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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 073 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 mai 2015

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Il s'agit de la 73séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous avons invité des témoins à venir nous parler de la situation des droits de la personne au Vietnam.
    Mais tout d'abord, j'aimerais donner quelques consignes. Je vous demanderais de ne pas prendre de photos pendant la séance.
    De plus, j'inviterais les témoins à limiter leur exposé à 10 minutes pour permettre aux députés de poser le plus de questions possible. Nous avons un interprète qui traduira du vietnamien vers l'anglais et vice versa, ce qui facilitera les choses.
    Avant de passer à cette partie de la séance, nous avons un avis de motion qui a été présenté par M. Cotler. Nous allons donc nous pencher là-dessus.
    Allez-y, monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    J'en avais parlé lors de la dernière séance. J'aimerais que nous invitions M. Yigal Carmon, le président du MEMRI, à venir nous parler de la dégradation de la situation au Moyen-Orient, particulièrement de l'EIIS, de l'Iran, de l'Irak, de la Syrie et ainsi de suite. En principe, nous avions l'approbation, mais nous devions présenter une motion pour être en mesure d'entendre ce témoin au cours des prochains jours. C'est donc la motion dont nous sommes saisis.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux exposés. Avez-vous décidé lequel d'entre vous allait prendre la parole en premier?
    Madame Nguyen, vous pouvez donc commencer. Merci beaucoup.
    Mesdames et messieurs, membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne, bonjour.
    Je vous remercie de me donner cette occasion de vous parler de la situation des droits de la personne au Vietnam. Le mois dernier, vous avez recueilli le témoignage de mon collègue et président du Viet Tan, M. Do Hoang Diem. J'espère que ce que je vais vous dire aujourd'hui vous aidera non seulement à mieux comprendre la situation, mais vous encouragera aussi à passer à l'action.
    Comme vous le savez sans doute, le gouvernement du Vietnam a empêché de nombreux défenseurs des droits de la personne de quitter le pays pour assister à des conférences, rencontrer des groupes régionaux de défense des droits de la personne ou comparaître devant des comités comme celui-ci. Le gouvernement vietnamien a souvent recours à des tactiques comme la confiscation des passeports à l'aéroport. Mon organisation, le Viet Tan, a recensé plus de 30 interdictions de voyager ces deux dernières années.
    Par conséquent, nous sommes particulièrement chanceux que ces deux messieurs soient ici aujourd'hui pour vous parler de la brutalité policière et de la répression à laquelle ils font face quotidiennement dans le cadre de leur travail. M. Truong Minh Tam est un défenseur des droits de la personne et un ancien prisonnier politique. Il pourra vous raconter son expérience personnelle en détention arbitraire ainsi que la torture qu'a subie son ami Dang Xuan Dieu, un activiste social bien connu. Le révérend Nguyen Manh Hung, un chef religieux réputé, représente le Conseil interconfessionnel, l'un des premiers groupes indépendants de la société civile au Vietnam.
    Au départ, deux membres de la famille des personnes ayant reçu la plus longue peine d'emprisonnement étaient censés venir aujourd'hui, mais ils n'ont pas pu. J'aimerais vous soumettre leurs témoignages à une date ultérieure.
    De nombreux défenseurs des droits de la personne et militants politiques au Vietnam subissent quotidiennement de la répression sous forme de surveillance policière, d'interrogatoires et de sévices. Les personnes qui sont ciblées par le régime de Hanoï sont arrêtées, souvent en vertu d'accusations factices, et n'ont pas le droit à un avocat. Ces accusations donnent souvent lieu à des simulacres de procès.
    Un tel simulacre de justice a eu lieu en janvier 2013. Il s'agissait de l'un des plus importants procès politiques au Vietnam ces dernières années. Au total, 14 militants pacifiques se sont vu imposer 86 années d'emprisonnement. Aujourd'hui, je devais vous présenter des images de ces personnes, mais je vais vous les transmettre plus tard. Toutefois, j'aimerais quand même vous donner le nom de certains d'entre eux, étant donné qu'il s'agit des plus longues peines d'emprisonnement jamais imposées. Monsieur Dang Xuan Dieu s'est vu condamner à 13 ans d'emprisonnement, M. Ho Duc Hoa, à 13 ans également, et Mme Nguyen Dang Minh Man, à 8 ans.
    En novembre 2013, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déclaré que la détention et la condamnation de ces militants pour leurs activités pacifiques enfreignaient le droit international. Le groupe de travail a exhorté les autorités vietnamiennes à relâcher immédiatement ces activistes et à les indemniser. Mon organisation a eu recours à cette tactique par le passé et s'est ralliée aux Nations unies pour contester ces arrestations arbitraires et conclure que ces individus faisaient en effet l'objet d'une détention arbitraire.
    Si vous posiez la question aux autorités vietnamiennes, elles vous répondraient que ce ne sont que des criminels qui sont détenus dans leurs prisons. Nous savons que c'est faux. Ce n'est pas un crime de revendiquer la liberté d'expression ou la liberté politique, comme dans le cas de Mme Minh Man. J'aimerais surtout vous parler d'elle parce qu'elle et moi avons pratiquement le même âge et sommes toutes deux des militantes pour les droits de la personne. J'ai eu la chance de quitter le Vietnam en tant que réfugiée politique en 1992. Je suis sûre que si sa famille ne s'était pas vu refuser l'asile politique et n'avait pas été renvoyée dans un camp de réfugiés en Thaïlande dans les années 1990, elle ferait maintenant partie de la diaspora vietnamienne et serait peut-être ici aujourd'hui.
    Malheureusement, elle a plutôt passé les quatre dernières années dans une prison vietnamienne. Elle a été accusée de subversion et condamnée initialement à neuf ans d'emprisonnement. À titre de photojournaliste pigiste, elle a documenté les actes courageux de Vietnamiens ordinaires qui ont peint en public les initiales « HS. TS. VN » pour affirmer la souveraineté du Vietnam sur les îles Paracel et Spratly. Elle est actuellement détenue dans le camp 5 de la province de Thanh Hoa, un établissement réputé pour infliger de mauvais traitements aux prisonniers politiques. On l'a condamnée à faire des travaux forcés difficiles, on l'a détenue en isolement et on lui a interdit de participer aux activités récréatives. Comme beaucoup d'autres personnes qui ont été maltraitées ou même torturées en prison, Minh Man a entrepris deux grèves de la faim en guise de protestation. Elle a volontairement refusé le peu de nourriture qu'on lui offrait pour attirer l'attention sur ses mauvais traitements.

