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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 novembre 2011

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous et bienvenue.
    Je me sens encouragé par l'intérêt soulevé par notre séance d'aujourd'hui, dont témoignent l'assistance assez nombreuse ainsi que la présence de caméras et des médias.
    Ceci est la deuxième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale en ce jeudi 17 novembre 2011. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu.
    Dans le premier groupe de témoins que nous entendrons aujourd'hui, nous accueillons M. Robert Dutil, ministre de la Sécurité publique du Québec.
    Bienvenue à Ottawa et à notre comité.
    Nous accueillons également les représentants de l'Association canadienne des chefs de police: le chef de police du Service de police de Gatineau et vice-président de l'association, M. Mario Harel; le chef de police du Service régional de la police de Waterloo, M. Matthew Torigian. La Canadian Shooting Sports Association nous a délégué son directeur exécutif, M. Tony Bernardo, et sa directrice de l'administration, Diana Cabrera. Nous accueillons également la coordonnatrice bénévole du programme La chasse au féminin de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, Mme Hélène Larente.
    Notre comité tient à vous remercier tous d'être venus. Si j'ai bien compris, un membre de chacun des groupes que vous représentez fera un exposé devant le comité. Nous vous en remercions d'avance. Nous essayons de limiter leur durée à sept ou huit minutes. Je vous préviendrai quand vous serez rendus à sept minutes et demie, pour que nous ayons le temps de poser le plus grand nombre possible de questions.
    J'aimerais débuter par le ministre de la Sécurité publique du Québec.
    Monsieur Dutil, je vous en prie.

[Français]

    Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour cette présentation. Je salue tous les membres du comité.
    Je vais faire un peu le tour des diverses positions relatives au registre des armes à feu. On sait que depuis 2006, la position du gouvernement conservateur concernant le registre des armes à feu est claire. À maintes reprises, il a présenté plusieurs projets de loi visant l'abolition du registre des armes à feu sans restriction. Il faut toutefois bien comprendre que notre position, au Québec, est également claire. Nous croyons en un système d'enregistrement universel des armes à feu, lequel est très utile pour la prévention du crime et le travail des policiers. D'ailleurs, cette position est partagée par l'ensemble des parlementaires québécois, à l'unanimité, les organisations policières du Québec, les organismes qui oeuvrent en matière de santé et de sécurité publique et les familles des victimes de tragédies survenues au Québec.
    Outre la position ferme du gouvernement conservateur d'abolir le registre, le gouvernement fédéral a décrété en 2006 une amnistie à l'égard de l'enregistrement des armes d'épaule, amnistie renouvelée depuis tous les ans, ce qui a contribué à affaiblir l'application de la Loi sur les armes à feu.
    Le projet de loi C-19, tel que présenté et étudié, vise non seulement à abolir le registre des armes à feu, mais prévoit également la destruction de toutes les données relatives à l'enregistrement des armes à feu sans restriction inscrites au registre depuis sa création, destruction que nous déplorons.
    Le projet de loi C-19 constitue même un recul par rapport aux règles qui existaient avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les armes à feu, en 1998. En effet, avant cette date, il y avait l'obligation pour le marchand de tenir un registre de leur inventaire d'armes à feu, lequel consignait aussi les transactions liées à la vente des armes, dont des données sur l'acquéreur. Le projet de loi C-19 ne prévoit pas remettre en place cette obligation. Selon le projet de loi C-19, lorsqu'un acheteur d'arme se présentera chez le marchand, ce dernier n'aura plus l'obligation de vérifier si l'acquéreur détient un permis d'acquisition et de possession d'arme à feu, ce qui constitue, selon nous, un recul important.
    Permettez-moi un rappel historique des évènements. Depuis 1984, plusieurs familles québécoises ont vécu des tragédies impliquant des armes à feu. Il y a eu la prise d'assaut de l'Assemblée nationale, le 8 mai 1984; la tuerie à l'École Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989; la fusillade à l'Université Concordia, le 24 août 1992; et la tragédie du Collège Dawson, le 13 septembre 2006.
    Depuis ces tragédies, nous avons, de notre côté, renforcé les mesures visant à exercer un meilleur contrôle des armes à feu sur le territoire du Québec et participé activement à l'élaboration de la Loi sur les armes à feu qui est entrée en vigueur, comme vous le savez, le 1er décembre 1998. Après la fusillade survenue au Collège Dawson, à Montréal, le Québec a adopté, de plus, la Loi visant à favoriser la protection des personnes à l'égard d'une activité impliquant des armes à feu et modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, une loi qui fut appelée la « Loi Anastasia », en mémoire de la jeune étudiante Anastasia De Sousa décédée lors de cet évènement.
    Le Québec a également mis en place des mesures opérationnelles, entre autres, le renforcement du module de cybersurveillance et de vigie de la Sûreté du Québec. Il a mis sur pied une unité mixte de lutte contre la contrebande d'armes à feu. Cependant, cela n'est pas suffisant. Le registre des armes à feu constitue un outil essentiel pour les enquêtes et les interventions policières. Selon les dernières statistiques de 2011, le registre est interrogé plus de 700 fois par jour par les policiers du Québec, non pas de façon automatique — je tiens à le préciser —, mais par une interrogation volontaire des policiers qui ont besoin de cet outil.
    La consultation du registre soutient la prise de décisions éclairées lors d'opérations policières en permettant, notamment, d'établir le nombre et le type d'armes à feu détenus par les individus visés par les interventions, et d'intervenir en conséquence.
    L'interrogation du registre peut également constituer le point de départ d'une enquête, lorsqu'une arme à feu récupérée sur une scène de crime, et ainsi contribuer à établir la chaîne de possession. Jusqu'à maintenant, 1 560 359 armes à feu sans restriction ont été enregistrées par des particuliers au Québec, soit 91,2 p. 100 de toutes les armes à feu. L'abolition de l'enregistrement de celles-ci nous ferait perdre la trace de ces armes.
    La violence conjugale est un phénomène de notre société, et le registre contribue aussi à la prévention des drames et de crimes contre la personne. Au Québec, entre 2006 et 2010, nous avons recensé 264 évènements de violence conjugale impliquant des carabines ou des fusils. Les statistiques démontrent que les armes de chasse sont plus souvent utilisées que les armes de poing dans le cas de violence conjugale. Lorsque des policiers interviennent dans une telle situation, une consultation au registre leur permet de savoir rapidement si un conjoint violent est en possession d'armes à feu.
    En conséquence, les policiers peuvent moduler leurs interventions ou encore les retirer de façon préventive.
(1105)
    Quant au suicide, les statistiques de l'Institut national de santé publique du Québec démontrent que, parmi les 650 suicides commis par arme à feu répertoriés au Québec sur une période de quatre ans, 565 l'ont été avec une arme à feu sans restriction, soit près de neuf suicides sur dix.
    Le registre des armes à feu est donc un outil très important de prévention du suicide. Le fait d'enregistrer les armes à feu sans restriction vise à les rendre moins accessibles aux personnes susceptibles d'en faire une mauvaise utilisation, par exemple les personnes dépressives.
    Il contribue également à la protection des personnes atteintes de troubles mentaux et de leurs proches. L'enregistrement universel permet au contrôleur des armes à feu du Québec de vérifier si des armes à feu sont possédées par des personnes visées par une ordonnance de garde en établissement ou d'évaluation psychiatrique.
    En vertu de la Loi Anastasia, le contrôleur des armes à feu est systématiquement informé de ces demandes. Entre le 1er janvier 2008 et le 1er novembre 2011, 18 661 demandes d'ordonnance lui ont été signalées, et la consultation du registre a permis d'effectuer plus de 1 000 interventions afin d'assurer la sécurité des personnes. Je suis persuadé qu'ainsi, plusieurs vies ont pu être sauvées. Le fait d'abolir le registre va limiter l'application de la Loi Anastasia.
    Pour toutes ces raisons et bien d'autres que je ne peux énumérer faute de temps, je tiens à réitérer que le gouvernement est contre l'abolition du registre des armes à feu.
     Nous ne remettons aucunement en question la légitimité d'activités telles que la chasse ou le tir à la cible, pratiquées dans le respect des lois. Nous visons plutôt à sensibiliser les citoyens à la nécessité et à l'importance d'enregistrer leurs armes à feu, comme ils acceptent, d'ailleurs, d'enregistrer leurs autres biens personnels.
    J'en profite aussi pour vous mentionner que, dans la plupart des cas, il ne suffit que d'environ trois minutes pour procéder à cet enregistrement.
    En terminant, le registre canadien des armes à feu est d'une importance considérable pour le Québec. C'est l'ensemble des Canadiens, dont les Québécois, qui y ont participé financièrement.
    Pour l'ensemble des raisons évoquées, je réitère la position du gouvernement du Québec et demande le maintien intégral du registre des armes à feu et de décriminaliser toute omission d'enregistrement des armes à feu sans restriction.
    À défaut, je vous demande de modifier le projet de loi C-19 en y retirant les dispositions relatives à la destruction des données et d'entreprendre dans les meilleurs délais des discussions visant le transfert des données au Québec, données pour lesquelles les citoyens de cette province ont payé.
    Si l'enregistrement des armes à feu sans restriction ne devait sauver qu'une seule vie, nous sommes justifiés, sur le plan moral, de continuer nos démarches afin de le maintenir. Toutefois, on sait d'ores et déjà que le registre des armes à feu a sauvé beaucoup plus qu'une seule vie. Il en a sauvé plusieurs.
    Merci.
(1110)
    Merci beaucoup, monsieur Dutil.

[Traduction]

    Je cède maintenant la parole à l'Association canadienne des chefs de police.

[Français]

    Bonjour. L'Association canadienne des chefs de police a toujours donné son appui au registre des armes d'épaule. Permettez-moi de vous rappeler pourquoi.
    Premièrement, nous considérons que c'est une question de sécurité publique, à la lumière de notre responsabilité d'assurer la sécurité de nos collectivités, de nos agents et de nos citoyens les plus vulnérables.
    Deuxièmement, le registre représente une valeur ajoutée certaine sur le plan de l'application de la loi et pour les collectivités que nous desservons, parce qu'il est utile à la prévention et aux enquêtes.
    Troisièmement, en dépit des coûts initiaux élevés lors de sa mise en place, le registre des armes d'épaule fonctionne aujourd'hui de façon très économique, comme le précise une vérification interne de la GRC.
    Quatrièmement, nous croyons que le registre favorise la responsabilité et la responsabilisation des propriétaires d'armes à feu.
    Enfin, il assure un équilibre raisonnable entre l'exercice d'un privilège individuel et le droit général de la société à la sécurité.
    Il y a à peine un an, le Programme canadien des armes à feu de la GRC indiquait que les agents d'application de la loi consultaient le registre 11 000 fois par jour. Aujourd'hui, ce chiffre a augmenté à 17 000 fois par jour. Il est vrai qu'une part de ces consultations est attribuable à des interrogations automatiques. Toutefois, il ne s'agit que de rares cas, ce qui confirme, à notre avis, que les responsables de l'application de la loi voient dans cet outil une source d'informations précieuse, un élément qui, combiné à d'autres renseignements, aide à évaluer une situation à laquelle peut être confronté un agent.
    Nous nous inquiétons du fait qu'en cas du démantèlement du registre des armes d'épaule, on peut se demander quel moyen de contrôle empêcherait des personnes d'amasser des stocks d'armes à feu et des organisations criminelles d'y accéder, si nous n'avons pas ces informations.
    Nous nous inquiétons du fait qu'il n'y aura aucune trace documentaire des transferts d'armes d'épaule. Or nous savons que, de 2006 à 2009, 1,85 million d'armes d'épaule ont changé de main.
    Nous nous inquiétons aussi de notre capacité d'assurer la mise en application d'ordonnance d'interdiction. D'importants coûts s'ajouteront à nos enquêtes, à la charge des services de police, ce qui pourrait mener à des délais cruciaux dans l'obtention de renseignements nécessaires aux enquêtes.
    Ces inquiétudes ne constituent que quelques exemples. Il n'y aura plus de documentation obligatoire indiquant quelles armes à feu ont été vendues, à qui ou en quelle quantité elles l'ont été. Nombreux sont ceux qui se demandent si le registre des armes à feu a sauvé des vies. Comme dans le cas de nos lois sur l'alcool au volant et même du Code criminel, les répercussions ne sont jamais révélées par des chiffres qualifiés, mais nous savons que le registre sauve des vies.
    Le fait est que le taux d'homicides avec une arme d'épaule a considérablement baissé. Statistique Canada indique que les suicides à l'aide d'une arme à feu ont baissé de 48 p. 100 depuis l'entrée en vigueur de la loi, en 1995. Nous espérons que la tendance va se poursuivre. Avant la création du registre des armes d'épaule, les vendeurs d'armes à feu étaient obligés d'enregistrer leurs ventes. Maintenant, ils n'auront plus à le faire. Imaginez la somme et les coûts des efforts qui seront requis pour retracer les armes à feu dans le cadre d'une enquête. Il s'agit d'un dossier qui nous tient profondément à coeur.

