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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 036 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 octobre 2014

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Français]

    Chers collègues, nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 2 octobre 2014, nous tenons la 36 e séance.

[Traduction]

    Nous procédons aujourd'hui à l'étude des défis auxquels sont confrontés les réfugiés nord-coréens.
    Au sens strict, je suppose que le terme « réfugiés » serait inapproprié au regard des conventions des Nations Unies. Le terme « évadés » a été employé et est probablement plus juste. Comme vous l'entendrez, ces évadés sont confrontés à bon nombre des défis auxquels les réfugiés officiels doivent faire face, mais bénéficient moins des mesures de protection internationales que quiconque se trouve en pareille situation.
    Nous recevons deux témoins aujourd'hui. Sungju Lee témoigne à titre de pionnier HanVoice et nous parlera de sa propre situation. Nous entendrons également Randall Baran-Chong, directeur général de HanVoice.
    De plus, à ma demande, Barry Devolin, notre collègue et vice-président à la Chambre, est également présent. Il assiste à la séance pour donner un peu de contexte qui ne viendrait peut-être pas à l'attention du comité autrement. J'ai trouvé très utile de le consulter quand je me renseignais sur ce sujet, et il m'a semblé judicieux qu'il soit ici, même s'il ne fera pas d'exposé.
    Monsieur Lee, si vous voulez bien commencer, nous écouterons votre exposé, puis celui de M. Baran-Chong, après quoi nous vous poserons des questions. Merci beaucoup.
    Bonjour, respectable président, honorables membres du comité des droits de la personne et distingués invités.
    Avant de parler de mon histoire et d'expliquer la situation des réfugiés nord-coréens, j'aimerais exprimer ma profonde gratitude au comité de m'avoir invité à votre honorable séance.
    Je m'appelle Sungju Lee. J'ai déjà été un réfugié nord-coréen, mais je suis maintenant citoyen sud-coréen. Je suis au Canada depuis près de trois mois en qualité de pionnier dans le cadre du HanVoice Pioneers Project cette année. J'ai maintenant le privilège d'effectuer, cet automne, un stage au bureau de M. Devolin, dans ce magnifique édifice.
    Un jour de février 1998, mon père est parti en Chine pour chercher de la nourriture. Quatre mois plus tard, ma mère a aussi quitté la maison pour la même raison. Quand j'avais 12 ans, j'ai tout perdu. Je n'ai pu fréquenter l'école par la suite. J'ai dû apprendre à survivre au lieu d'aller à l'école et j'ai vécu dans la rue pendant quatre ans. Pendant la journée, moi et mes amis allions habituellement au marché en plein air pour trouver de la nourriture. La nuit, nous allions dormir à la gare. Au cours de ces quatre années, j'ai perdu deux de mes amis dans la rue, à l'hiver 1999 et à l'été 2001.
    Quand j'avais 17 ans, j'ai fui la Corée du Nord pour aller en Chine avec un courtier envoyé par mon père, qui s'était auparavant réinstallé en Corée du Sud. Le courtier et moi-même nous sommes rendus dans la ville de Hoeryong, où se trouve une ville-frontière entre la Corée du Nord et la Chine. Nous avons traversé la rivière Tumen, qui constitue la frontière. J'ai ensuite rencontré un autre courtier en Chine, près de la frontière. Le premier courtier est retourné en Corée du Nord après que le deuxième courtier lui eût remis de l'argent. Le courtier a fabriqué un faux passeport sud-coréen et me l'a donné, et j'ai finalement pénétré en Corée du Sud avec ce passeport.
     Mon cas est très inhabituel comparativement aux réfugiés nord-coréens qui arrivent normalement en Corée du Sud, car mon père a remis une somme rondelette au courtier pour qu'il me ramène en Corée du Sud. J'ai rencontré mon père en Corée du Sud, et la première chose qu'il m'a dite, c'est de ne pas révéler de détails sur le passé de ma famille à quiconque, puisque tous mes parents vivent en Corée du Nord.
    Je pense que les réfugiés nord-coréens se trouvent dans des situations différentes de celles des autres réfugiés. Tout d'abord, les réfugiés nord-coréens en Corée du Sud sont constamment menacés et chassés par le gouvernement de ce pays, alors que les autres réfugiés sont relativement en sécurité une fois qu'ils ont atteint l'endroit où ils désirent vivre. Particulièrement depuis l'arrivée du régime de Kim Jong-un, le gouvernement nord-coréen a souvent menacé, dans des d'annonces télévisées, les réfugiés nord-coréens qui se réinstallent en Corée du Sud. Sous la dictature de Kim Jong-un, les membres de la famille directe d'un de mes amis, qui s'était échappé, ont été exécutés en public pour donner un exemple de ce qui se passe en cas de haute trahison. De plus, en raison de sa défection, ses parents ont été détenus dans une zone à accès limité, parce que la défection de Corée du Nord est considérée comme de la haute trahison.
    En outre, les réfugiés nord-coréens en Corée du Sud se méfient les uns des autres parce que la plupart d'entre eux ont très peur des espions nord-coréens en Corée du Sud. Nombreux sont les réfugiés nord-coréens en Corée du Sud qui changent de nom et de numéro d'assurance sociale pour disparaître. J'ai moi aussi changé de numéro d'assurance sociale une fois et je n'utilise pas le nom officiel que j'employais en Corée du Nord. La plupart des Nord-coréens en Corée du Sud vivent discrètement, cachant leur passé, hormis quelques activistes des droits de la personne nord-coréens. Même s'ils vivent dans un pays libre, ils ne peuvent jouir de cette liberté, contrairement aux autres personnes qui se sont réfugiées dans un pays libre, comme le Canada.
    Enfin, en Corée du Nord, il y a [Le témoin s'exprime en coréen.], c'est-à-dire un système de punition sur trois générations. Si quelqu'un commet une haute trahison, ses parents seront punis jusqu'à la troisième génération, particulièrement s'il s'agit de la famille d'un réfugié nord-coréen vivant en Corée du Sud. Les parents de ce réfugié seront exécutés d'horrible façon ou au moins envoyés dans un camp de prisonniers ou de travail pour le reste de leurs jours.
(1305)
    Le fait de se rendre aux États-Unis et en Corée du Sud, des ennemis jurés de la Corée du Nord, est considéré comme de la haute trahison. Quand j'avais 10 ans, j'ai vu des exécutions publiques en Corée du Nord. La haute trahison était un des pires crimes qui soient. Pour cette raison, de nombreux réfugiés nord-coréens ne veulent pas aller en Corée du Sud ou aux États-Unis.
    Je pense que les réfugiés nord-coréens, compte tenu de leur situation particulière, ont besoin de l'aide de la communauté internationale. Je crois toutefois comprendre que seulement deux pays, la Corée du Sud et les États-Unis, qui accueillent des réfugiés nord-coréens arrivant directement de la Thaïlande. Les réfugiés nord-coréens dans ce pays n'ont donc pas la possibilité de choisir un pays pour assurer leur sécurité. Ils doivent choisir la Corée du Sud ou les États-Unis, même si ces pays ne sont pas suffisamment sécuritaires pour eux ou pour leurs familles ou leurs parents en Corée du Nord.
    Respectable président et honorable membres du comité, je vous prie de comprendre la situation particulière des réfugiés nord-coréens. Je vous supplie, vous qui chérissez les droits de la personne, de donner espoir aux réfugiés nord-coréens en leur offrant l'occasion de s'installer au Canada.
    Merci beaucoup.