  (1310)  

    Dans le cas de MM. Dieu et Hoa ainsi que de Mme Minh Man, leur dissidence courageuse les a peut-être fait emprisonner, mais leur résistance et leur résilience face aux sévices et leur refus de s'alimenter devraient nous inciter à prendre des mesures.
    On ne connaît pas exactement le nombre de prisonniers politiques gardés en détention arbitraire au Vietnam, compte tenu de la nature répressive et secrète de ces arrestations. C'est grâce au travail acharné de ces messieurs assis à côté de moi et de ceux au Vietnam qui risquent leur vie pour documenter les arrestations et assister à des procès à huis clos si nous sommes au courant de ces abus.
    La communauté internationale a également un rôle important à jouer pour faire la lumière sur ces cas.
    J'ai deux propositions concrètes à présenter au comité et au Parlement aujourd'hui. Tout d'abord, je vous demanderais, monsieur le président, d'envisager un mécanisme visant à considérer ces personnes comme des prisonniers d'opinion afin que le public connaisse leur histoire. Si vous êtes solidaires envers ces personnes, leur cause devient la vôtre. Le soutien international est non seulement souhaitable, mais il est aussi le meilleur moyen de garantir leur sécurité.
    Par exemple, si vous prenez le dossier en main, vous pourriez envoyer une lettre au gouvernement vietnamien afin de porter ce dossier à leur attention et d'exercer des pressions. De plus, dans les accords commerciaux, lorsqu'il est question des droits de la personne, ces cas devraient toujours être soulevés. Vous devriez avoir une liste prioritaire des personnes qui sont les plus importantes pour vous, et vous devriez toujours réclamer leur liberté. C'est ainsi qu'on négocie et qu'on obtient la liberté.
    En outre, le Parlement pourrait insister auprès de l'ambassade canadienne à Hanoï pour rendre visite aux prisonniers afin de s'assurer qu'ils ont des droits de visite et qu'ils ont accès à des soins médicaux, à de la nourriture et à de l'eau potable. La visite des représentants des gouvernements étrangers est souvent le seul moyen de s'assurer que leurs droits sont respectés dans ces prisons.
    Aujourd'hui, j'aimerais vous lire une citation de M. Irwin Cotler au sujet des défenseurs des droits de la personne iraniens.
    Il a dit: « Des personnes exceptionnelles et courageuses ont osé remettre le régime en question, et le moins que nous puissions faire dans les circonstances, c'est de raconter leur histoire. »
    Je considère que ces mots s'appliquent à la situation des prisonniers d'opinion du Vietnam. Nous devrions non seulement nommer les auteurs de ces violations des droits de la personne, mais aussi honorer les personnes qui, au Vietnam, travaillent sans relâche pour défendre leurs droits. Nous devrions raconter leur histoire au monde entier.
    Je vais maintenant céder le reste de mon temps à ces deux messieurs, qui viennent de très loin. Je vais donc céder la parole au révérend Hung.