[Traduction]

    Nous savons que rien de ce que nous dirons aujourd'hui n'empêchera l'adoption de ce projet de loi par le gouvernement. Nous reconnaissons également que, en ce qui concerne l'abolition du registre des armes d'épaule, le gouvernement n'a rien caché aux Canadiens de son intention d'adopter ce projet de loi.
    Dans notre système parlementaire, dans notre grande démocratie, nous devons respecter les souhaits des Canadiens qui ont élu ce gouvernement et qui ont appuyé ses objectifs déclarés.
    Nous, de l'Association canadienne des chefs de police, nous avons appuyé de nombreuses mesures proposées par ce gouvernement contre la criminalité. Pas plus tard que le mois dernier, quatre de nos représentants ont été appelés à s'exprimer en faveur du projet de loi sur la sécurité des rues et des communautés. Dans le cadre de l'appui général de notre association à ce projet de loi, le chef Dale McFee, président de l'association, a affirmé qu'elle continuait d'appuyer les modifications législatives qui aident à assurer la sécurité des collectivités canadiennes. La différence, en ce qui concerne le registre des armes d'épaule, c'est qu'il a une utilité sur le plan de la prévention plutôt que, uniquement, sur celui de l'accroissement des peines.
    Durant le débat sur le registre, on a tenté, de façon troublante, de discréditer le point de vue de la police et des chefs de police et de créer des divisions. Un député a publié un communiqué sur un sondage très peu scientifique, dans lequel il affirmait que l'immense majorité des policiers souhaitaient la fin du registre. Il ajoutait, au sujet de notre association, qu'il fallait se demander au nom de qui elle s'exprimait.
    Vous ne pouvez pas accepter notre opinion quand elle est utile à vos objectifs, puis la rejeter quand elle s'y oppose. Nous vous demandons de la respecter ou, à tout le moins, d'accepter respectueusement que nous ne soyons pas d'accord avec vous. Ici, nous ne nous adressons pas uniquement au gouvernement, mais à tous les députés, que ce soit dans ce dossier ou dans tout dossier touchant l'application de la loi.
    En ce qui concerne notre souhait de préserver le registre des armes d'épaule, les dirigeants policiers de partout au pays, à l'échelon fédéral, provincial et municipal, ont démontré une solidarité sans précédent. Les prises de position de notre association sont adoptées en fonction des points de vue de la majorité de nos membres. Les prises de position individuelles sont respectées, et les membres sont libres de s'exprimer. En fait, lors de notre assemblée générale annuelle de 2010, l'unanimité s'est faite à l'appui du maintien de cet outil très efficace. Certains, au gouvernement, préfèrent entendre les rares voix discordantes et prétendre qu'elles représentent la véritable opinion des services policiers.
    Si incroyable que cela vous paraisse, on n'a absolument pas consulté la police dans le dossier du registre des armes d'épaule. En mai, notre comité national des armes à feu a reconnu, dans une lettre envoyée au gouvernement, son intention de démanteler le registre. Nous lui avons offert de faire partie de la solution pour l'avenir et nous avons présenté des propositions sur la façon d'atténuer l'incidence de sa décision sur l'application de la loi et la sécurité publique. Malgré nos nombreux rappels, il ne nous a accordé aucune chance d'en discuter.
    Dans cette lettre, nous proposions des options visant la conservation des données existantes; l'enregistrement des ventes par les commerces d'armes à feu; les transferts d'armes à feu entre particuliers; l'intégration de représentants de la police dans le Comité consultatif des armes à feu du gouvernement.
(1115)
    Pouvez-vous conclure dans une trentaine de secondes?
    Bien sûr.
    En conclusion, nous souhaitons respecter les préoccupations des propriétaires d'armes à feu responsables et leurs droits. Nous savons que, dans ce débat, les deux côtés veulent la sécurité des collectivités. Pour l'avenir, nous devons tirer les leçons qu'imposent nos prises de positions diamétralement opposées.
    Le public, les citoyens que nous desservons s'attendent à ce que le gouvernement et la police assurent un leadership en matière de sécurité publique. Lorsque nos points de vue sont différents, je propose que nous trouvions un terrain d'entente pour avancer.
    Nous pouvons être en désaccord, mais nous devrions toujours être respectueux. Nous espérons que ce sera dorénavant pour toutes les parties la façon privilégiée de travailler. Nous pouvons tous mieux faire. Les Canadiens méritent mieux.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à Mme Larente, qui comparaît à titre personnel.
    Bienvenue.

[Français]

    Bonjour, je m'appelle Hélène Larente. Je suis de Rapides-des-Joachims, au Québec. Je suis une femme chasseuse très impliquée dans la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs du Québec. Je suis monitrice pour le Programme d'éducation en sécurité et en conservation de la faune. Je suis monitrice pour le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, et je suis l'instigatrice et la coordonnatrice du Programme la chasse au féminin. Je suis impliquée depuis plus de 25 ans dans des organismes de chasse et de pêche, et dans la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs qui défend l'intérêt des chasseurs et des pêcheurs au Québec.
    Je suis ici aujourd'hui à titre de Québécoise et Canadienne pour dire, comme la fédération, que j'appuie le projet de loi C-19 sur l'abolition du registre des armes longues, les armes d'épaule. Je crois que le maintien d'un tel registre est inutile pour plusieurs raisons. Je ne crois pas qu'il protège les femmes ni la société. Il donne un faux sentiment de sécurité, car le fait que l'arme soit enregistrée n'empêche pas l'utilisation de cette dernière pour commettre l'irréversible. C'est se mettre la tête dans le sable que de penser cela. Quant aux agents de la paix, ils doivent et devront toujours agir comme s'il y avait des armes dans les endroits où ils doivent intervenir, car les armes non enregistrées existent et existeront toujours, même avec un registre. Le registre des armes longues n'a été d'aucune efficacité pour atteindre l'objectif de base de réduire la criminalité. Malheureusement, le fameux registre n'a pas empêché d'autres actes déplorables, similaires à celui qui a entraîné le drame de l'École polytechnique de Montréal, d'être commis.
    En tant que chasseuse, je trouve injuste que nous soyons traités comme des criminels et que nous soyons pénalisés à leur place, puisque les vrais criminels détournent les lois et n'enregistrent pas leurs armes. J'irais même jusqu'à dire que le registre a pour effet d'encourager la contrebande. De plus, les débats entourant ce fameux registre entretiennent une vision négative des chasseurs. Ce n'est pas l'arme même qui est dangereuse, mais la personne qui l'utilise. Le fait que l'arme soit enregistrée ne change rien.
    À ce jour, des milliards de dollars ont été dépensés inutilement, et ce sont les mauvaises personnes qui ont été ciblées. Le maintien d'un tel registre coûtera encore des millions de dollars aux contribuables. Toutefois, il n'est jamais trop tard pour corriger positivement les choses. Je suis convaincue que ces fonds doivent être utilisés ailleurs, là où ils peuvent réellement servir à protéger ou à aider les Canadiens. Afin de faire de la sécurité publique une priorité, ces sommes d'argent devraient servir à poser des actions ayant réellement une portée sur le contrôle de la criminalité; à augmenter la présence policière dans nos rues; à effectuer un meilleur suivi auprès des contrevenants; à soutenir les programmes sociaux et la lutte contre les crimes; à créer des programmes d'éducation, de sensibilisation et de responsabilisation.
    L'éducation et la sensibilisation sont des éléments essentiels pour que la violence soit dénoncée avant que les tragédies n'arrivent. Il faut aussi considérer et mettre en place des outils et des moyens pour contrer la violence qui est encore trop présente dans les familles, dans les cours d'écoles et particulièrement dans les milieux défavorisés. Il faut que les gens aient le sentiment qu'ils sont écoutés et appuyés dans leurs démarches de dénonciation. Il faut offrir les ressources nécessaires supplémentaires pour aider les gens en détresse qui sont souvent laissés à eux-mêmes. Il faut inciter les gens à faire l'entreposage sécuritaire de leurs armes en tout temps. En effet, en situation de désespoir ou autre, le temps de réaction et les obstacles qui retardent la prise de possession d'une arme peuvent changer le cours des événements. Quelques minutes, à la limite quelques secondes, peuvent faire toute la différence et permettre d'éviter une tragédie. Tout ça pour dire que si une arme est entreposée adéquatement, ça peut permettre de sauver des vies.
    II est important de rappeler que le taux de suicide par armes à feu diminue depuis quelques années. Cela est attribuable aux obligations légales d'entreposage des armes à feux et aux campagnes d'éducation. Des études, du professeur Jean Caron, de I'UQAT, ont démontré que l'entreposage des armes à feu a un effet direct sur le taux de suicide. J'aimerais aussi souligner que nous sommes déjà soumis à un moyen de contrôle relativement à la possession d'armes, soit le permis de possession et d'acquisition qui est obligatoire. Une enquête est automatiquement effectuée par la GRC sur chaque personne qui fait une demande de permis. Comme la FédéCP, je crois que la qualification obligatoire des propriétaires d'armes à feu doit être maintenue.
    Bien que je sympathise avec les familles touchées par les événements de l'École polytechnique, je crois qu'il faut arrêter de se fermer les yeux et de prendre des décisions uniquement par compassion pour des gens d'une certaine catégorie. C'est beaucoup plus sérieux que ça. Comme ces familles, je crois aussi qu'il faut trouver de vraies solutions pour lutter contre la criminalité et la violence gratuite. Il faut investir dans les bonnes choses pour protéger davantage les Canadiens, les citoyens et citoyennes, et aider les gens en détresse et ceux qui sont malades.
(1120)
    Je vous remercie de votre écoute.
    Merci, madame.

[Traduction]

