio-Canada, mais plutôt de déterminer si la société est équipée pour s'en acquitter. Ce n'est manifestement pas le cas en ce moment. Comme Mme Tait l'a dit précédemment, à 34 $, le montant par habitant qui est consacré à CBC/Radio-Canada compte parmi les plus faibles du monde développé. J'ajouterai qu'en tenant compte de l'inflation, le budget actuel de CBC/Radio-Canada est inférieur à ce qu'il était à son plus bas niveau, après les compressions de 400 millions que Jean Chrétien lui a fait subir dans les années 1990.
    Bien sûr, ce qui est pire encore, c'est que le gouvernement du Canada subventionne activement les forces mêmes de la désinformation que CBC/Radio-Canada a pour mandat de contrer, ce qui dilue essentiellement les effets bénéfiques de ses efforts. Comme les membres du Comité le savent bien, une faille dans la Loi de l'impôt sur le revenu équivaut à subventionner le prix des annonces vendues par des sociétés comme Google et Facebook parce que leurs produits sont exemptés de sanctions qui existent depuis longtemps. Cette faille a coûté aux contribuables 1,6 milliard de dollars en 2018. En 2017, votre comité avait demandé très judicieusement au gouvernement de combler cette faille très coûteuse. Les raisons de l'inaction du gouvernement dans ce dossier demeurent pour moi un mystère.

[Français]

    C'est une question de priorités. Nous avons juste à regarder où nous dépensons notre argent pour comprendre quelles sont nos vraies priorités. La valeur des exemptions et des subventions que le Canada accorde à Facebook, à Google et à Netflix représente 250 % de ce qu'il investit dans la Société Radio-Canada.

[Traduction]

    Le Canada a du rattrapage à faire par rapport aux autres pays et doit imposer ses lois, ses règles et ses impôts à Facebook et aux autres géants numériques dont les intérêts commerciaux nuisent à l'intérêt public.
    Nous devons aussi augmenter considérablement le budget de CBC/Radio-Canada, et ce, rapidement. Ce qui est plus important encore, c'est que nous devons veiller à ce que CBC/Radio-Canada soit de moins en moins dépendante des deux sources de revenus qui limitent le plus sa capacité de s'acquitter de son noble mandat: le gouvernement et les annonceurs.
    Au bout du compte, la clé, c'est l'indépendance, et l'indépendance commence au sommet. Nous recommandons fortement des changements législatifs qui garantiront que les membres du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada n'ont aucune affiliation partisane et que le gouvernement ne participe pas du tout à leur sélection et à leur nomination.
    De nouvelles dispositions législatives doivent aussi conférer au conseil d'administration le pouvoir complet et exclusif d'embaucher et de congédier le PDG de la société.
    En matière de financement, la façon la plus simple d'augmenter le financement de CBC/Radio-Canada se trouve déjà dans les dispositions législatives existantes: interdire la déductibilité des dépenses de publicité numérique étrangère. En 2018, une telle mesure aurait généré jusqu'à 1,6 milliard de dollars, un montant suffisant pour accroître les crédits parlementaires de CBC/Radio-Canada de 145 %, et ce, sans qu'il en coûte un sou au gouvernement. Cette démarche permettrait d'atténuer la pression sur les finances publiques tout en répondant à des préoccupations très raisonnables au sujet de l'indépendance de notre diffuseur public.
(1640)

[Français]

    De plus, une surtaxe sur la publicité ciblée est tellement nécessaire. Si votre entreprise pollue la démocratie, vous devriez être responsable de la nettoyer. Une surtaxe de 5 % sur les publicités ciblées aurait généré environ 385 milliards de dollars en 2018, suffisamment pour remplacer l'ensemble des revenus publicitaires de CBC/Radio-Canada. Le fait de demander à Netflix de percevoir la taxe de vente générerait 130 milliards de dollars supplémentaires. Une fois que Disney, CBS et d'autres sociétés étrangères arriveront ici, chez nous, ce chiffre augmentera considérablement.

[Traduction]

    À la veille des élections générales, les recherches sur l'opinion publique nous indiquent que les électeurs sont extrêmement favorables à ces propositions. Pour certains partis, revoir le mandat de CBC/Radio-Canada semble être une façon de dire qu'on veut éliminer des services entiers ou même la société entière, mais je peux vous assurer que de telles politiques seraient vraiment très impopulaires auprès des électeurs que vous vous efforcez maintenant de courtiser. Je serais ravi de discuter des résultats de notre dernier sondage Nanos avec vous, si vous le souhaitez.
    Le monde est en ce moment engagé dans une lutte existentielle pour la démocratie dont le prix ultime est l'ensemble de l'industrie de l'information et de l'industrie culturelle. CBC/Radio-Canada n'a pas besoin d'un nouveau mandat; elle a besoin d'un nouvel engagement concernant un financement adéquat, durable et responsable. Pour être prête à gérer ces fonds, elle doit être indépendante de toute préoccupation politique et commerciale sur les plans financier et administratif.
    Je vous remercie de votre attention. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
    Merci.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Hogg pendant sept minutes.
    Je vous remercie infiniment de votre exposé. J'aime la façon dont vous avez dit que, si une entreprise pollue la démocratie, elle devrait en payer le prix.
    Vous avez fait allusion à un sondage Nanos. Y a-t-il des anecdotes ou des points saillants à ce sujet sur lesquels vous pourriez formuler des observations?
    Bien sûr. Je vais céder la parole à Jim Thompson.
    Si vous avez envie d'examiner la totalité des résultats du sondage, vous pouvez les consulter à l'adresse les-amis.ca, mais M. Thompson vous fournira quelques renseignements plus précis.
    Vous pourriez peut-être nous présenter simplement deux ou trois points saillants, parce que je ne veux pas que cela absorbe une trop grande partie de mon temps de parole.
    Merci.
    Absolument.