  (1315)  

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais tout d'abord vous remercier de vous préoccuper de la situation des droits de la personne au Vietnam et aussi de nous avoir invités à participer à vos discussions aujourd'hui.
    Je suis le pasteur Nguyen Hung. Je suis responsable de l'Église mennonite de Chuong Bo, au Vietnam. Il s'agit d'une église mennonite indépendante. Je suis également membre du Conseil interconfessionnel du Vietnam.
    J'aimerais donc présenter mon exposé à titre de témoin mais aussi à titre de représentant du Conseil interconfessionnel du Vietnam, qui est composé de prêtres de haut rang de cinq différents courants religieux, notamment le caodaïsme, le catholicisme, le bouddhisme Hoa Hao, le bouddhisme unifié et le protestantisme.
    En tant que membre du Conseil interconfessionnel, je vais aborder trois points principaux.
    En premier lieu, je vais vous donner un aperçu de la situation actuelle de la liberté de religion au Vietnam.
    Selon les médias d'État, le Vietnam peut paraître un lieu où la liberté de religion et le développement spirituel sont respectés, un pays où de nombreux lieux de culte et institutions religieuses sont construits et où se déroulent des festivités religieuses et un endroit où les étrangers peuvent venir en apprendre davantage sur la religion. La réalité est que ces caractéristiques viennent avec la pratique positive de la foi. Les droits fondamentaux ne sont accordés aux groupes religieux qu'en échange de leur silence face aux injustices commises par le gouvernement.
    Le gouvernement n'accorde son approbation et des privilèges qu'aux personnes qui suivent ses directives et ses instructions. Les autres pratiques, cérémonies et instructions religieuses qui ne sont pas compatibles avec le gouvernement ne sont pas permises.

  (1320)  

    Ces groupes religieux ne sont pas autorisés à s'adonner à des activités humanitaires et sociales. Ils n'ont pas le droit de posséder des biens immobiliers ni de modifier leurs installations de quelque façon que ce soit. Ils n'ont pas le droit d'entrer en contact avec des organisations étrangères et internationales. De plus, ils ne peuvent pas envoyer des gens à l'étranger ni inviter des gens de l'étranger à venir au Vietnam à des fins religieuses. Tous ces droits fondamentaux sont inexistants au Vietnam.
    Si nous voulons faire quelque chose, nous devons demander l'approbation du gouvernement, qui nous fait attendre très longtemps et nous impose des conditions très strictes visant à nous décourager. Tous ces obstacles visent à abaisser la qualité du leadership des religions, à empêcher les personnes religieuses de s'engager dans la société, à faire en sorte que les activités religieuses soient moins présentes et à diminuer l'influence des religions au sein de la société. C'est exactement le but caché de la loi sur les croyances religieuses que le gouvernement se prépare à promulguer sous peu.
    Le Conseil interconfessionnel a rédigé une lettre de protestation au sujet de ce projet de loi qui a été rendue publique le 10 mai 2015. Nous sommes d'avis que l'État complote en vue d'exercer des pressions sur l'église.

  (1325)  

    C'est précisément ce que le gouvernement prévoit imposer aux religions au Vietnam. Le projet de loi continue d'appliquer un mécanisme d'approbation et d'exiger toutes sortes de permis pour contrôler, réprimer et miner les églises religieuses. Le libellé du projet de loi est très vague et ambigu et permettra aux autorités locales de l'interpréter à leur guise.
    Les dispositions du projet de loi se contredisent et vont à l'encontre de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 24 de la constitution du Vietnam de 2013. En gros, ce sont les points que nous avons soulevés dans la lettre de protestation que nous avons envoyée au gouvernement.
    Dans la deuxième partie de mon exposé, j'aimerais relater quelques faits et événements pour vous démontrer l'ampleur de la répression de la religion.
    Après le 30 avril 1975, le gouvernement du Vietnam a confisqué les propriétés, les terres et les installations de nombreuses organisations religieuses. Il a également réprimé de façon brutale les sectes religieuses indépendantes, particulièrement celles pratiquant le caodaïsme. Il a également essayé d'interrompre les réunions religieuses des organisations locales. Il a aussi perturbé le fonctionnement des messes. Il s'est emparé des installations de l'église, par exemple à Kho Hien Trang, dans la province de Tien Giang, et à Tuy An, dans la province de Phu Yen.