(1310)
    Merci beaucoup, monsieur Lee.
    Monsieur Baran-Chong, vous pouvez commencer.
    Voilà donc la question: qui répondra à l'appel des réfugiés nord-coréens? Comme vous l'avez entendu de la part de Sungju, son histoire décrit toutes les difficultés que ces réfugiés endurent au cours de leur vie en vivant dans la peur. Cette histoire met en lumière la situation en Corée du Nord, où les gens sont prêts à risquer leur vie pour connaître la liberté et avoir la chance de vivre sans crainte.
    Il a fait comprendre qu'il existe encore certaines situations où la liberté n'est pas nécessairement au rendez-vous quand les réfugiés arrivent dans un nouveau pays, c'est-à-dire la Corée du Sud. Il faut que d'autres pays répondent à l'appel. Nous croyons fermement, au nom de HanVoice, que le Canada peut et devrait jouer un rôle de chef de file quant aux questions touchant les réfugiés nord-coréens.
    J'aimerais exprimer ma gratitude au comité de nous donner la possibilité aujourd'hui d'expliquer pourquoi nous pensons que c'est le cas. Tout repose sur notre proposition de programme de parrainage privé pour les réfugiés nord-coréens.
    Je m'appelle Randall Baran-Chong, directeur général de HanVoice. Depuis au moins quatre ans, nous travaillons dans des salles communautaires, des congrégations religieuses et des rassemblements de Canadiens concernés de toutes les régions du pays pour parler de cette question.
     On nous demande souvent pourquoi le Canada devrait aspirer à devenir un chef de file quant aux questions relatives aux réfugiés nord-coréens, et voici les raisons et les croyances que vous avons établies en parlant avec la communauté et avec les Nord-Coréens eux-mêmes. Je pense qu'il est évident que cela réaffirmerait le leadership mondial du Canada en matière de droits de la personne et des réfugiés. Dans le cas présent, on parle d'une des crises les plus prolongées à cet égard.
     Même si des voix se sont élevées de par le monde pour exprimer des préoccupations et de la compassion pour les réfugiés nord-coréens, très peu de gens ont pris la chose à coeur et ont agi. En fait, seuls deux pays peuvent dire qu'ils ont fait quelque chose.
    On s'est également demandé si la Corée du Sud est une option ou non. Pour plusieurs raisons, ce pays ne constitue par l'option optimale. Tout d'abord, on s'inquiète de la capacité en Corée du Sud, puisqu'à l'heure actuelle, ce pays a des infrastructures limitées pour accueillir les Nord-Coréens. Malgré ses programmes de réinstallation, dont certains figurent parmi les plus généreux du monde, les Nord-Coréens sont toujours confrontés à des défis. Nous avons eu vent de nombreux problèmes de discrimination et d'indifférence alléguée de la part de la société sud-coréenne.
    De plus, il y a au Canada une communauté coréenne incroyablement dynamique, avec laquelle nous avons travaillé en étroite collaboration. Elle apprécie ce que le Canada a offert aux immigrants coréens, dont un grand nombre sont arrivés dans les années 1970. Ces gens sont conscients du succès qu'ils ont réussi à obtenir et ils veulent le partager avec leurs frères et soeurs nord-coréens. Le message qu'ils nous ont transmis dans le cadre de nos consultations est clair: ils sont disposés à assumer eux-mêmes la responsabilité de parrains afin de les appuyer et de les accueillir dans leur communauté.
    Comment le Canada peut-il assumer ce rôle? Comment peut-il devenir un chef de file? Eh bien, au fil des ans, nous avons développé et peaufiné ce programme et nous en avons proposé une version nouvelle en travaillant à un programme de parrainage privé qui permettrait à la communauté d'adopter une approche lui permettant de parrainer des Nord-Coréens de façon privée.
    Pour prendre du recul, nous devons examiner le périple qu'accomplissent les Nord-Coréens. La vaste majorité d'entre eux commencent par traverser la rivière Tumen, qui longe la Chine. Ils suivent des courtiers en Chine, au Laos et au Vietnam pour arriver en Thaïlande. Ils effectuent dans ces pays un voyage périlleux, au cours duquel ils risquent fortement d'être capturés et rapatriés en Corée du Nord. Dans de nombreux cas, des Nord-Coréens ont été renvoyés dans leur pays, où ils ont été incarcérés ou exécutés.
(1315)
    Les sanctions sont de plus en plus sévères s'ils ont été en rapport avec des pasteurs, des Sud-Coréens ou des Américains. Ces sanctions accrues prennent souvent la forme d'exécution ou de condamnations à vie dans des camps de travail.
    Ce n'est qu'à leur arrivée en Thaïlande qu'on les détient et leur demande de choisir une des deux options qui s'offrent à eux: la Corée du Sud ou les États-Unis. Selon la constitution de la Corée du Sud, les « citoyens de Corée du Nord » ne sont pas reconnus, mais tous les citoyens de la péninsule de Corée sont considérés comme des citoyens de la République de Corée. Les États-Unis sont eux aussi une option en raison de la North Korean Human Rights Act, une loi que ce pays a adoptée en 2004, puis réédictée en 2008 et 2012. Cette loi vise expressément à permettre aux Nord-Coréens de venir aux États-Unis.
    Si nous avons besoin d'un programme spécial pour le Canada, c'est qu'à défaut d'une recommandation du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il est très difficile pour les Nord-Coréens de présenter une demande au Canada à partir de l'étranger. Voilà pourquoi nous utilisons un mécanisme prévu à l'article 25.2 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, lequel confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d'accorder le statut de résident permanent à une personne qui pourrait autrement ne pas satisfaire aux exigences de la loi ou être interdite de territoire.
    En termes simples, cette disposition autorise le ministre à désigner expressément ces genres de groupes. Nous proposons de mettre sur pied un programme de parrainage qui s'ajouterait à cette disposition. Le programme que nous avons élaboré a été conçu avec le soutien de la communauté coréenne locale du Canada et l'appui d'organisations qui travaillent en Thaïlande avec d'autres groupes de réfugiés. Essentiellement, nous nous intéresserions à l'installation de détention de Bangkok, d'où viennent 90 % des réfugiés nord-coréens qui aboutissent en Corée du Sud. C'est là que se retrouve un pourcentage substantiel de réfugiés nord-coréens quand ils cherchent asile à l'étranger. Nous comptons les approcher dans le cadre des efforts de HanVoice afin de recommander ces candidats au gouvernement et organiser des parrainages privés au Canada.
    L'un des aspects clés de ce programme, c'est que l'effort vient de simples citoyens; il n'enlève donc rien aux démarches que prend le Canada pour aider d'autres réfugiés. Il vise à permettre à une communauté qui veut aider les Nord-Coréens, et qui est prête à assumer le risque financier pour garantir leur réussite, de le faire pour qu'elle puisse exprimer sa compassion grâce à une désignation du ministre.
    Ce que nous faisons vraiment ici, c'est présenter des options. Nous voulons présenter des options aux Nord-Coréens pour qu'ils se réinstallent au Canada. Nous voulons présenter des options aux Canadiens pour leur permettre de partager le succès qu'ils ont connu au Canada et de permettre aux Nord-Coréens de prospérer et de s'installer ici.
    C'est stupéfiant de penser au parcours que les Nord-Coréens effectuent pour arriver à la vie à laquelle tous les êtres humains devraient avoir droit. Quand on pense à Sungju, à son périple et à toute la distance qu'il a parcourue pour arriver ici aujourd'hui, force nous est de croire que nous devons déployer un plus grand effort et avons besoin de plus d'occasions d'offrir cette chance aux millions d'autres Nord-Coréens.