     Bien sûr. Je vais simplement vous présenter quelques points saillants.
    Si vous interrogez les électeurs de votre circonscription, vous constaterez que près de huit électeurs sur 10 vous conseilleront d'accroître ou de maintenir le financement de CBC/Radio-Canada, soit 79 % d'entre eux. CBC/Radio-Canada est l'institution à laquelle les Canadiens font le plus confiance pour protéger la culture et l'identité canadiennes à l'écran, et cette forte confiance est exprimée par 77 % d'entre eux. Par ailleurs, 84 % d'entre eux croient que, compte tenu du déclin des médias traditionnels, il est plus important ou aussi important d'avoir un diffuseur national fort et indépendant comme CBC/Radio-Canada. Au cours des 10 dernières années, 250 journaux ou médias ont fermé leurs portes partout au Canada, mais principalement dans les petites et moyennes collectivités. Voilà quelques-uns des points saillants du sondage.
    Je vais conclure simplement en disant que l'influence que les médias sociaux ont sur notre démocratie est perçue comme très négative. Soixante pour cent des répondants soutiennent que la démocratie canadienne est plus faible aujourd'hui qu'elle l'était il y a cinq ans en raison de l'influence des médias sociaux.
(1645)
    Merci.
    Vous avez certainement parlé du caractère entièrement non partisan de votre organisation, de votre volonté que le Canada jouisse d'une démocratie saine et de vos travaux en ce sens. Il me semble que, pendant 50 ans, nos démocraties, nos gouvernements, devenaient de plus en plus libéralisées et que nos économies devenaient de plus en plus universelles. Toutefois, cette tendance semble s'être inversée au cours des sept à dix dernières années.
    Observez-vous un phénomène équivalent dans certains des secteurs auxquels vous avez fait allusion en ce qui concerne les médias en ligne et l'influence qu'ils exercent?
    Je pense qu'il est important d'être précis lorsque nous utilisons des termes comme « libéraliser » et « délibéraliser ». Nous ne parlons pas du fait de devenir plus ou moins semblables au Parti libéral. Je sais que ce n'est pas ce que vous vouliez dire.
    Non, je n'avais pas l'intention de faire une allusion politique.
    Absolument. Je tenais simplement à indiquer clairement ce à quoi nous faisons allusion.
    Je pense que, si vous examinez quelques-uns des chefs d'État du monde entier qui manifestent des tendances un peu plus autoritaires, vous remarquerez systématiquement chez eux un mépris pour les faits et pour les journalistes qui travaillent sans relâche pour produire et diffuser ces faits.
    Les plates-formes comme Facebook sont extrêmement utiles aux gens qui cherchent à échapper à la surveillance et à transmettre directement aux gens leur version de la vérité ou leur discours préféré, comme si la vérité ou ces faussetés étaient simplement des divergences d'opinions qui devraient être envisagées de la même façon. Nous avons observé ces comportements non seulement à l'échelle mondiale, mais aussi au Canada. Le fait que des plates-formes comme Facebook ne respectent aucune norme et n'assument aucune responsabilité en matière de qualité, de vérité ou d'intégrité, de la même manière que, par exemple, les télédiffuseurs canadiens le font...
    Je vais simplement vous citer un exemple. Pouvez-vous me dire ce qu'il adviendrait, selon vous, si CBC/Radio-Canada ou CTV diffusait en direct une tuerie en cours? Il y aurait des émeutes, mais c'est exactement ce que Facebook a fait dans le cas de la fusillade de Christchurch.
    À mon avis, ces outils sont très dangereux dans une société où les gens sont tenus d'être informés.
    Je crois comprendre que vous avez lancé une campagne intitulée #ÀNousDeChoisir #NotreChoixRadioCanada pour contribuer à faire du journalisme canadien et de son soutien des enjeux de premier plan, peut-être même au cours des prochaines élections. Pouvez-vous me fournir quelques détails à ce sujet, et m'expliquer vos intentions à cet égard?
    Absolument.
    Comme M. Thompson l'a déclaré, CBC/Radio-Canada jouit d'un important soutien à l'échelle nationale. Ce soutien est apporté par des Canadiens de toute allégeance politique, et les statistiques le démontrent clairement. Notre travail consiste à rendre très visible ce soutien.
    À l'heure actuelle, que ce soit en négligeant d'éliminer une échappatoire fiscale qui figure à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu ou en mettant beaucoup de temps à déclarer que Netflix est un radiodiffuseur au titre des dépenses en émissions canadiennes, le gouvernement a démontré une préférence marquée, peut-être par inertie ou par défaut, pour les entreprises étrangères qui apportent une contribution négligeable, voire négative, à notre société et à notre démocratie, comparativement aux radiodiffuseurs canadiens, et plus particulièrement CBC/Radio-Canada, qui existent pour nous servir et nous enrichir.
    Nous avons également remarqué que certains partis de l'opposition n'ont pas rendu publique leur position à propos de ces enjeux. Nous tentons de satisfaire le désir du public d'avoir accès à une narration et un journalisme canadiens crédibles et forts, y compris dans les petites collectivités et les régions rurales. Nous tentons également d'obtenir que les politiciens des circonscriptions clés soient honnêtes à propos de leurs points de vue et du point de vue de leur parti à ce sujet. Nous espérons obtenir que tous les partis s'engagent à faire connaître leurs positions à ce sujet. Les Canadiens s'attendent à cela, et je crois qu'ils méritent d'être tenus informés à cet égard.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste [Inaudible].
    Monsieur Chen, la parole est à vous.
    Merci.
    Notre gouvernement a décidé de faire les choses différemment et, pour la première fois en 2017, des comités consultatifs et indépendants en matière de nominations ont commencé à accepter des candidatures individuelles. Ces comités ont ensuite été chargés de faire des recommandations en ce qui concerne les meilleurs candidats pour les postes vacants au sein des conseils d'administration. Au cours de votre témoignage, vous avez exprimé des préoccupations à propos de la nomination de membres partisans au sein de votre conseil d'administration. Pouvez-vous nous dire si ce nouveau processus a eu un effet bénéfique? Vous semblez avoir d'autres suggestions à nous faire sur la façon d'améliorer ce processus.
