Passer au contenu
;

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 076 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 avril 2013

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

    Bon après-midi. Je m'appelle Wayne Marston et je suis le vice-président du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous en sommes à notre 76e séance. Nous faisons une étude au sujet de la situation des droits de la personne au Honduras.
    Nous allons accueillir plusieurs témoins aujourd'hui. Vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire dans l'ordre de votre choix. Vous disposez d'environ 10 minutes pour faire votre déclaration. Allez-vous faire plusieurs déclarations?
    Des voix: Oui.
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Très bien. Si vous pouviez avoir l'obligeance de vous en tenir à des déclarations de six à huit minutes, cela nous permettra d'avoir plus de temps pour vous poser des questions. Nous devons quitter la salle à 14 heures au plus tard afin de nous rendre à la Chambre des communes. Est-ce que l'un d'entre vous souhaite commencer?
    Une voix: Je suis flexible.
    Le vice-président (M. Wayne Marston): Veuillez donc vous présenter et vous pourrez ensuite commencer votre exposé.
    J'aimerais tout d'abord dire au sous-comité que je suis fort reconnaissant que vous m'ayez invité à comparaître aujourd'hui. Nous respectons énormément le travail effectué par le comité et nous sommes emballés à l'idée de pouvoir contribuer à votre étude au sujet des droits de la personne au Honduras.

[Français]

    Mon nom est Peter Iliopoulos. Je suis vice-président principal, Affaires publiques et corporatives chez Gildan. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Geneviève Gosselin, qui est la directrice des communications corporatives au sein de notre compagnie.

[Traduction]