    Merci.
(1320)
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous tiendrons des tours de six minutes pour les questions et les réponses.
    Nous commencerons par M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voulais simplement poser une brève question à M. Baran-Chong. Avez-vous actuellement une entente de parrainage avec le gouvernement du Canada?
    Non.
    Non. Mais vous examinez cette possibilité?
    Oui. HanVoice recommanderait ces réfugiés pour que leur cas soit examiné aux termes du programme de parrainage privé. Nous n'avons pas besoin d'avoir une entente de partenariat. Par exemple, dans le cadre de la Société Projet Tibet, un grand nombre de conditions figurent dans le protocole d'entente conclu avec ICC. Nous essaierions d'adopter un modèle semblable à celui de la Société Projet Tibet.
    D'accord.
    Dans son témoignage, M. Lee a parlé des agents nord-coréens en Corée du Sud. Savons-nous s'il existe d'autres pays, outre la Corée du Sud, où les réfugiés nord-coréens auraient à craindre la présence d'agents nord-coréens?
    Personnellement, je n'en connais aucun. Vous pouvez toutefois comprendre qu'un grand nombre des menaces que les Nord-Coréens ressentent quand ils se réinstallent en Corée du Sud résultent de la proximité de la Corée du Nord et du fait que des agents nord-coréens pourraient plus aisément infiltrer un pays comme la Corée du Sud, compte tenu des similitudes culturelles et linguistiques. Ce que bien des Nord-Coréens ressentent est simplement l'anxiété d'être identifiés. Le risque qu'il y ait des espions est aussi élevé que celui d'être identifié sur la rue.
    Il doit y avoir également des difficultés culturelles, car ces gens ont des similitudes en commun parce que historiquement, il s'agit d'un même peuple. Mais comme la Corée du Nord est un pays rétrograde — à défaut de mot plus approprié — et les réfugiés arrivent dans un pays industrialisé comme la Corée du Sud, ils doivent ressentir un choc culturel.
    Sont-ils également confrontés à l'opprobre en raison d'une sorte de préjugé culturel?
    Je vais laisser Sungju répondre à cette question dans un instant, mais auparavant, je veux dire que le gouvernement sud-coréen a un programme spécial appelé Hanawon. Ce programme d'une durée habituelle de trois mois est destiné aux Nord-Coréens dès qu'ils arrivent en Corée du Sud après un traitement et des entrevues qui ont généralement lieu en Thaïlande.
    C'est presque une réintégration. C'est presque comme si on les reconnectait dans la matrice, si on peut dire, en leur enseignant tout sur la société sud-coréenne, qu'il s'agisse d'utiliser un guichet automatique, de faire l'épicerie, de questions relatives à la santé et à l'hygiène, d'éducation ou d'emploi.
    Sungju, voulez-vous parler de ce que vous avez vécu quand vous vous êtes réinstallé en Corée du Sud?
    Il y a en fait un système de réinstallation. Quand on arrive en Corée du Sud, il faut se soumettre à une enquête qui s'échelonne sur deux mois et qui vise à vérifier notre statut de transfuge ou de réfugié. Par la suite, nous devons suivre une formation de trois mois sur la réinstallation, qui se donne à Hanawon. On reste sur place et on apprend ce qu'est le capitalisme, comment fonctionne la Corée du Sud et quelle est la différence entre la Corée du Sud et la Corée du Nord.
    En fait, la formation n'est pas suffisante, car j'ai éprouvé beaucoup de difficultés à ma sortie de cet établissement. Premièrement, les Sud-Coréens ont des idées préconçues à propos de la Corée du Nord. Ils croient que les Nord-Coréens ne sont pas intelligents, qu'ils sont stupides et paresseux parce qu'ils arrivent d'un pays socialiste. Ils pensent que la passivité des Nord-Coréens fait d'eux des gens irresponsables, mais ce ne sont là que des préjugés.
     J'ai commencé à étudier l'anglais à 19 ans, et j'en ai 27 aujourd'hui. Je trouve cela inacceptable. De tels préjudices rendent la vie difficile aux Nord-Coréens qui se sont réfugiés en Corée du Sud. C'est un exemple flagrant de discrimination, selon moi.
    Mais que fait la Corée du Sud à cet égard? Que prévoit le régime juridique et judiciaire pour les agents nord-coréens qui sont débusqués? On a dû intercepter certains de ces agents depuis. Qu'est-ce qui leur arrive?
(1325)
    Eh bien, il y a un organisme... Il faut savoir que les Nord-Coréens sont endoctrinés. Il y a beaucoup de Nord-Coréens en Corée du Sud, car nous voulons l'unification des deux pays, mais à la manière nord-coréenne. C'est ce qu'on nous a appris, et cette idée nous suit en Corée du Sud.
     Il arrive également que des transfuges nord-coréens retournent en Corée du Nord et qu'ils vont critiquer la Corée du Sud à la télévision, quand ils ne divulguent pas de renseignements sur d'autres Nord-Coréens qui ont trouvé refuge en Corée du Sud. Il n'est pas rare non plus que des réfugiés changent leur nom après que certains de leurs proches soient retournés en Corée du Nord. Ils doivent aussi changer leur numéro d'assurance-sociale. Ils vont se réinstaller dans une autre ville ou même dans un autre pays. C'est ce qui arrive en ce moment en Corée du Sud.
    Vous avez peut-être mal compris ma question.
    Est-ce que des agents nord-coréens ont été arrêtés? Que font les autorités sud-coréennes à cet égard?
    Oui, il y a eu des arrestations au cours des dernières années. Ces agents s'en prennent surtout aux transfuges très en vue. Par exemple, Hwang Jang-yop, qui était essentiellement le numéro deux de la Corée du Nord lors de sa défection, avait des agents à ses trousses. Le transfuge nord-coréen moyen n'est généralement pas la cible de ces agents. Ce sont les plus influents qui finissent par se faire attraper. Le service national du renseignement de la Corée du Sud suit leurs activités de très près. On surveille particulièrement les Nord-Coréens qui font une demande en Thaïlande, par exemple, et qui cherchent à venir en Corée du Sud. Ils sont soumis à un processus d'entrevue très serré, dans le cadre duquel on contre-vérifie les informations d'après les données compilées sur quelque 26 000 autres transfuges, et d'après les autres renseignements détenus en Corée du Nord.
    Vous vous assurez que les demandeurs ne sont pas en fait des agents qui essaient de s'infiltrer au pays, n'est-ce pas?
    Pardon?
    C'est pour être certain qu'une personne comme M. Lee n'est pas en fait un agent qui se fait passer pour un réfugié.
    Absolument.
    Monsieur Marston, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à Barry.
    Nous sommes heureux de vous recevoir. Je connais vos inquiétudes par rapport à la Corée. Vous les avez exprimées au fil des ans depuis mon arrivée. Je suis ici depuis environ neuf ans.
    Nous avons travaillé avec M. Kyung B. Lee du Conseil des droits de la personne de la Corée du Nord, à mon bureau de Toronto, de même que le président, M. Sweet et M. Cotler. Nous avons entendu les récits horribles concernant les goulags et les traitements infligés aux gens. Depuis l'arrivée du nouveau leader en Corée du Nord, avez-vous constaté un certain adoucissement à l'égard des droits de la personne?