    Je cède maintenant la parole aux représentants de la Canadian Shooting Sports Association, Tony Bernado et Diana Cabrera.
    Nous vous écoutons.
    J'aimerais vous remercier ainsi que les membres du comité de nous avoir invités, mon collègue et moi, pour présenter le point de vue de nos membres sur le projet de loi C-391 et répondre à vos éventuelles questions.
    Je suis Diana Cabrera. Je suis tireuse sportive de niveau international. Je suis canadienne, mais je fais partie de l'équipe nationale de l'Uruguay, parce que le Canada refuse de me défrayer de mon entraînement.
    J'appuie entièrement les changements apportés par le projet de loi. Ils aident à atteindre les objectifs solennels d'un système qui consacre efficacement ses précieuses ressources à de véritables besoins et qui vise l'utilisation criminelle des armes à feu et non les propriétaires d'armes à feu responsables qui possèdent un permis.
    La difficulté d'atteindre les objectifs de sécurité publique de la Loi sur les armes à feu dépend en grande partie d'un certain nombre de problèmes relatifs à l'usage des armes à feu et de la collaboration de ceux qui sont les plus touchés par cette loi. Ces problèmes sont très préoccupants: la crainte de la confiscation, la perception d'une stigmatisation et d'une démonisation de la possession des armes à feu par la société, les nombreux coûts et la lourdeur des formalités.
    Le projet de loi contribuera beaucoup à restaurer le lien de confiance mis à mal par des législateurs zélés qui se sont trompés de cible. C'est en s'attaquant à ces sujets de préoccupation qu'on fera le mieux respecter la Loi sur les armes à feu.
    J'aimerais maintenant surtout parler de l'effet de l'enregistrement des armes d'épaule sur les tireurs sportifs et les autres utilisateurs honnêtes de ces armes. Il est indéniable que le registre a nui à l'éclosion de vocations sportives. Ils sont nombreux ceux qui croient que c'était l'un de ses premiers objectifs. L'inclusion, dans le registre, des armes spéciales de tir aux cibles lancées et d'armes chargées par la bouche semble avoir été à cette intention. Ce genre d'armes à feu n'est presque jamais utilisé pour la commission de crimes, en raison de leur coût et de leurs caractéristiques. Pourtant, en vertu d'un zèle excessif, la loi les traite sur le même pied que les armes à feu plus répandues.
    Partout dans le monde, la loi a prévu des exceptions pour ces armes. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, leur possession et leur utilisation sont beaucoup moins réglementées qu'au Canada. Beaucoup de ces armes ne sont même pas considérées comme des armes à feu et ne sont presque pas réglementées, parce que leur utilisation criminelle est très rare. Pourtant, au Canada, il faut les enregistrer, et elles sont soumises aux mêmes contraintes réglementaires que les autres armes à feu.
    Pour les sportifs de niveau international, ces règlements exigent une paperasse touffue, longue à remplir. Ils présentent des difficultés considérables pour nos jeunes tireurs, qui n'ont pas le droit de posséder d'armes pneumatiques dont la vitesse des projectiles dépasse 152,4 mètres à la seconde. C'est pourquoi un adulte ou l'entraîneur doit se taper toutes les formalités pour l'achat d'une arme de compétition. Le jeune ne peut pas être le détenteur de l'arme; c'est pourquoi l'entraîneur et le jeune doivent prendre la responsabilité légale de l'arme pendant son utilisation par le jeune.
    Partout dans le monde, la reconstitution historique de batailles et les spectacles de tirs entre cow-boys connaissent une vogue croissante. Les participants portent des accoutrements et des armes d'époque, de celles qui se chargent par la bouche à celles de la Deuxième Guerre mondiale ou, dans le cas des cow-boys, possèdent des talents de tir et un penchant pour l'histoire de l'Ouest.
    Pour les tireurs sportifs, la principale crainte, omniprésente, est celle de passer pour un criminel. Même si tous leurs papiers sont en ordre, ils peuvent facilement tomber sur des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada ou des policiers mal informés. Toute erreur d'écriture peut mener à une détention temporaire, à des confiscations ou leur faire manquer l'avion, les empêcher de participer à des concours. Chaque fois qu'on me demande mes papiers, j'éprouve l'envie primitive de rentrer sous terre, tant je crains que les agents n'y aillent de leur interprétation personnelle de nos lois déroutantes.
    L'application de la loi et les médias ont aggravé la situation. Par sensationnalisme, les médias qualifient d'arsenal toute petite collection très ordinaire d'armes à feu. À Toronto, au cours de la campagne récente de ramassage des armes à feu, la police a utilisé de vieux dossiers informatiques pour traquer des propriétaires sans histoire qui avaient tout simplement omis de mettre à jour la paperasse qui s'appliquait à eux. Ils ont prétendu que l'opération visait à sortir les armes à feu de la rue et ils l'ont qualifié de triomphe pour le registre des armes d'épaule, comme s'ils étaient en train de prévenir un crime.
    Si jamais on a été justifié de détruire les vieux dossiers, c'est bien dans ce cas-là. Que pensez-vous que ressentent les propriétaires honnêtes d'armes à feu? Suis-je la prochaine sur la liste? Est-ce que j'ai oublié un petit détail dans la paperasse que j'avais à remplir, qui m'attirera une visite de la police? Est-ce que mon visage apparaîtra au bulletin de nouvelles de 18 heures et qu'on me diffamera aux yeux de mes amis, de ma famille et de mes collègues? Est-ce que je deviendrai une paria si quelqu'un découvre que je possède des armes à feu? Serai-je ciblée à un point de contrôle de la circulation si, d'après une vérification au Centre d'information de la police canadienne, je suis propriétaire d'armes à feu? Les propriétaires d'armes à feu vivent dans ce genre de craintes tous les jours, tout cela pour justifier un système inefficace, qui n'a jamais empêché la commission d'un crime.
(1125)
    En conclusion, je vous prie de bien vouloir repartir à zéro, de vous occuper surtout des parties de la loi qui sont mieux en mesure de protéger le public et de diriger les fonds publics vers les secteurs les plus capables de faire du Canada un endroit plus sûr pour tous.
    Merci. Je cède maintenant la parole à mon collègue.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci d'avoir permis à notre association de venir témoigner devant vous.
    Je suis Tony Bernardo. Vous avez entendu beaucoup de choses sur les bienfaits qui étaient censés découler de l'existence du registre des armes à feu. J'aimerais vous parler de quelques inconvénients qu'il présente.
    Je dois d'abord situer le contexte. D'après un sondage pour le Centre des armes à feu Canada, il y avait, au Canada, en 1998, 3,3 millions de propriétaires d'armes à feu. Le 1er janvier 2001, 40 p. 100 d'entre eux, soit plus d'un million de personnes, sont instantanément devenus des criminels.
     En prévision de ces statistiques, le centre s'était empressé de calculer le taux d'adhésion à la loi, à partir des résultats d'un sondage mené à l'automne de 2000, selon lequel le nombre de propriétaires d'armes à feu au Canada avait sensiblement diminué depuis 1998, et qu'il n'en restait que 2,3 millions dans seulement 17 p. 100 des ménages. Ce résultat a été obtenu à partir des réponses à cette question: « Quelqu'un, chez vous, possède-t-il une arme à feu, en état de fonctionner? » C'était un sondage téléphonique. À l'intention de ceux d'entre vous qui connaissent mal la flétrissure que la société rattache à la possession d'une arme à feu, je précise qu'il n'est pas question de renseigner un inconnu au téléphone sur les armes à feu qu'on possède.
    Pour croire à la diminution du nombre de propriétaires, il faut également accepter, sans autre preuve, que la diminution a été d'un million en deux ans. Des sondages antérieurs avaient révélé que chaque propriétaire possédait en moyenne 2,87 armes à feu, ce qui est peu, d'après les statistiques actuelles du centre, lesquelles révèlent que la moyenne est maintenant de quatre. Si un million de personnes s'étaient débarrassées de 2,87 millions d'armes à feu, la police l'aurait remarqué et, bien sûr, les commerces d'armes à feu du Canada, chez qui on en aurait retourné d'énormes quantités. À l'époque, nos calculs nous ont montré que ce nombre d'armes était suffisant pour recouvrir chaque poste de police du Canada d'une épaisseur de 33 pieds d'armes. C'est énorme.
    En 1976, le ministre libéral de la Justice Ron Basford a déposé, au Parlement, un document dans lequel était précisé le nombre d'armes détenues au Canada. En tenant compte des importations depuis ce rapport et en les ajoutant à la production nationale, en soustrayant toutes les exportations, les destructions et les vols, nous pouvons estimer de façon assez honnête le nombre d'armes à feu actuellement au Canada en affectant le tout d'un taux généreux d'erreur de 15 p. 100 pour tenir compte des pertes, des destructions et des déclarations erronées...
(1130)
    Monsieur Bernardo, puis-je vous accorder encore 40 secondes...?
    Bien sûr. D'accord.
    Pourquoi est-ce important? Moins de la moitié des armes à feu au Canada sont effectivement fichées dans le registre. Il y en a des tonnes qui ne le sont pas.
    Je tenais également à vous parler d'un autre sujet très important. Il faut parler des répercussions que la loi a eues sur les rapports entre les propriétaires d'armes à feu et la police.
    L'année dernière, nous avons sondé 2 018 propriétaires honnêtes d'armes à feu, au hasard, pour savoir qui ils craignaient le plus, la police ou les criminels. 63,93 p. 100 des sondés, c'est-à-dire 64 p. 100, ont répondu que c'était la police.
    On leur a demandé: « Depuis la mise en oeuvre de la Loi sur les armes à feu, avez-vous confiance dans la police canadienne? », 75 p. 100 ont répondu par la négative. On leur a demandé: « Croyez-vous que les associations de policiers représentent l'opinion de leurs membres? » À cette question, 94 p. 100 ont répondu non. À la question: « Est-ce que le registre canadien des armes d'épaule permet effectivement de diminuer la criminalité? », 96 p. 100 ont répondu non.
    À la question « Croyez-vous que la police cible les propriétaires d'armes à feu? », 83 p. 100 ont répondu par l'affirmative. Quand on leur a demandé s'ils connaissaient personnellement — je dis bien personnellement — quelqu'un qui avait été accusé injustement d'une infraction concernant les armes à feu, 46 p. 100 ont répondu oui. C'est la moitié des sondés.
    Je pense que je dois maintenant m'arrêter...
    En effet, je vais devoir vous interrompre. Autant que j'apprécie ces statistiques, je vais devoir vous arrêter ici.
    Nous allons maintenant enchaîner avec la première série de questions.
    Je vais tout de suite céder la parole au parti ministériel. Madame Hoeppner, allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui.
    De prime abord, je tiens à vous remercier, monsieur Harel. Après presque trois ans à dire que votre organisation consulte le registre 11 000 fois par jour, et aujourd'hui, apparemment jusqu'à 17 000 fois, vous reconnaissez enfin qu'une part de ces consultations est attribuable à des interrogations automatiques. Il en est ainsi partout au pays. De plus, chaque fois que le registre des armes à feu est interrogé, même lorsqu'il s'agit d'un appel au centre des armes à feu, cela constitue une interrogation. Par conséquent, je vous remercie d'avoir fait cette déclaration aujourd'hui.
    Il y a toutefois un problème, monsieur Torigian. Nous avons énormément de respect pour votre organisation, car vous rendez un grand service à notre pays et aux villes que vous représentez. Vous portez un uniforme et, lorsque les Canadiens vous voient à la télévision, ils croient ce que vous dites. Par conséquent, lorsque vous affirmez, devant les caméras, que la police consulte le registre 17 000 fois par jour, vous ne dites pas tout à fait la vérité et vous nuisez beaucoup à ce débat. Quand vous déclarez que les chefs de police appuient à l'unanimité le registre des armes à feu à Edmonton, encore une fois, tout dépend de la question qu'on leur a posée. On leur a demandé s'ils étaient favorables au Programme canadien des armes à feu et non pas au registre des armes d'épaule.
    Donc, messieurs, je considère que nous avons des vues très différentes sur la question. Il y a un écart considérable entre votre position et celle du gouvernement, et malheureusement, nous n'avons pas réussi à concilier nos points de vue.
    J'aimerais maintenant adresser une question à M. Bernardo. Certaines informations erronées ont circulé aujourd'hui concernant la vente ou le transfert d'une arme à feu à des personnes qui n'ont pas les qualifications requises pour en faire l'acquisition ou en posséder une. Je sais que vous connaissez très bien le projet de loi. Pourriez-vous nous entretenir des exigences prévues par la loi? Pourriez-vous dire à tous ceux qui nous écoutent — de même qu'au groupe ici — quelles sont les exigences relatives au transfert des armes à feu? Est-ce qu'un propriétaire de magasin peut vendre une arme à feu à une personne qui ne détient pas de permis?
(1135)
    Bien sûr que non.
    Pourriez-vous nous en dire plus?
    Oui. Je vais vous décrire tout le processus.
    Tout d'abord, lorsqu'une arme à feu arrive au Canada, elle doit tout de suite être enregistrée auprès du directeur des armes à feu. Toutes les armes à feu importées et nouvellement fabriquées au Canada doivent être enregistrées.
    Je suis désolée, mais pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet? Que voulez-vous dire exactement?
    D'accord. En vertu de l'article 60 de la loi, toute arme à feu qui entre au Canada doit être enregistrée auprès du directeur des armes à feu. On doit y indiquer le type d'arme dont il s'agit, le numéro de série, la date de son entrée au pays ainsi que son statut légal. Les armes à feu sont ensuite expédiées à des marchands d'armes, qui sont obligés de tenir un inventaire. C'est ce qu'on appelle communément le « livre vert ». Tous les marchands d'armes doivent tenir ce livre et y inscrire les armes qui entrent dans leur commerce et qui en sortent.
    Est-ce aussi à des fins fiscales ou est-ce seulement un inventaire...?
    Je ne crois pas. Je pense que c'est un contrôle d'inventaire.
    Très bien.
    Ce livre vert n'a pas changé depuis au moins 30 ans; il existe depuis longtemps et on l'utilise encore aujourd'hui. Malgré l'enregistrement, les marchands d'armes doivent tout de même tenir ce livre. En vertu de la loi, ils doivent aussi s'assurer que l'acheteur est titulaire d'un permis d'armes à feu valide. Ils ne peuvent pas vendre d'armes à une personne qui ne détient pas de permis.
    À quoi s'exposent-ils s'ils le font, monsieur Bernardo?
    Ils sont passibles d'une peine de quatre ans d'emprisonnement.
    Est-ce que cela concerne les propriétaires de magasin, les particuliers ou...? Trois personnes nous ont dit aujourd'hui... le ministre au Québec et un représentant des chefs de police nous ont dit que les propriétaires de magasin pouvaient vendre des armes à n'importe qui sans qu'il n'y ait de trace.
    C'est complètement faux, parce que, de toute évidence, le marchand doit inscrire l'arme à feu à son inventaire.
    Par exemple, supposons que vous devez retracer un fusil Remington. Vous appelez la compagnie Remington et on vous dit que l'arme à feu a été expédiée à tel distributeur à telle date. Le distributeur tient des dossiers. Il nous dit qu'il a vendu l'arme à un marchand à telle date. Vous savez donc où se trouve l'arme en question et vous pouvez aller interroger le marchand à ce sujet. Il doit pouvoir retracer l'arme à l'aide de son inventaire. Les marchands d'armes ne peuvent pas vendre d'armes à des gens qui n'ont pas de permis. Autrement, ça n'aurait aucun sens.
    À moins qu'ils veulent aller en prison.
    Absolument.
    Parce que c'est une infraction criminelle.
    En effet, c'est une infraction très grave.
    D'autant plus que nous savons que la majorité des crimes sont commis à l'aide d'armes à feu vendues illégalement...
    Tout à fait.
    ... et par des personnes qui ne respectent pas les règles.
    M. Tony Bernardo: Oui.
    Mme Candice Hoeppner: Merci beaucoup, monsieur Bernardo.
    Je vous en prie.
    Est-ce qu'il me reste quelques minutes?
    Il vous reste deux minutes.
    J'aimerais maintenant m'adresser à Mme Larente.
    Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    D'après ce que nous avons entendu, les gens au Québec, particulièrement à Montréal, veulent conserver le registre des armes d'épaule. Pourriez-vous nous parler un peu du reste du Québec, des régions du Québec où les gens chassent et utilisent des armes à feu en respectant la loi? Selon vous, que pensent-ils du fait que leurs intérêts, en tant que Québécois, ne sont pas nécessairement pris en compte dans cette discussion?

[Français]

    Je n'ai pas compris toute la question.
    As-tu compris le reste de la question?

[Traduction]

    Avez-vous...?
    Elle n'a pas entendu l'interprétation.
    Puis-je répéter la question, dans ce cas?
    Vous pouvez répéter la question. Nous allons...
    Mme Hélène Larente: Je...
    Branchez-vous d'abord et je répéterai ma question ensuite.
    En fait, comme nous disposons de très peu de temps, je ne pourrai pas vous accorder plus de temps. Je veux que tout le monde ait la possibilité de poser au moins une question.
(1140)
    Mais, monsieur le président, je...
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Il vous reste une minute et demie, alors allez-y.
    Est-ce que vous m'entendez?
    Mme Hélène Larente: Oui.
    Mme Candice Hoeppner: Très bien. Merci.
    J'aimerais savoir ce que les Québécois, qui ne vivent pas nécessairement à Montréal, mais plutôt ailleurs au Québec, et qui utilisent des armes à feu à des fins légitimes, pensent de la situation. On nous dit que tous les Québécois veulent conserver le registre des armes d'épaule. Selon vous, comment les Québécois de l'extérieur de Montréal se sentent-ils lorsqu'ils voient que leurs points de vue ne sont pas représentés?
    Madame Larente.

[Français]

     Effectivement, les gens des régions ne veulent pas conserver le registre des armes à feu. Particulièrement en région, ce sont des chasseurs. Il y a même des gens de la ville qui sont des chasseurs. Ils considèrent justement que les armes qu'on utilise sont destinées à la chasse. On les utilise une fois ou deux par année. On n'est pas des criminels. Les chasseurs en général ne sont pas en faveur de l'enregistrement des armes à feu.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de l'opposition.

[Français]

    Madame Boivin, vous avez sept minutes.
    Je remercie les témoins de s'être déplacés aujourd'hui.
    Je vais essayer d'être très brève parce que c'est tout le processus ici, au Parlement... Je ne pensais jamais qu'on était aussi rapides, mais il semble qu'on fonctionne à l'allure d'un train à grande vitesse, qui n'existe toujours pas au Canada.
    C'est le monde à l'envers. Je siège à deux comités, c'est-à-dire celui-ci pour étudier l'abolition du registre des armes à feu et de ses données, et celui du Comité permanent de la justice et des droits de la personne — j'en viens —, qui est en train de faire l'analyse du projet de loi C-10, où l'on parle de la sécurité dans les rues. J'ai été très sensible, chef Torigian, à ce que vous avez mentionné. Car c'est le propos que je tiens dans chacun de ces comités. Je dis que c'est le monde à l'envers. J'entends les témoins ici être en faveur de la vision du gouvernement. Pourtant, quand je vais aux rencontres relatives au projet de loi C-10, ils sont contre la vision du gouvernement et vice-versa. Quand ils sont contre cela ici, ils sont en faveur de cela là-bas.
    Cela me pose un problème. Vous dites qu'il ne faut pas seulement prendre ce qu'on dit quand cela fait notre affaire, mais qu'on doit aussi l'accepter sur le plan de la crédibilité.
     J'ai pris bonne note que ma collègue a remis en jeu votre crédibilité en disant que vous n'indiquiez pas ce qu'est la vérité. Cela revient à dire en pleine face à quelqu'un qu'il ment. Je trouve cela fort. La même association ment-elle ici ou là-bas? Je trouve que c'est un peu dangereux de suivre cette pente à ce sujet.
    Nous sommes pressés parce qu'on ne sait pas si on se fera faire le même coup qu'on est en train de se faire faire avec le projet de loi C-10. C'est-à-dire que 208 articles vont être étudiés d'ici 23 h 59, car telle est la motion présentée par le gouvernement. Pourtant, je me souviens très bien que l'actuel premier ministre s'objectait à tour de bras quand l'ancien gouvernement libéral majoritaire faisait ce genre de coup.
    Cela nous montre dans quel système « démocratique » nous sommes. Je place le mot entre guillemets parce que j'ai des doutes sérieux. J'ai en ma compagnie une jeune demoiselle de l'Université McGill, qui — pauvre elle — ne savait pas que la journée choisie pour venir nous voir et nous suivre, nous, les députés, allait offrir une leçon en matière de démocratie. Je regrette de lui dire que c'est un drôle de système.
    Mes questions s'adressent au ministre parce qu'on sait que c'est exceptionnel. On sait que les gens d'autres territoires de compétence n'aiment pas tellement venir dire à d'autres personnes d'un territoire de compétence différent qu'ils ne sont pas d'accord sur ce qu'elles font ou suggèrent, et essayer de leur faire entendre raison.
    Avez-vous eu des discussions avec votre homologue fédéral sur cette question précise de la vision du Québec au sujet de la motion unanime, en ce qui concerne l'abolition du registre des armes à feu et la destruction des données de ce registre?
    En fait, nous avons eu une brève conversation téléphonique avant d'apprendre que la loi prévoyait la destruction du registre. Je pense que c'est l'objet du plus grand débat.
    Je tiens à rappeler que M. Paradis a répondu à M. Blaney, à la Chambre, à une question sur ce sujet.
    M. Christian Paradis a dit ceci:

    Monsieur le président, c'est clair, on a toujours dit vouloir abolir le registre des armes d'épaule qui criminalise le fait pour des honnêtes chasseurs et agriculteurs de ne pas enregistrer leurs armes. En décriminalisant, il est certain que le Parlement canadien n'a plus de juridiction. Cela étant, si des provinces veulent avoir le registre des armes d'épaule, c'est libre à elles. L'enregistrement des biens et propriétés relève de la compétence provinciale.
    C'est là où nous intervenons davantage. Nous voyons bien que le gouvernement est décidé à abolir le registre des armes à feu canadien et nous le déplorons. Or nous sommes en démocratie, il est majoritaire et il semble vouloir imposer ce programme. Que voulez-vous qu'on y fasse?
    Nous avons compris, dès ce moment, qu'on pourrait avoir un registre qui serait décriminalisé, car s'il s'agirait d'un registre provincial. Autrement dit, ce ne serait plus une infraction criminelle, mais plutôt une infraction pénale, ce à quoi nous tenons.
    L'année passée, 9 000 armes à feu ont été retirées de personnes qui ne pouvaient plus les posséder pour des raisons valables, comme un diagnostic psychiatrique ou une raison semblable. Ça existe aussi pour la conduite automobile. C'est malheureux, mais parfois on retire des permis de conduire à certaines personnes pour des raisons de maladie. Par exemple, les personnes qui font des crises d'épilepsie ne peuvent pas conduire. Les personnes trop âgées ne peuvent plus conduire et se font retirer leur permis.
    Je suis certain qu'ici, autour de la table, il y a des gens qui sont désolés parce que leurs parents ont perdu leur permis de conduire et qu'ils considèrent que c'est un drame. L'objectif est d'assurer la sécurité des citoyens et celle de la personne qui n'est plus en mesure de conduire et qui ne le sait pas.
    Alors, je pense que l'analogie fonctionne pour les armes à feu.
(1145)
    Sauf erreur, le seul contact que vous avez eu avec votre homologue, c'est avant le dépôt du projet de loi tel que présenté devant nous, qui mentionne la destruction des données.
    On dit du côté fédéral que tout le Québec est soft on crime. On dit aussi que le Québec a une drôle de façon de faire les choses.
    Que répondez-vous à ce genre de commentaire?
    Je pense qu'il peut y avoir différentes façons de fonctionner au Canada. On peut ne pas penser de la même façon. Nous partageons un grand ensemble de valeurs sur le plan canadien. Il peut y avoir des modalités où nous sommes différents. Pour ce qui est du registre des armes à feu, il semble y avoir une différence importante de mentalités et de perceptions.
    Madame disait tout à l'heure que les gens étaient contre le registre des armes à feu dans les régions. Je viens de la Beauce, qui est une région. Je peux vous dire qu'il y a des réticences. La criminalisation déplaît à beaucoup de gens. C'est un des facteurs. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'irritants. Je suis d'accord avec le chef Torigian lorsqu'il dit qu'il faut s'asseoir et en discuter.
    Comment peut-on éliminer les irritants sans jeter le bébé avec l'eau du bain? On veut garder le bébé. On pense qu'il y aurait des avantages à l'avoir. Nous admettons qu'il y a des irritants auprès des chasseurs et des tireurs sportifs. Nous l'admettons. Observons-les et trouvons des solutions imaginatives. Essayons d'éliminer le plus d'irritants possible. Toutefois, gardons l'essentiel pour qu'on réduise — comme ça a été le cas — le nombre de suicides, de violences conjugales et d'autres faits.
    Ça s'est fait dans le domaine de l'automobile. On a réussit dans le secteur de l'automobile. Si vous me demandez qui on a sauvé, je ne pourrais pas vous répondre. Cependant, je sais qu'en moins de 30 ans, on est passé de 2 200 à 500 personnes décédées, par année.
    Je pense que dans le cas des armes à feu, on a un résultat semblable.
    Monsieur le ministre, je ne veux pas être pessimiste, mais l'expérience que j'acquiers très rapidement ici en fonctionnant à 200 milles à l'heure me laisse croire que je doute qu'on vous écoute ou qu'on écoute le Québec. Votre position est par ailleurs partagée par plusieurs personnes, elle n'est pas unique au Québec. Beaucoup de gens partagent cette opinion au Canada.
    Envisagez-vous des démarches? Nous allons faire notre travail d'opposition officielle. On va bien certainement tenter d'insérer dans le projet de loi, lorsque viendra l'étude article par article, les positions qui proviennent du Québec, et qu'on entend très clairement. On souhaite qu'elles permettent aux provinces qui le désirent de maintenir les données. Je peux vous assurer que le travail sera fait du côté de l'opposition à cet égard.
    Le Québec fera-t-il des démarches? Pouvons-nous penser qu'au fédéral, on pourrait s'embarquer dans un long conflit?

[Traduction]

    Très rapidement, je vous prie. Nous sommes déjà...

[Français]

    Pour employer une expression à la mode maintenant au Québec: on verra.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Robert Dutil: Je dois vous dire que nous croyons au fédéralisme de collaboration. On souhaite un dialogue et il n'est pas trop tard pour dialoguer. Il y a des irritants de part et d'autre. On voit que c'est très partagé. Il faut trouver le moyen de s'entendre.

[Traduction]

    Merci, monsieur Dutil.
    Monsieur Breitkreuz, je vous souhaite de nouveau la bienvenue au sein du comité et je vous remercie pour tout le travail que vous accomplissez dans ce dossier.
    Effectivement, je suis la situation depuis quelque temps déjà et, avant de poser ma question, j'aimerais revenir sur ce qui vient d'être dit.
    J'aimerais apporter une précision, car les gens qui suivent ce débat pourraient trouver que cela prête à confusion. Je pense que les opposants au projet de loi C-19 rendent intentionnellement les choses plus confuses. Ils ne font pas la différence entre délivrance de permis et enregistrement. Bon nombre des avantages qu'ils attribuent au registre résultent en fait du système de délivrance des permis, par exemple lorsqu'on s'assure que des armes à feu ne tombent pas entre les mains de personnes souffrant de troubles mentaux. Je tenais à le préciser pour que ce soit clair pour tout le monde.
    J'aimerais maintenant adresser mes questions à Mmes Larente et Cabrera.
    Pourriez-vous nous expliquer en quoi c'est un problème qui concerne les femmes? On a souvent fait valoir que cette mesure législative, le registre, est nécessaire pour protéger les femmes. On invoque sans cesse cet argument. Pourriez-vous brièvement nous en parler?
(1150)

[Français]

    Non, cela ne protège pas plus les femmes que la société en général, d'ailleurs. Le fait qu'une arme à feu soit enregistrée ne garantit pas que la personne ne l'utilisera pas, que ce soit contre une femme ou une autre personne. Je crois que cela n'a pas de lien direct. J'aimerais ajouter que je suis responsable d'un programme d'initiation. Les femmes qui se présentent à cette initiation apprennent à manipuler des armes à feu et s'aperçoivent que l'arme elle-même n'est pas dangereuse, c'est la personne qui doit être responsabilisée.

[Traduction]

    Allez-y, madame Cabrera.
    Je suis d'accord. Je m'occupe de mes propres armes à feu, de ma formation et de mes vols, en fait, de tout ce qui me concerne; ce n'est pas une question d'être un homme ou une femme. C'est tout à fait personnel.
    Croyez-vous que cette loi, qui a été adoptée en 1995, a eu une des répercussions négatives sur les gens qui veulent s'adonner à ces saines activités traditionnelles comme le tir sportif et la chasse?
    Je crois que oui. Toute cette paperasse cause bien des maux de tête. C'est décourageant. Si vous apprenez à tirer, surtout avec les entraîneurs... Comme je l'ai dit, les jeunes tireurs doivent toujours être accompagnés d'un adulte ayant en main tous les documents leur permettant de posséder une arme. Cela a donc un effet dissuasif.
    À votre avis, est-ce que cela a fait en sorte de dissuader les gens au Québec de pratiquer la chasse et le tir sportif?

[Français]

    Il est certain que cela a un effet négatif. Le processus qui mène au droit de chasser, car c'est maintenant un droit, est déjà très compliqué. On doit suivre des cours, avoir notre permis de possession, etc., pour ensuite devoir enregistrer une arme à feu. Si, par malheur, au moment de pratiquer l'activité, on a oublié notre enregistrement ou on a pas eu le temps d'enregistrer notre arme, on est en infraction. Si l'on se fait arrêter, on est considéré comme un criminel parce notre arme est enregistrée. On utilise notre arme à feu une, deux ou trois fois par année, contrairement à une auto que l'on utilise tous les jours et qui nécessite un enregistrement. En ce qui nous concerne, c'est un loisir. On risque de se retrouver en infraction si on oublie notre enregistrement. Selon nous, ce n'est pas un outil nécessaire pour pratiquer le loisir que l'on a choisi.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Bernardo, j'ai trouvé vos statistiques très intéressantes, mais j'aimerais que vous nous parliez du fait que ce registre a été ajouté au Code criminel. On nous dit souvent qu'il est absolument essentiel pour exécuter des ordonnances d'interdiction et empêcher les criminels d'avoir accès à des armes à feu.
    Vous avez commencé en précisant le nombre d'armes à feu qui sont enregistrées. Quel est le pourcentage des armes enregistrées? Ensuite, j'aimerais que vous nous disiez ce que ça prendrait pour mettre en place un dossier précis sur l'emplacement des armes à feu. Est-ce utile aujourd'hui de savoir exactement où se trouvent toutes les armes à feu?
    Allez-y, monsieur Bernardo.
    Oui, de manière réaliste, il faudrait dépenser au moins la même somme d'argent et peut-être même plus. La relation entre les propriétaires d'armes à feu et la police tient au fait que la confiance a été brisée.
    Près de la moitié des armes à feu sont inscrites au registre. Si on veut enregistrer l'autre moitié, la tâche sera ardue. Aujourd'hui, on entend les gens dire qu'ils n'ont pas enregistré leur arme il y a 15 ans et qu'ils en sont très heureux, car ils connaissent des gens à qui il est arrivé malheur. Ils ne veulent pas qu'on sache qu'ils possèdent une arme.
    Pour inciter ces gens à enregistrer leur arme, vous devez revenir à la base et modifier la prémisse même de la loi; la première phrase devrait stipuler que quiconque possède une arme à feu sans être titulaire d’un permis valide commet une infraction criminelle. Aussitôt que vous inscrivez le mot « criminel », vous changez toute la donne.
    On nous répète souvent qu'on enregistre les chiens et les automobiles, alors pourquoi pas les armes à feu? Que répondriez-vous à cela?
    On ne met toutefois pas les gens en prison parce qu'ils n'ont pas enregistré leur chien; c'est un argument bidon. Est-ce que l'immatriculation des voitures a eu une incidence sur la conduite avec facultés affaiblies? Pas du tout. La délivrance des permis? Absolument. On peut confisquer un permis de conduire, mais pas un certificat d'immatriculation. Est-ce qu'on va saisir la voiture d'une personne dont la plaque d'immatriculation est expirée? Je n'ai jamais vu un cas pareil.
(1155)
    M. Garry Breitkreuz: Nous avons entendu aujourd'hui que..
    Des voix: Oh, oh!
    Continuez, monsieur Breitkreuz. Il vous reste 30 secondes.
    On nous a dit aujourd'hui que c'est nécessaire pour empêcher les criminels d'avoir accès à des armes à feu. Comment s'y prend-on?
    C'est une bonne question, parce que personne n'en a parlé. Personne n'a présenté de mesures précises à cet égard, et ce, depuis le dépôt du projet de loi jusqu'à aujourd'hui. Les criminels continuent de mettre la main sur des armes à feu. Nos amis les policiers en voient tous les jours. J'imagine que c'est parce que l'enregistrement n'est pas efficace. On enregistre les armes de poing depuis 1934.
    Merci beaucoup. Je pense qu'on peut s'arrêter là.
    Je vais maintenant céder la parole au dernier intervenant.
    Monsieur Scarpaleggia, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre, ainsi qu'aux autres témoins.
    Le gouvernement conservateur prétend qu'il a le mandat de détruire les données du registre parce qu'il a été élu majoritairement. Or, si je ne m'abuse —  et j'ai quand même suivi d'assez près la dernière campagne électorale —, ils n'ont pas fait campagne sur l'idée de détruire les données du registre. D'ailleurs, le projet de loi C-391 de Mme Hoeppner, qui a été débattu à la Chambre peu de temps avant le déclenchement des élections, ne demandait pas qu'on détruise la base de données associée au registre. J'ajoute qu'au Québec, les conservateurs n'ont pas reçu de mandat, loin de là. En fait, ils ont plutôt essuyé un recul pour ce qui est du nombre de sièges.
     Croyez-vous, monsieur le ministre, que le gouvernement conservateur fédéral ait le droit moral de détruire un actif collectif financé à même les impôts des contribuables québécois et québécoises?
    Notre position est très claire à ce sujet. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons été surpris de voir qu'on parlait de la destruction de ces données dans le projet de loi parce qu'il n'en avait pas été question durant la campagne électorale.
    Pour notre part, nous étions d'avis contraire. La réponse donnée à M. Blaney par M. Paradis, que j'ai citée tout à l'heure, était que si on voulait établir notre propre registre, on le ferait, mais qu'il ne serait pas de portée criminelle, étant donné que cet aspect n'est pas de notre compétence. Il a dit qu'il y en aurait un, que ce serait notre affaire et que nous en assumerions les frais. On a acquiescé à cela.
    Or, si les données sont détruites, comment pourra-t-on remettre sur pied un registre? Combien faudrait-il débourser pour un registre que nous avons déjà payé? Il faut en effet rappeler que nous l'avons déjà payé. Les Québécois participent eux aussi à la fédération canadienne par l'entremise de leurs impôts. Ils ont déjà payé leur part. Pourquoi détruirait-on ces données? Je n'ai pas obtenu de réponse à ce sujet. On peut comprendre la position du Parti conservateur. Ils ont fait une promesse électorale et ils la tiennent. C'est le propre d'une élection. On prend des engagements et on veut les tenir. Nous sommes en désaccord, mais nous pouvons comprendre cette partie de la démarche. Toutefois, nous n'en comprenons pas la deuxième partie, soit le fait qu'on tente de nous empêcher d'avoir un registre. Il ne serait pas de portée criminelle, étant donné que ce n'est pas de notre compétence, mais au moins, les données existeraient et nous permettraient de faire ce que nous estimons important en matière de prévention.
    Pendant la campagne, la destruction du registre n'a pas été mentionnée. En outre, le projet de loi de Mme Hoeppner a été débattu quelques semaines avant le déclenchement des élections, et enfin, compte tenu de certaines déclarations de ministres et du fait qu'on veut maintenant détruire les données, on peut penser qu'on a peut-être été un peu induit en erreur. Je ne vous demande pas de répondre à cette question. Comme ministre, vous devez tout de même faire preuve d'une certaine diplomatie.
    J'ai entre les mains une lettre datée du 2 novembre écrite par le directeur du Service de police de la Ville de Montréal. On y dit ce qui suit:
Bien que le registre de contrôle des armes ne soit pas parfait, que sa mise sur pied ait entraîné des dépenses considérées comme exagérées et qu’il ne puisse garantir à 100% la fin de ce genre de violence, tous les policiers le considèrent comme un outil essentiel pour minimiser les risques associés aux armes à feu.
    Le gouvernement et d'autres gens qui désirent l'élimination du registre prétendent que les dirigeants des forces policières au pays sont déconnectés de la base policière, qu'ils ne représentent pas l'opinion des policiers sur le terrain. En fait, vous êtes à la tête de l'appareil de sécurité publique du Québec. Croyez-vous qu'il y a un gouffre béant entre les dirigeants des forces policières et les policiers sur le terrain? Le cas échéant, je m'inquiéterais non seulement de la question du registre des armes à feu, mais d'autres sujets également.
(1200)

[Traduction]

    Merci, monsieur Scarpaleggia.
    Très rapidement, je vous prie.

