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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue au Comité de la santé.
    Notre comité est aujourd'hui saisi d'un projet de loi très important, le projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide. J'ai l'honneur et le privilège de vous présenter le parrain de ce projet de loi, le député Harold Albrecht, qui a accompli beaucoup de travail dans ce domaine.
    M. Albrecht prendra la parole en premier, et nous entendrons ensuite le Dr David Goldbloom et Mme Mary Bartram, de la Commission de la santé mentale du Canada. Je crois savoir, docteur Goldbloom, que c'est vous qui présenterez l'exposé. Nous avons aussi Mme Tana Nash, du Waterloo Region Suicide Prevention Council. Merci de vous joindre à nous, madame Nash.
    Nous allons commencer avec mon ami et collègue, M. Albrecht.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je dois dire d'emblée que c'est la première fois que je comparais devant un comité, assis à ce bout-ci de la table, et je vous remercie donc de votre accueil chaleureux et de votre compréhension.
    Il circule beaucoup d'idées fausses au sujet du suicide. Le suicide fait l'objet d'une stigmatisation qui empêche d'en parler franchement. Il suscité quantité de questions auxquelles nous n'avons tout simplement pas les réponses. Les études montrent que 96 p. 100 des Canadiens pensent que parler ouvertement du suicide réduira le nombre de suicides. Nous ne savons pas combien de Canadiens sont capables d'en parler sans gêne.
    La stigmatisation du suicide est réelle. Depuis que j'ai soulevé ce problème au Parlement, de nombreux électeurs, amis et journalistes m'ont demandé quelle est la personne dont le décès par suicide m'a amené à introduire ce projet de loi. J'aimerais vous faire part brièvement de mon cheminement à cet égard.
    En mars 2008, une jeune femme de Brampton, prénommée Nadia, souffrait de trouble de l'humeur post-partum et d'insomnie. Étudiante ici, à Ottawa, elle se sentait isolée et a cherché de l'aide en ligne. Au lieu de trouver de l'aide, Nadia est tombée sur un prédateur. Loin de la réconforter, celui-ci l'a encouragée à se pendre devant une caméra web. Au lieu de trouver un ami qui l'encouragerait à se faire soigner, elle est tombée sur un prédateur qui a conclu un pacte de suicide avec elle, un pacte qu'elle a exécuté au mois de mars, il y a quatre ans.
    On s'est rendu compte que la jeune femme avec laquelle Nadia pensait correspondre était en réalité un homme d'âge moyen — un infirmier d'âge moyen du Minnesota qui se présentait en ligne sous un pseudonyme et qui a été relié à de nombreux autres suicides dans plusieurs pays.
    Il semble que le caractère numérique et transfrontalier du crime empêchait les poursuites. Lorsque j'ai rencontré les membres de la famille de Nadia, j'ai vite compris leur souffrance, perpétuée de jour en jour, incapables qu'ils étaient de résoudre leur deuil.
    À l'époque, j'étais grand-père de huit merveilleux petits-enfants — aujourd'hui, j'en ai neuf — grandissant dans un monde où la communication en ligne ressemble au Far West. Cela m'a amené à introduire la Motion 388, qui invitait le gouvernement à lever dans le Code criminel les entraves qui paralysaient les organismes d'application de la loi dans le cas de Nadia. Cette motion a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes en novembre 2008.
    Dans le cadre des discussions sur la Motion 388, j'ai rencontré beaucoup de personnes travaillant en première ligne, telles que Tana Nash, qui ont fait de leur mieux pour m'informer de ces enjeux. J'ai rencontré de nombreux Canadiens touchés par le suicide qui m'ont fait part de leur souffrance, et j'ai commencé à voir les choses sous un angle différent. Les avis de décès de jeunes Canadiens n'indiquant pas la cause me sautaient aux yeux comme jamais auparavant. Puis, un jour, j'ai trouvé sur mon BlackBerry un courriel de Tana contenant des nouvelles qui m'ont glacé le sang et donné la nausée. En l'espace de seulement une semaine, trois élèves d'écoles de la région de Waterloo sont morts par suicide dans des incidents isolés.
    S'il est un événement particulier, un accident particulier qui m'a amené à introduire le projet de loi C-300, c'est bien cette conversation.
    La nécessité du projet de loi C-300 est évidente et je remercie le Parlement de l'avoir reconnu par un vote aussi fortement majoritaire en sa faveur. J'ai communiqué quantité de données statistiques lors du débat sur le projet de loi C-300, mais aujourd'hui j'aimerais adopter la démarche inverse, et parler plutôt de ce que nous ne savons pas.
    On estime qu'en moyenne 10 Canadiens se donnent la mort chaque jour. Ce nombre en soi est terrifiant, mais nous ne savons pas dans quelle mesure il est exact. Nous savons que la stigmatisation dont le suicide est l'objet est un facteur de sous-déclaration, mais nous n'en connaissons pas l'ampleur.
    Nous savons que le suicide est un problème de santé publique, mais nous n'avons pas établi de pratiques exemplaires pour le traiter en tant que tel. Les enseignants, qui seraient en situation de détecter les comportements suicidaires sont rarement formés pour le faire, et même les médecins et infirmières reçoivent rarement une formation spécifique dans ce domaine. Nous savons qu'il existe dans notre société des groupes plus vulnérables au suicide que la population générale — notamment les anciens combattants et les Canadiens autochtones — mais nous avons du mal à mettre au point une intervention adaptée fondée sur des faits démontrés.
    Nous savons qu'il est possible le plus souvent de prévenir les suicides par les connaissances, les soins et la compassion, ainsi que l'indique le préambule du projet de loi C-300, mais les connaissances sur la prévention du suicide, accumulées par ceux dont la sollicitude et la compassion les poussent à oeuvrer pour sauver des vies, sont mal disséminées.
    Enfin, nous savons que la solution à ce problème passera par la collaboration au-delà des frontières juridiques, géographiques et sectorielles et par une communication plus poussée entre les organismes. Mais nous savons également que, entre 1993 et l'élection la plus récente, un seul texte de loi portant sur la prévention du suicide a été introduit, et ce projet de loi d'initiative parlementaire n'est jamais parvenu au stade de la deuxième lecture.
    Cela ne signifie pas que nous n'avons pas progressé.
(0850)
    Je crois savoir que vous allez entendre aujourd'hui la Commission de la santé mentale du Canada. J'ai été mis au courant de certains des projets sur lesquels elle travaille, et je dois dire que la CSMC a construit un fondement solide pour la réalisation des objectifs du projet de loi C-300. Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions, mais je vous rappelle que je ne suis pas un expert de la prévention du suicide. Je vous invite donc à adresser les questions plus techniques aux témoins experts qui vont comparaître aujourd'hui et dans les jours à venir.
    Je ne suis pas superstitieux, mais je détecte des similitudes. Mon projet de loi porte le numéro C-300. Trois députés ont voté contre lui. Le comité lui consacre trois jours d'étude. Je terminerai donc en relevant cette coïncidence et je remercie le comité de veiller à ce que le projet de loi C-300 soit prêt pour sa troisième lecture. Au cours de ce cheminement, je me suis mis à qualifier le projet de loi C-300 de message d'espoir. Je vous remercie de le faire vôtre.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Albrecht.
    Nous passons maintenant au Dr David Goldbloom.
    Merci et bonjour. C'est un grand plaisir que de comparaître devant le comité ce matin.

[Français]

    Je m'appelle David Goldbloom. Je suis psychiatre. C'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous pour discuter d'un sujet d'une très grande importance dans ma vie professionnelle et aussi dans ma vie personnelle.

[Traduction]

    Je suis ici en ma capacité de vice-président de la Commission de la santé mentale du Canada, mais je suis également ici en tant que psychiatre ayant travaillé dans le domaine de la santé mentale au cours des 30 dernières années, soignant des personnes suicidaires et traitant les séquelles du suicide chez ces familles qui sont si profondément et irrévocablement affectées par le suicide d'un proche. Je m'adresse également à vous en tant que personne ayant connu le suicide à un niveau très personnel. Deux médecins de ma propre famille sont morts par suicide. Selon mon expérience, tout un chacun, dans le cours de sa croissance, de sa vie personnelle et de sa vie professionnelle, connaît quelqu'un qui a été touché par cette issue tragique. Je suis reconnaissant de la possibilité d'en parler que me donne cette audience.
    Pour situer un peu la Commission de la santé mentale du Canada, je crois savoir que c'est la première comparution de notre organisation devant votre comité. Je vous rappelle simplement, pour vous donner un bref historique, que la Commission de la santé mentale est issue d'un rapport sur la santé et les maladies mentales, intitulé « De l'ombre à la lumière », publié en 2006. Parmi ses 118 recommandations figurait la création d'une commission nationale de la santé mentale, ce que le gouvernement du Canada a fait en 2007.
    À titre d'organisation nationale de premier plan dans le domaine de la santé mentale, la commission collabore avec un vaste réseau de personnes, allant des professionnels de la santé mentale comme moi à des analystes de politiques, à des chercheurs et à des scientifiques, mais aussi et surtout avec des personnes ayant une expérience concrète de la maladie mentale, qui sont présentes à tous les niveaux de notre organisation, depuis le conseil d'administration jusqu'à nos opérations de première ligne, ainsi qu'avec des membres de familles touchées, car nous pensons que ceux qui ont une expérience concrète de cette réalité dans leur famille sont des moteurs essentiels du changement en santé mentale.
    Nous avons un mandat de 10 ans. La Commission de la santé mentale en est maintenant à sa cinquième année. Nous sommes une organisation axée sur l'action, chargée de coopérer avec les parties prenantes et des partenaires afin de transformer le paysage de la santé mentale au Canada.
    Au cours de ces cinq premières années de fonctionnement, la Commission de la santé mentale a axé ses efforts sur plusieurs initiatives s'inscrivant dans le mandat initial confié par le gouvernement fédéral.
    La première a consisté à élaborer et à mettre en oeuvre la toute première stratégie nationale relative à la santé mentale que le Canada ait jamais possédée. Cette stratégie sera rendue publique dans quelques mois. Je suis ravi que Mary Bartram, la directrice de notre stratégie nationale de santé mentale, qui est assise à ma gauche, ait travaillé sans relâche à son élaboration.
    La deuxième initiative est de créer un centre d'échange des connaissances, qui aura pour mission de faciliter l'acquisition et la mobilisation de connaissances factuelles par les professionnels de la santé mentale et la société dans son ensemble. Nous vivons aujourd'hui dans le monde du web 2.0, où il n'existe aucun filtre pour assurer la qualité des renseignements que l'on trouve sur l'Internet. Ce sera un guichet unique d'information sur la toile pour tous les Canadiens.
    Troisièmement, notre initiative contre la stigmatisation, Changer les mentalités, recherche plus particulièrement les meilleurs moyens de combattre la stigmatisation associée à la maladie mentale. Car tant que nous n'aurons pas réussi à changer fondamentalement les attitudes et les comportements à l'origine de la discrimination, nous ne pourrons pas améliorer le vécu des malades et de leurs familles.
    Plus récemment, notre projet pilote de recherche sur l'itinérance, At Home/Chez Soi, dont vous savez peut-être qu'il est le plus gros projet au monde d'intervention dans la vie des itinérants souffrant de maladie mentale, se déroule dans cinq villes canadiennes: Vancouver, Winnipeg, Toronto, Montréal et Moncton. Ce projet sera achevé en 2013, et aura vu participer à une intervention réellement extraordinaire plus de 2 000 Canadiens aux prises avec une maladie mentale qui se retrouvent sans abri .
    La commission, par le biais de ses huit comités consultatifs, a également entrepris des projets très ciblés dans divers domaines, notamment la santé mentale des enfants et adolescents; la santé mentale des premières nations, Inuits et Métis; la santé mentale sur le lieu de travail; la réforme du système des services de santé mentale; la recherche en santé mentale; la santé mentale et le droit — sachant que les prisons constituent aujourd'hui au Canada les plus grands asiles abritant les personnes atteintes de maladie mentale —; la santé mentale des personnes âgées; les difficultés que rencontrent les familles et soignants aux prises avec les problèmes de santé mentale d'un proche.
    Pour tout ce travail, la commission a la grande chance de bénéficier, par l'intermédiaire de son personnel, de son conseil et des membres de ses comités consultatifs, de l'apport des plus grands experts canadiens de la santé et des maladies mentales.
(0855)
    Mettant à profit le capital intellectuel que cela représente, et en collaborant étroitement avec les autorités fédérales, provinciales et territoriales, la commission est en mesure d'impulser des changements dans le domaine de la santé mentale à l'échelle du pays.
    En ce qui concerne maintenant le projet de loi que le comité étudie aujourd'hui, la commission reconnaît clairement que le suicide est à l'évidence une tragédie exerçant un effet dévastateur sur les familles et les collectivités. Le suicide et la maladie mentale ont en commun de nombreux facteurs de risque. Plus de 90 p. 100 des Canadiens qui décèdent par suicide — soit près de 4 000 par an — connaissent des problèmes de santé mentale et des maladies mentales. La maladie mentale constitue dans le monde entier le déterminant le plus fréquent du suicide. C'est pourquoi la Commission de la santé mentale s'efforce aujourd'hui de catalyser des réformes et d'améliorer les systèmes de prévention du suicide, au moyen de plusieurs initiatives réalisées en collaboration avec les autorités fédérales, provinciales et territoriales ainsi que des personnes et des organisations en vue dans les domaines de la santé mentale, de la santé publique et de la santé en général.
    Nous avons noué des partenariats actifs avec les Instituts de recherche en santé du Canada, l'Association canadienne pour la prévention du suicide et le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies — les toxicomanies comptant parmi les autres grands moteurs du comportement suicidaire.
    En outre, plus de 50 000 Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont été formés par notre programme de premiers soins en santé mentale. Ce programme enseigne comment reconnaître les signes et symptômes de troubles mentaux et orienter le malade vers des soins. Tous les cours de premiers soins en santé mentale comportent une formation sur les idées suicidaires. Il s'agit là d'une approche fondée sur les faits probants qui va, pensons-nous, se répandre à travers tout le pays comme un feu de broussailles.
    Nous saluons donc l'intérêt et l'attention portés à la prévention du suicide, depuis le niveau local comme dans la région de Kitchener-Waterloo jusqu'au palier national, et nous pensons qu'il y a là une occasion de l'inscrire dans notre stratégie nationale de santé mentale pour tous les Canadiens. Ce rapport qui va être publié dans quelques mois est réellement d'une envergure encore jamais vue et a bénéficié d'un apport sans précédent. C'est notre toute première stratégie nationale en matière de santé mentale, qui établira une vision et des priorités claires en vue de l'amélioration de la santé mentale de tous les Canadiens. Nous avons utilisé les meilleures connaissances avérées disponibles et avons bénéficié au cours des quatre dernières années de la participation de milliers de Canadiens, dont de nombreuses organisations oeuvrant à la prévention du suicide. Nous nous sommes également inspirés de l'esquisse de stratégie nationale de prévention du suicide de l'Association canadienne pour la prévention du suicide et fait appel à d'autres sources d'information de fiabilité avérée dans le domaine de la prévention du suicide.
    Nous pensons que cette stratégie, une fois mise en oeuvre, va sensiblement améliorer la prévention du suicide au Canada, et nous formulons des recommandations très précises concernant la sensibilisation, l'éducation et la formation, la promotion de la santé mentale dans les écoles et les lieux de travail, l'accès à des soins précoces lorsque des troubles émergent, l'amélioration de l'accès aux thérapies et au soutien, la prise en compte des besoins des groupes à haut risque, et le renforcement de notre collecte de données.
    Le cadre fédéral que vise le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui va certainement dans le sens des recommandations de la stratégie, qui sont de mobiliser l'esprit d'initiative, de renforcer la collaboration et d'étoffer l'infrastructure requise pour améliorer au Canada les résultats dans le domaine de la santé mentale, l'accent étant mis particulièrement sur la prévention du suicide. La commission trouve très encourageant le dialogue qui se déroule ici, dans notre Parlement fédéral. Nous avons eu l'occasion de rencontrer déjà personnellement certains d'entre vous, et nous sommes désireux de collaborer avec vous, de même qu'avec tous les Canadiens, conformément à notre mission, afin de catalyser les changements et d'améliorer dans tout le pays les résultats dans le domaine de la santé mentale.
    Je vous remercie de votre attention.
(0900)
    Merci beaucoup, docteur Goldbloom.
    La parole est maintenant à Mme Tana Nash.
    Merci. C'est un honneur d'être parmi vous ce matin.
    Vous voyez devant vous aujourd'hui une militante pour la prévention du suicide et la sensibilisation à ce problème, au nom du Waterloo Region Suicide Prevention Council, mais aussi une personne elle-même endeuillée par le suicide.
    Au cours de ma première année d'université, le suicide m'a enlevé ma grand-mère, et plus récemment, j'ai perdu mon unique soeur, Erin, pour la même raison.
    Comme tant d'autres militants et organisations communautaires au Canada, j'ai canalisé ce chagrin vers quelque chose d'utile, quelque chose de positif et prometteur, afin que d'autres n'aient pas à endurer la même perte, cette même perte inutile.
    Dans la région de Waterloo, de nombreux partenaires et bénévoles luttent contre la stigmatisation, font de la sensibilisation et de la formation et offrent des solutions de prévention et d'intervention afin de réduire la fréquence des comportements suicidaires. Et nous ne sommes pas les seuls.
    Dans tout le Canada, ces efforts sont animés par la passion et une volonté de changement, mais ils sont souvent disparates, insuffisants et sous-financés. Aujourd'hui marque donc une date importante dans l'histoire du Canada. Le gouvernement se dirige vers la création d'un cadre fédéral de prévention du suicide et, en procédant si rapidement à l'examen de ce projet de loi, vous reconnaissez qu'il est impératif d'agir sans tarder dans notre pays.
     Mes remarques liminaires seront brèves et je ferai valoir six points essentiels, soit les raisons pour lesquelles, à mon sens, le projet de loi C-300 est si important pour les Canadiens.
    Premièrement, il est primordial de disséminer l'information sur le suicide, notamment sa prévention, aux niveaux national, provincial et régional. Une méthode nouvelle à cet égard consiste à utiliser le lieu de travail comme outil à cette fin, ce qui ne se fait pas autant qu'il le faudrait.
    Bill Wilkerson et l'honorable Michael Wilson ont déposé le rapport final de la Global Business and Economic Roundtable for Addiction and Mental Health en décembre dernier. Le titre en est « Brain Health + Brain Skills = Brain Capital  ». On y traite longuement du nouveau lieu de travail — le lieu de travail neuroéconomique — comme cadre de prévention du suicide.
    Le rapport dit que le lieu de travail neuroéconomique est le lieu de travail du futur. Ce lieu de travail — considéré comme lieu de recherche, de prévention et d'éducation — doit être conçu, géré et entretenu de manière à promouvoir et à protéger la santé mentale du personnel, qu'il s'agit là en fait d'une obligation de gestion des éléments d'actif.
    Le rapport ajoute que 85 p. 100 de tous les nouveaux emplois exigent maintenant des aptitudes cérébrales — non manuelles — avec l'avènement de ce que le rapport appelle la neuroéconomie où les troubles touchant le cerveau sont la première source d'invalidité.
    J'ai été invitée à contribuer à ce rapport. Moi aussi j'appelle les milieux d'affaires canadiens à prendre l'initiative en offrant sur le lieu de travail une formation sur la prévention du suicide et l'intervention pour le contrer. Imaginez que devienne obligatoire la formation en premiers soins de santé mentale et en prévention du suicide des protecteurs du public, au moyen de cours tels qu'ASIST ou safeTALK, comme on vient de le faire pour le secourisme et la réanimation cardiorespiratoire, et que des modules de formation soient offerts aux employés sur les signes du stress et de dépression, les outils de résilience et les signes annonciateurs de suicide. En effet, si nous dispensons cette éducation sur le lieu de travail, nous instruirons en même temps les parents, tout comme cela a été la cas avec les premiers soins et la RCR.
    J'ajouterais que tant l'honorable Michael Wilson que Bill Wilkerson ont exprimé leur adhésion au projet de loi C-300 pour le compte des milieux d'affaires et m'ont demandé de transmettre ce message ici aujourd'hui.
    Nous pouvons prendre le même modèle de dissémination de l'information sur la prévention du suicide sur le lieu de travail et l'appliquer à d'autres domaines qui touchent des milliers de Canadiens, tels que notre certification nationale des entraîneurs. Nos entraîneurs nationaux sont tenus de connaître les premiers soins et la RCR, mais ne serait-ce pas merveilleux s'ils étaient aussi obligés de posséder aussi des compétences en premiers soins de santé mentale et en prévention du suicide? Et qu'en est-il de nos futurs enseignants et de notre système éducatif? Actuellement, ils ne reçoivent aucune formation dans ces deux domaines, bien qu'ils soient aux prises avec ces problèmes au quotidien.
    Le deuxième aspect est la promotion de la collaboration et de l'échange de connaissances entre les régions. Je peux vous dire, selon l'optique d'une organisation de la base, que cela est essentiel. Nous fonctionnons tous avec des budgets dérisoires ou inexistants, mais nous imaginons un point central où nous tous, qui oeuvrons à travers le Canada, pourrions accéder à des outils, à des brochures et à des idées, et où nous pourrions simplement déposer nos propres données locales sur les situations de crise, au lieu de réinventer constamment la roue chacun de son bord.
(0905)
    Par exemple, notre région vient d'achever une brochure sur la façon de rédiger un avis de décès lorsqu'un proche s'est suicidé. Je fais actuellement des présentations dans tous les salons funéraires de notre région pour souligner le rôle important que les directeurs de funérailles peuvent jouer sur le plan de la déstigmatisation, puisqu'ils sont l'un des premiers points de contact avec les membres de la famille. Je parle aussi des services de consultation ou d'aide en situation de crise qui sont disponibles lors du service funèbre, car nous savons bien qu'il y aura dans la salle d'autres personnes fragiles. J'ai également donné cette présentation à l'assemblée générale annuelle de l'Association des services funéraires de l'Ontario, mais il faudrait l'offrir aussi à tous les salons funéraires du Canada.
    Le troisième point concerne la promotion du recours à la recherche et aux pratiques factuelles. La mise en oeuvre de pratiques ayant fait leurs preuves est essentielle si l'on veut réduire le nombre de suicides. Un exemple dans la région de Waterloo est le groupe Skills for Safer Living. Il s'agit d'un groupe de soutien psychosocial et psychoéducatif qui suit des gens pendant 20 semaines; il s'adresse spécifiquement à des personnes qui ont fait une tentative de suicide et qui sont toujours aux prises avec le désir de mourir. Ce groupe a été créé à l'hôpital St. Michael's et son succès est largement prouvé. Il enseigne notamment les techniques de gestion de l'émotion et d'adaptation, et apprend aux participants à jauger leur propre comportement selon une échelle mobile, et à déterminer le moment où le point de rupture approche et où il faut chercher de l'aide.
    Nous avons la chance d'avoir maintenant ce programme en place dans la région de Waterloo, mais lorsque j'ai parlé au Suicide Prevention Community Council de Hamilton la semaine dernière, il ignorait l'existence de ce merveilleux programme. Lui aussi voudrait disposer de cette formation dans sa région. C'est une autre pratique ayant fait ses preuves qui peut être reproduite dans tout le Canada.