    La réaction immédiate a été de resserrer énormément les frontières. Avant l'arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, entre 2 000 et 2 500 réfugiés arrivaient en Corée du Sud chaque année. On a entendu dire qu'il y a maintenant des clôtures dressées le long de la frontière, plus de patrouilles, des détecteurs de mouvement et d'autres trucs de ce genre. Le nombre de réfugiés a ainsi chuté à 1 500 par année depuis deux ans. Le changement a été immédiat. Pour ce qui est des réfugiés eux-mêmes, non seulement moins de gens peuvent s'échapper, mais les sanctions infligées à ceux qui tentent de s'enfuir sont encore plus sévères. La frontière était beaucoup plus perméable auparavant, parce que bon nombre de Nord-Coréens devaient se rendre en Chine, par exemple, pour se procurer de la nourriture, car le système de distribution publique s'était effondré.
    M. Lee s'est présenté à mon bureau avec une jeune femme. Elle s'était réfugiée au Canada, mais le Canada l'a plus tard déportée en Corée du Sud. Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Pensez-vous que la Corée du Sud acceptera qu'elle reste? Je suis inquiet pour elle.
(1330)
    Nous n'avons pas eu vent de cas où la Corée du Sud aurait déporté des Nord-Coréens en Corée du Nord.
    Selon le programme que vous proposez, si les portes étaient ouvertes et que la situation était semblable à celle connue au Canada dans les années 1970 avec les « boat people » vietnamiens, combien de dossiers votre organisation aurait-elle la capacité de traiter, à votre avis?
    La capacité maximale de notre programme est de 100 dossiers sur cinq ans. Pour mettre les choses en contexte, le protocole d'entente de la Société Projet Tibet en prévoit 1 000 sur cinq ans. Nous visons le dixième de ce volume, et nous souhaitons avoir l'appui de la communauté coréenne au Canada, qui est 40 fois plus nombreuse que la communauté tibétaine locale.
    Dans votre déclaration, vous avez dit que la Corée du Sud accueillait environ 2 500 réfugiés par année. Votre objectif est donc très, très modeste par rapport à ce chiffre. Honnêtement, je m'attendais à beaucoup plus. Je ne sais pas s'il y aurait moyen de rehausser cette cible. On ne ferait que gratter la surface, à vrai dire.
    C'est justement ce qu'on souhaite faire. En y pensant bien, cela permettrait au Canada d'être un chef de file dans la réinstallation des réfugiés nord-coréens. Nous avons établi ce chiffre en consultation avec la communauté. Nous avons estimé ce que pouvait prendre la communauté paroissiale, par exemple, qui est une communauté dynamique et très accueillante au sein de la population canado-coréenne. Cela nous donne du temps pour élaborer le programme et mettre en place les mesures d'aide nécessaires à la réinstallation. D'après nos discussions avec les associations communautaires, qui feraient elles aussi partie intégrante d'un tel programme, nous avons convenu que c'était un chiffre raisonnable.
    J'ai côtoyé un peu la communauté paroissiale coréenne à Hamilton. J'ai assisté à un service religieux de la communauté, qui tenait à remercier le comité pour son travail. Dans bien des églises, le nombre de paroissiens est en déclin, mais celle-là était pleine à craquer. C'est donc très encourageant.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président? J'ai une minute et demie.
    Évidemment, je m'attends entre autres à ce que votre programme permette d'obtenir de bons résultats. Faites-vous une présélection en ce qui a trait aux études ou aux antécédents, de façon à vous assurer que ces personnes ont les meilleures chances de réussite au Canada?
    Malheureusement, faute de temps, nous n'avons pas pu traduire notre mémoire qui explique l'intégralité de notre programme. Il y est question de ces critères. Nous allons vous le remettre après la séance pour que vous puissiez le faire traduire et le distribuer aux membres du comité. Vous avez raison, nous établissons des critères en vue d'assurer le plus grand taux de réussite pour ces réfugiés nord-coréens. Nous visons des personnes âgées de 18 à 45 ans et nous examinons leurs antécédents professionnels et académiques. Il y a certains facteurs qu'on pourrait voir comme neutres ou peut-être péjoratifs, comme certaines activités menées en Corée du Nord ou d'autres risques évalués. Nous voulons certainement choisir des critères qui vont non seulement garantir la réussite des réfugiés, mais aussi l'appui de la communauté et d'un réseau qui veillera à leur succès.
    Nous ne sommes pas trop au courant de ce qui se passe en Corée du Nord, ni de l'enseignement qui est offert là-bas.
    L'enseignement primaire est grandement centré sur l'idéologie politique du pays. Cependant, de nombreux Nord-Coréens de talent poursuivent leurs études en médecine. Il y a quelques médecins à l'assemblée. Beaucoup réussissent à mener une brillante carrière. Prenez Sungju, par exemple. C'est un bon travaillant et peu de Nord-Coréens parlent anglais avec autant d'aisance et d'aplomb que lui, et il l'a appris en très peu d'années. Il ne faut pas sous-estimer la détermination des Nord-Coréens ni les résultats qu'ils peuvent obtenir avec la bonne dose de chance.
    Je le pense aussi. Je voulais simplement me faire l'avocat du diable.
    Merci, monsieur le président.
    Je suppose que quiconque a dû traverser la Chine, le Vietnam, la Thaïlande et le Laos pour fuir la Corée du Nord est, de fait, une personne persévérante.
    La parole est maintenant à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'avoir accepté de témoigner devant notre comité aujourd'hui. J'admire votre dévouement envers le bien-être des réfugiés.
    M. Baran-Chong, je crois comprendre qu'environ 1 500 réfugiés nord-coréens prennent la fuite vers la Corée du Sud chaque année. Savez-vous à quel genre de services ces réfugiés ont accès afin d'intégrer la société sud-coréenne? Est-ce que le Canada peut faire quelque chose pour les aider à se réinstaller là-bas, en finançant leurs études ou de la formation professionnelle, par exemple?
(1335)
    Le ministère de la Réunification et le centre Hanawon offrent toutes sortes de mesures d'aide. Il peut s'agir d'un soutien financier, comme des allocations mensuelles ou ponctuelles pour aider les gens à se loger en fonction de la taille de leur famille. D'autres mesures sociales d'intégration sont offertes, comme les centres Hana, des centres de jour où les gens peuvent se rendre pour vérifier que tout va bien. Il y a aussi des subventions pour leur permettre d'aller à l'université gratuitement. Le gouvernement sud-coréen offre toute une gamme de mesures d'aide.
    À savoir ce que le Canada pourrait faire dans ce contexte, il faut dire qu'il a fait déjà sa part. Par exemple, nous avons travaillé avec des représentants du gouvernement à l'ambassade de Séoul afin d'élaborer un programme qui mise sur les compétences des Canadiens qui enseignent l'anglais à Séoul, en vue de bâtir un programme de formation anglophone pour les étudiants nord-coréens et qui serait donné à l'ambassade. Nous avons également de nombreux partenaires en Corée du Sud, en plus du ministère de la Réunification et du centre Hanawon. Nous avons rencontré leurs représentants à maintes reprises lorsqu'ils étaient de passage au Canada. Le Canada joue donc un rôle important dans la réinstallation, et nous tâchons de façonner les programmes d'aide en fonction des leçons que nous avons apprises relativement à la réinstallation des réfugiés, aux programmes de santé mentale, aux soutiens sociaux, et ainsi de suite.
    Sungju, je ne sais pas si vous voulez parler du genre d'aide que vous avez reçue.