  (1330)  

    Il a également mis fin de façon brutale à la réunion du Conseil interconfessionnel du 7 mai 2015.
    En ce qui concerne la religion catholique, il continue de détenir le révérend Ly et de harceler l'évêque Hoang Duc Oanh dans la province de Kontum. Il a également insisté pour que les rédemptoristes à Saigon cessent de défendre les opprimés et les défenseurs des droits de la personne.
    En ce qui a trait à la religion Hoa Hao, on continue d'emprisonner les dignitaires et les fidèles de l'église, tels que le vénérable Le Quang Liem. On interdit ou saccage les messes importantes. On s'en prend physiquement aux pratiquants. On a détruit les petits temples bouddhistes et utilisé l'organe contrôlé par l'État pour diffamer les hauts dignitaires de l'église.
    Quant au bouddhisme unifié, on tente de confisquer les terres et d'occuper le temple à Thu Thiem, à Saigon. On harcèle également les prêtres et les religieux dans les temples et monastères partout au pays. On empêche les gens, au temple de Phuoc Thanh, de s'occuper des blessés de guerre de l'ancien régime. On continue de surveiller et de harceler les vénérables Thich Quang Do et Thich Khong Tanh.
    Enfin, concernant l'église protestante, on continue de réprimer violemment le pasteur Nguyen Hong Quang et le groupe mennonite Binh Duong. C'était entre 2014 et 2015, et on a également détruit leurs installations.
     On a fait appel à des voyous pour vandaliser ma propre maison. Je suis responsable de l'église de Chuong Bo. On a également intimidé de nombreux pasteurs et on les a empêchés de prendre part au Conseil interconfessionnel. On a emprisonné le pasteur Nguyen Cong Chinh pendant 11 ans et le pasteur Duong Kim Khai pendant 5 ans.
    Pour la troisième partie, j'aimerais présenter des recommandations au gouvernement canadien.
    Nous demandons au gouvernement et aux députés canadiens de toujours mettre de l'avant la question de la liberté de religion dans ses discussions avec le Vietnam. L'aide de votre pays profitera énormément aux groupes religieux et à toute la population du Vietnam.

  (1335)  

    Avec votre expérience d'une société libre et démocratique, où tous les pratiquants sont considérés comme des citoyens normaux et où la relation entre le gouvernement et les religions est régie suivant des conventions, nous vous remercions de bien vouloir soulever les inquiétudes du Canada sur la préparation des textes concernant la liberté de religion au Vietnam car ceux-ci visent à renforcer le contrôle de l'autorité sur les religions. Il essaie également de réprimer les défenseurs de la liberté de religion, d'où l'apparition du mouvement pour la défense des droits de la personne.
    Nous vous demandons également d'exercer des pressions auprès du gouvernement vietnamien afin qu'il relâche tous les prisonniers politiques et religieux, de même que les prisonniers d'opinion qui sont détenus pour s'être battus pour la liberté et la liberté de religion. Vous devriez tout particulièrement demander au gouvernement de respecter les religions afin que chacun ait le droit de pratiquer son culte, notamment en milieu carcéral et dans les endroits les plus reculés du pays.
    Je vous remercie de votre attention. Nous répondrons volontiers à vos questions.
    Je tiens à tous vous remercier vivement de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Minh Tam Truong et je suis membre du mouvement Vietnam Path, une organisation civique luttant pour les droits de la personne au Vietnam. Le mouvement a été créé par M. Tran Huynh Duy Thuc et d'autres intellectuels progressistes du Vietnam.
    J'aimerais vous parler aujourd'hui des conditions de détention au Vietnam. Comme je dispose de peu de temps, je vais traiter uniquement de la situation des prisonniers politiques. Si je peux vous communiquer ces informations aujourd'hui, c'est parce que j'ai séjourné une année en prison après avoir été accusé d'activités contraires aux intérêts gouvernementaux. J'ai continué de recueillir des renseignements dans l'année qui s'est écoulée depuis ma libération.
    Mesdames et messieurs, les conditions de détention au Vietnam, tout spécialement pour les prisonniers politiques, sont vraiment pitoyables. La loi indique que l'on ne devrait pas faire de distinction entre les prisonniers politiques et les autres, mais, dans les faits, la différence est énorme. Les prisonniers politiques sont détenus dans une cellule d'isolation que l'on surnomme la cage du tigre. C'est une très petite cellule d'à peine 4,7 mètres carrés. Il n'y a ni ventilation ni éclairage. Il n'y a pas non plus d'eau propre ni d'eau potable. Les prisonniers ne peuvent pas prendre de bain. On peut leur donner seulement de 1,2 à 10 litres d'eau par jour. Leurs conditions de vie ne sont donc pas du tout hygiéniques. Il fait très chaud en été et très froid en hiver. Le surnom « cage du tigre » vient du fait que tous les prisonniers sont complètement nus en été tant il fait chaud dans ces cellules.
    Ils placent toujours les prisonniers politiques et les prisonniers criminels dans les mêmes cellules de façon à ce que les prisonniers criminels puissent exercer leur contrôle sur les prisonniers politiques. Les prisonniers criminels attaquent sans cesse les prisonniers politiques. On considère qu'il s'agit d'une forme indirecte de torture de leur part.

