Passer au contenu
Début du contenu

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 1er mai 2012, c'est la séance no 34.

[Traduction]

    Nous discutons aujourd'hui des persécutions subies par la communauté copte d'Égypte. Nous avons comme témoins Mohamed Lotfy, chercheur au sein du Programme du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord du Secrétariat international d'Amnistie internationale. En outre, notre bon ami Alex Neve est de retour, sain et sauf, du Soudan du Sud.
    Pour nous assurer d'avoir suffisamment de temps — leur emploi du temps est très chargé —, nous allons passer sans tarder aux exposés, qui seront suivis de questions. Lorsque nous aurons terminé, je libérerai les témoins et demanderai aux députés de rester quelque peu pour que nous puissions traiter des travaux du comité.
    Sans plus tarder, je demanderai à nos témoins de bien vouloir commencer.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour à tous les membres du sous-comité. C'est toujours agréable de comparaître devant vous. Je suis en outre ravi d'être accompagné aujourd'hui de Mohamed Lotfy, mon éminent et respecté collègue.
    Comme vous le savez, il vient de notre bureau international, où il dirige les travaux d'Amnistie internationale sur l'Égypte, ce qui, vous vous en doutez, n'a pas été facile, surtout au cours de la dernière année et demie. Toutefois, de concert avec des collègues du bureau international, il a dirigé des recherches remarquables sur les droits de la personne et la défense de ces droits, de même que des efforts de sensibilisation qui ont marqué notre réponse à cette année remarquable et insoupçonnée de changements dans la situation des droits de la personne en Égypte.
    Je suis convaincu que vous apprécierez son expérience et ses connaissances. Il était sur le terrain en Égypte pendant environ six mois en tout et partout l'an dernier. Il y est aussi retourné souvent cette année, et il y sera dans environ deux semaines, en prévision des élections présidentielles.
    Il sait donc très bien comment les choses ont évolué au cours de la dernière année et demie, et il peut sans contredit vous faire part de son évaluation et son point de vue sur la situation actuelle en Égypte. Je le laisse donc vous faire part de ses réflexions.
    Merci beaucoup de m'avoir invité au Parlement du Canada pour discuter des droits de la personne en Égypte, et pour vous faire part de mon évaluation de la situation actuelle en Égypte et du point de vue d'Amnistie internationale sur la question.
    Au cours de la dernière année et demie, le pays a été témoin de changements historiques, ce qui a suscité de fortes attentes à l'égard de l'amélioration en matière de respect des droits de la personne en Égypte, puisque la situation était plutôt désolante sous Moubarak, et qu'elle ne s'est pas améliorée sous le conseil militaire qui dirige l'Égypte depuis que Moubarak a démissionné en février 2011.
    Au cours du soulèvement, de concert avec d'autres collègues, nous avons essayé de déterminer si la police et les unités anti-émeutes avaient eu recours à une force excessive et mortelle à l'encontre des manifestants égyptiens dans les places publiques et près des commissariats de police où des manifestations se tenaient partout en Égypte. Nous nous sommes également penchés sur les violations commises par l'armée elle-même au cours de ces 18 jours qui ont changé la face de l'Égypte. Nous en sommes arrivés à la conclusion que la police et les unités anti-émeutes avaient eu recours de façon illégitime et injustifiée à une force mortelle alors qu'aucune vie n'était en jeu dans l'immédiat. Il importe de le signaler.
    Comme vous le savez, Moubarak subit un procès à l'issue duquel une décision doit être rendue le 2 juin. Il s'agit d'un enjeu très important parce que les victimes et leurs familles voudront que justice soit faite. Jusqu'à maintenant, le procès n'a pas permis de faire éclater la vérité. Nous ne voulons pas sauter aux conclusions, alors nous nous prononcerons sur le procès à son issue.
    Les violations se sont poursuivies au cours de la dernière année et demie: non seulement les forces armées, la police militaire et le ministère de l'Intérieur se sont-ils livrés à la torture, mais les prisons aussi. Nous constations des cas de torture sous Moubarak déjà depuis longtemps. Je regrette d'avoir à dire qu'au cours de la dernière année et demie, l'armée a infligé de fortes douleurs aux détenus qu'on savait manifestants. On constate de nouveaux phénomènes, comme le fait de harceler les manifestantes et de leur imposer des tests de virginité. Cela s'est produit en décembre de l'an dernier, alors que cela ne s'était pas vu par le passé.
    Le niveau de violence à l'encontre des manifestants est resté à peu près le même que sous Moubarak. Les unités anti-émeutes continuent d'avoir recours à une force excessive; elles utilisent notamment de façon disproportionnée des capsules lacrymogènes fabriquées aux États-Unis contre des manifestants qui ne représentent aucun danger, qui ne nécessitent pas l'utilisation d'une telle quantité de gaz lacrymogène, et qui se font en outre tirer dessus avec des munitions à fusil, pour la plupart produites aux États-Unis et envoyées en Égypte après le soulèvement et après la démission de Moubarak.
    Voilà pour le côté policier. Si je comprends bien, vous vous intéressez également aux actes de violence commis le 9 octobre devant le bâtiment de la télévision d'État, Maspero. Il s'agissait de l'une des plus grandes manifestations organisées par la communauté copte pour réclamer la fin de la discrimination et un traitement égal pour tous les Égyptiens. On a réprimé cette manifestation, comme vous le savez, en tuant 27 manifestants. La plupart d'entre eux, soit 26, étaient coptes, l'un était musulman, et un soldat a également été tué. La plupart des décès ont été causés par des armes à feu. D'autres personnes ont été renversées et écrasées par des véhicules armés que nous croyons être de l'armée.

