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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

    En ce 7 février 2013, nous entreprenons la 67e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément à l'article 108 du Règlement, nous étudions la situation des droits de la personne au Honduras.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins du MAECI: Neil Reeder, directeur général, Direction générale de l'Amérique latine et des Antilles; Jeffrey Marder, directeur, Relations stratégiques, Amérique latine et les Antilles.
    Avant d'inviter les témoins à commencer leur témoignage, je signale aux députés que nous devrons discuter de deux ou trois questions à huis clos à la fin de la séance. Notre horaire est un peu serré. C'est pourquoi je voulais en finir au plus vite avec le comité précédent, afin d'avoir assez de temps pour entendre les témoins ainsi que poser des questions et obtenir des réponses complètes, avant de passer aux travaux du sous-comité. C'est sans compter tout le temps qu'il faut pour passer à huis clos.
    Sur ce, j'invite les témoins à commencer.
    Monsieur Reeder, il me semble que vous voulez commencer en premier. Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    C'est un plaisir d'être avec vous aujourd'hui. Nous allons traiter de la question des droits de la personne au Honduras. J'aimerais tout d'abord décrire la situation dans le pays et vous dire par la suite ce que le Canada fait pour aider le Honduras.
    Le Honduras est l'un des pays les plus pauvres de notre hémisphère. En effet, 65 % de sa population vit dans la pauvreté. Ce pays souffre d'une répartition extrêmement inégale des revenus ainsi que d'une iniquité sociale, d'un haut taux de chômage et de problèmes dans ses systèmes de santé et d'éducation. Plus de 60 % de tous les habitants du Honduras sont grandement exposés à l'insécurité alimentaire.

[Traduction]

    Je signale également que le PIB par habitant au Honduras est de 2 000 $. Le PIB total du pays est de 17 milliards de dollars, pour une population de 8 millions d'habitants.
    De plus, nous voulons parler un peu des institutions au Honduras, qui sont défaillantes dans certains cas. L'impunité est répandue, et la corruption est présente.
    La corruption au sein des forces policières honduriennes pose particulièrement problème. Le gouvernement du Honduras en est conscient. Puisque l'Amérique centrale est située entre les pays producteurs de stupéfiants au sud et les pays consommateurs au nord, le Honduras et les pays voisins ont été grandement touchés par la croissance du trafic transnational de stupéfiants, la traite de personnes et les conséquences du crime organisé. On estime que près de 80 p. 100 de tous les vols transportant de la cocaïne en provenance d'Amérique du Sud atterrissent au Honduras avant de poursuivre leur route vers le nord.
    Un autre facteur à considérer quant à la violence au Honduras, c'est la présence de gangs de rue, connus sous le nom de maras. Ces gangs considèrent l'extorsion et d'autres crimes comme une source de revenus. Le Honduras a sur son territoire un plus grand nombre de ces gangs que tous les autres pays d'Amérique centrale combinés. Leurs activités favorisent la criminalité et l'insécurité au pays. Le taux d'homicide du Honduras est désormais un des plus élevés dans le monde, soit 81 morts par 100 000 habitants, par rapport à 1,8 au Canada.
    La destitution forcée du président démocratiquement élu, Manuel Zelaya, en juin 2009 a entraîné une des pires crises politiques du pays au cours des dernières décennies. Cette destitution a non seulement mis en lumière la fragilité des institutions politiques du pays et exacerbé les clivages politiques, mais de nombreux observateurs sont d'avis qu'elle a aussi créé un vide sur le plan de la sécurité qui a permis aux puissants cartels de la drogue régionaux de s'installer fermement dans le pays et d'élargir la portée de leurs activités de trafic et de blanchiment d'argent au Honduras. Ces organisations criminelles constituent un facteur clé dans la détérioration des droits de la personne au Honduras.

  (1310)  

[Français]

    Au lendemain du coup d'État, le Honduras continue de souffrir de tensions politiques et de tensions entre ses institutions étatiques. Ces tensions ont également une incidence négative sur l'état des droits de la personne. Le Honduras fait également face à une importante crise financière qui menace d'éclipser les défis en matière de sécurité et les autres défis si des réformes structurelles considérables ne sont pas mises en oeuvre à très court terme.

[Traduction]

    Le président Lobo reconnaît que les droits de la personne et la sécurité constituent d'importants défis. Nous considérons qu'il a déployé de grands efforts afin d'amener le Honduras vers une réconciliation nationale et de contribuer à restaurer un sentiment de confiance dans ses institutions démocratiques.
    Ces efforts comprennent: la formation d'un gouvernement d'unité nationale qui inclut des représentants d'un certain nombre de partis politiques; la création d'un premier ministère des Droits de la personne et de la Justice et d'un poste de commissaire aux droits de la personne; la mise en place de la Commission de vérité et réconciliation, à la suite du gouvernement formé après le coup d'État; la création d'une Commission de réforme de la sécurité publique ayant pour mandat de superviser une réforme majeure du secteur de la sécurité et de la police au Honduras. Je souligne qu'un employé canadien de l'OEA est membre de cette dernière commission.
    Ceci dit, les progrès sont lents en raison de la grande complexité de la situation que je viens de décrire. Le Canada est conscient des importants défis auxquels fait face le Honduras en matière de droits de la personne. Selon nous, l'engagement, et non l'isolement, est la meilleure façon d'aider le Honduras à relever ces défis.
    Le Honduras est un partenaire clé pour le Canada en Amérique centrale. Les deux pays entretiennent une relation diversifiée caractérisée par une vaste gamme de liens et de projets de collaboration, allant du dialogue politique aux liens commerciaux et interpersonnels, ainsi que par une collaboration de longue date sur le plan du développement.
    L'ACDI est présente au Honduras depuis 1969.

[Français]

    L'ACDI considère le Honduras comme un pays de première importance dans les Amériques et y réalise des programmes axés sur la sécurité alimentaire, la protection des enfants et des jeunes, en particulier sur les plans de la santé et de l'éducation. L'ACDI soutient également un bon nombre d'initiatives mises en oeuvre par des partenaires du Canada au Honduras portant notamment sur l'égalité des genres, les droits de la personne, les droits dans le domaine du travail et la réforme de la justice.
    En outre, le Honduras tire avantage de plusieurs initiatives régionales financées par l'ACDI, y compris un projet de l'Organisation des États américains, l'OEA, qui vise à accroître l'efficacité de la Commission interaméricaine des droits de l'homme en vue de traiter les dossiers plus rapidement et plus efficacement.