    Je pense que c'est une excellente question, et je vous remercie de l'avoir posée.
    Je pense que le nouveau processus est assurément un pas dans la bonne direction. Nous aimerions que ce processus soit inscrit dans la loi afin que la façon dont sont choisis les membres de la haute direction et du conseil d'administration ne soit pas simplement une préférence du gouvernement actuel. Voilà notre première recommandation. Deuxièmement, le gouvernement ne devrait pas avoir son mot à dire dans la sélection du PDG d'une société d'État. Le processus utilisé pour sélectionner le PDG était identique au processus utilisé pour choisir les membres du conseil d'administration. Nous estimons que le processus indépendant devrait être utilisé pour nommer les membres du conseil d'administration et que ce conseil devrait, comme le conseil d'administration de toute société, avoir l'entière responsabilité d'embaucher et de licencier le PDG.
(1650)
    En fait, cela met fin à votre temps de parole. Par conséquent, nous allons maintenant céder la parole à M. Arnold pendant sept minutes.
     Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui. Vos exposés étaient excellents. Comme Mme Wagantall l'a mentionné au cours de la première heure de la séance, nous sommes tous trois des participants irréguliers au comité. Toutefois, il est toujours très intéressant de participer à ces séances et, parfois, d'apporter un autre point de vue externe.
    Votre organisation est manifestement très favorable à CBC/Radio-Canada. J'ai grandi dans une région rurale où la radio et la chaîne de télévision de CBC/Radio-Canada étaient les seules options dont nous bénéficions pendant de nombreuses années. J'écoute encore ces chaînes occasionnellement, en particulier le matin, afin de prendre connaissance des nouvelles du matin. Cet enjeu est donc très important pour moi.
    Monsieur Bernhard, je souhaite citer un élément que vous avez mentionné plus tôt au cours de votre exposé. Vous avez dit que les entreprises de médias sociaux numériques et en ligne nous « espionnaient ».
    Qualifieriez-vous cela d'espionnage, ou est-ce que leur modèle d'affaires exploite des renseignements qui leur sont fournis librement?
    Avez-vous un compte Gmail?
    Oui.
    Avez-vous déjà apposé votre signature sur la ligne pointillée pour donner à Google la permission de lire tous vos courriels afin de pouvoir vous vendre des produits plus efficacement?
    Vous cliquez sur les conditions d'utilisation.
    D'accord. Je vous mets au défi de lire les conditions d'utilisation de tous ces services, et je veux voir si vous serez toujours en vie à la fin. C'est un processus incroyablement long que, selon moi, les gens ne... Nous ne pouvons pas raisonnablement nous attendre à ce que les gens consentent à toutes ces atteintes.
    Par ailleurs, les entreprises comme Facebook et Google vous suivent partout sur Internet, même si vous n'avez pas consenti à cela. Si vous avez consulté un site Web qui affiche un bouton « J'aime » de Facebook, l'entreprise Facebook enregistrera des renseignements sur vous. Elle sera en mesure de vous identifier numériquement et de créer un profil sur vos, même si vous n'avez jamais ouvert un compte Facebook, et vous n'avez jamais consenti à cette intrusion.
    La professeure Zuboff de l'université Harvard qualifie cela de capitalisme de surveillance. Elle a rédigé un livre à ce sujet qui est excellent malgré son épaisseur et qui porte très bien son nom. Il traite de la surveillance dont vous faites l'objet et de la façon dont votre expérience privée est transformée en données brutes à des fins lucratives.
    Je crois que vous avez dit que vous étiez dans la salle plus tôt cette semaine, soit pour participer à la séance, soit pour observer les témoignages apportés au comité. Les propriétaires de Facebook ont refusé de comparaître et ont ignoré l'assignation comme témoins.
    Oui.
    Aimeriez-vous formuler d'autres observations à ce sujet?
    Quand les représentants de pays qui comptent 400 millions d'habitants demandent à une entreprise très importante de s'expliquer et d'expliquer l'incidence que son application a sur la démocratie, et que cette entreprise décide de ne pas comparaître, je pense que cela en dit long sur son respect à l'égard de la volonté du peuple.
    D'accord. Merci.
    Comme je l'ai fait au cours de l'heure précédente, j'aimerais reparler de la motion d'étude. L'étude vise à examiner le mandat de CBC/Radio-Canada en ce qui concerne la Loi sur la radiodiffusion. Je vais citer de nouveau la loi qui est mentionnée dans les notes d'informations fournies aujourd'hui à tous les membres du Comité: « Le mandat législatif de la Société Radio-Canada est décrit aux alinéas 3(1)l) et m) de la Loi sur la radiodiffusion. De plus, l’alinéa 3m) ajoute que la SRC doit être principalement et typiquement canadienne ».
    Je vous pose la même question que j'ai posée aux représentants de CBC/Radio-Canada qui ont comparu pendant l'heure précédente.
    Dans ce monde changeant d'accessibilité numérique où toute personne branchée où que ce soit peut recevoir des nouvelles ou des renseignements presque instantanément de n'importe quelle autre partie du monde qui est également branchée, CBC/Radio-Canada peut-elle continuer d'être concurrentielle? Voilà la question. Même si CBC/Radio-Canada affirme qu'elle ne tente pas de rivaliser avec les autres radiodiffuseurs, toutes les entreprises médiatiques se disputent les téléspectateurs, les lecteurs, les adeptes, etc.
    Peut-elle demeurer concurrentielle et être principalement et typiquement canadienne, alors que nous avons tellement peu de contenu à apporter, comparativement au reste du monde?