    J'ai eu la chance de pouvoir étudier l'anglais à l'ambassade canadienne en Corée du Sud en 2011. J'ai pu parfaire mon anglais là-bas.
    Merci.
    À quoi ressemblent le travail humanitaire et les efforts de secours déployés en Corée du Nord au cours des 10 dernières années? Quelles sont les contraintes imposées aux organisations internationales comme les Nations Unies ou les différentes ONG qui veulent entrer au pays? Est-ce que la Corée du Sud a la capacité d'offrir de l'aide et des secours à la Corée du Nord?
    Le monde peut influencer ce qui se passe sur le terrain en Corée du Nord de plusieurs façons.
    Le gouvernement sud-coréen essaie d'établir des liens notamment grâce au commerce. Il y a eu le complexe industriel de Kaesong, où s'établissaient des entreprises sud-coréennes qui employaient des travailleurs nord-coréens, dans l'espoir que cela permette à d'autres Nord-Coréens de gagner des salaires semblables. Cependant, les efforts gouvernementaux sont aussi teintés de motivations politiques, ce qui a mené à la fermeture de Kaesong. Bon nombre de ces entrepreneurs sud-coréens étaient essentiellement pris en otage par le gouvernement en raison des tensions politiques entre les deux pays.
    Au Canada, ce n'est pas évident non plus, parce que le Canada applique les sanctions les plus sévères au monde à l'endroit de la Corée du Nord, des sanctions plus rigides encore que celles prévues par la Corée du Sud, les États-Unis ou tout autre pays, mais il permet également des exceptions pour des choses comme le travail humanitaire.
    Beaucoup d'organisations privées interviennent également sur le terrain en Corée du Nord, que ce soit les églises qui aident à mettre sur pied des universités comme l'Université des sciences et technologies de Pyongyang, ou les organismes qui fournissent des fèves et du lait de soja aux enfants nord-coréens.
    La Corée du Nord change de l'intérieur, je crois, grâce à cette influence du monde extérieur.
    La mission de votre organisation est de donner voix aux personnes les plus crédibles en ce qui concerne le respect des droits de la personne dans les mouvements de réfugiés, et il s'agit des réfugiés eux-mêmes. Que fait le gouvernement du Canada pour faire entendre le message des réfugiés nord-coréens et pour les aider en ce sens?
(1340)
    Depuis 2010 environ, le Canada a officiellement une politique d'engagement restreint. D'une certaine manière, ces sanctions manquent de mordant, parce que les réelles répercussions économiques ont été minimes. Les transactions commerciales entre le Canada et la Corée du Nord se chiffraient à quelques centaines de milliers de dollars seulement. Ce qu'on peut faire, par contre, c'est de faciliter l'accès à la Corée du Nord aux organismes d'aide humanitaire et aux organisations comme la nôtre. Pour cela, il faut prévoir davantage d'exceptions pour favoriser l'éducation, par exemple, ou pour permettre à des organismes d'aller en Corée du Nord dans le but de changer les mentalités et d'exposer la population à des renseignements auxquels elle n'a peut-être pas accès en temps normal.
    Il est aussi possible de recourir à des échanges académiques. À l'Université de la Colombie-Britannique, un professeur accueille six professeurs nord-coréens chaque année pour leur permettre d'apprendre ce qu'est la pédagogie au Canada. Ils rentrent à la maison et transmettent ces connaissances à leurs étudiants.
    Le Canada fait sa part, d'une façon, mais notre préoccupation première en ce moment est la protection des réfugiés nord-coréens, car ils ont besoin de notre aide. Nous devons avoir cette approbation pour pouvoir offrir aux Nord-Coréens l'option de venir au Canada et pour permettre aux Canadiens de contribuer à la réalisation de cet objectif.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    J'ai bien peur que non. Votre temps est écoulé depuis 30 secondes.
    Monsieur Cotler, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, ma question fait suite à une chose que vous avez dite et à laquelle Barry a fait allusion.
    Pourquoi devrions-nous aider les Nord-Coréens en Thaïlande — vous avez parlé du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés — plutôt que ceux en Chine, au Laos ou au Vietnam?
    En bref, c'est qu'ils seront rapatriés en Corée du Nord. Quitter la Corée du Nord sans permission... Ils n'ont pas la même mobilité que nous. Ils seront emprisonnés, torturés ou exécutés. Selon les circonstances entourant leur fuite — s'ils sont aidés par un pasteur, un Sud-Coréen ou un Américain, et c'est souvent par un pasteur sud-coréen ou américain —, les sanctions sont plus ou moins sévères.
    La Chine, le Laos et le Vietnam vont tous les rapatrier. La Thaïlande est le seul à pays à les déporter aux États-Unis ou en Corée du Sud.
    Comment bien vérifier les renseignements fournis par les réfugiés nord-coréens qui seraient parrainés?
    Nous pourrions employer un modèle semblable à celui de la Corée du Sud. Nous avons tenu des discussions informelles avec le gouvernement sud-coréen. Nous pourrions interroger les Nord-Coréens qui sont en Thaïlande, recueillir les renseignements biographiques qui sont nécessaires pour les référer au gouvernement, et les jumeler avec les parrains. Nous devrons être prudents et mettre à contribution le gouvernement sud-coréen et le service national du renseignement pour évaluer les risques, car comme je le disais plus tôt, il y a environ 26 000 réfugiés nord-coréens qui se sont réinstallés en Corée du Sud. C'est donc dire qu'il y a 26 000 points de référence pour vérifier les récits qui nous sont rapportés.
    Nous avons aussi pensé faire appel à un transfuge nord-coréen pour confirmer leur histoire et vérifier qu'il n'y a rien de louche et que ces réfugiés sont légitimes.
    Il ne me reste pas beaucoup de temps, mais j'ai une question assez longue. Vous avez dit que le Canada appliquait des sanctions plus sévères que les autres à l'égard de la Corée du Nord. Qu'est-ce que nous pourrions faire concrètement pour promouvoir le respect des droits de la personne en Corée du Nord ou pour punir les violations?
    Un des changements les plus intéressants qui s'opère en Corée du Nord concerne l'accès à l'information. Un moyen clé pour nous d'avoir accès à l'information est de percer les marchés nord-coréens. Quand elle est exposée à des DVD en provenance de la Corée du Sud et des États-Unis, la population nord-coréenne n'a plus du tout la même perception du reste du monde et commence à mettre en doute sa propre réalité.
    Des organisations font passer des DVD ou des clés USB en Corée du Nord. Cela permet à la population d'avoir accès à cette information en privé. Le contenu des DVD porte surtout sur les faits historiques véritables, la vérité sur la famine et le régime.
    Sungju, je suis sûr que vous avez vu des gens ou avez des amis qui ont été influencés par les médias venus de l'extérieur.
(1345)
    Bien sûr. J'ai de nombreux amis réfugiés en Corée du Sud. Ils ont récemment réussi à sortir de la Corée du Nord. Ils ont des histoires à raconter, et ils les racontent. Lorsqu'ils étaient en Corée du Nord, ils regardaient les romans-savons sud-coréens. Les femmes s'intéressaient à la mode. Quand l'une d'elles voyait une image qu'elle aimait à l'écran, elle apportait le DVD chez un tailleur et lui disait qu'elle voulait qu'il lui confectionne ce type de vêtement. Les tailleurs reproduisaient donc exactement les mêmes vêtements et les vendaient sur les marchés. Voilà ce qui se passe là-bas.