    J'aimerais tout d'abord vous donner un bref aperçu de Gildan et de nos activités au Honduras. La compagnie a été fondée en 1984 par la famille Chamandy. La compagnie est inscrite à la bourse de Toronto et à celle de New York depuis 1999. Notre siège est à Montréal. Nous avons plus de 31 000 employés à l'échelle mondiale, qui distribuent notre produit dans plus de 30 pays. Nous tirons orgueil de nos pratiques exemplaires en matière sociale et environnementale, et de notre profil de gouvernance d'entreprise canadienne.
    Notre compagnie est une compagnie manufacturière de vêtements qui est verticalement intégrée. Nous avons des centres de fabrication en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Ce sont nos deux principales plaques tournantes qui desservent notre vaste marché et nos réseaux de distribution de gros et de détail en Amérique du Nord et dans d'autres régions du monde.
    Nous avons en outre fait l'acquisition tout récemment d'une usine verticalement intégrée au Bangladesh, qui est destinée à desservir la région de l'Asie-Pacifique et l'Europe. De plus, nous avons aux États-Unis des usines de filature.
    Nos produits sont destinés à deux principaux marchés. Celui de vêtements imprimés vend des T-shirts, des chemises de sport, des chemisettes de golf sur le réseau de distribution du commerce de gros. Nous avons la plus vaste part de marché au Canada et aux États-Unis, de l'ordre de plus de 70 p. 100 dans chacun de ces deux pays.
    Nous avons un marché secondaire, plus récent pour nous, où nous vendons nos produits pour le commerce au détail. Par exemple, nous les vendons directement à Walmart ou Target. Nous avons élargi notre gamme de produits pour y ajouter les chaussettes et les sous-vêtements, justement pour le commerce au détail.
    En ce qui concerne nos activités au Honduras, nous avons quatre usines textiles dans le pays. Nous avons aussi deux usines intégrées de chaussettes et quatre usines de couture où sont produits tous nos vêtements de sport et sous-vêtements. Au total, cela représente un investissement en immobilisations de plus de 500 millions de dollars rien que dans les cinq dernières années. Nous avons plus de 20 000 employés au pays.
    Pourquoi avons-nous décidé d'établir nos usines au Honduras? Elles sont situées stratégiquement pour desservir nos marchés primaires aux États-Unis et au Canada. L'expérience nous a appris qu'il se trouve là-bas des travailleurs très spécialisés, ce qui nous a permis de mettre sur pied une équipe de gestion locale décentralisée qui dirige nos opérations dans le pays. Cela nous permet aussi de tirer parti des accords commerciaux.
    Les États-Unis, notre plus important marché, ont conclu un accord de libre-échange avec l'Amérique centrale, dont nous avons pu profiter grâce à nos opérations au Honduras. Comme le Canada a récemment signé un accord de libre-échange avec le Honduras, nous sommes impatients que celui-ci soit ratifié, ce qui nous permettra de desservir efficacement le marché canadien, et surtout de faire concurrence aux importations asiatiques.
    J'aimerais vous parler un instant de nos pratiques en matière de responsabilité sociale des entreprises, ce que nous appelons « l'engagement véritable de Gildan à l'égard de l'intendance ». Cet engagement s'appuie sur quatre piliers: les gens, l'environnement, la communauté et le produit. Nous sommes tout à fait convaincus, surtout dans l'industrie du vêtement, d'être des leaders dans chacun de ces domaines.
    En ce qui concerne les gens, nous avons un code de conduite très fort et très sévère, qui est fondé sur des normes reconnues à l'échelle internationale. Nous menons des vérifications des plus approfondies, tant à titre indépendant que par l'intermédiaire de tierce partie, dans le cadre desquelles est vérifié notre programme de responsabilité sociale dans chacune de nos usines. Des vérifications ont été effectuées régulièrement depuis huit ans. Chacune de nos installations doit faire l'objet d'une vérification pour une tierce partie et nous en menons une aussi à titre indépendant.
    Notre programme de conformité aux normes de travail a été accrédité par la Fair Labor Association qui sise à Washington, D.C. Nous avons été le premier fabricant verticalement intégré de vêtements de base qui ait reçu l'accréditation de la FLA. Chacun de nos ateliers de couture a aussi été homologué par l'organisme WRAP, pour Worldwide Responsible Accredited Production. Depuis 2009, Jantzi-Macleans reconnaît Gildan comme étant l'une des cinquante meilleures entreprises citoyennes du Canada.
    Je veux parler un peu des conditions de travail que nous offrons à nos employés dans chacun des pays où nous avons des activités, y compris la rémunération compétitive, puisqu'elle est nettement supérieure au salaire minimum de l'industrie. Au nombre des avantages sociaux, par exemple, nous offrons l'accès 24 heures sur 24 à des cliniques médicales sur place, dans nos installations, au Honduras. Nous y avons un effectif de 16 médecins et 28 infirmiers et infirmières qui font partie de notre effectif et dont le rôle est de répondre aux besoins de nos employés.
    Nous offrons le service gratuit de navette entre le lieu de travail et le domicile de nos employés, des repas subventionnés, et nous sommes en train de déployer l'un des meilleurs programmes d'ergonomie, en collaboration avec le centre Ergonomics Center de la Caroline du Nord. Ce programme a cinq niveaux, le cinquième étant le niveau de classe mondiale. Nous en sommes actuellement au troisième niveau et espérons, par notre collaboration avec le centre, atteindre le niveau cinq, c'est-à-dire le statut de classe mondiale, d'ici la fin de 2014.
    En 2012, nous avons inauguré trois écoles de santé du dos au Honduras. Comme je disais, les conditions de travail que nous offrons à nos employés revêtent pour nous une très grande importance.
    Très brièvement, sur le plan environnemental, nous avons une politique rigoureuse en matière d'environnement, un code de pratiques environnementales, un système de gestion de l'environnement, semblable à ce que nous faisons en matière de conformité sociale. Nous menons depuis 10 ans des audits environnementaux.
    J'aimerais souligner deux choses. Nous avons dans nos installations un système de production de vapeur à partir de la biomasse, qui nous permet de produire de l'énergie. Nous avons pu réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre de 14 p. 100 depuis 2010. Nous continuons de réduire notre dépendance sur le mazout, dont nous avons réduit la consommation de 40 p. 100 depuis 2010. J'ajouterais que plus de 35 p. 100 de notre énergie est tirée de sources renouvelables.
    En ce qui concerne l'environnement, j'aimerais souligner que depuis 2002, nous faisons aussi le traitement biologique de nos eaux usées. Nous avons un système Biotop, une série de bassins qui traitent l'eau provenant de nos installations, pour en retirer tous les colorants et les substances chimiques dans le cadre d'un processus qui dure de 30 à 40 jours. Ainsi, l'eau déversée dans les cours d'eau publics est propre. Cette année, pour la première fois, nous avons fixé des cibles environnementales que nous espérons atteindre ces prochaines années, et nous continuerons de les mettre à jour.
    Sur le plan communautaire, nous nous sommes surtout concentrés sur la formation et le perfectionnement de nos employés et l'établissement de partenariats dans les collectivités où nous nous établissons, afin de créer des équipes locales de direction qui soient instruites et très motivées. C'est vraiment ce qui a été le pilier de notre mode de fonctionnement.
    Notre politique en matière de don a été centrée sur l'éducation des jeunes et l'aide humanitaire. Et j'aimerais parler de quelque chose digne de mention, en particulier. En 2005, nous avons été le fer de lance du développement d'une initiative panindustrielle visant la création d'une école technique au Honduras, le Central American Polytechnic Institute. Gildan a investi plus de 1,5 million de dollars dans cette initiative depuis son lancement en 2005, et elle a déjà fait 6 000 diplômés. Plus de 1 000 étudiants sont diplômés d'un programme qui dure toute une année. Il y a des programmes à court terme et des programmes d'un an, et le taux de placement de ces étudiants est de l'ordre de 90 p. 100. Depuis la création de cette école, nous avons parrainé 320 bourses d'études.
    Il existe de nombreux exemples de choses que nous avons faites dans la communauté, et je peux vous en donner un autre. Récemment, nous avons investi auprès de la communauté locale de Rio Nance, où se trouve notre complexe manufacturier, en vue de créer un poste de police afin d'assurer la sécurité de nos employés qui travaillent dans cette région.
    Enfin, en ce qui concerne les produits, en gros, nous veillons à ce que tous nos produits soient conformes à la norme OEKO-TEX Standard 100 en nous assurant qu'ils sont sûrs, et qu'aucun produit chimique nocif ni aucune matière nocive n'entrent dans leur composition. En quelques mots, tout le coton que nous utilisons pour la fabrication provient des États-Unis. Plus récemment, nous avons fait l'acquisition d'une compagnie aux États-Unis, Anvil Knitwear, qui se trouve être l'un des plus importants acheteurs de coton issu de culture biologique des États-Unis et nous avons ajouté une collection écologique à notre gamme de produits.