     Je dirais qu'elle le peut et, ce qui importe encore plus, c'est qu'elle le doit. Les émissions de divertissement et de nouvelles ne ressemblent à aucune autre industrie. Elles façonnent notre idée de ce qui est possible. Elles nous montrent envers qui nous devrions ressentir de l'empathie. Elles aident à éclairer notre idéal de société. Je ne veux pas que mes enfants découvrent à quoi ressemble une société normale en observant un pays où il est acceptable d'apporter un fusil au jardin d'enfants. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
    Si nous voulons maintenir notre indépendance et l'indépendance de nos valeurs, nous devons avoir un porte-parole canadien qui exprime notre culture et notre société. Voilà à quoi ressemble l'indépendance.
    Cependant, l'indépendance n'est pas gratuite. Comme Mme Tait l'a indiqué, CBC/Radio-Canada dispose d'un minuscule budget par habitant. CBC/Radio-Canada diffuse sa programmation dans six fuseaux horaires avec un sixième du budget de la BBC, qui n'exerce ses activités que dans un seul fuseau horaire et dans une seule langue.
     Ces services ne sont pas gratuits. Si nous voulons nous en prévaloir, nous devons trouver des moyens de les financer. Il est important que le Comité envisage les méthodes de financement indépendantes auxquelles je fais allusion, non seulement en raison des pressions actuellement exercées sur les finances publiques, mais aussi en raison de la nécessité de garantir que la société est fondamentale indépendante du gouvernement. Cela permettra à la société d'être distincte, étant donné qu'elle ne dépendra pas de la publicité.
(1655)
    Puis-je vous interrompre? Il me reste seulement une minute pour poser une autre question.
    Pardon. Je vous présente mes excuses.
    Merci. Nous manquons toujours de temps.
    Je tiens simplement à m'assurer que nous sommes ouverts et transparents au cours de nos délibérations. Je crois que vous avez dit que votre organisation était sans but lucratif.
    Oui, c'est exact.
    Elle est non partisane.
    C'est exact.
    Pouvez-vous fournir au Comité la liste des élus fédéraux sur lesquels vous avez exercé des pressions au cours des quatre dernières années?
    Cette question est du domaine public. Ces renseignements figurent dans le registre des lobbyistes. Nous ne sommes pas tenus d'y inscrire cette information, mais nous le faisons tout de même.
    Pourriez-vous fournir ces renseignements au Comité?
    Bien sûr.
    Oui. Nos états financiers vérifiés sont également affichés en ligne.
    Je demanderais au greffier de distribuer ces renseignements aux membres du Comité une fois qu'il les aura reçus.
    Oui, ils seront distribués dès qu'ils nous auront été remis.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Monsieur Nantel, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Messieurs, merci beaucoup d'être ici.
    Cela fait huit ans que je me bats pour les enjeux que vous venez de soulever et que j'emploie les mêmes arguments que vous, mais certainement pas avec autant d'efficacité. Je vous félicite. Cela fait vraiment du bien à entendre.
    Honnêtement, le NPD mène souvent un combat solitaire relativement à ces enjeux. D'ailleurs, vous avez dit tout à l'heure que les partis de l'opposition devaient prendre position. Qu'entendiez-vous par là, surtout compte tenu des questions que viennent de vous poser mes collègues?
    Quelques partis n'ont pas pris position. Vous avez raison, le chef du NPD a annoncé à deux reprises, en août dernier et encore une fois il y a quelques semaines, qu'il appuyait une série de politiques, y compris la fermeture de la brèche fiscale de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il y a donc une base d'appui du côté du NPD. Nous sommes contents de voir que certains partis sont convaincus de l'importance de ces enjeux.
    Je suis content de vous l'entendre dire. Depuis quelque temps, j'ai le sentiment qu'il y a une espèce d'apathie devant les lobbys tout-puissants. Je dis ces mots et je me rends compte qu'ils sont très prévisibles, car nous sommes habitués à les lire.
    Nous nous mettons à plat ventre devant des compagnies comme Google et Facebook qui font affaire chez nous sans payer d'impôts. Elles contrôlent de plus en plus des tas de choses. Il est quand même incroyable que le Canada ait été le pays hôte de la rencontre qui a eu lieu un peu plus tôt cette semaine.
    Certains pays, en matière législative, prennent le taureau par les cornes. Je fais souvent référence à la France, sans doute en raison de mon préjugé en tant que Québécois francophone. Ce pays est allé chercher un pourcentage non seulement sur les profits, mais aussi sur les activités économiques. Cela touche le simple fait que des entreprises soient présentes, les contenus locaux, de même que les contributions.
    Comment expliquez-vous que le Canada ne fasse absolument rien? Le gouvernement conservateur n'a rien fait pendant 10 ans. Pour leur part, quand ils ont été élus en 2015, les libéraux ont dit que c'était une priorité absolue, mais, quatre ans plus tard, ils n'ont toujours rien fait.
    Je ne peux pas expliquer pourquoi, exactement. Je peux dire toutefois qu'il y a des signes encourageants. Par exemple, le gouvernement du Québec, qui a tendance à être modéré, a adopté une loi pour percevoir la taxe de vente auprès des fournisseurs de services numériques étrangers, comme Netflix. Même ici, chez nous, il y a des exemples de mesures que le gouvernement peut prendre.
    J'aimerais ajouter que l'application équitable des lois et des règles fiscales n'est pas une question d'idéologie ou de politique. Ce sont des principes sur lesquels se fondent plusieurs théories politiques, dont celles du Parti conservateur, du Parti libéral et du NPD. Ces principes sont hors du champ de la politique, dans un sens.
    J'espère que tous les partis pourront se mettre d'accord à propos de ces enjeux. Ils ont l'occasion de tirer avantage de l'appui très fort que manifeste l'opinion publique. Il n'en tient qu'aux partis de saisir cette occasion.