  (1315)  

    Le processus d'enquête a été aussi peu transparent que pour de nombreuses autres enquêtes sur des manifestations par le passé. Les victimes attendent toujours que justice leur soit rendue. Or, elles ne s'attendent pas à ce qu'elle vienne d'un tribunal militaire.
    Je dois dire que le processus d'enquête est très compliqué. À l'origine, l'affaire avait été renvoyée à la magistrature militaire. Actuellement, trois officiers de l'armée subissent un procès pour homicide involontaire pour avoir conduit ces véhicules armés dans la foule. Voilà les chefs d'accusation qui pèsent contre eux, mais personne n'a été accusé d'homicide par balle. Ceux sur qui on enquêtait à cet égard étaient en fait des manifestants. L'enquête a été entreprise par la magistrature militaire, puis transférée à une autorité judiciaire civile dotée de pouvoirs extraordinaires en vertu de la loi d'urgence. Un peu plus tard, les procédures civiles ont été renvoyées à un juge d'enquête, et elles en sont à peu près au point mort depuis.
    Tous les accusés ont été remis en liberté. On se trouve donc en présence de deux procédures qui sont menées en parallèle, soit le procès de trois officiers devant la magistrature militaire et l'enquête toujours en cours confiée à la magistrature civile.
    Je dois vous dire que les avocats des victimes se sont retirés du processus judiciaire militaire, du procès militaire même. Ils ne voient pas comment justice pourrait être rendue dans un tel contexte. Les militaires ont déjà fait la preuve qu'ils ne peuvent pas punir ou tenir responsable quelqu'un dans leurs rangs. Les avocats n'ont pas accès aux anciens dossiers; ils n'ont accès qu'aux témoignages des accusés et ils ne voient pas comment justice pourrait être rendue dans une affaire qui fait l'objet de deux processus judiciaires parallèles.
    Les avocats ont fait diverses requêtes à titre de représentants des victimes de la manifestation de Maspero. Ils réclament donc principalement une nouvelle enquête civile et impartiale sur ce qui s'est passé. Ils demandent à ce que cette enquête soit effectuée par un organisme impartial qui pourrait sommer de comparaître des officiers, des soldats et des dirigeants militaires qui devraient témoigner de leur rôle dans la transmission des ordres qui ont été donnés aux soldats et aux véhicules armés de disperser la manifestation en ayant recours à une force mortelle. Ils ont également demandé à ce qu'il y ait enquête sur la chaîne de télévision publique qui aurait incité l'opinion publique à s'opposer à la population copte. En effet, au cours de la tuerie, un journaliste de la chaîne de télévision d'État a, en direct, incité la population à intervenir pour sauver l'armée égyptienne, ce qui était une façon d'inciter la population en général à s'attaquer aux manifestants coptes; ainsi, de nombreux manifestants coptes ont été attaqués par des extrémistes près de la place Tahrir. Dieu merci, personne n'a été tué, mais les blessures ont été nombreuses.

  (1320)  