    Voilà donc le sommaire de Gildan et de nos pratiques en matière de responsabilité sociale des entreprises.
(1315)
    Je tiens à remercier de nouveau le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je serai ravi de répondre à vos questions.
    Avant de céder la parole à M. Blackwell, j'aimerais souligner que Son Excellence, l'ambassadrice du Honduras se trouve dans la salle avec nous aujourd'hui.
    Merci d'être venue.
    Monsieur Blackwell.
    Bon après-midi. Merci, monsieur le président, Embajadora et tous les autres membres du comité. Je m'appelle Adam Blackwell. Je suis le secrétaire pour la sécurité multidimensionnelle et le représentant principal du Canada à l'OEA, l'Organisation des États américains.
    J'aimerais vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Le Honduras est l'un des pays que nous suivons de très près. J'y voyage en moyenne environ une fois par mois depuis l'Assemblée générale de l'OEA de juin 2009. L'assemblée a eu lieu quelques semaines avant le coup d'État du 28 juin, qui a fait tomber le gouvernement élu de Manuel Zelaya pour le remplacer par un gouvernement de fait dirigé par Roberto Micheletti.
    L'OEA a immédiatement condamné ce coup d'État. La collectivité internationale s'y est ensuite également opposée. Lors d'une assemblée générale spéciale le 4 juillet 2009, les États membres ont adopté par acclamation une résolution qui suspendait formellement l'adhésion du Honduras à titre d'État membre de l'OEA. Le document exhortait également la Commission interaméricaine des droits de l'homme, un organe subsidiaire de l'OEA, de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger et défendre les droits de la personne et les libertés fondamentales au Honduras.
    Pendant des décennies, des problèmes structuraux ont touché les droits de l'homme au Honduras, plus particulièrement dans le domaine de la sécurité, de la justice, de la marginalisation et de la discrimination. Cette situation s'est gravement empirée suite au coup d'état de 2009. La Commission interaméricaine des droits de la personne a observé des violations des droits de la personne qui ont gravement touché la population. Les effets et les conséquences de ces abus rende plus complexe la situation du pays.
    La liste des violations des droits de la personne comprend notamment des morts; une déclaration arbitraire de l'état d'urgence; la suppression de manifestations publiques par un recours disproportionné à la force, la criminalisation des manifestations publiques; les détentions arbitraires de milliers de personnes; un traitement cruel, inhumain et dégradant; des conditions de détention tout à fait inadéquates; la militarisation du territoire hondurien; une augmentation des cas de discrimination raciale; la violation des droits des femmes; des restrictions graves et arbitraires en ce qui concerne la liberté d'expression; violation grave des droits politiques.
    Bon nombre de délégations de l'OEA, dont certaines étaient menées par le ministre Peter Kent et moi, nous sommes déplacés régulièrement au Honduras afin d'essayer de résoudre les problèmes qui ont mené au coup d'état. Bien que ces visites n'aient pas été couronnées de succès à court terme, elles nous ont permis de rencontrer tous les principaux intervenants de la société hondurienne. Cela s'est avéré essentiel lors de la création des commissions de vérité et de sécurité, dont je vous parlerai sous peu.
    J'ai été déporté à une reprise, en septembre 2009, lorsque j'essayais d'entrer au Honduras dans le cadre d'une mission de l'OEA. Je vous le mentionne afin de mettre l'accent sur la main de fer utilisée par le gouvernement de fait et pas pour vous parler d'un quelconque inconfort que j'aurais pu ressentir personnellement.
    Suite à plusieurs mois de crise politique et nationale et d'isolement international, M. Porfirio Lobo Sosa a été assermenté et est devenu, le 27 janvier 2010, le nouveau président démocratiquement élu du Honduras. Heureusement, des élections primaires avaient eu lieu avant le coup d'État. Cela a permis d'accorder une certaine légitimité aux élections générales à la présidence, aux élections parlementaires et locales du 29 juin 2009 et à l'assermentation du président Lobo.
    Le 1er juin 2011, l'Assemblée générale de l'OEA a levé la suspension de l'adhésion du Honduras à titre d'État membre. En avril 2010, le président Lobo a créé une commission de vérité et de réconciliation pour enquêter l'éviction du président Zelaya et formuler des recommandations pour empêcher que des événements similaires se produisent à l'avenir. L'OEA a aidé à la création de la Commission sur la vérité, en fournissant notamment un financement initial pour sa mise en place.
    Un mois après que le Honduras est redevenu membre de l'OEA, le 7 juillet 2011, la Commission de la vérité et de la réconciliation a émis son rapport final intitulé So that Events Are Not Repeated.
    Le représentant canadien Michael Kergin était un des cinq membres de la commission. Dans ses conclusions et recommandations, la Commission de la vérité a confirmé le recours disproportionné à la force des militaires et de la police au cours du coup d'état et du règne du gouvernement de fait.
    Afin d'éviter que des crises similaires aient lieu à l'avenir, le rapport a fourni plusieurs recommandations dont notamment le fait de modifier la Constitution afin que la procédure de destitution soit assortie de critères clairs et des enquêtes qui tenteraient de punir les gens responsables des abus des droits de la personne qui ont eu lieu suite à l'éviction du président.
    La Commission de la vérité et de la réconciliation a également recommandé que le gouvernement et le congrès national créent un plan de dédommagement national pour indemniser les victimes de violations des droits de la personne qui se sont déroulées au cours de la crise politique. La commission a également recommandé que l'on prenne des mesures afin de reconnaître publiquement ces violations et que l'on demande pardon aux victimes.
    Le gouvernement du Canada a ainsi fourni un financement à la Unidad de Seguimiento, afin que cette unité mette en oeuvre les recommandations de la Commission de la vérité. Cette unité fait partie du nouveau ministère des Droits de la personne et de la justice. Il s'agit d'une des recommandations que nous avions proposées et que le président Lobo a mise en oeuvre. Cette unité s'occupe de tous les enjeux touchant les droits de la personne au Honduras.
(1320)
    En mai 2012, les membres de la Commission de la vérité ont demandé au comité de présenter un rapport au président. Ils étaient inquiets car seulement 26 des 84 recommandations avaient été mises en oeuvre. Nous travaillons encore aujourd'hui avec le gouvernement du Honduras pour poursuivre la mise en oeuvre des recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation.
    Monsieur le président, l'insécurité est l'un des problèmes les plus sérieux affligeant la société hondurienne. Il s'agit d'une situation qui a un impact profond sur la protection des droits de la personne. Le Honduras a depuis longtemps des difficultés à régler les taux élevés de criminalité et de violence, mais la détérioration de la sécurité s'est accélérée ces dernières années.
    Dans le rapport de 2011 de l'ONUDC intitulé « Étude mondiale sur les homicides », le Honduras enregistre le taux le plus élevé d'homicides au monde, soit 82,1 par 100 000 personnes. On a publié un autre rapport en 2012 intitulé « Le crime transnational organisé en Amérique centrale et dans les Caraïbes: une évaluation de la menace ». Dans ce rapport on disait entre autres que le Honduras a le taux d'homicides le plus élevé au monde, un taux qui se situe maintenant à 92 par 100 000 personnes. Pour vous donner une idée de l'ampleur, cela se traduirait par 30 000 homicides par année au Canada, et l'année dernière nous en avons eu 598.
    Plusieurs facteurs interreliés contribuent à cette aggravation; l'un des facteurs les plus urgents est la présence du crime organisé. Le Honduras est situé dans un corridor entre l'approvisionnement et la demande de stupéfiants, il s'agit d'un corridor de trafic important. Étant donné la perturbation de voies d'expédition dans d'autres secteurs comme la Colombie et le Mexique, plusieurs zones du Honduras sont utilisées pour les remplacer.
    Il y a aussi le problème des gangs locaux, aussi appelés maras. Il s'agit de jeunes qui ne disposent pas d'occasions économiques ou d'éducation et qui malheureusement tombent trop souvent dans le domaine du narcotrafic.
    Il y a aussi un problème grave de faiblesse institutionnelle et de corruption dans le gouvernement. Cela contribue à la détérioration de la sécurité et des droits de la personne. En 2012, mon bureau à l'OEA a publié un rapport sur la sécurité des citoyens dans les Amériques. On y souligne les principales faiblesses institutionnelles des pays d'Amérique centrale. Au Honduras, ces faiblesses comprenaient notamment la politisation des autorités judiciaires, les menaces proférées à l'égard des juges et des procureurs, les budgets trop petits pour permettre un fonctionnement approprié de l'administration de la justice, le manque d'indépendance des autorités judiciaires, les faiblesses au sein du cadre juridique, la surpopulation des prisons, ainsi que des problèmes sérieux d'efficacité du système de justice pénale. Le rapport soulignait également l'importance de la coordination régionale lorsqu'on s'attaque aux problèmes d'ordre régional comme le narcotrafic et la violence répandue.