(1700)
     Pour ma part, j'avais deux sujets de préoccupation quand je suis arrivé à Ottawa, il y a huit ans: la lutte contre le réchauffement climatique et la défense des industries culturelles. Il y a beaucoup de parallèles à faire entre les deux. En effet, on peut dire dans les deux cas que personne ne peut être contre la vertu. Bien sûr, nous voulons conserver notre planète. Bien sûr, nous voulons assurer notre présence sur les écrans. Cependant, dans les deux cas, il semble que le gouvernement ne veuille pas prendre les mesures qui s'imposent.
    En ce qui concerne les géants du Web, la première chose à faire est de s'assurer que, si une transaction a lieu au Canada, la TPS est appliquée. Pourtant, chaque fois que nous posons la question au ministre des Finances, il nous fait des entourloupes, il nous dit que c'est compliqué et il nous assure qu'il rencontre les représentants de ces multinationales au G7 et au G20.
    Comme vous l'avez évoqué, il est dans la mentalité des conservateurs de considérer comme un fait établi que tout le monde doit payer ses impôts. Cette rigidité est espérée de leur côté. On peut imaginer que les libéraux, pour leur part, veulent maintenir les services qui vont de pair avec cette taxation.
    Comment expliquer cette attitude, si ce n'est par une courte vue électoraliste? Autrement dit, ils ne veulent surtout pas augmenter de 50 ¢ la facture des Canadiens, alors même que Netflix a augmenté son tarif de 33 % cette année.
    Elle l'a augmenté deux fois.
    Comment peut-on expliquer cela? Est-ce un cas de courte vue électoraliste?
    Ces compagnies ne sont pas des organismes caritatifs. Elles imposent donc le prix le plus élevé qu'elles pensent pouvoir obtenir. Cela inclut les taxes.
    Bien sûr.
    La théorie économique est quelque chose que j'ai laissé dans le passé, mais je suis d'accord avec vous pour dire que tous les partis, aussi bien les conservateurs que les libéraux et les néo-démocrates, ont la possibilité d'adopter cette politique. En effet, elle a du sens et elle peut nous aider à financer les services publics.
    Est-ce qu'on n'a pas monté en épingle la question de la taxe Netflix? C'est devenu une espèce de phénomène. Aussitôt qu'on parle d'une forme de taxation ou d'augmentation, tout le monde capote. Pourtant, dans les faits, c'est tout simplement normal. Après tout, je paie de la TPS sur mes pneus d'été.
    On s'oppose à la taxe Netflix; jamais personne ne l'a proposée.
    En effet, cela n'existe pas.
    On s'y oppose. C'est donc relié à la politique.
    Merci beaucoup. Je crois que mon temps de parole est écoulé.
    Non, il vous en reste. C'est simplement que je voulais ramener la discussion sur Radio-Canada. On s'éloignait un peu du sujet.
     D'accord. Je vais donc parler de Radio-Canada.
    Justement, Radio-Canada a évoqué la possibilité de remplacer son offre publicitaire par des fonds publics.
    Comment voyez-vous la situation entourant les fonds publicitaires, pour Radio-Canada et pour l'ensemble des diffuseurs généralistes?
    Les revenus publicitaires sont en déclin pour tous les médias, autant pour les diffuseurs que pour les journaux.
    Cependant, pour le diffuseur public, cela revêt une importance spéciale. En effet, pour offrir quelque chose de différent afin de se distinguer des diffuseurs privés, il doit avoir une spécialisation, comme l'a mentionné M. Arnold. L'élimination ou la réduction de la dépendance aux revenus publicitaires peut donner une orientation différente à la programmation. Si ce que vous créez a pour objectif d'attirer l'attention des compagnies à des fins de vente, c'est une chose. Si vous poursuivez un autre objectif, la programmation peut se transformer et il devient possible de créer une offre différente.
    Vous avez produit une vidéo qui a fait beaucoup jaser cette semaine...
    Monsieur Nantel, maintenant, votre temps de parole est écoulé.
    Je cède la parole à Mme Dhillon pour sept minutes.
(1705)

[Traduction]

     Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Au cours de votre exposé, vous avez mentionné que le gouvernement permettait à des entreprises comme Netflix et d'autres sociétés de communiquer des messages négatifs au Canada. Pourriez-vous s'il vous plaît expliquer ce que vous entendez par là?
    Je n'inclurais pas Netflix dans cette catégorie, mais plutôt des entreprises comme Facebook.
     L'exemple que j'ai donné au cours de mon exposé était lié au massacre de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui a été diffusé en direct sur Facebook à un auditoire potentiel de plus de deux milliards de personnes. On pourrait faire valoir que la retransmission d'un crime haineux est, en soi, un crime haineux au Canada, ainsi qu'une violation d'à peu près tous les principes énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion.
    Le monde médiatique comporte de nouvelles réalités, comme le fait que Facebook Live fait fonction de radiodiffuseur, que YouTube est effectivement la plus importante station de radio et que cette entreprise doit respecter des règles relatives aux droits d'auteur, ainsi que des normes en matière de qualité, de vérité, de décence et d'application des impôts. Je pourrais vous fournir une très longue liste des dispositions auxquelles ces entreprises numériques étrangères ne sont pas assujetties de la même façon que leurs concurrents canadiens, qui offrent essentiellement les mêmes services. Par ailleurs, lorsqu'il est question de situations comme celles de Christchurch, l'exemple est plutôt dévastateur.
     Très bien.
    Tous ces éléments ont une valeur, également. On en vient à la question de la concurrence. La valeur des exemptions et des subventions directes pour Google, Facebook et Netflix uniquement atteint 2,7 milliards de dollars par année. On vient de faire pencher la balance considérablement d'un côté.
    Il y a un aspect négatif, mais il y a beaucoup d'aspects positifs également. Pensez-vous que les consommateurs canadiens ont le droit d'avoir accès à une diversité de points de vue?
    Oui, bien sûr.