[Français]

    Les policiers appuient notre démarche. Je parle ici non seulement de la direction de la police, mais également des représentants syndicaux.
    Nous avons avec nous aujourd'hui M. Francoeur et M. Côté, qui représentent des policiers syndiqués. Ils vont intervenir plus tard lors d'une conférence de presse et vont corroborer nos dires.
    Nous n'obtenons pas nos informations de gens qui ne connaissent pas la situation, mais de personnes qui vivent quotidiennement la situation du crime, accomplissent le travail qui doit être fait et prennent les mesures requises pour diminuer la criminalité.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Garrison?
    J'invoque le Règlement. Étant donné que nous avons commencé plus tard ce matin...
    Le président: Nous n'avons pas commencé en retard.
    M. Randall Garrison: ... en raison de facteurs qui échappent à notre contrôle...
    Nous n'avons pas commencé en retard.
    ... et que nous avons éprouvé quelques problèmes avec l'interprétation, je demanderais que la séance soit prolongée de cinq minutes, de sorte que les chefs de police aient la possibilité de répondre aux accusations qui ont été faites à leur endroit durant la séance.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Je présume que vous pouvez présenter une motion pour prolonger la séance, mais d'autres témoins attendent.
    Notre horaire était un peu serré ce matin, car il y avait une autre séance de comité avant la nôtre. Mais nous avons tout de même commencé à 11 heures exactement, même si les députés n'étaient pas tous ici.
    Quoi qu'il en soit, nous allons suspendre la séance un moment pour permettre aux témoins entendus de sortir et à l'autre groupe d'entrer sans délai, parce qu'il nous reste seulement 55 minutes. La durée de la suspension va influencer le temps disponible pour les prochains témoins.
    Nous allons suspendre la séance environ une minute, si possible. Merci.
(1200)

(1200)
    Nous reprenons la séance.
    Le groupe de cet après-midi est formé de gens qui témoignent à titre individuel. Nous invitons tous les témoins à prendre place à la table.
    Nous accueillons Randall Kuntz, policier, Service de police d'Edmonton.
    Nous recevons également à titre individuel Donald Weltz, agent de conservation à la retraite depuis 2007, après 32 ans au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario. M. Weltz a été nommé agent de l'année en 2007.
    Félicitations et bienvenue.
    Nous recevons Wendy Cukier, présidente, et Barbara J. Kane, psychiatre, Coalition pour le contrôle des armes à feu.
    Bienvenue à vous aussi.
    Nous accueillons Audrey Deveault, présidente, et Mathieu Murphy-Perron, directeur exécutif, Dawson Student Union.
    Nous vous remercions tous de votre présence aujourd'hui. Certains d'entre vous vont présenter un bref exposé avant que les députés posent des questions. Nous vous demandons d'essayer de limiter votre exposé à sept ou huit minutes. Je vais tenter de vous avertir lorsqu'il vous restera 30 secondes. Nous sommes impatients d'entendre vos commentaires.
    Commençons par Mme Cukier.
    Je vais essayer d'être brève, car je veux laisser du temps de parole à ma collègue, la Dre Barbara Kane.
    La Coalition pour le contrôle des armes est un organisme sans but lucratif fondé il y a plus de 20 ans. Sa position à l'égard de la réglementation des armes à feu est appuyée par plus de 300 organisations de sécurité publique et organisations communautaires partout au pays. Selon nous, la version actuelle de la Loi sur les armes à feu est un élément important de notre stratégie nationale pour prévenir les crimes et les blessures par armes à feu et soutenir l'application des lois. Une panoplie d'études a démontré une corrélation entre une réglementation efficace des armes à feu et la réduction des homicides, des suicides, des accidents et des crimes par armes à feu.
    À notre avis, les modifications contenues dans le projet de loi C-19 mettront la vie des Canadiens en danger. Au même titre que les anciens projets de loi visant à supprimer l'exigence d'enregistrer ses armes à feu sans restriction — comme le puissant Ruger Mini-14 semi-automatique, utilisé durant le massacre à Montréal, les fusils de tireur d'élite et certaines variantes de calibre .50 —, ce projet de loi va permettre à une personne qui détient un permis d'acquérir un nombre illimité d'armes à feu sans même qu'on vérifie si son permis est valide, ce qui constituait une amélioration importante dans la loi de 1995. Il n'y aura également aucun moyen de savoir qui possède ces armes, qui les a vendues et combien d'armes les gens possèdent.
    Les policiers ne seront plus en mesure de remonter au propriétaire du fusil trouvé sur les lieux d'un crime. Ils perdent non seulement un important outil de sécurité publique, mais aussi un important outil d'enquête.
    Grosso modo, l'enregistrement de toutes les armes à feu sans restriction au nom de leurs propriétaires légitimes est essentiel pour parvenir à une politique efficace de contrôle des fusils, qui sont employés pour tuer ou se suicider et qui causent des blessures involontaires. Les fusils représentent une proportion considérable des armes à feu trouvées sur les scènes de crime et la majorité des armes à feu utilisées pour tuer des femmes et des policiers ou se suicider. La question ne concerne pas seulement les villes, comme la Dre Kane vous le dira. Il importe de souligner que les dispositions sur l'enregistrement renforcent celles sur la délivrance des permis, réduisant aussi les risques que des gens qui n'ont pas de permis obtiennent des armes à feu de propriétaires légitimes.
    L'indissociabilité de la délivrance des permis et de l'enregistrement des armes à feu a été réaffirmée par la Cour suprême du Canada en 2000 dans une décision unanime concernant la Loi sur les armes à feu. Il a été démontré que le registre des armes à feu aidait à retirer les armes à feu des mains d'individus dangereux. Ce registre, très utile pour les enquêtes policières, a aidé à poursuivre deux complices dans le meurtre de quatre agents de la GRC à Mayerthorpe, en Alberta.
    Au Canada, les taux de décès et de blessures par armes à feu ont chuté de manière spectaculaire grâce à des règlements toujours plus stricts. Les coûts associés au maintien de l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse sont éclipsés par les coûts qu'entraînent les décès et les blessures par armes à feu.
    Toutefois, le projet de loi C-19 fait bien plus que de simplement abroger certaines dispositions du projet de loi C-68, la loi de 1995. Il élimine des mesures cruciales mises en oeuvre depuis 1977, dont les suivantes.
    Ce projet de loi élimine l'obligation pour les entreprises de tenir un registre des ventes d'armes à feu, obligation mise en oeuvre par le gouvernement en 1977. Il ne demande pas le rétablissement d'une telle obligation.
    Ce projet de loi élimine aussi la vérification obligatoire du permis de ceux qui achètent des fusils. Il augmente les risques que ceux à qui il est interdit de posséder des armes et qui représentent un danger pour la sécurité publique aient accès à des armes à feu.
(1205)
    Il est particulièrement préoccupant que le projet de loi actuel exige la destruction des données sur les 7,1 millions de carabines et de fusils sans restriction déjà enregistrés, même si les données constituent un outil essentiel aux enquêtes policières. Plusieurs traités internationaux exigent que les pays conservent de telles données.
    Il est peut-être impossible de prouver le nombre exact de vies que le registre permet de sauver. Mais c'est clair que le registre des armes à feu n'a jamais tué personne. Ce projet de loi pourrait mettre la vie des Canadiens en danger.
    Je vais donner le temps qui me reste à la Dre Kane.
(1210)
    Madame Kane, il vous reste environ une minute et demie.
    Je suis psychiatre et je travaille à Prince George, en Colombie-Britannique, qui compte un taux de suicide par arme à feu élevé. Je me suis installée là il y a 22 ans, avant l'entrée en vigueur du registre. Les taux de suicides et de violence domestique y sont plus élevés que dans les villes. La plupart du temps, les armes à feu sans restriction sont concernées... Je ne veux pas minimiser les conséquences pour une famille des autres types de suicide, mais les tentatives de suicide au moyen d'une arme à feu échouent rarement. Les familles sont souvent traumatisées à jamais après qu'elles ont trouvé une personne décapitée ou à qui il manque une partie du visage. C'est entre autres pourquoi les professionnels de la santé insistent tant sur la nécessité de maintenir le contrôle des fusils et le registre.
    On m'appelle souvent pour me demander si je peux me prononcer sur le risque qu'une personne présente, compte tenu de son comportement. D'habitude, je demande notamment si la personne possède un fusil, parce qu'une personne instable présente bien sûr un risque bien plus élevé. Avant la mise en oeuvre de la Loi sur les armes à feu, il était difficile d'établir le risque qu'une personne présentait, si elle ne faisait pas de menace directe. De plus, si je demandais aux policiers de confisquer les fusils d'une personne suicidaire, ils étaient très hésitants, car aucun crime n'avait été commis et ils ne pouvaient pas dire si cette personne avait un fusil ou combien elle en avait.
    Le président: Il vous reste 30 secondes.
    Dre Barbara Kane: Depuis l'entrée en vigueur du registre, les policiers hésitent beaucoup moins dans ce genre de situations. Plusieurs tragédies ont été évitées. Malheureusement, les journalistes ne rédigent pas d'articles sur la prévention, et les gens ne savent pas à quel point elle est utile. Les psychiatres font souvent de la prévention.
    Merci beaucoup, madame Kane.
    Passons maintenant à M. Murphy-Perron et à Mme Deveault.

[Français]