    En janvier 2012, on a confié à mon bureau le mandat d'évaluer le secteur de la sécurité au Honduras afin d'aider le pays à s'attaquer à certains de ces problèmes. Je vous ferai grâce des détails de ce rapport, mais permettez-moi de dire que le président Lobo a accepté cette évaluation ainsi que les recommandations et a créé, par le biais du congrès du Honduras, une commission visant à réformer le secteur de la sécurité publique. Cet accord a été ratifié en mai 2012 et la commission est composée de cinq commissaires. J'ai été assermenté en tant que commissaire en juin 2012.
    Grâce à notre accord avec le gouvernement du Honduras, l'OEA aide le gouvernement à s'acquitter de son mandat en offrant de l'aide technique et politique, tant au niveau local qu'international, par le biais de cette commission. L'OEA comprend que la création de la commission n'a pas été facile et que l'accomplissement de son mandat sera encore plus difficile compte tenu des niveaux élevés de corruption et d'impunité dans la société hondurienne.
    L'appui pour cette initiative peut sembler moins intéressante pour ceux qui ont d'autres intérêts. Pour régler la question, l'OEA a créé et mis en oeuvre un plan de sensibilisation stratégique afin de susciter la participation de divers secteurs de la société ainsi que de la communauté internationale et de la communauté des donateurs.
    En 2012, la commission de réforme du secteur de la sécurité a entamé une évaluation de la dépendance du bureau du procureur général pour ce qui est des questions anticorruption. Il s'agit d'une des recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation. En décembre 2012, l'enquête s'est terminée et un rapport final a été présenté au bureau de responsabilité ainsi qu'au conseil national de sécurité du Honduras. Le rapport contient, entre autres, 14 recommandations et il propose une restructuration complète du bureau du procureur général.
(1325)
    L'équipe technique au Honduras est également responsable de la création de sept projets de loi pour réformer le système de la sécurité nationale. Les projets de loi correspondent aux mandats de la commission. Il y a:
    La modification apporté à la Loi sur la police nationale, la Loi sur la carrière policière, la modification à la Loi sur la juridiction des contentieux administratifs, la modification à la Loi sur le procureur public, la modification à la Loi sur le service de carrière du Bureau du procureur public, la modification à la Loi sur le conseil juridique et la modification à la Loi sur la carrière juridique.
    Les projets de loi concernant le format des lois nationales correspondent à la réforme constitutionnelle proposée, qui comprend la création d'un système d'évaluation pour les fonctionnaires responsables des bureaux de sécurité et de responsabilité du Honduras.
    Hier, le congrès national a adopté aux voix la suspension du procureur général Luis Alberto Rubi et du procureur général adjoint Roy Urtecho, pour une période de 60 jours. La suspension avait été recommandée par la commission en décembre 2012 pour réformer le secteur de la sécurité. Cette suspension a ouvert la voie aux réformes de ces bureaux.
    J'aimerais dire pour conclure que, bien que la situation au Honduras demeure difficile, l'OEA reconnaît la contribution du gouvernement du président Lobo et des trois candidats des partis politiques qui travaillent avec nous sur un pacte politique, afin de trouver une solution systémique viable aux problèmes des droits de la personne et de l'insécurité au Honduras.
    Merci.
(1330)
    Madame Gosselin, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
    Monsieur Sweet.
    Désolé, monsieur Sweet, nous allons avoir des séries de cinq minutes afin que nous puissions arriver en Chambre à temps pour la période de questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux groupes d'être ici pour témoigner.
    Monsieur Blackwell, votre CV est extraordinaire. Je ne le dis pas seulement parce qu'il m'impressionne mais aussi parce que vous ne semblez pas être le genre de personne qui perdrait du temps sur des initiatives qui ne réussiraient pas. Mais il reste quand même plus de 50 recommandations qui attendent d'être mises en oeuvre.
    À la lumière de vos conclusions, vous avez l'impression qu'il existe une bonne volonté. Y a-t-il un manque de ressources? Est-ce simplement un manque de rigueur législative et réglementaire? Est-ce que la criminalité est hors de contrôle? Est-ce tous ces facteurs? Qu'est-ce qui retarde les progrès? Pourrait-on corriger certaines des violations des droits de la personne?
    Je partage l'enthousiasme pour le Honduras de mon collègue de Gildan. C'est un pays très attachant malgré ses difficultés.
    Je pense qu'il y a deux facteurs qui rendent la situation plus complexe. Premièrement, l'incertitude politique après le coup d'état. Il y a de profondes divisions dans la société hondurienne à résoudre. Je pense que certaines des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation étaient plus techniques et assez simples à mettre en oeuvre. En d'autres mots, le président avait le pouvoir d'agir seul. Il a mis en oeuvre ces recommandations.
    Celles qui exigent un amendement à la constitution ou un accord politique plus large ont été très difficiles à mettre en oeuvre. Nous sommes maintenant dans un cycle électoral au Honduras. L'élection aura lieu en novembre de cette année. Il ne reste que neuf mois au mandat du président Lobo. Il a fait face à un contexte très difficile après le coup d'état. C'était un environnement difficile du point de vue économique, et je pense qu'il a réalisé tout ce qu'il pouvait en trois courtes années et quelques.
    C'est à nous, la communauté internationale, la communauté multilatérale qui se préoccupe du Honduras, de collaborer avec les autres partis politiques afin de développer une base et un consensus politique plus large pour aller de l'avant.
    C'est tout un appui à l'administration Lobo. La polarisation se fait même sentir jusqu'à la base dans la vie communautaire hondurienne.
    Il y a des divisions verticales dans la société. L'une des choses dont souffrent beaucoup de pays des Amériques, une grande partie de l'Amérique latine, c'est l'inégalité dans la société. C'est particulièrement aigu au Honduras. Voilà pourquoi je crois qu'il soit si important que les entreprises canadiennes comme Gildan soient présentes et promeuvent des pratiques exemplaires et la RSE. Elles peuvent devenir des symboles de la réussite et améliorer certaines des façons classiques d'opérer.
    Merci, monsieur Blackwell.
    Monsieur Iliopoulos, ai-je bien prononcé votre nom?
    Oui.
    Merci également de votre témoignage. Avec 20 000 employés, des cliniques médicales ouvertes 24 heures par jour, avec des médecins et un personnel infirmier présent, il est clair que vos 20 000 employés profitent d'un environnement de travail très positif, et que leurs familles en profitent également.
    De façon générale, comment votre société fait-elle face au haut degré de violence et de criminalité là-bas? Vous avez parlé du financement d'un poste de police, mais prenez-vous d'autres mesures pour protéger vos employés, vos propriétés, etc.?
(1335)
    La sécurité de nos employés et des collectivités où nous sommes est d'une importance primordiale pour nous, que ce soit au Honduras ou dans les autres pays où nous sommes présents. Nous avons intégré des mesures de sécurité très strictes. Nous avons au Honduras un Comité de la santé et de la sécurité qui comprend 39 personnes. Nous avons des installations très sécuritaires pour protéger nos employés.
    J'ai mentionné pendant mon exposé que nous avons subventionné le transport afin de pouvoir aller chercher et déposer nos employés dans des endroits sûrs. Il s'agit d'endroits très stratégiques que nous avons choisis pour assurer la sécurité de nos employés, et tous nos efforts se font de ce point de vue.
    L'investissement pour le poste de police en est un exemple, on essaie autant que possible de protéger non seulement la sécurité de nos employés, comme je l'ai dit, mais aussi des collectivités où nous sommes installés. Nous avons fait partie de l'initiative communautaire pour créer un poste de police à Rio Nance, l'endroit où notre complexe se trouve. Nous écoutons nos employés pour connaître leurs besoins et nous essayons de répondre de la meilleure façon possible, et en voilà un exemple.
    Monsieur Sweet, votre temps est écoulé.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici avec nous cet après-midi.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Iliopoulos, ainsi qu'à Mme Gosselin si elle veut également y répondre.
    Vous avez dit que la sécurité était une préoccupation de premier plan dans votre entreprise. L'entreprise de vêtements de sports Gildan emploie-t-elle du personnel d'agence de sécurité privée? Dans l'affirmative, quelle formation spécifique ce personnel a-t-il reçu? Y a-t-il eu une formation, par exemple, sur les droits de la personne ou les normes internationales régissant le recours à la force?

