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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 février 2012

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Français]

    Bienvenue à la 20e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 7 février 2012. Nous recevons aujourd'hui deux représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, soit

[Traduction]

Patricia Malikail, directrice générale à la Direction générale de l'Afrique.

[Français]

et Robert Bissett, qui est le directeur adjoint

[Traduction]

à Relations avec l'Afrique orientale et méridionale.
Nous entendrons leur témoignage en premier.
    À la fin de la réunion, nous aborderons une question de régie interne sur la réunion supplémentaire. Je ne veux pas l'examiner dès maintenant, parce que je tiens à ce que tous soient arrivés. Il y en a au moins un qui, je l'espère, se présentera. C'est un problème d'horaire. Il faut trancher avant de contacter les témoins éventuels pour connaître leur disponibilité.
    Sans autre préambule, je cède la parole à nos témoins. Vous le savez déjà sûrement, mais je vous précise que vous disposez d'environ 10 minutes pour vos déclarations préliminaires, puis nous passerons aux questions.
    Nous commencerons par Mme Malikail.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invitée à m'adresser à vous cet après-midi. Je me réjouis en outre de l'intérêt que vous portez à la situation des droits de la personne en Érythrée.
    Je vais d'abord vous donner un aperçu du contexte.

[Traduction]

En 1993, après une guerre sanglante de 30 ans, ce pays s'est séparé de l'Éthiopie pour accéder officiellement à l'indépendance. Malgré sa volonté de devenir un pays démocratique, respectueux des droits humains et des libertés fondamentales, l'Érythrée est devenue l'un des pays les plus fermés et répressifs de la planète. Il s'agit d'un État policier autoritaire que la revue Foreign Policy a qualifié de « Corée du Nord de l'Afrique ».
    Le président Isaias Afewerki, qui a gouverné ce pays pendant la plus grande partie de sa lutte remarquable pour l'indépendance, tire désormais parti d'un différend frontalier persistant avec l'Éthiopie pour garder en permanence son pays sur un pied de guerre. Par ailleurs, un différend frontalier persiste également avec Djibouti, et l'Érythrée apporte son soutien à des groupes d'insurgés en Éthiopie et en Somalie, dans une tentative pour déstabiliser la Corne de l'Afrique. En 2010. l'Érythrée comptait 5,5 millions d'habitants et était le neuvième pays dont sont issus le plus grand nombre de réfugiés dans le monde.
    J'aborderai maintenant les relations entre le Canada et l'Érythrée. Nos deux pays entretiennent des relations plutôt tièdes, voire difficiles. L'Érythrée s'isole de plus en plus et, même s'ils maintiennent tous les deux des relations diplomatiques, ni l'un ni l'autre n'a d'ambassade dans l'autre pays. L'Érythrée est représentée au Canada par son ambassade à Washington et elle a un consulat général à Toronto. Pour sa part, le Canada a un consul honoraire à Asmara et son ambassadeur à Khartoum est accrédité en Érythrée. Pour illustrer le caractère difficile de nos relations bilatérales, il convient de mentionner que notre ancien ambassadeur en Érythrée n'a jamais été invité à présenter ses lettres de créance.

[Français]

    À cela s'ajoutent d'autres difficultés dans le domaine de l'aide humanitaire et du développement. En 1998, l'Érythrée a en effet détourné près de 10 000 tonnes métriques d'aide alimentaire canadienne pour nourrir son armée. En 2001, face à cette situation, le Canada a décidé de renoncer à son aide au développement bilatérale au profit de ce pays. Par ailleurs, en 2005, à la suite d'autres actes d'ingérence du gouvernement érythréen, le Programme alimentaire mondial a cessé d'acheminer l'aide alimentaire financée par le Canada et a quitté le pays. Le gouvernement érythréen demeure hostile à tout ce qu'il perçoit comme une ingérence étrangère et il continue de priver ses citoyens d'une aide alimentaire dont ceux-ci ont désespérément besoin.
    En raison de l'isolement de l'Érythrée, des restrictions qui y sont imposées aux visiteurs étrangers et de son hostilité face à toute ingérence étrangère apparente, les visites de représentants canadiens s'y font rares, et la plupart des demandes de visa sont rejetées. Il est donc difficile de se faire une idée claire de la situation dans ce pays. Nous devons, pour cela, nous en remettre largement à des sources telles que des institutions des Nations Unies et des organisations non gouvernementales qui oeuvrent en faveur des droits de la personne.

  (1315)  

[Traduction]

    Tous s'accordent — par tous, j'entends notamment les organisations non gouvernementales et onusiennes —, pour dire que la situation des droits humains en Érythrée est extrêmement difficile. L'armée a la mainmise sur presque chaque aspect de la vie civile, ce qui est à l'origine de certaines des violations des droits humains les plus fréquentes et flagrantes, y compris le maintien de la conscription pour une durée indéterminée, la torture, des châtiments inhumains et dégradants ainsi que des détentions et des arrestations arbitraires.
    Il semble que l'on ait renoncé, immédiatement après sa ratification, à appliquer la Constitution de 1997, qui renferme différentes dispositions relatives au respect des libertés démocratiques et des droits de la personne. C'est ainsi que la primauté du droit n'est qu'une vue de l'esprit, du fait que la plupart des dispositions de la Constitution restent encore à appliquer.
    Selon le Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail des États-Unis, le pouvoir judiciaire est confronté à une pénurie de personnel qualifié et ne dispose pas de ressources financières adéquates, sans compter que son infrastructure est en mauvais état, de sorte qu'il est très difficile pour le gouvernement de garantir aux accusés un procès rapide et équitable. Les affaires de nature politique sont entendues par un tribunal spécial formé de juges qui n'ont aucune expérience ni formation juridiques. Par ailleurs, les tribunaux militaires ont compétence pour juger les affaires impliquant les membres des forces armées.
    L'Érythrée est le pays d'Afrique subsaharienne qui dispose de la plus grande armée, forte de plus de 300 000 hommes en service, de telle sorte que les tribunaux militaires exercent un pouvoir important et une influence qui échappent à tout contrôle. Tous les citoyens, les femmes comme les hommes, doivent obligatoirement faire leur service militaire. Même si, officiellement, la durée de ce service est de 18 mois, il se prolonge souvent pendant des années, de sorte que de nombreux citoyens se voient privés de leurs libertés individuelles. Les élèves ne sont pas exemptés de cette conscription et doivent participer à un « camp national » pendant leur dernière année d'études secondaires.
    Ceux qui ne font pas leur service militaire s'exposent à de graves sanctions. Amnistie internationale et Human Rights Watch ont tous les deux fait état d'une politique qui consiste à abattre les déserteurs qui tentent de fuir le pays. Malgré cela, un nombre grandissant d'Érythréens continuent de courir ce risque. Toutefois, les familles de ceux qui réussissent à s'enfuir sont victimes de mauvais traitements, doivent subir des interrogatoires et sont menacées d'êtres punies.

[Français]

    Les détentions et les arrestations arbitraires sont généralisées. Des milliers de prisonniers demeurent sous les verrous sans être accusés formellement pendant que d'autres disparaissent.
    Selon Amnistie internationale, des centaines d'anciens hauts responsables, de journalistes indépendants et de fonctionnaires arrêtés en septembre 2001 seraient toujours détenus. Parmi eux se trouvent d'anciens ministres et combattants de la guerre de libération dont le seul crime a été d'appeler à une réforme démocratique et à un plus grand respect des droits humains.
    Le gouvernement refuse constamment de divulguer aux familles l'endroit où se trouvent les prisonniers. Celui-ci prétend que les prisonniers ont accès, conformément aux garanties juridiques prévues, à une nourriture et à des vêtements adéquats, à des installations d'hygiène ainsi qu'à des soins médicaux suffisants et qu'ils ne subissent pas de sévices. Human Rights Watch soutient, au contraire, que la torture est couramment pratiquée en Érythrée. D'anciens détenus disent avoir été battus, ligotés et torturés. D'autres auraient été laissés en plein soleil ou emprisonnés dans des cellules souterraines pendant de longues périodes de temps.
    Par ailleurs, en raison des mauvais traitements et du refus de leur accorder des soins médicaux, il n'est pas rare que des prisonniers meurent en détention.

  (1320)  

[Traduction]

    Contrairement aux prescriptions juridiques et constitutionnelles, le gouvernement n'autorise ni la liberté d'assemblée ni la liberté d'association. De plus, il continue de faire preuve d'hostilité à l'égard de la société civile. C'est ainsi que les ONG érythréennes doivent s'inscrire auprès de l'État érythréen et qu'elles ne disposent que d'une indépendance limitée. De même, les ONG internationales vouées à la défense des droits humains sont interdites d'entrée.
    D'importantes restrictions sont imposées aux déplacements des Érythréens à l'intérieur et à l'extérieur du pays. L'armée érige fréquemment des barrages routiers. Il est extrêmement rare qu'un Érythréen en âge de faire son service militaire obtienne un permis de voyage. Ceux qui se déplacent sans tous les documents requis sont passibles d'emprisonnement, tout comme les réfugiés et les demandeurs d'asile érythréens rapatriés d'autres pays.
    En 2011, pour la cinquième année consécutive, l'organisme Reporters sans frontières classait l'Érythrée au dernier rang de l'indice de la liberté de presse. Il s'agit en effet du seul pays d'Afrique sans un seul organe de presse indépendant. Tous les organes indépendants ont été forcés de fermer leurs portes depuis septembre 2001, de sorte qu'il ne reste que ceux sous le contrôle de l'État. On compte un plus grand nombre de journalistes emprisonnés en Érythrée que dans tout autre pays d'Afrique. Il est rare que des journalistes étrangers soient autorisés à entrer au pays et, lorsqu'ils le sont, ils font l'objet de censure et du contrôle.

[Français]

    L'Institute on Religion and Public Policy a déclaré que la situation de la liberté religieuse dans ce pays était l'une des pires de la planète.
    Toutes les institutions religieuses doivent s'inscrire auprès du gouvernement et l'État érythréen s'ingère dans leur administration interne et leurs programmes sociaux. Les Témoins de Jéhovah font l'objet d'une intimidation et d'une surveillance particulières de la part des autorités gouvernementales étant donné que cette religion interdit à ses adeptes de faire leur service militaire.
    L'Érythrée prétend qu'elle a toujours accordé une importance fondamentale à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes. Selon l'organisme Freedom House, le gouvernement érythréen s'est engagé à améliorer la situation des femmes. Toutefois, même si les lois prescrivent l'égalité d'accès à l'éducation, une rémunération égale pour un travail égal et des sanctions pour la violence conjugale, les hommes continuent de jouir d'un accès privilégié à l'éducation, à l'emploi et au contrôle des ressources économiques. La situation des femmes en milieu rural est la plus préoccupante du fait de la persistance de pratiques traditionnelles telles que le mariage en bas âge, le versement d'une dote et la polygamie.

[Traduction]

     L'examen périodique universel de l'Érythrée au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a eu lieu le 30 novembre 2009. Dans son intervention, le Canada a exprimé ses vives préoccupations sur la gravité de la situation des droits de la personne dans ce pays, y compris: les restrictions à la liberté d'assemblée, de croyance, d'expression et de religion; la criminalisation de l'activité sexuelle entre adultes consentants de même sexe; les détentions arbitraires; la torture et la mort de personnes en détention. Le Canada a formulé plusieurs recommandations à l'intention de l'Érythrée, qui portent sur les domaines les plus préoccupants.
    Avant de terminer, j'aimerais évoquer brièvement les sanctions imposées à l'Érythrée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, même si ces mesures ne visent pas directement les violations des droits humains. Le Conseil de sécurité a imposé des sanctions à l'encontre de l'Érythrée en 2009, en riposte à la violation par ce pays de l'embargo sur les livraisons d'armes à la Somalie et à son non-respect d'une résolution antérieure, en vertu de laquelle le conseil lui demandait de retirer ses forces de Djibouti et de régler le différend frontalier.
    Le Canada a appuyé ces sanctions en raison de préoccupations liées à la stabilité dans la Corne de l'Afrique. Il a en outre rédigé un règlement en vue de mettre en oeuvre les mesures énoncées dans la résolution 1907 du Conseil de sécurité. Les sanctions visent précisément de hauts responsables et des officiers militaires érythréens, et interdissent le commerce des armes avec ce pays.
    Dans la même optique, le Canada a appuyé la résolution la plus récente du Conseil de sécurité sur l'Érythrée, adoptée en décembre 2011. Les Nations Unies y imposent des sanctions additionnelles en raison du soutien continu de l'Érythrée à des groupes d'opposition armés, et parce que celle-ci n'a pas réglé son différend frontalier avec Djibouti et l'Éthiopie. Le Canada est particulièrement préoccupé par l'information contenue dans le rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie et l'Érythrée, qui fait état du soutien que continue d'apporter ce pays à des groupes armés, y compris le mouvement armé Al Shabaab en Somalie, que le Canada a inscrit sur sa liste des organisations terroristes en 2010.

  (1325)  

[Français]

    En conclusion, le Canada demeure préoccupé par les lacunes démocratiques de l'Érythrée et son piètre bilan en matière de droits de la personne. Au moyen des tribunes offertes par les Nations Unies, nous collaborons avec d'autres pays afin d'amener le gouvernement érythréen à promouvoir et à protéger les droits de la personne et à coopérer de manière constructive avec des acteurs internationaux dans les domaines de la bonne gouvernance, des droits humains et de la démocratie.
    Merci beaucoup. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    D'après l'horloge, il restera, je pense, suffisamment de temps pour accorder six minutes à chaque intervenant. Je rappelle à mes collègues que nous avons examiné exhaustivement les modalités relatives aux séries de questions et que nous avons convenu d'accorder six minutes à chaque intervenant. D'après la règle établie, nous commençons par un ministériel. Monsieur Sweet, vous disposez donc de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie infiniment le témoin de son exposé. En raison de votre conclusion, j'orienterai différemment mes questions.
    Je me suis renseigné au sujet du mouvement Al Shabaab. Vous ne pourrez peut-être pas répondre à ma question parce qu'elle ne porte pas directement sur l'Érythrée. Dans combien de pays diriez-vous que le mouvement compte des insurgés?
    C'est très difficile d'en préciser le nombre, mais nous savons qu'il y en a en Somalie, en Éthiopie, au Kenya et, peut-être, en Ouganda. C'est donc dire qu'ils se trouvent dans plusieurs pays.
    Ce sont des personnes très dangereuses qui ont déclenché bien des conflits. Avez-vous des preuves vous permettant d'établir que le régime érythréen appuie ce mouvement?
    Le groupe de surveillance des Nations Unies l'a confirmé.
    À l'heure actuelle, peut-on décrire l'Érythrée autrement que comme une dictature absolue? Le pouvoir se cristallise-il autour d'un groupe ou d'une seule personne?
    Je crois que c'est difficile à dire. Certaines institutions figurent dans la constitution, mais nous constatons que le pouvoir se concentre de plus en plus entre les mains de quelques personnes. Il y a donc un clivage entre, d'une part, les institutions et les écrits, et, d'autre part, ce que nous observons dans la réalité.
    Je m'étonne que Reporters Sans Frontières considère que l'Érythrée est encore pire que la Corée du Nord pour ce qui est d'entrer au pays et d'y obtenir de l'information.
    Sait-on si certaines ONG sont actuellement autorisées à entrer en Érythrée afin de vérifier la situation des droits de la personne et d'offrir de l'aide?
    Nous savons que les ONG internationales sont frappées d'interdiction. Des organismes des Nations Unies, comme le Programme alimentaire mondial, ont cessé leurs activités en Érythrée. À ce que je sache, aucune ONG internationale ne travaille présentement dans ce pays.
    Sait-on si l'Érythrée entretient de bonnes relations diplomatiques avec des pays africains?
    Elle a récemment rejoint les rangs de l'Union africaine. Elle s'en était retirée il y a quelques années, mais elle a participé au sommet organisé cette année à la fin de janvier. Je crois que l'Union africaine est sensible aux possibilités qu'offre la diplomatie. Nous verrons ce qui ce passe dans le cas de l'Érythrée.

  (1330)  

    C'est très récent. Vous entrevoyez donc une lueur d'espoir et pensez que les relations diplomatiques pourraient reprendre dans l'avenir.
    Le simple fait que l'Érythrée participe à un forum réunissant d'autres pays d'Afrique est de bon augure. En fait, il y aura d'autres occasions de nouer des relations avec ce pays.
    Si je me souviens bien de vos propos, nous n'avons personne qui s'occupe des relations diplomatiques en Érythrée actuellement, qu'il s'agisse d'un ambassadeur, d'un consul général ou d'un autre responsable. Ils se trouvent dans d'autres pays, n'est-ce pas?
    Oui. Pour que tout soit clair, nous maintenons des relations avec l'Érythrée. Nous le faisions à partir de Nairobi, mais l'an dernier, nous avons décidé de transférer l'accréditation à Khartoum, au Soudan. Comme vous le savez, en juillet dernier, le Soudan du Sud est devenu le dernier pays à voir le jour. Nous avons quelque peu modifié nos accréditations, et l'Érythrée est maintenant couverte par notre ambassadeur en poste à Khartoum, dans le Nord du Soudan, la République du Soudan. Sachez qu'il n'a pas encore été invité à présenter ses lettres de créance.
    Ma dernière question concerne les personnes de descendance érythréenne au Canada. Je crois comprendre que la diaspora est frappée d'un impôt. Pourriez-vous nous dire la vérité à ce sujet — j'ai entendu quelques versions des faits — et nous indiquer ce que fait le gouvernement à ce propos?
    Nous savons que certains Érythréens Canadiens se sont plaints, auprès des journalistes, de subir des pressions pour payer un impôt de 2 p. 100 à leur pays d'origine, conformément aux lois qui y sont en vigueur. Certains ont qualifié cette pratique d'extorsion, alors que d'autres semblent être disposés à payer, considérant qu'ils contribuent ainsi de façon importante à la reconstruction de l'Érythrée.
    Le fait que les médias rapportent que l'Érythrée recourt à des méthodes coercitives pour collecter des impôts préoccupe le gouvernement. Ce pays peut imposer et lever tous les impôts qu'il veut, mais ne peut le faire en territoire canadien sans le consentement du gouvernement. Ce serait un viol de notre souveraineté. Comme cette disposition s'applique à ce qu'on appelle l'impôt de la diaspora, l'Érythrée ne peut le lever au Canada. Le fait d'agir à partir d'un consulat, comme celui qui se trouve à Toronto, enfreindrait la Convention de Vienne sur les relations consulaires.
    Votre réponse semble indiquer que nous n'avons reçu aucune plainte officielle. Ce sont les médias qui ont affirmé que certaines personnes avaient dénoncé la situation, n'est-ce pas?
    En effet. Le gouvernement n'a reçu aucune plainte officielle à ce sujet.
    M. David Sweet: Merci.
     Merci, monsieur Sweet. Vous êtes en plein dans les temps: six minutes et sept secondes.
    Madame Péclet, s'il vous plaît.

[Français]

    Je remercie nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
     M. Sweet a posé des questions relatives à l'accès des organismes internationaux dans ce pays, mais en ce qui concerne les organismes internes, vous avez dit dans votre présentation que les ONG érythréennes devaient s'inscrire auprès de l'État. Elles ne sont donc pas vraiment indépendantes. Par exemple, est-ce que le gouvernement a son mot à dire sur les activités de ces organisations? Ces gens ne reçoivent probablement pas d'aide financière internationale, mais je me demande si les autres États peuvent agir sur le terrain par l'entremise des organismes érythréens.
    Merci beaucoup de la question.
    En réalité, on ne sait pas vraiment comment fonctionnent les règles internes sur les ONG. Nous n'avons pas beaucoup de liens ou de nouvelles à cet égard. Il est très difficile pour d'autres pays d'exercer une influence quelconque. Bref, c'est la situation qui prévaut à l'heure actuelle.

  (1335)  

[Traduction]

    Le gouvernement reçoit-il des fonds internationaux? C'est un pays pauvre. Reçoit-il des fonds internationaux ou pas? Les refuse-t-il?
     L'Érythrée a refusé l'aide alimentaire de certaines organisations internationales. L'Union européenne lui a, pendant un temps, fourni une certaine aide financière, mais j'ignore ce qui est advenu de cette initiative et si elle se poursuit encore. Le Canada n'aide pas l'Érythrée.
    Mme Ève Péclet: Aussi...
    Mme Patricia Malikail: Excusez-moi, mais j'ai bel et bien l'information.
    Mme Ève Péclet: D'accord.
    Mme Patricia Malikail: L'Union européenne a versé des fonds à l'Érythrée dans le cadre d'un programme visant à appuyer le secteur agricole, les tribunaux communautaires et la formation de fonctionnaires, ainsi que la restauration du patrimoine national. Cette aide vient toutefois de prendre fin en novembre 2011 pour des raisons d'ordre technique, probablement parce qu'il était impossible de confirmer...
    Cela concernait donc l'utilisation des fonds.
    Je partagerai mon temps avec ma collègue, si vous me le permettez.
    Je sais que l'Érythrée a une politique stipulant que les hommes et les femmes sont égaux en tout, mais que fait précisément le gouvernement pour protéger et promouvoir les droits des femmes, particulièrement quand il s'agit de lutter contre la pratique connue et répandue de mutilation génitale des femmes?
    Nous ignorons ce que fait le gouvernement à ce sujet. Les faits montrent toutefois que les hommes ont davantage accès à l'éducation que les femmes, les garçons et les filles.
    D'après ce que j'entends, il semble qu'on en sache peu sur le sort des femmes et des enfants dans ce pays. C'est très déconcertant, compte tenu des bruits qui courent sur ce qui se passe là-bas.
    J'aimerais revenir au commentaire sur l'impôt de la diaspora. Nous n'avons pas reçu de plainte officielle, mais nous savons que certaines personnes originaires de l'Érythrée disent qu'on leur demande de payer cet impôt. A-t-on cherché à communiquer avec ces personnes pour savoir comment on les approche? Se peut-il qu'on n'ait fait aucun suivi?
    Personne ne s'est adressé à nous. Nous avons eu vent de l'affaire dans les médias, mais aucune plainte officielle n'a été déposée et, à ce que nous sachions, personne n'a fait appel au gouvernement. Il s'agit essentiellement d'une affaire criminelle.
    D'accord.
    Je poursuivrai encore un peu au sujet de l'éducation. Je sais que vous avez dit que les hommes ont davantage accès à l'éducation que les femmes. Mais que sait-on précisément au sujet, disons, de l'école primaire? Quelle est la situation là-bas? Dans quelle mesure l'école est-elle accessible? Quelles possibilités les jeunes enfants ont-ils de fréquenter l'école? Que sait-on à ce sujet?
    Je n'ai pas de détails sur l'école primaire en Érythrée.
    J'ai indiqué qu'en près de trois ans, notre ancien ambassadeur n'avait pas été invité à présenter ses lettres de créance. Il n'a pour ainsi dire pas été autorisé à entrer dans le pays qui relève de ses compétences. Cette situation limite notre capacité de savoir ce qui se passe dans ce pays.
    Je constate, même si je me suis jointe au comité à la dernière minute aujourd'hui, que nous en savons très peu sur ce pays. On fait moult suppositions et affirmations sur ce qui s'y passe, mais on a bien peu d'information factuelle que nous pouvons vérifier.
    Effectivement.
    Merci beaucoup.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Votre temps est presque écoulé.
    Nous laisserons la parole à M. Hiebert, puis à Mme Sgro.
    Je vous remercie de comparaître aujourd'hui pour nous informer de la situation dans ce pays.
    Si je regarde la situation géographique, je me demande tout d'abord si l'Érythrée a, à l'instar de son voisin la Somalie, commencé à s'adonner à la piraterie. Je sais que sa position sur la mer Rouge lui en donne peut-être l'occasion. A-t-on observé ce genre de pratiques, comme c'est le cas en Somalie?
    Non, rien n'indique que l'Érythrée fait actuellement de la piraterie.

  (1340)  

    Qu'elle serait la principale source de revenus du gouvernement, alors?
    Ce ne suis pas certaine de le savoir exactement.
    Vous avez parlé de sanctions précédemment. Pourriez-vous nous dire en quoi elles consistent? S'il y en a beaucoup, il me semble que le commerce ne doit pas générer de revenus importants. Ce pourrait être un bon point de départ.
    En effet. Les sanctions portent principalement sur les armes et les personnes, en raison de l'exportation d'armes en Somalie.
    S'agit-il des seules conséquences auxquelles le pays s'expose, même avec les dernières sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies?
    Des sanctions ont également été prises contre certaines personnes.
    Le pays poursuit ses échanges commerciaux, alors? Certains pays continuent de faire des affaires avec lui?
    Oui, y compris le Canada. Il existe des échanges commerciaux entre nos deux pays.
    Il s'agit d'échanges de quel ordre?
    C'est d'environ trois millions de dollars; c'est donc fort peu.
    Voilà qui est intéressant. Il me semble que si un gouvernement tente d'exercer des pressions sur un autre pays parce que ce dernier viole les droits de la personne et commet des actes de répression, il devrait appliquer des sanctions commerciales semblables à celles dont font l'objet des pays comme l'Iran, par exemple.
    Pourriez-vous m'expliquer pourquoi on ne le fait pas?
    Le Canada discute généralement de ces situations avec les Nations Unies, et c'est habituellement le Conseil de sécurité qui prend une résolution pour appliquer des sanctions. Les Nations Unies ont dont décidé des sanctions à imposer, et ce sont elles que le Canada applique pour l'instant.
    D'accord.
    J'ai remarqué, en examinant certaines recherches indépendantes, que bien des Érythréens trouvent évidemment refuge au Soudan. J'ai également lu que le Soudan en renvoie beaucoup, contrevenant ainsi au droit international.
    Avons-nous une certaine influence sur le Soudan, qui force des Érythréens à retourner dans leur pays, où ils seront incarcérés et peut-être torturés pour avoir cherché à fuir? Avons-nous avec ce pays des relations diplomatiques qui nous permettraient de l'encourager à ne pas agir de la sorte?
    Nous entretenons des relations diplomatiques avec le Soudan, mais nous n'avons pas encore abordé la question du renvoi des réfugiés érythréens. Nos deux pays n'en ont pas encore discuté. Nous savons cependant qu'un grand nombre d'Érythréens se retrouvent dans des camps de réfugiés au Soudan.
    Saviez-vous que les Soudanais les renvoient dans leur pays d'origine?
    Non, je n'ai rien appris de tel récemment.
    Eh bien, il n'a pas été bien difficile de trouver des renseignements supplémentaires à ce sujet.
    Combien d'Érythréens se trouvent au Canada?
    Nous n'avons malheureusement pas le chiffre en main, mais nous pouvons vous l'obtenir.
    D'accord.
    Qu'est-ce que le Canada peut faire de plus? Quelles possibilités d'action avons-nous pour tenter d'influencer ce pays afin qu'il respecte davantage les droits de la personne, accorde une plus grande liberté à la presse et mette fin aux abus que vous avez évoqués? Que pouvons-nous faire de plus?
    Je ne peux me prononcer sur les politiques qui seront prises dans l'avenir. Sachez toutefois que nous profitons des occasions qui sont à notre disposition — comme les réunions des Nations Unies — pour attirer l'attention sur la situation en Érythrée et pour collaborer avec d'autres pays pour l'influencer. Nous constatons que c'est en fait le moyen le plus efficace d'intervenir en pareil cas.
    Il ne nous serait donc pas possible d'agir directement auprès de l'Érythrée? Vous avez parlé des Nations Unies, mais le comité sait que le Canada prend constamment des décisions unilatérales. N'aurions-nous pas là un moyen d'action?
    Je ne vous demande pas de prédire l'avenir. Je vous demande seulement de nous dire quelles sont les possibilités qui s'offrent à nous.
    Le gouvernement dispose toujours d'un éventail de possibilités.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur ces possibilités?
    Dans ce cas précis, nous travaillons dans le contexte des Nations Unies.
    D'accord.
    L'une des solutions qui me sont venues à l'esprit consisterait à demander à l'Érythrée d'ouvrir ses prisons aux observateurs internationaux. Si on y commet effectivement les abus dont vous avez parlé, le fait de permettre à des organisations internationales de défense des droits de la personnes d'aller sur place pourrait constituer un premier pas.
    Je ne comprends pourquoi nous ne lui demanderions pas tout simplement.

  (1345)  

    Mais nous l'avons fait, monsieur le président, dans le cadre de l'examen périodique universel de 2009. Cette démarche a donc déjà été prise.
    Bien.
    L'Érythrée a-t-elle de proches alliés que nous pourrions influencer ou qui seraient plus susceptibles de l'influencer?
    Je ne vois pas quel pays pourrait être considéré comme un proche allié de l'Érythrée. C'est un pays difficile à influencer.
    Il est donc isolé, sans ami.
    Il en a très peu, je dirais, mais...
    Si on observe le pays et la manière dont il agit, on constate qu'il se coupe de plus en plus du reste du monde. Le seul signe d'évolution favorable, c'est son retour au sein de l'Union africaine.
    Quelles relations entretient-il avec l'Éthiopie? Ces deux pays n'ont pas résolu leur différend, mais ils sont indépendants depuis maintenant 30 ans. Sont-ils en bons termes? Ont-ils des relations commerciales?
    Je crois que les relations entre l'Érythrée et l'Éthiopie, si elles n'ont pas encore sombré dans un conflit, s'en approchent, parce que l'Érythrée appuie les activités d'al-Shabaab dans d'autres pays.
    Ces deux pays ont donc des relations houleuses et profitent de toutes les occasions de se disputer.
    Encore aujourd'hui.
    Y compris à l'Union africaine. En janvier, il leur a fallu des heures pour s'adresser la parole. Leurs rapports sont très difficiles.
    C'est malheureusement ici que prend fin cette période de questions.
    Avant de passer à notre prochaine intervenante, qui est Mme Sgro, du Parti libéral, j'aimerais poser une brève question sur les échanges commerciaux.
    Vous avez dit que ces échanges totalisaient trois millions de dollars par année, ce qui, bien sûr, est effectivement minime. Mais je crois comprendre qu'une société minière canadienne du nom de Nevsun Resources Ltd. possède la mine Bisha en Érythrée. Est-ce exact?
    Oui.
    Avez-vous une idée de la valeur de cet investissement?
    Oui. RNCan l'a évalué à 287 millions de dollars en 2010. Il s'agit d'une mine d'or, de cuivre et de zinc, je crois, dont la production a commencé au début de l'année.
    Ce serait donc là le principal investissement et la plus importante relation financière faisant intervenir des personnes de nos deux pays.
    Mme Patricia Malikail: En effet.
    Le président: D'accord. Merci.
    Madame Sgro, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Pour faire suite à cette observation, je signale que le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté, en décembre 2011, une résolution sur la promotion et l'exercice de la vigilance sur l'activité minière en Érythrée.
    A-t-on a donné suite à cette résolution ou, encore, cette résolution a-t-elle un effet?
    Je n'ai pas le libellé exact de la résolution sous les yeux, mais je pense, comme vous dites, qu'elle préconisait la vigilance sur l'utilisation des fonds. Jusqu'ici, le gouvernement canadien n'a rien fait pour y donner suite, parce que nous pensons qu'elle n'a pas d'effet sur le gouvernement.
    Donc, parce qu'elle ne semble pas avoir d'effet sur le gouvernement, personne ne s'en soucie. Elle préconisait la vigilance, et personne...
    Eh bien! la vigilance, en ce qui concerne... Je ne dirais pas...
    Que c'est de la négligence? Je dirais que c'en est.
    Oui. En ce qui concerne le financement de la lutte contre le mouvement terroriste Al-Chabab, nous faisons assurément preuve de vigilance. Nous étudions ses opérations et son financement par l'Érythrée. Cela nous préoccupe, effectivement.
    Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de diverses choses qui se déroulaient là-bas. Vous avez peu parlé des Érythréennes et de leur sort. Je ne peux m'en faire une idée que grâce aux conversations que j'ai eues avec des Érythréens.
    Est-ce que vous aimeriez en dire davantage à ce sujet? Est-ce que l'espoir est permis à toutes les Érythréennes ou ne servent-elles qu'à une seule chose?

  (1350)  

    Eh bien! il est incontestable que leur situation n'est pas rose. Par contre, la constitution leur accorde des droits. C'est au moins cela d'acquis, en théorie. Récemment, l'égalité des Érythréennes n'a pas nécessairement progressé à pas de géant.
    Ceux qui fuient le pays, pour la plupart, avez-vous dit, aboutissent au Soudan, et beaucoup sont renvoyés d'où ils viennent.
    Comme je le disais, je ne suis pas au courant qu'on en renvoie beaucoup.
    Certains d'entre eux?
    Certains, oui. Donc certains peuvent être renvoyés chez eux. Désolée, je ne me souviens pas très bien de la question.
    Je crains tout simplement que la prétendue constitution et la prétendue stabilité de l'Érythrée n'empêchent la reconnaissance, comme réfugiés, des gens qui fuient le pays.
    Non, je ne pense pas qu'il soit difficile de reconnaître que des réfugiés viennent d'Érythrée. Comme je pense l'avoir dit, le pays se situe au neuvième rang mondial des fournisseurs de réfugiés.
    Eh bien! c'était certainement le cas.
    Nos chiffres portent sur l'année 2010. On les reconnaît donc comme réfugiés.
    Quelle quantité de travail le gouvernement du Canada est-t-il capable de consacrer à la question des droits de la personne en Érythrée? Remarquez que j'ai dit « capable ».
    Oui. Je continue de penser que nous utilisons les moyens à notre portée dans les institutions où les Érythréens sont présents, par exemple l'ONU. Nous espérons que les pays de l'Union africaine feront également de même, mais nous verrons. Nous entamons un nouveau chapitre.
    Avez-vous déjà rencontré la communauté érythréenne, ici, au Canada, pour vous informer?
    Je pense que nous avons eu des rencontres. Pas moi personnellement, mais il est tout à fait habituel, pour le ministère des Affaires étrangères, de rencontrer les communautés dispersées. Je ne sais pas exactement quand la dernière a eu lieu.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Grewal. Je prends note du temps. Nous commençons à en manquer. Nous devrons peut-être abréger les questions.
    Allez-y, madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux pour votre exposé et le temps que vous nous accordez.
    Pourriez-vous nous parler des conditions et du sort des soldats érythréens recrutés?
    Le sort des soldats érythréens?
    Les soldats érythréens recrutés. À quoi ressemble le traitement qu'on leur réserve?
    Je pense que nous savons qu'ils ne sont pas très bien traités, plus particulièrement en raison du service national obligatoire, censé durer 18 mois, qu'on prolonge parfois indéfiniment. Donc les recrues ne servent pas nécessairement 18 mois seulement.
    Êtes-vous en mesure de nous parler un peu de la situation actuelle en Érythrée et savez-vous si elle respecte les normes internationales?
    Je pense qu'on peut dire, à coup sûr, qu'un certain nombre d'organismes internationaux — Human Rights Watch, Amnistie Internationale et des observateurs de l'étranger — affirmeraient que les droits de la personne ne satisfont pas aux normes internationales notamment en ce qui concerne la liberté de réunion et celle de presse.
    Quelle liberté d'action l'Érythrée accorde-t-elle aux organisations non gouvernementales et aux formes d'aide étrangère?
    Je pense que le gouvernement érythréen n'accorde presque aucune marge de manoeuvre aux ONG internationales, tandis que les ONG érythréennes sont tenues de s'enregistrer.

  (1355)  

    Vu la montée de la violence et de l'inquiétude, est-ce que le gouvernement canadien prévoit d'appliquer des sanctions ciblées en Érythrée?
    Nous appliquons les sanctions prévues, plus récemment celles que le Conseil de sécurité des Nations Unies a alourdies en décembre 2011.
    Pendant des décennies, l'Érythrée et l'Éthiopie ont été à couteaux tirés à cause de leur frontière commune et du droit même à l'existence de l'Érythrée. Pouvez-vous dire si, parfois, le gouvernement érythréen se sert de ce différend non résolu comme excuse pour limiter les libertés civiles.
    Je pense que nous savons que le gouvernement érythréen, effectivement, limite les libertés civiles. Alors ça saute aux yeux.
    La parole est à Mme Péclet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais aussi qu'on puisse parler de l'influence de l'industrie minière et surtout de la résolution que le Conseil de sécurité a adoptée soulevant le doute qu'il avait sur le fait que les industries minières permettaient de subventionner les groupes armés rebelles dans les pays entourant l'Érythrée.
    La question est de savoir ce que le gouvernement du Canada fait pour surveiller les entreprises canadiennes actives dans le secteur minier en Érythrée. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires relativement à ce sujet.

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre question.

[Français]

     Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Je pense que, d'abord, le gouvernement canadien s'attend à ce que les sociétés canadiennes à l'étranger soutiennent les normes et les principes internationaux. Le Canada n'impose pas ses lois à l'étranger, y compris sur le comportement des entreprises, et la réciproque est vraie pour l'application des lois étrangères au Canada.
    Nous incitons cependant les entreprises canadiennes à élaborer et à mettre en oeuvre, par exemple, des initiatives dans lesquelles elles feront preuve de responsabilité sociale. Nous les incitons à se conformer aux normes telles que les lignes directrices de l'OCDE pour les multinationales et le Pacte mondial des Nations Unies et nous nous attendons également à ce qu'elles agissent, sur le terrain, de façon transparente, dans la pleine consultation des collectivités locales.
    Le gouvernement du Canada ne représente pas les sociétés privées. Elles fonctionnent selon leurs propres principes. Le gouvernement expose les attentes; telle est sa ligne de conduite.
    Nous avons là-bas une société minière canadienne qui possède des intérêts considérables, un pays qui refuse de recevoir notre ambassadeur. Il nous est impossible de savoir ce qui se passe sur le terrain. Ne devrions-nous pas avoir des motifs d'inquiétude au sujet de ce pays?
    Par exemple, des Canadiens y ont fait des investissements considérables et nos échanges commerciaux avec ce pays continuent, alors que nous savons, d'après les rumeurs, qu'on foule aux pieds les droits de la personne, mais nous sommes dans l'impossibilité de vérifier. Il est un peu étonnant que nous puissions maintenir des échanges avec un pays qui interdit notre présence.
    C'est la règle de conduite actuelle du gouvernement que de maintenir les relations commerciales. Je ne dirais pas que nous sommes démunis pour savoir ce qui se passe dans le pays. Il existe évidemment des moyens de s'informer.
    Quels sont-ils, s'il vous plaît?
    Des organismes des Nations Unies sont sur place. Des ONG internationales peuvent nous refiler des renseignements obtenus auprès de diverses sources.
    Y a-t-il des ONG canadiennes sur place?
    Actuellement, aucune n'oeuvre en Érythrée.

  (1400)  

    Je sais que je suis arrivée très en retard. Veuillez donc me pardonner si je pose des questions auxquelles vous avez déjà répondu. Encore une fois, j'essaie de comprendre. Je pense avoir entendu un collègue, de l'autre côté, poser la même question. Quels sont certains des outils dont nous disposons, d'abord pour être mieux renseignés, ensuite pour essayer d'influencer l'Érythrée? J'entends dire qu'il y a l'ONU ou que c'est l'ONU, c'est bien ça? Et, visiblement, c'est une présence très discrète.
    Il reste les sanctions économiques, que nous essayons d'appliquer avec d'autres pays, pour infléchir la politique de l'Érythrée. La valeur des échanges s'élève à 3 millions de dollars. Ce n'est pas beaucoup, mais, pour l'Érythrée, ça pourrait être considérable. Des Canadiens travaillent en Érythrée et y ont fait des investissements. En même temps, nous n'avons pas de personnel canadien à l'ambassade ni ailleurs. De quelle protection la société minière et ses intérêts en Érythrée bénéficient-ils? Oubliez ce que l'exploitation minière fait pour l'Érythrée; attaquons d'abord la question sous cet angle.
    Votre question est complexe. D'abord, nous pensons qu'il importe de maintenir des relations diplomatiques. Nous avons des relations avec l'Érythrée. Nous aimerions que notre ambassadeur y entre. L'accréditation a simplement été différée. Cela nous donne peut-être une autre occasion de voir si nous pouvons entrer dans ce pays.
    La société minière est une société privée. Elle décide des endroits où elle investit et où elle fait de l'exploitation. Ses décisions ne sont pas du ressort du gouvernement canadien.
    Toujours à ce sujet, nous ne savons absolument pas si la société minière suit les lignes directrices établies par les Nations Unies ou si elle noircit notre réputations dans ce pays.
    Je tiens à revenir sur la question de l'ambassadeur, sur l'existence de relations diplomatiques. En même temps que j'apprends que nous avons de telles relations, j'apprends aussi que l'ambassadeur n'a pas été autorisé à fouler le sol de l'Érythrée. Pas encore. De quoi donc ont l'air nos relations diplomatiques, actuellement, si l'on excepte des conversations avec ce pays, lors de réunions des Nations Unies, que nous pouvons avoir avec tous ceux qui sont présents?
    De temps à autre, nous sommes en mesure d'envoyer quelqu'un sur place. Visiblement, il est beaucoup mieux d'avoir un ambassadeur accrédité. C'est l'objectif que nous aimerions atteindre sous peu.
    Je suis désolée d'insister. Je suis nouvellement élue. Pardonnez donc ma naïveté.
    Je suis désolé. En fait, votre...
    Mon temps est écoulé?
    En effet.
    Si, d'après vous, la réponse à votre question peut être brève, posez-la, je vous prie.
    Est-ce que j'ai bien entendu? Même si nous n'avons pas d'ambassadeur là-bas, des fonctionnaires des deux pays se parlent?
    Nous pouvons nous parler. Nous nous parlons en diverses occasions.
    Je ne veux pas dire à l'ONU. Je veux dire à l'extérieur, dans d'autres circonstances. Pouvons-nous, par téléphone, parler à quelqu'un en Érythrée?
    Nous pourrions.
    Merci.
    Si vous permettez, j'espère des éclaircissements sur la situation actuelle du pays.
    Je vais vous l'avouer franchement, pendant les interventions, je suis allé consulter Wikipédia...
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: ... et j'ai besoin d'explications.
    L'Érythrée connaît des divisions qui ont tendance à coexister avec des situations où les atteintes aux droits de la personne sont répandues.
    Je vois d'abord qu'il existe là-bas un certain nombre de groupes ethniques: les Tigrignas: 55 p. 100 de la population; les Tigrés, 30 p. 100; les Sahos, 4 p. 100 et d'autres encore, en plus petites proportions, comme les Afars, etc.
    Il y a des divisions religieuses également, des populations musulmane et chrétienne, et j'en déduis que ces divisions se sont en grande partie reproduites dans la structure des partis pendant la période révolutionnaire.
    Les responsables des réfugiés de l'ONU ont-ils cherché à déterminer l'identité des populations opprimées? Le sont-elles pour des motifs religieux? Ethniques? Tribaux? S'agit-il simplement de personnes que le régime n'aime pas, d'adversaires du président actuel? Comment pourrions-nous catégoriser les opprimés, chassés de leur pays?

  (1405)  

    Je ne crois pas qu'on nous ait signalé que les réfugiés appartenaient à des clans ou à des groupes religieux. Nous savons que les témoins de Jéhovah ont fait l'objet de discriminations, mais nous savons que quatre groupes religieux sont autorisés en Érythrée. Je devrai m'informer, mais, à ma connaissance, on ne discerne rien de précis au sujet de l'appartenance clanique ou religieuse des réfugiés.
    D'accord. Qu'en est-il des réfugiés eux-mêmes?
    Notre comité a étudié diverses situations où on trouve des réfugiés. Parfois, ils sont fortement organisés et forment un groupe qui possède de la cohésion, par exemple, comme nous l'avons vu, certains réfugiés iraniens actuellement en Irak, dans le camp d'Achraf. Parfois, ils sont morcelés en nombreux petits groupes, sans cohésion, ou ce sont simplement des individus qui se sont enfuis par leurs propres moyens.
    Comment décririez-vous la population des réfugiés d'Érythrée, en le situant entre les deux pôles que je viens de décrire?
    Désolée, les deux pôles...?
    Oui, ceux qui sont très bien organisés...
    Mme Patricia Malikail: Je vois.
    Le président: ... en un groupe d'opposition unique, ou ceux qui sont complètement désorganisés, de simples individus isolés...
    Je pense qu'il s'agit vraiment de personnes qui se sont enfuies toutes seules.
    D'accord.
    Voilà les deux éclaircissements que je cherchais.
    Nous vous remercions beaucoup du temps que vous nous avez accordé. Nous vous sommes très reconnaissants de votre visite.
    S'il n'y a rien d'autre, je vais lever la séance. Nous n'avons pas pu discuter d'horaire, mais comme deux de nos membres permanents sont absents, il est peut-être mieux d'attendre leur retour.
    Merci beaucoup. La séance est levée.
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