    Aussi, il y a des clés USB et des DVD qui circulent dans la ville. Nombre de personnes croient qu'il n'y a que des pauvres en Corée du Nord, et que les riches vivent à l'extérieur de Pyongyang, mais je crois que c'est une image de la situation d'il y a 20 ans. Il existe maintenant une classe moyenne formée de marchands. Ce sont eux qui vendent ces DVD et qui essaient de faire de l'argent sur les marchés. Ils écoulent ces DVD et ils amènent de l'information aux autres villes du pays. C'est ce qui se passe présentement en Corée du Nord.
    De nombreux Nord-Coréens sont au courant de ce qui se passe à l'étranger.
    La vaste majorité des transfuges nord-coréens affirment qu'ils ont été exposés à de l'information venant de l'extérieur lorsqu'ils étaient en Corée du Nord. Ils évoquent l'écoute d'émissions de radio, de DVD, la présence de clés USB, etc., ajoutant que ce lien avec l'extérieur avait joué un rôle crucial dans leur décision de quitter le pays.
    En ce qui concerne la réglementation, que peut faire la communauté internationale?
    Pour faire quoi?
    Encore une fois, pour rectifier et assouplir la situation des droits de la personne en Corée du Nord.
    Je vais remettre cela dans un contexte canadien. Le Canada est dans une position tout à fait unique, car les nations qui mènent les pourparlers à six ont une approche différente de celle du Canada. Ces nations doivent fréquemment mettre la question des droits de la personne en veilleuse ou la supprimer carrément du programme, car la priorité est la sécurité nucléaire et la dénucléarisation. Mais des pays comme le Canada peuvent continuer d'insister sur ces enjeux. Le gouvernement actuel l'a fait.
    Les nations de la communauté internationale qui ne participent pas aux pourparlers à six peuvent continuer à permettre à certaines organisations d'être présentes en Corée du Nord. D'autres pays peuvent aussi intervenir pour faciliter la réinstallation des réfugiés nord-coréens que les Sud-Coréens ne peuvent plus accueillir. En effet, il faut quand même du temps pour édifier une telle infrastructure.
    Passons à M. Schellenberger.
    Merci, et merci à vous d'être ici aujourd'hui.
    Le Laos et le Vietnam traitent-ils les Nord-Coréens comme le fait la Chine?
    Pour ce qui est de les rapatrier?
    Oui.
    Oui, ils font la même chose.
    Par conséquent, l'endroit le plus sécuritaire est la Thaïlande. Un transfuge est donc en fuite perpétuelle jusqu'à ce qu'il arrive en Thaïlande, c'est bien cela?
    Tout à fait.
    Merci.
    Comment vérifions-nous les dossiers des réfugiés nord-coréens parrainés?
    Est-ce une question similaire à celle de M. Cotler ou...?
    J'ai l'impression que oui. Il est plus éloquent que moi.
    Selon vous, quels sont les problèmes de droits de la personne les plus flagrants en Corée du Nord, ceux qui poussent un si grand nombre de gens à fuir le pays?
    Sungju.
    Selon moi, la mesure la plus répressive en matière de droits de la personne en Corée du Nord est [Inaudible], qui est la peine de troisième génération. Si je commets une faute — ce qui est considéré comme de la haute trahison —, mon père, mon grand-père et le père de ce dernier devront faire de la prison, même s'ils n'ont rien fait de mal. Ils doivent expier ma faute. Mes enfants et mes petits-enfants devront aussi faire de la prison ou ils seront exécutés par le gouvernement pour la faute que j'ai commise. Pour moi, c'est le problème le plus sérieux qui touche les droits de la personne dans ce pays. C'est une sorte de règle.
(1350)
    Je sais que je vais avoir l'air de passer du coq à l'âne, mais il a été dit plus tôt que les parrains au Canada seraient des Sud-Coréens qui ont émigré au Canada, que ce sont eux qui seraient disposés à parrainer les réfugiés nord-coréens qui entreraient au Canada. Il n'y a donc aucune animosité entre nos Canadiens d'origine coréenne et les Nord-Coréens. Est-ce exact?
    Je dirais qu'il n'y aurait que des Canadiens d'origine coréenne, du moins, c'est sur eux que nous avons mis l'accent jusqu'ici. Il s'est passé la même chose avec les réfugiés de la mer vietnamiens, lorsqu'on a vu des gens de partout au pays et de villages ruraux de l'Ontario parrainer des familles vietnamiennes. Nos efforts ont donc surtout visé la communauté coréenne au Canada, car nous savons que c'est celle qui est la plus proche en matière de racines, et que c'est celle qui est le plus disposée à le faire à l'heure actuelle, tant sur le plan financier que par affection.
    La question de l'animosité mérite d'être posée, car, ironiquement, notre expérience et nos échanges avec la communauté nous ont appris que les Coréens d'ici et les Coréens en Corée du Sud, ainsi que les Nord-Coréens qui sont en Corée du Sud et ceux qui sont venus ici sont moins souvent exposés à de la discrimination lorsqu'ils sont au Canada. Les Canadiens d'origine coréenne ont beaucoup moins d'animosité. Leur affection et leur générosité à l'endroit des Nord-Coréens sont remarquables, surtout chez les jeunes.
     Cela dit, la Corée du Nord se bute à beaucoup d'indifférence. Nombre de jeunes Sud-Coréens à qui nous parlons perçoivent la Corée du Nord comme un mal sourd qui refait constamment surface dans leur vie, comme lorsqu'il y a des crises qui font fermer la bourse ou les forcent à vivre dans la peur, ou d'autres événements semblables. Les Canadiens d'origine coréenne appuient avec ferveur la défense des droits de la personne en Corée du Nord et les réfugiés qui ont fui le pays. Ce programme suscite beaucoup d'enthousiasme dans la communauté.
    Monsieur Devolin, vous alliez dire quelque chose.
    Oui, si vous me le permettez, j'aimerais faire un lien entre deux questions soulevées respectivement par M. Schellenberger et M. Grewal. Il a été dit que le Canada a déjà offert des cours d'anglais par l'intermédiaire de ses ambassades. En fait, la sénatrice Yonah Martin et moi-même avons participé à cette initiative en invitant les Canadiens enseignant l'anglais en Corée à donner de leur temps à cette cause.
    Nous avons cru qu'il s'agissait d'une excellente idée. Mais ça n'a pas fonctionné très bien. L'une des raisons de cette demi-réussite — et nous l'avons compris subséquemment —, c'est que les personnes que les transfuges nord-coréens sont le moins enclins à côtoyer sont d'autres Nord-Coréens, car ils craignent qu'ils envoient de l'information en Corée du Nord au sujet de leur famille. Ce n'est pas nécessairement comme si ces gens étaient des espions nord-coréens installés en Corée du Sud et qui font tout pour débusquer les transfuges et les ramener au pays. Ce sont plutôt des taupes qui ramassent des renseignements, et qui sont peut-être eux-mêmes victimes d'un chantage qui se monnaye en renseignements.
    Si vous allez dans un cours d'anglais, on vous demandera de raconter votre parcours, et l'information que vous divulguerez pourra être envoyée en Corée du Nord à votre insu. Le lien est que vous êtes un Nord-Coréen et que vous avez fui le pays — ce qui est un crime contre l'État —, et que votre génération et celles de vos parents et de vos enfants sont toutes coupables elles aussi aux yeux de la loi, et que l'on pourrait jeter tout ce monde en prison.