    De pouvoir avoir accès à diverses sources de nouvelles, et…
    Tout à fait. Le journalisme est une activité à laquelle les gens s'adonnent. Ce n'est pas une profession agrégée ou quelque chose du genre. Il est important d'avoir une diversité de points de vue, mais j'aimerais faire une distinction entre le fait de dire quelque chose, et le fait que cela soit retransmis à un large auditoire et mis de l'avant sans qu'il y ait de contexte.
    Si une personne fait parvenir une lettre au rédacteur en chef d'un journal ou à une station de télévision dans laquelle elle tient des propos racistes, malveillants, misogynes, etc., elle a le droit de le faire, de s'exprimer. Ce n'est pas un crime. Toutefois, si le rédacteur en chef publie cette lettre en première page, il s'agit d'une tout autre affaire. On parle de plateformes qui publient ce genre de choses en première page, qui en tirent beaucoup d'argent, et qui le font en toute impunité. On se trouve alors en position concurrentielle désavantageuse, et je ne veux pas vivre dans ce genre de société. Je ne sais pas si c'est votre cas, mais je pense que ce n'est pas une bonne idée.
    Que peut faire votre organisme pour s'aider lui-même? Que peut faire CBC/Radio-Canada également pour être concurrentielle?
    Si le problème avec Facebook est le fait que l'entreprise est prête essentiellement à faire n'importe quoi pour retenir l'attention, y compris diffuser du contenu aussi odieux et affreux, ce qui est inné dans notre évolution, il est alors très important d'avoir un radiodiffuseur ou une entreprise médiatique comme CBC/Radio-Canada, dont les motivations sont tout à fait différentes et qui est assez solide pour faire contrepoids ou servir de complément.
    Je vais vous donner un exemple qui date des années 1920. CBC/Radio-Canada a été créée en 1932. Dans les années 1920, presque toutes les nouvelles et la publicité nous venaient des États-Unis. L'émission radiophonique la plus populaire s'appelait l'Amos 'n' Andy Show. Lorsque l'Amos 'n' Andy Show a été diffusé par la suite à la télévision, on voyait deux hommes blancs maquillés en Noir.
    On ne trouvait pas cela drôle ici. Au plus fort de la Grande Dépression, un premier ministre conservateur a créé CBC/Radio-Canada, parce qu'on s'est dit que cela ne nous représentait pas et que nous ne laisserions pas cette technologie incroyablement puissante nous amener sur cette voie. Je pense que nous sommes dans la même situation. Nous avons besoin d'un solide contrepoids dans le secteur des médias qui peut témoigner de nos valeurs et de notre indépendance par rapport à des pays où l'on ne voit pas de problème à ce qu'on amène un fusil dans un centre préscolaire. Je ne pense pas que nous voulons emprunter cette voie, et les médias reflètent qui nous sommes dans une certaine mesure.
    Vous avez parlé de CBC/Radio-Canada et du fait que votre organisme contribue à préserver et à montrer le visage de la société canadienne. Je ne vois pas beaucoup d'émissions ethnoculturelles. Faites-vous quelque chose pour améliorer la situation?
    Nous ne faisons pas partie de CBC/Radio-Canada et nous ne participons pas aux décisions liées à la production, ce qui est sans doute une bonne chose. Mais je suis d'accord avec vous pour dire que les émissions doivent refléter l'ensemble du Canada et l'avenir que nous souhaitons, pour nous inciter à devenir un meilleur pays.
    Je vais donc répéter ce que j'ai dit un peu plus tôt: produire de nouvelles émissions de haute qualité coûte cher. Si on veut vraiment demander à CBC/Radio-Canada de rendre des comptes, par exemple, pour ne pas se préoccuper sérieusement de la diversité et ne pas refléter le vrai visage du Canada, je pense qu'il serait beaucoup plus approprié de le faire si elle disposait vraiment des ressources nécessaires pour réaliser de telles émissions, mais qu'elle ne le faisait pas.
    À l'heure actuelle, elle n'en a tout simplement pas les moyens, et quand elle dépend des ententes avec Netflix, par exemple, pour joindre les deux bouts, elle fera alors ce que Netflix veut qu'elle fasse, soit du contenu générique qui peut se situer n'importe où, et qui ne reflète pas les enjeux et la dynamique qui existent ici.
    Je suis d'accord avec vous. Nous avons besoin de plus d'émissions ethniques et plus de diversité ethnique. Il faut refléter la véritable image du Canada, mais pour le faire, il faut financer de telles émissions.
(1710)
    Mais comment se fait-il que d'autres chaînes soient en mesure de le faire et que CBC/Radio-Canada ne le soit pas?
    Quels exemples avez-vous où les choses sont différentes?
    Il y a d'autres chaînes ethniques. Elles offrent du temps d'antenne pour des émissions ethniques et leur ouvrent la porte en quelque sorte. La présence de communautés ethnoculturelles au Canada ne date pas d'hier. Elles sont présentes depuis des siècles. Ce que je vois, à mon sens, ne reflète pas le visage du Canada.
     Faites-vous allusion à des chaînes comme OMNI, ou un radiodiffuseur comme celui-là, qui a...?
    Oui. Pourquoi CBC/Radio-Canada ne pourrait-elle pas en diffuser un peu? Elle diffuse d'autres types d'émissions, alors pourquoi ne pas en diffuser de cette nature?
    Je pense qu'il y a beaucoup de bons exemples comme OMNI, un solide service public. Il existe beaucoup d'autres radiodiffuseurs qui s'efforcent de se tailler une place et qui font différentes choses comme IPTV, parce qu'ils ne peuvent vendre de la publicité. Il existe beaucoup de façons pour nous de mettre à profit le système de radiodiffusion pour promouvoir les valeurs canadiennes. Vous allez dans la bonne direction, mais je pense qu'il faut faire un pas de plus, comme vous l'avez dit.
    Oui, d'accord.