    C'était là l'un des incidents au cours duquel des manifestants ont été tués. Or, de nombreux autres l'ont suivi. Sur la rue Mohamed Mahmoud, plus de 40 personnes ont été tuées en novembre. En décembre, au cours de manifestations qui se sont déroulées devant le cabinet du premier ministre, 17 personnes ont également été tuées. En février dernier, au moins six personnes ont été tuées près du ministère de l'Intérieur, de même que près du commissariat de police de la ville de Suez. On constate une tendance à utiliser une force excessive et à tuer des manifestants qui ne se limite pas à la communauté copte.
    Pour véritablement changer la situation des droits de la personne en Égypte, il faudra des réformes draconiennes dans le secteur de la sécurité et des décisions courageuses de la part des pays qui appuient la police égyptienne, comme les États-Unis, lesquels continuent de faire parvenir des gaz lacrymogènes et des munitions aux autorités égyptiennes. Amnistie a demandé l'imposition d'un embargo sur ces envois, sur ces navires de la honte, comme nous les appelons, qui continuent de fournir aux autorités égyptiennes les outils dont ils ont besoin pour réprimer les appels à la non-discrimination et à des changements réels et sincères.
    En ce qui concerne la situation politique, le premier tour de scrutin des élections présidentielles se tiendra le 23 mai. Un certain nombre des partis politiques que nous avions sollicités avant les élections parlementaires de novembre s'étaient engagés à respecter les droits de la personne.
    J'ai pu rencontrer un certain nombre de partis politiques, les principaux, et à obtenir leur engagement à l'égard de ce qu'Amnistie considère comme étant les principaux problèmes en matière de droits de la personne en Égypte, soit: lever l'état d'urgence, mettre fin à la détention secrète et à la torture; respecter le droit à la liberté d'expression et d'association; permettre à tous d'avoir un procès juste; demander des comptes à ceux qu'on soupçonne d'avoir commis des crimes graves sous le régime Moubarak, y compris la torture; faire respecter les droits économiques et sociaux des plus pauvres; cesser les évictions forcées dans les taudis égyptiens et assurer la pleine participation des collectivités locales à l'élaboration de plans de développement pour ceux-ci; appliquer le principe de la non-discrimination à l'égard de la religion, de la race, de la langue ou du genre; protéger les droits des femmes; et abolir la peine de mort.
    Il s'agit là de notre manifeste en dix points, que j'ai présenté aux partis politiques participant aux élections de novembre. Nombre d'entre eux se sont engagés à respecter ces points. Neuf partis politiques ont, en fait, signé notre manifeste, mais seulement deux l'ont fait sans condition. Certains des partis les plus libéraux ont accepté tous les points, sauf l'abolition de la peine de mort. En outre, certains partis d'origine islamique, notamment le parti salafiste Al-Nour, qui est arrivé deuxième aux élections, ont accepté tous les points sauf la protection des droits des femmes et l'abolition de la peine de mort.
    Le Parti pour la liberté et la justice, le plus important parti d'Égypte, n'a pas signé le manifeste et ne nous a donné aucune rétroaction, malgré nos demandes répétées visant à obtenir son engagement. Nous constatons, d'après l'attitude de ce parti au Parlement, qu'il s'agit d'un parti progressiste à l'égard de certains droits civils et politiques, puisqu'il souhaite notamment limiter la capacité des tribunaux militaires d'instruire des procès civils, par exemple, et qu'il souhaite faire adopter une définition de la torture qui comprendrait toutes les formes de mauvais traitement. Or, il reste encore du chemin à faire du côté du droit à l'association et des droits des femmes. Certaines déclarations du parti sont particulièrement inquiétantes, plus particulièrement celles qui visent à abaisser l'âge du mariage à 14 ans pour les jeunes filles et à permettre la mutilation des organes génitaux féminins.
    Treize candidats se sont lancés dans la course à la présidence, et certains d'entre eux appartiennent à ce courant politique islamique, ce qui nous inquiète sur le plan de la discrimination, surtout à l'égard des genres.

  (1325)  

    D'autres candidats représentent des partis qui avaient appuyé notre manifeste pour le respect des droits de la personne. Amnistie a rencontré certains d'entre eux avant qu'ils ne soient candidats présidentiels et a un dialogue ouvert avec eux.
    Pour en finir avec les élections présidentielles, sachez qu'on craint de plus en plus les actes de violence et les attaques contre les manifestants. Effectivement, certains manifestants ont été attaqués ces derniers jours près du ministère de la Défense. Étant donné la situation politique, il est selon nous possible que les résultats de l'élection soient remis en question, surtout étant donné que la décision du comité électoral concernant le résultat de l'élection ne peut faire l'objet d'un appel, sur le plan juridique et selon la déclaration constitutionnelle. On craint que les résultats ne soient remis en question et que le comité perde sa crédibilité et la confiance dont il jouit.
    Le comité électoral est dirigé par les mêmes personnes qui avaient lancé les attaques contre les organisations non gouvernementales américaines en Égypte et qui étaient blâmées, à tort, pour avoir interféré avec la justice en permettant aux travailleurs étrangers de quitter l'Égypte. La population générale n'accorde plus de confiance et de crédibilité à cet organisme — à tort, mais c'est un fait, et cela menace l'intégrité des élections présidentielles.
    Je me dois de revenir sur le sujet des attaques contre les coptes. Je vous ai parlé de manifestations. Il y a également eu un certain nombre d'attaques à l'encontre de communautés et d'églises coptes. Les plus récentes étaient à l'origine des attaques de Maspero. Une église a été démolie dans le sud de l'Égypte. Les coptes ont essayé d'obtenir réparation, de faire changer la politique, mais n'ont pas réussi de façon pacifique. Ils ont été attaqués par la police militaire pour avoir demandé qu'on mette fin à la discrimination, non seulement quotidiennement en Égypte, mais également pour qu'ils aient le droit de construire et de réparer des églises tout comme les autres citoyens d'Égypte. Pour ce faire, il faudrait modifier le décret présidentiel numéro 291/2705, qui limite la possibilité pour les chrétiens de réparer de vieilles églises et qui impose comme condition à la construction de nouvelles églises l'approbation présidentielle, qui ne s'applique pas à la construction de mosquées.
    Des attaques ont également été menées en 2010. Le 6 janvier 2010, une fusillade au volant d'une voiture près d'une église dans le sud de l'Égypte a causé la mort d'environ 20 personnes qui assistaient au sermon. Après la manifestation de Maspero en 2011, le gouvernement a essayé de contenir la colère des coptes en condamnant à mort l'homme accusé de cette fusillade au volant en 2010, et il a d'ailleurs été exécuté l'an dernier. La peine de mort, à laquelle s'oppose Amnistie, a donc été utilisée pour apaiser, d'une certaine façon, la communauté copte. Nous ne pouvons accepter cette solution.
    Les causes profondes de la discrimination et de l'absence de protection des coptes pendant leurs sermons, constatées à plusieurs occasions, et qui a mené à des affrontements violents dans certains quartiers...