[Traduction]

    Pour sa part, le Canada a joué un rôle de chef de file dans le cadre de la négociation d'un règlement pacifique de la crise politique de 2009. Il s'est fait particulièrement actif pendant la période entre le coup d'État et l'inauguration du président Lobo en janvier 2010, lorsque le ministre Peter Kent, alors ministre d'État pour les Amériques, s'était rendu dans la région pour soutenir les négociations en vue de restaurer la démocratie. Avec l'aide du gouvernement du Canada, le diplomate canadien retraité Michael Kergin a occupé l'un des postes de commissaires internationaux siégeant à la Commission de vérité et de réconciliation, qui a publié une série de recommandations de suivi et de réforme en juillet 2011.
    Nous travaillons maintenant à divers dossiers afin d'aider le gouvernement hondurien à réformer ses institutions et à relever ses défis en matière de sécurité et de droits de la personne. Par exemple, le Canada fournit de l'aide bilatérale et régionale sur le plan de la sécurité au Honduras. Le Groupe de travail du MAECI pour la stabilisation et la reconstruction, appelé GTSR, appuie les recommandations de suivi de la Commission de vérité et de réconciliation quant au dédommagement des victimes de violations des droits de la personne commises à la suite de la crise politique de 2009.
    Depuis 2009, le Programme de renforcement des capacités de lutte contre la criminalité mis en oeuvre par le ministère a versé plus de 2,2 millions de dollars au Honduras dans le cadre de programmes visant à équiper et à former la police et d'autres unités d'enquête. Ce programme fournit notamment de la formation et du matériel à la Police nationale du Honduras en appui à des techniques d'enquête spécialisées pour lutter contre la criminalité, plus particulièrement de la formation sur la surveillance et la mise sur écoute et du matériel de vidéosurveillance. Tous ces efforts visent à renforcer les capacités d'enquête et de lutte contre le crime. Ce projet, qui se fonde sur l'expertise de la GRC et d'autres policiers spécialistes, est mis en oeuvre par la Justice Education Society, une organisation située à Vancouver qui fait la promotion du système juridique canadien et de la coopération en matière de justice au Canada et à l'étranger.
    De plus, le MAECI fournit de l'aide au Honduras dans le cadre de divers programmes multilatéraux comme ceux de l'OEA, de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, de l'Organisation internationale pour les migrations et d'Interpol.
    Le Canada fait également partie du groupe des 16 principaux pays et organisations financières internationales qui fournit de l'aide au Honduras. Ce groupe se réunit pour partager de l'information et exprime régulièrement ses préoccupations relatives aux violations des droits de la personne auprès du gouvernement du Honduras. Le Canada a une position d'ouverture et de franchise concernant les droits de la personne vis-à-vis du gouvernement du Honduras. Nous exprimons nos préoccupations aux plus hauts niveaux.

  (1315)  

    Lorsque le premier ministre Harper a visité le Honduras en août 2011, il a annoncé, de concert avec le président Lobo, la conclusion des négociations en vue d'un accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras. Une fois en vigueur, l'accord favorisera l'accroissement du commerce et de l'investissement entre les deux pays. Nous sommes d'avis qu'un accroissement du commerce et de l'investissement contribuerait à créer de nouvelles possibilités en matière d'économie et d'emploi et, ainsi, pourrait contribuer à réduire la pauvreté et à générer de nouvelles richesses pour les Honduriens.

[Français]

    Une nouvelle croissance économique pourrait contribuer aux efforts du gouvernement du Honduras en vue d'instaurer un environnement démocratique davantage prospère, équitable et sécuritaire, et de veiller à un plus grand respect des droits de la personne.
    Pour conclure, j'aimerais souligner que le Honduras constitue une illustration parfaite de l'engagement du Canada dans les Amériques. C'est un engagement qui cherche à accroître les débouchés économiques dans l'hémisphère, à traiter l'enjeu de l'insécurité, à faire la promotion de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit ainsi qu'à jeter les bases d'une présence et d'une influence accrues.

[Traduction]

    Le Canada est impatient de poursuivre ses efforts importants avec le Honduras, ainsi qu'avec ses partenaires dans l'hémisphère. Comme le premier ministre l'a souligné à l'occasion d'une conférence de presse pendant sa visite au Honduras:  « Nous sommes profondément convaincus que la prospérité, généralisée et étendue, est essentielle pour permettre à un pays de profiter pleinement de la paix, de la liberté et de la démocratie. Or, si la prospérité est essentielle pour atteindre ces grands objectifs, le commerce, lui, est à la base de la prospérité. »
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.

[Français]

    Je vous remercie de votre invitation. Je serai très heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Reeder.
    Monsieur Marder, avez-vous un exposé distinct? Non. D'accord, nous allons donc passer aux questions.
    J'ai appris à mes dépens à ne pas me fier aux horloges dans la salle. Toutefois, vous serez contents de savoir que la pile de ma montre est pleine. Le temps que je vais vous accorder dépend de la volonté des gens de dépasser l'horaire officiel de, disons, sept minutes. Cela vous convient-il? D'accord, c'est bien. Nous avons donc assez de temps pour des questions de six minutes.
    Monsieur Sweet.
    Monsieur Reeder, je suis content de vous revoir. Vous nous avez livré bon nombre de témoignages depuis quelques mois. C'est toujours agréable de vous recevoir. Merci de vos commentaires toujours fondés sur des faits.
    Soyons clairs. Les données brutes en matière de violations des droits de la personne au Honduras et le nombre de meurtres d'avocats qui défendent ces droits et même d'un procureur sont inquiétants. J'ai remarqué dans une note d'information ici que, selon l'Indice de démocratie de 2011 établi par l'Economist Intelligence Unit, le Honduras ne se classe plus au 74e rang comme en 2008 et qu'il est maintenant qualifié de régime hybride. Il était auparavant considéré comme une démocratie défaillante.
    Voulez-vous répondre directement à la question? Étiez-vous au courant de cette position? Selon vous, où en est le gouvernement Lobo concernant les mesures qui vont réduire les violations des droits de la personne?

  (1320)  

    Cette position précise ne m'est pas familière, mais je pense que mon témoignage reflète aussi les divers défis auxquels est confronté le gouvernement. Il y a des défis économiques, la criminalité, l'insécurité et les violations des droits de la personne, surtout en raison du gouvernement établi après le coup d'État et des représailles qui ont toujours lieu, comme les agressions contre les gens au pays dont vous avez parlé.
    C'est une situation très complexe. Les institutions du Honduras sont fragiles et entrent en rivalité. Il y a de la corruption et une grande impunité. Ceux qui voyagent dans la région constatent sans doute que le Honduras est aux prises avec de très graves problèmes...
    Cependant, nous croyons fermement que le président Lobo et ses ministres... Le président fait de son mieux dans cette situation très difficile, mais il doit lui-même relever de nombreux défis. Par exemple, la communauté internationale et lui reconnaissent que la corruption est un problème important, notamment dans la police. La corruption pourrait entraîner des représailles contre les criminels ou ceux qui confrontent les responsables, etc. À cette situation très complexe s'ajoutent le trafic de drogue et toutes les occasions et les tentations associées à la corruption, etc.
    La question n'est pas simple. Nous déployons tous les efforts possibles. Nous faisons partie des nombreux donateurs qui aident le développement, à cause de certaines données économiques qui vous ont été présentées, mais aussi pour des raisons de coopération en matière de sécurité. Nous voulons continuer de soutenir le Honduras grâce au programme gouvernemental de coopération contre le crime et à un certain nombre de nouvelles mesures de financement en Amérique centrale. Mais les défis sont bien sûr nombreux.
    Oui. Par ailleurs, 23 000 Canadiens ont voyagé au Honduras en 2011 et bon nombre y ont travaillé aussi. Ce à quoi je veux en venir, c'est que... Je vais peut-être m'y prendre d'une façon un peu différente. À votre avis, le gouvernement Lobo prend-il au sérieux les recommandations du rapport de 2011 sur la vérité et la réconciliation et met-il en oeuvre des mesures en ce sens?
    Je crois que oui. Je pense que toutes les institutions gouvernementales doivent soutenir un certain nombre de ces recommandations. Certaines institutions l'ont fait, mais d'autres opposent une résistance. Des intérêts privés et certaines institutions de sécurité au pays préfèrent peut-être qu'il n'y ait pas de réformes. Je répète qu'à mon avis, le président Lobo fait de son mieux, mais d'autres intérêts au pays n'adoptent pas forcément la même position que lui.
    Je dois répondre à la question sur la présence canadienne. Il s'agit surtout de touristes dans les Caraïbes et à Roatan, la principale destination. C'est là que vont la plupart des touristes canadiens, mais sur notre site Internet, nous restons très prudents quant aux conseils que nous donnons aux Canadiens qui voyagent au Honduras. Nous les informons de certains dangers liés à la criminalité et à l'insécurité.
    Oui, vous faites bien.
    J'ai aussi été surpris de constater dans ma recherche que nous avons un programme de travailleurs étrangers temporaires venant du Honduras qui connaît du succès. Je pense qu'il est question d'environ 500 personnes. Les gens qui vivent au Honduras, où le PIB est de 2 000 $ par habitant comme vous l'avez dit, peuvent gagner de l'argent et aider l'économie canadienne, mais aussi envoyer des fonds chez eux. Selon ce que je comprends, le programme continue de prendre de l'expansion.
    Nous avons lancé ce programme lorsque j'étais affecté dans la région. Nous en sommes très fiers, parce que bon nombre de travailleurs temporaires d'Amérique centrale viennent au Canada pour des contrats de deux ans. Ces gens vont en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba pour travailler dans le conditionnement de la viande et d'autres secteurs dont les entreprises n'arrivent pas à trouver des Canadiens pour pourvoir les postes.
    Ces travailleurs répondent à un besoin de main-d'oeuvre. Comme vous l'avez dit, en raison des disparités en matière de richesse, ils peuvent en général retourner au Honduras et acheter une maison très modeste après leur contrat de deux ans. Ils peuvent investir dans leurs collectivités.
    C'est une importante source de revenus pour le Honduras. Les gens seraient très contents qu'il y ait plus de travailleurs issus de tous les pays d'Amérique centrale.

  (1325)  

    Vous avez aussi parlé...
    Votre temps est écoulé, mais vous pourrez peut-être poser d'autres questions plus tard.
    M. David Sweet: Merci, monsieur le président.
    Le président: Monsieur Marston.
    Je ne partage pas votre enthousiasme concernant les travailleurs étrangers au Canada. Je ne pense pas que les entreprises d'ici ont fait preuve de la diligence nécessaire pour chercher des Canadiens en vue de pourvoir bon nombre de postes. Mais c'est un autre débat, qui est sans doute plus philosophique.
    Je pense que le gouvernement actuel a signé 19 accords de libre-échange. Concernant les préoccupations liées aux violations des droits de la personne au Honduras, j'ai été surpris de constater que le gouvernement met les obligations relatives à ces droits et aux normes du travail en annexe... Comme vous le savez, ces annexes ne valent rien sur le plan juridique.
    Vous n'êtes peut-être pas à l'aise pour répondre à cette question, mais le Canada n'aurait-il pas dû profiter de cette belle occasion pour exercer plus de pression sur le gouvernement du Honduras en ce qui a trait au commerce et aux droits de la personne en précisant ses exigences dans le document principal?
    Je ne vais simplement pas répondre à la question pour le moment, monsieur. Étant donné que les négociations sont terminées, nous nous concentrons sur la prochaine étape, la signature de l'accord. Vous pourrez bien sûr examiner l'accord de libre-échange à la Chambre des communes lorsqu'il sera prêt.
    Bien sûr. Je comprends. Votre réticence ne me surprend pas outre mesure. C'est plus un commentaire qu'une question de notre part de toute façon.
    Vous avez mentionné la corruption. Dans quelle mesure les militaires et les policiers sont-ils influencés par les pots-de-vin liés au trafic de stupéfiants lui-même, selon vous?
    Ce n'est pas vraiment à moi de me prononcer pour le gouvernement du Canada, mais je crois que si vous posez la question au président ou à un ministre du Honduras, il va probablement admettre que c'est un grand problème bien réel.
    M. Wayne Marston: C'est un obstacle immense.
    M. Neil Reeder: Personne ne peut nier qu'il y a convergence des forces négatives au Honduras en ce moment. Il y a tout particulièrement le trafic de stupéfiants, l'entrée de drogues au pays comme le transit, et tout le mal qu'il cause en raison de l'argent qui passe dans le système. Malheureusement, il est manifeste que la toxicomanie fait des ravages de plus en plus importants. La drogue ne fait plus que passer par le pays, il y a maintenant beaucoup de toxicomanes.
    C'est donc un facteur déstabilisant, c'est certain.
    Tout récemment, il y a eu le congédiement des juges de la Cour suprême qui semblaient rejeter les décisions qui... principalement celles sur les villes à charte.
    Pouvez-vous nous parler des pouvoirs du gouvernement, qui semble pouvoir congédier des juges comme il l'entend, et des répercussions de tout cela?
    Je vais faire une brève observation, puis je vais laisser Jeff vous répondre.
    Il y a une question de rivalité institutionnelle. Cela est entré en ligne de compte au moment du coup d'État, dans le partage des responsabilités entre le président, la cour et le Congrès. C'est un sujet de plus en plus récurrent, les différentes institutions de l'État se disputent le pouvoir et l'influence.
    La Cour suprême a joué un rôle unique pendant le coup d'État. Celui-ci a été provoqué en partie par le fait que le président d'alors Zelaya voulait apporter des modifications à la Constitution et que la cour les avait rejetées. Il en découle donc une rivalité perpétuelle, et la situation n'est pas étrangère aux tensions qui perdurent.
    Jeff peut peut-être vous répondre plus en détail.
    Oui, l'incident auquel vous faites allusion est arrivé à la mi-décembre. Il y a une aile constitutionnelle à la Cour suprême qui se compose de cinq juges. Un certain nombre de lois, dont celle sur les villes modèles, n'avaient pas été adoptées, et le gouvernement essayait de faire pression pour qu'elles le soient. Dans le cadre de ses efforts pour faire le ménage dans la police nationale, il essayait de faire adopter une loi qui lui aurait permis d'évaluer le dossier des policiers et de se débarrasser des policiers qui ne répondaient pas à ses critères. Selon la procédure législative établie, quand une loi est adoptée au Congrès national, elle doit ensuite être adoptée par l'aile constitutionnelle de la Cour suprême. Cette aile n'a pas donné son approbation à cette loi.
    Par conséquent, le gouvernement n'était pas content qu'une partie de son programme législatif pour enrayer la corruption dans la police ne soit pas adoptée, on s'en doute. Il a donc décidé de congédier quatre des cinq juges en question. Comme M. Reeder l'a expliqué, cela s'inscrit dans le contexte de la bataille institutionnelle qu'il y a au Honduras, puisque la Cour suprême s'oppose à un Congrès allié avec l'exécutif. Nous suivons la situation de très près, et elle continue de jouer sur la dynamique au Honduras en ce moment. Nous continuons d'ailleurs d'en discuter avec les autres principaux donateurs du Groupe des Seize.

  (1330)  

    Je trouve frappant que la position que le gouvernement défendait avant le coup d'État, qui respectait à peu près les normes démocratiques, soit si éloignée de la stratégie qu'il a adoptée pour parvenir à ses fins.
    Monsieur le président, combien me reste-t-il de temps?
    Une minute.
    Très bien.
    Concernant les conclusions de la Commission de vérité et de réconciliation sur Zelaya, les membres de la commission ont dit que Zelaya était à blâmer pour avoir « provoqué la crise » en insistant pour tenir un référendum. Comme nous le savons dans les états démocratiques, le référendum est un moyen... C'est un outil clé en démocratie. C'est l'outil que la plupart des pays qui veulent résoudre un problème vont choisir d'utiliser. Je n'arrive pas à comprendre en quoi cela peut être perçu comme une provocation de la crise. Je serais porté à croire que c'est plutôt la réponse à la question sur laquelle le référendum aurait porté qui l'aurait générée, mais le simple fait de demander un référendum...
    C'est préoccupant. J'aimerais que vous réagissiez à cela.
    Je dirais qu'il y a deux choses qui ont joué. D'abord, selon la constitution hondurienne, il n'y a que le Congrès qui peut décider de tenir un référendum pour demander l'opinion du public, le président ne peut pas le faire, et l'argument qui revenait, c'est que le président Zelaya demandait une consultation publique, un référendum, sur sa proposition de permettre la réélection d'un président, sur la réélection consécutive. Or, la constitution du Honduras prévoit que les articles à ce sujet ne peuvent pas être modifiés. Il n'y a aucune disposition qui permette la réélection consécutive, à moins d'une réforme de la constitution.
    Le fait que le président voulait établir un dialogue avec le public sur la réforme de la constitution, qui avait pour but, selon la plupart des gens, de lui permettre de se représenter à la prochaine élection, inquiétait beaucoup de groupes différents au pays et a commencé à créer de l'incertitude sur les visées du président. Encore une fois, il y avait aussi des tensions institutionnelles entre le président et la Cour suprême. En toile de fond, il y avait également son rapprochement avec les pays de l'ALBA et ses démarches auprès du président Chavez du Venezuela pour devenir membre de l'ALBA.
    Divers facteurs sont intervenus, mais je crois que la crainte parmi les observateurs, c'était qu'il ouvrait la porte à sa propre réélection. Quel que soit le parti, le Honduras est très anxieux dès qu'il est question de réélection, parce que c'est un pays qui a été sous le joug de gouvernements militaires de 1960 à 1982, comme la plupart des pays de la région à l'époque. Ils gardent de très tristes souvenirs de cette période. Beaucoup de personnes craignaient que la réélection présidentielle permette à des dirigeants de s'accrocher au pouvoir pendant des années, puis qu'il soit impossible ou très difficile de s'en débarrasser après coup. C'est le contexte historique, donc l'entreprise était très controversée à l'époque.
    Je vous remercie.
    Nous avons un peu dépassé notre temps, mais ce n'est pas de votre faute, monsieur Marsden. Vous nous avez répondu de façon très détaillée.
    Madame Grewal, vous êtes la prochaine.
    Je vous remercie de prendre le temps de venir nous rencontrer, messieurs.
    Le Honduras a le taux d'homicide le plus élevé d'Amérique latine et l'un des plus élevés au monde. Quels sont les principaux facteurs qui expliquent le taux d'homicide élevé au Honduras? Les forces de sécurité et de police du Honduras réussissent-elles à poursuivre les meurtriers ou à tenir des procès dans ces circonstances? Les policiers sont-ils corrompus d'une manière ou d'une autre par les élites honduriennes accusées de divers crimes ou de meurtres?
    Je peux peut-être vous répondre, puis si Jeff veut ajouter quelque chose, il pourra le faire. De toute évidence, l'impunité est le plus grand défi du Honduras, puisque très peu de gens sont trouvés coupables devant les tribunaux. Encore une fois, les personnes qui peuvent influencer les décisions d'une manière ou d'une autre essaient de le faire et semblent très bien y arriver. Donc quand on traite le crime avec impunité, le nombre de crimes augmente, et les gens sont de plus en plus confiants de ne pas se faire prendre ni condamner. C'est la spirale vers le bas qu'on observe en ce moment.
    Il faut toutefois mentionner, à la décharge du Honduras, que c'est loin d'être unique à ce pays. C'est très commun dans de nombreux pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, mais je dirais que le phénomène est particulièrement aigu au Honduras.
    Pour ce qui est du contexte, vous visez juste. Il y a une vague de ce qu'on pourrait appeler des violations des droits de la personne à l'égard de ceux et celles qui travaillent en journalisme ou pour des partis politiques, qui militent pour les saisies de terre ou qui participent aux mouvements de réforme. C'est l'une des formes d'atteinte aux droits de la personne qu'on observe.
    Pour ce qui est de la violence pure et simple, si l'on veut, je crois qu'elle est surtout due au crime organisé et au rôle qu'il joue, au trafic de stupéfiants et aux gangs mara, que j'ai déjà mentionnés.
    En fait, ces gangs sont nés à Los Angeles, principalement dans les communautés d'immigrants d'Amérique centrale à Los Angeles. Les personnes dotées d'antécédents criminels qui ont été expulsées des États-Unis sont retournées s'établir au Honduras, et elles ont apporté avec elles leur structure de gang. On voit maintenant une seconde génération de jeunes qui sont initiés aux cultures des gangs, qui sont très difficiles à infiltrer. Il est très difficile de porter des accusations contre elles, elles contrôlent des pans entiers des villes, de même que les prisons. C'est un milieu très dangereux, et je pense que c'est un autre facteur important, qui s'ajoute au phénomène du trafic des stupéfiants.
    Enfin, comme je l'ai déjà mentionné, pendant la période du coup d'État, les forces armées et policières ont été accaparées par toutes sortes de manifestations et de protestations dans les rues. Du coup, d'autres parties du pays se sont pour ainsi dire ouvertes aux trafiquants, qui avaient soudainement les mains libres pour laisser passer de la drogue au Honduras, ce qui a eu un effet dévastateur sur la société.

  (1335)  

    Pour ajouter à cela, il y a l'incapacité du Bureau du procureur général et des forces policières de mener enquête sur les crimes et de recueillir des preuves admissibles devant les tribunaux pour appuyer des condamnations. C'est justement une chose que le Canada cherche à améliorer, comme M. Reeder l'a dit dans son exposé.
    Nous travaillons avec une ONG de Vancouver du nom de Justice Education Society, qui travaille avec la police et le Bureau du procureur général, tout spécialement avec des unités spéciales qui ont fait l'objet d'un examen approfondi. Il faut toujours faire attention de ne pas transmettre certaines compétences à une force policière corrompue. Il faut faire preuve de prudence, c'est pourquoi cette ONG travaille avec les unités spéciales qui ont fait l'objet d'un examen approfondi, afin d'accroître leur capacité d'intervention grâce à la surveillance vidéo et à l'écoute électronique pour recueillir des preuves, les conserver et les utiliser pendant les procès, entre autres.
    Ces efforts se traduisent par de la formation et l'acquisition de matériel, notamment d'instruments du système intégré d'imagerie balistique (le système IBIS), qui permet de détecter des armes et par conséquent, de recueillir plus de preuves pour justifier des condamnations.
    L'une des déclarations les plus récentes sur les violations des droits de la personne est attribuable à Amnistie Internationale. L'organisme signale que presque une centaine de journalistes et d'avocats défenseurs des droits de la personne et des droits fonciers ont été torturés et interrogés par la police.
    À votre avis, le noeud du problème est-il la réforme du régime de propriété foncière et des droits fonciers au Honduras?
    Je crois que les différends sur les titres de propriété dans les régions rurales du Honduras nous indiquent clairement qu'il s'agit là de facteurs importants. Un certain nombre de morts ont été attribuées aux tensions qui entourent l'accès aux terres et à la propriété. Le Honduras a beaucoup évolué, mais il y a encore des familles dominantes, de grands propriétaires terriens qui résistent aux changements à leur situation. L'accès aux terres cause parfois des débats très tendus dans le pays; cela joue, c'est encore un élément important de l'équation.
    Ensuite, pour ce qui est des journalistes, malheureusement, ce sont ceux et celles qui osent aborder des sujets comme la corruption, dans la police et ailleurs, ainsi que le trafic de stupéfiants qui s'exposent à toutes sortes de risques personnels. C'est courant au Honduras. Le Mexique est un autre exemple de pays où ce type de journalisme est risqué. Malheureusement, c'est ce qui se passe au Honduras.
    Le plus inquiétant, c'est toutefois le peu d'accusations qui sont portées au pays et le peu de condamnations qui s'ensuivent. Cela mine la liberté de presse, bien sûr, de même que la liberté d'écrire tout ce qui doit être écrit.

  (1340)  

    Passons maintenant au prochain intervenant.
    Monsieur Cotler, la parole est à vous.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Je vous remercie de vos exposés détaillés.
    Monsieur Reeder, vous avez mentionné, et je vais citer votre mémoire, que « le président Lobo reconnaît que les droits de la personne et la sécurité constituent d'importants défis ». Il déploie des efforts considérables pour remédier à la situation, notamment par, et je vous cite, « la formation d'un gouvernement d'unité nationale, la création d'un ministère des droits de la personne et de la justice et d'un poste de commissaire aux droits de la personne ».
    Vous admettez, bien sûr, que les progrès sont lents dans cet environnement complexe, mais il y a deux facteurs que je trouve particulièrement graves à la lecture des rapports dont nous avons pris connaissance et de la recherche qui a été faite pour nous. Je tiens à les souligner. Nous en avons déjà parlé. Il y a d'abord que le Honduras est en ce moment le deuxième pays le plus dangereux au monde pour les journalistes. Il y a ensuite la violence importante commise à l'égard des avocats et des défenseurs des droits de la personne, ce qui a poussé la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, à faire état, après l'un des meurtres commis en septembre 2012 du...
« ... dangereux climat d'insécurité qui règne au Honduras, ainsi que du fait que les défenseurs des droits de la personne sont la cible de menaces, de harcèlement, d'attaques et de meurtre.
Elle a ensuite conclu sur ses mots:

J'exhorte le gouvernement du Honduras à adopter de toute urgence des mesures afin de les protéger, comme l'a recommandé la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme, qui s'est rendue au Honduras en février 2012.
    Ma première question est donc la suivante: le Honduras a-t-il adopté les mesures urgentes réclamées pour protéger les défenseurs des droits de la personne?
    Ma deuxième question est connexe. L'un des avocats des droits de la personne qui a été assassiné en septembre 2012 est Antonio Trejo Cabrera. Comme vous le savez, Trejo était un avocat défenseur des droits des paysans et s'opposait à la création de zones de développement spéciales, ce qu'on appelle les villes à charte. Les villes à charte sont-elles considérées comme des entités privilégiées en matière de commerce et d'investissement et font-elles partie de l'Accord de libre-échange Canada-Honduras?
    Ce sont mes deux questions.
    Je vais répondre à votre deuxième question. Je connais bien le concept des villes à charte. Cet accord n'a pas encore été examiné ni approuvé par le parlement du Honduras, donc la question reste entière, mais il est clair que cet enjeu précis ne fait pas partie de l'accord de libre-échange. Si vous souhaitez que nous assurions un suivi, nous pourrons le faire dans les prochaines audiences du comité sur l'accord de libre-échange, mais ce n'est pas un concept que nous inscririons dans l'ALE.
    Par ailleurs, la situation des défenseurs des droits de la personne est très complexe. Nous croyons que le président Lobo a les meilleures intentions possible. Il déploie tous les efforts qu'il peut, mais il évolue dans un environnement très difficile, sensible et dangereux. Il n'aura peut-être pas toutes les forces du pays derrière lui. L'équilibre du pays a été fragilisé pendant la période du coup d'État et du gouvernement de facto. Il a fait des progrès. Il essaie de faire ce qu'il faut. Il s'est doté d'une bonne structure. Tous ces éléments, que j'ai nommés, font partie d'une structure importante, mais peut-on dire qu'il a réussi à obtenir l'appui de toutes les institutions et du personnel? Je n'en suis pas si sûr. Jeff a mentionné quelques obstacles à la création de capacités
    Le Honduras reste un pays où il y a beaucoup d'inégalités. Il y a d'importants intérêts fonciers dans ce pays qui ne sont peut-être aussi ouverts au changement que d'autres. Il y en a aussi qui font partie de la resistencia qui a exprimé son appui au président Zelaya après son expulsion et qui voit le pays sous un oeil très différent. Il y a donc des clivages profonds, politiquement, socialement et économiquement, qui empêchent le président d'avancer autant qu'il le voudrait.
    Nous l'appuyons dans ses efforts. Nous faisons ce que nous pouvons pour l'appuyer. Les pays donateurs ont eux aussi l'impression qu'il fait des efforts, mais que divers intérêts, dont les forces de sécurité, le freinent, peut-être parce qu'ils ne veulent pas que les choses changent. Je mentionne en passant que les donateurs contribuent énormément au budget du Honduras par l'aide internationale, à hauteur d'un peu plus de 60 p. 100, ce qui fait du Honduras un important bénéficiaire de dons.
    J'aimerais être plus positif, monsieur, mais c'est la réalité.

  (1345)  

    Je l'avais bien compris, déjà dans votre exposé, et c'est pourquoi, avant de poser ma question, je l'ai placée dans le contexte des structures qui ont été mises en place. Des initiatives comme la réforme ou la création d'un ministère des droits de la personne et de la justice ainsi que d'un poste de commissaire aux droits de la personne sont importantes.
    Ma question portait surtout sur la prise de position de la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, qui a réclamé des mesures urgentes après les évènements de septembre 2012. Elle savait bien entendu que ces structures avaient été établies et était au courant des clivages et de la complexité dont vous nous parlez.
    Les mesures urgentes qu'elles a réclamées ont-elles été mises en place? Peut-être que ce n'est pas possible. Quelles mesures pourrait-on prendre dans ce contexte?
    Je n'ai pas de réponse à vous donner. Je n'ai pas l'impression qu'il y a des mesures particulières qui ont été mises en place en réponse à la demande de la Haut Commissaire. J'imagine que l'organisme ou l'institution responsable serait le ministère de la Justice et des Droits de la personne, qui est dirigé par une femme du nom d'Ana Pineda. Nous pouvons vérifier, puis informer le comité de ce que nous aurons trouvé.
    Je crois que c'est la première séance que vous tenez dans le cadre de votre étude sur la situation des droits de la personne au Honduras. Je suppose qu'il serait très pertinent que vous parliez de la situation des droits de la personne au Honduras avec Ana Pineda, qui dirige de ce ministère.
    Merci.
    Merci, monsieur Cotler.
    Monsieur Schellenberger, s'il vous plaît.
    Merci aux témoins pour les excellents exposés qu'ils nous ont présentés aujourd'hui.
    Je crois que lorsque l'accord de libre-échange sera ratifié et mis en oeuvre, cela pourrait s'avérer un facteur très important pour le Honduras.
    Je sais que la criminalité découle généralement de deux choses: la sous-scolarisation et le chômage. Le chômage est grandement à blâmer pour l'existence de certains de ces gangs, car cela leur donne quelque chose à faire.
    Il y a quelques années, si je ne me trompe pas, nous avons souligné un événement très spécial à Washington. C'était dans le cadre du travail que fait le Canada pour les Amériques. Je suis originaire de Stratford, en Ontario. Nous avons le Festival Shakespeare de Stratford, qui offre un très bon programme en El Salvador. Grâce à ce programme, on a sorti des membres de gangs de la rue en leur donnant la chance de bâtir une compagnie théâtrale. On ne parle pas seulement d'artistes, mais de toute une compagnie. Ils ont de tout... des menuisiers aux peintres de scène, et toutes sortes d'autres choses. Le programme a permis à des jeunes de la rue d'apprendre un métier. Ils sont mis à contribution du début à la fin. Certains sont acteurs et jouent dans différentes pièces. La compagnie a même commencé à générer des revenus.
    Après un an ou deux, cette personne qui a appris la menuiserie grâce à cela... il y a des gens qui partent du théâtre pour aller enseigner ces choses au pays. Cela leur a donné un but. C'est surprenant de voir à quel point ce programme a pu aider.
    On ne peut pas bâtir des compagnies théâtrales partout, mais si on commence au début et qu'on donne aux jeunes une raison de ne pas s'associer à un gang, ces mêmes jeunes vont commencer à monter leurs propres entreprises, parfois pour partir en cours de route, laissant la chance à quelqu'un d'autre de prendre la place. Cela fonctionne très bien.
    Un soir, ils ont présenté une pièce. C'était très bon. Je n'ai rien compris parce que je ne parle pas espagnol, mais c'était très beau à voir.
    Je sais que nous parlons parfois en termes militaires ou gouvernementaux, mais il arrive que nos contacts dans ces pays soient des gens ordinaires. Peut-être qu'un programme comme celui-là pourrait voir le jour ailleurs aussi, donnant à d'autres une raison pour ne pas faire partie d'un gang.

  (1350)  

    Si vous me permettez d'intervenir — je pense que Jeff en a aussi parlé — mais si vous voulez convoquer d'autres témoins, j'espère que des représentants de l'ACDI pourront venir vous parler de leurs programmes, parce que c'est un pays de concentration pour l'ACDI. Le programme dont vous parlez est quelque peu différent, mais il y a aussi les projets du Fonds canadien au Honduras et en El Salvador, par exemple, qui financent ce genre d'initiative.
    Vous avez tout à fait raison, monsieur, parce que si on pose la question aux membres d'un gang de rue, ils vous diront qu'ils préféreraient de loin faire quelque chose plutôt que d'appartenir à un gang. Mais très peu de possibilités s'offrent à eux, et le travail se fait rare. Ils sont endoctrinés à un très jeune âge, et ils sont mis dans des situations qui les conditionnent à faire partie du gang et à composer avec les horreurs dont ils sont témoins. Quand ils y sont entrés, il est très difficile de les en sortir. Malheureusement, s'ils ont été incarcérés, c'est encore pire, car souvent — et surtout en Amérique centrale — les prisons deviennent des incubateurs à criminels et ils gèrent leurs activités criminelles de l'intérieur des murs de la prison, alors c'est aussi très dangereux.
    Pour ce qui est du commerce, nous allons en discuter un autre jour, mais je tenais quand même à préciser que pour être allé dans la région, je peux vous dire que les investissements du Canada sont importants. L'entreprise de vêtements Gildan, par exemple, est le plus grand employeur privé du Honduras. Le premier ministre a d'ailleurs visité les installations lors de son séjour au Honduras en 2011. On parle de 15 000 Honduriens qui ont un travail grâce à un investissement canadien. L'entreprise a investi plusieurs centaines de millions de dollars pour produire des gilets, des bas et différents vêtements pour les magasins Walmart et les centres commerciaux d'Amérique du Nord.
    C'est très important, parce que cet investissement à San Pedro Sula, la capitale des affaires, offre des possibilités incroyables pour les jeunes gens. On leur offre un salaire supérieur au salaire minimum. Les avantages sociaux sont très impressionnants. Les installations sont très belles. J'y suis allé peut-être quatre fois. Chaque jour, entre 100 et 150 personnes viennent faire la file aux portes de l'usine. Ils arrivent de partout au Honduras pour trouver un emploi. Donc, en ce sens, nous leur offrons une possibilité, un milieu de travail stable et un environnement sécuritaire, et ils produisent des choses dont nous avons besoin et que nous allons acheter.
    C'est le genre d'investissement que nous aimons, et j'estime qu'il est important qu'un accord de libre-échange favorise un contexte propice aux investissements. Les échanges commerciaux augmentent à la conclusion d'un tel accord, en ce qui a trait au volume et à la valeur, et les investissements suivent généralement les tendances commerciales. Le commerce peut suivre les investissements, mais dans ce cas-ci, l'investissement a déjà été fait. Un accord de libre-échange devrait susciter plus d'investissements et mettre les investisseurs en confiance.
    Il en va de même pour le secteur minier. Nous sommes très actifs dans le secteur minier, et c'est très important pour le Honduras, car il compte beaucoup sur les investissements étrangers pour créer de l'emploi. En l'absence de tels investissements, les options qui s'offrent aux Honduriens sont les gangs, le trafic de drogues ou l'immigration aux États-Unis. On sait qu'entre 10 à 20 p. 100 de la population d'Amérique centrale a migré aux États-Unis en raison du peu de possibilités qui lui sont offertes. Le PIB de ces pays dépend aujourd'hui des envois de fonds en provenance des États-Unis et du Canada, parce que beaucoup de gens sont partis. C'est une part importante de leur PIB.
    Je ne veux pas prendre trop de temps, mais le programme des travailleurs est important, peu importe si on croit ou non qu'il est approprié de donner du travail à ces personnes. Pour les Honduriens qui retournent au Honduras après avoir passé deux ans au Canada... J'ai rencontré le premier groupe qui s'en allait à Brooks, en Alberta, pour travailler dans le secteur de la transformation de la viande dans le cadre de ce programme. Ils sont revenus deux ans plus tard avec 20 000 $ en poche. Avec cette somme, ils pouvaient acheter une belle et solide maison de briques, se procurer des choses pour la maison et subvenir aux besoins de leurs familles, en plus de générer des revenus et des activités commerciales dans leurs collectivités respectives. Ce fut une expérience incroyable pour eux. Certains ont appris les rudiments de l'anglais. Ils ont appris à se servir d'un ordinateur pour la première fois. Ils sont retournés chez eux avec suffisamment d'argent — 10 000 $ ou 20 000 $ — pour acheter une belle maison dans la campagne hondurienne.
    En ce sens, nous aidons aussi le développement et la création de revenus et d'emplois pour les collectivités participantes au retour des travailleurs. Pas un seul de ces travailleurs ne reste ici. Ils retournent là-bas parce que leur contrat est terminé. C'est un programme légal, et ce sont des employés tout à fait responsables.

  (1355)  

    Merci, monsieur Schellenberger.

[Français]

    Nous passons maintenant à Mme Groguhé.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord remercier nos témoins pour les données dont ils nous ont fait part.
    Je voudrais revenir sur la question des violations des droits de la personne. Il me semble — comme on l'a abordé plus tôt — qu'il est important d'avoir des données et la possibilité d'évaluer les progrès qui ont été accomplis en matière de droits de la personne. Bien évidemment, la Commission de la vérité et de la réconciliation nous a fait part de certaines conclusions, mais je pense que, à l'heure actuelle, il faudrait aussi avoir des données probantes vis-à-vis de la situation actuelle et de voir l'évolution et l'évaluation au chapitre de la violation des droits.
    Il y a plusieurs rapports que vous pouvez consulter ou que nous pouvons vous transmettre sur la situation des droits de la personne et sur l'impact de ces réformes sur l'État hondurien.
    Des données concrètes.
    Parfois, ce n'est pas évident. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
    En ce qui a trait à la Commission de la vérité et de la réconciliation, je crois qu'elle a permis de faire certains progrès. Toutefois, le défi demeure. En effet, comme je le disais, certains éléments dans ce pays ne sont pas tellement intéressés à faire avancer les réformes. Par conséquent, il y a des tensions au sein du gouvernement et du Cabinet avec d'autres secteurs du pays qui ne sont pas tout à fait favorables à ces changements.
    Par ailleurs, l'élément constitutionnel est fondamental pour le Honduras. Je pense que, à la suite du coup d'État et de tout ce qui s'est passé, on reconnaît maintenant que ce pays a besoin d'une réforme constitutionnelle pour pouvoir faire des changements. En effet, la rigidité de cette constitution a, d'une certaine façon, provoqué les tensions et le coup d'État de juin 2009.