    Votre temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Wagantall. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je suis très heureuse que vous soyez ici et d'avoir l'occasion d'entendre votre point de vue et d'apprendre par la même occasion.
    J'ai une question, une brève question à répondre par oui ou non, car j'en ai d'autres qui suivront. On a mentionné que dans les années 1990, Jean Chrétien a réduit le budget de CBC/Radio-Canada de 400 millions. Existiez-vous à l'époque?
    Oui, moi personnellement et l'organisme également.
    Des députés: Oh, oh!
    Merci.
    J'aimerais avoir votre opinion sur ce qui s'est passé en septembre 2017. La ministre du Patrimoine canadien a conclu une entente avec Netflix pour créer Netflix Canada. Netflix Canada a annoncé qu'elle allait investir 500 millions de dollars sur cinq ans dans le contenu canadien — dans la production ici pour appuyer les créateurs et les producteurs canadiens et l'expression de l'identité canadienne sur une plateforme mondiale. Netflix Canada investit 500 millions de dollars pour profiter de cette occasion, mais elle s'est empressée de hausser tout de suite le coût du service pour les Canadiens qui l'utilisent, si bien que ce sont les Canadiens qui acquittent carrément la facture de 500 millions de dollars, plutôt qu'eux. Je trouve cette situation très frustrante. En apparence, il semble que l'entreprise s'efforce de travailler de concert avec le gouvernement pour produire du contenu canadien, mais voilà ce qui s'est produit.
    Très honnêtement, existe-t-il un danger dans ce genre de scénario que ce soit les Canadiens qui paient au bout du compte?
    Personne n'a vu l'entente, car il s'agit d'un document secret du Cabinet protégé en vertu de la Loi sur Investissement Canada, alors je ne peux vous parler que de ce qui est paru dans les médias et que vous avez mentionné. Les radiodiffuseurs canadiens qui ont un permis du CRTC doivent satisfaire à des exigences en matière de dépenses au titre de la programmation canadienne. Il s'agit habituellement de 30 %. Netflix fait environ un milliard de dollars au Canada. Dans son cas, les exigences en matière de dépenses au titre de la programmation canadienne sont nulles, alors le gouvernement a tenté d'expliquer la chose en disant qu'il l'intégrait au régime. En fait, ce que nous avons appris, c'est qu'il s'agit de 500 millions de dollars sur cinq ans. Il ne s'agit pas de 500 millions de dollars en argent frais.
    Netflix investit déjà au Canada, alors il se pourrait que l'entente équivaille à zéro dollar en argent frais. C'est de l'argent qui devrait être réinvesti dans l'écosystème de production. Il existe probablement des façons de dire à Netflix qu'elle doit investir de l'argent ici pour produire des émissions et qu'il faut qu'elles soient diffusées pendant les deux premières semaines à CBC/Radio-Canada.
    Il existe des façons pour nous de financer la radiodiffusion publique de façon créative et de travailler avec ces plateformes sans que le gouvernement ait à débourser quoi que ce soit.
    J'ai aussi remarqué — et l'enjeu particulier dont il s'agissait m'importe peu — qu'on annonce maintenant des mesures punitives contre certains pays en raison de leurs points de vue politiques, comme l'a fait dernièrement Netflix.
(1715)
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Cela n'est pas pertinent. Merci.
    Je reviens à CBC/Radio-Canada.
    J'ai laissé faire pendant un bout parce qu'il y avait un lien avec le financement de CBC/Radio-Canada, mais nous nous éloignons nettement du sujet.
    Je vais faire le lien, madame la présidente.
    Je suis pleinement consciente du rôle très important que vous jouez. Il s'agit de radiodiffusion dans l'ensemble au Canada. J'aime vraiment cela, et je pense que nous avons besoin de ce genre de reddition de comptes et de transparence. Je suis tout à fait en faveur d'un système de radiodiffusion canadien, et c'est ce que nous voulons; toutefois, les Canadiens doivent savoir qu'une vérification des faits est effectuée.
    Les Canadiens sont des êtres extraordinaires, mais je travaille dans un endroit qu'on appelle la Chambre des communes, et en face de moi, à côté de moi et tout autour de moi se trouvent d'autres gens, et nous présentons tous des vérités qui sont totalement différentes. Un de nous peut dire vrai, où nous pouvons tous les deux avoir tort, mais il est impossible que nous ayons tous les deux raison, et il faut que nos systèmes de radiodiffusion en témoignent.
    J'ai croisé quelqu'un lors des dernières élections qui m'a arrêtée sur le pas de sa porte avant que je puisse même ouvrir la bouche pour me dire qu'elle avait travaillé comme journaliste toute sa vie et qu'elle voulait s'excuser au nom de sa profession. Que peut-on faire pour s'assurer qu'il y a une vérification des faits, même dans notre propre contenu? Les étudiants que je rencontre trouvent cela très perturbant. Je visite de nombreuses écoles et les étudiants s'inquiètent beaucoup de la véracité de ce qu'ils entendent aux nouvelles.
    Je ne peux pas vous parler...
    Au sein de CBC/Radio-Canada...
    Je ne peux pas me prononcer sur l'acte de contrition de cette journaliste...
    Des voix: Oh, oh!
    Non, je sais cela.
    ... mais ce que je peux vous dire...
    Elle ne faisait pas acte de contrition.
    D'accord.
    Au sein de CBC/Radio-Canada, si on s'inquiète des partis pris ou de quoi que ce soit du genre, on peut remédier au problème en faisant en sorte que la direction et le financement ne soient pas à la merci du bon vouloir du Parlement. C'est ce que disent les partis d'opposition, et c'est ce que dit le gouvernement, également.
    Voici une vieille blague. Si je me souviens bien, c'est John Turner qui disait que s'il pouvait marcher sur l'eau, CBC/Radio-Canada raconterait qu'il ne pouvait pas nager. C'est une vieille blague.