  (1330)  

    Je vais devoir vous interrompre.
    Je suis désolé, monsieur Lotfy, mais nous vous avions réservé 10 minutes pour votre exposé, alors que nous en sommes maintenant à 21 minutes. Je vous demanderais de bien vouloir résumer en une minute ou deux, puis nous passerons aux questions.
    J'ai terminé.
    Excellent.
    Très bien. Étant donné le temps qu'il nous reste, nous allons poursuivre avec des périodes de questions d'une durée de cinq minutes. Commençons d'abord avec M. Hiebert, suivi de M. Marston.
    Monsieur Hiebert.
    Merci d'être venus. J'ai hâte d'entendre les informations plus récentes et à jour quant à ce qui arrive là-bas.
    Commençons d'abord par une question importante. Croyez-vous, en général, que la situation des droits de la personne en Égypte s'est améliorée ou s'est empirée depuis la chute du régime de Moubarak?
    On a tendance à comparer le passé... ou plutôt le bilan des droits de la personne au cours des 30 ans de règne de Moubarak avec ce qui s'est passé après la chute de son régime. Lors de nos déclarations publiques, nous avons souvent comparé ces deux périodes. On dit alors soit qu'il s'agit du pareil au même ou que la situation s'est empirée. L'on a rarement dit que cela s'était amélioré. Ainsi, pour répondre à votre question, je dirais que, au mieux, les choses sont comme avant.
    Moubarak n'a pas fait comparaître 12 000 civils dans une si courte période devant les tribunaux militaires. Ces tribunaux sont injustes parce qu'ils ne sont ni indépendants ni impartiaux et qu'ils ne peuvent pas fournir un procès équitable. Les juges sont en fait des officiers militaires et sont influencés par la structure même de la hiérarchie au sein du ministère de la Défense qui, à son tour, gouverne également le pays. Ce n'est pas au cours des 30 ans de règne de Moubarak que tous ces procès inéquitables ont eu lieu. Ils se sont produits au cours de la dernière année et demie, sous le régime du conseil militaire.
    D'accord.
    La torture se poursuit. Des détentions massives continuent d'avoir lieu à l'endroit des manifestants. Comme je l'ai déjà décrit, l'on continue à tuer les manifestants. Les mêmes techniques utilisées par les forces de sécurité centrales et l'escouade anti-émeutes ont été... C'est en fait du pareil au même. C'est pour cela que nous disons que, au mieux, la situation demeure inchangée.
    Le terrain politique a été ouvert et inclut davantage de forces politiques distinctes telles que, par exemple, les Frères musulmans. Les partis politiques ont plus la chance de s'inscrire et de se présenter aux élections parlementaires et présidentielles. Ainsi, la scène politique peut sembler plus ouverte et diversifiée. Mais, en ce qui concerne le bilan du conseil militaire au pouvoir, comme je l'ai dit et l'ont dit d'autres, au mieux, il s'agit de la même chose.
    Depuis les dernières élections parlementaires, y a-t-il eu un changement, non pas dans le régime, mais dans les représentants élus, les partis et leur présence? Est-ce que les choses ont changé? Est-ce qu'ils respectent les droits des minorités et des chrétiens coptes?
    On avait parlé d'amender la constitution.
    Pouvez-vous nous fournir une mise à jour sur ce que le Parlement souhaite faire quant à ces enjeux? Les élus vont-ils tenter de protéger ces minorités ou vont-ils laisser les choses telles quelles?
    Pour être bref, non. Il n'y a pas eu d'amélioration à ce chapitre. Le Parlement est en grève en ce moment, car il se trouve aux prises dans un conflit avec le conseil militaire. Le Parlement veut accuser le gouvernement de ne pas avoir répondu aux demandes du public, et le gouvernement se perçoit comme une instance intérimaire qui va quitter sa fonction très bientôt.
    L'on se trouve aux prises avec une situation dans laquelle il existe un conflit politique entre un conseil militaire au pouvoir qui appuie le gouvernement actuel, et le Parlement qui essaie de refiler toute la responsabilité au gouvernement qui n'aurait pas répondu aux demandes du peuple et à qui il demande de quitter sa fonction.
    Nous n'avons pas constaté beaucoup de changements au sein du Parlement. Le Parlement a commencé à se mettre en marche le 23 janvier. Il a tenté de créer un comité constitutionnel qui rédigerait la constitution égyptienne. Toutefois, le comité n'était pas inclusif. Il n'inclut pas tout le spectre politique de la société. Ainsi, il a rapidement perdu toute crédibilité populaire et a été défait ensuite par une décision prise par un tribunal administratif.
    L'objectif principal du Parlement était de créer le comité afin de rédiger la constitution. Il n'a pas réussi à le faire. Il n'a également pas réussi à répondre aux attentes que vous aviez soulignées, telles que l'égalité entre tous les Égyptiens, la lutte contre la discrimination et la protection des minorités. Il n'a également pas réussi à faire respecter les droits sociaux et économiques des Égyptiens. Jusqu'à présent, aucune de ces attentes n'a été réalisée.