  (1400)  

    C'est exact.
    Je voudrais aussi aborder les questions de gouvernance puisqu'elles me semblent être au coeur d'un système politique qui se cherche et qui recherche la stabilité. À cet égard, pensez-vous qu'il y a actuellement suffisamment de stabilité pour évoluer vers une démocratie pleine et entière? Que faudrait-il faire? Comment pouvons-nous évaluer et favoriser le progrès, et donner les moyens au Honduras d'aller vers une pleine et entière stabilité sur le plan de la gouvernance?
    Je dirais que c'est une démocratie en ce sens qu'il y a eu des élections. J'étais là pour l'élection du président Lobo et j'ai trouvé que le processus était transparent, et ce, dans un contexte difficile.
     À la fin de cette année, il y aura d'autres élections au Honduras, l'élection présidentielle et celle pour le Congrès. À cet égard, l'institution est forte, mais derrière elle, certains secteurs, certains ministères et certaines institutions ne sont pas forts. Nous devons appuyer une bonne gouvernance et aider à améliorer la capacité de gouverner dans un contexte assez complexe et difficile. Néanmoins, à première vue, c'est une démocratie transparente et ouverte, et on va célébrer des élections cette année. Il y aura un nouveau président au mois de janvier prochain. Derrière cela, il y a encore des défis. On parle aujourd'hui du Honduras, mais ce sont des défis qu'on voit ailleurs dans la région, surtout en Amérique centrale.
    J'aimerais ajouter que le rapport de la Commission de la vérité et de la réconciliation a fait des recommandations sur la gouvernance et la démocratie dans le pays. Il y a des défis à relever dans ce pays. Le but de plusieurs recommandations du rapport est d'éviter que, à l'avenir, il y ait un autre coup d'État. C'est un document clé.
    Absolument.
    De quelle façon pouvons-nous évaluer les chances de réconciliation politique à long terme dans ce pays?
    C'est une bonne question. Encore une fois, je vous suggère d'inviter M. Kergin à faire une présentation puisqu'il a été membre de la commission à titre de représentant canadien. Il a rencontré des groupes dans tout le pays et il a beaucoup d'expérience sur les sentiments des habitants du Honduras.
    Pour ma part, je pense qu'ils sont engagés dans un processus de réconciliation, mais il y a encore beaucoup de tensions qui existent depuis 2009. Il est intéressant de voir que parmi les candidats à la présidence, il y a l'épouse de l'ancien président Zelaya qui a créé un autre parti politique. C'est un troisième parti politique dans le système hondurien. Elle se présente maintenant comme candidate à la présidence pour le mois de novembre. Il ne peut pas se présenter, mais elle le peut. C'est un autre élément à suivre. Les sondages montrent qu'il y a un certain appui pour elle.
    On voit que les groupes qui étaient en faveur de M. Zelaya à l'époque — des gens des campagnes, des syndicats, des universitaires — commencent à former une coalition autour de Mme Zelaya. Pour moi, c'est une bonne chose, parce que cela démontre la capacité du système d'accepter un autre parti et un autre mouvement qui reflètent un peu ceux qui étaient impliqués dans les tensions de 2009. Cela reflète une démocratie vivante qui peut être flexible et avoir de l'espace pour le point de vue des groupes qui étaient derrière Manuel Zelaya pendant la crise de 2009.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Votre période de temps est écoulée, mais je vous accorde encore quelques minutes.
    Dans votre rapport, vous avez parlé de la présence de l'ACDI et du volet de l'éducation. L'ACDI, avec ses programmes éducatifs, peut-elle faire le poids — excusez mon expression — face aux gangs et au trafic de drogues qui représente une économie parallèle, une économie facile?
    Comment l'ACDI peut-elle constituer une force véritable face à ces cartels et ces criminels?
    Je vous propose d'inviter les gens de l'ACDI. Il m'est difficile d'en dire beaucoup à cet égard. J'ai noté quelques éléments de leurs activités, mais j'hésite à faire des commentaires concernant leur approche.
    Il est vrai que l'éducation et la sécurité alimentaire sont des facteurs clés au Honduras. J'en ai fait l'expérience avec le Programme alimentaire mondial qui offre tous les jours des déjeuners chauds aux jeunes enfants dans les petites classes. On a vu l'impact d'avoir un repas chaud et sain, fait de haricots frits, de fèves, de riz et d'un petit morceau de viande. Je mentionne cela simplement parce qu'il s'agit d'un programme que nous appuyons avec le Programme alimentaire mondial. Ce programme a des répercussions directes sur les résultats scolaires. En effet, les enfants viennent à l'école parce qu'ils n'ont rien à manger à la maison. Une fois rendus à l'école, ils sont certains d'avoir au moins un bon repas chaud pendant la journée. Les parents sont contents parce que s'ils ne peuvent pas leur offrir un repas chaud, ils savent qu'il y en aura un à l'école.
    Cela a aussi des répercussions sur le fait que les enfants restent à l'école. Ils ont de bons résultats scolaires parce qu'ils mangent. Ils sont plus alertes, plus actifs et ils ont de meilleures notes. Ce modeste programme constitue donc un grand succès. À notre avis, c'est très positif. Cela fait en sorte que les enfants restent à l'école parce qu'ils savent qu'ils auront un repas chaud pendant la journée. Au Canada, nous ne pensons pas vraiment à cela, mais dans ces pays, c'est très important.
     Je vous invite donc à discuter de ce genre de sujets avec des représentants de l'ACDI.

  (1405)  

[Traduction]

    J'ai laissé les autres interventions s'étirer, et j'ai interrompu M. Sweet pile à l'heure tantôt, alors je vais lui permettre de poser une dernière question.
    Ce sera très rapide. Le Canada a 15 autres partenaires dans cette entente avec le Honduras. Devons-nous les encourager à faire des investissements équivalents? Je suis certain que les États-Unis sont du nombre et qu'ils investissent déjà beaucoup, mais est-ce que tous les partenaires font des investissements à peu près équivalents?
    Je dirais que l'Union européenne domine les investissements, ne serait-ce que par la taille du budget de son programme de développement. Les États-Unis investissent beaucoup aussi. Il y a aussi la Banque mondiale et d'autres, qui forment la Banque interaméricaine de développement. Je pense que les ressources sont là et que la collaboration est bonne, et le Canada assure généralement un bon leadership au sein du G-16 pour différentes initiatives.
    Il est aussi important de souligner que le G-16 travaille avec le gouvernement pour établir les objectifs et le plan de développement, et pour faire des critiques lorsque les choses ne vont pas comme elles le devraient. C'est un des rares pays où les bailleurs de fonds s'impliquent et font connaître leur opinion, pas tellement sur les décisions politiques, mais sur les décisions budgétaires, les priorités de développement et les violations des droits de la personne. Nous y allions en groupe durant la période du coup d'État pour exprimer nos préoccupations à propos d'incidents relatifs aux droits de la personne qui avaient été portés à notre attention. C'est un groupe très dynamique. Il se concentre principalement sur le programme de développement, mais il s'intéresse à d'autres dossiers selon les besoins, notamment la gouvernance et le respect des droits de la personne.
    Merci, monsieur Reeder.
    Nous devons nous arrêter ici. Merci à nos témoins. Je dois malheureusement vous demander de quitter la salle, car nous allons poursuivre la séance à huis clos. En fait, je dois demander à tout le monde de quitter la salle, sauf, bien sûr, les membres du comité.
     Nous allons faire une courte pause.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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