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné, nous avons des divisions qui s'occupent spécialement de la santé et de la sécurité. Trente neuf personnes font partie de cette division. Nous avons du personnel de sécurité qui s'occupe de tous nos employés. Cela repose sur des formations avec une tierce partie de bonne réputation. C'est fondé sur les normes internationales les plus strictes. Nous avons un code de déontologie très strict qui touche à tout, les conditions de travail, la sécurité, l'environnement, etc., et tous les principes sur lesquels repose notre code de déontologie sont tirés des normes internationales les plus strictes.
    Je ne peux pas exagérer l'importance primordiale que nous attachons à la sécurité de nos employés et des collectivités où nous sommes installés, et c'est pourquoi quel que soit l'endroit où nous sommes installés, nous faisons un effort délibéré de collaborer avec les collectivités, pour connaître leurs besoins et le rôle que nous pouvons jouer pour y répondre.

[Français]

    Merci, monsieur Iliopoulos.
    J'ai une autre question à vous adresser.
    On a parlé de gangs de rue, de trafic de drogue et de corruption grandissante. J'aimerais avoir votre avis sur l'ampleur de la corruption au Honduras.

[Traduction]

    Notre préoccupation reste nos employés. Nous reconnaissons qu'il y a des problèmes de corruption et de violence au pays. Nous avons toujours agi de façon à protéger nos employés et les collectivités, et c'est le point essentiel pour guider la gestion de nos activités.
    Quant aux institutions gouvernementales du Honduras, nous croyons probablement qu'elles ont besoin d'être renforcées pour que les pratiques exemplaires soient mises en oeuvre au pays.

[Français]

    Merci.
    Ma prochaine question, s'il me reste encore du temps, va s'adresser à M. Blackwell.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Deux minutes. D'accord.

[Français]