  (1335)  

    Merci. C'est tout le temps que nous avions pour cette question.
    Monsieur Marston, c'est à votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lotfy, j'ai écouté vos propos avec grand intérêt. Il nous est fort utile d'obtenir de l'information qui vient droit de la source.
    Il me semble que la collectivité mondiale est plutôt naïve. On parlait d'un changement de régime, car on avait changé de chef, mais on n'a jamais remplacé toutes les autres personnes qui faisaient le sale boulot.
    Il y a 33 ans, lorsque j'étais en Arabie saoudite, j'ai entendu parler pour la première fois de la mutilation des femmes. Je trouve cela choquant que cela existe encore... Je pense, en fait, qu'on nous a leurrés en nous laissant croire que l'Égypte était plus progressiste qu'elle ne l'est.
    Dans votre témoignage, vous avez indiqué qu'il y avait un dialogue avec tous les partis politiques. Avez-vous eu l'impression qu'ils étaient prêts à respecter et à faire respecter la loi internationale?
    Je pense que la plupart des partis que j'ai rencontrés personnellement ou dont j'ai eu des échos à propos du manifeste pour le changement ont accepté qu'ils devaient respecter la loi internationale, peu importe le gouvernement qui sera élu.
    Un des partis islamiques a remis en question le cadre même des obligations internationales en matière de droits de la personne. Il a remis en question la crédibilité et la légitimité des traités adoptés ou signés sous le règne de Moubarak. En effet, une des conventions qui se voit le plus attaquée à cet effet est celle de l'élimination de la discrimination à l'endroit des femmes. Bon nombre des partis islamiques ont remis en question l'adhésion de l'Égypte à cette convention. Ils ont même laissé entendre qu'ils essaieraient de s'en retirer.
    Est-ce que le fondamentalisme s'est accru par rapport à avant?
    Pour être franc, c'est difficile de répondre à cette question. À mon avis, les processus démocratiques qui ont commencé à la suite de la chute du régime de Moubarak ont ouvert le système politique afin d'inclure toutes les formations politiques, et cela a diminué la tension qui existait entre les divers partis politiques islamiques et le système politique en soi.
    Bon nombre de prisonniers politiques ont été libérés et certains d'entre eux appartenaient à des groupes islamistes, djihadistes ou armés. Ils ont pu former des partis politiques et se présenter aux élections parlementaires. Ils sont représentés...

  (1340)  

    Permettez-moi d'intervenir s'il vous plaît. Avez-vous des recommandations quant à ce que le Canada et le Parlement pourraient faire pour aider l'Égypte à devenir plus progressiste?
    Nous croyons que le Canada devrait mettre l'accent sur l'importance de la liberté d'expression et d'association. Nous estimons que cette sphère risque d'être touchée par le régime militaire, ainsi que par la croissance des perceptions conservatrices de l'islam, qui refuserait à certains le droit de parole ou de diffusion.
    Dernièrement, un acteur égyptien célèbre, Adel Imam, a été détenu pendant trois mois en raison de films qu'il avait faits au cours des années 1990 et au début de l'année 2000.
    Il est impératif d'amender le code pénal pour supprimer tout article qui criminalise la liberté d'expression.
    J'ai également parlé du droit d'association. Il existe un débat à l'heure actuelle, au Parlement, sur une nouvelle loi sur les associations. Le gouvernement a proposé une loi qui nationaliserait les ONG. Cela mènerait à leur destruction, car les employés des ONG deviendraient des employés d'État et ne pourraient plus travailler sans ingérence gouvernementale.
    Heureusement, cette loi a été combattue au Parlement par la société civile et par les Frères musulmans et a fini par être retirée.
    Il existe deux ébauches à l'heure actuelle. L'une a été proposée par la société civile et l'autre par les Frères musulmans. Il est important que les deux permettent de garantir la liberté d'association ainsi que l'indépendance des ONG du pays, sans interdire le financement étranger des ONG et sans que le gouvernement puisse régir leur enregistrement ou les dissoudre. Et cela, qu'il s'agisse de motifs de sécurité, comme aime le dire le régime militaire actuel, ou que cela soit fondé sur des raisons morales, comme les nomment certains partis politiques islamiques.
    Merci.
    Monsieur Sweet, c'est à votre tour.
    J'aimerais poursuivre dans le même sens que M. Marston et vous dire qu'il est facile de se sentir un peu découragé quand on pensait qu'il y avait tant d'espoir. Merci beaucoup de votre témoignage, monsieur Lotfy.
    Pouvez-vous me dire si le Parti de la justice et de la liberté représente essentiellement les Frères musulmans?
    Le Parti de la justice et de la liberté est un parti politique qui a été établi et qui représente, dans une certaine mesure, le bras politique du mouvement des Frères musulmans.
    Il s'agit du parti qui n'a pas signé le manifeste?
    Ils ne nous ont pas donné de rétroaction quant au manifeste.
    Est-ce que le Parti de la justice et de la liberté veut se présenter... est-ce qu'il présente un candidat à la présidence?
    Oui, il présentera un candidat à la présidence au cours de la prochaine élection. Il a de fortes chances de gagner.
    Est-ce que les forces militaires utilisent encore la télévision étatique pour cibler les minorités, tout comme ils l'ont fait lors de la manifestation que vous avez mentionnée dans vos propos liminaires?
    À Amnistie, nous n'avons pas évalué la performance de la télévision étatique du début à la fin. En revanche, je sais que bon nombre d'ONG égyptiennes suivent de près la performance de la télévision étatique. Ils souhaitent que ce corps soit complètement indépendant afin que les incidents de Maspero ne se reproduisent pas.
    Il faut souligner que des chaînes privées ont également diffusé des propos qui incitaient à s'en prendre à la minorité copte. Ils ont également créé une campagne de salissage à l'endroit des ONG qui font la promotion des droits de la personne et des ONG américaines. Les ONG qui font la promotion des droits de la personne ont été trahies en se faisant traiter de conspirateurs contre le pays qui tentaient de diviser l'Égypte et de mettre en péril sa souveraineté.
    Certains commentateurs ont même indiqué que des armes et de la drogue ont été trouvées dans les locaux de certaines ONG. Il y a une véritable campagne de salissage en cours qui existe depuis longtemps contre la société civile. La télévision étatique et certaines chaînes privées y participent.

  (1345)  

    La même histoire se répète si souvent dans les régimes tyranniques. Dès que cela devient trop difficile, ils trouvent un nouvel ennemi et le tiennent responsable de tous les maux que les simples citoyens reprochent au régime.
    Alors, et j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, à la suite des élections présidentielles, est-il probable que les forces militaires abdiquent et permettent au Parlement et au nouveau président de gouverner le pays? Il semblerait que les forces militaires gèrent le maintien de l'ordre ainsi que l'administration et les pouvoirs judiciaires. Y a-t-il espoir qu'ils permettront au Parlement et au président élu de travailler?
    Je vais vous livrer mon analyse politique personnelle qui ne témoigne pas nécessairement du point de vue d'Amnistie. Je doute que les forces militaires remettent véritablement le pouvoir à un président ou un Parlement élu par les civils. Les analystes égyptiens tiennent pour acquis que les forces militaires resteront un acteur politique clé qui risque d'avoir le droit de veto sur le gouvernement et les pouvoirs du président. Peut-être que l'on donnera le pouvoir aux civils dans la forme, mais au fond, l'on s'attend à ce que le conseil militaire ait encore une forte emprise sur bon nombre d'aspects de la vie politique égyptienne.
    Monsieur le président, je n'ai plus de question. Quoi qu'il en soit, la collectivité internationale devrait se préoccuper grandement du fait que rien ne change. En fait, les forces militaires semblent vouloir garder le pouvoir et même les partis représentés ne semblent pas vouloir dire qu'ils vont respecter les droits de la personne et plus particulièrement ceux de la femme. Cela me préoccupe au plus haut point.
    Je suis d'accord.
    Monsieur Cotler, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également souhaiter la bienvenue à notre témoin. Je suis ravi d'avoir entendu le témoignage d'une personne dotée d'autant d'expérience et d'expertise. Je voudrais revenir à un sujet que vous avez abordé en répondant à certaines questions.
    Vous avez parlé de 12 000 détenus de l'ère post-Moubarak. Vous avez indiqué qu'il y avait plus de détenus à la suite de la chute du régime de Moubarak qu'il y en avait lorsqu'il était au pouvoir. Je ne voudrais pas laver les mains de Moubarak à ce sujet. Un des premiers prisonniers politiques s'appelait Maikel Nabil. Amnistie l'a adopté comme prisonnier de conscience. Je voudrais revenir à ce que vous avez dit au sujet de l'importance de la liberté d'expression. En effet, sa liberté d'expression a été criminalisée. Il avait dit que l'armée et le peuple n'étaient plus d'accord. Après avoir livré ses propos, il a été jugé et déclaré coupable par le tribunal militaire qui l'a accusé d'avoir insulté les militaires égyptiens. Heureusement, après 120 jours de grève de la faim, auxquels il a survécu, il a été libéré.
    Maikel Nabil est un copte chrétien. Il n'est pas pratiquant. J'aimerais vous poser deux questions. Je pense connaître la réponse à la première question, mais j'aimerais l'entendre de vous. Est-ce que le fait d'être un copte chrétien est une des raisons pour lesquelles il a été ciblé par les autorités égyptiennes? Je ne pense pas que ça soit le cas, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Ma deuxième question est la suivante: est-ce que le fait qu'il soit un copte chrétien peut permettre de comprendre pourquoi les gens n'ont pas beaucoup appuyé sa libération? Je n'avais pas l'impression que les Égyptiens l'appuyaient autant qu'ils auraient pu le faire.
    Voilà mes deux questions. S'il vous reste du temps, j'aimerais vous poser ensuite une autre question.

  (1350)  

    Pour répondre à votre première question, nous croyons que le fait qu'il soit Copte, même s'il ne pratiquait pas, n'a pas joué un rôle dans son arrestation et sa poursuite militaire pour ce qu'il avait dit ou écrit.
    En effet, il n'est pas le seul prisonnier de conscience. Il y a eu d'autres personnes qui ont été détenues avant et après son incarcération. Par exemple, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, un acteur a été détenu. Il n'est pas en prison à l'heure actuelle, car il peut porter la décision en appel. Il a été libéré sous caution.
    Mais cela permet de dire que le régime veut écraser les opinions divergentes. Sans changement et sans modifier de façon importante le code pénal, les coptes et les musulmans — et tout le monde — peuvent se trouver en prison pour avoir exprimé leurs points de vue à l'endroit des violations des droits de la personne. Ils peuvent également se retrouver en prison pour avoir exprimé leurs points de vue sur des phénomènes sociaux, religieux et économiques en Égypte.
    Pour répondre à votre deuxième question, je pense que M. Maikel Nabil a été détenu lorsque les gens croyaient encore que les militaires et le peuple étaient unis. Cela a pris longtemps avant de démystifier le point de vue simpliste exprimé par le conseil militaire. Cela permettrait d'expliquer pourquoi les gens n'étaient pas sympathiques à l'endroit du cas de Maikel au début. C'est mon point de vue.
    Je pense que Maikel a gagné beaucoup d'assurance et est ressorti plus fort de cette situation. Il continue de travailler pour mettre un terme à la conscription dans l'armée égyptienne et pour permettre aux objecteurs de conscience de ne pas être recrutés par l'armée. Il est sorti de prison plus fort qu'auparavant et il s'agit d'un militant reconnu en Égypte.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    En fait, votre temps est écoulé.
    Madame Grewal, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir et de faire leurs déclarations.
    Cela fait déjà un certain temps que bon nombre de résidants de ma circonscription sont préoccupés par la façon dont les chrétiens coptes sont traités en Égypte. En décembre, le sous-comité a reçu Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, qui a parlé de la persécution des chrétiens coptes en Égypte.
    J'ai cru comprendre que l'armée et les forces de sécurité égyptiennes ont tué plus de 100 manifestants au cours des cinq derniers mois. Dans la plupart des cas, ces personnes manifestaient de façon pacifique. Ils ne faisaient que manifester et scander des slogans. Nous nous rappelons bien sûr des incidents répugnants de Maspero, où les forces de sécurité égyptiennes ont utilisé des véhicules militaires pour littéralement écraser les manifestants coptes.
    Amnistie internationale a revendiqué à maintes reprises une réforme des forces de sécurité et a réclamé la fin de l'impunité dont elles jouissent pour réprimer les manifestants. Des progrès ont-ils été réalisés en ce qui a trait au droit de manifester pacifiquement et à l'encadrement des manifestations, de sorte qu'ils respectent les normes internationales? D'après vous, dans quelle mesure les derniers développements politiques en Égypte se répercuteront-ils sur les communautés minoritaires religieuses?
    J'ai une autre question au sujet d'un témoignage que le sous-comité a entendu relativement aux conversions forcées d'enfants chrétiens en Égypte. Croyez-vous que ces pratiques ont effectivement lieu? Si c'est le cas, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces conversions forcées sont réalisées? Il s'agit d'un phénomène très troublant.

  (1355)  

    Au sujet de la première question portant sur des changements dans la façon dont la police et les escouades anti-émeute interviennent, je crois qu'il est juste d'affirmer qu'il n'y a pas de volonté réelle, tant de la part du conseil militaire que du gouvernement, de réformer de façon radicale les outils de répression que Moubarak employait contre ses adversaires politiques et contre le peuple en général.
    La torture continue d'être employée dans certains postes de police, et il y a également eu des cas de décès en détention. Les manifestants ont été torturés et ont subi des sévices dans les prisons alors qu'ils étaient détenus par des militaires et par la police. Permettez-moi d'illustrer mon propos. L'un des manifestants du mouvement du 6 avril, soit l'un des mouvements pro-démocratiques, a été détenu en février après avoir participé à des manifestations au Caire ce même mois. Lorsqu'il a été transféré à la prison du sud du Caire, on lui a dit: « Bienvenue à Guantanamo ». Cela en dit long sur l'impunité et l'immunité dont les forces de sécurité jouissent jusqu'à présent. Les violations des droits de la personne continuent d'être perpétrées, et cela donne à penser que les agents de sécurité et les membres des forces de l'ordre n'ont pas l'intention de respecter les droits de la personne.
    Pour répondre à votre deuxième question, au sujet des répercussions des derniers développements dans la région, j'ai cru comprendre que vous vouliez savoir s'il y a une montée des forces de l'islam politique et si cela a une incidence sur les coptes...?
    Je voulais savoir si les derniers développements politiques en Égypte ont une répercussion sur les minorités religieuses dans ce pays?
    Oui, la communauté copte est vraiment inquiète en Égypte, et je dis cela sans vouloir parler au nom de cette communauté. Il s'agit d'un groupe diversifié qui s'y prend de différentes façons pour faire avancer sa cause et exprimer ses revendications. Certains préfèrent faire campagne à l'échelle locale, car les résultats ont des chances d'être meilleurs, alors que d'autres préfèrent internationaliser leur cause en optant pour la pression par les pairs, soit une pression gouvernementale. Il faut garder cette réalité à l'esprit lorsqu'on aborde la question globale de la communauté copte.
    Je crois qu'il est juste qu'Amnistie affirme que la communauté copte se sent menacée, ou du moins certains de ses membres. Il n'y a qu'à écouter le discours de plus en plus présent qui va à l'encontre du respect des libertés de cette communauté, qu'il s'agisse de la liberté de culte, de se rassembler ou de célébrer la messe de Noël ou du Nouvel An. Le bilan des forces de sécurité montre qu'elles n'offrent pas de protections. Je crois qu'un État se doit de protéger une communauté contre les attaques perpétrées par des individus ou des acteurs non étatiques. Les États ont cette responsabilité.
    Au sujet des conversions forcées d'enfants chrétiens, je n'ai personnellement pas entendu parler de ces situations. Amnistie ne s'est pas penchée sur cette question, alors je ne peux ni confirmer ni infirmer si ces allégations sont fondées. Il se peut que cela se produise de façon ponctuelle, mais il faut se demander dans quelle mesure il s'agit d'un système...
    Je dois vous demander de conclure. Mme Grewal a déjà dépassé son temps d'une minute.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici cet après-midi.
    Monsieur Lotfy, si je comprends bien, il y a une mainmise presque totale de l'armée sur la communauté copte d'Égypte. Le reste de la population égyptienne est-elle solidaire des aspirations de la communauté copte, à savoir une communauté faisant partie de l'histoire et de la culture de l'Égypte?