  (1340)  

    L'alimentation est vraiment déficiente. Les détenus ont droit en théorie à 1,2 kilogramme de riz par jour et à 1,5 kilogramme de viande ou de poisson par mois, mais la qualité est médiocre. À titre d'exemple, le riz est généralement à moitié cuit, brûlé ou mélangé avec de la pierraille. Les légumes sont mélangés avec des déchets, des racines et de la terre. Le poisson est cuit en entier, sans qu'on enlève la peau et les viscères. Comme viande, on sert surtout du gras et des os, et la viande est souvent avariée.
    Dans des conditions aussi abominables et peu hygiéniques, la plupart des détenus contractent des maladies très graves comme la gale, des troubles digestifs, des problèmes aux articulations et aux os, et une détérioration de la vision.
    Je viens de vous parler des conditions physiques, mais les conditions psychologiques sont tout aussi tragiques. Les prisonniers peuvent lire uniquement le quotidien People's Army Newspaper, l'organe officiel du parti communiste vietnamien. On les oblige à regarder une émission de télé réalisée par le gouvernement que l'on pourrait qualifier de sans intérêt, voire stupide. On ne leur permet pas de lire d'autres journaux ou des livres que leur famille pourrait leur envoyer.
    À cet égard, je dois préciser que les prisonniers de confession chrétienne sont victimes d'une discrimination encore plus poussée. Ils ne peuvent pas tenir leurs cérémonies religieuses dans la prison et on ne les autorise pas à lire la bible ou tout autre texte religieux. C'est pour cette raison qu'il y a eu récemment de nombreuses grèves de la faim dans les prisons vietnamiennes. C'est leur moyen de dernier recours. Comme ils n'ont pas d'autres façons d'attirer l'attention du monde sur leur situation, ils font offrande de leur bien-être corporel en guise de protestation.

  (1345)  

    Le gouvernement communiste rend les choses encore plus difficiles pour ces prisonniers et leur famille en les transférant dans des camps de détention très éloignés de leur domicile. De plus, les autorités continuent à permettre aux prisonniers criminels de battre les prisonniers politiques.
    J'aimerais mentionner le nom de quelques prisonniers politiques qui font la grève de la faim depuis un bon moment déjà: M. Dang Xuan Dieu, M. Dinh Nguyen Kha, M. Tran Vu Anh Binh, M. Nguyen Hoang Quoc Hung, Mme Bui Thi Minh Hang, Mme Ta Phong Tan, Mme Can Thi Theu, Mme Nguyen Dang Minh Man et M. Le Thanh Tung.
    Je veux profiter de l'occasion pour vous parler de trois prisonniers en particulier.
     M. Dang Xuan Dieu est un détenu qui a beaucoup souffert de la torture et des mauvais traitements. Lorsque j'ai été incarcéré, M. Dieu était dans la cellule voisine, ce qui me permet de vous communiquer aujourd'hui des informations précises et exactes. C'est un jeune homme de confession catholique. M. Ho Duc Hoa et lui sont les deux détenus à s'être vus imposer les plus longues peines, à savoir 13 ans de détention.
    Voilà maintenant près de quatre ans qu'il est incarcéré. Au fil de ces quatre années, il a fait la grève de la faim ou refusé de s'alimenter pendant un total de plus de 500 jours. Pendant six mois consécutifs, il a été battu par des prisonniers criminels avec l'approbation des autorités carcérales. Il souffre de nombreux problèmes de santé affectant ses articulations et son système digestif. Il pèse à peine un peu plus de 40 kilos, et son dos est voûté en permanence. Il poursuit sa grève de la faim pour protester contre le gouvernement qui, à ses yeux, s'est rendu coupable d'une très grave injustice à son endroit.

  (1350)  

    En sortant de prison, j'ai informé la population de ce qui se passe à l'intérieur des murs, ce qui a entraîné le transfert de M. Dieu de la prison de Thanh Hoa au camp de Xuan Loc. Même s'il y est traité un peu mieux, la situation demeure presque aussi alarmante.
    Pour des motifs humanitaires, je vous demanderais d'exiger que M. Dieu reçoive les traitements médicaux que nécessite son état. Il doit également avoir accès à un avocat pour défendre sa cause.
     Je tiens aussi à vous faire part de la situation de M. Tran Huynh Duy Thuc et de Mme Ta Phong Tan. Je sollicite tout particulièrement votre aide au nom de Mme Ta Phong Tan, une femme qui est détenue depuis très longtemps et dont la situation est vraiment désespérée. Nous devons exercer des pressions sur le gouvernement communiste afin qu'absolument tous les détenus soient traités de façon humaine.
    Quant à M. Tran Huynh Duy Thuc, nous croyons qu'il est tout à fait innocent. C'est un patriote et un intellectuel qui doit être remis en liberté pour pouvoir contribuer à l'amélioration de notre pays.
    Je m'appelle Truong Minh Tam. Je suis membre d'une organisation qui lutte pour les droits de la personne et j'aimerais travailler avec vous pour améliorer la situation et la protection des droits de la personne au Vietnam.
    Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

  (1355)  

    Je tiens à vous remercier pour ces témoignages très détaillés. Je constate toutefois qu'il nous reste très peu de temps.
    Sans doute pouvons-nous accorder à chaque parti une période de deux minutes pour poser ses questions. Nous dépasserions ainsi légèrement le temps prévu pour notre séance.
    Monsieur Sweet.
    Il est particulièrement troublant de constater — et je ne crois pas que cela ait été souligné dans l'une de nos séances portant sur le Vietnam — que non seulement ce pays est-il membre des Nations unies, mais il fait également partie du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le Vietnam a pris volontairement différents engagements, mais ne les a jamais respectés. On nous a relaté aujourd'hui des cas flagrants de violation des droits de la personne par le gouvernement de ce pays.
    Révérend Nguyen, vous avez indiqué avoir envoyé des lettres de protestation au gouvernement concernant des mesures législatives que l'on s'apprêtait à adopter. J'en conclus que ces mesures permettront au gouvernement de persécuter encore davantage ceux qui refusent de rentrer dans le rang.
    Comment a-t-on répondu à vos lettres de protestation?
    Comme je le disais, nous avons envoyé une lettre de protestation au gouvernement. Comme toujours, nous n'avons pas reçu de réponse
    Cela n'a rien d'inhabituel. Même en 2013, lorsque le gouvernement a consulté la population au sujet de l'amendement à la constitution, de nombreux points de vue ont pu être exprimés, mais il n'y a pas eu de réponse du gouvernement et aucune mesure n'a été prise. C'est toujours ainsi que le gouvernement vietnamien fonctionne.

  (1400)  

    Monsieur Benskin.
    Merci de votre présence aujourd'hui. Je tiens à vous féliciter de votre courage et à souligner celui dont font preuve également vos compatriotes, aussi bien au Vietnam que dans la diaspora, dans le cadre de vos efforts incessants pour assurer un plus grand respect des droits de la personne.
    Comme mon collègue M. Sweet, je trouve extrêmement préoccupant que le Vietnam soit un État membre des Nations unies, mais ne respecte pas les engagements pris sur cette tribune.
    Vous êtes tous les deux venus témoigner devant nous malgré les risques pour votre propre sécurité. J'aimerais savoir si vous craignez des représailles à votre retour au Vietnam et quelles mesures de protection sont prévues, le cas échéant.
    Je peux vous dire pour ma part que nous sommes déterminés à améliorer la situation des droits de la personne au Vietnam. C'est notre objectif principal. C'est plus important que notre sécurité personnelle.
    Je vous mentirais en affirmant que nous n'avons pas peur, mais nous sommes prêts à prendre le risque. Nous sommes persuadés que nous ferons l'objet de harcèlement à notre retour, mais nous osons espérer que votre influence et votre soutien permettront d'assurer notre sécurité dans une certaine mesure.
    D'accord, c'est M. Cotler qui a droit à la dernière question. Avant de lui laisser la parole, je veux souligner que Hoang Mai était des nôtres aujourd'hui. Il n'a pas pu poser de questions. Il n'est pas membre de notre comité; il est simplement de passage.
    Vous pouvez y aller, monsieur Cutler.
    Je veux moi aussi abonder dans le sens de ce que disait M. Sweet. J'estime scandaleux que le Vietnam puisse continuer à être membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et se retrouver juge dans des causes touchant les droits de la personne. Sans dire qu'on récompense ce pays, on lui accorde un genre d'immunité exonératoire en lui permettant de faire partie de ce conseil. Nous devrions faire quelque chose à ce sujet.
    Comme nous avons très peu de temps, j'ai deux brèves questions pour Mme Nguyen. Je dois vous dire que j'ai pris bonne note de vos commentaires concernant les prisonniers d'opinion.
    J'aimerais d'abord savoir ce que vous pouvez nous dire au sujet de la violence fondée sur le sexe ou du non-respect des droits des femmes au Vietnam.
    Par ailleurs, on déplore actuellement d'importantes restrictions à la liberté d'expression. Le Vietnam se classe 174e sur 180 pays au classement mondial sur la liberté d'expression établi par Reporters sans frontières. Croyez-vous que les autorités portent davantage leur attention sur les blogueurs et les gens qui utilisent Internet, plutôt que de chercher à contrôler la liberté d'expression dans les médias traditionnels?

  (1405)  

    Merci, monsieur Cotler.
    Pour répondre à votre première question concernant la violence fondée sur le sexe, j'aimerais vous parler des cas de militantes qui luttent pour les droits de la personne. Il ne fait aucun doute que ces femmes sont plus à risque en milieu carcéral. La violence dont elles sont victimes est tout aussi marquée, si ce n'est plus grave encore, que celle perpétrée contre les hommes. Ces femmes sont battues. Elles sont maintenues en isolation, mais y sont malmenées encore davantage par des prisonnières criminelles. Elles n'ont pas accès à des produits hygiéniques pendant leur incarcération. Nous avons des cas documentés à cet effet.
    Mais je crois que vous parliez de manière plus générale de la violence fondée sur le sexe. Est-ce le cas ou vous intéressiez-vous plus particulièrement à la situation des militantes pour les droits de la personne?
    Je parlais des deux à la fois.
    J'ai moi-même lutté contre la violence fondée sur le sexe au Vietnam. Comme dans bien des pays, il faut certes déplorer l'absence de mécanismes de recours adéquats pour les victimes de violence. Il est bien certain que c'est toujours problématique. Il y a plusieurs organisations de la société civile et groupes de défense des femmes qui revendiquent sans cesse ces droits. Reste quand même qu'il n'y a pas de mécanisme permettant d'obtenir réparation auprès des abuseurs.
    Pour ce qui est de votre seconde question, vous avez tout à fait raison de croire que les blogueurs sont davantage ciblés. On ne dispose pas d'outils permettant de contrôler Internet. Le gouvernement vietnamien a déjà essayé de bloquer Facebook, mais ses représentants s'en servent aujourd'hui aux fins de leur propre propagande. On mise plutôt sur d'autres tactiques. On peut ainsi surveiller les blogueurs, les arrêter, déposer contre eux des accusations arbitraires et les garder en détention. C'est la vie des blogueurs vietnamiens au quotidien. Plus on leur fait subir de tels traitements, plus ils se sentent investis de la mission de parler encore davantage.
    Il ne fait aucun doute que les mécanismes de surveillance sur Internet ne sont pas aussi sophistiqués que ceux utilisés par la Chine, ce qui fait que le gouvernement vietnamien mise d'abord et avant tout sur la violence dans ses stratégies.
    Merci.
    Je tiens à remercier nos invités pour leur témoignage.
    Il nous reste encore quelques minutes. Nous avons à peu près sept minutes à notre disposition. Il serait bien que deux autres députés puissent poser leurs questions pendant deux minutes chacun.
    Certainement, si vous croyez que c'est possible.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins pour le temps qu'ils nous ont consacré et pour leurs exposés.
    Les cas incessants de harcèlement, de détention arbitraire et d'incarcération des défenseurs des droits de la personne montrent bien que le Vietnam est incapable de respecter ses engagements répétés à protéger les droits de la personne. À titre d'exemple, le Vietnam a détenu ou incarcéré l'an dernier pas moins de 11 blogueurs et militants pour les droits de la personne, et compte actuellement quelque 200 prisonniers politiques, le nombre le plus important en Asie du Sud-Est.
    Est-ce qu'une intensification des pressions internationales exercées sur Hanoï est nécessaire pour que cessent ces arrestations et ces emprisonnements arbitraires et pour que tous les prisonniers politiques, y compris les défenseurs des droits de la personne, soient libérés? À votre avis, le gouvernement vietnamien est-il susceptible de céder aux pressions internationales?
    Merci pour votre question et les préoccupations que vous exprimez. Le seul fait que je sois venu témoigner devant vous aujourd'hui montre bien que le reste du monde est préoccupé par la situation qui prévaut au Vietnam. Je pense qu'il est bon d'exercer des pressions. À titre d'exemple, depuis que j'ai été moi-même libéré, j'ai parlé beaucoup des conditions de détention lamentables de M. Dang Xuan Dieu, et sa situation s'est améliorée. C'est donc efficace pour susciter certains changements, mais je pense qu'il faut en faire davantage.

