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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, en ce 17 mai 2012, nous tenons notre 39e séance.

[Traduction]

    Nous reprenons notre étude sur l'utilisation de la violence sexuelle contre les femmes comme arme de guerre en République démocratique du Congo.
    Je rappelle aux membres du comité et à nos témoins que la séance d'aujourd'hui est télévisée. Ne faites ni ne dites rien que vous ne voudriez pas que votre mère voie ou entende, parce qu'elle vous regarde peut-être.
    Notre invitée d'aujourd'hui est Kristin Kalla, de la Cour pénale internationale.
    Madame Kalla, nous vous invitons à commencer votre témoignage. Merci d'être ici.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais remercier le sous-comité de me donner l'occasion de vous parler de la violence sexuelle contre les femmes dans la République démocratique du Congo.
    C'est également un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui, car les racines de la famille de ma mère étaient ici à Ottawa et remontent au début des années 1800, lorsque mes ancêtres sont arrivés du pays de Galles et de l'Irlande. Je suis ravie d'être ici.
    Je m'appelle Kristin Kalla, et je suis la responsable principale du Fonds au profit des victimes, et également fonctionnaire hors classe à la Cour pénale internationale de La Haye. En tant qu'anthropologue en santé publique internationale se spécialisant dans la santé reproductive des femmes, j'ai passé la majeure partie des 25 dernières années à vivre et travailler dans des collectivités qui ont subi des violences graves et chroniques, des conflits et des violations des droits de la personne en Afrique, au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Asie centrale. J'ai été témoin du coût humain horrible de la guerre et de la violence qui dévastent les peuples, les sociétés et les structures qui les appuient.
    Il y a 55 ans, les Nations Unies ont reconnu, pour la première fois, l'effet dévastateur des pires crimes contre l'humanité, notamment du génocide. Le Statut de Rome a ensuite repoussé les frontières de la justice internationale, en conférant un rôle de premier plan aux victimes elles-mêmes dans un outil international alliant un tribunal, la Cour pénale internationale, et un mécanisme de réparation, le Fonds au profit des victimes, dont la responsabilité est d'offrir aux victimes de crimes relevant de la compétence de la CPI une aide à la réhabilitation ainsi qu'un dédommagement.
    Au sujet de son premier rôle, la CPI peut ordonner que les sommes d'argent et les autres biens provenant des amendes et des confiscations à la suite d'une condamnation soient transférés au fonds pour la mise en oeuvre des ordonnances de réparation. Cependant, le fonds peut également bonifier ses ressources par des contributions volontaires des États et d'autres donateurs. Notre conseil de direction peut déterminer dans quelle mesure le fonds bonifiera les réparations accordées par la cour, conformément à la règle 56 du règlement du fonds.
    L'aide générale aux victimes offerte par le fonds provient des contributions volontaires. Elle est utilisée avant la fin du procès à la CPI et ne se limite pas aux victimes participant aux procédures devant la cour. L'aide à la réhabilitation peut débuter une fois que le conseil de direction a avisé la Chambre préliminaire de la nécessité d'aider les victimes, tant que cela n'a pas d'effet sur l'équité du procès, tel que prévu par la règle 50 du règlement du fonds.
    Le mandat d'aide agit comme une réponse immédiate aux besoins urgents des victimes survivantes et leurs familles qui ont souffert des pires crimes en matière de droit international. Par son travail exhaustif dans les situations où les procédures de la CPI sont en cours, le fonds a créé une présence sur le terrain qui peut servir à renseigner la cour sur les besoins des victimes et les réalités concrètes des situations pertinentes, de même que prévoir un mécanisme pour offrir les réparations. Le Fonds au profit des victimes apprend des leçons utiles à propos du rôle unique qu'une cour pénale internationale peut jouer pour s'occuper des droits et des besoins des victimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Par des activités régulières de surveillance, d'évaluation et de recherche ciblée, le fonds documente et diffuse ses leçons pour approfondir son travail.
    Or, le droit pénal international n'est pas axé sur les victimes, et ceux qui attendent réparation par l'entremise des règlements judiciaires internationaux ont toujours été mis en garde contre tout excès d'optimisme quant aux résultats. Même si la question des victimes commence à occuper une place prépondérante dans le droit international relatif aux droits de la personne et dans le droit humanitaire, les recours mis à la disposition des victimes demeurent insuffisants et incohérents.
    En outre, même s'il est notoire que les femmes jouent un rôle crucial pendant et après les violences en cherchant les victimes ou leurs restes, en exigeant que justice soit faite et en ne ménageant aucun effort pour soutenir et reconstituer les familles et les collectivités, il reste que la plupart des programmes de justice et de réparation n'ont pas été conçus dans un esprit d'égalité des sexes et que la réflexion théorique sur les mesures à prendre pour corriger la situation est très peu avancée.
    La CPI s'occupe officiellement de cas liés aux conflits dans le Nord de l'Ouganda, au Darfour, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Kenya, dans la foulée de la violence postélectorale, en Libye et maintenant en Côte d'Ivoire.
    Aujourd'hui, je ne parlerai que d'une seule situation qui occupe le fonds depuis 2007, celle qui prévaut en RDC.
    Les conflits et l'insécurité perdurent dans les provinces de l'est de la RDC. Selon des rapports des Nations Unies, les conflits ont fait cinq millions de morts parmi les civils depuis les années 1990.

  (1310)  