  (1400)  

    Premièrement, je pense que l'armée a la mainmise, le pouvoir sur tout le pays et tous les Égyptiens, et pas seulement sur les coptes. Quant à la deuxième partie de votre question, à savoir si les coptes bénéficient de la sympathie du reste de la population, je dirais qu'il y a eu plusieurs tentatives de division entre musulmans et coptes en Égypte. Plusieurs attaques sectaires ont eu lieu dans certains quartiers — pauvres en général. Il y a des tensions entre communautés dans certains villages. Cela dit, on est loin d'en être arrivé à un point où les deux communautés ne se tolèrent plus. Il y a énormément de respect entre les deux communautés. Elles comprennent qu'elles partagent le même sort et la même destinée. Elles manifestent ensemble, effectivement, et certains partis politiques... Le Freedom and Justice Party a même inclus dans ses listes électorales des membres d'autres partis qui sont coptes. C'est la répression de l'État qui pousse les choses à un point tel que les communautés se sentent menacées et se replient sur elles-mêmes pour se protéger des autres. Les 18 jours où on a vu une unité nationale contre la répression étaient la meilleure démonstration que ce pays est uni et vit dans l'esprit de ce peuple.
    J'ai une question corollaire à celle que je viens de poser. Étant donné cette mainmise, quelle position le Canada devrait-il adopter à l'égard de l'armée égyptienne? Que peut faire le Canada pour encourager l'Égypte, voire l'exhorter à respecter et à protéger les droits de la minorité copte?
    Le Canada, comme plusieurs autres pays qui ont un dossier des droits de l'homme très respectable et qui est vu comme tel dans le monde, n'a pas forcément l'autorité politique d'imposer un changement économique immédiat. Cependant, le Canada bénéficie de cette autorité, de cette crédibilité morale en quelque sorte, de pouvoir parler des droits de l'homme et de donner des leçons à d'autres pays à cet égard. Il y a beaucoup à dire et à échanger avec la diplomatie égyptienne dans ce cadre. Je vous invite à lire l'agenda pour le changement pour l'Égypte — agenda for change — que nous avons publié immédiatement après que Moubarak ait quitté le pouvoir. Ce texte inclut un grand nombre de recommandations relatives aux droits de l'homme en Égypte, y compris la fin de la discrimination, pour permettre la construction d'églises pour les coptes. On y recommande aussi la fin de la discrimination à l'égard des officiels dans la structure de l'État égyptien où, en général, les coptes sont sous-représentés, comme c'est le cas dans certains secteurs de la sécurité, par exemple.
    Nous pensons qu'il est très important, pour des raisons de foi dans les droits de l'homme et pour des raisons diplomatiques, que l'interlocuteur des Égyptiens soit sur des bases solides en leur apprenant les droits de l'homme. Nous avons vu comment il est difficile de cerner le gouvernement égyptien sur la question des droits de l'homme, de lui prouver qu'il y a des violations et de l'amener à le reconnaître. Une des méthodes que le gouvernement égyptien utilise pour échapper à cela, c'est de nous dire que d'autres pays font la même chose ou quelque chose de similaire. Il ne cherche que des excuses en utilisant ce qui se fait dans d'autres pays pour justifier ses propres violations.

  (1405)  

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Jacob.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Cela met fin aux questions du comité. Nous vous sommes très reconnaissants à tous deux d'être venus et d'avoir pris le temps de partager votre expertise avec nous. Merci.
    J'annonce aux membres du comité que je vais suspendre la séance pour que nous puissions passer au huis clos pour les travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU