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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 mai 2012

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte; c'est la 38e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 29 février 2012, nous étudions le projet de loi C-299, Loi modifiant le Code criminel (enlèvement d’une jeune personne).
    Nous attendons l'arrivée d'un autre témoin. Le comité va entendre aujourd'hui deux témoins. Mme Dunahee va comparaître par vidéoconférence de la Colombie-Britannique.
    Bienvenue. Pouvez-vous nous entendre?
    Très bien.
    Nous avons également le chef Rod Freeman de la ville de Woodstock.
    Dans la correspondance qui a été échangée avec le greffier, je crois qu'il a mentionné qu'il souhaitait faire une déclaration d'ouverture; madame Dunahee, si vous voulez faire une déclaration d'ouverture et que vous voulez commencer, allez-y.
    Merci.
    J'ai passé quelque temps ce matin à examiner les notes de vos dernières séances et tout ce que m'ont dit les membres du comité m'a beaucoup intéressée. Je ne suis pas du tout avocate, mais j'essaie de comprendre tout ce qui est présenté. Il est manifestement nécessaire d'apporter certains changements à notre Code criminel et c'est probablement ici qu'il convient d'apporter ces changements.
    Nous ne sommes pas tous des avocats non plus, même si la plupart d'entre nous le sont.
    Chef, si vous voulez faire une déclaration d'ouverture, je dois vous dire que les microphones sont contrôlés à partir de la table. Il n'est pas nécessaire de les ouvrir et de les fermer et l'oreillette est pour l'interprétation. Certains de nos collègues s'adresseront à vous en français, mais vous pourrez leur répondre en anglais et ce sera traduit.
    Merci. J'ai effectivement quelques notes que j'aimerais vous présenter.
    Si vous avez des notes et souhaitez faire une déclaration, allez-y.
    Merci et bonjour.
    Permettez-moi de commencer par remercier chacun d'entre vous, les députés du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, pour m'avoir demandé de comparaître aujourd'hui pour parler de cette question très importante. C'est véritablement un honneur et un privilège d'être ici devant vous.
    Je m'appelle Rod Freeman et je suis très fier d'être le chef de police de la ville de Woodstock. Comme vous le savez tous maintenant, notre collectivité vient tout juste d'obtenir justice par le biais des tribunaux pour ce qui est d'un événement tragique, l'enlèvement, l'agression sexuelle et le meurtre au premier degré d'une petite fille de huit ans Victoria Stafford.
    Cette enquête a commencé le mercredi 8 avril 2009 après que Victoria ait été enlevée en plein jour à 15 h 30 pendant qu'elle rentrait chez elle à pied de l'école. Elle a été attirée dans un véhicule en stationnement par ses agresseurs et a été détournée par la promesse de voir un chiot. Victoria a été poussée sur le siège arrière de la voiture et obligée de se coucher par terre entre les sièges. Dans les minutes qui ont suivi, Victoria a été emmenée de Woodstock par l'autoroute 401 direction est, et elle est arrivée ensuite à Mount Forest, qui est au nord de Guelph, en Ontario.
    Pendant environ deux heures et demie, Victoria a vécu la terreur, étant enlevée de force par des étrangers, loin de sa mère, de son frère et des membres de sa famille, de ses amis et de notre ville. Pendant qu'elle était assise sur le plancher arrière de la voiture, dissimulée sous une veste, elle a été intimidée et terrorisée par Michael Rafferty, un criminel maintenant condamné, qui voulait ainsi la contrôler et la dissimuler.
    Sa complice, Terri-Lynne McClintic, également condamnée, a fait semblant de réconforter Victoria, sachant fort bien que la petite fille allait ensuite connaître une fin horrible. Cette situation terrible a pris fin peu de temps après par le viol et le meurtre de Victoria. Son cadavre a été placé dans des sacs à déchets qui ont été dissimulés sous des rochers par ses ravisseurs; elle n'a été retrouvée que 103 jours plus tard, le 19 juillet 2009. Elle a alors été rendue à sa famille pour qu'elle soit enterrée dans la dignité.
    C'est pour cette raison, et pour protéger les citoyens canadiens les plus vulnérables, nos enfants, que je me retrouve aujourd'hui devant vous. J'espère contribuer utilement à vos délibérations, des délibérations qui vont permettre de parler ou d'élaborer des stratégies de prévention du crime dans le but d'éviter des tragédies comme celle de Victoria — un sort qu'aucun enfant ne devrait connaître — et des mesures visant à dissuader les délinquants de victimiser nos enfants où que ce soit au Canada et obliger les criminels qui victimisent nos enfants à rendre compte de leurs actes devant un tribunal.
    En qualité de chef de police, j'appuie sans réserve toutes les modifications législatives qui vont améliorer la sécurité des collectivités canadiennes, protéger nos enfants et appuyer les victimes d'infraction. Il faut que les Canadiens sachent que les services de police et les représentants du gouvernement, quel que soit le palier concerné, collaborent pour assurer leur sécurité, et en particulier, celle de nos enfants et des autres personnes les plus vulnérables. C'est la raison pour laquelle je suis ici. Les citoyens de Woodstock et tous les Canadiens veulent qu'on leur garantisse que, si nos enfants sont victimisés, les contrevenants seront traités avec rigueur par le système de justice pénale et devront subir les conséquences des actes criminels graves qu'ils ont commis, comme l'enlèvement d'un enfant de moins de 16 ans par un inconnu.
    Merci.
(1110)
    Merci chef.
    M. Surprenant est maintenant arrivé.
    Je crois que, dans la correspondance échangée avec le greffier, il était indiqué que, si vous le souhaitiez, vous pouviez présenter une déclaration d'ouverture.

[Français]

    Bonjour, je m'appelle Michel Surprenant. Je suis vice-président de l'AFPAD, un organisme qui s'occupe des enjeux liés aux personnes assassinées ou disparues. Dans mon cas, je m'intéresse particulièrement aux prédateurs sexuels.
    Je vous dis bonjour.

[Traduction]

    Bonjour monsieur.
    Si vous voulez faire une déclaration d'ouverture au comité, vous pouvez le faire. Nous vous accordons entre cinq et sept minutes pour le faire.

[Français]

    Non, ça va.

[Traduction]

    Très bien, merci beaucoup.
    Nous allons commencer le tour de questions en commençant par Mme Boivin.

[Français]

    Je remercie les témoins d'être ici.

[Traduction]

    Chef Rodney Freeman, nous avons tous suivi cette affaire. Nous nous sommes tous réjouis, dans un certain sens, du verdict et de la peine qui sera imposée dans cette affaire horrible. Vous avez décrit ce qui s'était passé et cela nous a fait frissonner.

[Français]

    M. Wilks, mardi, nous a parlé de son travail comme policier avant de devenir député. Il nous a dit, avec raison, qu'on ne peut pas savoir, à moins d'avoir déjà fait ce travail, ce que signifie de frapper à une porte pour dire à un parent ou à quiconque que telle personne est décédée, parfois dans des circonstances absolument horribles et inhumaines. On se demande comment un être humain peut même accomplir ce type de geste. Je pense que nous ressentons tous ça. Le fait de kidnapper et de séquestrer une jeune personne de moins de 16 ans est terrible, tout comme n'importe quelle séquestration, à mon avis, surtout quand il s'agit de gens inoffensifs, qui n'ont aucun moyen de se défendre. C'est encore plus difficile.
    La question ne se pose pas vraiment en ce qui a trait à l'horreur du crime. La question est de savoir quoi faire de ce type de crime. Il faut s'assurer que le projet de loi C-299 de notre collègue M. Wilks permettra d'atteindre le but recherché. C'est ce que je me tue à répéter chaque fois qu'on étudie ce genre de projet de loi.
    Il y a un danger, vous savez. Je m'adresse aux trois témoins. Le National Post, cette semaine, a mis le doigt sur le bobo. Au sein de notre Parlement, certains politiciens se lèvent et brandissent la une d'un journal. On veut tout de suite réagir, faire quelque chose, mais sans penser aux conséquences à long terme.
    Bien évidemment, lorsqu'on entend une histoire comme celle de la petite Victoria Stafford, tout le monde a le goût de réécrire le Code criminel en espérant que les pires châtiments seront imposés au coupable, mais au sein d'une société démocratique et humaine, on doit s'assurer de faire les choses correctement, compte tenu de notre Charte.
    Je vous fais part de mon inquiétude relative au projet de loi C-299 et j'aimerais entendre vos commentaires à cet égard. En effet, l'article 279 du Code criminel prévoit déjà une peine d'emprisonnement à vie. On ne peut pas être plus sévère que cela, à moins de rouvrir le débat sur la peine de mort, ce que je ne souhaite pas. C'est la peine maximale qu'on peut imposer pour quelque crime que ce soit.
    Cela étant dit, selon l'analyse des dossiers des gens et de la jurisprudence liée à cet article, les gens qui ont été reconnus coupables...
(1115)
    De quel article est-il question?
    Il s'agit de l'article 279 du Code criminel, qui traite notamment des enlèvements. C'est l'article que le projet de loi cherche à modifier.
    Même le juge Major, ancien juge à la Cour suprême, a très clairement dit, lorsqu'il est venu témoigner devant nous, que la jurisprudence démontrait que les peines variaient. En règle générale, on n'impose pas de peine de moins de huit ans. Le fait de fixer la peine minimale à cinq ans m'inquiète. Cette inquiétude est différente de celle que j'ai d'habitude face à l'imposition de peines minimales dans le cas d'autres infractions, alors que les juges sont en meilleure position pour bien analyser le dossier. En effet, j'aime mieux qu'un juge fasse ce genre d'exercice, plutôt que la Couronne ou la défense. Il faut quelqu'un de plus impartial et qui soit capable de regarder le dossier sous toutes ses coutures, en fonction des principes de détermination de la peine déjà contenus dans l'article 718 du Code criminel. Vous devez bien les connaître, chef Freeman. Cet article stipule qu'il y a des circonstances aggravantes quand cela touche des enfants, etc.
    Je m'inquiète du fait qu'en imposant une peine minimale de cinq ans, ce qui est moins que ce que l'on impose normalement, on envoie un drôle de signal à la communauté. Si j'étais avocat de la défense, j'invoquerais l'argument selon lequel le législateur ne parle pas pour rien dire. S'il a cru bon d'imposer une peine minimale de cinq ans, est-il possible qu'on trouve qu'une peine de 8, 10, 12 ou 15 ans est trop sévère? Je ne vois pas pourquoi on établit une peine minimale moindre que celles qu'on impose normalement dans de semblables circonstances.
    De plus, madame Dunahee, j'aimerais que vous nous parliez de votre travail. Vous nous avez dit que le comité n'était peut-être pas le bon forum pour le faire. C'est vrai, si on pense à votre travail et à vos besoins en matière de recherche d'enfants quand ceux-ci disparaissent, etc. Ce n'est peut-être pas le bon comité pour cela, mais nous sommes certainement très intéressés de savoir à quels genres de problèmes vous être confrontée et ce qui pourrait vous être utile. Je pense que c'était un peu ce que cherchait à réaliser M. Wilks. Je serais portée à dire aussi qu'on ne fait peut-être pas le bon exercice pour régler les problèmes auxquels vous faites face tous les jours, votre organisme et vous.

[Traduction]

    Merci, madame Boivin. Vous avez déjà épuisé votre temps de parole.
    Mais nous avons tellement de temps aujourd'hui; ne pouvons-nous pas parler plus longtemps?
    Je crois que nous allons obtenir ces réponses d'une autre personne.
    Monsieur Goguen.
    Merci aux témoins d'être ici et je remercie également ceux qui sont loin de participer à nos délibérations.
     J'ai une question à poser au chef Freeman.
    J'aimerais que nous nous reportions à la conférence de presse initiale que vous avez donnée après l'enlèvement de Tori. Vous dites que « rendre Victoria à notre collectivité et à sa famille apportera un certain soulagement à Tara McDonald [la mère] et à Rodney Stafford [le père] et à toute la famille ». Nous savons tous, malheureusement, que ce n'est pas ce qui s'est produit.
    D'après votre expérience, les affaires d'enlèvement ne se limitent pas seulement à enlever une personne, n'est-ce pas? Il s'y ajoute toujours d'actes horribles, que ce soit une agression sexuelle ou un meurtre. Est-ce une chose qui est relativement courante d'après votre expérience, et je sais que vous le regrettez?
    Je dois dire qu'heureusement, c'est la seule expérience que j'ai eue au cours de ma carrière pour ce qui est d'une enquête aussi horrible. C'est la pire tragédie que nous ayons tous connue dans nos carrières, et je parle des 1 000 policiers qui ont participé à cette enquête et qui viennent de 14 services de police de toute la province.
    Vous avez tout à fait raison de dire qu'habituellement un enlèvement se combine à d'autres infractions qui ont généralement pour effet d'aggraver considérablement la sévérité de la peine.
    Dans cette affaire particulière, cela a commencé comme un enlèvement. Si les choses s'étaient déroulées différemment et si nous avions... Nous n'avions aucune chance de retrouver Victoria vivante, maintenant que nous savons ce qui s'est passé. Tout cela est sorti au procès. Notre service de police n'avait absolument aucune chance de retrouver Victoria vivante. Comme nous l'avons appris plus tard, l'enquête a uniquement servi à obliger ses assassins à rendre des comptes.
    Mais supposons, par exemple, que nous les ayons arrêtés avant qu'ils ne s'engagent sur l'autoroute 401 et qu'il se soit simplement s'agit d'une infraction d'enlèvement. À l'heure actuelle, il n'y a pas de peine minimale pour l'enlèvement. Les contrevenants auraient pu être condamnés à six mois de prison ou à une autre peine.
    Nous espérons démontrer qu'il devrait y avoir au minimum pour la seule accusation d'enlèvement, une peine minimale obligatoire de cinq ans de pénitencier.
    Le délinquant a toutes sortes de possibilités pour obtenir la libération conditionnelle et pour être relâché avant l'expiration de la période de cinq ans. Mais nous demandons une peine de cinq ans pour que le délinquant ne soit plus en liberté, qu'on puisse le réadapter si cela est possible et pour qu'il soit puni sévèrement pour cette infraction — tout en sachant que comme cela s'est fait dans le passé et cela le sera certainement à l'avenir, les enlèvements sont toujours combinés à une autre infraction.
(1120)
    Vous visez donc principalement la dissuasion, qu'elle soit spéciale ou générale, et à envoyer un message au public.
    Le 15 mai, le juge Major, qui est un juge de la Cour suprême du Canada à la retraite, a comparu. Il lui a été demandé si l'imposition d'une peine minimale pour ce type d'infraction, l'enlèvement d'un enfant vulnérable, résisterait au critère de « la peine cruelle et inusitée » à titre de restriction raisonnable apportée à des droits démocratiques. C'est ce qu'il a déclaré.
    De votre point de vue de policier, une telle peine aurait-elle vraiment l'effet dissuasif que nous recherchons? Est-il raisonnable, de votre point de vue, d'introduire une peine minimale obligatoire?
    Oui, monsieur, je le pense. C'est ma réponse en deux mots. En tant que chef de police et père de deux enfants de moins de 16 ans, je n'ai absolument aucune pitié et je ne vois absolument aucune raison pour qu'un inconnu ravisse un enfant — un enfant, qu'il soit de sexe masculin ou féminin, de moins de 16 ans — et l'emmène de force loin de sa zone de sécurité. Je trouve cela absolument impardonnable et absolument injustifiable et je crois dans mon coeur, tant comme chef de police que père, qu'une peine de cinq ans d'emprisonnement devrait être la peine minimale dont un tel délinquant devrait être passible. Je pense que de nombreux Canadiens pensent la même chose.
    Allons un peu plus loin. S'il y a une arme à feu, cette infraction est punissable par l'emprisonnement à perpétuité. Si c'est un simple enlèvement courant, je crois que, s'il est poursuivi par voie de mise en accusation, la peine maximale est de 10 ans. Si nous voulions élargir encore cette discussion, nous pourrions également supprimer ce plafond de 10 ans et prévoir une peine à perpétuité. Ce serait donc une peine minimale de cinq ans avec une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité, qu'il y ait ou non utilisation d'une arme à feu, dans l'un ou l'autre cas.
    Je dois admettre que cette question me bouleverse encore. Nous avons vécu trois années très difficiles et les familles Stafford et McDonald n'ont pas estimé que l'affaire était close lorsque nous leur avons rendu le corps de Victoria. J'estime que ce n'est qu'au moment du prononcé du verdict de culpabilité de meurtre au premier degré par le jury que l'affaire a commencé à se terminer. C'est ce que j'ai vu dans leurs regards. Ils auront besoin encore de plusieurs mois et de plusieurs années pour guérir, parce que Victoria était une enfant parfaite — une petite fille de huit ans aux cheveux blonds et aux yeux bleus que n'importe quel parent aurait beaucoup aimé avoir. Mais elle n'est plus.
    Merci.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je pense que, de toute façon, nous sommes tous très émus par ces situations. Nous voulons tous protéger nos enfants. Ce n'est donc pas une question partisane, mais une question de justice et de sécurité. Serions-nous dans un environnement plus sécuritaire si on augmentait la peine minimale?
    Il faut aussi répondre à une autre question. Doit-on lier les mains d'un juge qui pourrait avoir la capacité de prendre une décision en fonction de la situation?

[Traduction]

    Ce n'est pas une attaque indirecte, monsieur Freeman, mais avez-vous confiance dans la façon dont les juges travaillent à l'heure actuelle? Pensez-vous qu'ils ont un bon jugement? C'est une question importante. Il pourrait survenir une situation où le juge estimerait qu'il ne faut pas aller jusque-là. Nous avons également des dispositions dans nos lois, dans le Code criminel, qui prévoient l'emprisonnement à perpétuité.
    Je ne suis pas avocat. Je suis également père. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1125)
    Je peux vous dire que je fais partie du système judiciaire depuis 34 ans. J'ai 34 ans d'ancienneté dans mon travail et j'ai une grande confiance dans le système. J'ai vu qu'il donnait de bons résultats. J'ai vu également des échecs. Le système n'est pas parfait, cela n'existe pas.
    L'impression que je retire de mes discussions avec de nombreuses personnes de ma communauté de Woodstock — et je crois que cela reflète assez bien l'opinion de tous les Canadiens — est que les gens ont des doutes au sujet du système de justice pénale et de son efficacité, parce qu'il y a un manque d'uniformité ou parce que les tribunaux rendent des décisions que les citoyens ordinaires n'arrivent pas toujours à comprendre.
    Je vais vous donner une réponse quelque peu politique. En tant qu'acteur dans ce système, je crois qu'il fonctionne bien. J'ai confiance dans le système. Cela fait longtemps que j'y travaille, mais j'ai le sentiment que la société a quelques doutes et qu'il faut la rassurer et lui montrer que nous nous efforçons d'améliorer le plus possible le système de justice pénale.

[Français]

    Monsieur Surprenant, je sais que vous avez aussi vécu une situation abominable. Il faut regarder cela avec un certain recul et considérer l'ensemble quand on applique le Code criminel.
    Croyez-vous qu'une peine minimale de cinq ans aura un effet marqué, alors que cela a peut-être déjà été essayé ailleurs? Croyez-vous que cela pourrait provoquer plus de récidive? Y a-t-il déjà des choses qui existent dans le Code criminel qu'on pourrait appliquer?
    J'aimerais entendre votre point de vue à cet égard.
    Je suis complètement opposé à ce que vous dites. Dans un débat, à un certain moment donné...
    Je parlais avec Michel Dunn, qui a tué son associé. Il a reçu une peine de 25 ans de prison, où il est resté pendant 17 ans. Il a avoué qu'il lui avait fallu sept ans de détention pour admettre son crime.
    Une durée minimale de détention est nécessaire pour accepter le crime qui a été commis.
    Vous devez aussi comprendre une chose. Quand un enfant est enlevé, qu'il soit décédé ou non, sa vie est changée pour toujours. Il a été prouvé qu'un prédateur sexuel ne peut être guéri. Un minimum de cinq ans pendant lesquels il va être retiré de la circulation est un minimum pour assurer la sécurité.
    Il faut comprendre que pour le prédateur sexuel qui sait qu'il sera remis en liberté, vous entretenez chez lui la possibilité de récidiver, ce qui veut dire qu'il y aura d'autres victimes.
    Au nom des victimes futures, pouvez-vous assumer et prendre la responsabilité de remettre ces gens en liberté?
    Par conséquent, plus la période d'incarcération sera longue, plus vous vous sentirez protégé.
    Il s'agit de la sécurité de nos enfants.
    Je comprends votre situation et on connaît votre histoire.
    Quand on applique le Code criminel, on ne peut le faire pour un seul individu ou pour une seule situation; il faut penser à la prévention. Doit-on fonctionner de façon absolue? Ne pourrait-il pas y avoir de situations où ça pourrait créer d'autres sortes de problèmes? Ces personnes pourraient peut-être être récupérées.
    Selon vous, il n'y a aucune possibilité: cette personne doit rester en prison.
    Il a été prouvé qu'un prédateur sexuel ne peut être guéri. Dès qu'il sera en liberté, sa seule préoccupation sera de trouver une nouvelle victime pour satisfaire ses fantasmes.
    Dois-je comprendre...

[Traduction]

    Madame Findlay.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux m'adresser à vous, madame Dunahee. Je m'appelle Kerry-Lynne Findlay. Je suis une députée de la Colombie-Britannique et je me souviens très bien du jour fatal où votre fils Michael a été enlevé et où nous avons appris tout cela.
    J'ai grandi sur l'île de Vancouver, et je connais très bien le parc où vous étiez ce jour-là et j'ai tout revu, aujourd'hui, en tant que mère de quatre enfants, mais à l'époque j'avais deux jeunes enfants... Beaucoup d'entre nous ressentaient toute la douleur que vous avez ressentie à l'époque et je vous félicite vraiment pour ce que vous avez essayé de faire pour les droits des enfants disparus.
    Notre gouvernement conservateur continue à essayer de régler le problème des enfants disparus en prenant un certain nombre d'initiatives et cela comprend le Centre canadien de police pour les enfants disparus et exploités de la GRC. Nous avons également concrétisé notre appui par la création d'un site Web appelé missingkids.ca, qui a récemment été lancé par le Centre canadien de protection de l'enfance.
    Nous savons quand même, bien sûr, et le témoignage du chef Freeman ne fait que souligner qu'il faut faire encore davantage pour les victimes et les victimes d'enlèvement en particulier et bien sûr, pour les membres de la société qui sont les plus vulnérables — nos enfants.
     Pouvez-vous dire au comité si, à votre avis, le projet de loi C-299, présenté par M. Wilks — qui réside également en Colombie-Britannique — nous donne la possibilité de le faire?
(1130)
    D'après ce que j'ai lu et entendu, il semble qu'à l'heure actuelle aucune durée minimale ne soit prévue. Dans l'affaire de Tori, s'ils avaient réussi à les arrêter avant qu'ils ne s'engagent sur l'autoroute 401... Six mois ne représentent rien par rapport au traumatisme qu'ils ont causé à cet enfant pendant son enlèvement. À son âge, elle n'aurait jamais oublié cette expérience; elle l'aurait toujours eu à l'esprit.
    Je ne sais pas si une peine minimale de cinq ans est suffisamment longue, mais c'est un début. Je pense qu'il faut bien faire comprendre à la population qu'il est inacceptable que des gens enlèvent nos enfants, que nous les connaissions ou pas. Cela est tout à fait déplorable.
    Je suis également certaine, comme les autres témoins l'ont dit aujourd'hui, que même si cela ne figurait pas dans le projet de loi original, le gouvernement a l'intention de présenter un amendement qui précise clairement que nous parlons uniquement des inconnus qui enlèvent nos enfants. Cette peine minimale leur serait applicable.
    Avez-vous d'autres commentaires à ce sujet, voire même des idées ou des sentiments au sujet du fait que nos enfants courent le risque que des inconnues s'en emparent, même s'ils sont très jeunes?
    Je ne souhaiterais à personne que son enfant soit enlevé par un inconnu parce que je continue à vivre cette expérience. Notre famille vit toujours ce cauchemar. Cela ne s'arrête pas. Qui sait quand viendra l'oubli?
    De sorte que cinq ans...
    Désolée.
    Imposer une peine de cinq ans est simplement... Je ne sais pas comment le dire.
    Je comprends très bien ce que représente pour vous le fait d'être ici aujourd'hui. J'apprécie vraiment votre courage et je tiens seulement à vous dire que je suis certaine que tout le monde est d'accord avec moi, au moment où nous étudions ce problème très douloureux. Je vous remercie de tout mon coeur.
    M Surprenant aimerait intervenir.
    Très bien.
    Monsieur Surprenant?

[Français]

    J'ai écouté ce que vous avez dit et je veux préciser quelque chose. Le prédateur sexuel n'utilise pas une arme à feu, il utilise la ruse. Le prédateur sexuel ne commettra pas de crime violent lors de l'enlèvement comme tel. Vous devez aussi comprendre que ce sont des peines d'emprisonnement à vie qu'on impose aux prédateurs sexuels quand ils ont enlevé ou agressé un enfant. Quand vous enlevez un enfant, vous détruisez une vie. De quelle façon l'enfant réagira-t-il? Comment se relèvera-t-il de cette épreuve? Toute la question est là. Quoi qu'il en soit, il est sûr que c'est une peine d'emprisonnement à vie.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Côté.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Dunahee, je m'appelle Raymond Côté. Je suis député de Beauport—Limoilou. Je vous remercie énormément de venir témoigner devant notre comité.
    Je n'ai aucune formation comme juriste, ni en droit. Par contre, comme vous, j'étais impliqué dans différents organismes, notamment dans le réseau scolaire. Pendant deux ans, j'ai été président du comité de parents de la Commission scolaire de la Capitale. Vous avez dit ne pas avoir de connaissances en droit. Cela m'a rappelé que plusieurs parents que j'aidais en tant que président étaient intimidés de représenter leur école à une instance comme une commission scolaire. Je rends hommage à votre présence. Ne vous laissez pas intimider par notre comité. Au contraire, vous êtes vraiment à votre place ici.
    Le Code criminel est un tout, c'est un outil important pour notre système de justice. Ma préoccupation ne concerne pas tant l'article de la loi que tout ce qui l'entoure, c'est-à-dire le soutien aux victimes et toutes les conséquences qu'entraîne un crime.
    Étant donné votre rôle de présidente du Child Find British Columbia et en tant que mère qui a vécu cette expérience, que pouvez-vous nous dire sur les besoins de personnes comme vous qui vivent l'expérience très éprouvante de l'enlèvement d'un enfant? À plus long terme, quels sont ces besoins? Parlez-nous de la qualité des services et du soutien que vous avez pu obtenir.
(1135)

[Traduction]

    Nous avons eu recours aux services aux victimes pour le soutien psychologique dont nous avions besoin à l'époque. Notre action avec Child Find B.C. nous a également beaucoup aidés, parce que cela n'était pas facile à trouver. Bien sûr, progressivement, plusieurs organisations ont vu le jour après l'enlèvement de nos enfants et les ressources existent maintenant.
    Le fait que le Code criminel impose une certaine limite nous rassure parce qu'il nous montre que ces criminels vont être emprisonnés et ne seront pas relâchés d'ici six mois avec une petite tape sur la main — en leur disant « Ne touchez pas à nos enfants. »

[Français]

    C'est très bien. Merci beaucoup, madame.
    J'aimerais demander une chose à l'ensemble des témoins. En ce qui a trait au projet de loi tel qu'il est présenté, nous sommes préoccupés par ses conséquences désagréables ou non souhaitées potentielles. Il ne faut pas se le cacher, et c'est pourquoi j'en ai parlé. Nous avons entendu le témoignage du juge Major, en début de semaine, et il nous l'a confirmé. Le Code criminel est un tout. Quand on touche à un article en particulier, comme ce que cherche à faire ici mon collègue David Wilks, il y a des conséquences. Le but est tout à fait estimable, mais parfois il peut y avoir des conséquences non souhaitées.
    Une chose nous a passablement troublés. Dans presque tous les cas d'enlèvement recensés, les peines, en moyenne, étaient de huit à dix ans, et même plus. Dans l'affaire Gillen, en Colombie-Britannique, on a imposé une peine d'emprisonnement à perpétuité à la femme qui avait enlevé un bébé de deux semaines.
    Dans le fond, on peut en déduire que ça fonctionne. Par contre, si on impose une peine minimale de cinq ans, nous craignons que cela n'envoie le message au système judiciaire qu'une peine de cinq ans pourrait être acceptable pour sanctionner ce crime, alors qu'il serait peut-être souhaitable d'imposer une peine plus sévère.
    De plus, cela pourrait amener les procureurs à envisager d'autres chemins, pour éviter que l'accusé n'obtienne une condamnation plus faible que ce que l'on pourrait souhaiter.
    Chef Freeman, que pensez-vous de notre inquiétude?

[Traduction]

    Je serais heureux de le faire et je vous remercie de m'offrir cette possibilité.
     J'ai parlé avec M. Wilks et nous considérons qu'il s'agit là simplement d'un point de départ. Dans les autres affaires que vous avez peut-être examinées où les peines étaient de huit ans jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité, ces peines concernaient peut-être d'autres infractions qui s'ajoutaient à l'enlèvement, parce que, comme cela a été expliqué au comité, il est fréquent que l'enlèvement ait pour but de commettre une agression sexuelle, un viol ou un meurtre.
    Lorsqu'on a communiqué avec moi, j'ai examiné la section du Code uniquement du point de vue de cette accusation — l'enlèvement — et très franchement, j'ai été très surpris de constater qu'il n'y avait pas de peine minimale de prévue. Il n'y avait aucune peine minimale automatique. J'en ai parlé avec M. Wilks, et nous avons décidé que cinq ans seraient un début.
    En ce qui me concerne, il n'y a rien sur terre de plus précieux que la vie d'un enfant.
(1140)
    Merci, le temps de parole est écoulé.
    Monsieur Jean.
    Merci à tous les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    J'ai été criminaliste pendant un certain temps. Cela ne veut pas dire que j'étais à la fois un criminel et un avocat, cela veut dire que j'ai défendu des criminels. J'ai cessé cette activité après un certain temps, parce que franchement, je ne pouvais plus supporter ce genre de travail, après m'être occupé de quelques affaires.
    Je sais toutefois également, d'après mon expérience, qu'il est impossible de réadapter des pédophiles. C'est l'information que je possède. C'est mon témoignage et j'ai toujours entendu M. Surprenant le dire aussi.
    Est-ce bien ce que vous pensez également, monsieur Freeman?
    C'est exact.
    En fait, avec le temps et avec le fait que ces criminels constatent qu'ils ne sont pas sanctionnés pour ce genre de comportement, la situation devient plus complexe. Ils préparent davantage leurs enlèvements. En fait, si l'on se fonde sur les statistiques de 1980, on constate qu'il y a entre 20 et 21 p. 100 des affaires d'enlèvement qui débouchent sur une accusation; cela veut donc dire que près de 79 p. 100 de ces affaires, pour l'année 1980, ne sont toujours pas résolues ou qu'il n'y a pas eu d'accusations de portées. Est-ce bien exact?
    Je ne connais pas cette statistique, mais j'accepte ce que vous dites.
    D'accord.
    En fait, en 2008, si l'on se fonde sur les statistiques — et je sais que les statistiques sont meilleures de nos jours —, il y a eu près de trois fois plus d'enlèvements et de rapts qu'en 1980.
    Je dirais que d'après moi, et j'ai fait un peu de travail comme je l'ai dit dans ce domaine... Cela est extrêmement troublant. Excusez-moi.
    D'après votre expérience, monsieur Freeman, pas seulement comme policier, pensez-vous que c'est une peine raisonnable pour ces personnes?
    Il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances, mais je peux vous dire franchement que j'aurais plutôt tendance à aggraver cette peine et à la rapprocher de l'emprisonnement à perpétuité. Ces délinquants ne peuvent être réadaptés. Ils ont fait du mal à de tendres enfants innocents. Cela a un effet sur la famille et des répercussions énormes. Toute ma collectivité a été traumatisée par le rapt et le meurtre de Victoria Stafford. Sa famille ne s'en remettra jamais complètement. Émotivement et physiquement, cela a été très dur pour tous les policiers.
    Je n'aurais aucune pitié pour un ravisseur d'enfant.
    Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que la plupart des personnes qui commettent ce genre de crime sont des gens qui ont déjà été victimes de ce même crime. En fait, c'est un cercle vicieux qui se répète. Cela devient plus complexe. Ils vont même jusqu'à conclure des ententes avec d'autres personnes pour commettre ces crimes après quelque temps.
    Je dirais même que c'est la raison pour laquelle la plupart de ces crimes ne sont jamais résolus. C'est parce que, lorsqu'ils ne sont pas pris après avoir commis un enlèvement, ils continuent et continuent à faire la même chose. J'ai connu des affaires où il y avait eu des agressions brutales et les gens ont reçu des peines d'emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour et ont été renvoyés chez eux.
     Pouvez-vous commenter ce point?
    Je suis convaincu que cela arrive parfois. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'appuyer M. Wilks avec ce projet de loi.
    Cela est tout à fait inacceptable. Peu importe les autres circonstances qui ont pu alimenter la décision, c'est absolument inacceptable. Je crois que la victime, la famille de la victime et la communauté penseraient la même chose.
    Est-il juste de dire que c'est exactement pour cela que nous avons besoin des peines minimales obligatoires? D'après mon expérience, les juges entendent tous les jours ce genre d'affaires. À mon avis, ils en arrivent à un point où ils ne sont pas immunisés, mais ils deviennent certainement moins sensibles que les autres. C'est ce que j'ai constaté.
    Pensez-vous que cela est juste?
    Je crois que je serais d'accord avec vous.
    Monsieur Surprenant, êtes-vous d'accord avec moi au sujet de ce que je viens de mentionner?

[Français]

    Excusez-moi, mais j'ai mal compris la question.

[Traduction]

    Fondamentalement, quelle serait d'après vous une décision juste pour les gens qui enlèvent de jeunes personnes?

[Français]

    Dans le cas des prédateurs sexuels, la peine maximale est toujours ce qu'on souhaite le plus. Si, par exemple, une peine de huit ans est imposée, il faut que ce soit huit ans d'emprisonnement ferme. S'il y a une remise en liberté, il faut qu'elle soit supervisée, ce qui implique, par exemple, le port obligatoire d'un bracelet permettant de connaître en tout temps les déplacements du prédateur. Si un enfant est agressé et qu'on s'aperçoit qu'un prédateur sexuel était dans les alentours, on peut déjà cibler cette personne.
    Je pense qu'un minimum de supervision serait absolument nécessaire, parce que le prédateur sexuel attend toujours d'avoir retrouvé l'anonymat pour récidiver. Il est donc extrêmement important de pouvoir le retracer.
    On peut faire une analogie avec un animal qui va se terrer, se cacher, en attendant le moment propice, puis il bondit, fait ce qu'il a à faire et s'en va. C'est sensiblement la même chose qui se passe dans le cas d'un prédateur sexuel. La différence est que le cerveau du prédateur sexuel contrôle ce qui se passe en bas. C'est la différence. C'est la stratégie qui sert à répondre à la pulsion qui vient d'en bas.
    Le port du bracelet serait une mesure importante. Ça permettrait de savoir en tout temps où se trouve le prédateur, de le retracer au moyen d'un GPS. Ce serait le minimum.
(1145)

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Chef Freeman, monsieur Surprenant, madame Dunahee, je vous remercie d'être venus nous rencontrer ce matin pour nous livrer vos témoignages et nous éclairer sur cette question.
    L'enlèvement d'une jeune personne est toujours un crime très grave, peu importe les circonstances. C'est pourquoi je suis plutôt d'accord avec Mme Boivin concernant les peines minimales. Le juge à la retraite de la Cour suprême M. Major disait que, selon la jurisprudence, les cas d'enlèvement entraînaient en moyenne une peine d'au minimum huit ans, ou davantage. L'article 279 parle d'emprisonnement à perpétuité. Je pense moi aussi que le législateur ne parle jamais pour ne rien dire et que ça pourrait être mal interprété.
    Chef Freeman, en vous fondant sur votre vaste expérience, pourriez-vous me dire si vous avez déjà eu connaissance de cas où la peine pour l'enlèvement d'une jeune personne avait été de cinq ans ou moins?

[Traduction]

    Je suis heureux d'avoir fait très peu d'enquêtes sur des rapts, mais j'en ai fait quelques-unes. Je vais vous en rappeler une, à laquelle j'ai participé quand j'étais le chef de police à Fergus, c'est l'affaire Peter Whitmore, qui est maintenant emprisonné à perpétuité. C'était un délinquant sexuel de l'Ontario qui avait tendance à enlever et à détourner des jeunes hommes pour les agresser ensuite sexuellement. Une des fois où il a été libéré, il s'est rendu en Colombie-Britannique et a été mêlé à un autre rapt à des fins sexuelles.
    Je pense que le message qui est envoyé lorsqu'il n'y a pas de peine minimale est un message vide. En prévoyant une peine minimale obligatoire de cinq ans de pénitencier, nous prenons position. Nous disons quelque chose. C'est un début. Le fait de ne pas avoir de peine minimale ne dit rien.
    Je ne sais pas si cela vous paraît logique. Cela parait logique ici; je ne suis pas sûr que cela paraisse encore logique maintenant.
    Nous faisons une affirmation en imposant une peine minimale de cinq ans. En acceptant qu'il n'y ait pas de peine d'emprisonnement minimale obligatoire, nous ne faisons aucune affirmation. Nous restons muets.

[Français]

    D'accord.
    Ma deuxième question...
    Je m'excuse, mais je voudrais ajouter quelque chose. On a dit tout à l'heure que la peine de huit ans correspondait toujours à un enlèvement accompagné d'un délit sexuel. Comme l'a dit monsieur, la peine de cinq ans est un minimum. Dans le cas d'un enlèvement simple, avant qu'un crime sexuel ne soit commis, je pense qu'on devrait prévoir une peine minimale de cinq ans. Si on arrive à prendre le prédateur sexuel avant qu'il n'ait commis son geste, une peine minimale de cinq ans devrait être prévue. C'est un plancher de sécurité.
    Merci beaucoup, monsieur Surprenant.
    Tout le monde veut protéger les enfants. L'enlèvement d'un enfant affecte les parents et toute la communauté pour longtemps, si ce n'est pour la vie, comme vous le dites.
    Je m'adresse à M. Freeman. En plaçant plus de policiers sur le terrain, pourrait-on réduire le nombre de victimes?
    J'ai aussi une question pour M. Surprenant. En investissant davantage dans la prévention des enlèvements d'enfants auprès des enfants, des parents et de la communauté, est-ce qu'on réduirait le nombre de victimes?
    Allez-y, monsieur Freeman.
(1150)

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    En deux mots, ma réponse est non. Je ne pense pas qu'avec davantage de policiers, on pourrait régler ce problème. Nous avons demandé à 1 000 enquêteurs de travailler sur cette enquête. Ces prédateurs, ces gens qui s'attaquent à nos enfants, le font de façon tout à fait clandestine. Ils les attirent. Ils les préparent. Ils travaillent discrètement. Ils font tout cela en secret et clandestinement et c'est alors qu'ils s'emparent de nos enfants.
    Je pense que les stratégies de prévention du crime, les stratégies d'éducation axées peut-être sur les parents et les enfants, et des stratégies uniformes dans toutes les écoles du pays aideraient certainement, mais la meilleure dissuasion est d'après moi une peine sévère, ferme et claire. C'est mon point de vue.

[Français]

    Je veux ajouter quelque chose à ce que M. Freeman a dit. Les mesures de prévention sont très utiles, mais elles ne remplacent pas les mesures dissuasives. Elles doivent être en parallèle. Il faut des mesures dissuasives pour dissuader le prédateur sexuel de récidiver. Autrement dit, il faut lui rendre la vie dure. Parallèlement à cela, il est normal de sensibiliser les enfants à l'existence de certaines choses. Par exemple, s'ils vont au dépanneur, qu'ils y aillent à deux et non seuls; c'est très important. De telles mesures peuvent être prises, mais elles doivent être parallèles et complémentaires, et non remplacer les mesures dissuasives. C'est très important.
    Je veux dire quelque chose à propos de l'inquiétude exprimée par un membre du comité un peu plus tôt. Il a dit être inquiet qu'une peine minimale envoie un message aux juges.

[Traduction]

    Je peux assurer au député que, lorsqu'un juge voit qu'une infraction est passible d'une peine minimale, il comprend très bien que le législateur veut que cela soit la peine minimale. Cela veut dire qu'elle est destinée au délinquant dont la culpabilité est la plus faible. Le juge sait parfaitement qu'il faut augmenter la peine à mesure que le degré de culpabilité de l'accusé augmente. Les juges savent donc qu'une peine minimale est exactement cela — elle s'applique aux cas les moins graves — et que des augmentations de la peine sont justifiées par la suite.
    Madame Dunahee, j'aimerais vous poser quelques questions. Je vais commencer par remercier tous les témoins, mais vous en particulier, parce qu'il est évident que vous souffrez encore beaucoup. Je sais qu'il faut beaucoup de courage pour venir ici et que vous êtes venue dans l'intention de nous aider tous à comprendre le point de vue de la victime parce que, évidemment, les enfants qui sont enlevés ne sont pas les seules victimes dans ce genre d'affaires. C'est pourquoi qu'il me paraît important de vous demander d'essayer de bien expliquer aux membres du comité ce point de vue, le point de vue de la victime.
    Je sais que dans votre cas, votre fils, Michael, a été enlevé à l'âge de quatre ans. Il n'a pas été retrouvé même si on a lancé, d'après ce que je sais, une des plus grandes enquêtes policières qui soit au Canada; malgré que, si j'ai bien compris, la police ait reçu près de 11 000 dénonciations; malgré le fait que cette affaire ait été diffusée dans tous les médias canadiens et aux États-Unis; et malgré le fait qu'on ait offert une récompense de 100 000 $. Malgré tout cela, la police n'a pu progresser dans cette affaire.
    Je sais également que vous-mêmes avez été une des premières défenseures des enfants disparus et qu'en 2002, vous avez prêté votre voix pour appuyer la Gendarmerie royale du Canada qui voulait introduire un système d'alerte AMBER en Colombie-Britannique. Ce sont là des exemples qui montrent que votre situation terrible a débouché sur d'excellentes choses.
    Je ne sais même pas quand votre fils a disparu, vous pourriez peut-être commencer par nous dire depuis combien de temps vous souffrez de cette tragédie et par donner aux membres du comité quelques explications qui montrent que, d'après votre expérience, il faut examiner très sérieusement la loi.
(1155)
    Merci.
    Michael nous a été pris le 24 mars 1991. Il vient tout juste d'avoir son 26e anniversaire. La ou les personnes responsables de nous avoir enlevé Michael et qui ont réussi à échapper à toutes les recherches que nous avons faites, parce que nous avons décidé de rendre public notre cas... Nous avons voulu le faire connaître pour qu'il y ait plus de personnes qui nous aident à chercher Michael. Malheureusement, cela n'a pas donné de résultats jusqu'ici. Je pense qu'il est là quelque part et qu'un jour il rentrera chez lui.
    Pour ce qui est des changements au Code criminel que votre comité examine, il y a la possibilité que quelque chose... Je ne sais pas comment le dire. Le fait de ne pas avoir de peine minimale... Il faut qu'il y en ait une, d'après moi et d'après ce qu'a déclaré le député qui a présenté le projet de loi parce qu'il faut absolument bloquer cette possibilité. Il faut envoyer un message fort qui montre qu'il ne faut pas prendre les enfants des autres. C'est...
    M. Stephen Woodworth: Le mot qu'un avocat utiliserait...
    Mme Crystal Dunahee: Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
    Mais si. J'allais simplement dire qu'un avocat utiliserait dans ce cas-ci le mot « dissuasion ». Cela aide à empêcher que d'autres commettent cet acte.
    Mais encore une fois, je vous remercie d'être venue.
    Merci.
    J'ai M. Scott.
    Madame Boivin.
    M. Scott prend plusieurs formes aujourd'hui.
    Pour poursuivre ce que disait M. Woodworth, et pour citer le juge Major, qui était ici mardi:
C'est ce que l'on espère,
    ... lorsqu'il y a une peine minimale...
mais l'expérience démontre que la gravité du crime a rarement un effet dissuasif, car il y a cette philosophie qui dit que le criminel ne pense pas qu'il va se faire prendre.
    C'est de là que vient parfois le problème.
    J'aimerais demander au chef — je savais que j'aurais votre attention — si vous pensez que Rafferty aurait commis son crime s'il y avait eu cette peine minimale de cinq ans. Pensez-vous que cela l'aurait arrêté?
    Je ne pense pas que cela l'aurait arrêté, non. C'est un vrai monstre et il est maintenant enfermé, pour le reste de sa vie j'espère, et il ne pourra plus jamais faire du mal à un autre enfant, tout comme sa complice. Ces deux personnes ont été poussées à le faire à cause d'Internet et de la pornographie. Elles ont recherché des sites Web extrêmement dangereux et elles ont décidé qu'elles allaient enlever un enfant ce jour-là et c'est Victoria qu'elles ont enlevée.
    Vous voyez où je veux en venir. C'est mon problème, dans le sens où je ne sais pas si cela ne revient pas à donner à notre société un sentiment de confort et dans un sens, un faux sentiment de confort. Parce que si nous voulons faire savoir à tous les citoyens qu'en adoptant cette mesure nous allons renforcer la sécurité et que les enfants ne seront plus en danger, il y a un problème, parce que ça ne sera pas le cas. Il y a encore des prédateurs qui rôdent. Il y a encore des malades autour de nous. En agissant de cette façon, je pense parfois que nous évitons de nous attaquer de front au problème réel. C'est une des difficultés que je vois, parce que dans mon coeur, même si j'aimerais que la peine soit même encore plus forte, je me dis quand même que ce n'est pas cela qui va empêcher quelqu'un d'agir de cette façon.
    Ce qui me rassure, ce n'est pas de voir quelle est la peine minimale et la peine la plus faible, mais la peine la plus forte. J'ai regardé la jurisprudence pour voir s'il y avait un problème. Normalement, si nous essayons de réparer quelque chose, c'est parce qu'il y a un problème. Si ce n'est pas le cas, je ne sais pas à quoi sert ce que nous faisons. J'ai regardé tout cela et je ne vois pas de problème, parce que je n'ai pas constaté que les tribunaux imposaient des peines légères pour ce genre d'infraction.
    Je ne sais pas si les témoins ont lu l'article 279, tel qu'il est rédigé actuellement. Le projet de loi a pour but de modifier l'article 279. Si vous lisez cet article... Je suis avocate et je peux vous dire que cette formulation dépasse l'entendement. L'article 279 parle d'enlèvement et comme le juge Major le disait, c'est l'enlèvement à des fins lucratives. C'est l'enlèvement avec intention. De sorte que, lorsque vous dites qu'il n'y a rien d'associé à cette disposition, pour être déclaré coupable aux termes de l'article 279, il faut toujours que soit associé un autre élément. Vous ne pouvez pas donc dire que c'est une infraction simple. Ils ont enlevé un enfant et merci à Dieu, la police est arrivée suffisamment rapidement pour pouvoir reprendre l'enfant. Les auteurs de l'enlèvement pourraient quand même être déclarés coupables aux termes de l'article 279, s'il y avait eu une intention. Il faudrait examiner quelle était la motivation et cela serait difficile à prouver. Mais à ce moment-là, il se pourrait que ça ne soit pas l'article 279 qui entre en jeu, mais un autre.
    Il faut ensuite examiner tous les autres éléments de cet article, qui sont difficiles à comprendre. Il y a l'article 280, qui est le rapt d'une personne de moins de 16 ans; il est passible d'une peine maximale qui est moins que l'emprisonnement à perpétuité. De sorte que, lorsque vous réunissez tous ces éléments, je me demande si imposer une peine minimale de cinq ans pour la violation de l'article 279 — et le projet de loi d'initiative parlementaire énonce qu'il s'agit de cet article précis et nous ne pouvons pas changer la formulation du projet de loi d'initiative parlementaire — changera vraiment les situations que nous voyons tous les jours, tous les cas dramatiques et précis dont nous entendons parler ou votre cas, M. Surprenant, qui a ému toute la province.
(1200)

[Français]

    Toute la province a vécu ce que vous avez vécu. Ce n'était certainement pas de la même façon, parce que, comme je le disais précédemment, on ne peut pas être à votre place et vivre l'horreur qu'un parent doit ressentir ni ce que Mme Dunahee a pu ressentir. Toutefois, comme députés, comme membres du Parlement, il faut arrêter de faire croire à la société que parce qu'on écrit une phrase, on vient de régler un problème, alors que, selon moi, on ne règle rien du tout.
    C'est votre interprétation.
    Si votre premier objectif est la sécurité des enfants, vous comprendrez qu'il s'agit vraiment d'un minimum. Comme on l'a dit plus tôt, les juges comprennent qu'il s'agit d'un minimum. Il faut se diriger ailleurs.
    Pourriez-vous nous mentionner un cas d'enlèvement d'enfant où on aurait imposé une peine moindre?
    À vous entendre, c'est à croire que vous vous préoccupez davantage de la capacité de récidive du prédateur sexuel.
    Pas du tout, je ne parle pas de cela. Au contraire, je dis qu'on impose des peines plus sévères.
    À entendre vos propos, c'est ce que j'en comprends, en tant que père d'une victime.
    C'est peut-être parce que vous ne m'avez pas bien comprise. Je dis qu'on impose plus que le minimum.

[Traduction]

    Madame Boivin, votre temps de parole est écoulé.

[Français]

    Je ne comprends pas pourquoi vous vous attardez à cela. Ce qu'on demande, c'est un minimum, ce n'est pas...
    En tout cas, je ne veux pas m'obstiner avec lui.
    Moi non plus.

[Traduction]

    Monsieur Goguen.

[Français]

    Monsieur Surprenant, vous disiez un peu plus tôt que la pédophilie ne pouvait pas être guérie.
(1205)

[Traduction]

    Je vais demander au chef de commenter également ce point.

[Français]

    En fait, après leur libération, ils devraient être suivis. Je crois savoir qu'en ce moment, en vertu du Code criminel, la période maximale que peut durer l'ordonnance de libération conditionnelle pendant laquelle on fait un suivi est de trois ans.
    Croyez-vous qu'on devrait modifier le Code criminel dans le cas d'une infraction sexuelle envers des enfants et prolonger la période de libération conditionnelle?

[Traduction]

    Je ne sais pas si vous avez entendu cela, chef. Je disais simplement qu'en fait, la pédophilie est probablement incurable. Aux termes du Code criminel, la période maximale de probation après la remise en liberté est de trois ans.
    Devrait-on prolonger la période de probation prévue par le Code criminel dans le cas des délinquants sexuels ayant commis une infraction contre des enfants.

[Français]

    Ma question s'adresse d'abord à M. Surprenant.
    Évidemment, trois ans, c'est une durée insuffisante. Quand on sait qu'un prédateur sexuel ne peut être guéri, trois ans, ce n'est rien.
    On devrait donc prolonger cette période, en modifiant peut-être le Code criminel, pour qu'il y ait un suivi plus long. Cela devrait-il même être pour la vie?
    En ce moment, il existe des dispositions permettant de déclarer qu'un prédateur sexuel est un délinquant à contrôler pendant un minimum de 10 ans.
    Par exemple, aux États-Unis, après la deuxième ou troisième infraction, c'est la castration ou la prison à perpétuité. Je pense qu'entre cette peine extrême et la nôtre, il y a du travail à faire.

[Traduction]

    Chef?
    J'aimerais dire que nous pourrions beaucoup améliorer plusieurs aspects du Code criminel. C'est sans doute la raison pour laquelle les Canadiens considèrent parfois que notre système est trop faible. Je pense que l'on peut l'améliorer.
    Dans le cas de l'enlèvement d'un enfant de moins de 16 ans par un inconnu, je pense qu'en prévoyant une peine minimale de cinq ans, nous disons quelque chose. Nous tirons un trait et disons que nos enfants sont les citoyens les plus vulnérables et que ceux qui enlèveront un de ces enfants de moins de 16 ans serons passibles de telle peine minimale.
    À l'heure actuelle, nous ne faisons rien et nous acceptons — et là je prends un cas extrême — que quelqu'un pourrait être mis en probation pour avoir enlevé un enfant de moins de 16 ans. Je sais que ce serait un cas extrême et je le comprends. Mais je pense, premièrement, que ce projet de loi a lancé la discussion, ce qui me paraît très utile — je sais que c'est utile dans ma communauté —, mais je pense que nous, les législateurs et les milieux de l'application de la loi, avons le devoir de tirer un trait et de dire que ceux qui font ce genre de choses vont recevoir une peine minimale de cinq ans d'emprisonnement.
    Très bien.
    Me reste-t-il du temps?
    Oui, il vous reste deux minutes.
    Chef, les accusés ont tous les deux été condamnés maintenant. Ils vont être incarcérés. Pourraient-ils être placés dans la population carcérale générale?
    J'en doute. Même les détenus ont des normes à respecter et je ne pense pas que l'on ne verra jamais ces deux-là dans la population générale...
    Je sais que Rafferty ne se retrouvera jamais dans la population générale, je ne le pense pas. McClintic est dans un environnement légèrement différent. Je pense qu'elle est dans un environnement contrôlé à l'intérieur de l'établissement.
    De sorte que même chez les détenus, ce genre de crime est considéré comme très choquant. Les autorités ne les exposeraient pas au risque qu'ils courraient si on les plaçait dans la population générale parce que même les condamnés n'acceptent pas ce genre de chose. Est-ce bien exact?
    C'est exact. Ils les considèrent comme des inadaptés pitoyables, comme nous le faisons. Comme je le dis, même les criminels ont des normes, et le rapt, le viol et le meurtre d'un enfant représente vraiment le fond du cloaque.
    Compte tenu de tout cela, peut-on dire que le citoyen ordinaire estimerait que la peine minimale pour cette infraction est tout à fait acceptable selon les normes canadiennes. Est-ce bien exact?
    J'en suis absolument convaincu. Si vous posiez la question aux parents qui ont des enfants, je pense qu'ils proposeraient des peines beaucoup plus longues que cinq ans.
    Merci, chef.
    Madame Ambler.
    Merci, monsieur le président et merci à vous tous d'être ici pour parler de ce projet de loi d'initiative parlementaire très important.
    Madame Dunahee, je vous remercie en particulier d'être venue aujourd'hui. Je ne peux même pas imaginer le courage qu'il vous faut non seulement pour être ici, mais pour vous lever tous les matins, vous habiller et faire votre travail. Ne vous sentez donc pas obligée de fournir de longues réponses ni même de répondre. Je vais poser des questions, mais si elles sont trop difficiles et que vous ne puissiez y répondre, je pense que nous comprendrions tous.
    Je suis la mère de deux adolescents moi-même, et je ne peux que vous dire que je ne peux qu'imaginer... il y a des difficultés et des complications tous les jours, mais je suis désolée que de savoir que vous ne connaîtrez jamais cela avec votre fils Michael.
    Vous avez dit que vous viviez un cauchemar tous les jours et j'espère et je prie pour que cela s'arrête un jour. Cela me semble une excellente chose de célébrer son anniversaire. Je veux souhaiter un joyeux anniversaire le 12 mai pour votre fils Michael qui aura 26 ans. J'ai vu en ligne les portraits-robots qu'on a faits de lui et c'est vraiment un beau jeune homme.
    J'aimerais dire que nous avons parlé de ce projet de loi comme d'une mesure qui allait rassurer quelque peu la population. Mme Boivin a déclaré qu'elle pensait que cette mesure allait uniquement nous rassurer nous-mêmes et non pas s'attaquer au vrai problème. J'estime que d'une certaine façon, cette mesure n'est pas mauvaise; si la loi rassure certaines personnes parce qu'elle est bien conçue, c'est une bonne loi. Cette loi a donc pour but de protéger les enfants — si c'est bien l'objectif principal — diriez-vous, comme mère d'un enfant disparu, que l'adoption de cette loi vous rassurerait un peu?
    Je peux poursuivre. Très bien.
(1210)
    Il y a un décalage dans le son.
    Oh, je comprends.
    Comme l'a déclaré le chef Rodney Freeman, tous les parents préféreraient une période plus longue. Je ne sais pas si cinq ans est un emprisonnement suffisamment long. Je vois les difficultés auxquelles font face les membres du comité qui veulent mettre en oeuvre cette mesure, et le fait que les avocats estiment qu'une peine minimale de cinq ans est acceptable.
    Du point de vue d'un parent, je ne pense pas que cette durée soit acceptable. Elle devrait être plus longue.
    Je pense que c'est le député Côté qui a déclaré qu'il trouverait qu'une période plus longue serait acceptable, ce qui m'a beaucoup rassurée. Dans les remarques que vous avez faites précédemment, je note que vous avez déclaré qu'une période de 5 ans ne serait peut-être pas suffisante et qu'une période de 10 ans serait peut-être plus appropriée. Vous seriez donc d'accord avec cela. Vous diriez que cela non seulement vous rassurerait, mais si la sécurité des enfants est notre principal objectif que cela renforcerait cette sécurité.
    Je veux faire remarquer ici que Mme Boivin a dit autre chose. Elle a déclaré: « J'examine la situation et je ne vois pas de problème » pour ce qui est des peines et des juges.
    Je m'oppose tout à fait à cette affirmation. J'examine la situation et je vois un problème, parce que d'après ce que je sais et d'après ce qu'a dit tout à l'heure le chef Freeman, il est rare que les juges imposent les peines maximales.
    Je vous pose donc la question suivante, en tant que mère et en tant que personne qui connaît bien cette question et qui, j'en suis sûre, connaît bien le droit, pensez-vous qu'il y a un problème et que ce soit une bonne idée de donner au juge cette directive qui consiste à imposer une peine minimale, sachant que cela ne veut pas dire qu'ils vont uniquement imposer la peine minimale. Je crois que nous pouvons faire confiance aux juges sur ce point. Ils savent qu'une peine minimale est un minimum.
    Pensez-vous qu'il est important que nous nous occupions de ceci?
    Comme certains membres du comité l'ont fait remarquer, je pense que les peines qui ont été imposées jusqu'ici n'ont jamais été inférieures à cinq ans. Elles ont toujours été supérieures à cinq ans, de sorte que prévoir cinq ans dans ce... Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas, parce que comme je l'ai dit, les juges vont déjà au-delà de cette durée et qu'en prévoyant une période de cinq ans, cela aura en réalité pour effet de ramener la peine de huit ans à une peine minimale de cinq ans, de sorte que je ne sais pas si c'est bien le message que nous voulons donner.
    Je ne suis pas avocate, mais...
    Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Côté.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais éviter que ma collègue Mme Ambler n'interprète mal mes paroles. Quand je parle de peines beaucoup plus lourdes, je parle de peines maximales et non de peines minimales. Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue dans le cas d'un crime d'enlèvement, selon les circonstances. Je laisse les juges en décider. J'appuie entièrement la peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Je remercie beaucoup les témoins de montrer un tel courage en témoignant ici et de revivre d'une certaine manière les événements éprouvants qu'ils ont vécus.
    Je voudrais revenir à vous, madame Dunahee. Excusez-moi, je ne veux pas m'acharner sur vous. Sauf erreur, vous avez réussi à obtenir que la Colombie-Britannique utilise le système d'alerte AMBER.
(1215)

[Traduction]

    Je n'y ai pas participé à 100 p. 100. J'ai toutefois fait savoir qu'il fallait que la Colombie-Britannique mette sur pied ce système parce que nous ne l'avions pas.

[Français]

    C'est très bien et je vous en félicite.
    Je ne veux pas présumer des pensées de mes collègues, mais je crois qu'ils partagent ma préoccupation par rapport à l'instauration d'un faux sentiment de sécurité au sein de la population.
    Je vais vous amener sur un autre terrain que celui de la loi. Mes antécédents sont plutôt dans le domaine de l'économie. Je ne veux pas faire de reproches à un gouvernement en particulier. Cette histoire remonte à presque 20 ans. Le gouvernement fédéral s'était déchargé passablement de ses responsabilités en faisant d'importantes compressions budgétaires au détriment des provinces et des municipalités. Cela a eu comme conséquence de priver les autres paliers de gouvernement de certains moyens à cet égard. C'est une conséquence très déplaisante. Cela nous amène à faire des choix très difficiles dans nos communautés au quotidien. Il ne faut jamais oublier qu'un article du Code criminel tel qu'il est appliqué, s'il ne s'accompagne pas d'un ensemble de mesures extrajudiciaires, peut s'avérer inefficace pour ce qui est de régler certains problèmes.
    Monsieur Surprenant, vous êtes très bien placé pour en parler. Vous avez parlé de dissuasion et vous avez très bien exposé le fait qu'un prédateur sexuel est beaucoup plus guidé par ses instincts que par sa réflexion. Je ne comprends pas comment une peine minimale de cinq ans pourrait le dissuader de poser un geste, puisque ce sont ses bas instincts qui vont l'amener à agir.
    La peine minimale de cinq ans, c'est un minimum de sécurité. Je vous écoute depuis tout à l'heure et je vais vous faire une suggestion. Si, pour vous, une peine minimale de cinq ans n'est pas acceptable, pourquoi ne suggérez-vous pas une peine de dix ans?
    Monsieur Surprenant, c'est simplement parce que je ne crois absolument pas que les peines minimales soient une solution. Au contraire...
    Je m'excuse de vous interrompre, mais la peine minimale doit être dissuasive. Toutefois, cela ne doit jamais être la seule mesure qui est prise.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Elle devrait être accompagnée d'autres mesures. Tout à l'heure, j'ai proposé le port d'un bracelet. Pour ce que je sais du contrôle toutes les deux semaines, cela ne vaut pas grand-chose, parce que la personne signe un registre et s'en va. Il n'y a aucune mesure de sécurité ou de suivi. Quand le prédateur sexuel sévit, dans les premiers jours, il est encore sous les effets de l'adrénaline. Il y a peut-être moyen d'aller chercher de l'information à ce moment-là parce qu'il est encore sensible. Toutefois, après deux semaines, il a digéré son crime, il l'a avalé. Il est capable de faire face à la situation et de rester calme. Si l'agent de probation l'interroge sur ses allées et venues des derniers jours alors que le crime a été commis deux semaines auparavant, cela ne donne absolument rien.
    En effet.
    Je sais qu'il est physiquement impossible de demander à un prédateur sexuel qui est en liberté conditionnelle de se présenter tous les trois jours devant les autorités. Par contre, le bracelet pourrait indiquer où il se trouvait au moment où un crime a été perpétré.
    Très bien. Merci.
    Chef Freeman, à Québec il y a quelques années, un homme a enlevé un jeune garçon. Cet homme a mis le garçon dans le coffre de sa voiture et l'a ensuite enfermé dans la chaudière d'une fournaise. Heureusement, un citoyen qui avait été témoin de ce crime a appelé les forces policières et a suivi le kidnappeur.
(1220)
    Ça a été grâce à l'alerte AMBER.
     Je m'excuse de vous avoir interrompu.
    Ce n'est pas un problème.
    Chef Freeman, croyez-vous que des mesures comme la vigilance citoyenne, l'alerte AMBER et la sensibilisation des gens à ce problème, pour les inciter à être plus vigilants et à intervenir plus rapidement en contactant les forces policières, pourraient contrer de façon vraiment efficace les enlèvements, qu'ils soient commis par des prédateurs sexuels ou par d'autres personnes?

[Traduction]

    Tout à fait, oui. La sécurité de la société est une responsabilité que doivent partager tous les citoyens canadiens avec leurs services de police locaux. Si les services de police étaient seuls chargés de lutter contre le crime et d'assurer une qualité de vie à la population, ils ne réussiraient pas à faire de nos collectivités des collectivités sûres. Pour assurer leur sécurité, nous avons absolument besoin de la confiance, de l'appui et de la participation des citoyens.
    Le Canada est un pays très sûr, parce que nous avons déjà ces partenariats, d'un bout à l'autre du pays, de l'est à l'ouest et au nord. Il y a les programmes d'alerte AMBER. La sécurité est assurée par un ensemble d'éléments, mais le premier est nécessairement l'existence d'une relation de confiance et de collaboration entre les citoyens et la police.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet.
    Comme vous le savez peut-être, les gens de la Sûreté du Québec ont adopté un code de sécurité pour les cas d'enlèvement. Au départ, ils fonctionnent selon le code 1, c'est-à-dire qu'ils déploient la grosse machine. Ensuite, selon la gravité des événements qui s'ensuivent, ils passent aux niveaux 3, 4 ou 5. Il reste que le niveau de déploiement est toujours au maximum tant et aussi longtemps qu'on ne connaît pas le niveau de gravité de la situation.
    C'est donc dès que le signalement est fait.
    Merci beaucoup, monsieur Surprenant.

[Traduction]

    Le président aimerait tout simplement mentionner qu'il y a littéralement des centaines de signalements de disparition d'enfant tous les jours. Ces signalements ne déclenchent pas automatiquement une opération policière. La plupart des enfants déclarés disparus sont simplement déclarés disparus et ces aspects ne se déclenchent pas toujours automatiquement. Il arrive qu'il se trouve chez un ami et n'a pas dit à ses parents où il allait.
    Cela impose une grande responsabilité à la police après coup.
    Dans Woodstock seulement, une petite communauté de 40 000 personnes, nous faisons des enquêtes sur près de 250 rapports de disparition d'enfant chaque année et 99,99 p. 100 du temps, l'explication est très simple. L'enfant n'est pas revenu chez lui et a été chez un ami ou quelque chose du genre. Ce sont les cas qui nous plaisent. Il y a eu malheureusement l'absence de Victoria, qui a déclenché ce qui a peut-être été la plus grande enquête criminelle et la plus grande recherche sur le terrain de l'histoire de la province de l'Ontario, et bien sûr, de celle de la ville de Woodstock.
    Merci.
    Nous avions prévu de parler des travaux du comité, mais compte tenu des circonstances, nous allons remettre ça à la prochaine réunion. Il n'y a pas beaucoup d'autre chose à examiner.
    J'aimerais remercier les témoins. Je sais qu'il a été extrêmement difficile pour vous, madame Dunahee, de venir ici aujourd'hui. Le comité l'apprécie beaucoup. Vous avez ajouté à notre discussion un élément extrêmement utile et nous vous en sommes reconnaissants.
    Monsieur Surprenant, il en va de même pour vous. Je sais que les circonstances compliquent beaucoup les choses.
    Chef Freeman, il est toujours agréable de vous rencontrer à Ottawa ou chez vous.
    Merci.
    La séance est levée.
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