    En novembre 2003, le gouvernement congolais a demandé à la CPI d'ouvrir une enquête et de poursuivre les auteurs des pires crimes, et en mars 2004, les premiers cas ont été renvoyés devant la cour. Des procès sont en cours, et une première condamnation a été prononcée dans l'affaire Lubanga il y a seulement quelques mois.
    Depuis, de multiples rapports bien documentés faisant état d'assassinats collectifs, d'exécutions sommaires, de viols systématiques, de tortures, de déplacements forcés et d'utilisation illégale d'enfants-soldats ont été publiés. On estime qu'au plus fort des six années de guerre en RDC, plus de 33 000 enfants participaient aux combats au sein de groupes armés et que près de 30 p. 100 d'entre eux étaient des filles. Depuis 1996, les violences sexuelles ont été utilisées pour intimider, humilier et torturer des centaines de milliers de femmes et de filles en République démocratique du Congo.
    Il est reconnu que la violence sexuelle contre les femmes et les filles est la forme de violence la plus courante et la forme de criminalité la plus répandue. Le viol est devenu une arme de guerre utilisée pour punir les collectivités de leur loyauté politique, ou aux fins de nettoyage ethnique.
     Le Fonds des Nations Unies pour la population a signalé 16 000 nouveaux cas de violence sexuelle à la grandeur du pays en un an seulement, dont près de 5 000 au Nord-Kivu seulement. Les Nations Unies ont également signalé qu’au cours de la même période, plus de 65 p. 100 des victimes de viol étaient des enfants, majoritairement des filles, et que près de 10 p. 100 avaient moins de 10 ans. Comme la plupart des victimes renoncent à signaler le viol en raison de la honte qu’elles ressentent et de la peur des répercussions sociales, ces chiffres doivent être considérés comme un strict minimum. En RDC, l’esclavage sexuel et d’autres formes de violence sexuelle et sexiste ont également fait de nombreuses victimes chez les enfants soldats, filles et garçons.
    Force est de reconnaître que notre réponse collective à ces violences est inefficace et que notre échec à réagir en tant que communauté internationale ne fait que s’amplifier avec le temps parce que les répercussions des violences sexuelles perdurent longtemps après la perpétration de l’acte, fragilisant et menaçant tout espoir de paix, de réconciliation et de sécurité. La communauté internationale contribue à la sécurité, la stabilité et la reconstruction, mais elle oublie les répercussions à court et à long terme des violences sexuelles utilisées comme tactique de guerre.
    Les conséquences à long terme de la violence sexuelle sont multiples, non seulement sur le plan médical, mais également sur les plans psychologique et socioéconomique. Les séquelles physiques sont diverses: membres coupés ou cassés, brûlures corporelles, fistules rectovaginales, infections transmises sexuellement, grossesse, incontinence urinaire et même mort. En RDC, il est très difficile de traiter efficacement ces blessures et de nombreuses rescapées demeurent malades ou défigurées à vie. Plus la victime est jeune, plus les séquelles sont graves. Les jeunes filles qui n’ont pas atteint leur plein développement risquent d’avoir des problèmes à l’accouchement pouvant causer des fistules et même leur décès
    Les répercussions psychologiques et sociales sont également nombreuses, par exemple, le trouble de stress post-traumatique, la dépression et même le suicide. Ces séquelles sont particulièrement graves lorsque des hommes ont été forcés à la pointe du fusil d’agresser sexuellement leurs propres filles, leurs soeurs ou leur mère, parfois au moyen d’objets.
    Sur le plan social, la conséquence la plus courante est la mise à l’écart de la victime par sa famille et sa collectivité. Les victimes de viol sont souvent considérées comme impures, sont fréquemment abandonnées par leur mari et, si elles ne sont pas mariées, elles ont de la difficulté à se trouver un mari. Poussée à l’extrême, cette stigmatisation peut prendre la forme de crimes d’honneur – la victime est tuée par sa famille ou des membres de la collectivité parce que, selon la croyance, elle leur a apporté la honte et le déshonneur. Les jeunes femmes ou les filles qui sont rejetées de chez elle ou qui quittent leur famille parce qu’elles ont honte risquent d’être encore plus vulnérables aux abus.
    En RDC, l’enrôlement forcé d’enfants dans l’armée ne fait qu’aggraver ces séquelles psychologiques. Les filles soldates victimes de violences sexuelles subissent des conséquences particulières de la période qu’elles ont passée au sein des forces armées ou des groupes armés. La réprobation dont elles sont l’objet est d’une nature foncièrement différente: elle dure beaucoup plus longtemps, est nettement plus difficile à combattre et est plus marquée, surtout lorsqu’un enfant naît de cette épreuve.

  (1315)  

    Un psychanalyste travaillant dans le cadre de l’un de nos projets d’assistance en RDC a présenté au fonds un rapport faisant état du traumatisme intellectuel et émotionnel vécu par les filles soldates qui avaient de jeunes enfants. Selon des psychologues, les séquelles psychologiques du conflit ne sont pas les mêmes chez les filles que chez les garçons. En plus d’être stigmatisées et marginalisées comme des « rebelles », comme les garçons, la plupart des filles ont subi des violences sexuelles. Elles sont donc traumatisées, n’ont plus d’estime de soi et, lorsqu’elles retournent chez elles, elles sont rejetées par leur collectivité et leur famille.
    En 2010, le Fonds au profit des victimes a entrepris une étude auprès de quelque 2 600 rescapées du nord de l’Ouganda et de la RDC afin que nous puissions mieux comprendre les répercussions des violences et analyser les diverses attitudes en matière de réadaptation, de réconciliation, de justice et de réparation. L’une des conclusions intéressantes de notre étude est la dimension sexospécifique des répercussions des violences; autrement dit, les répercussions ne sont pas les mêmes pour les femmes et les filles que pour les hommes et les garçons. Notre étude indique que, parmi les bénéficiaires du Fonds, les séquelles psychologiques et sociales sont plus graves chez les femmes. Cela explique pourquoi les femmes ont une attitude différente des hommes en ce qui a trait à la justice, la réhabilitation, la réparation et la réconciliation.
    À toutes les questions sauf une, les femmes ont dit avoir éprouvé des symptômes psychologiques plus graves et entretenir des relations plus difficiles avec leur famille et leur collectivité. Les femmes et les filles ont été deux fois plus nombreuses à répondre que leur famille ne se souciait « pas du tout » d’elles. Elles ont également été deux fois plus nombreuses que les hommes à dire qu’elles se sentaient souvent « tristes » et presque deux fois plus nombreuses à dire qu’elles se sentaient souvent seules. Le tiers des femmes et des filles ont affirmé se sentir souvent « éloignées ou coupées des autres », comparativement au cinquième des hommes et des garçons. Dans l’ensemble, dix pour cent des répondantes ont affirmé n’avoir aucune confiance en leur collectivité et autant ont répondu avoir l’impression de ne pas être importantes du tout au sein de leur collectivité.
    Au cours de notre enquête, nous avons également rencontré des filles soldates victimes de viol – 68 p. 100 ont déclaré être toujours maltraitées par leur collectivité d’origine, comparativement à 26 p. 100 des garçons soldats interrogés.
    Les jeunes mères d’un enfant né d’un viol étaient, quant à elles, non seulement marginalisées au sein de leur propre collectivité, mais elles vivaient un tourment constant entre leur amour maternel et le souvenir du viol que l’enfant évoque chez elles. Nous devons donc veiller à ce que les enfants nés d’un viol soient acceptés au sein de la collectivité, qu’ils jouissent des mêmes droits que les autres enfants et que leurs besoins fondamentaux soient satisfaits.
    Notre étude révèle que les besoins quotidiens concrets et urgents des rescapées vivant dans un milieu pauvre en ressources et les violences qu’elles ont subies durant un conflit, façonnent l’opinion de ces victimes en ce qui a trait à la justice, la réconciliation, la réparation et la responsabilité. Lorsqu’on leur a demandé si elles avaient l’impression que justice leur avait été faite, plus de 70 p. 100 des jeunes mères victimes de viol en DRC ont répondu non, comparativement à 21 p. 100 des anciens garçons soldats et 17 p. 100 des enfants rendus vulnérables à cause de la guerre.
    En vertu du Statut de Rome, le viol et les autres formes de violence sexuelle peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité et un génocide. En ce qui concerne les cas dont s’occupe la CPI, des accusations de crimes sexistes ont été portées dans sept des treize affaires dont la Cour est saisie. Des accusations de crimes sexistes ont également été portées dans l’affaire Katanga-Ngudjolo.
    L'aide que le fonds apporte aux victimes de violence sexuelles et sexospécifiques constitue une étape clé pour mettre fin à l'impunité des coupables, établir une paix et une réconciliation durables dans le contexte d'un conflit et appliquer avec succès les résolutions 1325, 1820, 1880 et 1889 du Conseil de sécurité de l'ONU. Trois stratégies sont employées à cet effet: premièrement, veiller à intégrer systématiquement à tous les programmes l'analyse comparative entre les sexes; deuxièmement, cibler spécifiquement les crimes de viol, d'esclavage, de grossesse forcée, ainsi que toutes les formes de violence sexuelle et sexospécifique; troisièmement, permettre aux femmes et aux filles de prendre contrôle de leur destinée, point de départ essentiel à tout processus de réadaptation, de réconciliation et d'établissement de la paix.