  (1410)  

    Je tiens à remercier les membres du comité de me donner l'occasion de poser mes questions.
    [Le député s'exprime en vietnamien]
    Il est notamment très important pour nous de veiller à ce que vous soyez en sécurité à votre retour au Vietnam. J'espère donc que nous pourrons nous assurer tous ensemble de faire le nécessaire pour vous éviter des représailles.
    Ma question s'adresse à Mme Nguyen. Étant donné que le Canada peut et doit en faire plus pour améliorer la situation des droits de la personne au Vietnam, pouvez-vous nous dire à quel point il serait important que l'on traite de ces questions lors de la négociation du Partenariat transpacifique?
    Certainement, mais j'aimerais d'abord ajouter quelque chose à ce que vous avez dit quant au sort réservé à mes deux collègues à leur retour au pays. Comme nous connaissons leur itinéraire, je pense que les députés pourraient les aider de façon très concrète en communiquant avec l'ambassade canadienne pour lui indiquer leur date d'arrivée au Vietnam et demander à ce qu'on s'assure qu'ils ne sont pas incarcérés et que leur passeport n'est pas confisqué. L'ambassade devrait envoyer un agent des droits de la personne à l'aéroport. Nous avons déjà pu assurer la sécurité de nos ressortissants en collaborant de cette façon avec le gouvernement des États-Unis.
    Quant à savoir ce qu'on pourrait faire de plus, je pense qu'il est assez intéressant de constater que le gouvernement vietnamien tient à faire partie de la communauté internationale. Il veut respecter les règles du jeu établies à l'échelle mondiale. Dans ce contexte, je crois que vous pouvez fixer des balises bien précises en matière de droits de la personne dans le cadre de vos négociations commerciales. Il n'est pas nécessaire de réclamer une réforme en profondeur du système judiciaire. C'est certes une chose que nous souhaiterions, mais il est très difficile d'obliger un gouvernement à agir en ce sens. J'estime par contre qu'il serait envisageable de demander la libération de prisonniers et que le gouvernement pourrait fort bien acquiescé à une telle requête. Je pense que si les chefs d'État sont suffisamment nombreux à se concerter à cette fin, les autorités vietnamiennes voudront sauver la face, elles voudront pouvoir...
    Comme nous l'avons constaté dans le passé, il est possible d'avoir gain de cause. Il faut seulement que les pressions internationales soient suffisamment concertées. Il y a assurément différents dossiers dans lesquels, si nos pressions sont assez fortes et si les parlementaires sont assez nombreux à le demander, le gouvernement vietnamien serait disposé à plier pour pouvoir bénéficier du Partenariat transpacifique.
    Par ailleurs, il arrive aussi que des représentants du ministère des Affaires étrangères rencontrent leurs homologues au Vietnam pour discuter d'ententes de moins grande portée en matière de commerce ou de défense. Il serait extrêmement important de profiter de l'occasion pour mentionner ces cas. En effet, les dirigeants vietnamiens vont ensuite se parler entre eux et se dire que le gouvernement canadien s'intéresse à la situation et qu'il serait peut-être bon de revoir le cas X ou le cas Y, ou peut-être d'envisager un transfert vers une prison où les conditions sont meilleures, ou encore de penser à offrir l'accès aux services d'un avocat.
    Je crois qu'il s'agit de mesures simples qui pourraient être prises parallèlement bien sûr aux pressions à exercer pour obtenir une réforme en profondeur du système judiciaire, des changements à la constitution et une plus grande liberté d'expression. Reste que si vous leur demandez d'agir dans des cas particuliers, ils risquent fort d'acquiescer.
    Je vous remercie pour vos témoignages, et je suis convaincu que nos collègues du parti ministériel ont prêté une oreille très attentive à vos dernières observations. Merci d'avoir eu le courage de vous présenter devant nous. Il est important que des gens comme vous se portent à la défense de leurs concitoyens qui sont marginalisés.
    La séance est levée.
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