    Quatrièmement, je veux souligner que la recherche est un élément essentiel du projet de loi C-300. Comme l'indique le rapport de Wilson et Wilkerson, la découverte d'un remède à la dépression stimulerait énormément la prévention du suicide. On estime que pas moins de 90 p. 100 de tous ceux qui s'ôtent la vie souffrent de dépression au moment de leur geste. On peut sauver des vies d'enfants et d'adolescents si on déploie des efforts dans la recherche sur la dépression.
    Le cinquième aspect est une meilleure sensibilisation du public. La stigmatisation qui frappe toujours le suicide demeure au centre des campagnes de publicité et de sensibilisation. Mais comme l'a prouvé la Journée « Cause pour la cause » de Bell, les gens veulent parler de ce problème. Je peux vous dire qu'invariablement, chaque fois que je m'adresse à la communauté et que j'entame un dialogue, je constate que les gens veulent parler du suicide. Il suffit d'un meneur pour diriger le mouvement. Il suffit d'ouvrir la porte, car, une fois qu'elle est ouverte, les gens veulent parler.
    Je me souviens de la première fois où j'ai participé à une émission-débat sur une radio locale, la productrice était réticente à m'y recevoir. Elle m'a dit qu'elle espérait que j'aurais beaucoup de renseignements à communiquer, car personne n'allait appeler. Eh bien, après les 10 premières minutes de cette émission de 30 minutes, les lignes téléphoniques ont commencé à clignoter. Elle a passé la tête par la porte et m'a demandé si je pouvais rester pendant une heure, tellement elle était étonnée par la réaction. Les gens veulent avoir cette discussion.
    Dans tout le Canada, d'excellents événements de sensibilisation du grand public ont été organisés, tels que les annonces d'intérêt public passées en Saskatchewan après le décès du député David Batters, et les affiches sur les autobus de Vancouver. Dans tout le Canada, il existe des affiches et des brochures d'information, mais rassemblons tous ces modèles de réussite pour les mettre en oeuvre à l'échelle du pays afin que tous les Canadiens y aient accès. Nous pouvons également nous inspirer de ce qui marche bien à l'étranger, comme les annonces télévisées diffusées en Écosse qui s'adressaient aux hommes d'âge moyen, lesquels sont encore le segment de la population qui connaît la plus forte mortalité par suicide — et c'est vrai aussi au Canada.
    Enfin, soyons audacieux. Il ne suffit pas de dire que nous allons utiliser les méthodes que j'ai décrites, telles que l'éducation et la dissémination de l'information. Nous devons carrément prendre position et proclamer que l'objectif de la campagne est de faire baisser de moitié le taux annuel de décès, ou de réduire le nombre de suicides de 20 p. 100 dans un certain délai, comme l'a fait le programme Choose Life de l'Écosse. Considérez ceci: si nous visions à réduire des deux tiers le nombre des suicides au Canada au cours des 10 prochaines années, nous sauverions plus de 30 000 vies, et préviendrions quelque 200 000 blessures auto-infligées.
    Sans des crédits suffisants, aucune de ces initiatives ne se matérialisera. Cependant, avec un organe de coordination bien financé, un plan d'action national visant à sauver la vie de compatriotes est plus que possible, il est réalisable. Mieux encore, ne nous contentons pas de suivre les initiatives d'autres pays, donnons l'exemple au monde. Il nous aura fallu peut-être plus longtemps qu'à d'autres pays pour parvenir à la mise en place d'un cadre fédéral de prévention du suicide, mais maintenant que nous y sommes, avançons résolument et ouvrons la voie. Le Canada possède les ressources, et le projet de loi C-300 offre l'instrument qui rendra cela possible.
    Je vous remercie de votre attention.
(0910)
    Merci beaucoup. Les membres du comité et moi-même vous offrons nos condoléances pour les pertes que vous avez subies dans votre famille. Merci de tout votre travail pour cette initiative très importante.
    Nous allons maintenant passer à notre période de questions-réponses de sept minutes, et nous commencerons par Mme Davies.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci tout d'abord aux témoins de leur présence parmi nous.
    Merci, monsieur Albrecht, de venir nous présenter votre projet de loi. Je sais que vous lui avez consacré beaucoup de travail. Nous apprécions réellement votre visite aujourd'hui. Les témoins nous apporteront de toute évidence une masse de renseignements, mais j'apprécie énormément l'intérêt que vous portez à ce sujet et votre dévouement à cette cause.
    J'ai plusieurs questions.
    Puisque nous avons ici des représentants de la Commission de la santé mentale qui comparaissent pour la première fois, je leur souhaite la bienvenue au comité.
    J'aimerais savoir comment vous, monsieur Albrecht, ou bien la commission situez votre projet de loi par rapport au travail que la commission accomplit déjà. Vous nous avez dit aujourd'hui que vous alliez dévoiler dans quelques mois votre stratégie de santé mentale, qui sera, je suppose, une stratégie nationale, car vous êtes un organisme national. De fait, nous en entendons parler depuis déjà plusieurs mois. Je sais que votre travail suscite un intérêt considérable. Je serais curieuse de connaître la distinction entre ce que propose le projet de loi et ce que vous envisagez, monsieur Albrecht, et quel travail la commission a déjà entrepris. Voilà une question.
    La deuxième concerne une stratégie de réforme de la prestation des soins de santé. Nous avons beaucoup parlé au comité de réaliser cette réforme et de privilégier l'intégration des soins primaires, de la promotion de la santé et de la prévention des maladies. Et donc, comment envisagez-vous l'exécution de la stratégie de prévention du suicide qui sera mise au point? Importera-t-il d'avoir des services autonomes à cet égard — et peut-être Mme Nash sera-t-elle en mesure de répondre à la question? Ou bien jugez-vous plus important d'intégrer cette action à d'autres services communautaires de promotion de la santé, de façon à n'avoir qu'un guichet unique couvrant tout le terrain? Ou bien pensez-vous qu'il soit mieux de garder ces services davantage à part?
    Voilà donc deux questions.
(0915)
    Madame la présidente, je vais commencer, brièvement.
    Monsieur Albrecht.
    Tout d'abord, pour ce qui est de la coordination avec la Commission de la santé mentale, j'ai été en contact avec elle à diverses étapes du voyage. Nous tous autour de cette table applaudissons évidemment le travail qu'elle accomplit. Il n'y a nul esprit de compétition tel que l'un voudrait passer devant l'autre. Il s'agit, pour ma part, simplement de mon effort de parlementaire pour attirer l'attention particulièrement sur le domaine de la prévention du suicide.
    Le Dr Goldbloom a mentionné que 90 p. 100 des suicides sont associés, de manière générale, à des problèmes de santé mentale. Mais nous savons tous qu'un petit pourcentage de personnes mettent fin à leurs jours sans antécédents apparents de maladie mentale.
    Je suis également très clair en ce qui concerne le volet santé publique. Comme on l'a dit, il faut dispenser une formation spécialement adaptée à ceux qui se trouvent en première ligne. Mon initiative consiste simplement à promouvoir la prévention du suicide et à partager la ferveur avec laquelle je m'emploie à prévenir le suicide dans le contexte du rapport global de la Commission de la santé mentale. Lors de mon dialogue avec elle, j'ai reçu l'entière assurance que c'est bien là son intention. J'ai rencontré ses représentants il y a un mois ou deux environ, et ils ont passé en revue certaines de leurs initiatives. Il est très encourageant de voir qu'elle met précisément l'accent sur la prévention du suicide.
    Pour ce qui est de l'accès de divers groupes à l'information pouvant devenir disponible, je ne suis pas partisan de consignes obligatoires de prévention du suicide imposées d'en haut. J'envisage plutôt un dépôt central d'information, de données de recherche, de statistiques, de pratiques exemplaires où les collectivités telles que Waterloo ou Iqaluit, ou n'importe quelle autre au Canada, pourront puiser des principes généraux applicables à leur situation particulière. De toute évidence, ils devront les inscrire dans le contexte de leur propre région et accéder aux ressources qui s'y trouvent.
    Mais je m'efface devant mes experts.
    Permettez-moi de me faire l'écho des propos de Harold. Je pense qu'il y a un très grand recoupement. Si vous passez en revue les divers éléments de la stratégie nationale que nous allons dévoiler prochainement, vous verrez que la prévention du suicide est effectivement intégrée dans une très large mesure à bon nombre de nos initiatives.
    Si nous regardons autour de nous, dans le monde, les faits avérés concernant la prévention du suicide, que voyons-nous? Qu'il s'agisse de former les médecins de premier recours à la détection et au traitement de la dépression, qui est fréquemment le précurseur psychiatrique du suicide; qu'il s'agisse d'inciter les médias à parler du suicide avec modération, une autre intervention fondée sur des données probantes; ou qu'il s'agisse de former les « anges gardiens » — qui peuvent être des enseignants, des collègues, des membres de la famille et les amis, à reconnaître les problèmes et à encourager ceux qui souffrent de troubles mentaux à chercher de l'aide, tout cela est déjà largement englobé dans le travail continu de la Commission de la santé mentale.
    J'aimerais dire encore autre chose sur la prévention du suicide, qui concerne l'action en amont. C'est en rapport avec votre deuxième question. La prévention du suicide ramenée à sa forme la plus simple — la conception la plus étroite de la prévention du suicide — est la barrière érigée sur le pont qui empêche la personne suicidaire de sauter. Il est effectivement prouvé que l'érection de ces barrières, que ce soit sur des ponts ou dans le métro, fait une différence. Mais cela ne change absolument rien aux causes qui ont amené cette personne à ce point critique où elle veut sauter de ce pont ou se jeter devant le train du métro.
    Il faut concevoir de façon plus large les interventions en amont. C'est là où le discours sur la promotion de la santé mentale et la prévention deviennent des éléments intégrants de la réforme de la santé mentale, des éléments intégrants d'une stratégie de santé mentale.
    Il ne s'agit pas simplement d'offrir plus de services. Ce qui compte, c'est la façon de mettre en place ces initiatives de promotion de la santé mentale à un stade précoce, celui des enfants et adolescents. Prenez le problème du suicide, par exemple, qui est maintenant devenu la deuxième cause de décès au Canada dans la tranche d'âge de 15 à 24 ans. Dans cette tranche, la première cause de décès est un accident de la circulation, et le suicide vient au deuxième rang. C'est un chiffre étonnant et terrifiant.
    S'il est vrai que les hommes de plus de 55 ans sont le groupe présentant le plus haut risque de suicide, ils sont également vulnérables à d'autres maladies fatales, alors que les jeunes de 15 à 24 ans sont généralement un groupe en bonne santé physique.
(0920)
    Merci, docteur Goldbloom.
    Nous passons à M. Lizon.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être venus nous rencontrer ce matin.
    Harold, j'aimerais vous féliciter et vous remercier de votre initiative.
    En ce qui concerne la gravité du problème du suicide, je ne pense pas qu'il y ait une personne ici qui ne connaisse pas quelqu'un qui s'est suicidé. Je n'ai pas de chiffres à cet égard, selon mon expérience personnelle — je n'ai personne dans ma famille immédiate, mais j'ai des cousins qui se sont suicidés. J'ai un camarade d'école qui est devenu victime de maladie mentale et il s'est donné la mort avant d'avoir atteint l'âge de 30 ans. Les signes étaient là. Sa famille le surveillait, mais il a quand même trouvé une façon de mettre fin à sa vie.
    Maintes personnes de cette table ont une grande expérience et connaissance du domaine médical. J'ai moi-même une formation d'ingénieur, mais une longue expérience de la vie. Harold a mentionné que 90 p. 100 des suicides sont liés à une maladie mentale. Eh bien, à mon sens, probablement 100 p. 100 des cas sont liés à l'état mental, à l'état d'esprit de la personne au moment où elle décide de commettre ce geste et de mettre fin à ses jours. Certains cas sont-ils évitables ou détectables? On peut se poser la question. Dans certains cas il n'y a pas de signe, et il est alors très difficile d'empêcher quelqu'un de se suicider.
    Ma première question s'adresse à Harold.
    Dans vos remarques liminaires, Harold, vous avez relaté le cheminement qui vous a amené à introduire le projet de loi C-300. Je remarque que, dans le premier point du préambule, vous faites état de la dimension spirituelle de la prévention du suicide. Vous n'en avez pas parlé dans vos explications. Je suis curieux. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par-là?
    Eh bien, merci de l'avoir relevé.
    Ceux d'entre vous qui étiez au Parlement le jour où j'ai prononcé mon premier discours, lors de la première heure de débat, se souviendront que j'ai mentionné les facteurs spirituels.
    Il y a évidemment tous les facteurs biologiques, psychologiques et physiologiques que les experts ici connaissent beaucoup mieux que moi, mais l'une de mes préoccupations est de voir que souvent, à notre péril, nous ignorons les aspects spirituels de notre composition physique, sur le plan de notre perception de nous-mêmes et de notre valeur intrinsèque.
    Ce qui fait souvent la différence, c'est la communauté spirituelle qui entoure les gens au moment critique. Je peux dire, de par mon expérience personnelle au cours de l'année dernière où j'ai perdu ma femme, que la communauté spirituelle a été ma première ligne de défense, si je puis utiliser cette analogie. De fait, j'ai eu un entretien personnel avec le Dr Goldbloom il y a quelques mois, et il a admis que la participation à un groupe religieux représente l'un de ce qu'il appelle les « facteurs en amont », de la prévention.
    Je pense qu'il est important que cette barrière soit tout simplement absente. Nous utilisons parfois l'analogie de la présence d'une ambulance au bas de la falaise pour amener à l'hôpital les gens qui ont sauté. Eh bien, je pense que l'étape suivante consiste à ériger une barrière en haut de la falaise afin de ne pas avoir besoin des ambulances en bas, mais le mieux est encore d'aller au-delà et d'espérer que la personne ne va pas arriver jusqu'à cette barrière.
    Pour moi, l'aspect spirituel est important et il est important de le reconnaître. Les guides spirituels de maints églises et groupes religieux, surtout dans nos petites villes, sont équipés pour faire preuve de compassion et tendre la main à ceux qui doutent de leur valeur.
    Tout ce que je demande c'est que l'on n'oublie pas cet élément essentiel. Je ne dis pas que c'est la panacée. C'est un élément clé de la prévention, aussi loin en amont que possible, par opposition à la simple érection d'une barrière sur le pont.
(0925)
    Merci beaucoup.
    Ma deuxième question s'adresse au Dr Goldbloom, ou peut-être à Tana.
    Que fait votre organisation pour réduire les suicides ou automutilations et avez-vous déterminé qu'une stratégie particulière ou une combinaison de stratégies est particulièrement efficace?
    Peut-être pourriez-vous également parler du groupe de gens que j'ai mentionnés, ceux qui ne montrent aucun signe de problèmes — ceux qui souffrent en silence, qui ne montrent leurs émotions à personne — et qui tout d'un coup se donnent la mort.
    Je pense que cette souffrance silencieuse dont vous parlez est très fréquente, même chez ceux dont les signes de maladie mentale peuvent être évidents aux yeux d'autrui, mais que la stigmatisation empêche de parler ouvertement de cette expérience humaine très courante, qui touche environ six millions de Canadiens chaque année. Chaque année, six millions de Canadiens connaissent une forme ou une autre de maladie mentale. On les voit dans nos lieux de travail, dans nos écoles, dans nos foyers, dans nos collectivités et nos églises — partout où l'on veut regarder.
    Encore une fois, certains des efforts en amont consistent à changer la culture et le climat, à changer le discours entourant la maladie mentale, à mieux former les profanes — les non-professionnels — à reconnaître les signes de maladie mentale et à encourager les personnes atteintes à chercher de l'aide. Y aura-t-il toujours un groupe qui sera pris par surprise par ceux qui veulent mettre fin à leur vie sans que personne n'ait décelé ou reconnu les signes? Oui, de la même façon que des gens vont avoir une crise cardiaque sans jamais avoir manifesté de symptômes de maladie cardiaque avant l'infarctus. Cela ne change rien au fait qu'il existe un groupe beaucoup plus nombreux de suicidaires auprès desquels on peut intervenir plus précocement.
    Les stratégies de santé mentale, si elles sont mises en oeuvre par des gouvernements ayant le pouvoir et l'autorité pour cela — car la Commission de la santé mentale ne gère de services de santé mentale nulle part, mais travaille en collaboration avec ceux qui contrôlent les ressources pour cela — peuvent potentiellement améliorer la détection, la reconnaissance, l'intervention, et la prise en charge.
    Merci, docteur Goldbloom, de ces remarques avisées.