    Merci, monsieur le président et membres du comité.
    Je m'appelle Audrey Deveault et je suis la présidente du syndicat des étudiants du Collège Dawson, à Westmount, au Québec. Le syndicat représente 10 500 étudiants.
     En tant qu'étudiants, on nous encourage à être curieux, critiques, respectueux et engagés envers le monde qui nous entoure. On nous apprend que cela est la base d'une société fonctionnelle.
     Le 13 septembre dernier, à l'occasion du 5e anniversaire de la fusillade à notre école, nous avons tenté d'obtenir un rendez-vous avec le premier ministre afin de discuter du plan de son gouvernement relativement au registre des armes d'épaule.
     Nous espérions qu'en tant que premier ministre, il démontrerait une volonté de s'engager avec nous, ses électeurs. Notre invitation, nos appels téléphoniques et nos courriels ont été ignorés. On ne nous a pas refusé le rendez-vous; on nous a complètement ignorés. La façon dont le gouvernement précipite l'adoption du projet de loi C-19 et tous les autres projets de loi est très inquiétante.
     L'école nous apprend à être méticuleux et compréhensifs, et nous constatons pourtant une vision fermée et bornée de la part de nos élus. Nous croyons que la société est mieux servie quand un gouvernement s'engage dans des consultations auprès des individus et des groupes.
     Un pays ne peut être dirigé pendant quatre ans suivant les bases d'une campagne électorale de trois semaines. Nous sommes inquiets du refus de notre gouvernement à s'engager d'une manière importante auprès d'un peu plus de 300 groupes qui ont des données à partager relativement à l'efficacité du registre des armes d'épaule.
     Nous sommes inquiets que notre gouvernement écarte si ouvertement des rapports de docteurs, infirmiers, psychologues et agents du maintien de l'ordre.
     Nous sommes inquiets que notre gouvernement préfère orchestrer une guerre qui sème la discorde entre les Canadiens, plutôt que de nous aider à trouver des points communs.
     Nous sommes inquiets que non seulement notre gouvernement refuse de s'engager auprès des Canadiens, mais qu'il utilise aussi la procédure pour essayer de faire taire les partis de l'opposition et ses collègues élus.
    Quand nous regardons la façon dont le gouvernement traite les projets de loi C-10 et C-19, doublée de l'étouffement de Statistique Canada, ainsi que l'élimination de la version longue du formulaire de recensement, nous avons de la difficulté, en tant qu'étudiants, de ne pas être sceptiques lorsque nos élus choisissent de gouverner dans le noir.
     Les statistiques, la recherche et les sciences doivent être les piliers sur lesquels reposent les politiques. Les étudiants conseillent fortement à tous les élus de s'éloigner des jeux politiques qui ont pour but de faire taire tous ceux qui ne sont pas favorables aux idéologies d'un individu contrôlant et axé sur le pouvoir.
     Faites ce qui est juste. Ne vous soumettez pas aux ordres d'adopter le projet de loi C-19en vitesse pour qu'il ait force de loi. Laissez-vous le temps et l'opportunité, à vous et à vos électeurs, d'examiner à fond le projet de loi C-19 et ses répercussions sur la santé publique. Vous avez été élus pour écouter, débattre et faire preuve d'engagement.
    S'il vous plaît, prenez en considération que les étudiants et la jeunesse du pays vous regardent et vous prennent en exemple pour savoir comment devrait fonctionner la société. Rappelez-vous cela dans les prochains jours, mois et années à venir.
(1215)
    Certaines personnes pourraient bien soutenir que le débat nécessaire a été mené, puisque les incarnations précédentes du projet de loi sont apparues devant le Parlement. Cependant, ces incarnations précédentes ne contenaient pas de mesures enlevant les contrôles obligatoires de vérification de permis pour des individus qui achètent des armes, ni l'enregistrement obligatoire des vendeurs de soldes d'armes à feu, une mesure qui date de 1977.
    Ces mesures sont d'une nature saine et rationnelle. Éliminer ces mesures en vitesse, dans l'ombre du débat sur le registre des armes d'épaule, est très inquiétant, surtout étant donné le débat limité qu'a tenu le gouvernement sur ce projet de loi.
    Au Syndicat des étudiantes et étudiants du Collège Dawson, nous sommes habitués à entendre le refrain selon lequel le registre n'a pas empêché la fusillade dans notre école. Aux cyniques, nous répondons que c'est précisément parce que nous avons été victimes de violence causée par les armes que nous avons un intérêt profond à travailler avec tous les paliers de gouvernement afin d'améliorer les systèmes en place et de réduire la possibilité de futures fusillades.
    Considérez ce qui suit. Des mois avant la fusillade survenue à notre école, Kimveer Gill faisait une demande pour s'engager dans les Forces canadiennes. Il a été rejeté pour cause d'instabilité mentale. Si les contrôles de sécurité du permis avaient inclus l'échange d'informations entre nos forces militaires et le registre, le dossier de M. Gill aurait sonné l'alarme et les événements du 13 septembre 2006 auraient pu ne jamais avoir eu lieu.
    Quand nos lois nous déçoivent, nous ne devons pas hausser les bras et déclarer la défaite. Nous avons la responsabilité collective de trouver les trous dans le système, qui doivent être bouchés. Les étudiants le savent. Les étudiants savent aussi qu'il vaut mieux réparer et améliorer qu'oublier et rejeter. Les élus doivent le savoir aussi. Ils ne doivent pas se laisser simplement diriger par l'idéologie. Ils ont une responsabilité morale de renforcer les programmes dans lesquels a investi la société.
    Tous les Canadiens ont payé pour le registre. Le Québec a payé pour le registre. Pour le Québec, le registre représente un élément intégral de ses valeurs pacifistes. À trois reprises, l'Assemblée nationale du Québec a voté à l'unanimité pour maintenir les données du registre afin de faciliter la création de son propre système provincial. Chaque élu de la nation du Québec a voté pour maintenir le registre des armes d'épaule.
    Comment notre gouvernement fédéral suppose-t-il avoir le pouvoir de refuser à une Assemblée nationale l'information payée par ses électeurs?
    Même la poignée de députés conservateurs québécois a parfois exprimé son soutien pour le droit du Québec à maintenir le registre. Le gouvernement fédéral n'a aucune raison de nier au Québec sa part des données dans lesquelles il a investi. Le coût pour maintenir le registre en vigueur est de moins de 4 millions de dollars par année, soit 15 ¢ par an par Canadien.
    Au Collège Dawson, une enquête a été menée 18 mois après la fusillade du 13 septembre. Près de 1 000 individus ont participé à cette recherche. Cinquante pour cent des répondants ont indiqué avoir entendu des coups de feu, 54 p. 100 se sont cachés durant la fusillade, 35 p. 100 ont été témoins d'une blessure ou du meurtre, 13 p. 100 ont vu le tireur et, enfin, 24 personnes ont aidé un blessé.
    Dix-huit pour cent des gens interviewés ont démontré des signes de développement de problèmes psychologiques après la fusillade. Ces désordres s'étendent du syndrome de stress post-traumatique à la phobie sociale, en passant par la dépendance à l'alcool et les tendances suicidaires.
    Plusieurs répondants ont aussi avoué avoir tenté de se suicider dans les 18 mois qui ont suivi la fusillade. Ces personnes sont des étudiants, des professeurs, des administrateurs, des cantinières et des employés d'entretien. Ce sont toutes de vraies personnes qui ont gardé des cicatrices très profondes et parfois irréversibles des événements du 13 septembre.
    Nous parlons de milliers d'adolescents qui vivront toujours avec la souvenir des balles sifflant dans les couloirs de leur école. Nous parlons de centaines d'étudiants ayant en mémoire une image du tireur courant le long de leur école. Nous parlons de dizaines de gens qui ont aidé à faire sortir leurs camarades ensanglantés au matin du 13 septembre.
    Les vies perdues et blessées par cet événement ne doivent pas l'avoir été en vain. Si le registre peut aider à sauver une vie de plus ou aider à marquer une personne de moins, ne vaut-il pas le prix de sa préservation?
    Avec un coût de fonctionnement si bas, pourquoi faire autrement que d'essayer d'améliorer le système?
    Nous avons eu des discussions fructueuses avec des membres du NPD, du Bloc québécois et du Parti libéral. Tous ont des idées très intéressantes sur la façon d'améliorer ce registre pour mieux servir tous les Canadiens.
    Nous comprenons que certains Canadiens ont des réticences à propos de la pertinence du programme. Nous comprenons que quelques Canadiens considèrent qu'enregistrer leurs armes à feu est une tâche lourde et difficile. À vous, nous tendons la main avec un esprit ouvert au dialogue, afin de trouver des points communs.
    Nous avons assisté au vote menant au renvoi du projet de loi C-19 à ce comité.
(1220)

[Traduction]

    Monsieur Perron, votre temps est écoulé.
    Soyez très bref. Je vais vous donner quelques instants...
    J'ai besoin de 10 secondes.
    Merci.

[Français]

    Nous étions profondément attristés, durant la lecture des votes, de voir que les élus du Parti conservateur ont ri aux visages des mères qui ont perdu leurs enfants à cause de la violence causée par les armes à feu.
    Nous savons que les Canadiens n'apprécient pas qu'on fasse ce type de gouvernance. Nous espérons que ce comité acceptera de faire une recherche attentive et prolongée pour mieux analyser les conséquences potentielles du projet de loi C-19 avant de le renvoyer sans amendement pour une troisième et finale lecture.
    Nous vous remercions de votre temps et nous attendons avec grand plaisir les questions des membres du comité.

[Traduction]

    Merci.
    Passons maintenant à M. Kuntz, d'Edmonton. Vous avez sept minutes.
    Merci de l'invitation. C'est une fierté pour moi de témoigner ici.
    Avant la mise en oeuvre du registre des armes d'épaules, j'ai rencontré l'ancien ministre de la Justice, le libéral Allan Rock, au poste du quartier Sud-Est du Service de police d'Edmonton. Il y avait environ 20 policiers. J'ai réussi à demander au ministre si le registre des armes d'épaule permettrait de sauver des vies. C'était ma principale préoccupation. Le ministre n'a pas confirmé que le registre permettrait de sauver une seule vie. Après 16 ans, je comprends pourquoi.
    L'Association canadienne des chefs de police a dit que les policiers appuyaient le registre. Quant à moi, je ne l'appuie pas. Avec mes propres moyens, j'ai envoyé un courriel au travail à 2 631 policiers partout au pays. Entre mars 2009 et juin 2010, 2 410 d'entre eux m'ont répondu qu'ils étaient pour l'abolition du registre des armes d'épaule. En avril 2011, 81 p. 100 des membres de l'Association des policiers d'Edmonton ont voté pour la suppression de ce registre.
    Le registre des armes d'épaule ne se fonde que sur les biens que les gens possèdent. Certains considèrent que c'est une liste de délinquants potentiels axée sur leurs biens enregistrés. Cela revient au même que d'enregistrer tous les hommes au Canada à titre de délinquants sexuels potentiels et de prendre un échantillon de leur ADN; que d'enregistrer toutes les femmes qui ont souffert de dépression post-partum, parce qu'elles pourraient tuer leurs enfants; que de désigner à titre de pédophiles potentiels tous les membres du clergé, tous les entraîneurs de soccer, de hockey ou de football, tous les guides scouts ou tous les enseignants. On pourrait aussi déclarer tous les militaires délinquants sexuels et meurtriers en série potentiels.
    Maintenant que j'ai offensé environ 99 p. 100 des Canadiens en proposant un tel registre, il faut comprendre que le registre des armes à feu a été adopté et mis en oeuvre uniquement en fonction des biens que les gens possèdent.
    Une arme à feu est une arme à feu. Elle ne constitue un danger que si on l'utilise contre autrui. Je vous assure que, dans certains cas, la montre que je porte peut servir d'arme. Si on pose la question à une centaine de personnes, tout le monde dira qu'il s'agit d'une montre-bracelet. De même, une arme à feu ne présente pas de danger en tant que tel.
    Ce sont les gens qui tuent. Les façons de tuer n'ont pas d'autre limite que leur imagination.
    Je dois dire que je suis aussi une victime sur deux plans: 15 de mes amis, de mes coéquipiers, de mes camarades de classe et de mes collègues se sont suicidés à l'aide une arme à feu; trois de mes amis ont été tués avec une arme à feu.
    C'est plus que les personnes tuées au collège Dawson et à l'École Polytechnique réunies. Malgré tout, j'affirme devant vous qu'il faut abolir le registre des armes à feu, qui ne permet pas de sauver des vies. Les chefs de police disent que le registre favorise la sécurité publique, mais ce n'est pas le cas.
    Le Canada a dépensé deux milliards de dollars pour le registre et il en dépense encore des millions et des millions chaque année. Mais nous n'avons rien obtenu en retour. Cependant, il n'est jamais question du montant de plus de deux milliards de dollars. Je pense que les seules personnes qui vont regretter le registre des armes d'épaule, ce sont celles qui ont perçu ce montant.
    Je sais qu'il me reste beaucoup de temps, mais je n'en ai pas besoin.
    Merci.
(1225)
    Merci, monsieur Kuntz.
    Passons à M. Weltz.
    Je veux remercier le président et les membres du comité de me donner l'occasion de témoigner devant eux aujourd'hui.
    Je m'appelle Donald Weltz. Je suis ici pour exprimer mon appui au projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu.
    Je tenterai de vous expliquer brièvement dans quel contexte j'ai appris à manier les armes à feu. Je vous parlerai également de ma carrière au sein des forces de l'ordre, afin de vous donner une meilleure idée de mon expérience avec les armes d'épaule.
    Comme on l'a indiqué tout à l'heure, j'ai pris ma retraite en 2007, après 32 années de service à titre d'agent de protection de la nature au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario. J'ai d'ailleurs été nommé « agent de l'année » en 2007.
    Je possède des armes d'épaule depuis l'âge de 12 ans et j'ai été formé au maniement sécuritaire de ces armes par un sergent du Département de police de Kitchener, comme on l'appelait à l'époque, et un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, qui est devenu un grand ami et une figure paternelle pendant 46 ans, jusqu'à son décès en février 2009. Je suis aussi un adepte de la chasse, même si je suis de moins en moins assidu à mesure que les années passent.
    Au cours de mes 32 années de carrière comme agent de protection de la nature en Ontario, ma principale fonction a été de faire respecter la Loi sur la protection du poisson et de la faune. On m'a remis un pistolet, qui faisait partie de mon uniforme, et je devais me qualifier chaque année pour son utilisation. J'ai reçu une formation semblable à celle de la Police provinciale de l'Ontario et j'étais autorisé au terme de la loi à procéder à des arrestations, à des fouilles et à des saisies. En 1975, j'ai suivi une formation de base sur l'exécution de la loi au Collège de police de l'Ontario à Aylmer, en Ontario.
    Tout au long de ma carrière d'agent de protection de la nature, j'ai personnellement contrôlé des milliers d'armes d'épaule utilisées par des chasseurs sur le terrain, et j'ai exécuté de nombreux mandats de perquisition dans des résidences et d'autres immeubles afin de recueillir des éléments de preuve. J'ai fouillé, entre autres, des bâtiments sur des terrains boisés dans les régions éloignées de la province, ainsi que des logements, des bâtiments accessoires et des immeubles commerciaux dans les centres urbains et ruraux.
    Je peux vous affirmer que ma sécurité en tant qu'agent de protection de la nature n'a pas été améliorée grâce au registre des armes d'épaule. Que l'on procède à une seule perquisition ou à 2 000 au cours de sa carrière, cela n'a pas d'importance; les exigences législatives sont les mêmes, et on risque toujours de se heurter à la résistance et à la violence de l'occupant de l'immeuble que l'on s'apprête à perquisitionner. Procéder à une perquisition avec une attitude quelque peu complaisante, en croyant qu'une personne ne possède pas d'armes parce que le registre n'en recense pas, peut s'avérer une erreur fatale, pour soi-même et pour ses collègues. Le registre crée en effet un faux sentiment de sécurité.
    En tant qu'agent, j'étais formé pour être prêt à tout imprévu, et je préférais m'en remettre à ma formation, à mes collègues et à ma présence d'esprit, sachant très bien ce qui pouvait m'attendre. Un agent qui baisse sa garde lorsqu'il perquisitionne un immeuble, parce qu'il sait qu'aucune arme à feu n'est enregistrée à cette adresse, se place lui-même, en même temps que ses collègues, dans une situation extrêmement dangereuse.
    Bien que mon titre d'agent de protection de la nature me permettait de faire des vérifications dans le registre des armes à feu, à mon souvenir, je ne l'ai fait qu'une ou deux fois, et c'était pour déterminer si le chasseur que j'avais intercepté pour une vérification de routine était légalement propriétaire de l'arme d'épaule qu'il avait en sa possession.
    De la même façon, le registre des armes d'épaule ne crée pas un environnement plus sûr pour la population. Qu'une arme d'épaule soit enregistrée ou non, elle peut tout de même tomber entre les mains d'un individu aux intentions criminelles. L'arme n'est pas responsable de l'acte criminel; il faut jeter le blâme sur la personne qui s'en sert pour commettre un crime, que ce soit de façon spontanée ou préméditée.
    Comment le registre peut-il empêcher quelqu'un en proie à un accès de colère, provoqué par une consommation de drogues ou d'alcool ou encore par une dépression nerveuse, d'ouvrir l'armoire fermée à clé, de prendre l'arme d'épaule, d'enlever le cran de sécurité, de charger l'arme et d'aller faire feu sur les personnes qu'il ou elle juge responsables de ses malheurs? L'enregistrement des armes d'épaule ne permet pas d'éviter ce genre de situation.
(1230)
    Certains se demandent ce qu'il y a de si contrariant à enregistrer ses armes d'épaule. Il faut bien enregistrer nos véhicules, disent-ils, où est la différence? À ceux qui utilisent cette analogie, je poserais cette question: est-ce que le fait d'enregistrer nos véhicules a permis de réduire le nombre de conducteurs aux facultés affaiblies sur les routes? Lorsqu'un conducteur en état d'ébriété prend le volant, faut-il blâmer la voiture ou le conducteur lui-même?
    À ce que je sache, aucun criminel n'enregistrera une arme à feu qu'il a l'intention d'utiliser à des fins criminelles. Les armes d'épaule ne sont rien de plus que des armes d'épaule. Elle ne constituent pas une arme de choix pour les criminels, car elle sont difficiles à dissimuler. Elles sont généralement utilisés par des chasseurs, des tireurs sur cible ou des agriculteurs, normalement tous des citoyens respectueux de la loi.
    Je suis par ailleurs en faveur de la destruction des données à la suite de l'abrogation du registre des armes d'épaule, puisqu'il n'y aura pas de raison légitime de les conserver. Les services de police ont déjà dans leurs dossiers les numéros de permis de conduire et les données d'immatriculation de millions de personnes au Canada.
    Dans toutes les tragédies impliquant des armes à feu qui se sont produites au Canada, peut-on blâmer l'arme à feu, ou la personne qui s'en est servie pour commettre ces actes horribles qui ont bouleversé la vie de tant de gens?
    En conclusion, je crois que les propriétaires d'armes à feu devraient détenir un permis, et que les armes devraient être entreposées de façon sécuritaire. Ces deux mesures contribueront grandement à réduire le nombre d'accidents dûs à la négligence. Je pense également que le registre des armes d'épaule et le système actuel d'enregistrement coûtent des millions de dollars aux contribuables chaque année, sans pour autant accroître la sécurité des agents de police ni celle de la population. C'est pourquoi je demanderais au gouvernement d'abroger le registre des armes d'épaule.
    Merci encore une fois de m'avoir permis de m'adresser à vous.
    Merci, monsieur Weltz.
    Merci à tous nos témoins qui nous apportent des perspectives différentes. C'est exactement ce que nous voulions: entendre différentes prises de position et des points de vue variés tout en demeurant capables de respecter toutes les opinions exprimées.
    Nous passons au premier tour de questions. Je pense que nous avons encore suffisamment de temps pour allouer six minutes à chacun.
    Madame Hoeppner.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Comme je vais partager mon temps avec M. Aspin, je vais être brève et directe.
    Un grand merci à chacun de vous pour votre présence et votre témoignage.
    Monsieur Kuntz, j'aimerais que vous me précisiez quelque chose. Pourriez-vous nous dire si vous êtes un agent de police encore en service et à quel endroit vous travaillez?
    Je suis membre du Service de police d'Edmonton depuis près de 24 ans. Après avoir été patrouilleur et analyste du renseignement, j'ai travaillé pendant trois ans à la section des affaires d'homicide classées et des enquêtes criminelles. Je suis maintenant au service des biens volés, division sud, de la police d'Edmonton.
    Merci beaucoup.
    Vous êtes donc un agent de police toujours en service; merci pour tout ce que vous faites.
    Monsieur Weltz, j'aimerais revenir sur vos commentaires concernant les perquisitions dans les domiciles ou les immeubles à la recherche d'armes à feu et les risques qu'encourt un agent qui procède à une fouille semblable en se fiant sur les renseignements contenus dans le registre des armes d'épaule. Vous confirmez ainsi les témoignages d'autres agents patrouilleurs, dont Murray Grismer du Service de police de Saskatoon. Je pense que bon nombre d'entre nous pouvons perdre de vue les périls auxquels s'exposent les agents de police qui s'en remettent au registre. Je n'oublierai jamais les propos de M. Grismer qui nous disait avec beaucoup de conviction que si l'abolition du registre des armes d'épaule pouvait sauver la vie d'un seul agent de police, cela en vaudrait la peine.
    Pourriez-vous nous parler des risques que courent les agents de police qui s'en remettent à ce registre très loin d'être fiable? On nous a dit qu'il y avait environ 16 millions d'armes d'épaule en circulation au Canada, mais que seulement quelque 7 millions étaient enregistrées. Pouvez-vous nous parler des risques auxquels s'exposent les forces de l'ordre en se fiant à des renseignements semblables?
(1235)
    Oui, je peux vous en parler d'expérience. J'ai mené des perquisitions dans bien des endroits différents au cours de ma carrière et j'avais plus souvent qu'autrement, tout au moins au cours de mes dix dernières années de service, la possibilité de vérifier le registre à l'avance. Cependant, je choisissais de ne pas le faire afin d'éviter toute idée préconçue qui aurait pu faire baisser ma vigilance pendant ne serait-ce qu'une fraction de seconde.
    Lorsque vous investissez un lieu que vous ne connaissez pas — vous n'avez aucune idée de la disposition intérieure de l'immeuble, de ce qu'il contient ou des personnes présentes —, il faut que tous vos sens demeurent aux aguets et que vous restiez prêt à toute éventualité. Même s'il est parfois impossible de faire quoi que ce soit, vous devez être prêt à agir.
    Sur l'échelle d'alerte, il faut se situer dans la zone orange. On doit être prêt à passer à l'action. Si vous avez l'impression qu'il n'y a rien de dangereux à cet endroit, vous aurez tendance à ne pas être aussi prudent que vous le devriez.
    Merci.
    Je vais laisser le reste de mon temps à M. Aspin.
    Monsieur Aspin, il vous reste quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins pour leurs exposés fort intéressants.
    J'aimerais m'adresser à M. Kuntz dans son rôle d'agent de police. Votre exposé était clair et allait droit au but. Je m'intéresse tout particulièrement à vos deux enquêtes que je trouve fort révélatrices. Vous avez indiqué avoir vécu certaines expériences personnelles liées à des décès par arme à feu. Seriez-vous à l'aise d'en parler devant le comité?
    Cela ne me pose aucun problème.
    Pourriez-vous nous parler de ces expériences?
    Du côté statistique, six de ces suicides ont été commis avant la création du registre, neuf par la suite. Deux de mes amis assassinés étaient membres des forces de l'ordre, un pour la GRC l'autre au Service de police d'Edmonton. L'autre était un cas de meurtre suivi d'un suicide. J'ai donc perdu deux proches ce jour-là. Si vous voulez une idée des âges, le plus jeune avait 12 ans et je pense que le plus vieux était au début de la soixantaine.
    Lorsqu'une personne vit une épreuve pareille, on aurait tendance à penser qu'elle va s'empresser de réclamer une interdiction des armes à feu, ces instruments du mal. J'aime à croire que je suis un peu plus intelligent que cela, car je sais que peu importe le moyen utilisé, certaines personnes vont commettre des meurtres et d'autres vont se suicider.
    Il faut des interventions directes auprès des gens. Aucune base de données ne peut sauver la vie de qui que ce soit. Il faut des gens qui, comme le bon médecin de famille, sont disposés à consacrer du temps aux autres. C'est la meilleure façon de faire les choses d'après ce que j'ai pu constater. C'est comme ça que j'ai obtenu mes meilleurs résultats dans mon travail de policier: en m'assoyant pour parler directement à la personne. C'est ça qui fonctionne. Se fier à une base de données qui comporte autant d'erreurs... Comme nous le disions entre analystes du renseignement: à données inexactes, résultats erronés. Il fallait tout confirmer.
    Des millions de gens enregistrent leurs armes à feu au moyen d'un document. Je sais qu'il y a des numéros de modèle, parce que j'ai passé des heures à corriger des renseignements erronés sur les documents d'enregistrement de certains de mes amis. J'ai pris l'initiative de les aider de cette manière parce que je suis un citoyen honnête qui veut que le registre contienne des données exactes. Mais on le fait uniquement en raison des risques de poursuites et non pas parce que le système est utile. L'aspect dissuasif était fondé sur la crainte de poursuites pénales. À la lumière de ce que je sais du registre, si nous jetons un coup d'oeil en arrière dans dix ans d'ici, nous ne verrons aucune différence.
(1240)
    Merci beaucoup, monsieur Kuntz.
    Nous revenons maintenant du côté de l'opposition.
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci.
    Ma question s'adresse aux deux représentants du Collège Dawson.
     Votre association étudiante a vécu des événements absolument horrifiants. Les regarder à la télé était déjà assez impressionnant; on peut donc imaginer ce que ça a pu être de se trouver sur place. M. Murphy-Perron a parlé du son des balles qui sifflait aux oreilles, et ainsi de suite. Si j'ai bien compris, vous avez tenté, à l'association étudiante, de joindre le premier ministre pendant les cinq dernières années afin de tenir une rencontre et d'exposer votre point de vue, mais en aucun temps vous n'avez obtenu de réponse favorable à cette demande. Est-ce exact?
    Certains de nos collègues ainsi que les parents d'Anastasia De Sousa en ont obtenu une. La rencontre n'a jamais eu lieu. Le 13 septembre, on a envoyé une invitation de façon très officielle. On s'attendait à un refus, mais pas à une absence de réponse. C'est à ce moment-là que nous avons été un peu insultés.
    Je voulais être tout à fait certaine d'avoir bien compris. Si on commente, on veut disposer des faits exacts parce qu'ici, nous nous faisons toujours dire que nous avançons des faits inexacts.
     Merci.