    Le besoin d'indépendance est fondamental, parce qu'ainsi, même si la relation est à couteaux tirés, personne ne peut dire que CBC/Radio-Canada est à la merci du bon vouloir du gouvernement. C'est important.
    Mais vous représentez les Canadiens.
    Je crois que votre temps est écoulé.
    Vous le croyez, ou est-ce le cas?
    Votre temps est écoulé. Vous en êtes à cinq minutes et six secondes. Votre temps est écoulé.
    Merci.
    J'ai un petit chronomètre à côté de moi.
    Nous passons à M. Hogg. Vous avez cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci.
    Les valeurs que vous reflétez à mon avis sont assurément canadiennes et vous voulez maintenir le niveau d'indépendance.
     J'ai bien aimé lorsque vous avez parlé de votre organisme, Les amis de la radiodiffusion, et de vos initiatives. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des initiatives que vous menez partout au Canada et de ce que vous faites pour refléter les valeurs dont vous avez parlé?
    Bien sûr. Nous menons des recherches sur les politiques publiques; à titre d'exemple, si toute la question de l'échappatoire fiscale liée à l'article 19 a fait surface, c'est en grande partie à cause des recherches que nous avons financées.
    J'ai fait allusion au récent sondage Nanos, par exemple. C'est nous qui l'avons financé également.
    Nous organisons également des rassemblements de nos partisans pour participer à des activités politiques non partisanes comme celles dont il a été question un peu plus tôt.
    Pouvez-vous nous donner plus de détails et nous parler des lieux où elles se tiennent? Y en a-t-il partout au Canada?
    Les activités se tiennent partout au Canada dans les régions où nous pensons pouvoir faire bouger les choses. On le fait en s'appuyant sur les sondages et le nombre de personnes que nous pouvons contacter dans un endroit donné.
    Je peux vous donner l'exemple du défilé de Vaisakhi dans votre circonscription, Surrey-Sud. Nous sommes présents dans London-Ouest également. La députée de London-Ouest est à la table. Nous sommes présents à cet endroit. Nous serons également au Leslieville Tree Festival le 15 juin dans la circonscription de madame la présidente.
    Nous participons à ces activités pour appuyer la radiodiffusion publique et appuyer la lutte contre Facebook, Amazon, Apple, Netflix et Google et la promotion de ce genre d'initiatives et de valeurs.
    Vous avez dit que vous teniez ces activités dans des endroits où vous pensiez exercer une influence, et cela m'intéresse. Comment arrivez-vous à cette conclusion?
    C'est grâce aux sondages d'opinion publique et aux intentions de vote, soit une méthode que vous connaissez tous très bien. Nous nous efforçons de trouver des endroits où la course est serrée et où se trouve un nombre suffisamment important de familles pour pouvoir faire bouger les choses et faire entendre notre voix.
(1720)
    Est-ce qu'il s'agit de la majorité des circonscriptions au Canada?
    Jusqu'aux prochaines élections, nous serons actifs dans 23 circonscriptions. Nous souhaitons l'être dans 23.
    Environ 364 000 personnes soutiennent le travail des Amis de la radiodiffusion par une contribution financière ou leurs actions.
    J'aimerais simplement rappeler encore une fois que nos efforts sont strictement non partisans. Nous nous efforçons de montrer qu'il existe des appuis pour ces politiques et nous encourageons tous les partis à courtiser ces électeurs.
    Oui, nous avons des points de vue sur la politique du gouvernement. Nous avons des points de vue sur les politiques de l'opposition, car nous sommes un organisme d'enjeux, mais nos actions ne visent pas à faire élire un candidat plutôt qu'un autre. Nous ne dirons jamais, au grand jamais, à quelqu'un pour qui voter. Nous allons simplement montrer les appuis dont bénéficient certains enjeux et tenter d'aider les politiciens à faire valoir au sein de leur propre parti que nous pouvons faire la preuve que défendre ces enjeux n'est pas seulement la bonne chose à faire, mais la chose la plus opportune à faire.
    Lorsque vous ciblez des circonscriptions comme vous l'avez mentionné, il s'agit de témoigner des valeurs dans des régions où vous pensez pouvoir exercer une influence. Est-ce une interprétation juste de ce que vous faites?
    Oui, c'est exact.
    Pour ce qui est de l'influence au Canada...
    Merci. C'est très utile.
    Il vous reste environ une minute et demie.
    Ma collègue, Mme Anju Dhillon, a fait allusion à un documentaire sur Air India, aux préjugés qu'il véhicule et au préjudice qu'il porte à l'ensemble de la communauté qui considère cela comme inacceptable.
    Comment se fait-il que CBC/Radio-Canada n'ait pas d'argent pour produire des émissions culturelles positives, mais qu'on ait ce documentaire jugé négatif et discriminatoire dont on parle tous les mois d'octobre depuis 20 ans? Pourriez-vous nous parler de l'équilibre auquel elle faisait allusion?
    Encore une fois, je ne peux pas parler des décisions prises par l'équipe éditoriale...
    Je parle des valeurs.
    Oui, je ne peux pas parler des décisions éditoriales du radiodiffuseur public. Son indépendance est une chose très importante pour nous, alors j'aimerais respecter cela. Je peux simplement dire qu'il est toujours dans l'intérêt du radiodiffuseur public d'écouter les Canadiens. Il est assurément important qu'il dispose de plus de ressources pour pouvoir les consulter. Je ne suis pas d'accord avec ce genre de contenu, mais je ne suis pas dans une position pour changer cela.
    J'ai bien peur que votre temps soit écoulé.
    C'est la fin, n'est-ce pas?
    Nous sommes vraiment à la fin. En fait, j'ai dépassé le temps de quelques minutes, parce que nous avons commencé un peu plus tard, mais nous sommes maintenant à la fin de la séance.
    Je tiens à vous remercier tous les deux de votre témoignage, qui a été très utile. Nous avons eu une discussion très intéressante.
    La séance est levée.
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