    La parole va à la Dre Fry.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous ceux qui sont venus aujourd'hui nous informer.
    Je veux également remercier infiniment Harold d'avoir déposé ce projet de loi. Comme vous le savez très bien, nous l'avons approuvé d'emblée.
    Ce problème a été soulevé initialement à la Chambre des communes par le Parti libéral lorsque M. Rae a fait savoir que lui-même avait souffert d'un certain degré de dépression à un moment de sa vie. La lutte contre la stigmatisation, comme nous le savons bien, est un gros volet de la prévention du suicide. J'ai été choqué, au cours de la dernière fin de semaine, qu'une très bonne amie m'avoue être aux prises depuis très longtemps avec la dépression et qu'elle avait très honte d'en parler à quiconque. Lorsque vous la voyez, elle donne l'impression d'être un boute-en-train, toujours pleine de joie de vivre. Mais il est intéressant qu'elle ait fini par l'avouer, et je crois qu'elle l'a fait parce qu'elle arrive probablement à un point de sa vie où elle ne parvient plus à s'en sortir seule.
    Je pense que tout ce que vous avez dit est très important, mais je veux évoquer plusieurs aspects qui n'ont pas été abordés aujourd'hui et dont je ne doute pas que nous allons devoir parler ultérieurement. L'un d'eux, bien sûr, est le taux élevé de suicides chez les Autochtones et les Inuits de notre pays. Nous savons que nous pouvons nous comparer nous-mêmes à des pays comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie pour ce qui est de la prise en compte de ce problème. Je me demande si le Dr Goldbloom ou quelqu'un d'autre, peut-être Mary, pourrait parler un peu de ce que nous pourrions faire à cet égard... car ce n'est pas aussi simple ni aussi générique dans le cas de ces populations que lorsque nous nous penchons sur d'autres solutions pour la prévention du suicide. J'aimerais que quelqu'un nous parle un peu des mesures efficaces que l'on pourrait prendre. Il existe un programme du gouvernement fédéral — nous le savons — et il faut se demander s'il produit des résultats. Dans la négative, pourquoi le programme ne fonctionne-t-il pas? Quelles sont les mesures précises qu'il nous faut prendre pour résoudre ce problème?
    L'autre aspect dont j'aimerais parler longuement, car personne ne le fait, ou qui commence seulement à affleurer à la surface, est le trouble de stress post-traumatique, particulièrement chez nos anciens combattants. C'est un sujet dont j'aimerais que nous discutions pour déterminer comment nous pouvons le prévenir. À bien des égards, si vous voulez prévenir le trouble de stress post-traumatique chez nos anciens combattants, il suffirait de ne pas les envoyer sur un théâtre de guerre, car c'est là où ils subissent le traumatisme. Nous savons que ce n'est pas vraiment une solution très praticable.
    Que pouvons-nous faire, chez ces deux groupes, pour s'attaquer à ce problème particulier et aux difficultés spécifiques que ces deux groupes connaissent?
(0930)
    Qui aimerait répondre à la question?
    Pourrais-je juste faire un rapide commentaire?
    Je veux simplement faire remarquer que c'est intentionnellement que je n'ai pas mentionné dans le projet de loi de groupes particuliers, identifiables, car dès l'instant où vous le faites, vous risquez d'oublier un autre groupe. Si j'avais fait mention des anciens combattants, si j'avais fait mention des policiers qui sont en première ligne, si j'avais isolé les hommes de plus de 55 ans, inévitablement j'aurais omis quelque autre groupe.
    De fait, ma profession antérieure de dentiste a la distinction peu enviable de connaître le taux de suicide le plus élevé parmi les Canadiens. C'est à dessein que nous avons évité de la mentionner.
    Selon moi, lorsqu'un cadre est élaboré, comme c'est le cas actuellemlent à la Commission de la santé mentale, on approfondit la question et on s'intéresse aux groupes particuliers.
    Mais je vous remercie d'avoir abordé la question. Je l'avais déjà évoquée dans mes remarques liminaires.
    Oui, et d'ailleurs je ne vous fais aucun reproche, mais je veux m'enquérir de ces deux groupes particuliers...
    Oui. Je voulais juste faire savoir que d'aucuns m'ont demandé pourquoi ils ne sont pas mentionnés.
    Je m'efface.
    Merci.
    Comme je l'ai dit précédemment, le Comité consultatif sur les Premières nations et les Métis est l'un des huit que compte la Commission de la santé mentale. Cette question a été tout à fait au premier plan au comité consultatif et aussi à notre conseil, au sein duquel Manitok Thompson, du Nunavut, et Madeleine Dio Stout, de Vancouver, font entendre très fortement la voix des premières nations et des Inuits.
    J'ai mentionné tout à l'heure les premiers soins en santé mentale. Nous mettons la dernière main à une adaptation de ce programme aux populations autochtones, à cause de leur risque de suicide élevé, sachant que de nombreux déterminants sociaux de la santé et de la maladie jouent un rôle particulièrement grand dans nos populations des premières nations, Inuits et Métis.
    Pour ce qui est des militaires, nous avons bénéficié d'un énorme apport du lieutenant-colonel Stéphane Grenier pour le trouble de stress post-traumatique et l'entraide entre militaires, cette dernière étant fortement présente au sein des Forces canadiennes. Nous avons élaboré à l'intention de la population civile une initiative d'entraide fortement inspirée de l'expérience militaire, qui ressemble beaucoup à ce qui se fait aux États-Unis. Le programme de prévention du suicide de la United States Air Force est l'un des meilleurs au monde et fait largement appel à l'entraide entre militaires.
    Si vous le permettez, j'aimerais demander à Mary Bartram de traiter plus précisément de la stratégie de santé mentale dans ces deux domaines.
    En ce qui concerne plus précisément la prévention du suicide chez les premières nations, les Inuits et les Métis, la stratégie de santé mentale mettra fortement l'accent sur les problèmes de santé mentale dans ces populations. Le but est d'inscrire cette problématique dans le contexte des écoles résidentielles et de l'impact de la colonisation. La Commission de vérité et de réconciliation, qui est à l'oeuvre actuellement, est également un point de référence important pour le comité.
    Il s'agit d'améliorer l'accès à une gamme complète de services de santé mentale faisant appel aux meilleures connaissances génériques et aux traditions des premières nations, des Inuits et des Métis. Il ne faut pas perdre de vue non plus l'importance des questions de gouvernance. Des recherches ont montré combien il est important que les collectivités autochtones aient la faculté de gérer leurs propres services, etc. Les constats les plus clairs des chercheurs concernant l'importance de l'aide à apporter aux collectivités pour qu'elles puissent gérer leurs propres services et institutions sont un autre élément crucial qui sera intégré à la stratégie de santé mentale.
    Nous allons certainement formuler ces recommandations, car toute stratégie nationale de santé mentale dans notre pays doit mettre clairement en lumière les contributions et les besoins de ces populations.
    Merci infiniment.
    Monsieur Strahl.
    Me reste-t-il du temps? Ai-je épuisé mes sept minutes?
    Oui, docteure Fry, mais je vous remercie de ces questions pertinentes.
    Monsieur Strahl.
(0935)
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à vous, Harold, et aux témoins. Comme mon collègue l'a dit, c'est certainement là un sujet qui nous touche tous, et je suis sûr que nous pourrions en discuter pendant pas mal de temps.
    J'aimerais mettre en avant quelques aspects, et formuler quelques remarques, peut-être. Lorsqu'on parle de santé mentale, je pense que l'une des clés consiste à tendre la main à ces personnes qui, peut-être, tombent entre les mailles du filet. Nous aurons beau faire de l'introspection ici, mais le grand public ne va certainement pas suivre les délibérations de la Chambre des communes ni lire le rapport du comité, ni même celui de la Commission de la santé mentale.
    C'est pourquoi j'ai été encouragé — en dépit de la popularité dont Libby et Hedy peuvent jouir à Vancouver — de voir les Canucks de Vancouver, et plus précisément l'un de leurs robustes défenseurs, Kevin Bieksa, faire la promotion de mindcheck.ca, qui est une sorte d'hommage à Rick Rypien créé par le club suite au décès du joueur. On aurait pu croire que tout allait bien pour ce joueur de hockey professionnel, mais il s'est donné la mort après avoir lutté de nombreuses années contre la dépression.
    Je voulais juste les saluer et inciter les gens à visiter le site. C'est assez impressionnant de les voir. On penserait que ces professionnels sont des durs qui ont tous les atouts en main. Ils montrent la réalité aux Canadiens et disent que la dépression ne signifie pas que vous êtes faibles. Elle ne signifie pas que vous baissez les bras. Quoi qu'il en soit, quiconque a vu ce message ne peut qu'en être très touché.
    Nous avons parlé un peu des anges gardiens.
    Harold, vous et moi partageons la même foi. Je dis cela avec quelque hésitation, mais l'une de mes préoccupations, en tant que chrétien, est que parfois nos guides spirituels minimisent l'aspect physiologique de la maladie. Lorsque des gens que je connais sont allés voir leur pasteur ou prêtre, ils se sont fait dire qu'ils étaient un peu déficients spirituellement. J'ai entendu dire, même dans les cercles non religieux, qu'il s'agit de se battre contre ses démons. Je réagis très fortement à cela. Il s'agit là d'un état pathologique, et souvent des gens de tous horizons y voient autre chose.
    Je suppose que cela m'amène à ma question. Une autre de mes préoccupations est que les personnes atteintes de maladie mentale, du moins celles dont j'ai été proche, cherchent désespérément à éviter de prendre des médicaments. Le diagnostic a été posé, on leur a soumis des options de traitement. Mais contrairement au diabète ou à l'hypertension, où les patients acceptent de prendre des médicaments, il y a dans le cas de la dépression cette stigmatisation qui fait que les gens sont réticents à suivre le traitement qui leur est prescrit.
    Quelqu'un voudrait-il parler de cela? Est-ce un problème? Est-ce répandu? Est-ce un phénomène uniquement ponctuel? Comment fait-on comprendre aux gens que, dans certains cas, en dépit de tous leurs efforts pour lutter par eux-mêmes contre la maladie, il va leur falloir accepter l'aide qui leur est offerte?
    Excusez cette intervention décousue.
    Je vous en remercie. Je vais juste formuler quelques remarques.
    Je pense que cela tient principalement à la stigmatisation. Pour reprendre l'exemple médical, en cas de diabète ou de toute autre maladie physique, les médicaments semblent plus faciles à prendre. Il nous faut donc continuer à sensibiliser toute la population du Canada et faire passer le message qu'il n'y a pas de quoi avoir honte, qu'il s'agit bien d'une maladie.
    Vous avez raison. Je pense que les gens ne veulent pas prendre de médicaments à cause de la stigmatisation. Parfois, c'est parce qu'ils ne veulent pas admettre qu'ils ont un problème de santé mentale, car c'est ainsi que l'on a tendance à présenter la chose au Canada. Nous devons leur dire qu'il n'y a pas lieu d'avoir honte d'être déprimés. Vous n'avez pas demandé à souffrir de dépression, d'anxiété ou de trouble bipolaire, pas plus que l'on ne demande à avoir un cancer ou une autre maladie physique. Il faut continuer de marteler ce message.
    À ce propos, puisque vous parliez de stigmatisation, je vais vous donner un exemple. Une école secondaire de notre région a récemment lancé toute une campagne à l'appui de ce projet de loi. Elle a décidé d'organiser une journée de prévention du suicide et de faire circuler une pétition en faveur du projet de loi, et de tout simplement en parler. Le pair-conseiller qui a organisé cela est venu me voir et m'a dit que grâce à cette journée, quatre élèves se sont présentés et ont dit qu'ils se débattaient avec des pensées suicidaires et que, grâce au fait que nous avions mis le problème sur le tapis et rendu possible d'en parler, ils ont maintenant cherché un soutien psychologique et recevaient l'aide dont ils avaient besoin. Grâce à cette journée de lutte contre cette stigmatisation, quatre personnes ont trouvé de l'aide.
    Je pense que c'est réellement la première étape.
(0940)
    Pourrais-je juste dire un mot au sujet des personnalités publiques qui parlent ouvertement de leur lutte? Vous avez mentionné un joueur de Vancouver. Je vais trahir mon âge et vous dire que Ron Ellis, un ancien coéquipier de Paul Henderson, parle aussi très publiquement de sa lutte.
    Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet du problème de la sur-spiritualisation, si je puis employer ce terme, je suis totalement d'accord avec vous. J'ai veillé soigneusement lors de la rédaction de ce projet de loi à faire de la spiritualité l'un des éléments clés, de façon à montrer la complexité du problème. Vous et moi savons, et tout le monde autour de cette table sait, que maints théologiens que nous admirons n'ont pas caché leur lutte contre la dépression. Ils n'ont pas sur-spiritualisé en ce sens que, oui, ils admettaient que c'est une maladie biologique et psychologique et physiologique. Merci de l'avoir souligné.
    Merci infiniment.
    Merci, monsieur Strahl.
    Nous allons maintenant procéder au deuxième tour. En fait, nous n'aurons de temps que pour une seule question par député au deuxième tour, afin que nous puissions entendre tous ces autres témoins qui attendent si patiemment de témoigner.
    Je vais commencer avec Mme Quach.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci de nous donner l'occasion de traiter du suicide plus en profondeur avec des témoins.
    J'ai plusieurs questions. Je vais m'adresser d'abord à M. Goldbloom ainsi qu'à M. Albrecht.
    Dans vos stratégies et votre vision du cadre stratégique...
    Excusez-moi, mais je ne vous entends pas très bien. Un instant, s'il vous plaît.
    Voilà qui est mieux.
    Premièrement, avez-vous considéré l'option de travailler sur les déterminants sociaux de la santé pour venir en aide aux plus défavorisés ou aux plus vulnérables, par exemple l'isolement, la pauvreté, le problème de logement et tous les facteurs qui peuvent aggraver la dépression ou la détresse?
    Deuxièmement, avez-vous considéré de valoriser et de promouvoir le travail accompli par les travailleurs de rue, les gens qui travaillent sur le terrain, qui peuvent justement être en contact direct avec des gens ayant des problèmes liés aux déterminants sociaux de la santé?
    J'espère que ça vous convient si je vous réponds en anglais.
    Il n'y a pas de problème.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Si vous regardez le projet At Home/Chez Soi, il a démarré avec un groupe de Canadiens qui souffrent de la privation sociale la plus extrême. Ce sont là les personnes qui vivent sous les ponts et souffrent de maladie mentale, de toxicomanie, de pauvreté extrême et de profond isolement social. Notre première grande initiative les concernant, avec les 110 millions de dollars que le gouvernement fédéral nous a alloués pour financer le programme At Home/Chez Soi, a été un bon exemple d'une approche novatrice, par l'intermédiaire du logement, pour améliorer la santé mentale et physique et d'autres formes de qualité de vie auprès des personnes atteintes d'une grave maladie mentale.
    Le projet est maintenant reproduit en France et est étudié partout dans le monde. Je pense que d'autres Canadiens pourront également s'en inspirer, au-delà des cinq villes. Lorsque nous parlons de promotion de la santé mentale et de prévention, en tout cas dans le contexte de la stratégie nationale, nous accordons une grande attention aux déterminants sociaux de la santé.
    J'aimerais juste répondre.
    L'essence même du projet de loi C-300 consiste à mettre à profit le bon travail qui se fait déjà en première ligne, que ce soit par le Waterloo Region Suicide Prevention Council, l'Association canadienne pour la prévention du suicide ou la myriade d'autres groupes dans tout le pays qui font déjà un bon travail. Le but fondamental du projet de loi C-300 est de rassembler ces groupes, de leur fournir des ressources et de les amener à faire connaître ce qu'ils font déjà afin que les pratiques exemplaires puissent être mises en commun. Je pense que vous avez mis le doigt sur la nature essentielle de ce que vise mon projet de loi.
(0945)
    Si je puis ajouter une remarque, c'est sur le lieu de travail que l'on rencontre la plupart des Canadiens souffrant de maladie mentale, et c'est pourquoi le milieu de travail canadien est l'un de nos champs d'action.
    Nous sommes sur le point de publier les normes de sécurité psychologique sur le lieu de travail canadien. Cela n'existe nulle part à l'étranger. Nous savons très bien distribuer aux employés des casques et des bottes à embout d'acier pour assurer leur sécurité physique sur le lieu de travail, mais la réalité est que dans notre économie post-moderne c'est notre capacité au-dessus du niveau du cou qui contribue à notre productivité, et c'est la maladie mentale qui est la plus grande cause d'invalidité et qui coûte le plus aux employeurs canadiens et à l'économie. Aussi, ces normes psychologiques, qui seront publiées très prochainement, seront assez révolutionnaires.