  (1320)  

    Le fonds finance actuellement 34 projets visant quelque 82 000 rescapées et leurs familles, en Ouganda et en RDC. Parmi ces bénéficiaires, il y a plus de 5 000 victimes de violences sexuelles et sexistes, dont 200 filles enlevées ou enrôlées et réduites en esclavage sexuel par des groupes armés et 780 enfants de femmes victimes de campagnes de viol systématique ou chassées de là où elles habitaient.
    Le fonds épaule ses partenaires locaux et internationaux, comme Oxfam-Québec, qui offrent des programmes de réadaptation physique et de réhabilitation psychologique ainsi qu’un soutien matériel. Ces mesures d’aide sont définies par la loi et peuvent prendre diverses formes.
    Dans le cadre de la réadaptation physique, mentionnons la chirurgie reconstructive, la chirurgie générale, l’extraction de balles ou de fragments de bombe, les prothèses et appareils orthopédiques, l’orientation vers des services de santé pour traitement de fistules et, pour le VIH, les tests de dépistage, le traitement, les soins et le soutien.
    Dans le cadre de la réhabilitation psychologique, on trouve le soutien post-traumatique individuel ou en groupe, la création de groupes de musique, de danse ou de théâtre afin de favoriser la cohésion sociale et la guérison, la sensibilisation communautaire aux droits des victimes et la promotion de la réconciliation.
    Le soutien matériel comprend l’accès à des habitations sécuritaires, la formation professionnelle, les programmes de réinsertion des anciens enfants soldats, l’aide à l’épargne et à l’emprunt dans les villages, les bourses d’études et les cours d’alphabétisation accélérés.
    Le fonds a lancé plusieurs projets dont les principales intervenantes sont des femmes et des filles touchées par la guerre. L’un de ces projets donne une idée de l’ampleur des violences sexuelles perpétrées en RDC et du potentiel d’espoir que représentent ces femmes et ces filles qui reçoivent un soutien.
    À titre d’exemple, le fonds aide un de nos partenaires internationaux de la province d’Ituri, dans l’est du Congo, à mettre en oeuvre un programme d’apprentissage accéléré et un centre de jour pour les filles qui ont donné naissance pendant leur captivité. Ces filles sont souvent mises au ban de leur collectivité en raison de leur passé de soldate et des violences sexuelles qu’elles ont subies. Le fait d’avoir un bébé est un motif supplémentaire de stigmatisation sociale, un obstacle aux études et un fardeau économique constant. Lorsqu’elles reviennent dans leur famille avec leur enfant, bon nombre d’entre elles sont rejetées par leurs propres parents.
    Les efforts doivent surtout viser à sensibiliser les parents d’anciennes soldates à leurs responsabilités afin qu’ils jouent un rôle dans l’éducation et la réhabilitation de leur fille et de leur petit-enfant – il est important de rétablir le lien entre ces filles, leurs enfants et leurs familles.
    À titre d’exemple, le fonds a financé des comités de parents et les a encouragés à s’engager dans des activités lucratives pour payer les frais de scolarité de leurs filles. Cette assistance à long terme s’accompagne d’un soutien psychologique ainsi que de mesures de sensibilisation et d’éducation à la paix. L’école financée par le fonds offre aux filles la chance de rattraper le temps perdu pendant leur captivité et d’établir un lien positif avec leur enfant.
    Ce projet, qui en est à sa quatrième année, continue d’avoir une incidence positive sur plusieurs fronts. L'effet le plus immédiat, le plus fort, est de renforcer le lien mère-enfant. En s'occupant de leurs enfants à la garderie du centre, les jeunes mères s’aperçoivent qu’elles ne sont pas seules et que leur bébé peut parfois être une source de fierté. Au bout de quelques mois seulement à l’école, la plupart des filles se mettent à porter leur enfant en public, habillées de l’uniforme de l’école. C’est indiquer on ne peut plus clairement qu’être mère et élève, loin d’être une honte, est une réussite remarquable.
    Au Sud-Kivu, le fonds soutient l’organisme local Action for Living Together – ou ALT – actif à Bukavu depuis 1999. En collaboration avec l’hôpital général Panzi de Bukavu, ALT gère le foyer de transition DORCAS pour les rescapées de violences sexuelles qui ne peuvent retourner chez elles après leur traitement.
    L’hôpital général Panzi traite une dizaine de victimes d’agression sexuelle par jour, soit 3 600 cas en moyenne par année. Depuis 2000, l’hôpital a traité quelque 16 000 victimes de viol, dont certaines souffrant de fistule obstétricale. Les rescapées peuvent vivre à la maison de transition aussi longtemps qu’elles le souhaitent et suivre des cours de lecture, d’écriture et d’artisanat.

  (1325)  

    Beaucoup de nos partenaires comptent, parmi leur personnel, des intervenants, des travailleurs sociaux et des conseillers qui travaillent auprès des victimes de violences sexuelles. Au Nord-Kivu, par exemple, l’un de nos partenaires emploie une psychologue à temps plein chargée de développer des capacités locales de traitement des traumatismes liés à la violence sexuelle et sexiste, notamment au moyen d’une formation en thérapie et en techniques d’entrevue. Dans le cadre de son travail, la formatrice interagit directement avec les plus traumatisées des 550 bénéficiaires de ce projet financé par le fonds.
    Une femme violée par un soldat démobilisé au Nord-Kivu était incapable de parler lors de sa première rencontre avec la conseillère qui voulait connaître son histoire. Elle ne communiquait que par gestes. Selon la conseillère, la femme passait la journée enfermée dans sa chambre à pleurer, dégoûtée de la vie. Au début, elle refusait tout traitement, puis elle a commencé à s’ouvrir et à parler de son traumatisme d’abord à la conseillère et ensuite au groupe de femmes que cette dernière réunissait périodiquement pour raconter leur expérience. Cette femme a raconté, qu’avant le traitement, son coeur battait très vite et qu’elle ne pouvait le contrôler. Elle était épuisée à cause de ses crises de panique. Aujourd’hui, grâce aux séances de thérapie, elle constate que son coeur est en voie de guérison. Lors de sa dernière séance de groupe, elle a avoué qu’elle avait fini par pardonner à l’homme qui l’a violée et que, maintenant que le pire de sa dépression et de son stress était derrière elle, elle voulait désormais concentrer toute son énergie à l’atelier de couture qu’elle avait mis sur pied grâce au fonds.
    Il est important que la communauté internationale et les autorités nationales de pays comme la RDC soutiennent le développement et le renforcement des mécanismes judiciaires conçus pour offrir recours et réparation aux victimes de violences sexuelles et sexistes. Bien qu’il soit impossible d’effacer complètement le mal causé par ces crimes les plus graves, il est possible d’aider les rescapées de violences sexuelles à retrouver leur dignité, à rétablir les liens avec leur famille et leur collectivité et à regagner leur place comme membres à part entière de leur société.
    Nous avons eu la preuve que cela est possible grâce à notre programme d’aide à la réhabilitation en République démocratique du Congo financé par le Fonds de la Cour pénale internationale au profit des victimes. Pour protéger les victimes actuelles et à venir des traumatismes destructeurs et des coûts qu’entraînent les conflits, la communauté internationale doit œuvrer de concert à prévenir le déclenchement et la propagation des conflits violents. En remédiant aux causes profondes des conflits et en poussant à la résolution non violente de différends impliquant des femmes, nous favoriserons l’avènement d’un monde de paix. Le coût de la prévention est minuscule, au vu de celui des conflits meurtriers.
    Le fonds est encouragé par les efforts de ses courageux partenaires locaux. Plusieurs sont des femmes des collectivités locales qui travaillent sans relâche pour soutenir les rescapées de violences sexuelles et les aider à devenir autonomes. Nous sommes également reconnaissants envers des gouvernements qui, comme celui du Canada, au moyen de programmes bilatéraux, ont fait de l’aide aux rescapées de violences sexuelles de la République démocratique du Congo l’une de leurs priorités.
    Le fonds de la Cour pénale internationale compte sur les généreux dons des États membres et d’autres instances pour mener à bien ses programmes d’aide à la réhabilitation et de dédommagement. Bien que nous n’ayons encore jamais reçu de contribution volontaire de la part du Canada, nous espérons que notre rencontre d’aujourd’hui sera un premier pas vers une collaboration pour venir en aide aux rescapées d’actes de violences sexuelles et sexistes dans des situations relevant de la compétence de la CPI.
    Merci. N'hésitez pas à me poser des questions.