    Pour moi, voilà ce qui fait que les réfugiés nord-coréens sont singulièrement différents des réfugiés d'autres pays. Même une fois sortis, ils continuent de vivre dans la peur — pas la peur de se faire pousser en avant d'un autobus, mais celle d'être épiés, la peur que quelqu'un recueille des renseignements à votre sujet, et la pensée constante des proches qui sont encore là-bas et qui seront punis pour votre crime.
    Dans un endroit comme le Canada, ce genre de choses est beaucoup moins plausible, mais tout de même possible. Pour certains, toute cette anxiété avec laquelle ils doivent continuer à vivre malgré leur liberté notionnelle ne disparaît jamais tout à fait. Ce n'est pas le sort de tous les Nord-Coréens. Pour nombre d'entre eux, l'exil en Corée du Sud est la chose à faire, mais pour une petite minorité, comme le rapportait HanVoice, ce n'est pas une option vraiment viable. Voilà pourquoi nous parlons d'un nombre si restreint de personnes.
    Nous avons pris beaucoup de votre temps pour quelque chose qui n'avait pas vraiment de lien avec votre question, alors allez-y.
    D'accord. C'est tout à votre honneur.
    Les Nord-Coréens qui fuient leur pays et qui souhaitent émigrer au Canada ont-ils l'intention d'édifier une communauté coréenne ou de s'intégrer aux Canadiens?
(1355)
    Pour moi, cela n'a pas d'importance. Je peux vivre dans une communauté coréenne; je peux vivre dans une communauté canadienne. C'est sans importance. Je suis ici depuis trois mois. Je sais que je me sens très en sécurité et je ne saurais dire pourquoi. Comparativement à la Corée du Sud, je me sens très en sécurité.
    De plus, M. Devolin a mentionné qu'il y avait un programme pour apprendre l'anglais. Je suis allé à l'école pendant un mois seulement. Le premier jour, on nous a demandé de dire notre nom et le nom de la ville que nous avons quitté en partant de la Corée du Nord. Ce sont des renseignements très délicats, mais l'assemblée était composée d'amis nord-coréens. Je me suis quand même dit que ce n'était pas une bonne idée et j'ai quitté l'école.
    Du reste, le programme de l'école ne fonctionnait pas très bien.
    Ai-je encore une minute?
    Je vous prie d'être bref.
    Il y a plusieurs années, lorsque les réfugiés de la mer vietnamiens sont arrivés au Canada, nous avons embauché un jeune Vietnamien. Cette intervention fait suite à ma question précédente. Le jeune était parrainé par un organisme confessionnel de notre région, et il était formidable. Cependant, un jour, il a plié bagage et a rejoint une communauté vietnamienne de Toronto. J'avais espéré le voir s'intégrer à notre communauté.
    C'est le souhait que je fais. J'espère que ceux qui viennent au Canada veulent y venir pour devenir des Canadiens, pour profiter de notre qualité de vie, et non pour essayer de reproduire ici ce qu'ils ont laissé derrière. C'est mon opinion.
    Je crois en effet qu'il s'agissait davantage d'une affirmation que d'une question.
    Oui. C'était plutôt une affirmation.
    Soyez le bienvenu. J'espère que vous allez rester ici.
    Très bien.
    J'ai une question à poser avant de passer au dernier député, M. Benskin. J'ai trouvé la politique des trois générations un peu déroutante. Je n'ai pas fait de recherche très approfondie sur mon appareil... J'ai essayé de trouver un article à ce sujet dans Wikipédia. Il semble que ce soit le seul sujet dans tout l'univers qui n'ait pas son article dans Wikipédia, du moins, pas que j'aie pu trouver.
    Soyons clairs, car il s'agit vraiment d'une question de droits de la personne: le châtiment d'innocents membres de la famille en Corée du Nord et la quête de preuves qui pourraient mener à cela... Je croyais qu'il s'agissait de votre génération, c'est-à-dire de vos frères et soeurs, de la génération de vos parents, et de celle de vos enfants, ce qui fait trois. Mais je crois que j'ai mal saisi le principe.
    Qu'en est-il exactement? S'agit-il effectivement d'une sorte de loterie où ils pigent des noms parmi les membres de ces cohortes et qu'ils en punissent certains, mais pas d'autres, ou reprennent-ils tous ceux qu'ils arrivent à trouver? Quels sont les paramètres de cette politique?
    Je suis au centre, et le châtiment s'applique à deux ou trois générations en amont et trois générations en aval. Alors, cela peut toucher mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père, puis mon fils, mon petit-fils et le fils de celui-ci. Ce qui fait trois générations complètes. En fait, le total est de six. Cela équivaut à réformer la famille au grand complet.
    De plus, ils gardent trace de tout. Si je veux devenir officier dans l'armée ou fonctionnaire, ils vont vérifier mon dossier. Si mon dossier contient quelque trace d'irrégularité que ce soit pour six ou sept générations — comme ce serait le cas si mes parents ou mes grands-parents avaient commis une faute nuisible à la patrie —, je dois dire adieu à mes ambitions. Même si j'ai moi-même très bien réussi et que j'ai été droit toute ma vie, et que je n'ai commis aucune faute nuisible au pays ou d'ordre politique, je ne peux pas devenir fonctionnaire. C'est un châtiment énorme, car cela signifie que je ne peux pas travailler.
    Je suis très heureux d'être ici, car je peux choisir mon rêve. Je peux choisir mon emploi. Je peux choisir l'endroit où je souhaite aller. Selon moi, c'est ce qu'on appelle la liberté.
    Merci.
    La chose que j'ajouterais à cela, c'est qu'il y a également un phénomène d'amplification qui varie selon votre rang social. Par exemple, après la défection de M. Hwang, qui, je le rappelle, était très haut placé dans le régime nord-coréen, on rapporte que 800 personnes ont été exécutées. Il ne s'agissait donc pas que de membres de sa famille, mais aussi de personnes qu'il côtoyait et de ceux de qui l'on a présumé qu'ils devaient être au courant de sa défection imminente ou qu'ils auraient pu mettre les autorités au courant de son intention de fuir. Le principe semble donc qu'il faille supprimer ce que le régime perçoit comme un cercle de proches contaminés entourant la personne. Et cela dépend toujours de qui il s'agit.
(1400)
    Merci.
    Monsieur Benskin, je m'excuse d'avoir pris un peu de votre temps, mais c'est à vous maintenant.
    Merci. Vous m'avez aussi pris une partie de ma question, mais ce n'est rien.
    J'ai compris votre explication et ce que vous dites, mais pendant que vous apportiez ces clarifications, j'ai commencé à être anxieux. Ce châtiment sur trois générations est probablement l'arme la plus insidieuse dont j'aie eu connaissance. Le fait que nous n'avions rien trouvé à ce sujet — ou que notre président n'ait rien trouvé là-dessus dans Wikipédia, qui a des renseignements sur à peu près tout ce qui existe —, montre l'étendue du caractère insidieux de la chose. Nous n'en savons vraiment pas beaucoup sur ce qui se passe en Corée du Nord.
    Je tiens d'abord à vous féliciter et à vous saluer pour votre courage, vous, un si jeune homme, qui avez été en mesure de fuir votre pays et qui avez accepté de venir ici pour nous faire part de votre expérience.
    Ce que je vais dire s'adresse à vous deux. Vous regardez cela dans un contexte canadien, et je comprends cela. En ce qui concerne la communauté internationale, que font les autres pays? Est-ce que d'autres pays comme le Royaume-Uni ou l'Australie font quoi que ce soit à ce sujet? A-t-on sollicité leur aide pour la réinstallation des transfuges nord-coréens?