[Français]

    Merci.
    Je vais céder la parole à mon collègue Dany Morin, qui aimerait vous poser une question, monsieur Goldbloom.
    Monsieur Goldbloom, on sait que les personnes appartenant à la communauté GLBT sont plus à risque de suicide que la population en général.
    Pourriez-vous nous parler des stratégies spécifiques que vous auriez mises sur pied pour cette population dans le cadre de votre Commission de la santé mentale du Canada?

[Traduction]

    Merci.
    Il s'agit là effectivement d'une sous-population désignée dans la stratégie en matière de santé mentale, précisément pour la raison que vous avez dite, à savoir que c'est une population dont nous savons qu'elle présente un risque supérieur de dépression et de suicide à certaines périodes de vulnérabilité des personnes.
    Mary, je ne sais pas si vous souhaitez dire un mot sur la place accordée à la communauté GLBT dans la stratégie.
    Excusez-moi, mais nous n'en avons plus le temps. Peut-être M. Morin pourrait-il revenir sur cette question avec le prochain groupe. Nous dépassons déjà un peu l'heure prévue, en fait, et je pense donc qu'il vaudrait mieux nous en tenir là.
    Je veux remercier tout particulièrement le député Harold Albrecht, qui a introduit ce projet de loi très important. C'est un honneur que de vous avoir reçu à ce comité. Merci.
    Je remercie toutes les personnes présentes. C'est réellement encourageant de voir tout l'excellent travail que vous accomplissez dans ce domaine très important.
    Je vais suspendre la séance pendant une minute. Je signale aux personnes de l'auditoire que nous allons maintenant entendre un groupe de témoins très nombreux. Je demanderais deux choses aux membres du comité, s'il vous plaît. Toutes les conversations que vous aimeriez avoir avec les personnes assises à la table, veuillez les tenir dans le couloir. Nous sommes pressés par le temps. Nous avons de très nombreux témoins qui attendent, et nous devons veiller à étudier convenablement ce projet de loi.
    Je vais suspendre la séance pendant une minute et demander aux nouveaux témoins de prendre place, afin que nous puissions commencer avec les témoignages immédiatement.
    Madame la présidente, pourrais-je juste remercier le comité d'accorder trois journées complètes d'étude à ce texte? J'en suis réellement reconnaissant. J'ajoute qu'il va passer rapidement aux phases suivantes.
    Merci.
    La séance est suspendue.

(0950)
    La séance reprend. Je tiens à ce que nous disposions de suffisamment de temps pour entendre tous les très importants témoignages de nos invités.
    Bienvenue à tous les témoins qui sont ici aujourd'hui pour nous entretenir du projet de loi C-300. Nous sommes impatients de bénéficier de votre sagesse édifiante.
    Comparaît, pour le compte de Santé Canada, Mme Kathy Langlois. Merci. Comparaît, pour le compte de l'Agence de la santé publique du Canada, Mme Marla Israel. Bienvenue. Participe également à notre réunion, par vidéoconférence, Mme Janice Burke. Madame Burke, m'entendez-vous bien?
    Formidable. Merci.
    Étant donné que vous participez par vidéoconférence, Je dois vous donner l'explication que voici. Vous allez faire votre déclaration, mais pendant la période des questions et réponses, si vous souhaitez intervenir, je vous demanderais de lever la main afin de ne m'en avertir, car nous tenons à ce que vous contribuiez vous aussi autant que vous le souhaitez.
    Mme Janice Burke travaille pour le ministère des Anciens Combattants, à l'Île-du-Prince-Édouard, et elle comparaît, donc, par vidéoconférence. Elle est directrice principale de l'intégration des politiques stratégiques.
    Le Service correctionnel du Canada est ici représenté par Mme Jennifer Wheatley. Où est Mme Wheatley? Vous voilà. J'ai du mal à voir votre nom par-dessus tous ces écrans. Bienvenue, madame Wheatley. Vous êtes directrice générale de la santé mentale.
    Représentant le ministère de la Défense nationale, nous avons le colonel Rakesh Jetly, conseiller en santé mentale. Bienvenue. Accueillons également le lieutenant-colonel Suzanne Bailey, chef nationale, formation en travail social et en santé mentale. Bienvenue à vous.
    Colonel, est-ce que c'est vous qui allez faire la déclaration?
    Merci.
    Je crois savoir que nos invités se sont entendus entre eux sur l'ordre dans lequel ils aimeraient prendre la parole. Y a-t-il une raison à cela?
    Non, pas du tout. Sauf le respect que je vous dois, c'est simplement parce que l'Agence de la santé publique du Canada oeuvre activement à quantité d'efforts de promotion en amont, et c'est ainsi que nous avons jugé bon que ce soit l'agence qui ouvre le bal. Voilà tout.
    D'accord. Eh bien, m'en voilà maintenant informée. Cela me convient parfaitement. Il est bon d'être au courant un petit peu à l'avance, ce qui facilite notre lancée.
    Nous allons commencer avec l'ASPC, c'est-à-dire l'Agence de la santé publique du Canada.
    Allez-y, madame Israel.
    Merci beaucoup.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m'avoir invitée à venir parler de l'important sujet qu'est la prévention du suicide.

[Français]

    Dans mon allocation aujourd'hui, je ferai un bref survol de la prévention du suicide et des mesures prises par l'Agence de la santé publique du Canada pour lutter contre le suicide et promouvoir la santé mentale. Je soulignerai aussi le travail entrepris par Santé Canada pour prévenir le suicide dans les collectivités des Premières nations et des Inuits, de même que les efforts des Instituts de recherche en santé du Canada en matière de promotion de la santé mentale et de prévention du suicide.
    J'ai le plaisir d'être accompagnée de Mme Langlois, qui répondra aux questions plus tard.

[Traduction]

    Bien sûr, mes collègues fédéraux sont ici aussi, et nous nous ferons un plaisir de vous entretenir de ce qu'ils font.
    Le suicide et les pensées et comportements suicidaires ont des effets dévastateurs sur les familles et les collectivités dans tout le pays. L'élément le plus difficile auquel nous sommes confrontés après qu'un enfant, un ami ou un parent se soit enlevé la vie est probablement le sentiment d'incrédulité devant le fait qu'une personne se soit sentie si seule avec sa douleur et sa souffrance que l'unique façon pour elle de s'en sortir était de mettre fin à ses jours.
    Grâce au projet de loi à l'étude et aux efforts de la Commission de la santé mentale du Canada, des médias et d'autres intervenants, la problématique du suicide et l'importance d'une santé mentale positive tôt dans la vie sont des questions abordées de front. Nous avons tous — familles, aidants naturels, pouvoirs publics et dirigeants communautaires — un rôle à jouer dans la prévention du suicide et dans l'approche faite auprès de ces personnes, familles, amis et collectivités aux prises avec ce problème.
(0955)

[Français]

    Les statistiques ne mentent pas. Au Canada, le taux de suicide est d'environ 11 personnes pour 100 000 personnes. Environ 3 700 personnes s'enlèvent la vie chaque année. En général, les garçons et les hommes sont trois ou quatre fois plus nombreux que les filles et les femmes à mettre fin à leurs jours. De plus, le suicide n'est pas non plus un problème que chez les jeunes. En effet, le taux de suicide est particulièrement troublant chez les hommes âgés, par exemple.
     De plus, chez certaines populations du Canada, les taux de suicide sont disproportionnellement élevés. C'est le cas, entre autres, de la population autochtone du Canada. Bien que certaines collectivités, heureusement, s'en tirent bien à cet égard, pour d'autres, c'est une lutte quotidienne. Le suicide compte pour 22 p. 100 de tous les décès chez les jeunes des Premières nations de 10 à 19 ans, et pour 16 p. 100 chez les adultes des Premières nations de 20 à 44 ans. Les régions du Canada où la proportion des résidants inuits est importante ont un taux de suicide d'approximativement 11,5 p. 100, ce qui est six fois plus élevé qu'ailleurs au Canada.

[Traduction]

    Du point de vue de la santé publique, la prévention du suicide commence par une solide base de santé mentale positive: avoir du ressort, des relations solides, des parents qui jouent bien leur rôle, une bonne estime de soi, confiance en soi et de bons soutiens. Des initiatives débutant tôt dans la vie d'une personne et englobant tout son environnement seront bénéfiques plus tard dans la vie, lorsque le stress augmente et lorsque l'anxiété et la dépression prennent forme.
    J'aimerais mettre brièvement en relief les efforts particuliers qui sont en cours dans le portefeuille de la santé pour prévenir le suicide. Les activités de l'Agence de la santé publique du Canada se fondent sur une perspective de la santé des populations pour promouvoir une vie saine et comprendre les facteurs qui peuvent conduire à une piètre santé mentale, y compris au suicide.
    Notre travail sert à la promotion de la santé publique et à la prévention des maladies. Nous travaillons avec les provinces et les territoires et avec Statistique Canada pour fournir des données de surveillance et produire des rapports, comme le Rapport sur les maladies mentales au Canada. Nous accordons des subventions et des contributions à des chercheurs, à des universitaires et à des organisations communautaires afin de mieux comprendre les interventions qui pourront servir à prévenir le suicide à des stades ultérieurs. Nous mettons en oeuvre des programmes pour les enfants dont les buts principaux sont de leur assurer un meilleur départ dans la vie et de faciliter leur transition vers le milieu scolaire.
    Nous dépensons environ 114 millions de dollars au titre du Programme canadien de nutrition prénatale, du Programme d'action communautaire pour les enfants et du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, dans les collectivités urbaines et nordiques. Nous consacrons par ailleurs 27 millions de dollars à la Stratégie d'innovation, qui contribue au développement de facteurs de protection afin d'améliorer la santé des enfants, des jeunes et des familles.
    Dans un effort pour promouvoir la santé mentale et prévenir le suicide chez les personnes âgées, l'agence a financé l'élaboration des premières lignes directrices nationales sur la santé mentale chez les aînés, fondées sur des données probantes et qui sont utilisées pour lutter contre un certain nombre de problèmes de santé mentale, dont la dépression et le suicide. Nous collaborons bien sûr également avec les provinces et les territoires.

[Français]

    La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada travaille étroitement avec ses partenaires pour venir en aide aux collectivités de Premières nations et d'Inuits, en investissant 245 millions de dollars par année dans les programmes et services communautaires devant favoriser le bien-être mental de ces collectivités. Les programmes communautaires à vocation culturelle contribuent de façon importante à des résultats de santé positifs chez les Premières nations et les Inuits à l'échelle de la collectivité, des familles et des individus.

[Traduction]

    Expressément en réponse au problème du suicide chez les peuples autochtones du Canada, la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones a été lancée en 2005, au coût de 65 millions de dollars sur cinq ans.
    La stratégie a été renouvelée en 2010, avec un investissement de 75 millions de dollars pour cinq années de plus. La stratégie appuie les familles de premières nations et inuites dans plus de 150 collectivités, en vue de prévenir le suicide chez les jeunes et d'y réagir. La Stratégie nationale antidrogue contribue, quant à elle, à protéger les jeunes et les familles contre les effets néfastes de l'usage de drogues illicites. Son budget annuel de 9,1 millions de dollars permet d'améliorer l'accès des premières nations et des Inuits à des services de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie de qualité.
    Enfin, nous comprenons mieux le suicide grâce aux Instituts de recherche en santé du Canada, qui aident à développer la base de connaissances, ainsi que notre capacité d'intervenir plus efficacement en mettant à disposition des ressources, des traitements et des mécanismes de soutien. Leur investissement de plus de 315 millions de dollars depuis 2006 — dont plus de 25 millions expressément dans la recherche sur la prévention du suicide — a permis un apport significatif aux connaissances scientifiques.
    Le portefeuille de la santé n'a cependant pas le monopole des efforts de lutte contre le suicide au niveau fédéral. Après moi, mes collègues des Forces canadiennes, des Anciens Combattants et du Service correctionnel du Canada vous entretiendront du travail qu'ils font pour contribuer à la promotion d'une santé mentale positive et prévenir le suicide chez les populations qu'ils servent.
    Le projet de loi C-300 sert d'instrument utile afin de promouvoir le dialogue, l'information et la sensibilisation parmi les partenaires fédéraux. Le développement potentiel d'un cadre fédéral pour la prévention du suicide permettra une plus grande intégration fédérale des initiatives, des programmes et des services, et contribuera à une collaboration accrue entre les partenaires.
    En conclusion, le portefeuille de la santé est déterminé à mettre son expertise et ses connaissances au service de la prévention du suicide et à aider les proches des victimes. Nos efforts se poursuivent, dans le cadre de partenariats et en collaboration avec d'autres, en vue d'améliorer la santé mentale des Canadiens.
    Nous attendons avec impatience les résultats du processus parlementaire en cours.
(1000)
    Merci beaucoup.
    Madame Israel, j'ai cru comprendre que vous vous vous étiez entendue pour comparaître conjointement avec la porte-parole du ministère de la Santé, alors je tiens à ce que tout le monde sache que Mme Kathy Langlois est experte en matière de santé des premières nations et des Inuits. C'est ainsi que, pendant la période des questions, à tout le moins, les députés pourront faire appel à elle pour traiter de ce volet.
    Merci beaucoup de ce coup d'envoi et de vos observations éclairées.
    Nous allons maintenant entendre, par vidéoconférence, Mme Janice Burke, du ministère des Anciens Combattants. Elle peut tout de suite commencer.
    Merci.
    Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie moi aussi de m'avoir invitée à traiter du sujet très important qu'est la prévention du suicide. Dans mes remarques d'aujourd'hui, je vous donnerai un aperçu de la problématique du suicide au sein de notre population d'anciens combattants et examinerai les efforts en prévention du suicide qui sont en cours à Anciens Combattants Canada.
    Les anciens combattants canadiens et leurs familles ne sont pas à l'abri du problème qu'est le suicide. En raison du rythme accéléré des opérations militaires menées dans les années 1990 et dans les années suivantes, les militaires canadiens ont été déployés dans des zones dangereuses un peu partout dans le monde et ont été de plus en plus exposés au stress opérationnel, ce qui a causé des problèmes de santé mentale chez certains d'entre eux.
    Sur les quelque 700 000 anciens combattants et vétérans qui se trouvent au Canada, plus de 200 000 sont des clients d'ACC. Ce qui est le plus parlant est que, depuis l'an 2000, le nombre de personnes ayant reçu une prestation d'invalidité pour traiter une affection psychiatrique est passé de 2 000 à près de 15 000. De ces personnes, 71 p. 100 reçoivent des prestations d'invalidité rattachées au syndrome de stress post-traumatique, et 17 p. 100 ont servi en Afghanistan.
    Il est difficile de déterminer les taux de suicide exacts prévalant au sein de la population des anciens combattants et vétérans canadiens. En raison de la stigmatisation, les cas de suicide sont sous-déclarés. Mais je pense que nous pouvons tous convenir qu'un suicide est un suicide de trop, et la recherche indique que les anciens combattants et vétérans sont vulnérables. La prévention du suicide représente un défi pour tous ceux et celles qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale, qu'ils se chargent du traitement ou de la prévention.
    Afin de s'informer davantage du problème du suicide au sein de la population des militaires et des anciens combattants, Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale ont récemment demandé que les anciens combattants, ainsi que les membres des Forces canadiennes, soient mis en évidence dans l'Étude du cancer et de la mortalité de Statistique Canada. Cette étude, publiée le 31 mai 2011, a analysé les données sur la mortalité des membres des FC et des anciens combattants qui se sont enrôlés dans les Forces canadiennes entre 1972 et 2006.
    L'étude révèle que les personnes ayant des antécédents de service militaire, et s'étant enrôlées pendant la période visée, affichaient le même risque général de suicide que la population dans son entier. Cependant, les ex-militaires du sexe masculin présentaient un risque de suicide 1,5 fois supérieur à celui des hommes dans la population canadienne dans son ensemble. Les ex-militaires du sexe féminin présentaient, quant à elles, le même risque de suicide que celui qu'on constate chez les femmes en général.
    Le problème du suicide est complexe et multifactoriel. Nous travaillons étroitement avec le MDN pour assurer une transition efficace du service militaire à la vie civile et pour intervenir tôt auprès des membres des FC qui sont libérés blessés ou malades. Cette intervention précoce est grandement facilitée par le récent regroupement du personnel d'ACC et du MDN dans les centres intégrés de soutien du personnel situés sur les bases importantes des FC ou à proximité de celles-ci.
    Chaque membre qui est libéré participe à une entrevue de transition, à laquelle assistent souvent les membres de sa famille, en vue de déterminer, dans le contexte de la réinsertion dans la vie civile, quels sont ses besoins en ce qui concerne tant sa santé physique que sa santé mentale. Nous informons également le membre de tout l'éventail de programmes et de services qui sont offerts par Anciens Combattants Canada, ainsi que par les gouvernements provinciaux et les organismes communautaires.
    La nouvelle Charte des anciens combattants a été mise en oeuvre en 2006 pour répondre aux besoins, en matière de transition, des membres des Forces canadiennes qui sont libérés et de leurs familles. Elle prévoit des programmes et des services personnalisés conçus pour appuyer leur bien-être et leur santé physique et mentale, ce qui comprend la prévention du suicide. La Charte, entre autres choses, accorde la priorité à la réalisation et au maintien du mieux-être de l'ancien combattant et de sa famille; prévoit des services exhaustifs de réadaptation médicale, psychosociale et professionnelle; applique les principes modernes de gestion des limitations fonctionnelles; prévoit le versement de prestations d'invalidité pour les blessures attribuables au service; et offre toute une gamme de programmes et de services, appuyée par une gestion de cas personnalisée et des services de santé mentale.
    La stratégie en matière de santé mentale d'Anciens Combattants Canada porte principalement sur la promotion de la santé mentale et le rétablissement des anciens combattants et de leurs familles. Ses objectifs sont les suivants: assurer l'accès à une gamme complète de programmes et de services visant à répondre aux besoins en matière de santé mentale des anciens combattants et de leurs familles; renforcer la capacité à l'échelle du pays, afin d'offrir des soins spécialisés aux anciens combattants ayant des problèmes de santé mentale; et renforcer le rôle d'Anciens Combattants Canada à titre de chef de file dans le domaine de la santé mentale.
    La stratégie est fondée sur des déterminants de la santé tels que les aspects économique, social, personnel et physique, et les services de santé, et fait la promotion du bien-être positif pour les anciens combattants et leurs familles. Cela englobe la gestion de cas pour les clients ayant des besoins clients. Nous avons un réseau spécialisé entre Anciens Combattants et le ministère de la Défense nationale, avec 17 cliniques de santé mentale à l'échelle du pays. Nous offrons un service d'aide en tout temps, qui offre du counselling professionnel et un soutien en cas de crise, à court terme. Nous assurons un service de gestionnaire de soins critiques spécialisés, qui met à disposition un clinicien professionnel — psychologue, infirmier/infirmière ou ergothérapeute — pour les clients à risque et les clients qui ont des besoins complexes en matière de santé mentale, quels que soient le lieu et le moment.
    En ce qui concerne les initiatives d'ACC en matière de suicide, nous avons été très actifs sur le plan de la prévention du suicide auprès des anciens combattants clients.
(1005)
    Nous appliquons, conjointement avec les Forces canadiennes, une approche intégrée de prévention du suicide. Le cadre de prévention du suicide d'ACC, mis en oeuvre en 2010, est un cadre axé sur les causes du suicide et fondé sur des données probantes, et qui sert à la prévention du suicide à ACC. Il a été élaboré par les services de santé d'ACC et des FC. Il englobe des éléments tels l'échange de connaissances, pour rehausser la sensibilisation aux services et soutiens qu'offre ACC en matière de santé mentale et pour indiquer comment accéder à ces services et à ce soutien, et l'amélioration du dépistage, de l'évaluation et de l'intervention en situation de crise. Les employés de première ligne, répartis dans 60 points de service à l'échelle du pays, ont été formés dans le domaine de l'intervention face au suicide au moyen du modèle de formation appliquée en techniques d'intervention face au suicide.
    Les protocoles en place prévoient des indicateurs pour l'aiguillage des clients et des questions de « dépistage » de comportement suicidaire. Des protocoles sont également en place pour les employés de première ligne, afin que ceux-ci puissent venir en aide aux anciens combattants et autres clients susceptibles de présenter un risque de suicide.
    Madame Burke, le temps qui vous était réservé est presque écoulé.
    Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
    Certainement.
    En gros, nous avons en place divers services de soutien sociaux. Nos programmes visent également à aider à surmonter les obstacles pour avoir accès à des soins. C'est ainsi que nous oeuvrons en collaboration étroite avec d'autres ministères gouvernementaux, associations non gouvernementales et agences communautaires.
    Merci beaucoup, madame Burke.
    Les informations que vous venez de nous livrer nous seront très utiles. Si vous pouviez remettre le texte de vos remarques liminaires à la greffière du comité, nous les ferons traduire et en ferons la distribution aux membres du comité. Je vous en serais très reconnaissante.
    Nous passons maintenant au colonel Jetly, du ministère de la Défense nationale. Allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-300.
    Le lieutenant-colonel Bailey et moi-même représentons les Forces canadiennes, plus précisément les Services de santé des Forces canadiennes.
    Depuis de nombreuses années, les Forces canadiennes accordent une place très importante à la prévention du suicide. En raison du temps qui nous est alloué, nous limiterons notre propos aux initiatives actuelles.
    Comme on l'a déjà mentionné aujourd'hui, le suicide est un problème de santé publique et une importante cause de décès chez les jeunes dans les sociétés occidentales. Pour les mêmes groupes d'âge, le taux de suicide dans les Forces canadiennes a toujours été moins élevé que celui observé dans la société canadienne. Néanmoins, nous estimons, au sein des Forces canadiennes, qu'un seul suicide représente un décès de trop. De telles disparitions nous inspirent une profonde tristesse et, en tant qu'organisation, nous nous demandons à haute voix « Qu'aurions-nous pu faire de plus? »
    En septembre 2009, les Forces canadiennes ont réuni un comité d'experts internationaux sur la prévention du suicide dans les forces armées. En plus de nos propres experts, nous avons consulté des experts du milieu universitaire et de forces militaires alliées, comme celles du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Australie et des Pays-Bas. Nous avons apporté des exemplaires du rapport du comité d'experts, en français et en anglais, et nous pourrions également vous en fournir une version en format PDF, au besoin.
    Selon la principale recommandation du comité, la prévention du suicide, pour être efficace, doit en fait se concentrer sur des actions en amont et prévoir des traitements appropriés des maladies mentales. Les trois pierres angulaires d'un programme d'intervention efficace en matière de santé mentale et de suicide sont l'excellence des soins de santé mentale, le leadership, et la mobilisation et la sensibilisation des membres des Forces canadiennes, ou de toute autre population visée.
    J'étofferai ce qui précède en précisant que nous poursuivons nos efforts afin d'offrir un programme de traitement en santé mentale qui est sans égal. En d'autres mots, cela signifie un accès rapide à des soins spécialisés multidisciplinaires, des traitements fondés sur des données probantes, des médicaments couverts en totalité et aucune limite dans les interventions comme la psychothérapie, dans la mesure où elles sont indiquées d'un point de vue clinique.
    Par ailleurs, nous continuons de mettre en oeuvre, dans les établissements de soins primaires, des mesures de dépistage et de traitement précoces des conditions reconnues pour accroître les risques de suicide.
    Nous ne devons pas sous-estimer le rôle unique du leadership dans le contexte des Forces canadiennes. Par exemple, la relation entre les chefs et les subalternes revêt une plus grande importance dans les Forces canadiennes qu'entre employeurs et employés. En outre, le leadership est responsable de tous les aspects touchant le bien-être des militaires, notamment des services de soins de santé.
    En fin de compte, les leaders créent et financent les régimes de soins de santé, mais, ce qui importe avant tout, c'est que ces mêmes leaders créent un climat de travail favorable aux discussions ouvertes, sans jugement, sur les questions de santé mentale, y compris le suicide. Nombre des obstacles, qui, par le passé, auraient découragé certains de demander de l'aide, peuvent être surmontés grâce à un leadership efficace. Cette idée est le mieux illustrée par l'actuelle campagne du chef d'état-major de la Défense ayant pour titre « Soyez la différence », qui a pour but d'inciter tous les dirigeants des Forces canadiennes à jouer le rôle d'animateurs et de partenaires auprès des soldats en ce qui concerne leur santé mentale. Le chef d'état-major de la Défense nous rappelle surtout que la santé mentale est l'affaire et la responsabilité de tous.
    La troisième pierre angulaire concerne le fait de nous assurer que les membres des Forces canadiennes disposent de toute l'information nécessaire pour reconnaître qu'eux-mêmes ou d'autres vivent des difficultés, et pour savoir à quel moment et à quel endroit demander de l'aide s'il y a lieu. Nous offrons des programmes de sensibilisation et de formation tout au long de la carrière et des cycles de déploiement au personnel militaire et à leurs familles, afin qu'ils acquièrent des connaissances et des compétences pratiques qui leur permettront de s'occuper d'eux-mêmes, de demander des soins et d'aider leurs pairs.
    De nombreux autres sujets et recommandations sont traités dans le rapport, dont le fait que, depuis avril 2010, nous avons instauré ce que nous appelons un examen médico-technique professionnel de chaque suicide. Il s'agit, à la suite de tout suicide, de déléguer une équipe formée d'un professionnel de la santé mentale et d'un médecin généraliste qui examineront soigneusement, au nom du médecin-chef, le lieu et les circonstances de l'événement. L'équipe étudiera, entre autres, la santé mentale de l'intéressé, les soins offerts, les conditions dans le milieu de travail et tout autre facteur de stress.
    Ce processus nous livre, pour chaque suicide survenu au sein de l'organisation, d'importantes leçons, et nous assurera une rétroaction quasi immédiate et nous permettra de dégager toute tendance émergente.
    Le rapport renfermait 61 recommandations. Je n'en mettrai en relief que deux. Nous continuons d'avoir des préoccupations en ce qui concerne le reportage responsable de la part par les médias, et nous saisissons toutes les occasions pour sensibiliser les reporters et les étudiants en journalisme au risque très réel de contagion et d'imitation par suite des reportages sur les suicides.
    En conclusion, les Forces canadiennes sont résolues à mettre à contribution leurs compétences et leur savoir en vue de prévenir la perte de vie par suicide et à aider ceux qui en subissent les contrecoups. Nos efforts se poursuivent par l'intermédiaire de partenariats et de collaborations en vue de faire une contribution utile à la santé mentale des Canadiens. Nous sommes impatients de connaître les résultats du processus parlementaire en cours.
    Merci.
(1010)
    Merci beaucoup, monsieur, de votre contribution.
    Nous allons maintenant entendre Mme Wheatley, du Service correctionnel du Canada.
    Madame Wheatley, je constate que votre déclaration est très longue. Il vous faudra la comprimer quelque peu.
    Merci. Allez-y, je vous prie.
    Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui pour parler des façons dont le Service correctionnel du Canada a entrepris une démarche à multiples facettes pour la prévention du suicide.
    Le SCC compte plus de 19 000 employés travaillant dans 57 établissements correctionnels, 16 centres correctionnels communautaires et 84 bureaux de libération conditionnelle, répartis partout dans le pays, pour contribuer à la sécurité de nos citoyens. En moyenne, chaque jour, le SCC est responsable de plus de 13 000 détenus sous responsabilité fédérale et de 8 700 délinquants dans la collectivité.
    Sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le SCC veille à ce que les détenus reçoivent les soins de santé essentiels, englobant, dans la mesure du possible, un accès à des soins de santé mentale non essentiels pouvant faciliter leur réadaptation et leur réinsertion sociale.
    Le renforcement de nos capacités pour combler les besoins en santé mentale des délinquants est une priorité clé pour le SCC. Dans le cadre de notre stratégie d'ensemble en matière de santé mentale, approuvée en 2004, la démarche du SCC pour prévenir le suicide comprend ce qui suit: formation et sensibilisation du personnel; renseignements sur la prévention du suicide à l'intention des détenus; dépistage; évaluation; surveillance; traitement; et examens. Je vais brièvement donner plus de détails sur quelques-uns de ces éléments.
    Le personnel de première ligne du SCC reçoit une formation initiale et une formation continue en prévention du suicide afin d'être mieux en mesure de reconnaître les contrevenants présentant un risque de suicide et d'intervenir de manière appropriée. Nous fournissons par ailleurs aux détenus des renseignements et de la documentation d'accompagnement sur la prévention du suicide et leur proposons un atelier de sensibilisation et de prévention du suicide chez les détenus. Cet atelier aide les détenus à reconnaître les signes et les symptômes et les encourage à faire appel aux services et soutiens qui sont à leur disposition.
    Le SCC est par ailleurs doté d'un processus exhaustif de dépistage servant à identifier les détenus présentant un risque de suicide. C'est ainsi qu'à l'admission, il intervient cinq processus de dépistage distincts et qui ciblent les détenus présentant un risque élevé. Cela comprend un dépistage initial pendant que le délinquant est toujours sous responsabilité provinciale, un dépistage dans les 24 heures suivant l'admission, une évaluation préliminaire par le personnel des soins infirmiers dans les 24 heures, une évaluation exhaustive de l'état de santé mentale dans les 14 jours et une évaluation plus exhaustive par le personnel infirmier dans les 14 jours.
    Le SCC a par ailleurs intégré dans sa politique les pratiques exemplaires, notamment l'exigence d'un dépistage formel du risque de suicide chaque fois qu'il y a un changement important quant au statut du contrevenant, par exemple transfèrement à un nouvel établissement ou placement en isolement. Les détenus considérés comme présentant un risque de suicide sont orientés vers un professionnel de la santé mentale pour une évaluation plus approfondie. Si un professionnel de la santé mentale n'est pas immédiatement disponible, alors le détenu est mis sous surveillance en attendant qu'un professionnel de la santé mentale puisse évaluer le niveau du risque et décider des interventions à prévoir.
    S'appuyant sur la littérature sur les pratiques exemplaires, le SCC a normalisé ces protocoles en matière de surveillance et de communication, tout en laissant place au jugement clinique approprié. Cela permet une approche interdisciplinaire en matière de gestion et d'intervention dans le cas des détenus présentant un risque de suicide.
    Les détenus identifiés comme présentant un risque se voient assurer un traitement correspondant à leurs besoins. Cela peut inclure ce que l'on appelle couramment des « services de patient externe », et c'est alors que le détenu reçoit, dans son établissement carcéral, des services et traitements assurés par un professionnel de la santé mentale. Cela peut également inclure une hospitalisation dans l'un des cinq centres de traitement du SCC. Le Service correctionnel compte en effet cinq centres de traitement, tous des établissements de soins de santé indépendamment agréés pour le traitement de nos détenus les plus gravement atteints. Nous avons également un partenariat avec l'Institut Philippe-Pinel, un établissement psychiatrique pour patients hospitalisés au Québec.
    Enfin, le SCC mène des enquêtes sur les circonstances entourant tous les suicides de détenus, afin de mieux comprendre et prévenir le suicide.
    Conscient qu'il fallait en faire plus, à partir de 2008, le SCC a créé un partenariat avec d'autres administrations responsables dans les provinces et les territoires pour collaborer dans le domaine de la santé mentale. Le groupe ainsi créé a été chargé d'élaborer une stratégie en matière de santé mentale pour les services correctionnels au Canada, et comptent parmi les volets clés de son activité la réalisation d'examens et la formulation de recommandations en matière de pratiques exemplaires pour prévenir le suicide et l'automutilation en milieu correctionnel.
    En conclusion, le SCC est d'avis qu'un seul suicide de détenu est un suicide de trop. En tant qu'organisation, nous cherchons sans cesse à améliorer nos stratégies de prévention et d'intervention face à la problématique du suicide chez les personnes incarcérées, grâce à l'intégration de pratiques exemplaires, de partenariats de collaboration, d'interventions fondées sur des preuves, et des enquêtes sur chaque incident.
    Merci beaucoup.
(1015)
    Il me faut vous féliciter. Vous vous êtes si bien organisés entre vous. C'est un véritable cauchemar pour la présidence que d'arriver à caser tous les témoignages. Je tiens à vous remercier d'avoir organisé votre ordre de comparution à l'avance. J'ai saisi très vite, dès que j'ai compris l'enchaînement. Merci beaucoup de cela, car tout ce que vous avez fait a été très logique, et nous disposons maintenant, pour commencer, d'un maximum d'information.
    Nous allons maintenant entamer la première série de questions et de réponses. Chacun disposera de sept minutes pour ses questions et les réponses à celles-ci.
    Encore une fois, madame Burke, si vous souhaitez dire quelque chose, je vous demanderais de bien vouloir lever la main pour me le signaler. Merci de m'aider ainsi.
    Monsieur Morin, c'est à vous de commencer.

[Français]

    Merci beaucoup de vos présentations.
    J'ai plusieurs questions à poser. Ma première question s'adresse à Mme Burke.
    Au début de mon mandat en tant que député, un ancien combattant est venu me voir à mon bureau, accompagné de sa femme. Il était dans la quarantaine et avait tenté de se suicider quelques semaines auparavant. Il est donc venu me voir parce qu'il était au bout du rouleau. Il avait subi un grave accident à l'extérieur du pays lors d'une mission et il vit maintenant avec un handicap. Lorsqu'il m'a raconté toute son histoire, il m'a parlé du manque flagrant de compassion de l'agente qui s'occupait de son dossier, des nombreux frais médicaux qu'il avait de la difficulté à se faire rembourser par le ministère et de son handicap très débilitant qui l'avait poussé à essayer de se suicider.
    Ma question est d'ordre général. Que faites-vous concrètement pour empêcher que les anciens combattants ne soient poussés au bout du rouleau et pour vous assurer que le ministère des Anciens Combattants fait tout en son pouvoir pour les aider, au lieu de manquer de compassion comme cela s'est produit dans ce cas précis?

[Traduction]

    Merci de la question.
    Je suis très troublée par le cas que vous venez de décrire. Je peux vous assurer qu'au ministère des Anciens Combattants, le personnel de première ligne et les gestionnaires de cas sont très avertis et passionnés et très sensibles aux nombreuses situations complexes que vivent nos anciens combattants, ainsi que l'incidence que cela a sur les familles.
    En gros, notre stratégie, en travaillant avec les anciens combattants, est de veiller à assurer une intervention rapide. Nous commençons dès l'amorce de leur transition de la vie militaire à la vie civile. Nous nous assurons de rencontrer chaque ancien combattant qui entame cette transition. Nous incluons la famille dans l'entrevue. Nous travaillons avec les militaires pour instaurer des plans de gestion de cas afin de veiller à ce que leurs prestations soient bien en place lors de leur libération, afin qu'il y ait continuité de soutien et pour éviter toute interruption dans leur traitement.
    Nous travaillons très étroitement avec eux pour ce qui est de leurs plans de soins et de leur programme de réadaptation. Nous avons dans le pays un certain nombre de cliniques de soins pour blessures de stress opérationnel où nos anciens combattants se voient assurer un accès rapide à des psychologues, des psychiatres et des travailleurs sociaux. Nous avons également un programme d'entraide. Ce que nous constatons est qu'il arrive, du fait de la stigmatisation, que nos anciens combattants ne recourent pas aux programmes qui leur seraient bénéfiques.
    Nous avons un certain nombre de coordonnateurs d'entraide, qui ont eux-mêmes souffert de troubles psychiques, et qui travaillent avec les anciens combattants et les intègrent à nos programmes. Une fois inscrits dans leurs programmes, des soins leur sont offerts pour tous leurs besoins de santé, que ceux-ci soient physiques ou mentaux. Nous travaillons très certainement étroitement avec eux. Nous comptons à l'échelle du pays plus de 200 gestionnaires de cas qui offrent ce service sur mesure.
    En conclusion, le cas que vous décrivez me soucie grandement. Si d'autres cas du genre devaient survenir, n'hésitez pas, je vous prie, à contacter immédiatement notre bureau de district. Nous chargerons certainement nos gestionnaires de cas de s'y pencher.
(1020)

[Français]

    Merci beaucoup. J'apprécie votre réponse.
    Ma prochaine question s'adresse aux représentantes du ministère de la Santé et de l'Agence de la santé publique du Canada.
    Lors de la comparution des précédents témoins, j'ai posé une question relativement à la sous-population des personnes GLBT, qui sont plus à risque que le reste de la population en général de souffrir de maladies mentales et de commettre un suicide. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les interventions spécifiques ou quelle est l'approche particulière du ministère présentement pour cibler cette population?
    Je vous remercie de votre question. C'est très important. En fait, on poursuit l'étude des risques chez les populations vulnérables. Un des grands défis en ce qui concerne les communautés gaies et lesbiennes est qu'il y a toujours le danger de stigmatisation. Je pense qu'on pourrait faire quelque chose pour les populations vulnérables, en particulier les jeunes.
    Un des projets de l'Agence de la santé publique du Canada s'effectue auprès des étudiants et porte sur l'importance de la prévention de l'intimidation. Cela existe toujours. La réalité indique que les gais et les lesbiennes vivent en silence. C'est quelque chose qu'on doit soulever dans les écoles, notamment.
    Également, l'agence travaille avec l'Institut Douglas à Montréal, qui est en train de développer une façon de bien comprendre les populations vulnérables et ce qui différencie les personnes qui ont des compétences leur permettant de faire face aux problèmes, de celles qui en sont incapables. L'agence peut-elle comprendre les défis? On continue de les étudier afin de développer des projets et des moyens d'intervention qui vont aider les populations vulnérables comme les gais et les lesbiennes.
    Merci.
    Mme Quach aimerait poser une petite question.

[Traduction]

    Je regrette, mais le temps dont vous disposiez est écoulé.
    Merci. Et merci de la question, monsieur Morin.
    Il nous faut maintenant passer à Mme Block.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue ici aujourd'hui.
    J'aimerais profiter de l'occasion pour saluer notre collègue, M. Albrecht, et le féliciter d'avoir déposé le projet de loi C-300. M. Albrecht a été un champion infatigable de cette cause. Il a en fait commencé ce travail pendant la législature précédente, avec la Motion 388.
    Je ne suis pas certaine, mais je ne pense pas qu'il ait mentionné aujourd'hui qu'il a également été membre fondateur et coprésident d'un comité parlementaire sur les soins palliatifs et soins de compassion, au sein duquel étaient représentés tous les partis. Ce comité a étudié quatre sujets différents, dont la prévention du suicide. L'automne dernier, il a réussi à déposer son premier rapport intitulé Pour que personne ne soit oublié. Je vous encourage à l'examiner, et je vous renverrai tout particulièrement au chapitre concernant le travail que vous êtes en train de faire.
    Aujourd'hui, lorsque M. Albrecht était ici, il a mentionné que c'était son choix délibéré de ne pas identifier de groupe particulier dans le projet de loi. Comme nous pouvons le voir ici aujourd'hui, de nombreux groupes différents sont représentés. Peut-être que l'on peut s'entendre pour dire que les stratégies peuvent transcender l'âge et le contexte, tout en reconnaissant les défis particuliers auxquels vous êtes confrontés dans les différents secteurs que vous représentez.
    Je suis membre d'une famille qui a survécu au suicide. Cela s'est passé il y a de nombreuses années — il y a 24 ans pour être exact. J'ai perdu mon plus jeune frère. C'était sa troisième tentative. En tant que famille, il y a manifestement quelque chose que nous n'avons pas obtenu ou qui n'a pas été mis à notre disposition pour que nous puissions travailler à ce qui avait peut-être créé ce besoin chez lui, et il a fini par s'enlever la vie.
    Madame Israel, j'aimerais me concentrer sur une chose que vous avez mentionnée tout à l'heure pour situer la question. Vous avez dit « Le suicide et les pensées et comportements suicidaires ont des effets dévastateurs sur les familles et les collectivités dans tout le pays ». Puis, vous avez déclaré: « Nous avons tous — familles, aidants naturels, pouvoirs publics et dirigeants communautaires — un rôle à jouer dans la prévention du suicide et dans l'approche faite auprès de ces personnes, familles, amis... »
    Je sais que vous oeuvrez activement à des stratégies visant à combattre les facteurs de risque de suicide chez les enfants et que vous avez élaboré des lignes directrices nationales pour les personnes âgées. J'aimerais vous donner l'occasion de nous entretenir de ces deux choses.
    D'autre part, s'il y a des initiatives auxquelles vous travaillez en vue d'offrir de l'aide aux familles ayant survécu au suicide, pourriez-vous nous en entretenir également?
(1025)
    Merci beaucoup de la question, et merci d'avoir partagé votre histoire avec nous. Je pense qu'il est important pour nous autres intervenants de ne jamais perdre de vue ces histoires. C'est ce qui guide notre travail.
    Permettez que je commence par la deuxième moitié de votre question, portant sur les soins particuliers visant les familles ayant survécu à un suicide. Malheureusement, à ma connaissance, nous n'oeuvrons pas à des initiatives visant précisément les familles en tant que telles.
    L'une des choses que vous avez mentionnées est l'éventail de la clientèle. Vous êtes confronté à des enfants et à leurs besoins, et vous êtes confronté à des personnes âgées et à leurs besoins. C'est intéressant, car hier, le chercheur à l'Institut Douglas, à Montréal, qui travaille avec nous à cette étude sur les outils de diagnostic, me disait que, dans le cadre de sa recherche, il a constaté que l'élément le plus important à examiner est l'attitude parentale et la façon de repérer les signes dont vous avez fait état. Nombre d'entre nous sont convaincus de pouvoir reconnaître ces signes. Mais même les médecins en soins primaires, et même les enseignants, par exemple, qui passent tellement de temps avec des enfants, ne vont pas nécessairement reconnaître ces signes.
    Nos efforts nous amènent à travailler avec des chercheurs et à travailler avec des parents et leurs enfants. Une part importante du travail facilité par le biais de subventions et de contributions est menée dans un contexte communautaire. Il y a des essais pilotes d'initiatives en matière d'acquisition de capacité de résistance, d'établissement de relations et d'amélioration des relations. Même quelque chose comme la sociabilité peut mieux armer un enfant pour les situations qu'il connaîtra peut-être plus tard dans sa vie.
    Dans le cas des personnes âgées, par exemple, les défis sont quelque peu différents. Les aînés peuvent souffrir d'isolement. Là encore, les prestataires de soins primaires vont peut-être considérer comme admis que la personne est un adulte et responsable et qu'elle devrait, à son âge, être en mesure de gérer sa propre santé. Sur une note personnelle, ma mère, qui est octogénaire, fait face à beaucoup de difficultés. L'Agence de la santé publique du Canada a élaboré, à l'intention des médecins, une série de lignes directrices en matière de santé mentale chez les aînés. Ces lignes directrices portent sur la reconnaissance des signes et sur les moyens d'intervenir de manière appropriée et sensible, mais néanmoins ferme, afin que les gens n'aient pas le sentiment d'être seuls avec leurs problèmes et incapables d'y faire face.
(1030)
    Vous avez une minute.
    Très bien. Je suppose que j'aimerais revenir, encore une fois, sur ce que je vous ai raconté, et le fait que ce qui nous a peut-être guidés dans notre inaction auprès de mon frère, même si cela était peut-être le fait de notre subconscient, était la stigmatisation du suicide. Je sais que je vous ai dit que cela est arrivé il y a 24 ans. Je me demande simplement si l'un quelconque d'entre vous serait prêt à nous dire quel chemin nous avons parcouru depuis. Je pense que vous avez vous tous aussi fait état de la stigmatisation.
    Je vais commencer. En ce qui concerne la stigmatisation, je pense que les efforts déployés par la Commission de la santé mentale du Canada, dans le cadre de sa campagne anti-stigmatisation, ont sensiblement contribué à mettre en relief le problème et à faire passer le message qu'il ne faut pas avoir peur de parler ouvertement du suicide. Je pense que vous ne sauriez trouver de meilleure explication de la situation que le rapport sénatorial sur la santé mentale intitulé De l'ombre à la lumière.
    Avons-nous fait beaucoup de chemin pour ce qui est de reconnaître ou d'au moins être en mesure de parler ouvertement des défis? Je dirais que oui, mais je pense qu'il nous reste encore du chemin à faire.
    Je regrette, mais il me faut maintenant donner la parole à la Dre Fry. La période de temps dont vous disposiez est écoulée. Je sais que vous aviez un autre commentaire.
    Docteure Fry, pour ce qui est du temps qui vous revient, cela vous ennuirait-il si...?
    Merci beaucoup, madame Israel.
    Excusez-moi, souhaitiez-vous que j'autorise...?
    Le colonel Jetly souhaitait intervenir.
    D'accord. Faites vite, je vous prie.
    J'allais simplement dire qu'au sein des Forces canadiennes, nous nous sommes trouvés confrontés au problème de la stigmatisation. Comme vous pouvez vous l'imaginer, dans une population qui est largement masculine et dont les membres font des choses pour lesquelles la plupart des gens dans notre société ne se porteraient pas volontaires, la stigmatisation a été un gros problème.
    Nous en sommes maintenant à un stade où il n'existe sans doute pas au Canada une organisation qui soit aussi à l'aise que les Forces canadiennes pour parler de questions de santé mentale et de stigmatisation, et ce, de manière routinière.
    Merci.
    Mme Israel nous a demandé de parler de la question des aînés et du suicide, et je ne pense pas que nous puissions vraiment rejeter la responsabilité du problème sur les prestataires de soins primaires. Permettez-moi de terminer, madame Israel. Je pense que la question de l'isolement chez les aînés n'est pas simple. Il nous faut traiter de la question des personnes âgées sans la balayer sous le tapis. Vous ne pouvez pas tout simplement attendre qu'une personne sombre dans la dépression, l'isolement et le désespoir pour intervenir. Il vous faut examiner les causes profondes. Pourquoi les aînés vivent-ils dans l'isolement et le désespoir? Pourquoi les aînés vivent-ils dans la pauvreté? Qu'y faisons-nous?
    Le concept d'aînés isolés... J'ai, dans ma circonscription, un nombre élevé d'aînés dont la famille ne vient même pas leur rendre visite. Les membres de leur famille vivent très loin d'eux. Il semble que, dans nos vies très occupées, nous ne parvenions pas à trouver le temps de nous occuper de nos parents et de nos grands-parents. J'estime que c'est une chose dont il nous faut parler, qu'il s'agit d'un changement sociétal et qu'il importe de savoir comment le gouvernement pourrait intervenir pour veiller à ce que les aînés ne soient pas abandonnés dans leur isolement. Je ne crois pas qu'il y ait de solution unique au problème. Il y en a de nombreuses. La façon de les réunir toutes sera une question intéressante lorsque nous parlerons d'une stratégie. L'élaboration d'une stratégie ne doit pas être le monopole de Santé Canada. Il importera que cette stratégie s'élargisse pour englober quantité d'autres volets — le volet social, etc.
    Je voulais parler des forces armées, car le trouble de stress post-traumatique est un gros sujet de préoccupation pour moi. J'habite Vancouver, et je rencontre régulièrement de nombreux anciens combattants qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique et qui n'ont absolument aucune ressource. Cette idée voulant qu'il n'y ait qu'un très faible pourcentage d'anciens combattants atteints du trouble de stress post-traumatique n'est donc tout simplement pas une réalité pour moi. De nombreux militaires en sont atteints, et c'est surtout le cas des jeunes hommes et des jeunes femmes qui reviennent de la guerre en Afghanistan ou qui ont combattu dans le cadre de quantité d'autres guerres récentes. Je pense qu'il n'existe aucune aide.
    Par exemple, il y a en cours à l'heure actuelle à UBC un programme remarquable, que j'aimerais voir reproduit ailleurs, car ses résultats sont excellents. Ce programme est payé — pas par le gouvernement fédéral, ni par un quelconque autre gouvernement — par le Fonds du Coquelicot, c'est-à-dire par l'argent ramassé grâce à la vente de coquelicots. Nous n'avons pas les moyens, alors que nous envoyons là-bas, se battre pour nous, nos hommes et nos femmes... Nous ne pouvons pas tout simplement laisser le Fonds du Coquelicot s'occuper d'eux.
    Lorsque vous avez quelque chose qui fonctionne et qui sauve des vies... et c'est de quoi il est question ici. J'ai vu le travail qui est fait. J'ai vu les vidéos. J'ai vu les jeunes hommes s'effondrer en larmes, parce qu'ils reviennent chez eux et sont violents et attaquent leurs familles, et leur système familial s'effondre et ils ne savent pas ce qui est arrivé, du fait du traumatisme qu'ils ont vécu en voyant leur copain sauter juste à côté d'eux. Il n'y a rien pour eux lorsqu'ils reviennent.
    J'aimerais vraiment savoir ce que les forces armées se proposent de faire face à une situation dont j'estime qu'elle est réellement urgente. Il n'est pas seulement question de suicide. Il est question de violence familiale. Il est question de l'incapacité de trouver sa place dans la société à son retour. Il est question de toutes les ramifications du trouble de stress post-traumatique que nous connaissons aujourd'hui. Nous ne pouvons pas laisser tomber nos jeunes femmes et nos jeunes hommes. Que vous proposez-vous de faire?
(1035)
    Sauf votre respect, nous ne laissons pas tomber nos jeunes gens. Le Canada est le pays de l'OTAN qui compte le plus fort ratio entre professionnels des soins de santé mentale et soldats. Nous avons des traitements fondés sur des preuves. Nous avons des programmes d'éducation, des programmes de transition et nous offrons la décompression dans un tiers lieu. Nous préparons les gens pour la transition chez eux, et nous préparons également les familles qui les attendent. Nous offrons des soins fondés sur des preuves. La plupart des gens réagissent bien aux traitements que nous leur offrons. Cela jure peut-être un petit peu avec le propos qui nous occupe ici, mais nous pourrions certainement en discuter lors d'une rencontre ultérieure.
    Eh bien, je ne suis pas de cet avis. Je connais de nombreux anciens combattants qui ont fait des tentatives de suicide. Ils n'obtiennent pas l'aide dont ils ont besoin. Je ne dis pas cela pour être désagréable. Je dis cela parce que, si nous parlons de la prévention du suicide, alors l'aide offerte n'est pas suffisante. Soyons honnêtes. Il ne s'agit pas de s'en prendre à qui que ce soit, il s'agit de voir qu'il y a un très grand nombre de personnes qui n'obtiennent pas d'aide. Comment allons-nous faire pour coordonner l'intervention, face au fait qu'il nous faut nous occuper du trouble de stress post-traumatique avant que les militaires ne soient envoyés dans le théâtre de guerre, et non après?
    Il nous faut parler ouvertement, et avec le souci de changer la situation pour nous tous. Voilà tout ce que je suis en train de suggérer. Il n'est pas question ici de taper sur qui que ce soit.
    Absolument, nous convenons de la nécessité de fournir cette formation avant que les militaires ne partent. Je pense que la plupart d'entre vous aurez vu ces petits livrets que nous distribuons dans le cadre de notre programme d'éducation pré et post-déploiement à six étapes, dans le contexte duquel nous passons une journée entière avec tous les soldats avant leur envoi outre-mer et discutons avec eux de la santé mentale. Nous parlons des comportements qu'ils constateront chez eux-mêmes et leurs compagnons — pas les symptômes servant au diagnostic, mais les véritables comportements qu'ils constateront chez des personnes qu'ils côtoieront tous les jours — et nous leur parlons ensuite de ce qu'ils peuvent faire, en tant que compagnon ou en tant que leader, pour venir en aide à une personne en difficulté. De très simples interventions précoces non médicales peuvent être très efficaces sur le terrain, lorsqu'on est loin de ressources médicales immédiates.
    Ce que nous constatons est que, grâce à la formation préparatoire au déploiement, ainsi qu'à la formation de transition et de réintégration que nous offrons à Chypre, les soldats recourent beaucoup plus rapidement qu'auparavant aux services de santé mentale. Au début des années 2000, ils attendaient environ cinq à sept ans après avoir constaté qu'ils étaient aux prises avec des difficultés. Aujourd'hui, au bout de trois à six mois environ, près de 50 p. 100 des militaires pouvant bénéficier de traitement pendant le dépistage ont déjà cherché par eux-mêmes à obtenir des soins. Nous constatons donc un virage marqué vers une reconnaissance et une acceptation plus précoces, les militaires constatant qu'ils ont besoin d'aide et en faisant la demande. Cette aide tend à être plus efficace lorsque le militaire se présente et obtient ce traitement plus tôt.
    Me reste-t-il une minute?
    Non. Le temps qui vous revenait est presque écoulé. Il vous reste 30 secondes.
    Avez-vous terminé, docteure Fry?
    Non. Il me reste encore une question.
    D'après ce que nous observons, la stigmatisation est l'un des plus gros problèmes. Les gens ont peur de dire qu'ils sont arrivés au bout de leur rouleau, qu'ils ont besoin d'aide. Il n'existe aucun milieu dans lequel cette culture est plus enracinée que chez les militaires. Comme l'ont rapporté de nombreux soldats, il y a, chez les militaires, cette idée que vous êtes macho et que vous allez résister, et qu'il ne vous faut ni tomber ni échouer. Personne n'accuse cette culture, car tout le monde est censé être dur, fort et imperturbable.
    Êtes-vous en train d'intervenir à l'égard de la culture, pour essayer de l'assouplir, ne serait-ce qu'un tout petit peu?
    Absolument. C'est cela qui a sous-tendu la campagne « Soyez la différence » de juin 2009 du chef d'état-major de la Défense, qui a, à cette occasion, fait un exposé et donné des conférences de presse pour sensibiliser les gens au fait qu'il est acceptable de souffrir d'une maladie mentale et de demander de l'aide et que nous autres, militaires, devons mieux apprivoiser l'idée de demander de l'aide lorsque nous en avons besoin.
(1040)
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Gill. Monsieur Gill, vous n'avez de temps que pour une seule question. Il nous faudra suspendre la séance pour adopter notre budget.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    Je tiens à souligner le travail de notre collègue, M. Harold Albrecht, face à ce problème fort préoccupant.
    Ma question est pour l'Agence de la santé publique du Canada et le ministère de la Santé. Nombre de personnes qui souffrent de dépression ou qui présentent un risque de suicide ne demandent pas d'aide, pour quantité de raisons. Certaines d'entre elles ne savent même pas qu'elles sont déprimées. Quels sont certains des défis et certaines des solutions en ce qui concerne le traitement de personnes se trouvant dans pareilles situations?
    Je pense qu'une partie de la réponse est déjà ressortie dans le cadre de discussions avec la Commission de la santé mentale du Canada. Je pense qu'il est important de savoir repérer les signes avant-coureurs. La santé mentale peut parfois résulter de la situation sociale de la personne, de sa vie familiale, ou du fait d'avoir été victime d'une forme d'abus ou d'une autre.
    Ce qui pousse une personne à se suicider est l'un des problèmes les plus complexes qui soient — non seulement pour les chercheurs, mais également pour les praticiens en santé publique. Nous avons parlé aujourd'hui de certains de ces facteurs. Il nous faut nous attaquer de front à la stigmatisation, afin que les personnes déprimées se sentent suffisamment à l'aise pour aborder un protecteur du public ou un médecin. J'estime que les médecins font partie de la solution. Je pense que les enseignants font eux aussi partie de la solution. Il est également important que les gens se sentent à l'aise avec l'idée de parler de leurs problèmes et de chercher des soins médicaux ou d'autres formes de traitement. En tant que société, si nous créons des conditions telles que les gens se sentiront à l'aise pour parler de ces questions, alors ce sera un gros pas en avant.
    En ce qui concerne les premières nations et les Inuits, nous avons des preuves très claires — et cela est appuyé par notre stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones — que la solution est de donner de l'espoir aux jeunes dans nos collectivités. Il s'agit en partie de reconnaître son identité et d'avoir le sentiment d'exercer le contrôle sur soi-même, son avenir et sa collectivité. Nos collègues de la Commission de la santé mentale du Canada ont évoqué cette notion de gouvernance.
    Merci beaucoup. Je sais que nous pourrions poursuivre cette discussion pendant encore quatre heures, et j'aurais bien aimé que nous en ayons le temps. Malheureusement, il nous faut faire ce qu'il nous faut faire. Je tiens à remercier très sincèrement tous les témoins.
    Je vais suspendre la séance pendant une minute. Il nous faut avoir une brève discussion sur le budget pour les témoins. Je tiens à vous remercier à nouveau. Vous nous avez livré des observations instructives sur ce projet de loi important. Si vous avez des conversations à mener, je vous demanderais de vous y livrer à l'extérieur de la salle. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Nous tous vous sommes très reconnaissants de votre travail.
    La séance est suspendue.
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