    Il me reste encore un peu de temps.
    Le gouvernement du Canada a fait de la région des Amériques une priorité au plan de sa politique étrangère. Selon vous, comment le Canada pourrait-il promouvoir de façon optimale les droits de la personne au Honduras?
    C'est une bonne question à laquelle il n'y a pas de réponse facile. Je crois que si on veut aider ces pays, surtout ceux d'Amérique centrale, il faut se concentrer sur la création d'institutions d'État qui soient solides et fiables. C'est un processus qui va prendre des années. Sans ces institutions fiables, il sera impossible de résoudre les problèmes d'impunité ou de corruption.
(1340)
    Quelles mesures concrètes pourrait prendre le Canada et le reste de la communauté internationale pour favoriser la stabilité au Honduras et éviter que des événements semblables à ceux qui sont survenus lors du coup d'État en 2009 se reproduisent de nouveau?
    Je pense que la seule façon d'éviter un autre problème comme celui de 2009, c'est de travailler avec les partis politiques pour la construction d'un consensus national. Je pense qu'aucun des trois partis qui aura la possibilité de remporter les élections de novembre prochain ne souhaite une angoisse relative à l'insécurité, comme c'est le cas présentement.
    Merci.
    Me reste-t-il encore une minute? Vous m'indiquez que mon temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Blackwell.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme Grewal.
    Merci monsieur le président et merci beaucoup à nos témoins de nous consacrer du temps et pour leurs exposés aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Iliopoulos.
    Monsieur Iliopoulos, votre entreprise a plusieurs usines au Honduras, et le pays est un peu devenu synonyme d'instabilité et de violation des droits de la personne. Cela a peut-être un effet sur votre capacité de mener vos activités et, bien sûr, sur le bien-être des employés qui travaillent dans votre entreprise au Honduras. Plusieurs organisations importantes classent le pays comme l'un des plus corrompus au monde. Quel est l'effet de ce haut niveau de corruption sur vos activités là-bas? Quelles sont les conséquences sur votre capacité d'accroître vos activités? Est-ce que la société Gildan Activewear a déjà fait l'objet de pression à cause de la corruption et de l'insécurité? Pourriez-vous nous en parler en détail?
    Merci.
    Nos activités se déroulent avec succès au Honduras depuis 1997, alors nous sommes dans ce pays depuis très longtemps. Notre expérience positive là-bas nous a permis d'augmenter nos activités au point où nous avons pu faire, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, un investissement de 500 millions de dollars, avec quatre usines de textile, deux usines de production de bas et quatre usines de couture.
    Nous croyons que l'une des meilleures méthodes pour améliorer la condition des pays tels que le Honduras est de développer leur économie. Voilà sur quoi nous nous sommes concentrés. Nous employons 20 000 personnes là-bas. Nous sommes le plus grand employeur du secteur privé au Honduras. Nous sommes actifs dans les collectivités où nous sommes installés. Encore une fois, nous avons beaucoup investi dans nos pratiques de RSE, pour former nos employés, pour mettre en place des mesures de sécurité les protégeant, y compris des campagnes de sensibilisation au sujet de leur sécurité publique dans leurs activités quotidiennes.
    Les conditions de travail que nous offrons — des cliniques médicales sur place, les repas subventionnés, le transport, les avantages généraux que nous leur offrons leur permettent de gagner un salaire qui dépasse les normes minimales de l'industrie — ont rendu notre expérience positive. Je pense que l'augmentation rapide de nos investissements dans ce pays depuis l'ouverture de notre première usine en 1997 en est la preuve.
    Bien que le Honduras respecte officiellement les normes de l'Organisation internationale du travail, dans de nombreux pays il y a de graves problèmes de conformité et de mise en oeuvre. Dans quelle mesure est-ce que les normes du travail respectent les normes de l'OIT, chez Gildan et dans d'autres usines du pays?
    Nous avons un code de déontologie très strict basé sur les principes de l'OIT. Nous sommes certifiés par la Fail Labor Association, qui est une ONG stricte qui certifie les programmes de conformité sociale et qui est basée à Washington, D.C. Nous menons des vérifications régulières, y compris des vérifications internes, externes, et de tierces parties indépendantes, de nos programmes de conformité sociale chaque année dans chacune de nos usines. Comme je l'ai dit, c'est quelque chose qui est fait par nous, par des tierces parties, des clients... Les associations locales de maquiladora qui existent au Honduras chez les différentes marques qui fabriquent des produits là-bas exigent que l'industrie de l'habillement dans ce pays respecte des normes plus élevées. Vraiment, notre préoccupation, c'est notre code de déontologie strict qui fait en sorte que les principes que nous défendons passent avant tout et soient présents dans chacune de nos activités et installations.
(1345)
    Me reste-t-il du temps?
    Vous avez 45 secondes.
    Ça me suffit. Ça va.
    Nous passons maintenant à M. Cotler, s'il vous plaît, du Parti libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens moi aussi à souhaiter la bienvenue à nos témoins. J'ai une question à poser à M. Blackwell, si vous voulez bien.
    Monsieur Blackwell, le comité a été mis sur pied à la suite du meurtre de quelque 74 avocats en trois ans avant octobre 2012, et dans la foulée du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Mme Pillay, qui y décrivait ce qu'elle a qualifié de climat « d'insécurité chronique » au Honduras, dont vous avez aussi parlé, et qui ciblait particulièrement les avocats, les défenseurs des droits de la personne et les journalistes.
    En février 2013, José Trejo, le frère de l'avocat des droits de la personne qui avait été tué en septembre 2012, a lui aussi été tué par balle. Il s'était rendu dans la capitale du Honduras la veille pour obtenir des renseignements sur le décès de son frère.
    J'ai plusieurs questions à poser à ce sujet. Tout d'abord, savez-vous où en est l'enquête sur la mort de José Trejo, qui a été tué alors qu'il cherchait à se renseigner sur l'enquête sur le décès de son frère? Deuxièmement, y a-t-il eu une enquête indépendante, impartiale et efficace sur le meurtre de plus de 74 avocats?
    Voilà encore une excellente question. Je ne sais pas où en est l'enquête sur le meurtre survenu le 13 février, donc je me renseignerai.
    À l'OEA, nous essayons entre autres de collaborer avec les autorités locales. C'est pourquoi nous nous inquiétions tellement du bureau du procureur général et des divers fiscalias, les procureurs généraux subalternes, qui n'avaient pas forcément les outils nécessaires, ou peut-être ne manifestaient pas l'intérêt voulu, si vous me comprenez, pour enquêter dans le cadre de certaines de ces enquêtes. Le retrait du procureur général Rubí a, pour nous, été signe que le gouvernement et le congrès étaient déterminés à assurer la tenue d'enquêtes claires, nettes et exhaustives sur tous ces crimes.
    Quant à savoir comment octroyer à la police et aux procureurs généraux les capacités institutionnelles et le pouvoir de mener ces enquêtes, c'est une autre paire de manches. Il faudrait réformer la police et tenter de réformer le ministère public et les bureaux des procureurs généraux afin qu'ils aient les outils nécessaires pour mener ces tâches à bien.