    Comme je l'ai dit, 90 % des transfuges nord-coréens — c'est-à-dire la majorité d'entre eux — qui se dirigent vers la Corée du Sud finissent en Thaïlande. Les deux seuls pays à avoir des politiques liées à la réinstallation des réfugiés nord-coréens de la Thaïlande sont les États-Unis et la Corée du Sud. Les autres pays peuvent traiter les demandes présentées à la frontière, mais ils n'ont pas de politique explicite pour la réinstallation en Thaïlande.
    D'accord.
    S'agissant de la réinstallation de Nord-Coréens au Canada — et je suppose que cela revient à l'une des questions posées par mes collègues —, vous parliez, monsieur Lee, de la situation ou des rapports entre les Sud-Coréens et les Nord-Coréens. Plus j'en entends parler, mieux je comprends la dynamique de ces rapports. En quoi la communauté coréenne canadienne diffère donc, faute d'un meilleur terme, de la communauté sud-coréenne, par rapport à son ouverture et à sa volonté de parrainer des Nord-Coréens au Canada?
    Pour les Sud-Coréens, la Corée du Nord, c'est la porte à côté. Malheureusement, en Corée du Sud, la génération des gens dans la vingtaine pense que les Nord-Coréens sont des étrangers alors que les générations plus vieilles ont le sentiment que ce sont des parents, nos frères et nos soeurs.
    Depuis mon arrivée au Canada, j'ai rencontré de très nombreux Canadiens d'origine coréenne et leurs parents. Ces parents disaient que les Sud-Coréens et les Nord-Coréens étaient des frères. Ils n'ont pas les sentiments que les Sud-Coréens éprouvent à l'égard de la Corée du Nord.
    J'ai aussi rencontré des Canadiens d'origine coréenne qui sont nés ici et qui ont été éduqués par leur famille. Ils pensent que les Sud-Coréens et les Nord-Coréens sont pareils, que ce sont des amis. Ce n'est pas ce que l'on pense en Corée du Sud. Les Sud-Coréens se disent: « Quelquefois les Nord-Coréens nous attaquent, ils nous envoient des missiles et font des essais nucléaires. Pourquoi donc devrions-nous leur venir en aide? Pourquoi devons-nous contribuer à l'unification? » C'est ce qu'ils pensent habituellement.
    J'aimerais revenir à la question de mon collègue, M. Cotler, sur les moyens que l'on pourrait prendre au Canada ou ailleurs qu'en Corée du Sud pour saper, faute de meilleur terme, la propagande de la Corée du Nord.
    Vous disiez que des DVD ou de l'information contenue dans des clés USB ou autres dispositifs circulent en contrebande. Venant du monde des arts, je suis ravi d'entendre que les arts contribuent à modifier l'idéologie dans des endroits comme la Corée du Nord. Comment ces articles entrent-ils dans le pays? C'est un phénomène assez nouveau. Comment se fait cet accès à l'information et comment peut-on l'appuyer et le renforcer?
(1405)
    Habituellement, ces articles entrent dans le cadre d'un commerce transfrontière illégal ou grâce à des organisations qui ont des liens avec des fournisseurs en Chine, fournisseurs qui ont eux-mêmes accès à la Corée du Nord. Une fois dans le pays, ils sont distribués par des réseaux.
    Est-ce que le gouvernement chinois répugne à laisser entrer ce genre d'information par sa frontière avec la Corée du Nord?
    La contrebande se fait entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, et entre la Corée du Nord et la Chine. C'est un immense marché. Lorsque j'étais en Corée du Nord et bien sûr, ici, aujourd'hui… Le gouvernement chinois ne peut pas contrôler la contrebande, ni d'ailleurs les gouvernements coréens. Ce trafic est vraiment clandestin.
    De plus, les Nord-Coréens, et surtout les commerçants, qui veulent connaître les tendances, exigent de l'information de l'extérieur. Ils veulent savoir ce qui se passe ailleurs. Ils essaient de monnayer cette information et c'est pourquoi ils renforcent leur action. Ma réponse est que ni le gouvernement chinois, ni le gouvernement coréen, ne peuvent contrôler cette contrebande.
    J'imagine qu'il y aurait des sanctions si on est pris. Je pense à l'exemple que vous nous avez donné de cette femme qui avait vu la vidéo d'un téléroman, je crois, et qui voulait se faire faire une robe s'en inspirant. Quand ce genre de choses arrive et qu'on est pris, y a-t-il des sanctions?
    C'est très dangereux. Habituellement, les Nord-Coréens présentent deux personnalités. Officiellement, ils prétendent respecter le gouvernement et agir en tout bien tout honneur. Mais ils cherchent aussi à satisfaire leurs intérêts… Les agents de police et l'État essaient bien sûr d'attraper les gens qui regardent les téléromans, mais ironiquement, les agents de police regardent aussi les téléromans, parce qu'ils sont très divertissants, très intéressants et beaux à regarder et ils adorent les regarder.
    Habituellement, les transfuges qui vivent en Corée du Sud essaient d'envoyer de l'argent en Corée du Nord pour appuyer leur famille. Ils leur téléphonent quelquefois et les familles qui reçoivent des appels utilisent des téléphones cellulaires chinois près de la frontière. Aux transfuges qui demandent comment vont les choses, ils répondent: « Nous regardons des films sud-coréens. » C'est tout un choc. La Corée du Nord est vraiment en train de changer, vraiment.
    Merci beaucoup, monsieur Benskin. Prenez votre temps.
    J'ai une dernière chose à vous demander avant de remercier nos témoins. En parlant avec M. Devolin avant la rencontre, celui-ci m'a parlé de quelque chose à laquelle je n'avais pas pensé. Je m'étais imaginé, à tort et par ignorance, que la Corée était un endroit très homogène où tout le monde avait à peu près la même culture. Or il m'a signalé, entre autres, qu'il y a des accents régionaux. Autrement dit, les gens du Nord qui se rendent dans le sud, sont immédiatement reconnus par leur façon de parler. Est-ce que c'est exact?
    En Corée du Sud, on reconnaît les réfugiés nord-coréens par leur accent et leur tenue.
(1410)
    Est-ce que cela a des répercussions sur leur acceptation et leur intégration dans la société sud-coréenne?
    Bien sûr, dès qu'on s'aperçoit que quelqu'un est un réfugié nord-coréen, on suppose qu'il n'est pas intelligent, qu'il est passif et qu'il n'est pas responsable. Ce sont les préjugés courants qui leur rendent plus difficile de trouver un emploi.
    En fait, j'en ai fait l'expérience moi-même. Lorsque je suis arrivé en Corée du Sud, je voulais travailler dans une station-service. Et bien sûr, j'avais à l'époque un fort accent nord-coréen. Lors de l'entrevue, on m'a demandé mon nom et lorsque je l'ai donné, on ne m'a plus posé de questions parce qu'on savait que j'étais un réfugié nord-coréen.
    Merci.
    Je pensais que vous alliez dire quelque chose, monsieur Devolin.
    C'est comme cela qu'on me l'a expliqué en Corée. Imaginez un Écossais arrivant à Londres avec un accent à couper au couteau. C'est ce qui arrive aux Nord-Coréens qui ont beaucoup de mal à cacher leur accent.
    Merci à tous d'être venus et de nous avoir consacré tout le temps nécessaire malgré le bref préavis. Nous vous en sommes tous reconnaissants.
    Chers collègues, je vous suis reconnaissant de votre générosité par rapport au temps de parole, merci.
    La séance est levée.
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