[Traduction]

    Monsieur Kuntz, vous ai-je bien entendu? Vous dites n'être favorable à aucun registre d'armes à feu. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    M. Randall Kuntz: Oui, c'est...
    Mme Françoise Boivin: Alors pour toutes les armes à feu, pas seulement les armes d'épaule, mais n'importe quel registre d'armes à feu?
    Oui. D'après mon expérience, tant les armes d'épaule que les armes de poing peuvent être utilisées pour les meurtres et les suicides. C'est pourquoi je suis en faveur...
    Alors, je suppose que vous n'êtes pas favorable au projet de loi C-19, parce que vous voudriez qu'il s'applique à toutes...
    Je suis en faveur de le projet de loi C-19. C'est un bon début.
    Oh, c'est un début? D'accord. Au moins, c'est clair.

[Français]

    Mes prochaines questions s'adressent à la Coalition pour le contrôle des armes.
    Je connais votre passion. Je sais que c'est un dossier auquel vous travaillez depuis des années. Du côté du gouvernement, on galvaude un peu les prétentions de la coalition. On essaie de faire croire aux gens que ce dossier et la position de la coalition n'impliquent que des femmes et que l'objectif est strictement de criminaliser les chasseurs, et ainsi de suite.
    J'aimerais que vous précisiez de nouveau l'enjeu qui sous-tend le registre des armes à feu, plus particulièrement le registre des armes d'épaule. Peut-être pourriez-vous nous donner des explications parce que certaines personnes ici ne comprennent pas que l'article 11 est peut-être l'un des plus dangereux de tout le projet de loi. Pourquoi? Parce que du côté du gouvernement, on donne la fausse impression qu'il ne faut pas s'inquiéter parce qu'il va encore y avoir des enregistrements, que les licences sont une chose et que l'enregistrement, ou le registre, en est une autre, et que nous tous qui voulons le maintien du registre n'avons pas compris le côté scientifique de la chose.
    Vous avez dit que les nouvelles dispositions ne viseraient pas à rétablir l'obligation des entreprises de tenir un registre des ventes d'armes à feu et qu'il serait possible d'effectuer des transferts d'armes d'épaule sans que ça fasse l'objet d'un contrôle.
    Je vous laisse la parole pour le reste du temps.

[Traduction]

    Madame Cukier.
    Désolée, mais mon français n'est pas très bon et l'interprétation ne fonctionnait pas bien, mais je crois comprendre que vous voulez entendre mes commentaires sur quelques-unes des dispositions de la loi qui...
    Oui, peut-être sur l'article 11 pour commencer, concernant le fait qu'il n'y aura pas vraiment d'obligation de...

[Français]

    Je ne veux pas faire le travail de l'interprète.

[Traduction]

    Vérifier dans les cas de transfert...?
    Oui, tout à fait.
    On parle donc de la vérification quand il y a transfert d'armes. En vertu de l'ancien programme d'autorisation d'acquisition d'armes à feu mis sur pied en 1977 et consolidé par le gouvernement conservateur en 1991, les gens devaient, en théorie tout au moins, présenter leur autorisation d'acquisition d'armes à feu au moment de l'achat. Dans les commerces, on tenait un registre des personnes qui achetaient des armes, en indiquant lesquelles exactement, et ces dossiers étaient conservés pendant un certain temps.
    Le problème... Si on se rappelle ce que disaient les agents de la paix à l'époque, il arrivait souvent que ces autorisations avaient été émises cinq ans auparavant et que les détenteurs avaient commis entre-temps des actes criminels tout en conservant leur autorisation.
    L'autre problème vient du fait que l'application des règles était très difficile. Par exemple, il n'était pas rare de voir des gens acheter des armes à feu dans des ventes de garage dans le Nord de l'Ontario. En théorie, le vendeur aurait dû vérifier que l'acheteur détenait une autorisation d'acquisition valide, mais comme on ne conservait aucun registre des armes à feu ainsi transférées, il n'y avait aucune façon de vraiment tenir le propriétaire initial responsable de son arme. Aux États-Unis, les achats par des prête-noms et le détournement d'armes légalement acquises à des fins illégales ne cessent de poser problème. La même chose se produit au Canada. Les forces de l'ordre soulignent en outre la problématique des armes à feu qui sont volées sans que le vol ne soit signalé.
    Les répercussions de ce projet de loi ne se limitent pas à la suppression du registre et des mesures de responsabilisation qui, comme les instances policières l'ont répété à maintes reprises, à quelques exceptions près, sont essentielles à l'accomplissement de leur travail et à la sécurité publique. Il faut aussi s'inquiéter du fait que l'on supprime l'obligation de vérifier la validité du permis lors de l'achat d'une arme à feu. Supposons que j'ai obtenu mon permis en 1999 et acheté une arme quelques années plus tard. On aurait alors automatiquement procédé à une vérification pour s'assurer que mon permis était valide, qu'aucune ordonnance d'interdiction ne pesait contre moi et qu'il n'y avait pas d'autres problèmes. Avec le nouveau système, on ne fonctionnera plus de cette manière.
    Le témoignage des gens qui travaillent au centre des armes à feu nous a appris que ce processus de vérification au moment de la vente d'une arme à feu a permis dans certains cas de porter des accusations criminelles. Par exemple, une très vaste opération de trafic d'armes a été arrêtée à Toronto parce que la vérification du permis au moment de la transaction a déclenché des alertes dans le système.
    Avec la loi proposée, les dispositions en ce sens vont disparaître. Les gens ont indiqué qu'ils étaient favorables à la délivrance de permis. Eh bien, ce projet de loi va grandement miner ce processus d'octroi des permis.
(1245)
     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Leef. Vous avez environ six ou sept minutes, après quoi la parole sera à M. Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Je précise immédiatement que je vais partager mon temps de parole avec M. Norlock.
    Premièrement, pour remettre les pendules à l'heure, je ne crois pas qu'on puisse parler de quelques exceptions quand 2 631 répondants ont voté en faveur de l'abolition du registre, surtout quand on pense que 98 p. 100 des membres interrogés de la fédération des policiers de la Saskatchewan, selon les témoignages que nous avons entendus plus tôt cette semaine, ont répondu exactement la même chose. De plus, je dirais que la très grande majorité des policiers de première ligne de ma circonscription du Yukon tiennent exactement le même discours que MM. Kuntz et Weltz.
    Il y a un point sur lequel j'aimerais formuler un commentaire, plutôt que de poser une question. L'opposition sème terriblement la confusion à propos des différences entre le registre, la Loi sur les armes à feu et la délivrance de permis. La Loi sur les armes à feu contient encore des dispositions fermes et sévères, et cela demeure une infraction grave d'y contrevenir.
     On parle de contrebande, d'organisations criminelles et d'opérations criminelles; il est question des organisations et des personnes qui n'enregistrent pas leurs armes. C'est tromper les Canadiens et se montrer irresponsable de laisser entendre que le registre, la délivrance de permis et la Loi sur les armes à feu ne font qu'un. Les dispositions de la loi demeurent et continueront à protéger les Canadiens.
    On néglige aussi de parler des liens de cause à effet, et c'est très inquiétant selon moi. Nous sommes tous des adultes, et nous savons qu'il y a une énorme différence entre une coïncidence et une analyse scientifique des causes et des effets. On nous sert des déclarations fracassantes comme quoi le registre a permis d'éviter 650 suicides, mais sans jamais nous présenter de preuve empirique qui pourrait nous le démontrer. Personne n'a encore fait la preuve devant le comité qu'il y a une relation de cause à effet et qu'il ne s'agit pas simplement d'une coïncidence.
    On passe ensuite à l'idée générale de la prévention du crime, mais encore là, aucune preuve empirique ne nous démontre scientifiquement que le déclin du taux de criminalité du pays, qui était en baisse bien avant l'arrivée du registre des armes d'épaule, est en fait plus qu'une coïncidence, mais le résultat d'un lien de cause à effet. Rien ne le prouve, et le comité n'a jamais rien entendu à cet effet.
    Je me demandais si M. Kuntz pouvait nous dire, d'après ses recherches sur le sujet, si des études menées sur le suicide au Canada avaient rapporté la présence d'armes à feu sur les lieux, alors que les victimes avaient choisi une autre arme pour s'enlever la vie? Est-ce que ce des études de ce genre ont été effectuées? Un de mes très bons amis s'est suicidé en janvier de cette année, et même si une arme à feu se trouvait dans sa maison, ce n'est pas l'arme qu'il a choisie pour s'enlever la vie. Les armes à feu étaient enregistrées, mais elles n'ont pas servi au suicide.
    Comment peut-on affirmer que le registre a permis d'éviter 650 suicides au pays? Détenez-vous des preuves empiriques qui pourraient le démontrer au comité?
(1250)
    À qui s'adresse votre question, à M. Kuntz ou à M. Weltz?
    Désolé, ma question s'adresse à M. Kuntz.
    Si j'ai bien compris, vous voulez savoir si j'ai examiné des recherches ou des statistiques sur le suicide... Honnêtement, non, parce que le suicide occupe déjà une assez grande place dans ma vie, et je n'ai jamais entrepris d'étude à ce sujet. J'imagine que mon expérience personnelle pourrait faire office d'étude.
    Je cède donc la parole à M. Norlock.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, je remercie les témoins de leur présence. J'ai quelques questions à leur poser.
    J'ai passé plus de 30 ans au service de la Police provinciale de l'Ontario. La plupart des membres du comité le savent, mais vous l'ignoriez peut-être. Même si je préfère ne pas mêler ma famille au débat, je peux vous dire que ce dossier a suscité bien des émotions chez bon nombre de gens, moi le premier. Si j'avais cru une minute que le projet de loi C-19 pouvait mettre en danger mes confrères et consoeurs en uniforme, l'un d'eux étant mon fils, j'aurais choisi de me dissocier de mon parti. Mais ce n'est pas ce que je crois.
    Je suis politicien depuis 10 ans. C'est pour cette raison que j'ai quitté les forces de l'ordre: je voulais sauter dans l'arène politique pour faire de notre pays un endroit plus sûr pour ses citoyens, ce qui est en fait la principale responsabilité des députés. Je ne dénigre pas les membres du Parlement qui ont des vues opposées aux miennes. Je ne doute pas de leur intention non plus. Je tenais à le préciser dès le départ. Pas plus que je remets en question la crédibilité des policiers, qu'ils soient chefs, agents ou stagiaires.
    Ne diriez-vous pas que ce sont les données qui constituent le registre? Donc, si on doit éliminer le registre, on doit aussi éliminer les données. Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Kuntz?
    Oui, c'est exactement cela.
    Monsieur Weltz, êtes-vous d'accord avec moi?
    Oui, je suis d'accord avec vous.
    Deuxièmement, et ma question s'adresse à vous deux, croyez-vous qu'imposer des peines plus sévères dans le cas de crimes graves et violents serait plus utile pour les agents d'exécution de la loi que le maintien d'un registre?
    Absolument.
    J'ajouterais même qu'il faudrait établir des peines minimales.
    Merci.
    Pensez-vous qu'il serait plus utile d'avoir plus d'agents de police sur le terrain qu'un registre?
    Oui.
    Pensez-vous qu'il serait plus utile de donner plus d'outils à la police — par exemple, faciliter l'accès à l'information sur Internet pour mettre un frein à la pornographie juvénile; améliorer la banque de données génétiques ou adopter d'autres lois de ce genre — que de maintenir le registre?
    Beaucoup plus.
    Oui.
    Si un gouvernement prenait toutes les mesures que je viens de mentionner — et c'est ce que fait notre gouvernement en ce moment par l'entremise d'un autre comité, qui étudie le projet de loi C-10, visant à resserrer les lois et à donner plus d'outils à la police —, pensez-vous que ce serait plus utile qu'un registre et que cela protégerait mieux les policiers et la population?
    Oui.
    Oui.
    Merci.
    Merci. Il vous restait sept secondes...
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: ... mais nous allons donner la parole à M. Scarpaleggia.
    M. Francis Scarpaleggia: D'accord, enfin.
    Le président: C'est à souhaiter qu'il pourra utiliser la totalité de son temps de parole cette fois-ci.
    Allez-y, monsieur Scarpaleggia.
    Madame Cukier, le ministre a témoigné devant le comité. Je croyais qu'il avait dit que les propriétaires de commerce allaient toujours devoir tenir un registre des clients qui font l'acquisition d'armes à feu, même avec l'adoption du projet de loi C-19. J'ai relu son témoignage, et ce n'est pas tout à fait ce qu'il a dit. Il a plutôt tenté d'esquiver la question.
    Mais on a conclu que le projet de loi C-19 n'allait pas éliminer cette exigence. On semble nager dans la confusion. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez.
(1255)
    Eh bien, je ne suis pas avocate, mais d'après ce que j'ai vu dans la loi de 1977, celle de 1995 et la loi actuelle, c'est qu'il y avait une obligation explicite dans la loi de 1977. La Loi sur les armes à feu est venue abolir cette obligation, puisque le processus d'enregistrement rendait inutile la tenue de ce document qui n'existe plus.
    Étant donné que le projet de loi n'indique nulle part que les commerçants et les armuriers auraient l'obligation de consigner les ventes d'armes à feu dans un tel document — ou, de nos jours, dans une banque de données électronique, ce qui revient à maintenir un registre —, nous en concluons que le Canada détiendrait moins de renseignements que les États-Unis sur la vente d'armes à feu, et qu'il ne remplirait plus ses obligations internationales à cet égard.
    Si les commerçants devaient bel et bien consigner ces données, on ne ferait que décentraliser le registre des armes à feu, qui passerait aux mains des commerçants. Sous la responsabilité du gouvernement, le registre est assujetti, entre autres, à des politiques de protection des renseignements personnels.
    J'aimerais vous poser une question, monsieur Weltz.
    Je m'adresse en fait à M. Kuntz et à M. Weltz. Je reconnais que vous avez tous les deux une expérience directe des questions étudiées, et je respecte grandement vos connaissances. Nous touchons toutefois à la sphère des sciences sociales. M. Leef a déclaré que nous ne pouvions pas assurément établir un lien de cause à effet, mais dans le monde des sciences sociales, ce n'est jamais possible.
     Vous avez affirmé que l'obligation d'immatriculer les voitures n'avait pas permis de réduire le nombre de conducteurs aux facultés affaiblies sur les routes. Mais nous n'avons aucun moyen de le savoir. Si les gens pensaient pouvoir conduire en état d'ébriété, heurter quelqu'un à mort, pour ensuite abandonner leur véhicule dans un champ quelque part, parce qu'il n'y a aucun moyen d'en retracer le propriétaire, qui sait comment ils se comporteraient?
    Vous avez aussi dit quelque chose que je trouve quelque peu contradictoire. Vous avez déclaré être en faveur de l'entreposage sécuritaire des armes. Mais vous avez donné l'exemple hypothétique que si une personne décide de se venger de quelqu'un, rien ne l'empêchera de s'emparer de son arme, qu'elle soit bien rangée ou non.
    Des données montrent que le taux de suicide a chuté depuis la mise en place du registre des armes à feu. Existe-t-il des preuves démontrant que le registre n'a pas contribué à cette baisse?
    Je n'en connais pas.
     Monsieur Kuntz, je tiens à dire encore que je respecte l'expérience concrète que vous avez acquise à cet égard. Je souligne toutefois qu'un rapport intitulé Avec dignité et compassion — Soins destinés aux Canadiens vulnérables a été publié aujourd'hui. Je siégeais au comité de tous les partis qui a produit ce rapport. On y indique que restreindre les méthodes de suicide, c'est aussi restreindre le nombre de suicides. On donne en exemple la Chine et l'Inde, où « la mort par ingestion de pesticides est une méthode de suicide courante ». Le rapport se poursuit en disant que: « L’adoption de mesures sévères pour le contrôle de l'accès aux pesticides et aux poisons industriels et l'entreposage de ces produits a permis de réduire le taux de suicide... »
    Puis, il fait mention d'un document de la GRC et indique ceci:
Des études de cas ont montré que les armes à feu utilisées pour commettre un suicide sont en général facilement utilisables; en effet, la victime possède une arme à feu ou l'emprunte. Il est rare que l'on se procure des armes à feu expressément pour... Les études cas-témoins ont constaté que des armes à feu étaient plus susceptibles de se trouver dans la maison de victimes de suicide qu'au domicile de candidats au suicide, de malades hospitalisés dans un établissement psychiatrique ou d'autres sujets témoins.
    Je crois qu'il est très important de contrôler l'accès aux armes à feu et leur entreposage, car bon nombre des crimes commis à l'aide d'une arme à feu dans une situation de violence conjugale impliquent aussi une consommation d'alcool. Et je crois que vous pourrez en témoigner. Donc, plus il sera difficile de s'emparer d'une arme pour quelqu'un qui s'emporte après avoir pris quelques verres, plus on pourra sauver des vies, selon moi. Je reconnais que vous avez vu les choses de près et je comprends ce que vous avez vécu, mais je ne pense pas qu'il s'agisse d'une science exacte. Il est question de sciences sociales, et nous devons donner le bénéfice du doute à la précaution et à la volonté de sauver des vies.
    Pensez-vous, monsieur Weltz, que nous devrions aussi abolir le registre des armes de poing? Comme Mme Larente l'a mentionné plus tôt, les criminels n'enregistrent pas leurs armes de poing, et les propriétaires d'armes respectueux de la loi ont l'impression d'être des criminels. Donc, si on décidait d'abolir le registre des armes de poing, on ne manquerait pas grand-chose, puisque les criminels n'enregistrent pas leurs armes de toute façon. Qu'en est-il des propriétaires légitimes d'armes de poing? Ils auraient beaucoup moins l'impression d'être traités comme des criminels.
    Je trouve que c'est contradictoire. Pouvez-vous faire la lumière là-dessus pour moi?
(1300)
    Je crois que quelqu'un a dit à l'autre séance que le registre des armes de poing avait été mis en place en 1934 au Canada. Pourtant, combien de crimes, combien de meurtres sont commis à Toronto chaque année à l'aide d'armes de poing? Est-ce que le registre fonctionne vraiment? Empêche-t-il les criminels de se servir d'armes de poing? J'aurais tendance à dire que non.
    Je n'y avais pas vraiment pensé avant que vous ne me posiez la question. Mais pour y répondre, je dirais qu'abolir le registre des armes de poing n'aurait pas vraiment de répercussions, comme l'avait signalé M. Kuntz, parce que les règles strictes concernant l'enregistrement ne semblent pas fonctionner non plus.
    Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions.
    Merci à chacun d'entre vous d'avoir accepté notre invitation. Merci également pour les mémoires que vous avez soumis au comité. Si vous croyez n'avoir pu répondre aux questions aussi précisément que vous l'auriez voulu, je vous encourage à soumettre un autre mémoire au comité, et nous tâcherons de le transmettre aux membres.
    Nous allons faire une courte pause. Nous devons adopter un budget si nous voulons être sûrs que tous nos témoins seront rémunérés pour leur comparution.
    Ce sera très rapide, environ deux minutes.
    Monsieur Garrison.
    Je propose que nous examinions les affaires du comité en séance publique aujourd'hui, puisque rien dans ce que nous allons dire n'est confidentiel. Cela nous permettra également d'aborder une importante question d'intérêt public. Nous voulons en effet inviter le nouveau commissaire de la GRC pour discuter de ses intentions à l'égard de la reddition de comptes et, surtout, de la question des agressions sexuelles au sein de la GRC.
    Très bien.
    Rien dans le Règlement n'indique que nous devons poursuivre à huis clos dans ce cas, mais nous devons tout de même faire vite.
    Voulez-vous adopter le budget?
    Oui, j'en fais la proposition.
    D'accord.
    Nous avons donc un budget, et vous en avez une copie. Je dois me présenter devant le comité de liaison jeudi, si je ne m'abuse, à sa prochaine réunion. Est-ce que tout le monde a eu la chance d'y jeter un petit coup d'oeil? C'est un budget standard. Il s'élève au total à 69 900 $ pour l'étude du projet de loi C-19.
    J'appuie la motion.
    Tous ceux qui sont pour?
    Un moment, je vous prie. Je siège au comité de liaison, et je dois vous prévenir que les témoins ont cinq minutes... comme vous présidez un autre comité, je pense que vous devrez présenter de bons arguments. Je veux simplement que vous soyez prêt à affronter le traitement précipité du gouvernement. C'est un peu redondant...
    Je me le tiens pour dit.
    Une voix: J'avais levé la main, parce que...
    Le président: Un instant, je vous prie. J'espère que cela ne signifie pas que je n'aurai pas votre appui.
    Merci beaucoup.
    Sommes-nous donc tous en faveur de ce budget?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Très bien. La motion est adoptée.
    Pour ce qui est de l'autre point que vous avez soulevé, vous pourrez déposer une motion faisant mention des personnes que vous souhaiter convoquer, puis nous pourrons planifier les travaux du comité. C'est ainsi que les choses fonctionnent. Nous réglerons donc la question plus tard.
    La séance est levée.
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