    Vous êtes membre de la commission qui se penche sur la réforme du secteur de la sécurité publique. Est-ce que cette commission aurait un pouvoir d'enquête ou de surveillance en ce qui concerne, disons, la question du meurtre de quelque 74 avocats ou en ce qui a trait à l'impunité dont ont pu jouir les auteurs de ces meurtres?
    Nous avons effectivement un pouvoir d'enquête. Nous essayons de constituer la capacité institutionnelle afin que les Honduriens puissent eux-mêmes mener ces enquêtes. Il existe une loi d'assainissement, dite depuración; le congrès a récemment adopté une loi visant à épurer les services policiers. C'est un mot terrible; je ne l'ai pas très bien traduit de l'espagnol. En gros, elle confère le pouvoir d'éliminer les membres corrompus de la police. Il existe une structure assez similaire pour tenter de retirer du secteur judiciaire les gens corrompus qui ne sont pas efficaces ou efficients.
    Une démarche très courageuse a été entreprise pour régler bon nombre des problèmes dont vous parlez. Cela prend du temps. Cela prend aussi du courage et du leadership. Nous espérons vivement que la nouvelle, hier, des mesures qu'a prises le congrès pour supprimer le procureur général du pouvoir, est un signe très positif de la part du gouvernement et des partis politiques, parce qu'il a fallu pour cela un décret du Congrès, dont les trois partis politiques sont membres. Il y a eu un vote écrasant de 106 voix contre 14, je pense. Je peux le vérifier. C'est un signe des plus positifs.
(1350)
    Je ne suis pas sûr...
    Il ne vous reste que cinq secondes.
    D'accord. Dans la décision rendue au sujet de son retrait, est-ce qu'il a été question d'absence totale d'enquête sur le meurtre de ces avocats?
    Oui, c'était l'un des facteurs.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Cotler.
    Monsieur Schellenberger, vous avez la parole.
    Merci. Je remercie les témoins d'être venus nous mettre au fait de la situation.
    Quand on est le dernier à poser des questions, bien des questions qu'on voulait poser ont déjà reçu une réponse.
    Monsieur Iliopoulos, vos employés ont un service de santé, un centre médical sur place. Est-ce que ce centre offre aussi des services à leurs familles, ou juste aux employés?
    C'est surtout pour les employés. Le centre se trouve dans nos locaux, mais les familles ont accès à ces services aussi, au besoin.
    Et est-ce que le taux élevé de chômage est l'une des raisons pour lesquelles vous offrez à vos employés le service de navette entre le travail et le domicile? Ces gens sont employés et pourraient être attaqués, peut-être, par des gens qui eux n'ont pas d'emploi.
    Notre motivation, c'est que nous voulions offrir les meilleures conditions de travail possibles à nos employés tout en assurant autant que possible leur sécurité et en nous efforçant de mettre en oeuvre des pratiques exemplaires en matière de sécurité.
    Est-ce que les gens de métier que vous employez pour travailler sur votre infrastructure sont issus de la communauté locale, ou sont-ils des employés de votre compagnie?
    Ce sont des employés de Gildan. Nous avons un solide effectif local, décentralisé et très compétent dont nous avons assuré la formation et le perfectionnement depuis plus de 10 ans que nous sommes dans le pays.
    Est-ce que ces gens, alors, peuvent quitter votre compagnie quand ils le veulent, pour s'établir à leur compte?
    De façon générale, dans ce genre de région, le taux de rétention de notre effectif est assez élevé. Nous nous efforçons, je le répète, de fournir les meilleures conditions de travail possibles à nos employés, qui projettent de nous une image d'employeur de choix au pays, et chaque fois... Je pourrais vous donner un exemple, ça s'est passé il y a peut-être deux mois. Nous avons tenu une espèce de foire de l'emploi, parce que nous voulions embaucher quelque 200 personnes pour l'une de nos usines, mais en fait, nous avons eu des centaines, même des milliers de personnes qui ont fait la file d'attente devant notre portail, qui voulaient travailler pour Gildan. Cela illustre bien, pour moi, la réputation dont nous jouissons au Honduras, la manière dont nous traitons nos employés et les conditions que nous leur offrons.
    Je connais un peu OEA — j'étais à Washington il y a quelques années.
    Il se trouve, dans ma circonscription, un théâtre qui porte le nom de Stratford Shakespeare Theatre. Il y a plusieurs années de cela, il a lancé un projet théâtral au Salvador. Une compagnie théâtrale a été mise sur pied, qui recrutait des enfants de la rue qui, indubitablement, auraient autrement fini dans un gang et par avoir des ennuis avec la loi, et on enseignait à ces jeunes non seulement à être des acteurs, mais aussi charpentiers, électriciens, éclairagistes, on leur apprenait à coudre et à exercer un métier. Il y avait aussi des gens de la scène.
    Donc, tous ces gens recevaient une formation. La raison pour laquelle je demande si des employés quittent votre compagnie, c'est qu'avec cette compagnie théâtrale dont j'ai parlé, les gens qui apprennent le métier de charpentier, par exemple, finissent par quitter la compagnie pour lancer leurs propres entreprises et enseigner à d'autres personnes. Maintenant, il y a des gens qui viennent de Stratford, du théâtre, généralement en saison morte, pour contribuer à former certains de ces jeunes. Ça a été un grand succès.
    Monsieur Blackwell, je vous vois hocher de la tête. Je crois que vous me comprenez. Je ne me souviens pas de l'endroit exactement.
(1355)
    Suchitoto.
    Oui, et ça été merveilleux. De voir ces jeunes sortir... Je suppose que les gens font la chaîne devant la porte pour avoir cette chance et je vous en félicite.
    Je connais l'importance de la primauté du droit, pour sortir les gens de la pauvreté. Sans primauté du droit, il est très difficile d'amener ces gens à grimper l'échelle sociale et à sortir de la pauvreté.
    Cette question s'adresse à tout le monde. Avez-vous l'impression...
    Il vous reste 15 secondes, monsieur Schellenberger.
    D'accord, ça me suffit pour poser la question.
    Avez-vous l'impression que l'accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras pourrait contribuer à promouvoir la primauté du droit au Honduras?
    Absolument. Je pense avoir déjà dit, tout à l'heure, que l'un des meilleurs moyens d'améliorer la situation, dans un pays, c'est par le développement de son économie, et un accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras ouvrira réellement les portes à des investissements futurs du Canada qui contribueront à créer de l'emploi et de l'infrastructure, tout en stimulant l'économie. Donc oui, absolument, sans le moindre doute, c'est essentiel et cet accord aurait une influence très positive sur le développement du pays.
    Nous laissons maintenant la parole à nouveau à M. Jacob, pour la deuxième série de questions du NPD, après quoi nous laisserons M. Sweet poser une courte question.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Iliopoulos.
    Selon le département d'État américain, la législation du travail hondurien est calquée de près sur les normes de l'Organisation Internationale du Travail. Par contre, elle n'est pas toujours appliquée de manière efficace. J'aimerais que vous me disiez s'il y a des lois et des normes du travail au Honduras? Y a-t-il un salaire minimum? Par exemple, chez vous, le personnel est-il syndiqué, etc.?