  (1330)  

    Merci beaucoup d'un exposé on ne peut plus complet.
    Je crois que les séances de questions seront très instructives pour nous.
    Nous allons commencer par M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Kalla, vous dites avoir travaillé 25 ans dans des zones où sévissent des violences graves et chroniques et des infractions aux droits de la personne. Je vous remercie d'être présente et de témoigner aujourd'hui. Merci aussi d'avoir accepté d'être témoin jour après jour de situations devant lesquelles certains d'entre nous battraient en retraite.
    Selon vous, quel type de relation entretiennent la CPI et le gouvernement congolais?
    Merci de votre question et de vos aimables propos.
    C'est un peu difficile à dire, étant donné qu'il y a un nouveau gouvernement. Il y a à peine une semaine, un nouveau ministre de la Justice a été nommé en République démocratique du Congo, de sorte que nous attendons toujours de voir. Sans doute que le procureur et le greffier ont beaucoup plus de contact avec le gouvernement de la RDC que le fonds.
    Je dirais que de notre côté, nous travaillons d'assez près au niveau provincial et que nous communiquons avec les responsables du programme de démobilisation pour les anciens enfants soldats. Un bon nombre de personnes nous sont renvoyées de la part des programmes du gouvernement pour les anciens enfants soldats. Cela contribue à les intégrer à notre programme d'assistance à la réhabilitation. Nous sommes dans une période de transition à l'heure actuelle en ce qui concerne le gouvernement de la RDC, de sorte qu'il est difficile d'en dire davantage.
    Très bien. Ainsi, vous êtes encouragés, à l'heure actuelle, par ce que vous avez vu jusqu'à maintenant? Vous avez de l'espoir?
    Je pense que nous avons de l'espoir, nous sommes d'un optimisme prudent.
    Très bien, c'est parfait.
    À la page 9 de vos observations, vous avez mentionné cette force croissante du lien mère-enfant, au point tel qu'elles portaient leur enfant tout en étant vêtues de leur uniforme scolaire notamment. Vous avez également passé beaucoup de temps à nous parler, à l'instar d'autres témoins, de cette situation qui est très sérieuse du point de vue culturel et social et à laquelle les femmes doivent faire face après avoir vécu la terrible brutalité d'un viol et tout ce que cela comporte psychologiquement et physiquement, et que, par la suite, elles sont reniées par leur propre collectivité. Pour ce qui est du lien mère-enfant et du fait qu'elles s'affichent davantage dans les lieux publics, percevez-vous des changements dans les attitudes culturelles à l'égard des femmes ayant été violées? Y a-t-il quelques lueurs d'espoir à cet égard également?
    Je pense que c'est un de nos meilleurs projets. Même s'il est relativement petit eu égard au nombre de femmes et leurs enfants et membres de leurs familles qui y participent, nous avons pu constater les effets positifs. En tant que spécialistes en sciences sociales, nous avons voulu agir avec le temps, de façon longitudinale, en faisant en sorte que les jeunes filles acceptent leurs enfants et que les familles acceptent ces filles et leurs enfants à leur tour au sein de la collectivité; je pense que c'est très inusité. Mon expérience de travail dans le développement d'efforts humanitaires, surtout dans le secteur de la santé, démontre que nous n'intervenions pas forcément de cette façon dans le cadre des programmes de lutte contre la violence sexuelle. Je pense que c'est un des exemples de projet où il faut mettre davantage l'accent sur ce genre de réponse, et qu'il faudrait peut-être également modifier d'autres programmes dans le même sens.
    Je pense que lorsque l'on met l'accent sur les jeunes mères, leurs enfants et leurs familles, on voit des changements très rapidement. Comme je l'ai dit, nous les avons vues au cours des quatre premiers mois pendant lesquels leurs parents les acceptaient et les aidaient en voyant que ces filles pouvaient retourner à l'école. Bien souvent, ils prenaient soin de leurs petits-enfants et les acceptaient de nouveau au sein de la famille. Alors oui, il y a de l'espoir.

  (1335)  

    Excellent.
    Vous avez mentionné quelque chose qui m'a surpris: c'est-à-dire que dans la RDC, 30 p. 100 des recrues d'enfants-soldats sont des femmes.
    C'est exact.
    Je sais que c'est un immense projet que de conseiller psychologiquement quelqu'un ayant été enfant-soldat et de le réintégrer dans la société. Sur les 30 projets et plus auxquels vous participez à l'heure actuelle, financez-vous des programmes pour permettre aux enfants-soldats de faire face à cette situation?
    Oui. En fait, 30 p. 100 d'entre eux sont des filles, mais, par ailleurs, les filles ont différents rôles à jouer lorsqu'elles sont conscrites et enrôlées. Bien souvent, elles ne se battent pas nécessairement sur le front, mais elles jouent le rôle d'épouses de brousse et deviennent des esclaves sexuelles, elles ont d'autres rôles à jouer. Mais elles comptent, en effet, pour 30 p. 100 dans le contexte de la RDC.
    Je pense qu'une des choses importantes à signaler, c'est également que le programme de désarmement, démobilisation et réintégration en RDC, ou le programme DDR, n'était pas forcément axé sur le genre. Je pense que ce programme a été évalué et qu'il s'agit d'une de ses faiblesses. Très peu de filles ont participé à ce programme en RDC, de sorte que bien souvent ces filles n'ont pas pu tirer profit des efforts de réhabilitation de la même façon que les garçons. C'est là où nous avons constaté une lacune dans ce programme et où nous avons décidé de mettre beaucoup l'accent pour ce qui est de nos efforts. Nous disposons de peu de financement, mais là où nous pouvons offrir le soutien nécessaire, nous voulons changer les choses. Nous avons vu qu'en mettant l'accent sur ces filles, notre soutien a été très efficace pour ce qui est de leur permettre de se rétablir et de réintégrer la société et nous les formons également afin qu'elles puissent s'adonner à une activité leur permettant de gagner leur vie. Par exemple, nous avons établi des organismes d'épargne et de crédit dans les villages avec l'aide de certaines de ces jeunes femmes afin qu'elles puissent travailler ensemble et s'appuyer mutuellement.
    Encore une fois, je pense qu'il reste beaucoup de travail à faire. C'était un petit effort, et je pense que d'autres programmes bilatéraux ou multilatéraux pourraient réorganiser une partie de leurs activités pour cibler plus particulièrement les filles soldates.

[Français]

    Monsieur Jacob, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Kalla, je vous remercie de venir témoigner à propos d'une situation très importante. Vous avez commencé à parler des forces et des faiblesses des mécanismes internationaux. J'irai donc au coeur de la question.
    Divers mécanismes sont en place à l'échelle internationale pour protéger les femmes contre la violence sexuelle pendant le conflit. Selon vous, quelles sont les principales forces et faiblesses des mécanismes internationaux, y compris le Fonds au profit des victimes, la Cour pénale internationale, les départements et agences de l'ONU ainsi que les initiatives diplomatiques?

[Traduction]

    Merci beaucoup de cette importante question.
    Je suppose que je répondrais qu'il n'y en a jamais suffisamment. Je pense qu'il existe des mécanismes, mais bien souvent, nous constatons qu'il y a des lacunes dans les initiatives mondiales. Si l'on examine ce qui se passe à la base et du point de vue des habitants du pays, on constate qu'il y a quelques fois un désaccord entre ce qui se passe à l'échelle des politiques internationales et mondiales. et l'aide et le soutien réel qui se rendent aux femmes dans la plupart des régions rurales du Congo, par exemple.
    Je pense que c'est dans ce sens que nous devons travailler en tant que communauté internationale pour contribuer à conjuguer nos actions, nos politiques et nos interventions politiques afin qu'elles répondent aux véritables besoins des femmes sur le terrain.
    Je pense que la communauté internationale doit également relever le défi de la coordination. Je pense que cela se constate non seulement dans ce cas, mais également dans d'autres circonstances. Comment pouvons-nous, relativement à nos avantages comparatifs, coordonner nos efforts de façon plus efficace et où cela devrait-il se faire?
    Par exemple, c'est certainement important de tenir des réunions à La Haye, mais bien souvent, la coordination doit avoir lieu à l'échelle du pays, dans la République démocratique du Congo, et même dans l'est du Congo.
    Je sais que de nombreuses réunions se tiennent à Kinshasa, et nous y participons bien souvent, mais à Kinshasa, c'est tout comme si nous étions à Bruxelles. Ce qui se passe dans l'est du Congo se trouve bien loin de la capitale. Encore une fois, comment pouvons-nous travailler ensemble pour coordonner nos efforts et inclure ce qui se fait sur place dans les collectivités? Je pense que c'est ce qu'il faut faire pour renforcer notre intervention.

  (1340)  

[Français]

    Merci.
    À votre avis, que pourrait faire le Canada pour renforcer et améliorer les initiatives dont vous parlez?

[Traduction]

    Certainement, dans le contexte du Congo, nous sommes encouragés par votre programme bilatéral qui met l'accent sur les victimes de la violence sexuelle. Je vous encourage certainement à continuer d'appuyer ces efforts et à les intensifier.
    Nous savons que notre principal partenaire international est un partenaire canadien. Malheureusement, comme je l'ai mentionné, les responsables d'Oxfam-Québec nous ont informés il y a à peine quelques semaines qu'ils allaient devoir se retirer progressivement de nos activités à cause du manque de financement qu'ils reçoivent du gouvernement canadien, de l'ACDI, à la suite des réductions auxquelles fait face le Canada ainsi que de nombreux autres pays dans le cadre de mesures d'austérité.
    C'est malheureux, car cela va affecter des milliers de victimes de violence sexuelle dans les Kivus, dans l'est du Congo. Nous devrons voir partir notre partenaire canadien et, encore une fois, nous devrons rechercher d'autres partenaires qui travailleront à nos côtés et qui pourront mobiliser d'autres soutiens.
    Par conséquent, nous vous encourageons à penser à cela et à revoir les réductions que vous apportez à vos programmes bilatéraux et multilatéraux. Nous vous encourageons également... Bien entendu, pour ce qui est du Fonds au profit des victimes, nous encourageons un partenariat avec le Canada. Comme je l'ai mentionné, nous n'avons pas de partenaire direct pour ce qui est du fonds et nous accueillerions certainement à bras ouverts ce genre de soutien à nos activités au Congo, soutien consacré aux victimes de violence sexuelle.

[Français]

    Voici ma dernière question. Selon vous, quelles sont les façons les plus efficaces, pour le Canada, de favoriser l'égalité des sexes et l'importance du respect des droits des femmes dans sa relation avec le gouvernement de la RDC?

[Traduction]

    C'est une bonne question, mais une question épineuse.
    C'est une très bonne question. Je dirais qu'il est certainement important de maintenir un dialogue ouvert. Je crois que nous avons besoin du Canada pour nous aider à intervenir auprès du gouvernement, en RDC, pour qu'il puisse être à l'aise de parler de cette question.
    Je sais que, dans le contexte du Congo, on a beaucoup hésité à nommer ce qui s'est passé dans l'est du Congo, en termes de violence sexuelle. Il n'était pas du tout à l'aise avec le fait d'en faire une priorité à l'échelle nationale, ni de se joindre à d'autres efforts internationaux sur cet enjeu. Nous encourageons le Canada à maintenir un dialogue ouvert pour contribuer à la sensibilisation et pour tisser des liens avec le gouvernement congolais pour qu'il sente qu'il existe un appui international qui lui permettrait d'aborder la question avec ses partenaires internationaux.

[Français]

    Merci, madame Kalla.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

    Monsieur Hiebert, s'il vous plaît.
    Merci, madame Kalla, pour de excellent témoignage.
    Je tiens à vous féliciter. D'après ce que vous avez dit, votre organisation et vous faites un travail fabuleux dans des circonstances très difficiles en apportant de l'espoir et un avenir à un grand nombre de ces victimes.
    Pensez-vous que le gouvernement congolais va pouvoir faire des progrès et traduire en justice les auteurs de ces crimes ou bien pensez-vous que cela va être relégué aux oubliettes et qu'il va tout simplement tourner la page?
    Je suis quelqu'un qui travaille pour la Cour pénale internationale, bien entendu, et nous avons un domaine de compétence bien précis qui est différent de l'aide apportée aux tribunaux nationaux. Je crois que certains programmes bilatéraux déploient beaucoup d'efforts pour renforcer les capacités. Je crois que c'est très important de renforcer la capacité des tribunaux nationaux et des initiatives de justice transitionnelle, mais je crois qu'il est difficile de répondre à votre question. Nous espérons que cela sera le cas. Il y a plusieurs autres initiatives au Congo, notamment les tribunaux itinérants dans l'est du Congo qui sont aidés par d'autres groupes internationaux. Mais pour être honnête avec vous, je crois qu'on pourrait en faire davantage et la CPI est un tribunal du dernier recours. C'est la RDC qui a renvoyé ces affaires devant la cour pour qu'elle fasse enquête donc, bien évidemment, le gouvernement congolais s'inquiétait peut-être du fait qu'il n'avait pas la capacité de le faire.
    Une fois de plus, je crois que nous espérons que la communauté internationale nous aidera à travailler avec le gouvernement congolais pour renforcer sa capacité à faire enquête sur ces types de crimes et à poursuivre les responsables, mais en même temps, la CPI va bien évidemment continuer à jouer son rôle par rapport à ces crimes.

  (1345)  

    Dans votre témoignage, vous avez souligné une partie du travail que vous faites pour venir en aide aux mères qui ont été victimes de violence sexuelle et les aider à revenir dans leurs familles et dans leurs collectivités, pour leur offrir une éducation, etc.
    A-t-on déjà fait des études sur les enfants qui sont nés à la suite de cette violence sexuelle pour voir quels ont été les résultats pour eux?
    Il y a plusieurs études. Nous en avons réalisé une et l'Université de Californie à Berkeley en a réalisé une autre. Je crois que l'ONU a fait plusieurs études. Bien entendu, il est difficile d'interroger des mineurs et des enfants, et ces études sont secondaires dans la mesure où vous allez sur place et vous examinez les familles pour voir ce qui s'est passé.
    Souvent, ces enfants sont plus vulnérables que les autres enfants dans la famille en raison du stigmate relié au viol. Souvent, ils ne sont pas acceptés par les pères ou les maris ni par les parents, ce qui signifie que souvent ces enfants ne sont pas capables d'aller à l'école ou de bénéficier du même apport nutritif que les autres, au sein du foyer.
    C'est pour cela qu'il est très important d'avoir des programmes qui visent précisément la vulnérabilité de ces enfants, et c'est pourquoi, encore une fois, nous nous concentrons là-dessus et pourquoi nous essayons d'encourager d'autres à le faire également.
    Quelle est la différence entre l'indemnisation ordonnée par la Cour pénale internationale et l'assistance générale offerte par votre fonds au profit des victimes?
    C'est une très bonne question.
    Une ordonnance d'indemnisation intervient évidemment après, une fois qu'il y a eu condamnation à la CPI. Nous avons maintenant une première condamnation dans l'affaire Lubanga. Principalement, le dédommagement serait financé par l'auteur, par la partie condamnée, au moyen d'amendes ou de confiscations, qui seraient liquidées et versées dans le fonds que nous serions chargés d'administrer pour l'indemnisation.
    Lorsque vous avez quelqu'un qui est condamné et qui est indigent, ce qui ressemble à l'affaire Lubanga, le conseil d'administration du fonds peut décider de bonifier cette ordonnance du tribunal à l'aide de contributions volontaires. Si cela arrive, nos règles exigent l'utilisation de contributions volontaires, ce qui signifie que nous pouvons fournir une ordonnance collective, et non pas individuelle, ce qui n'est pas du tout la même chose que si la partie condamnée fournissait un dédommagement individuel aux victimes.
    Il reste à voir comment les choses vont se dérouler dans l'affaire Lubanga. À l'heure actuelle, nous sommes en plein milieu du dépôt de documents précis, auprès des chambres, et la cour elle-même, la CPI, est en train d'établir des principes d'indemnisation.
    D'après ce que nous ont dit les survivantes dans ces collectivités, pour une victime, le fait d'avoir une condamnation précise et une ordonnance du tribunal, cela revêt une signification précise pour les victimes, ce qui est différent de l'aide à la réinsertion à laquelle ils ont droit. Cela n'est pas nécessairement relié à une condamnation.
    Nous n'exigeons pas de condamnation pour pouvoir mettre en oeuvre le soutien aux victimes, dans ce cas, ce qui est très différent des cas où les victimes participent à des audiences.
    Je crains que votre temps soit écoulé, monsieur Hiebert.
    Monsieur Scarpaleggia, c'est votre tour.
    Votre témoignage était fascinant, madame Kalla. J'ajouterais même que les autres membres ont posé de très bonnes questions. J'ai beaucoup appris de ces questions et de vos réponses.
    J'essaye de comprendre, du point de vue organisationnel, comment on s'efforce de régler ce problème, à l'échelle mondiale. Il y a votre fonds, vos programmes, mais ensuite les pays ont des programmes bilatéraux pour une constellation d'ONG. Cela doit être difficile, même pour vous, de comprendre ou de savoir qui fait quoi pour essayer de venir en aide à ces victimes de violence.
    Où vous situez-vous? Êtes-vous le moyeu de la roue? J'essaye seulement de mieux comprendre comment le monde s'organise pour résoudre ce problème.

  (1350)  

    Merci de votre question.
    Il ne fait aucun doute que dans ce genre d'effort, comme je l'ai souligné, il est toujours difficile de coordonner les efforts.
    Pour ce qui est du Fonds au profit des victimes, avant de lancer quelque activité que ce soit, nous effectuons une évaluation. Dans le cadre de cette évaluation, nous rencontrons les représentants du gouvernement dans une multitude de secteurs où nous pensons que nous allons intervenir, donc bien évidemment le secteur de la santé, l'éducation, la situation des femmes, les affaires sociales, etc. C'est très important. Mais nous rencontrons également un grand nombre de représentants de programmes bilatéraux, ainsi que des gens des ambassades et de l'ONU.
    En RDC, il existe bien évidemment des comités, à Kinshasa, qui se réunissent et représentent les différents secteurs qui regroupent les programmes multilatéraux et bilatéraux, ainsi que les ONG qui y travaillent, avec les ministères du gouvernement. Nous assistons à ces réunions. Il y a également d'autres réunions à l'échelle provinciale. Il est donc très important, pas seulement pour nous, mais aussi pour toutes les organisations, qu'il s'agisse de bailleurs de fonds ou d'ONG, de coordonner nos activités avec celles de ces comités.
    Lorsque vous avez différents types de donneurs et de partenaires, surtout dans un pays qui regorge d'initiatives, cela pose toujours des défis. En République centre-africaine, par exemple, nous sommes en train de lancer un programme qui vient en aide aux victimes de violence sexuelle et de violence sexospécifique et il y a très peu de donateurs et de partenaires qui travaillent sur cette question. Notre défi n'est pas tant de coordonner tout cela, mais plutôt de défendre cette cause pour convaincre les parties de s'impliquer dans ce genre d'effort. Chaque situation est un peu différente, mais effectivement, il y a toujours un défi à relever.
    Essentiellement, vous suivez vos indices et ensuite vous vous rendez dans une collectivité, vous examinez tous les intervenants, vous vous réunissez, vous essayez de mettre au point une démarche conjointe dans chaque collectivité précise où ces groupes ont peut-être quelque chose à contribuer aux efforts et vous vous assurez qu'il n'y a pas de chevauchement, etc., n'est-ce pas? C'est à peu près cela, j'imagine.
    Absolument. Vous venez juste de décrire notre travail.
    Nous avons du personnel qui vit sur place. Je le répète, il est très important d'avoir du personnel, sur place, qui peut surveiller les activités, réunir les partenaires, organiser des initiatives de programmes conjointes, et établir des liens de manière à ce que nos initiatives soient liées aux autres initiatives dans la collectivité. Nous effectuons un inventaire auquel participent également les responsables d'autres initiatives et le gouvernement, et il est très important d'inclure les autorités provinciales, plus spécialement.
    J'imagine que, dans votre rôle, effectivement, vous êtes sur le terrain, vous vous assurez que les choses sont bien coordonnées sur le terrain, et ensuite j'imagine qu'une grosse partie de votre travail consiste à sensibiliser la communauté internationale et à tisser des liens avec les gouvernements pour essayer, comme vous l'avez dit, d'obtenir des contributions volontaires à votre fonds. Vous avez traité avec le gouvernement canadien au cours des années, n'est-ce pas?
    Effectivement. Nous avons rencontré les représentants de votre ambassade à La Haye et votre ambassadeur est membre de ce que l'on appelle le groupe de travail de La Haye, à savoir le groupe qui réunit les États parties à la Cour pénale internationale. C'est la première fois que nous sommes invités à venir à Ottawa et nous sommes donc très heureux d'être ici. Comme je l'ai dit, le Canada ne fait pas partie des contributeurs et nous espérons que cela va changer.
    Vous connaissez bien entendu le travail du général Dallaire sur les enfants soldats?
    Oui.
    Avez-vous déjà eu...
    Désolé, monsieur Scarpaleggia, votre temps est écoulé.
    Le pire que vous puissiez faire est de susciter une réponse longue, détaillée et réfléchie. Cela vient perturber notre horloge.
    Monsieur McColeman, c'est votre tour.

  (1355)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présentation très complète d'aujourd'hui.
    Dans votre exposé — je vais faire allusion à une partie précise — vous avez dit que le droit pénal international n'était pas axé sur les victimes et que ceux qui attendent réparation au moyen des règlements judiciaires internationaux ont été mis en garde contre tout excès d'optimisme quant aux résultats. J'aimerais savoir si vous pouvez nous expliquer ce que cela signifie pour vous, ayant été sur le terrain, dans cet environnement, et ayant vécu ces situations vraiment horribles.
    Merci.
    Je crois que nous pouvons nous inspirer des leçons des autres tribunaux pénaux internationaux, par exemple pour le Rwanda — j'ai habité au Rwanda pendant trois ans, juste après le génocide, et c'est donc le cas que je connais le mieux — les tribunaux pour le Cambodge, la Yougoslavie, et maintenant la Sierra Leone. Ces tribunaux ne disposaient pas d'un mécanisme pour venir en aide aux victimes pendant le processus judiciaire, ni même à la fin, en cas de condamnation. Ils n'en avaient pas la possibilité. Donc, même si justice a été faite, je crois que les victimes de ces situations ne se sont jamais senties directement reconnues, et elles n'ont jamais reçu d'aide pour leur réhabilitation, ni d'indemnisation de la part de ces tribunaux.
    C'est là le caractère unique du Statut de Rome. Les rédacteurs se sont réunis pour en tirer des leçons, et il s'agira du premier tribunal pénal international doté de ce genre de mécanisme. Je crois que c'est pour cela que nous devons mesurer son incidence et voir comment cela est ressenti par les victimes. Ce sera la première fois que, si la cour ordonne une indemnisation — par exemple dans l'affaire Lubanga — nous pourrons évaluer ce que cela signifie pour les victimes.
    Pour ce qui est de là où nous travaillons et de ce que nous avons vu, certainement en RDC, avec les atrocités massives qui ont été commises, ce que nous ne savons pas, c'est combien de ces victimes vont vraiment pouvoir obtenir réparation. Il faut pouvoir répondre aux attentes des victimes dans ces collectivités et être réalistes quant à notre capacité de financer une ordonnance d'indemnisation, voir si la partie condamnée peut le faire, avec les fonds dont nous disposons... Pour vous donner une petite idée, nous n'avons qu'environ 3 millions d'euros par an pour toutes ces activités. C'est tout ce que nous avons mis de côté pour faire cela.
    Je crois que cela permet de répondre un petit peu à votre question, en ce qui a trait aux attentes des victimes.
    Oui.
    Il est difficile d'imaginer l'ampleur ou l'échelle de tout cela. Dans votre exposé — j'ai peut-être manqué cela et, si c'est le cas, je vous prie de m'en excuser — pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur, nous indiquer la taille, le nombre de victimes, l'ampleur de tout cela?
    En général ou par rapport à notre appui?
    Les deux, en général et votre appui.
    Nous venons en aide à 82 000 victimes, mais cela couvre aussi bien le nord de l'Ouganda que la RDC, et ce chiffre couvre toute une année, environ. Bien entendu, il est très difficile d'avoir les chiffres précis concernant les victimes en RDC, spécialement s'il s'agit des victimes de violence sexuelle. J'ai indiqué que l'ONU recueillait de l'information, sur une base annuelle, mais il est difficile de mesurer la chose. J'ai vu entre 15 000 et 30 000 victimes de violence sexuelle par an. C'est très difficile à documenter, étant donné les circonstances.
    D'après ce que j'ai compris, les Nations Unies ont également un groupe de casques bleus dans l'est de la RDC. Pouvez-vous nous parler de son travail en matière de prévention et nous dire quelle aide il apporte aux victimes et aux survivantes?
    Je ne peux pas faire de commentaires directement sur le programme. Je sais que l'ONU a son propre programme pour former les casques bleus. Je sais cela, car j'ai formé des casques bleus en Éthiopie et en Érythrée. Les casques bleus eux-mêmes reçoivent une formation sur cette question, par rapport à leur propre comportement, mais aussi pour apprendre à aborder cette question avec les collectivités où ils sont déployés. Je ne peux faire aucun commentaire plus précis; je n'ai pas vu le programme au Congo. Bien entendu, à la Cour pénale internationale, nous travaillons étroitement avec l'ONU, et la MONUSCO nous vient en aide pour assurer la sécurité dans les opérations sur le terrain. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec eux dans l'est du Congo.

  (1400)  

    Merci.
    Juste à temps. Vous êtes à cinq minutes, à la seconde près.

[Français]

    Madame Péclet, vous avez la parole.
    J'aimerais aussi vous remercier de votre présence aujourd'hui et de tout le travail que vous avez fait. C'est vraiment fantastique. Cela s'adresse aussi à toutes les femmes partout en Afrique. On n'a jamais entendu ici quelqu'un qui travaille à la Cour internationale de justice. C'est intéressant de vous entendre aujourd'hui.
    Conformément au Statut de Rome, les victimes ont-elles le droit de porter plainte, ou est-ce le gouvernement qui doit le faire? Comment une enquête est-elle déclenchée par la Cour internationale de justice?

[Traduction]

    Merci. C'est une importante question.
    Il y a trois façons dont une situation peut être envoyée à la CPI.
    Premièrement, un État partie peut renvoyer une cause s'il pense ne pas être capable de mener à bien les enquêtes et de juger l'affaire. Dans le cas de l'Ouganda et de la République démocratique du Congo, par exemple, ces gouvernements ont renvoyé leurs affaires à la CPI.
    Le deuxième cas de figure serait un renvoi du Conseil de sécurité. Dans le cas du Darfour, évidemment, l'affaire a été renvoyée par le Conseil de sécurité, comme pour la Libye.
    La troisième possibilité de renvoi serait qu'un procureur décide, de sa propre initiative, qu'il y a lieu de lancer une enquête. Dans le cas de la violence qui a éclaté après les élections au Kenya, c'est ce qu'a fait le procureur. Les juges doivent ensuite décider si des procédures doivent être officiellement engagées.
    Ce sont là les trois seules possibilités.
    Ce qui s'est passé, ici, c'est que des dossiers ont été envoyés au procureur. Les dossiers ont été envoyés, par exemple, contre le Vatican pour les atrocités massives et la violence sexuelle qui ont eu lieu. Un dossier a été envoyé au procureur il y a un an et demi de cela, si je ne m'abuse. L'Autorité palestinienne a également soumis un dossier, par exemple, sur la situation à Gaza. C'est au procureur d'examiner ces dossiers et de décider s'il y a des questions de compétence.

[Français]

    Le rôle des États est quand même assez important. Pensez-vous que la pression internationale sur le gouvernement du Congo est assez forte pour qu'il procède à l'arrestation de Bosco Ntaganda et le renvoie devant la Cour internationale de justice? Croyez-vous que la communauté internationale joue bien son rôle, ou y aurait-il encore des mesures plus importantes à prendre à cet égard?

[Traduction]

    Je crois qu'il est toujours bon d'avoir des pressions et des partenariats avec le gouvernement sur ce genre de questions. Au-delà de cette question, je ne peux pas vraiment me prononcer sur Bosco.

[Français]

    Beaucoup de gens venus témoigner ici ont dit que l'un des grands problèmes en République démocratique du Congo touchait l'imputabilité des viols aux gens qui les perpètrent. On a dit qu'en général, des officiers de l'armée ou des policiers ne se faisaient pas traduire en justice parce que le juge du tribunal avait peut-être un grade inférieur au leur. Bref, il y a des problèmes d'imputabilité. Pouvez-vous parler un peu plus de cette particularité sur le terrain?

[Traduction]

    Les survivantes victimes nous ont fait part de leurs inquiétudes dans l'est du Congo quant à la capacité du processus judiciaire congolais. Je crois que cela revient encore à ce que je disais plus tôt sur le besoin de renforcer la capacité du secteur de la justice au Congo. C'est là qu'à mes yeux il est très important que la communauté internationale collabore avec le gouvernement congolais. Espérons qu'avec le nouveau gouvernement au pouvoir, on fera preuve d'ouverture à cet égard.

[Français]

    Il vous reste 30 secondes.
    D'accord.
    Dans votre présentation, vous avez surtout mis l'accent sur le rôle que joue la communauté dans la réintégration des femmes au moyen de programmes visant à combattre les stéréotypes sur les femmes qui ont été violées, etc. C'est quelque chose dont on n'a pas souvent entendu parler.
    Avec les fonds que vous recevez, croyez-vous qu'il y a encore des efforts à faire par rapport au suivi psychologique des victimes et au travail auprès de la société en général? C'est aussi un problème de la communauté, et non simplement un problème des femmes qui ont été victimes de violence.

  (1405)  

[Traduction]

    C'est une question très importante et qui nous donne beaucoup de fil à retordre dans le contexte de la RDC. Il est très difficile de trouver des moyens à l'échelle locale, pour offrir les services de counselling axés précisément sur les traumatismes et qui répondent aux besoins spéciaux de ces victimes. Nous nous retrouvons donc à utiliser nos ressources pour aider à renforcer les capacités locales et aussi pour offrir ce type de counselling. Mais c'est là qu'à mon sens nous avons vraiment besoin de plus de soutien pour pouvoir augmenter ce genre d'initiative.
    Dans le nord de l'Ouganda, nous avons pu bénéficier davantage d'une infrastructure plus robuste en soins de santé et où les capacités étaient supérieures. Mais dans le contexte du Congo, cela a été très difficile. Dans le nord de l'Ouganda, on est en situation postconflit et le temps a donc passé et nous sommes véritablement en reconstruction. Au Congo, nous évoluons dans une situation qui est très précaire, où le conflit continue. Donc, même si nous renforçons les capacités, il est difficile pour nous de veiller à ce que les choses se stabilisent, par rapport à l'endroit où vivent ces survivantes. C'est un gros défi pour nous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sweet, nous reviendrons à vous très brièvement.
    C'est au sujet d'une des réponses qu'a données Mme Kalla. Nous avons déjà bien avancé dans une étude sur l'Érythrée, et vous avez mentionné avoir formé des casques bleus de l'ONU en Érythrée. Je voulais juste vérifier. Ils ont été expulsés en 2005, et donc cela date-t-il de longtemps ou y a-t-il une nouvelle présence des casques bleus de l'ONU sur place?
    Non. Je travaillais pour l'UNICEF en Éthiopie en 2000-2001 et c'est donc à ce moment-là que nous formions les casques bleus.
    Merci beaucoup. Merci de votre témoignage.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    En réalité, j'ai quelques questions que j'aimerais vous poser, si vous me le permettez.
    J'ai l'impression que nous étudions l'utilisation du viol et de la violence sexuelle dans les conditions de combat ou, comme nous l'avons dit, comme arme de guerre, mais qu'il existe néanmoins deux choses séparées dans ce conflit qui doivent éventuellement être traitées séparément, même si je n'en suis pas certain. La première question est l'utilisation des femmes comme outils sexuels ou esclaves sexuels dans le but, j'imagine, de satisfaire les troupes.
    La deuxième question est le viol des femmes sur commande. Vous avez dit que dans bien des cas c'était fait par des membres de la famille, en quelque sorte pour ridiculiser la sexualité, probablement dans le but de détruire non seulement la place de la femme dans la collectivité, mais aussi les liens familiaux et le statut de l'homme dans la collectivité également. Ma question est la suivante: si vous deviez mesurer la prévalence d'un problème par rapport à l'autre, combien de cas recenseriez-vous? J'aimerais connaître votre réponse à cette question.
    Deuxièmement, dans quelle mesure les réponses stratégiques qui sont requises sont-elles les mêmes ou différentes?
    Vous avez très bien décrit les répercussions sur les femmes et les filles. Je voudrais également ajouter que les hommes et les garçons sont aussi touchés par la violence sexuelle en RDC, de la même façon, et bien évidemment les choses se déroulent un peu différemment en termes d'humiliation publique, surtout pour les hommes dans la collectivité qui se font violer en masse devant leur famille et leur collectivité.
    Nous travaillons avec ces deux types et d'autres formes de violence sexuelle et d'asservissement. Nous n'intervenons pas beaucoup pour recueillir les témoignages de survivants, par exemple. C'est une chose à laquelle nous sommes sensibles, bien évidemment, car nous appartenons à la Cour pénale internationale. Souvent, je crois que les survivants sont un peu nerveux à l'idée de réellement raconter leur histoire, car ils ont peur d'être utilisés, par exemple, dans la cause du procureur, ce qui n'est pas le cas pour le Fonds au profit des victimes. Nous veillons seulement, par l'entremise de nos partenaires, à fournir les ressources nécessaires pour faire face aux souffrances ou préjudices subis.
    Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner sur les ramifications politiques. Une fois de plus, je crois qu'il faut que le gouvernement congolais veille à avoir des politiques en place et des cadres nationaux en place pour pouvoir résoudre la violence sexuelle en général et pour se sentir plus à l'aise pour parler de cette question dans une variété de tribunes, ainsi que pour faire preuve de leadership pour appuyer ce genre d'intervention. Nous n'avons pas vu cela tellement chez les Congolais, et nous espérons que cela va changer.

  (1410)  

    Merci.
    Mon autre question m'a, en fait, été suggérée par notre analyste Melissa Radford. Je veux simplement m'assurer de ne pas me tromper. Melissa, veuillez me corriger si j'ai mal compris.
    Elle m'a demandé de vous demander si vous saviez si les victimes de violence sexuelle en RDC étaient au courant du fait que Lubanga n'avait pas été accusé de crimes de violence sexuelle?
    Je ne sais pas si c'est bien connu dans la situation. Il y a évidemment un grand nombre d'organisations de la société civile qui se penchent sur cette question et elles ont aussi déposé des mémoires à ce sujet. Women's Initiatives for Gender Justice est une organisation internationale basée à La Haye qui représente des milliers de femmes ordinaires. Elle a, en fait, déposé un mémoire sur ce point particulier.
    Sans parler de la stratégie en matière de poursuite concernant la cause Lubanga, je dirai que nous avons déposé notre mémoire dans l'affaire Lubanga il y a plusieurs semaines. Nous avons dit que les juges pourraient peut-être songer à des définitions plus larges en vertu d'une ordonnance de réparation. Si on utilise les ressources du Fonds au profit des victimes pour bonifier une ordonnance du tribunal, et s'il s'agit d'une ordonnance de nature globale, on pourrait peut-être inclure d'autres genres de préjudices soufferts par les victimes dans cette affaire, et inclure la violence sexuelle dans l'ordonnance de réparation. Il faudra voir. C'est un cas en attente. Nous n'avons pas encore de décision de la chambre. Il faudra voir comment on définit « réparation ».
    C'est une très bonne question.
    Merci beaucoup.
    Je remercie tous les membres du comité, surtout d'avoir accepté de rester tard. Nos députés doivent se dépêcher pour se rendre à la Chambre des communes, puisque la période de questions commence plus ou moins maintenant.
    Je remercie Mme Kalla, en particulier, d'être venue de si loin et de s'être mise à notre disposition. C'était très instructif en fait. Merci.
    La séance est levée.
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