[Traduction]

    Notre code de conduite est fondé sur les principes de l'Organisation internationale du Travail. Nos normes sont des plus rigoureuses. Nous faisons un suivi régulier pour nous assurer que chacun des principes sous-jacents de notre code de conduite est respecté dans toutes nos installations. Chacune fait l'objet de vérifications annuelles.
    Ces vérifications sont aussi menées par une tierce partie de façon indépendante. Nous pouvons ainsi être sûrs que chacune des normes sur lesquelles s'appuie notre code de conduite est respectée dans tous les pays où nous menons nos activités, et dans chacune des installations qui se trouve dans ces pays.

[Français]

    Je vous remercie, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que votre personnel est syndiqué?

[Traduction]

    Nous en avons deux au Honduras. Ce ne sont pas toutes nos installations qui ont un syndicat. Nous soutenons vivement la liberté de choix, et nous reconnaissons le droit de nos employés à exercer leurs droits d'association. Nous avons d'excellents rapports de collaboration avec les syndicats et les ONG du Honduras. L'une de nos usines du Honduras est d'ailleurs syndiquée et régie par une convention collective, de même qu'une autre au Nicaragua et d'autres en République dominicaine.
    Alors oui, nous collaborons étroitement avec les ONG et les syndicats afin d'assurer à nos employés les meilleures conditions de travail possibles.

[Français]

    D'accord.
    Me reste-t-il encore un peu de temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste un petit moment, si vous voulez.

[Français]

    D'accord.
    Le Honduras a ratifié cinq conventions fondamentales de l'Organisation Internationale du Travail. Selon vous, monsieur Iliopoulous, les usines de vêtements de sport Gildan suivent-elles les pratiques exemplaires et les normes de travail internationales? S'est-on inquiété du traitement des travailleurs dans les usines de l'entreprise? Dans l'affirmative, qu'a-t-on fait concrètement pour remédier aux problèmes?

[Traduction]

    Nous appliquons des normes très rigoureuses. Notre code de conduite est fondé sur les normes les plus rigoureuses non seulement de l'industrie, mais aussi d'organisations de très haut niveau, que ce soit l'OIT, la Fair Labor Association ou Worldwide Responsible Apparel Production. Nous menons régulièrement des vérifications pour nous assurer que ces normes sont respectées au plus haut niveau.
    Si, dans le cadre de ces vérifications, des problèmes sont relevés, quel que soit leur degré de gravité, la compagnie met immédiatement en place des mesures correctrices pour assurer le règlement rapide des problèmes. Un suivi est fait de ces mesures correctrices pour vérifier qu'elles ont été mises en oeuvre correctement et on fait toujours un suivi pour vérifier que le problème a été réglé une fois qu'il a été circonscrit. Nous faisons cela régulièrement, à chacune de nos installations.
    Cette démarche fait partie intégrante de nos activités, quel que soit le pays où elles sont menées, pas seulement au Honduras.
(1400)

[Français]

    Vous dites que vous faites des audits et que certains organismes indépendants effectuent des vérifications. Pourrait-on connaître le nom de ces organismes?

[Traduction]

    Ce serait par exemple la Fair Labor Association. En tant que membre accrédité, nos installations font l'objet de vérifications régulières de la Fair Labor Association. Chaque année, nous faisons homologuer nos installations par WRAP, Worlwide Responsible Apparel Production, donc cette organisation mène aussi des vérifications régulières. Nous traitons aussi avec des ONG, et le Worker Rights Consortium a mené des vérifications de nos installations et fait un examen de nos conditions de travail.
    Nous sommes très ouverts à toutes ces démarches et nous collaborons de très près avec ces organisations pour assurer le respect des normes les plus élevées.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Sweet, il vous restait une question à poser?
    Oui, ce sera très court monsieur le président. Je voulais demander à M. Iliopoulos exactement ce que Gildan tirerait de cet accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras.
    Mais je vois que M. Blackwell avait un commentaire à faire au sujet de la dernière question de M. Schellenberger sur la primauté du droit et l'accord de libre-échange. Si vous voulez, vous pouvez faire ce commentaire.
    Comme j'ai contribué à la négociation d'accords de libre-échange, j'allais dire qu'il ne s'agit pas seulement de commerce. Ces accords comportent beaucoup de volets qui peuvent contribuer à établir la primauté du droit et des règles du jeu équitables, y compris des normes communes, comme celles de l'APIE, des accords sur la protection des investissements étrangers, par exemple, qui jouent un rôle fondamental dans l'établissement de la primauté du droit. Pour moi, l'élément commercial n'est guère que la pointe de l'iceberg, dans un accord de libre-échange.
    Et si cet accord était conclu, monsieur Iliopoulos, qu'est-ce que cela représenterait exactement pour Gildan?
    Nous pourrions lutter plus efficacement avec la concurrence sur notre propre marché, ici, au Canada. La plus grande menace, pour nous, vient des importations de l'Asie, de pays qui n'appliquent pas nécessairement, par exemple, les mêmes normes rigoureuses de conformité sociale que nous appliquons.
    Un accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras nous permettra de faire une concurrence plus efficace aux importations de l'Asie et de notre principal compétiteur, les compagnies américaines. Nous ne sommes guère qu'une compagnie canadienne sur ce marché et cet accord, en plus de stimuler l'économie du Honduras, comme je le disais tout à l'heure, nous permettrait de lutter plus efficacement contre la concurrence dans notre propre pays.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Sweet.
    Je tiens à remercier nos témoins. Ceci met fin à notre séance — d'ailleurs, nous avons légèrement dépassé le temps qui nous était imparti — mais encore une fois, merci d'être venus nous faire part de vos points de vue. C'était très intéressant.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU