Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 116 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 avril 2013

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance no 116 du Comité permanent des finances.
    D'après l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 13 juin 2012, nous poursuivons notre étude de l'inégalité des revenus au Canada.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les témoins ici présents, de même qu'au témoin qui se trouve au Royaume-Uni. Je vous remercie infiniment de participer ce matin à notre très importante étude. Je vais nommer toutes les personnes qui nous présenteront un exposé aujourd'hui.
    Tout d'abord, M. Robin Boadway, de l'Université Queen's.
    Bienvenue.
    Nous accueillons M. Miles Corak, de l'Université d'Ottawa; M. Ian Lee, de l'Université Carleton; M. Michael Holden, économiste principal, Canada West Foundation, et Mme Anna Reid, présidente, Association médicale canadienne.
    Je vous souhaite à tous la bienvenue à la réunion du comité.
    Nous entendrons aussi M. Daniel Muzyka, président et chef de la direction, Conference Board du Canada, et M. Benjamin Eisen, analyste principal en matière de politiques, Frontier Centre for Public Policy.
    Bienvenue à vous également.
    Enfin, nous accueillons M. Richard Wilkinson, du Royaume-Uni.
    Monsieur Wilkinson, m'entendez-vous bien?
    Je vous remercie de vous joindre à nous ce matin.
    Chacun d'entre vous disposera d'un maximum de cinq minutes pour présenter une déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Nous allons commencer par M. Boadway. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup de votre invitation. J'ai déposé un mémoire que vous pourrez consulter. J'utiliserai les cinq minutes qui me sont accordées pour faire ressortir ses principaux éléments.
    J'avancerai que le système de transferts fiscaux est devenu moins redistributif, que l'inégalité a augmenté et qu'il n'y a pas suffisamment de ciblage au sein du système. Un trop grand nombre de dépenses fiscales bénéficient aux mieux lotis. À mesure que la fédération se décentralise, les groupes de personnes qui relèvent des provinces ont perdu du terrain et reçoivent peu de soutien du gouvernement fédéral. De façon plus générale, les déséquilibres horizontaux au sein de la fédération mettent en péril le tissu social canadien.
    J'ai formulé plusieurs propositions spécifiques, qui sont décrites de façon plus détaillée dans mon mémoire. Je vais les passer en revue très rapidement. Elles visent à rendre le système de transferts fiscaux plus équitable et à faire en sorte qu'il résiste mieux aux chocs économiques, sans pour autant compromettre l'efficience et les recettes fiscales.
    Voici ma liste de souhaits. J'aimerais que tous les crédits d'impôt soient remboursables, y compris ceux qui sont actuellement non remboursables. Bon nombre d'entre eux devraient être assujettis au revenu, comme c'est le cas pour le crédit pour la TPS. J'aimerais que l'on augmente le crédit d'impôt pour personnes handicapées, et rendre tous les bénéficiaires de prestations d'invalidité des provinces admissibles à ce crédit d'impôt. Je souhaite que l'on renforce le lien entre l'assurance-emploi et l'aide sociale de manière à ce que le passage de l'une à l'autre se fasse plus en douceur.
    Une réforme de vaste envergure consisterait à faire de l'assurance-emploi un programme à deux volets à l'échelon fédéral. Le premier volet offrirait pendant une certaine période un remplacement du revenu d'emploi, comme c'est le cas dans le régime actuel. Le deuxième volet s'adresserait aux personnes en chômage pendant une période un peu plus longue, et les prestations seraient établies en fonction des besoins. Une fois ces prestations épuisées, les personnes passeraient au régime d'aide sociale de leur province. Tous les travailleurs devraient avoir accès à des services de formation et d'emploi, qu'ils touchent des prestations d'assurance-emploi ou non. Le régime d'assurance-emploi devrait être financé à même les recettes générales plutôt qu'au moyen des régressives retenues sur la paie, comme c'est le cas actuellement.
    En ce qui concerne le revenu sur le capital, j'éliminerais le crédit d'impôt pour dividendes et j'uniformiserais l'imposition des dividendes, des gains en capital et des intérêts. Je simplifierais l'impôt sur le revenu des entreprises de manière à ce qu'il ne crée plus de distorsions et le transformerais en taxe sur les super bénéfices, ou taxe sur les prétendues rentes.
    Pour ce qui est de la division de la marge fiscale entre le gouvernement fédéral et les provinces, je ferais tout en mon pouvoir pour prévenir l'érosion de la part de la marge fiscale détenue par le gouvernement fédéral. Le calcul de la péréquation devrait revenir à un calcul reposant sur une formule. Je m'assurerais que les transferts sociaux aux provinces augmentent en fonction du taux de croissance moyen des dépenses de programmes de chaque province, et je les assujettirais aux capacités fiscales des provinces de manière à renforcer le système de péréquation.
    En ce qui a trait à l'égalité des chances, je dirai que les actuels programmes fédéraux d'études postsecondaires servent très bien les personnes à revenu moyen ou élevé. Les personnes à faible revenu seraient mieux servies si les avantages fiscaux étaient plus ciblés, si le montant du Bon d'études canadien était plus élevé et si les programmes canadiens de bourses aux étudiants étaient bonifiés. À l'heure actuelle, le système d'éducation postsecondaire canadien est en crise, et j'envisagerais la création d'une bourse d'études postsecondaires parallèle au TCS — le Transfert canadien en matière de santé — et au TCPS — le Transfert canadien en matière de programmes sociaux.
    Voilà les souhaits que j'avais à formuler durant les cinq minutes qui m'étaient accordées.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Je demanderai maintenant à M. Corak de bien vouloir nous présenter le sien.

[Français]

[Traduction]

    Le mémoire que j'ai déposé est axé sur des mesures stratégiques concrètes qui visent à donner suite au cinquième objectif mentionné dans le cadre de référence du comité, à savoir « formuler des recommandations sur les meilleurs moyens d’améliorer l’égalité des chances et la prospérité pour tous les Canadiens ».
    À mes yeux, l'égalité des chances signifie la possibilité pour tout enfant de devenir ce qu'il souhaite devenir, peu importe ses antécédents familiaux. Plus particulièrement, le sort réservé aux adultes, par exemple en ce qui a trait au revenu, doit être la conséquence de leurs talents et des efforts qu'ils ont déployés, et non pas de leur situation ou de privilèges dont ils ont bénéficié. Les parents jouent un rôle central au moment d'établir les chances d'épanouissement de leurs enfants en leur consacrant du temps de qualité et les ressources financières dont ils disposent. L'argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue.
    Les recommandations que je soumets à votre attention visent à soutenir le rôle de principaux responsables que jouent les familles. Ces recommandations ont pour but d'offrir une assurance contre les inégalités sur les plans financier et non financier, et à fournir un soutien adéquat aux personnes défavorisées.
    Tout d'abord, le comité devrait envisager une hausse notable du montant de la Prestation fiscale pour le revenu de travail, la PFRT. La conception de ce programme constitue une pratique exemplaire en matière de soutien du revenu. Il devrait être le principal instrument à utiliser pour empêcher que les inégalités à l'extrémité inférieure de l'échelle des revenus devienne trop grande. Le comité devrait examiner les répercussions sur les dépenses et les mesures d'incitation au travail d'une hausse du niveau de prestation de manière à ce que la plupart des travailleurs canadiens puissent toucher à peu près la moitié du revenu médian. Il devrait également envisager d'abaisser le taux de réduction progressive de la PFRT afin de la rendre accessible aux familles à revenu faible ou moyen.
    De plus, le comité devrait envisager de procéder en même temps à une réforme du régime d'assurance-emploi de manière à en transformer une partie en assurance salaire, plus particulièrement pour les travailleurs de longue date ayant fait l'objet d'une mise à pied permanente. Une telle mesure se traduirait par le versement de prestations selon un modèle inspiré de la PFRT. Cela encouragerait les travailleurs mis à pied à accepter un nouvel emploi moins bien rémunéré, vu que ces travailleurs sauraient qu'une part importante de l'écart de salaire serait comblée par des prestations.
    En outre, si les politiques en matière d'impôt et de transferts fiscaux ont pour but d'encourager un plus grand nombre de parents à entrer sur le marché du travail afin de toucher un revenu leur permettant de subvenir aux besoins de leurs enfants, on doit également reconnaître que les familles éprouvent de plus en plus de stress lié au temps. Les parents se heurtent non seulement aux risques du marché du travail, mais également à une gamme de risques démographiques liés aux perturbations matrimoniales, aux maladies infantiles, aux premiers signes d'invalidité ou à des activités non rémunérées. Le comité devrait songer à renforcer et à généraliser les changements apportés récemment au programme d'assurance-emploi en autorisant les parents à prendre des congés tout au long de leur vie active pour des raisons qu'ils jugent importantes pour leur famille.
    Le comité devrait se pencher sur l'instauration au sein du régime d'assurance-emploi d'un système de comptes personnalisés desquels les familles pourraient retirer des fonds, selon l'ampleur de leur excédent. Les règles qui régissent le programme pourraient être assouplies, et les familles à faible revenu pourraient bénéficier de ce qui s'apparente davantage à une subvention publique dans le cadre de ces comptes. Toutes les personnes auraient la possibilité d'utiliser leur excédent pour financer un congé qu'elles souhaitent prendre à tel ou tel moment ou pour telle ou telle raison.
    Enfin, le comité doit savoir qu'il y a eu des hausses considérables de la part du revenu total que touche une faible minorité de la population. Cela a accru en partie l'inégalité des revenus, mais à long terme, cela influera également sur l'inégalité de la richesse, et donc sur l'égalité des chances.
    L'inégalité de la richesse est également à la hausse au Canada, mais à ce jour, elle est suscitée par l'accroissement de la valeur nette des logements et des avoirs de retraite. Les héritages ont joué un rôle réel, mais mineur. Cela pourrait très bien changer dans l'avenir puisque la hausse de la proportion de ceux qui touchent les plus hauts revenus est une tendance qui se maintiendra probablement. À un moment donné, cette concentration des revenus se fera sentir sur la richesse, et ultérieurement, sur les legs. Au sein du régime d'imposition fédéral, cela créera un écart notable qui accentuera les inégalités, notamment l'inégalité des chances.
    Par conséquent, le comité devrait envisager une imposition plus complète de toutes les sources de revenu, y compris l'ensemble des sources de revenu du capital. Il pourrait également se pencher, comme l'a fait, entre autres, l'OCDE, sur l'instauration d'une taxe sur les héritages et sur l'effet dissuasif qu'elle peut avoir.
    Merci, monsieur le président.
(0850)
    Merci, monsieur Corak.
    Nous allons passer à M. Lee. Allez-y, s'il vous plaît.
    J'avais préparé ce qui me semblait être un document raffiné constitué de diapos contenant des données empiriques. Toutefois, le comité a décidé de doubler la durée de la réunion. C'est de bonne guerre, et je crois que bien d'autres témoins sont susceptibles de présenter d'excellentes données empiriques. J'ai donc complètement remanié mon exposé. Mais diapos serviront à mettre mes propos en contexte.
    J'ai un profond intérêt pour les questions liées à l'inégalité, aux hiérarchies sociales et aux obstacles puisqu'en 1971, à l'âge de 18 ans, j'ai abandonné mes études. J'étais à l'école secondaire, en 12e année. Cependant, j'aimerais dire à ceux qui jettent le blâme sur la société que, à mon avis, ils ont tort. J'ai abandonné mes études secondaires, et la société n'a pas pu assister à mes cours ni faire mes devoirs à ma place. La véritable raison de mon décrochage, c'est que, à l'âge de 18 ans, je croyais que la vie était une grande fête, et je voulais faire la fête le plus souvent possible. Je n'ai pas abandonné l'école parce que j'ai grandi dans une famille à faible revenu ou que j'ai été victime de l'inégalité des revenus. Cela revient à prendre l'effet pour la cause. En fait, c'est parce que j'ai abandonné mes études secondaires que je n'ai pas acquis les compétences requises pour occuper un emploi bien rémunéré, et que j'ai donc touché par la suite un faible revenu et que je me suis retrouvé dans le quintile inférieur.
    Toutefois, après deux ans passés à faire la fête, je me suis rendu compte que cette vie ne me satisfaisait pas. Le fait d'être un laissé-pour-compte et de me retrouver au bas de l'échelle m'a motivé et m'a poussé à changer le cours des choses. J'ai proposé mes services à une kyrielle d'entreprises et, après que j'ai essuyé de multiples refus, une société américaine, Avco, m'a embauché à un poste situé tout au bas de l'échelle. On m'a fourni une formation, et je tiens à insister sur le mot « formation ». En fait, on m'a non pas formé, mais transformé. À l'âge de 24 ans, j'étais devenu directeur de succursale.
    Ce qui est beaucoup plus important aux fins de la présente réunion, c'est que l'entreprise m'a offert de me rembourser mes droits de scolarité si je menais à bien des études universitaires à temps partiel en tant qu'étudiant adulte. C'est ce que j'ai fait. J'ai commencé mes études à l'âge de 20 ans, et j'ai obtenu mon diplôme à l'âge de 30 ans, au bout de 10 années d'études à temps partiel. Par la suite, grâce, entre autres, à la formation que j'avais reçue et aux études que j'avais menées, la Banque de Montréal m'a recruté, et je suis devenu gestionnaire des services hypothécaires.
    Ce que je veux dire, c'est que l'éducation est le moteur d'émancipation le plus fondamental du monde, vu qu'elle concerne le perfectionnement et l'éducation de l'actif le plus précieux qui soit, à savoir l'esprit humain. Grâce à l'éducation, une personne qui a abandonné ses études secondaires peut devenir un gestionnaire des services hypothécaires au sein d'une grande banque ou un professeur qui se présente devant le Comité des finances de la Chambre des communes pour discuter de son expérience personnelle en ce qui a trait aux inégalités.
    Parlons donc de l'inégalité. Comme nous l'a enseigné la philosophe Hannah Arendt, l'égalité est une absence de différence — dix égale dix —, alors que l'inégalité est la présence d'une différence — cinq n'est pas égal à dix. En d'autres termes, nous vivons dans un monde caractérisé par la pluralité, la diversité et l'hétérogénéité, mots qui sont tous synonymes d'inégalité ou de différence.
    Le milieu universitaire illustre très bien les inégalités sociétales contemporaines. Les professeurs titulaires — comme certaines personnes présentes ici aujourd'hui — touchent un salaire beaucoup plus élevé que celui des professeurs agrégés, lesquels touchent un salaire beaucoup plus élevé que celui des professeurs adjoints. De surcroît, bien souvent, les professeurs titulaires n'ont absolument aucune charge d'enseignement à assumer, tandis que les professeurs agrégés et les professeurs adjoints doivent dispenser quatre, cinq ou six cours.
    Cela dit, je ne suis pas en train d'avancer que le système universitaire est injuste ou abusif, ni que les professeurs titulaires ne devraient pas profiter des avantages et des privilèges substantiels que leur confère leur titre. Ainsi, j'affirme vigoureusement qu'ils méritent leur salaire considérablement plus élevé que celui des autres, leur statut et leur charge d'enseignement notablement réduite. Bien que l'université crée des inégalités non négligeables, elle n'est pas injuste ni illégitime. L'université est un microcosme de la société entière, qui est composée d'entreprises, d'ONG, du secteur privé et d'organisations du secteur de la politique, du sport et du divertissement, et chacun de ces secteurs comporte ses propres hiérarchies et ses propres inégalités.
    Toutefois, comme Mme Deirdre McCloskey — anciennement Donald McCloskey, avant son changement de sexe —, économiste et historienne à l'Université de l'Illinois, l'a fait valoir dans plus de 400 articles évalués par un comité de lecture et 18 livres, l'économie de marché a généré beaucoup plus d'avantages que tout autre système au cours de l'histoire. Elle attire l'attention sur ce qu'elle appelle « le fait essentiel ». Après des milliers d'années où, partout dans le monde, on vivait avec un dollar par jour, après 1800, presque du jour au lendemain, on a commencé à toucher 150 $ par jour en dollars d'aujourd'hui, c'est-à-dire entre 16 et 100 fois plus d'argent.
    Elle soutient que le résultat de ce fait essentiel, c'est que ce sont les pauvres qui ont le plus profité de l'économie de marché. Elle fait valoir que nous devrions faciliter et favoriser l'innovation, la destruction créatrice et la croissance — ce qu'elle a appelé la « croissance de Schumpeter » plutôt que le protectionnisme, qui engendre des inégalités en favorisant le capitalisme de copinage — il n'y a qu'à penser à la pernicieuse gestion de l'offre.
    En conclusion, je ne remets pas en question les statistiques qui vous seront présentées aujourd'hui selon lesquelles il existe une corrélation entre les pathologies sociales — ou, en bon français, les mauvaises décisions ou les mauvais comportements — et les faibles revenus ou l'inégalité des revenus. Cependant, je suis en profond désaccord avec ceux qui affirment que l'inégalité des revenus est à l'origine des mauvaises décisions ou des mauvais comportements — ce sont eux qui sont à l'origine de l'inégalité imputable au décrochage scolaire.
    L'une de mes diapos fournit une information cruciale, à savoir que les Canadiens et les Américains faisant partie des deux quintiles inférieurs sont ceux qui ont les plus faibles degrés de scolarité. C'est la raison pour laquelle les gouvernements doivent encourager beaucoup plus vigoureusement les adultes canadiens qui ne possèdent pas de diplôme d'études postsecondaires — à savoir 45 p. 100 des adultes du pays — à retourner sur les bancs d'école et à se « remettre à niveau », comme le préconisent le Forum des politiques publiques, le réseau canadien pour l'alphabétisation et l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada. À cette fin, ils devraient assujettir le bénéfice des prestations de l'assurance-emploi, de l'État social et des autres programmes d'aide gouvernementale à la rééducation et au perfectionnement professionnel. D'aucuns feront peut-être valoir que certaines des personnes qui touchent ces prestations ne sont pas en mesure de faire cela, mais j'estime qu'il s'agit d'une supposition inexacte.
(0855)
    Si nous voulons vraiment aplanir les inégalités au Canada, nous devons le faire au moyen d'un programme de mise à niveau, car l'obtention d'un diplôme d'études postsecondaires est le moyen le plus radical et le plus efficace d'atténuer les inégalités. Je le sais par expérience personnelle.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Lee.
    Je vais maintenant demander à M. Holden de bien vouloir nous présenter son exposé.
    Je vais commencer mon exposé par quelques brèves observations concernant les tendances canadiennes au chapitre de l'inégalité des revenus, et je formulerai ensuite quelques suggestions à propos des mesures stratégiques fédérales qui pourraient être les plus avantageuses.
    L'inégalité des revenus est un sujet qui cause de multiples difficultés. Il s'agit d'un sujet qui est délicat sur le plan politique et qui crée un clivage sur le plan idéologique. La plupart d'entre nous s'entendront probablement pour dire qu'une trop grande inégalité est une mauvaise chose. Cela débouche sur l'exclusion sociale, la criminalité et la désaffection à l'égard de la politique. Cela dit, qu'est-ce qu'une trop grande inégalité? La réponse à cette question est subjective, ce qui rend très difficile une étude pénétrante et impartiale de la question de l'inégalité. En outre, il est très facile de faire une interprétation tendancieuse des données sur l'inégalité des revenus, ce qui ne fait qu'aggraver les choses. Quiconque défend un programme de gauche ou de droite peut aisément donner l'impression qu'il ne présente que les statistiques qui appuient son point de vue.
    Par exemple, des témoins vous ont peut-être dit que les inégalités au Canada sont plus grandes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a 20 ou 30 ans. Quelqu'un vous a peut-être dit que les inégalités sont demeurées stables depuis la fin des années 1990. Au cours des dix dernières années, les revenus après impôt qui ont connu la croissance la plus rapide sont ceux des Canadiens du quintile inférieur. Au cours de la même période, les Canadiens du quintile supérieur ont accaparé une proportion de 46 p. 100 de l'ensemble de la croissance des revenus. En fait, tout cela est vrai. Comment est-ce possible? Comment certaines personnes peuvent-elles affirmer que les riches s'enrichissent, et d'autres, que l'inégalité est demeurée stable depuis la fin des années 1990? Tout se résume à une interprétation sélective des chiffres.
    Je vais vous donner un exemple. Supposons que nous sommes en présence de deux personnes, dont l'une touche un revenu annuel de 100 000 $, et l'autre, un revenu annuel de 10 000 $, et que chacune d'entre elles se voit accorder une augmentation de 10 p. 100. A-t-on accru l'inégalité? D'aucuns soutiendront que non, vu que les deux personnes touchent à présent un revenu de 10 p. 100 plus élevé. Auparavant, la première touchait un revenu 10 fois supérieur à celui de l'autre, et après l'augmentation, le revenu le plus élevé est toujours dix fois supérieur au revenu le plus faible. Rien n'a changé. D'autres soutiendront que, en fait, les choses se sont aggravées — l'écart était auparavant de 90 000 $, et à présent, il est de 99 000 $. La personne la plus riche a touché une proportion de 91 p. 100 du salaire total versé à ces deux personnes. L'écart entre elles est plus grand que jamais. Il s'agit là de deux interprétations d'une même situation, et elles laissent des impressions très différentes.
    Je conseille au comité de faire preuve de prudence, en règle générale, au moment d'examiner les statistiques qui lui sont présentées si elles s'appuient fortement sur des montants d'argent. Au moment de comparer les riches et les pauvres, ce qui importe, ce sont les pourcentages, la croissance relative et les ratios.
    Pour illustrer cela, je vais vous donner un exemple plus extrême. Reprenons les deux personnes de l'exemple précédent. Supposons qu'elles touchent respectivement un salaire de 1 $ et de 2 $ par année, et que, à la suite d'une augmentation, leurs salaires passent respectivement à 98 $ et à 100 $. Dans ce cas de figure, a-t-on aplani l'inégalité? Je suis certain que la plupart des gens répondraient que oui, mais si vous pensiez que, dans le premier exemple que j'ai fourni, l'inégalité s'était accrue parce que la personne la plus riche avait accaparé la majeure partie des gains salariaux, vous devriez logiquement soutenir que cela vaut également dans le deuxième exemple. En effet, au départ, l'écart salarial était de 1 $, et après l'augmentation, il est de 2 $.
    Mon but n'est pas de jeter le doute sur l'existence de l'inégalité des revenus ni sur son importance sur le plan des politiques publiques, mais plutôt de vous faire prendre conscience du fait que l'on s'éloigne de la véritable question lorsqu'on s'empêtre dans des discussions à propos de l'interprétation sélective des chiffres. De surcroît, j'avancerais que l'égalité des chances et la réduction de la pauvreté sont des questions beaucoup plus importantes que celles de l'égalité des revenus.
    Ainsi, que devons-nous faire pour accroître l'égalité des chances et endiguer l'inégalité des revenus? À ce propos, j'aimerais attirer votre attention sur quatre éléments spécifiques.
    Premièrement, le gouvernement fédéral doit améliorer les perspectives économiques des Autochtones du Canada. Il s'agit là d'un enjeu qui revêt une importance particulière dans l'Ouest du pays. Le gouvernement fédéral doit mieux favoriser le développement économique dans les réserves autochtones. Il doit accroître énormément la qualité de l'éducation de la maternelle à la douzième année dans ces réserves, améliorer la formation axée sur les compétences dispensée aux Autochtones et augmenter leur participation sur le marché du travail.
    Deuxièmement, les politiques de lutte contre l'inégalité des revenus ne doivent pas nuire à la mobilité de la main-d'œuvre. En fait, le gouvernement fédéral doit non seulement supprimer les obstacles, mais également encourager la mobilité de la main-d'œuvre. Les travailleurs font cruellement défaut dans l'Ouest du pays, surtout en Saskatchewan. Dans cette province, le taux de chômage est actuellement de 3,9 p. 100, et les pénuries de main-d'œuvre propre à l'industrie nuisent déjà à la croissance. Pendant ce temps, ailleurs au pays, il y a un surplus de main-d'œuvre. Il est insensé d'investir dans des politiques et des programmes pour donner un coup de fouet au développement économique dans des régions en difficulté si cela empêche d'autres régions du pays de croître de façon optimale.
    Troisièmement, nous devons mettre fortement l'accent sur l'éducation et la formation axée sur les compétences. À ce chapitre, je soulignerai qu'il existe un décalage entre les compétences que les étudiants acquièrent et celles qu'exigent les employeurs. Le tenace parti pris social à la faveur duquel on favorise les universités au détriment des écoles de formation technique doit disparaître, et nous devons nous assurer que la hausse des droits de scolarité ne nuise pas à l'accessibilité aux études des étudiants plus pauvres.
    En conclusion, je dirai quelques mots sur les taxes. Notre régime fiscal progressif atténue déjà partiellement l'inégalité des revenus. Il pourrait probablement le faire davantage, mais nous devons y aller doucement au moment de modifier les politiques fiscales. À l'heure actuelle, les recettes du gouvernement dépendent déjà fortement de la contribution des plus riches. Une proportion de10 p. 100 des personnes les plus riches touche 35 p. 100 des revenus et verse 55 p. 100 des impôts. Il s'agit aussi des Canadiens les plus mobiles. Nous pourrions régler très rapidement le problème de l'inégalité des revenus en expulsant les riches du pays, mais nos recettes fiscales se dissiperaient, et nous ne serions donc plus capables de mettre en œuvre des programmes et des politiques pour aider les pauvres. Cela signifie non pas qu'il faille écarter absolument l'idée d'augmenter le taux d'imposition des plus riches Canadiens, mais qu'il serait plus utile de mettre l'accent sur des mesures qui viennent en aide aux personnes qui touchent les revenus les plus faibles et qui contribuent à réduire la pauvreté plutôt que sur le fait de pénaliser indûment les mieux nantis.
(0900)
    Merci de m'avoir accordé de votre temps.
    Merci beaucoup, monsieur Holden.
    Nous allons passer à Mme Reid. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je suis très heureuse de venir présenter au comité le point de vue de l'Association médicale canadienne — l'AMC — sur l'inégalité des revenus.
    Vous vous demandez peut-être pourquoi l'inégalité des revenus préoccupe l'AMC, qui représente plus de 78 000 membres médecins. Comme nous le savons, tous les jours, nos cliniques et hôpitaux accueillent des patients atteints de maladies de toutes sortes. Les interventions du système de santé comptent pour 25 p. 100 de l'état de santé de ces patients, et la constitution biologique ou le bagage génétique, pour une autre tranche de 25 p. 100.
    Toutefois, des facteurs comme l'état du logement d'une personne, la suffisance de son alimentation, son niveau d'instruction et le type d'expérience qu'elle a vécue au cours de sa petite enfance ont énormément plus d'effet sur sa santé. Ces déterminants sociaux de la santé comptent en réalité pour 50 p. 100 de l'état de santé d'une personne.
    Le déterminant qui a le plus d'effet est le revenu. Nous savons que, au Canada, les personnes riches sont en meilleure santé que les pauvres. Les personnes qui vivent dans la pauvreté ont des taux plus élevés de suicide, de maladies mentales, d'invalidité, de cancer, de maladies du cœur et de maladies chroniques comme le diabète. Nous savons que les personnes pauvres sont 1,9 fois plus susceptibles d'être hospitalisées. Elles sont trois fois moins susceptibles de faire remplir leurs ordonnances, et 60 p. 100 moins capables d'obtenir les examens dont elles ont besoin à cause du coût dont ils s'assortissent. Les pauvres vivent moins longtemps. La pauvreté au cours de l'enfance peut être un prédicteur plus important de maladies cardiovasculaires et de diabète que les circonstances de la vie et les choix de comportements ultérieurs chez les adultes.
    Cette pauvreté et cette disparité entre riches et pauvres a un coût. Les personnes vivant dans la pauvreté ont tendance à consommer plus de services de santé que celles dont la situation socioéconomique est meilleure. Selon une estimation, il est possible d'attribuer environ 20 p. 100 du total des dépenses de santé aux seules disparités des revenus. Une étude réalisée par le Saskatoon Poverty Reduction Partnership en 2011 a révélé que, au cours d'une année, les personnes à faible revenu avaient consommé 179 millions de dollars de soins de santé de plus que les personnes de revenu moyen.
    Les éléments économiques sont importants, mais l'équité, la dignité et la compassion le sont aussi. Les médecins du Canada craignent que notre pays ne fasse pas suffisamment d'efforts pour s'attaquer à ces facteurs.
    L'AMC recommande notamment que, lorsque les ministères fédéraux élaborent de nouvelles politiques, ils les soumettent à une évaluation des incidences sur la santé afin de déterminer les répercussions qu'elles pourraient avoir sur la santé de la population canadienne. Dans le contexte d'un tel processus, on aurait pu scruter de plus près les changements de l'âge de l'admissibilité à la sécurité de la vieillesse et les nouvelles règles de l'assurance-emploi, deux facteurs qui auront de très importantes répercussions sur le revenu de certaines personnes. Toute intervention ayant un effet négatif sur la santé alourdira ultérieurement les coûts imposés à la société.
    Ce n'est toutefois pas seulement une question de ce que pensent les médecins. L'AMC a mené une série d'assemblées publiques locales pour demander aux Canadiens d'expliquer l'effet sur leur santé des conditions sociales et économiques de leur collectivité. De Calgary à Charlottetown en passant par Hamilton, de même qu'en ligne, les Canadiens nous disent combien les faibles revenus minent leur santé.
    Cette réaction du public n'est vraiment pas étonnante. Selon le Conference Board du Canada, plus d'un enfant sur sept au Canada vit dans la pauvreté. Il n'y a aucun doute: cette pauvreté limitera la capacité de ces enfants de vivre aussi longtemps et d'être en aussi bonne santé que les enfants des familles plus riches. Le succès des interventions d'atténuation de la pauvreté des personnes âgées est reconnu comme une des grandes réalisations stratégiques des dernières décennies au Canada. En s'appuyant sur cette réussite, le gouvernement fédéral devrait étudier et créer des programmes visant à éliminer la pauvreté pour tous les Canadiens.
    En terminant, l'AMC félicite le comité d'étudier cette question très importante. L'inégalité des revenus importe pour les médecins parce qu'elle entraîne des inégalités en santé, ce qui va à l'encontre de toutes nos convictions de médecins et de ce que nous tentons de réaliser.
    Il convient de souligner que les pays où l'état de santé de la population est le meilleur sont ceux où l'égalité des revenus est la plus grande, et non ceux où la richesse est la plus grande. Le Canada est un pays nanti, et rien ne l'empêche d'instaurer aussi une plus grande égalité des revenus.
    Une plus grande égalité des revenus peut alléger le fardeau imposé par la maladie au Canada, atténuer la pression qui s'exerce sur notre système de santé et permettre d'assurer que chaque Canadien a la chance d'être un membre productif de la société qui apporte sa contribution et est en bonne santé. Les médecins du Canada croient que tous les Canadiens méritent une chance de vivre en santé, et je suis d'avis que la mesure dans laquelle nous pourrons instaurer l'équité en santé pour la population devrait constituer l'aune à laquelle mesurer l'humanité et l'âme de notre pays.
    Merci beaucoup.
(0905)
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer à M. Muzyka. Allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre invitation.
    Nous sommes d'avis qu'il est important d'examiner et de surveiller la question de l'inégalité, et de créer une politique publique qui l'encadre. Les observations que je vais formuler et les données qui les sous-tendent peuvent être consultées sur notre site Web, dans la section « Les performances du Canada ».
    Comment mesure-t-on l'inégalité? Il existe trois façons de le faire.
    La première consiste à utiliser le coefficient de Gini, dont vous avez assurément entendu parler. Il s'agit d'une échelle qui varie de zéro à un, et où zéro signifie une répartition parfaitement égale des revenus. Selon l'indice de Gini, sur 17 pays comparables, le Canada se classe au 12e rang, et le Danemark, au premier rang. Le pire rendement est celui enregistré aux États-Unis, lesquels se classent au 17e rang. Depuis le milieu des années 1990, 12 des 17 pays comparables — dont le Canada — ont enregistré une augmentation de leur rendement selon le coefficient de Gini. Les pays où régnait la plus grande égalité au cours de cette période — la Suède, et maintenant le Danemark — ont mis en œuvre des mesures pour accroître leur rendement sur l'échelle de Gini ou envisagent de le faire.
    La deuxième façon de mesurer l'inégalité consiste à diviser la population en quintiles selon les revenus. La réalité, c'est que les gains les plus importants ont été enregistrés au sein du quintile supérieur — phénomène qui avait été observé auparavant —, et que les augmentations les plus faibles ont été enregistrées au sein du quintile médian, le troisième. La classe moyenne se trouve véritablement dans une position intenable.
    La troisième manière consiste à mesurer l'écart entre le revenu moyen des personnes, disons, du quintile supérieur, et celui des personnes du quintile inférieur. Comme c'est le cas dans la plupart des pays semblables au nôtre, l'écart s'agrandit au Canada. Cela est attribuable pour une bonne part à la technologie et à la mondialisation, mais également aux politiques fiscales.
    L'inégalité des revenus peut être interprétée de façons différentes selon la manière que l'on emploie pour la mesurer. Cependant, peu importe la méthode que l'on utilise, il est évident que l'inégalité s'est accrue au cours des années 1990 au Canada et dans la plupart des pays semblables au nôtre. L'inégalité est plus profonde qu'elle l'était auparavant au Canada, mais notre pays se trouve quelque part au milieu du groupe des pays comparables, et la situation ne s'aggrave pas. Nous ne sommes pas non plus aux prises avec des problèmes d'équité de l'ampleur de ceux auxquels nos voisins sont en butte.
    Il y a deux autres facteurs qui sont souvent soulevés durant les discussions touchant l'inégalité des revenus et qui viennent compliquer les choses. En premier lieu, il y a la mobilité du revenu. Durant les discussions sur l'inégalité, on soulève souvent la question de la capacité de passer d'une catégorie de revenu à une autre. En second lieu, il y a la question du revenu absolu par opposition au revenu relatif, qui mène généralement à une discussion sur la question de savoir si la marée qui monte entraîne tous les bateaux.
    L'inégalité des revenus en général est-elle véritablement un problème? L'expérience et les recherches objectives nous indiquent qu'elle peut l'être si elle est trop importante, mais qu'une certaine inégalité est nécessaire pour que les marchés puissent fonctionner et pour inciter les gens à déployer des efforts et à investir.
    Parmi les répercussions négatives d'une inégalité criante, mentionnons une dégradation de la cohésion sociale, une augmentation de l'instabilité politique, une diminution consécutive des investissements étrangers et intérieurs, une diminution du potentiel de croissance économique — une étude récente du FMI révèle cela — et une perte de potentiel humain. Si l'on restreint l'accès des personnes à faible revenu à l'éducation, à la formation axée sur les compétences et à l'emploi, on n'utilisera pas de façon optimale les compétences et les aptitudes de l'ensemble de nos citoyens. La capacité plus limitée des personnes des catégories de revenu inférieures d'utiliser leurs compétences pour saisir des occasions d'entrepreneuriat constitue un autre problème. Enfin, il y a le fait que la capacité du gouvernement de composer avec les chocs de l'économie en augmentant les impôts ou réduisant les dépenses est restreinte.
    En outre, d'aucuns font valoir qu'une inégalité profonde favorise l'efficience économique, l'innovation et l'entrepreneuriat. Est-ce que cela veut dire que nous ne devons pas nous soucier de l'inégalité? Non. Nous voulons conserver une bonne mobilité, et nous voulons nous préoccuper de l'inégalité structurale, car tout le monde n'a pas les moyens de passer d'une catégorie de revenu à une autre. Toutefois, la mobilité ne fait pas disparaître tous les autres effets négatifs d'une profonde inégalité, y compris les effets sur le potentiel de croissance et l'utilisation des compétences.
    Sommes-nous satisfaits de la situation actuelle? Devrions-nous nous pencher activement sur ce problème? Nous devrions probablement le faire. Tout bien pesé, nous pouvons faire un peu mieux. Cela dit, comme la plupart des économistes, j'ai une deuxième opinion. Nous devons agir en adoptant une perspective à long terme plutôt qu'en effectuant des changements structuraux dans l'immédiat. Le fait d'agir à la hâte comporte plus d'inconvénients que d'avantages. Le FMI a signalé, à juste titre, que des initiatives mal conçues visant à aplanir l'inégalité peuvent dénaturer les mesures incitatives et compromettre la croissance. Nous avons besoin d'une politique avantageuse pour tous qui sera mise en œuvre au fil du temps.
    Comment pourrions-nous nous y prendre? Existe-t-il des moyens d'action? On en a mentionné un certain nombre aujourd'hui. Il faut investir dans l'éducation: l'éducation de la petite enfance, l'éducation primaire, l'éducation secondaire et l'éducation postsecondaire. On doit prendre tout cela en considération. Il faut investir dans le développement de la petite enfance. Des recherches récentes tendent fortement à indiquer que de tels investissements sont extrêmement rentables. Il faut mettre en œuvre des mesures actives visant le marché du travail afin de donner un coup de fouet à l'emploi. Il faut accroître l'accès au capital pour les personnes à faible revenu — on peut recourir, par exemple, au microfinancement. Il faut supprimer le piège de l'aide sociale intégré au régime fiscal, éliminer les distorsions et accroître l'efficience du régime d'imposition.
(0910)
    Quelles sont les conclusions? D'après tous les indicateurs, l'inégalité s'est accrue au Canada au cours des années 1990. Nous sommes plus haut qu'avant. Encore une fois, nous sommes quelque part au milieu du peloton, et notre situation n'empire pas. C'est une question qui doit être examinée de près. L'inégalité peut miner le rendement économique du Canada et empêcher les gens de réaliser leur plein potentiel. Bon nombre de leviers stratégiques existent et peuvent être améliorés pour attaquer le problème de front.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Eisen, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. Le fait même que vous meniez une étude sur le sujet montre que l'idée selon laquelle l'évaluation du rendement économique d'un pays ne devrait pas être fondée exclusivement sur des indicateurs de croissance globale du produit intérieur brut fait de plus en plus consensus dans le monde. Nous devrions également tenir compte de la mesure dans laquelle les retombées positives de la croissance profitent à tous, sans égard au revenu. C'est une nouveauté qui est accueillie favorablement.
    Au Canada, comme dans bien des pays riches, le groupe des mieux nantis a profité d'une grande part de l'augmentation globale des revenus au cours des dernières décennies, tandis que la croissance du revenu réel a été passablement plus lente dans les autres tranches de revenus. Cette croissance lente du revenu des personnes à revenu faible et moyen sur plusieurs décennies devrait certainement être envisagée avec sérieux. Il y a des façons d'intervenir efficacement en adoptant des politiques, ce dont je vais parler plus tard et que j'aborde en détail dans mon mémoire.
    Le comité devrait toutefois garder à l'esprit que des facteurs économiques et démographiques puissants entraînent une forte croissance du revenu des personnes ayant le revenu le plus élevé et que ces facteurs continueront sans doute de creuser l'inégalité des revenus à l'avenir.
    Premièrement, la population canadienne vieillit. De façon générale, l'inégalité des revenus est plus grande chez les travailleurs âgés que chez les jeunes. Les traitements et salaires des travailleurs hautement qualifiés augmentent habituellement plus vite que ceux des travailleurs peu spécialisés, de sorte que l'écart des revenus est plus grand à la fin qu'au début de la carrière. C'est pour cette raison que l'économiste américain Tyler Cowen va jusqu'à affirmer que l'inégalité des revenus dont nous avons été témoins est attribuable en grande partie à l'évolution du profil démographique. C'est peut-être un peu exagéré, mais c'est un facteur très important qui a contribué à la croissance de l'inégalité des revenus en Amérique du Nord.
    Deuxièmement, il y a des facteurs liés à l'évolution de la technologie et à la mondialisation au sein d'un marché économique mondial qui font continuellement augmenter la demande de main-d'oeuvre hautement spécialisée. L'augmentation de la demande en main-d'oeuvre hautement spécialisée va probablement se poursuivre et entraîner des gains de revenus importants pour les personnes ayant un revenu élevé. Il y a de nombreuses solutions liées aux politiques pour accroître le revenu après impôt des familles à revenu faible et moyen. Le comité devrait étudier ces réformes et les mettre en place, tout en reconnaissant que les revenus des bien nantis continueront probablement de croître. L'objectif devrait être de trouver des solutions permettant d'obtenir d'importants gains de revenu pour les familles des autres tranches de revenu aussi.
    L'OCDE a mené une étude approfondie sur les stratégies en matière de politiques visant à atténuer la croissance de l'inégalité des revenus. Son étude mérite que les décideurs canadiens y prêtent une attention particulière. Selon cette étude, certaines solutions constituent un compromis entre les objectifs de réduction de l'inégalité de revenu et de promotion de la croissance économique. Les exemples clés qui y sont cités sont l'augmentation de l'impôt des particuliers et des sociétés, dont l'OCDE affirme qu'elle réduirait probablement l'inégalité des revenus, vu le caractère progressif de ces impôts, mais nuirait aussi probablement à la croissance économique en raison de l'incidence négative sur le recours à la main-d'oeuvre, la productivité et l'accumulation du capital.
    Toutefois, l'étude de l'OCDE présente également un certain nombre de stratégies qui ne supposent pas de compromis de cet ordre. En effet, il y a d'autres stratégies qui sont susceptibles d'entraîner ce que l'OCDE appelle un double avantage et d'aplanir les inégalités tout en contribuant à la croissance. Je suggère au comité de se concentrer sur cette deuxième catégorie d'interventions stratégiques. Une forte croissance économique est absolument essentielle pour permettre au Canada de réduire la pauvreté et de s'assurer qu'il génère des revenus suffisants. Les interventions stratégiques touchant l'inégalité effectuées au détriment de la croissance sont susceptibles d'aller à l'encontre de leur but propre.
    L'OCDE décrit plusieurs grandes stratégies en matière de politique susceptibles d'engendrer ce double avantage dont j'ai parlé. L'organisme conseille notamment d'accroître la qualité et la portée de l'enseignement. Nous avons entendu plusieurs suggestions de cet ordre aujourd'hui. Il conseille également de favoriser l'intégration économique des immigrants. En 2012, le Frontier Centre for Public Policy a publié un livre électronique de Bryan Schwartz, professeur de droit de l'Université du Manitoba, dans lequel celui-ci présente des mesures bien précises pour faire tomber des obstacles à l'exercice de leur profession par les nouveaux Canadiens, qui ont souvent de la difficulté à faire reconnaître leurs titres de compétence. Les mesures que nous pouvons prendre pour favoriser leur intégration économique entraîneront le double avantage de réduire l'inégalité des revenus entre les immigrants et les Canadiens d'origine tout en favorisant la croissance du revenu national.
    Enfin, au sujet de l'amélioration des politiques fiscales permettant d'accroître le revenu après impôt des familles à revenu faible et moyen, l'amélioration de la Prestation fiscale pour le revenu de travail est un exemple qui vient immédiatement à l'esprit, et il s'agit d'une politique dont le coût d'adoption pourrait être assumé grâce à la suppression des déductions dont profitent les gens riches. Toutes ces mesures peuvent être prises dans le contexte canadien, et j'en parle plus en détail et les assortis de recommandations précises dans mon mémoire.
    Il y a de nombreuses stratégies en matière de politiques qui peuvent favoriser une forte croissance du revenu dans toutes les tranches de revenu, et bon nombre de ces stratégies peuvent améliorer le rendement économique global du pays. Il n'est pas nécessaire de faire un compromis entre l'atténuation de l'inégalité et la promotion de la croissance. En proposant des stratégies de ce genre, le comité peut améliorer les perspectives économiques de tous les Canadiens tout en contribuant à la prospérité du pays pour les années à venir.
    Merci.
(0915)
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer à M. Wilkinson, pour les cinq prochaines minutes. Veuillez nous présenter votre exposé, monsieur.
    J'aimerais profiter de l'occasion pour d'abord insister sur le genre de dommage que l'inégalité cause à une société. Nous avons examiné tout un éventail de résultats concernant la santé, le bien-être des enfants, la santé mentale, le taux d'homicide, le taux d'emprisonnement, le taux de grossesse chez les adolescentes, la consommation de drogues, les notes des élèves dans les domaines des mathématiques et de la langue et la mobilité sociale dans les pays industrialisés et riches, et nous avons constaté que ces indicateurs sont tous moins bons dans les pays où les inégalités sont les plus marquées.
    Je crois que les gens ont été surpris d'apprendre que l'inégalité du revenu peut avoir une incidence sur autant de résultats différents. L'explication, c'est que... essentiellement, ce que nous disons, c'est que les problèmes liés au statut social — en ce sens que tous ces problèmes sont plus courants au bas de l'échelle sociale — empirent avec l'accroissement des différences de statut social au sein d'une société. Ils n'empirent pas juste un peu; ils peuvent devenir deux fois plus courants, et même dix fois plus courants. Comme ils ont tendance à tous empirer ensemble au sein d'une société, les États-Unis ont des résultats moins bons que tous les autres pays industrialisés ou presque par rapport au taux d'homicide, au taux d'obésité, à la maladie, à la consommation de drogues et aux grossesses chez les adolescentes. L'espérance de vie y est la plus faible du monde industrialisé. Tous ces problèmes sont moins graves dans les pays où l'égalité est plus grande — les pays scandinaves et le Japon.
    Nous n'avons pas le temps d'aborder en détail les mécanismes qui régissent ce phénomène, mais, essentiellement, l'inégalité des revenus vient accentuer tout ce que la classe sociale et le statut nous imposent au cours de notre vie. Les différences de rendement entre les sociétés plus ou moins égalitaires sont à ce point importantes — comme je le disais, l'écart peut être 10 fois plus important par rapport à certains des résultats en question — parce que, même si les problèmes sont les plus graves dans les basses couches de la société, l'accroissement de l'inégalité touche tout le tissu social, et les problèmes empirent pour la vaste majorité des gens.
    Il ne s'agit pas simplement de problèmes de pauvreté. Michael Marmot, qui est peut-être le plus grand spécialiste mondial des inégalités en santé, dit souvent qu'on peut supprimer tous les problèmes de mauvaise santé et pauvreté et quand même avoir la plupart des problèmes d'inégalité en santé. Des inégalités en santé sont un gradient qui touche l'ensemble de la société, ce qui fait que même les gens qui appartiennent au groupe situé juste en dessous de celui des plus riches sont en moins bonne santé que les mieux nantis. Ce n'est pas un problème qu'on peut comprendre en envisageant seulement le chômage, l'itinérance et des choses de ce genre. Nous faisons tous partie de ce tableau des inégalités en santé ainsi que des gradients concernant les autres problèmes que j'ai mentionnés.
    La raison pour laquelle le Canada s'en tire mieux que les États-Unis par rapport à beaucoup des résultats en question semble très clairement être le fait qu'il s'agit d'un pays plus égalitaire. L'analyse des taux d'homicide et des taux de décès attribuables à toute cause place les provinces canadiennes très près de ce qu'on penserait, c'est-à-dire proche des États américains les plus égalitaires.
    Je pense que les gens s'imaginent parfois — et des critiques formulées par l'extrême droite le laissent entendre — que nous avons trafiqué les données en les sélectionnant, entre autres. Nous ne sélectionnons jamais les données que nous utilisons. Nous ne décidons jamais des données qui sont comparables. Nous téléchargeons simplement les données à partir des sites de l'OMS ou de l'OCDE, ou encore du site de développement humain de l'ONU, et nous utilisons l'ensemble des données que ces organismes fournissent pour les pays que nous examinons. Nous ne faisons absolument aucune sélection. Pourtant, nous relevons une tendance constante, une tendance à la détérioration des résultats pour l'ensemble de la société dans les pays où les inégalités sont les plus marquées.
(0920)
    Les méthodes que nous avons utilisées pour la rédaction de notre livre intitulé L'égalité c'est la santé sont très simples, parce que nous essayons de brosser le portrait de la situation pour un public vaste. Mais dans les revues médicales, et en particulier les revues d'épidémiologie, on trouve des analyses beaucoup plus poussées. Des collègues de la Harvard School of Public Health, par exemple, ont fait une analyse de modèles à plusieurs niveaux et ils ont examiné les effets de l'inégalité des revenus sur la santé en isolant les variables du revenu personnel et souvent du degré de scolarité également.
(0925)
    Monsieur Wilkinson, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît? Nous allons ensuite passer aux questions des membres du comité.
    Oui.
    Il y a des analyses beaucoup plus poussées, et bon nombre sont abordées — dans pas moins de 200 articles — dans les revues spécialisées portant sur la santé et les inégalités et sur les homicides et les inégalités. Il y a énormément de documentation sur le sujet, dont une partie qui est très spécialisée. Le contenu de notre livre n'est pas exhaustif.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    J'expliquerai peut-être, pour répondre à M. Lee, que nous avons combiné deux groupes de témoins ce matin. Nous avons pensé que ce serait mieux de tenir un débat plus vaste sur une période de deux heures. J'espère que tout le monde va pouvoir rester jusqu'à la fin.
    Je rappelle à tous que les députés ont très peu de temps pour poser leurs questions. Je vais demander aux députés de préciser à qui ils posent leurs questions et, aux témoins, de répondre le plus brièvement possible.
    Madame Nash, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous les témoins. Merci de vous être joints à nous aujourd'hui. Nous n'avons effectivement que cinq minutes, ce qui est peu de temps pour poser des questions.
    J'ai été frappée, lorsque j'ai lu votre livre, monsieur Wilkinson, par l'incidence, la très grande incidence de l'inégalité sur les gens à tous les échelons de la société, et par la diversité des résultats.
    Monsieur Boadway, vous parlez dans votre mémoire d'une nouvelle tendance relative à l'inégalité des revenus au Canada. Pouvez-vous nous expliquer quand cette tendance a vu le jour selon vous et donner des exemples des principaux facteurs qui contribuent à la naissance d'inégalités au Canada?
    C'est une question d'une très grande portée.
    Comme l'un des autres témoins l'a dit, la tendance en question remonte probablement au début des années 1990. Beaucoup de choses se sont produites dans le monde qui ont été une source d'inégalité dans les pays de l'OCDE, y compris un accroissement de la concurrence dans les secteurs liés à la fabrication. Nous avons été témoins d'un déclin dans ces secteurs ainsi que des emplois moyennement rémunérés qu'ils offraient. Nous avons également vu les pays affaiblir leurs politiques de redistribution en raison de la mobilité des capitaux et des gens hautement qualifiés entre les pays.
    Je crois qu'il est difficile de cerner la cause précise du phénomène. Ce qui me préoccupe davantage, c'est que nous n'y avons pas réagi aussi bien que nous aurions pu le faire. En même temps que les inégalités se sont accrues, nos politiques sont devenues de moins en moins aptes à les réduire.
    À ce sujet, comme je sais que vous êtes aussi spécialiste de la fiscalité, une chose que nous avons constatée, c'est une tendance à la création de crédits d'impôt de portée restreinte. Je me demandais quelle est selon vous la place des crédits d'impôt spéciaux dans le cadre général d'un régime d'impôt progressif.
    Eh bien, les crédits d'impôt existent pour diverses raisons. Il y en a qui servent à conférer une certaine progressivité au régime, par exemple les crédits d'impôt personnels, pour invalidité, pour les personnes âgées, etc. D'autres servent à encourager les gens à se comporter d'une certaine manière — à faire des dons à des oeuvres de bienfaisance, à faire des dons à des partis politiques, à utiliser les transports en commun, à inscrire leurs enfants à un programme de conditionnement physique, et ainsi de suite.
    Ce qui me préoccupe, c'est d'abord le fait qu'ils ne sont pas très efficaces. Dans bien des cas, ce sont simplement des crédits accordés à des gens qui auraient agi de la même manière de toute façon. Les transports en commun sont un bon exemple. La plupart des gens qui prennent les transports en commun ne changent absolument pas de comportement.
    En outre, les crédits ont presque tendance à être régressifs. Ils sont généralement accordés aux membres de la classe moyenne. Le crédit d'impôt pour l'épargne-études en est un bon exemple. À certains égards, le REEE est un bon programme, mais il n'est pas très bien ciblé.
    Merci.
    Monsieur Corak, j'aimerais vous demander à vous aussi pourquoi les inégalités augmentent selon vous. Vous avez écrit certaines choses au sujet d'une tendance à la polarisation des salaires, au sujet de l'évolution de la technologie et de l'évolution du marché du travail comme facteurs contribuant à l'accroissement des inégalités.
    Pouvez-vous parler des facteurs structurels qui influent sur cette tendance?
(0930)
    En général, les économistes du travail envisagent cette question du point de vue du lien entre l'évolution technique et la mondialisation. C'est ce qui a commencé, probablement à la fin des années 1970 et au début des années 1980, à polariser le marché du travail. Les gens qui faisaient un travail répétitif, qu'il s'agisse d'un travail physique ou intellectuel, ont vu la valeur accordée à leurs compétences diminuer énormément. Résultat: le salaire hebdomadaire au bas de l'échelle a beaucoup diminué au Canada. Par contre, les gens qui faisaient un travail non répétitif, qu'il s'agisse encore une fois d'un travail physique ou intellectuel, ont vu leur rémunération augmenter de façon marquée.
    La troisième source d'inégalité a été l'accroissement très marqué de la part des revenus de la tranche de 1 p. 100 des gens les plus riches. Cette augmentation a elle aussi différentes causes — la technologie, la mondialisation, mais aussi l'évolution de la culture des entreprises et notre proximité avec les États-Unis.
    Tout cela a engendré un accroissement constant des inégalités au Canada depuis le début des années 1980, mais les salaires nets après impôts et transferts sont demeurés essentiellement les mêmes. Le régime fiscal et de transfert a compensé l'accroissement des inégalités provoqué par les marchés jusqu'au milieu des années 1990. Par la suite, en raison du manque de volonté politique ou pour une raison quelconque, le régime fiscal a commencé à épouser les marchés de beaucoup plus près, et nous avons perdu notre rôle de distribution.
    Cela dit, le régime fiscal et de transfert du Canada atténue grandement les inégalités.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Nash.
    Nous allons passer à Mme McLeod, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les membres du groupe de témoins. Nous avons entamé aujourd'hui une excellente discussion.
    J'aimerais d'abord parler un peu d'éducation. Je pense que tout le monde ici présent a parlé de l'importance de l'éducation. Je présume que vous parlez du fait de terminer le secondaire, et pas nécessairement de fréquenter l'université, mais de qualifications ou de compétences quelconques au niveau postsecondaire.
    Est-ce que c'est ce que les gens définissent comme étant important pour ce qui est de l'inégalité des revenus? Quelqu'un veut-il répondre à cette question?
    Nous ne sommes pas en train de dire que ce sont seulement les universités qui sont importantes; nous parlons aussi de l'importance de l'acquisition des compétences et des qualifications nécessaires pour obtenir un emploi.
    Monsieur Muzyka.
    Si on se penche sur cette question, je crois qu'on peut constater que l'éducation est importante à tous les niveaux. Il s'agit de faire en sorte que le système d'éducation prenne les gens en charge très tôt, de s'assurer qu'ils développent leurs aptitudes et leurs capacités naturelles et qu'ils ne décrochent pas.
    L'éducation postsecondaire consiste en toutes sortes de choses; il s'agit non seulement des universités, mais également des collèges, des écoles de métiers et des polytechniques.
    Je voulais simplement m'assurer que nous ne parlions pas exclusivement des universités, parce que je crois qu'il s'agit d'une question importante.
    Je sais qu'il y a souvent un débat entre l'universalité et le ciblage. Je peux vous dire que j'estime avoir été très chanceuse personnellement. Je sais que beaucoup de gens s'estiment très chanceux, ces gens dont les enfants ont terminé leur formation universitaire et ont réussi à le faire sans accumuler de dettes, avec l'aide de leur famille, bien sûr. Devrions-nous créer un système universel ou devrions-nous venir en aide aux gens qui en ont vraiment besoin, qui auraient beaucoup de mal à s'inscrire à l'université ou à un programme de métier si rien d'autre ne leur était offert?
    En fait, c'est vrai aussi des garderies. Je n'ai jamais compris que le gouvernement m'aide à mettre mes enfants à la garderie, et même à les placer à la garderie de mon choix. Parlons un peu du fait de cibler les gens dont les besoins sont les plus grands et de l'universalité.
    Monsieur Lee, avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
    Je voudrais d'abord dire que je suis d'accord avec vous. Lorsque j'ai parlé d'enseignement postsecondaire, je parlais des universités, des collèges et des écoles de métiers.
    Je ne pense pas que tout le monde doive fréquenter l'université. Les dernières statistiques publiées par RHDCC montrent qu'environ 22 p. 100 des gens font des études postsecondaires. Je ne me rappelle pas le chiffre — M. Corak le connaît probablement —, mais le nombre de gens qui fréquentent un collège est un peu plus élevé. Bien entendu, les métiers viennent en troisième place. C'est la première chose que je voulais dire.
    La question de savoir qui fait des études postsecondaires ne me préoccupe pas. Ce n'est simplement pas quelque chose qui me préoccupe. Ce qui me préoccupe, c'est qu'environ 45 p. 100 des Canadiens d'âge adulte ne font pas d'études postsecondaires, que ce soit au collège, dans une école de métiers ou à l'université. Le réseau d'alphabétisation évalue le degré d'alphabétisation sur une échelle de 1 à 5, et les emplois offerts aujourd'hui au sein de l'industrie et du gouvernement exigent le niveau 3, au minimum. Les responsables de ce réseau ont constaté — je ne sais pas sur quoi leur méthode est fondée, mais ils travaillent en partenariat avec RHDCC, ainsi qu'avec l'Association des manufacturiers et exportateurs — que 48 p. 100 des adultes n'atteignent pas le niveau 3 d'alphabétisation au Canada. Eh bien, lorsqu'on n'atteint pas le minimum nécessaire pour travailler au gouvernement fédéral, au gouvernement provincial ou à la ville, dans un hôpital, dans une université, dans un collège ou dans le secteur privé, on finit dans les quintiles inférieurs.
    Cela n'a rien de sorcier. Les gens qui ne possèdent pas les ensembles de compétences recherchées ne seront pas embauchés, et ils sont exclus. Ils n'obtiennent même pas d'entrevue. Ils ne passent même pas l'étape de la présélection. Il est tout à fait irréaliste de penser que, dans le monde d'aujourd'hui, on peut suivre un programme de formation en gestion avec une dixième année chez IBM, à la Banque de Montréal ou au gouvernement du Canada et devenir un jour vice-président ou sous-ministre.
    Il faut assurément que nous nous occupions du décrochage au secondaire. D'après les derniers chiffres, encore une fois ceux de RHDCC, le taux de décrochage au Canada est tout juste inférieur à 10 p. 100, et il a donc passablement diminué. Mais nous devons nous occuper des 45 p. 100 de gens qui n'ont pas fait d'études postsecondaires et des 48 p. 100 qui n'ont pas atteint le niveau 3 des normes d'alphabétisation.
(0935)
    Il vous reste une minute.
    Ce que je crois comprendre de ce que vous dites, c'est que, si nous offrons du soutien, plutôt que des programmes universels très coûteux, nous devrions nous pencher sur le cas des gens qui vivent des difficultés profondes et leur apporter de l'aide en priorité.
    Est-ce quelque chose qui...
    Je suis d'accord avec vous.
    Il y a trois personnes qui souhaitent dire quelque chose.
    Madame McLeod, qui aimeriez-vous entendre? Pouvez-vous choisir l'intervenant pour la minute qui reste?
    Je demanderais à Mme Reid de prendre la parole.
    Nous savons que le meilleur investissement à faire, pour obtenir des résultats en santé à long terme, c'est dans le développement et l'éducation de la petite enfance. C'est avant que les enfants fréquentent la maternelle
    Nous savons que les enfants pauvres réussissent déjà moins bien que les autres dès la maternelle. Ils sont déjà marqués à vie. C'est donc là qu'il faut intervenir, si nous voulons obtenir un bon rendement du capital investi. Le rendement va de 1 pour 6 à 1 pour 8. Nous devons commencer à nous pencher là-dessus.
    Merci, madame McLeod.
    Nous passons à M. Brison, pour votre tour, s'il vous plaît.
    Madame Reid, là-dessus, les études de Fraser Mustard et Margaret McCain viendraient appuyer ce que vous dites, c'est-à-dire que le rendement du capital investi dans l'apprentissage de la petite enfance — surtout chez les enfants se trouvant dans une situation à risque élevé — est probablement le rendement le plus élevé en éducation.
    Monsieur Muzyka, vous connaissez le milieu de l'enseignement supérieur et vous faites maintenant partie d'un groupe de réflexion. Vous êtes d'accord aussi.
    Y a-t-il un risque, monsieur Boadway, que nous voyons naître un écart dans la capacité des provinces d'assumer les coûts liés à des choses comme l'apprentissage et l'éducation de la petite enfance, dans le contexte de la balkanisation de l'économie canadienne et de l'accroissement de l'écart entre les provinces sur le plan de la capacité budgétaire?
    Si nous sommes d'accord pour dire que c'est important, y a-t-il un risque que l'inégalité des chances entre les provinces s'accroisse?
    Je pense que c'est fondamental. C'est l'argument clé à l'appui des programmes de péréquation: l'idée de fournir des services de base comparables partout au Canada.
    À mes yeux, l'égalité des chances, c'est d'offrir les mêmes possibilités aux gens au départ, c'est-à-dire d'offrir à tout le monde la possibilité de développer ses aptitudes pendant la petite enfance. Pour en revenir au débat sur l'universalité et le ciblage, je pense que l'universalité est une chose importante pour offrir des chances égales à tous. Le ciblage est plus important pour composer avec les conséquences de l'utilisation par les gens des chances égales qu'ils ont reçues.
    La plupart des programmes ayant trait à l'égalité des chances sont en fait des programmes de compétence provinciale. Pourtant, le paragraphe 36(1) de la Constitution précise clairement que le gouvernement fédéral et les provinces ont la responsabilité conjointe d'offrir des chances égales à tous.
    Seriez-vous d'accord pour dire qu'il existe un écart important entre la capacité... J'ai des amis qui paient 12 000 $ par année pour que leurs enfants participent à un programme d'apprentissage préscolaire, et les enfants de deux ans qui participent à ce programme sont capables de compter jusqu'à 10 en espagnol. J'ai aussi des amis qui n'ont pas les moyens de le faire, et leurs enfants ne bénéficient pas d'occasions d'apprentissage de ce genre. Je connais d'autres gens qui ont eux-mêmes de la difficulté à lire et à écrire et qui ne peuvent même pas lire un livre à leurs enfants.
    Ne s'agit-il pas là de la meilleure façon d'investir l'argent des contribuables, c'est-à-dire dans le domaine de l'apprentissage de la petite enfance? Encore une fois, l'écart va se creuser avec le temps si nous ne faisons rien, vu les différences de capacité budgétaire entre les provinces.
    M. Wilkinson souhaite intervenir lui aussi, monsieur Brison, mais à qui voulez-vous céder la parole en premier?
    À Dan, puis à M. Wilkinson...
    D'accord.
(0940)
    Si nous jetons un coup d'oeil sur les données relatives à certains des programmes existants, il y a une étude qui a été menée récemment par les responsables du programme américain Head Start. Il faut investir tôt. Il faut cibler les gens qui n'ont pas les moyens d'inscrire leurs enfants à un programme de ce genre, pour répondre à la question précédente. Mais il y a un « mais »: il faut faire un suivi. C'est pourquoi il faut s'occuper de tout le continuum de l'apprentissage. Sans suivi dans l'éducation de la petite enfance, la longueur d'avance prise au départ s'efface.
    Merci.
    Monsieur Wilkinson.
    Puis-je vous rappeler que les inégalités de revenu qui ont vu le jour dans tant de pays industrialisés et riches ne viennent pas des modifications apportées aux systèmes d'éducation. Les revenus exorbitants au sommet de l'échelle sont un phénomène tout à fait distinct, et c'est ce phénomène qui est à l'origine de l'accroissement des différences de revenu. Évidemment, l'éducation est importante, et surtout l'éducation de la petite enfance. Mais c'est un autre sujet.
    L'inégalité des revenus est une question importante en soi. Si vous jetez un coup d'oeil sur les grands changements à ce chapitre au XXe siècle, vous constaterez que les inégalités étaient très grandes jusqu'en 1930 environ, puis ont diminué pendant toute la période allant des années 1930 à 1970, avant la montée à l'époque moderne, c'est-à-dire, comme dit Paul Krugman, la montée des inégalités causées par les politiques adoptées. Nous savons que le néo-libéralisme intervenu au début de cette montée des inégalités a joué un rôle crucial.
    Merci, monsieur Wilkinson.
    L'AMC a indiqué — et vous avez dit, Mme Reid — que les modifications apportées au régime de l'assurance-emploi et de la Sécurité de la vieillesse pourraient avoir des effets néfastes. M. Boadway, vous avez dit que le gouvernement fédéral se décharge sur les provinces de ses responsabilités.
    Est-ce que ces changements, et l'obligation pour les provinces de fournir plus d'aide sociale pour compenser, pourraient venir accroître les inégalités de revenu?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît, monsieur Boadway.
    C'est clairement le cas pour les gens les moins compétents. Les gens qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi ou qui ont épuisé leurs prestations et qui doivent recevoir de l'aide sociale s'en tirent beaucoup moins bien que les autres membres de la société. Ce sont ces gens que les provinces doivent prendre en charge à ce moment-ci.
    D'accord, merci.
    Merci, monsieur Brison.
    Monsieur Hoback.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lee, j'ai vraiment aimé votre témoignage et la façon dont vous avez présenté votre expérience personnelle en racontant comment vous avez grandi et êtes passé à travers. Ce que vous avez raconté m'a rappelé ma situation à certains égards. À un moment donné, vous vous êtes rendu compte qu'il y avait quelque chose de plus, et vous avez trouvé un emploi, vous avez décroché un emploi au sein d'une entreprise qui vous a permis de poursuivre votre formation à l'éducation permanente. J'ai fait la même chose. J'ai commencé à travailler pour une entreprise qui favorisait l'éducation, qu'il s'agisse d'une formation officielle à l'université ou d'autre chose.
    Au sujet de la subvention à la formation professionnelle de trois fois 5 000 $ que nous avons créée dans le cadre du dernier budget, croyez-vous que cela fasse partie des choses qui vont encourager davantage l'employeur à faire suivre à ses employés la formation professionnelle et les cours dont ils ont besoin pour occuper les emplois spécialisés dont nous avons besoin en ce moment?
    J'ai assisté à la séance d'information à huis clos sur le budget pendant toute la journée, comme tout le monde. On ne laisse sortir personne avant 16 heures. C'est ce qui a attiré mon attention pendant cette séance. Je suis partisan du recyclage, que ce soit dans le cadre d'une formation officielle dans un établissement postsecondaire ou d'une formation offerte par une entreprise.
    Nous critiquons les représentants élus comme vous. Les chercheurs et les ONG critiquent ce que nous faisons au Canada depuis aussi longtemps que je me souvienne depuis le début de ma vie adulte, c'est-à-dire depuis 40 ans. J'ai cru pendant longtemps que le problème des programmes était qu'ils étaient dirigés par le haut plutôt que par le bas, et que c'était des gens d'Ottawa ou Toronto qui prenaient les décisions. Je n'ai rien contre les gens d'Ottawa ou Toronto — je viens d'ici —, mais ils ne savent pas ce qui se passe dans les petites villes des Maritimes.
    Pour répondre à votre question, les propositions formulées dans le budget sollicitent la participation des entreprises. Les employeurs doivent investir et s'investir, si vous me passez l'expression, ce qui fait que c'est maintenant une responsabilité tripartite du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial et de l'employeur qui collabore avec l'employé. Mais je pense que c'est l'employeur et l'employé qui vont appliquer la nouvelle mesure. L'employé doit participer, parce qu'il doit s'engager pleinement à suivre la formation de recyclage. C'est la raison pour laquelle j'ai fortement appuyé cette proposition formulée dans le budget.
    Bien entendu, au cours de votre carrière, vous avez suivi votre formation et vous avez obtenu votre diplôme universitaire 10 ans plus tard. Je vous félicite d'avoir suivi la formation jusqu'au bout et d'avoir eu la persévérance de le faire.
    Ce que je trouve intéressant, en ce moment, c'est qu'il semble toujours y avoir cette réflexion selon laquelle lorsqu'on a atteint la 12e année, l'école est terminée. Il n'y a plus de formation. Il n'est plus nécessaire d'apprendre quoi que ce soit après cela.
    C'est probablement l'un des plus grands mensonges qui circulent à l'heure actuelle.
(0945)
    Je suis d'accord.
    Je crois que la formation continue toujours.
    Comment nous y prendre, au gouvernement fédéral — puisque c'est une compétence provinciale — pour modifier cette perception qui existe au sein du système d'éducation, afin de réellement créer cette adhésion à l'apprentissage permanent, à la formation permanente, afin que ces choses fassent partie de notre culture?
    Je ne sais pas ce que le gouvernement fédéral peut faire. Par contre, les choses changent à l'échelon provincial. On le voit dans les statistiques. En effet, le taux de décrochage diminue constamment depuis 10 ou 15 ans. Le taux de fréquentation des collèges, universités et écoles de métiers augmente.
    Je crois donc qu'il y a des changements en cours, mais je pense qu'ils ne se produisent pas assez rapidement, parce que l'économie fonctionne très différemment d'il y a seulement 30 ans ou même 20 ans. Elle est beaucoup plus complexe. Une 12e année ne suffit tout simplement plus.
    Je dis moi-même à mes étudiants que, selon moi, s'ils ne fréquentent pas un collège, une université ou une école de métiers, ils vont se retrouver dans les deux quintiles inférieurs. Les données le montrent très clairement. Vous pouvez les voir dans les diapos que j'ai remises au comité. Ce sont des données de Statistique Canada.
    Croyez-vous que nous ayons suffisamment...? Pour avoir parlé avec des jeunes, je pense que l'une des choses qui les préoccupent, en Saskatchewan, c'est la possibilité de s'inscrire aux cours dont nous parlons.
    Je prends l'exemple du cours d'électricien à Prince Albert. Pendant très longtemps, jusqu'à il y a trois semaines, en fait, les étudiants pouvaient atteindre un certain niveau du statut de compagnon, puis ils devaient aller à Moose Jaw ou ailleurs. Il y avait toujours un engorgement, et pas suffisamment de places. Nous avons créé de nouvelles places à Prince Albert, pour que les gens puissent faire leurs études là-bas.
    Croyez-vous qu'il faille que le gouvernement provincial dépense davantage dans ce domaine pour qu'il y ait non seulement une possibilité offerte par l'employeur à l'employé de suivre la formation, mais également des places dans les écoles de formation pour les compétences requises?
    Il vous reste une minute.
    Je vais être très bref.
    Je ne connais pas ces données par cœur, mais j'ai assurément parlé à beaucoup d'employeurs et de particuliers qui ont exprimé de vives frustrations.
    Je crois que nous faisons un assez bon travail — malgré ce qu'en dit M. Boadway — dans les universités, mais les collèges font figure de parents pauvres, tout comme les programmes de formation que nous avons établis. Ce n'est pas tout le monde qui va à l'université. Seuls 20 p. 100 des adultes canadiens vont à l'université. Cela signifie que 80 p. 100 n'y vont pas. Cela signifie que nous devons les inciter à aller au collège, selon moi, ou à apprendre un métier.
    D'accord.
    Rapidement, monsieur Holden, vous avez en quelque sorte fait allusion à la différence entre les statistiques exprimées sous forme de pourcentages et celles exprimées sous forme de montants en dollars. Vous avez cité l'exemple d'une augmentation de 10 p. 100. Pourriez-vous seulement expliquer comment ce phénomène peut en fait déformer les chiffres?
    Pouvons-nous avoir une réponse très brève, monsieur Holden?
    Si nous n'avons pas le temps, vous pouvez présenter une réponse écrite aussi, monsieur Holden.
    Bien sûr.
    Eh bien, en ce qui concerne l'augmentation de 10 p. 100, je tenais à faire valoir que, bien souvent, si une personne a un faible revenu et une autre personne a un revenu élevé et qu'on augmente ces revenus du même montant, on finit par changer seulement le chiffre dont on parle plutôt que le véritable degré d'inégalité entre les deux personnes.
    C'est l'idée que je tentais de mettre en lumière ici.
    Merci, monsieur Hoback.

[Français]

    Monsieur Caron, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Depuis qu'on a entrepris cette étude, on a beaucoup entendu parler d'éducation et de formation de la main-d'oeuvre. Je prévois d'ailleurs que ce sera la même chose jusqu'à la conclusion de cette étude. Je crois bien que personne au sein de notre comité ou même de la Chambre ne niera que ce sont des éléments extrêmement importants pour permettre une plus grande égalité des chances. Cependant, même si M. Boadway et M. Wilkinson en ont peut-être parlé un peu, on a toujours minimisé un élément, soit la restructuration de l'économie et l'impact que cela a eu.
    Monsieur Holden, vous avez mentionné des chiffres et des exemples simplifiés. J'ai bien compris, mais j'aimerais vous soumettre d'autres éléments. Ainsi, depuis 1990, le PIB au Canada a augmenté en termes réels d'environ 60 % à 80 % alors que les salaires réels ont stagné. Les revenus provenant de la croissance ne se sont donc pas concrétisés dans les salaires, mais ils ont plutôt été des revenus provenant du capital. On reconnaîtra donc que les gens qui font partie des deux derniers quintiles ont, à tout le moins, très peu de revenus tirés du capital. Ne s'agit-il pas là d'un exemple du problème systémique actuel qui mène à une inégalité des revenus?

[Traduction]

    La question des facteurs contribuant à l'inégalité a fait l'objet d'une très bonne analyse, selon moi, par M. Boadway, qui a cité notamment le progrès technologique, le transfert du secteur manufacturier à l'étranger et la perte d'emplois manufacturiers comme facteurs ayant contribué au problème.
    Quant à l'augmentation des salaires, il est vrai que les salaires n'ont pas augmenté dans la même mesure que le PIB au fil des ans. Il y a eu une augmentation récemment. Il y a eu une importante diminution au début des années 1990, particulièrement sur le plan des revenus, à l'échelle du Canada. Nous avons passé l'essentiel du reste de la décennie et du début du millénaire à rattraper la moyenne pour toute l'économie.
    Je crois que, en parallèle, l'un des phénomènes qu'on observait sur la même période est une augmentation de la valeur de certains types de main-d'œuvre qualifiée. En raison des progrès technologiques, entre autres, ces emplois spécialisés ont acquis une grande valeur dans notre économie, et nous avons assisté à une polarisation durant cette période.
(0950)

[Français]

     Diriez-vous que le gouvernement fédéral a commis une erreur lorsqu'on a commencé à constater la restructuration de l'économie qui provenait des effets de la mondialisation? En effet, aurait-on dû avoir des programmes de transition et de l'aide directe pour les travailleurs et les travailleuses qui allaient être victimes de cette restructuration en étant forcés de changer de secteur et qui auraient eu besoin, par exemple, de programmes de formation de la main-d'oeuvre pour pouvoir renouveler leurs habiletés et leurs capacités?
    Un des problèmes qu'on avait, par exemple, avec l'ouverture des marchés provenant de l'ALENA et des autres traités de libre-échange était le fait qu'il y avait très peu de mesures concrètes pour les travailleurs qui allaient être déplacés étant donné que notre secteur manufacturier allait s'affaiblir.

[Traduction]

    L'ennui, je crois, c'est qu'il est facile d'affirmer ces choses avec le recul. Le passage au libre-échange — je crois que la plupart des gens en conviendraient — a profité au Canada dans l'ensemble. Certaines industries ont disparu. Certaines autres industries ont pour leur part prospéré, et, dans certains cas, le résultat était imprévisible. Le fameux exemple, à la fin des années 1980, lorsque nous entreprenions le libre-échange avec les États-Unis, est celui de notre industrie vinicole, qu'on disait vouée à disparaître. Les choses se sont déroulées autrement.
    Je crois qu'au moment où on met sur pied ce genre de programmes de transition, il est difficile de prévoir quels seront les besoins.

[Français]

    J'aimerais donner la chance à M. Muzyka et M. Boadway de répondre à ce sujet.
    Monsieur Muzyka, qu'en dites-vous?

[Traduction]

    Je crois qu'il y a deux ou trois choses qui sont importantes ici. On a entendu le mot « mondialisation » au chapitre du déplacement des revenus, mais la technologie a aussi une incidence énorme sur la classe moyenne, au sein de laquelle la valeur des compétences en matière d'information et d'intégration a diminué. La technologie a remplacé beaucoup de ces choses. Nous avons constaté en fait que le revenu moyen — je lis à voix haute — du groupe dont le revenu est le plus bas au Canada — après impôts, transferts et rajustements en fonction de l'inflation — est passé de 12 600 $ en 1976 à 14 600 $ en 2010. Il s'agit de dollars de 1976.
    Je crois que les plus grandes répercussions — à cause de la technologie — sont d'une certaine façon ressenties par cette classe moyenne.

[Français]

    Pour terminer, j'aimerais donner la chance à M. Boadway de répondre également.

[Traduction]

    Très brièvement.
    Je vais seulement faire un commentaire au sujet de la formation. Il faut être en mesure, dans le cadre du débat relatif à la formation, d'établir la distinction entre la formation de nouveaux travailleurs qui arrivent sur le marché du travail et le recyclage de travailleurs qui ont perdu leur emploi à la suite de mises à pied ou d'avancées technologiques ou je ne sais quoi, phénomènes qui ont beaucoup marqué les années 1990 et le début du millénaire.
    Dans les études sur le recyclage de ceux qui ont perdu leur emploi et sont retournés sur le marché du travail, les avis sont partagés. Les gens décrochent un emploi à la suite de la formation, mais ils retrouvent rarement le salaire qu'ils touchaient avant la perte de leur emploi, et, à mon avis, c'est sur ce plan que les systèmes de distribution sous forme de transferts fiscaux sont vraiment très importants.
    Merci.
    Nous allons donner la parole à M. Van Kesteren, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être venus.
    Monsieur Lee, êtes-vous professeur d'économie?
    Non. Je suis à l'école d'études commerciales Sprott de l'Université Carleton.
    Nous parlons du seuil de pauvreté, et je crois que M. Caron parlait du fait que les revenus n'avaient pas augmenté. Est-il raisonnable de ne pas prendre en considération les avantages dont profite la société depuis, disons, les années 1950 au chapitre des soins de santé? Si je travaille pour un employeur, je gagne peut-être 20 $ l'heure, mais, si j'obtiens des soins dentaires, par exemple, et que les routes sont revêtues... La liste est longue.
    Est-il juste d'établir cette comparaison sans tenir compte de cela?
    Je crois comprendre votre question. C'est pourquoi je renvoyais aux travaux de M. McCloskey, de l'Université de l'Illinois, qui a étudié les origines de l'économie de marché et son incidence.
    J'aurais dû préciser plus tôt que, presque tout de suite après que je suis devenu professeur en 1988, le mur de Berlin a tombé, et, à partir de mars 1990, j'ai commencé à enseigner dans des pays autrefois gouvernés par le régime communiste. J'ai enseigné dans à peu près tous les pays communistes au monde. J'enseigne en Chine depuis 1997, et j'ai enseigné en Russie et en Bulgarie, entre autres.
    On préconisait une égalité complète dans ces pays, mais ils étaient tous complètement pauvres. Je l'ai vu de mes propres yeux, parce que, lorsque le mur est tombé, ces pays ne se sont pas soudainement transformés en pays occidentaux prospères. La chose a pris 10 ans. Certains de ces pays n'ont toujours pas achevé leur transformation. Je parle de pays comme l'Ukraine et la Russie, où règnent toujours une inégalité et une corruption complètes, tandis que la Pologne a achevé sa transformation beaucoup plus rapidement, alors elle a beaucoup mieux réussi.
(0955)
    Alors ils ont besoin de tous les niveaux de richesse que nous avons accumulés.
    Il y a une chose dont on ne tient pas compte, et c'est l'expérience. Vous avez parlé de votre expérience. Je pourrais parler de mon expérience, et je crois que d'autres pourraient probablement en faire autant. Je suis né pauvre. Je connais la pauvreté, alors, lorsque les gens parlent de la pauvreté, voici ce qu'a fait la pauvreté pour moi: elle m'a fait comprendre que je ne voulais pas rester pauvre.
    Mais il existait des débouchés à l'époque. C'est la différence que j'observe. Je ne vois pas trop de débouchés. Je me souviens que, lorsque j'étais jeune... Et, écoutez, j'ai terminé ma 12e année. Je suis allé en 13e année et, après une semaine, je me suis dit: « Tant pis, je vais travailler. » Je voyais des débouchés lorsque j'étais jeune homme, et je crois que c'était aussi le cas de toutes les jeunes femmes. Tout le monde voyait des débouchés. Partout, on entendait « Je pourrais me lancer en affaires dans ce secteur-ci » ou « Je pourrais me lancer en affaires dans ce secteur-là ». Ces débouchés sont partis. Êtes-vous de mon avis?
    Oui. Il y a un professeur à la London Business School — j'aimerais tant me rappeler son nom — qui est originaire de l'Inde. Il disait que les gens, lorsqu'ils voient les bidonvilles de Calcutta, disent: « Ah, regardez toutes ces victimes ». Il disait: « Je vois seulement des entrepreneurs. »
    Je reviens tout juste du Soudan du Sud. J'ai vu la même chose. C'est un pays pauvre. Je ne m'inquiète pas du sort de ces gens, parce que ces gens sont motivés... Ils voient les débouchés.
    La position de chacun dépend de sa situation.
    Je vais poser une autre question. Nous avons comparé les pays riches aux pays pauvres, et, parmi les pays industrialisés, les États-Unis se placent bons derniers. Que se produirait-il dans le monde si les États-Unis s'effondraient? Qu'arriverait-il au PIB de tous ces autres pays?
    Je reconnais pleinement les inégalités. Elles sont là et, bien entendu, nous voulons les réduire. Mais en même temps, je crois que nous ne tenons pas compte du portrait d'ensemble. Comme l'a souligné M. McCloskey, au cours des 200 dernières années, l'être humain moyen, à l'échelle mondiale, est passé d'un dollar par jour dans les pays occidentaux à 150 $ par jour presque instantanément, de 1800 à 1900, et nous devrions célébrer ce phénomène, à mon avis, plutôt que de le condamner.
    Est-ce que quelque chose nous échappe? Je crois me souvenir que les Américains disaient autrefois: « Donnez-nous vos pauvres et donnez-nous vos accablés ». Voyaient-ils quelque chose qui nous échappe aujourd'hui? Considéraient-ils cela comme un moteur pour affranchir le pays de la pauvreté?
    Si je reviens à mon expérience dans ces pays très pauvres en développement, il y a une chose qui me frappe chaque fois.
    Je n'ai pas compté, mais j'ai fait de 80 à 100 séjours dans ces pays au cours des 15 ou 20 dernières années, et les files d'attente devant les ambassades canadienne et américaine pour obtenir un visa d'immigration sont 10 fois plus longues que celles devant toute autre ambassade que je vois. J'enseigne toujours dans des capitales — comme Sofia, en Bulgarie, Bucharest et Kiev —, et les files d'attente sont beaucoup plus longues.
    Les gens voient ces deux pays et, pour une raison quelconque... Nous pourrions dire qu'ils sont mal informés, mais ils ont de la famille qui leur dit ce qui se passe ici.
    D'accord.
    Une très brève question, s'il vous plaît.
    Je serai très bref.
    Nous avons accueilli un groupe de jeunes, et je les applaudis. Ils militaient en faveur de l'éducation supérieure pour les pauvres. J'ai demandé à chacun d'eux d'où il venait. Ils avaient tous des parents professionnels qui les avaient appuyés... À l'exception d'un étudiant, fils d'immigrants, dont le père lui disait: « Écoute, tu ne vas pas faire ça, alors tu vas aller à l'école. » Est-ce là une assez bonne analyse de la raison pour laquelle nous échouons...
    D'accord.
    Très brièvement, s'il vous plaît.
    Je vais être bref, oui.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Côté, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je ne jouerai pas du violon. Je vais plutôt me concentrer sur les faits et les chiffres.
    Mme Reid, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Je dois vous dire que depuis près de 30 ans, un de mes sujets d'étude personnels est celui de la place du système de santé public, de ses impacts et des coûts qui y sont reliés. Parmi les aspects qui m'ont particulièrement intéressé et où j'ai vraiment appris de votre présentation, il y a le fait que lorsqu'on parle de déterminants sociaux de la santé, en réalité, les facteurs comme l'état du logement, la suffisance au chapitre de l'alimentation et ainsi de suite comptent pour 50 % de l'état de santé d'une personne et que c'est le revenu qui a le plus d'effets à cet égard.
    Je voudrais vous amener sur un autre terrain et je ne vous cache pas que ma question va être assez difficile.
    Convenons qu'actuellement, le système de santé universel au Canada a été victime de beaucoup d'abandons, particulièrement de la part du fédéral. En fait, l'entente initiale des années 1960 prévoyait que le fédéral allait payer 50 % des coûts. Depuis, cela a été beaucoup réduit.
    Pourriez-vous faire des commentaires sur le fait que cela ait pu être un facteur affectant la couverture des soins de santé pour les moins nantis et aussi comme étant un facteur d'inégalité entre les provinces, puisque certaines d'entre elles ont beaucoup plus de moyens pour soutenir leur système de santé malgré l'abandon du fédéral.
(1000)

[Traduction]

    Nous savons que le système de santé éprouve beaucoup de problèmes. Il est responsable d'environ 25 p. 100 de vos résultats en matière de santé, ce qui n'est pas négligeable. L'un des grands problèmes que nous voyons, en tant que médecins, c'est que le système de santé ne couvre que les consultations médicales et les soins hospitaliers. Il y a beaucoup d'autres choses en marge du système de santé qui créent des difficultés pour les gens qui ne touchent pas un revenu adéquat à l'heure actuelle. Par exemple, nous savons qu'un Canadien sur 10 n'a pas les moyens d'acheter ses médicaments d'ordonnance. Alors, nous proposons depuis un moment une forme d'assurance-médicaments qui permettrait de combler cette lacune. Cela supposerait la mise en commun du risque des régimes public et privés, de sorte que tous les Canadiens aient accès aux médicaments dont ils ont besoin. Certes, il s'agit là d'une importante préoccupation, et c'est un aspect qui échappe à la Loi canadienne sur la santé.
    Il en est de même pour les soins de longue durée, les soins à domicile. Nous savons très bien que, si vous êtes pauvre dans notre pays, vos chances d'obtenir toute forme de soins de longue durée raisonnable sont minces. Vous allez peut-être obtenir une place dans un hôpital. Par exemple, mon père souffre de démence avancée, et je débourse 6 000 $ par mois pour qu'il vive dans une résidence offrant des services et des soins. Si je n'avais pas cet argent, il occuperait actuellement un lit à l'Hôpital général d'Ottawa et ferait gonfler le coût du système. Voilà les enjeux, en marge de l'actuel système de santé, auxquels, selon moi, nous devrions nous attaquer à l'aide de politiques gouvernementales.

[Français]

    Je vous remercie, Mme Reid.
    Le comté de Beauport—Limoilou, qui est situé dans la ville de Québec, est particulièrement défavorisé. J'ai d'ailleurs un tableau qui provient de la Direction de la santé publique qui relève ces différences. Parfois, en matière de certains facteurs de santé, cela va du simple au double. C'est le cas, notamment, pour la santé mentale. C'est une grosse motivation pour moi, en tant que politicien. D'ailleurs, je vous remercie beaucoup des informations à ce sujet.
    Professeur Wilkinson, dans mes observations des trente années ou presque, j'ai été frappé par le fait qu'un système public complet où il y avait une large couverture publique était beaucoup moins coûteux. D'ailleurs, le cas du Royaume-Uni est très intéressant à cet égard. En effet, quand j'ai consulté les données de l'OCDE de 2007 — je ne sais pas s'il y a des données plus récentes —, j'ai pu voir que le Royaume-Uni est particulièrement bien placé avec un système de santé qui coûte nettement moins cher que dans les autres pays du G7, tout en couvrant beaucoup plus la population. C'est le cas par rapport au Canada et, plus particulièrement, par rapport aux États-Unis, qui sont le cas extrême des pays du G7.
    Voulez-vous faire un commentaire à ce sujet?

[Traduction]

    Je crois qu'il y a des économies à réaliser dans l'administration de services de santé financés à même les deniers publics plutôt qu'au moyen de régimes d'assurance. Certes, le caractère universel est avantageux. Mais je crois qu'il importe de reconnaître qu'il n'y a pas de corrélation marquée entre presque n'importe quelle mesure des soins de santé — qu'il s'agisse du nombre de places dans les hôpitaux, des médecins par habitant ou des dépenses par habitant — et des résultats comme les taux de décès.
    Les services de santé sont importants, mais il est beaucoup plus important de ne pas contracter de maladie mortelle au départ. C'est en raison des conditions socioéconomiques dans la société que l'incidence de ces facteurs l'emporte largement sur l'importance des soins de santé quand vient le temps de déterminer des choses comme l'espérance de vie.
(1005)
    D'accord, merci.

[Français]

    Monsieur Côté, votre période de temps est malheureusement écoulée.

[Traduction]

    Monsieur Adler.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, permettez-moi de faire un petit historique. Dans notre pays, nous avons un régime d'assurance maladie universel à payeur unique. Nous avons toujours eu de bons programmes sociaux bien financés. Nous avons attaché plus d'importance au volet social que, par exemple, les Américains. Si on remonte aux années 1960, les États-Unis avaient les programmes « New Frontier » et « Great Society », qui avaient pour objectif de mettre les Américains au défi de réduire les taux d'imposition. Ici, au Canada, nous voulions une « société juste », ce qui a entraîné des augmentations d'impôt, lesquelles ont entraîné la création de mécanismes de régulation des salaires et des prix, lesquels ont mené à l'inflation, laquelle a mené à son tour à une augmentation des taux d'intérêt.
    Dans quelle mesure l'expérience de la société juste a-t-elle porté fruit, à votre avis? Monsieur Lee, aurions-nous mieux fait de nous diriger vers une « Great Society » plutôt qu'une « société juste »?
    Parlez-vous de la « Great Society » de Lyndon Johnson?
    Oui.
    Je n'étais pas prêt à parler de cela, mais j'ai rédigé un examen exhaustif à ce sujet il y a environ 25 ans, dans le cadre de mon doctorat, alors je fouille loin dans mes souvenirs.
    Très rapidement, la première chose qui me vient à l'idée, c'est que, à mon avis, la plupart des analystes de politiques croient que la « Great Society » a été un échec. Je pense particulièrement à M. Aaron Wildavsky, premier doyen de l'école des études supérieures en politiques publiques à l'Université de Californie à Berkeley. C'était un homme très brillant. Il est venu à l'Université Carleton il y a quelques années, avant son décès. Il a parlé de la Great Society et — appelons ça ainsi — des pathologies de la Great Society. Il y a eu beaucoup d'échecs.
    Je sais que cela va sembler chauvin de ma part, mais je crois que nous avons adopté une approche plus équilibrée au Canada.
    Monsieur Muzyka, pourriez-vous aussi formuler des commentaires à cet égard?
    Selon moi, il y a de nombreux aspects du programme de la « Great Society » que nous avons vu échouer au fil du temps. J'aurais tendance à convenir du fait que l'approche plus équilibrée a probablement fonctionné un peu mieux.
    Diriez-vous, alors, que notre expérience a contribué à la mobilité des revenus ou qu'elle y a nui? Admettons qu'elle y a nui, n'aurait-elle pas alors augmenté l'inégalité des revenus, parce que rien ne nous pousse à aspirer à quelque chose de mieux, contrairement à l'expérience américaine, qui allait dans le sens contraire?
    Nous avons en fait une meilleure mobilité des revenus, en ce qui concerne notre capacité de passer à la catégorie de revenu supérieure ou, si vous voulez, au quintile suivant.
    Dans quelle mesure ce mouvement ascendant a-t-il été fructueux?
    Nous avons en fait connu des réussites sur le plan de la mobilité des revenus. C'est intéressant, et je sais que M. Wilkinson pourrait en parler. Si vous regardez les familles, je crois que, selon les statistiques du Royaume-Uni, environ 50 p. 100 de l'écart de revenu de vos parents vous est transféré. Si je me souviens bien, au Canada, cette proportion est d'environ 19 p. 100. Il s'agit d'une différence sur le plan de la mobilité. Au Canada, nous avons une meilleure mobilité qu'aux États-Unis aussi.
    Alors, à votre avis, le concept de la mosaïque verticale ne s'applique plus vraiment ici au Canada.
    Désolé, je ne connais pas l'expression.
    Vous avez 30 secondes.
    Vous avez parlé un peu du coefficient de Gini, qui est exprimé selon une échelle de zéro à un. Le Canada se classe au 12e  rang, et les États-Unis, au 17e.
    Qu'est-ce qui nous échappe? Pourquoi nous classons-nous au 12e rang? Pourquoi ne figurons-nous pas parmi les trois premiers ou les quatre premiers? Qu'est-ce qui nous échappe?
    Il s'agit vraiment d'un ensemble de facteurs complexes. Plusieurs personnes vous ont dit qu'il est très difficile de décomposer le tout.
    L'un des phénomènes que j'ai mis en lumière plus tôt et qui est plutôt intéressant est le fait que, si vous regardez l'indice de Gini, les pays qui ont l'indice le plus faible tente de l'élever un peu. Ils ont besoin d'un peu plus d'incitatifs pour que les gens essaient.
    Je reviens tout juste du Danemark. La Suède se classait au premier rang selon l'indice de Gini. Elle avait l'indice de Gini le plus bas. Elle a cherché à changer cela. C'est dans ce pays qu'on observe la plus importante montée de l'indice de Gini, car on voulait accroître les inégalités pour offrir des incitatifs.
    En ce qui concerne...
    Merci.
    Désolé, mais votre temps est écoulé, monsieur Adler. Pardon.
    Nous allons donner la parole à M. Rankin, s'il vous plaît.
(1010)
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais commencer par poser mes questions à M. Boadway, mais j'invite les autres à intervenir.
    Monsieur, je crois que, dans le cadre de certains de vos travaux de recherche, vous avez parlé des régimes fiscaux fédéral et provinciaux perdant de leur caractère progressif à la suite de changements qui ont surtout profité aux salariés à revenu élevé, comme la diminution des taux marginaux d'imposition pour les mieux-nantis, la création de crédits d'impôt fédéraux non remboursables, dont vous avez parlé, et la réduction de l'imposition des gains en capital.
    Je veux vous demander d'en parler un peu plus, parce que, lorsque vous avez présenté votre liste de souhaits ce matin, vous avez parlé du désir de rendre tous les crédits d'impôt remboursables. J'aimerais que vous parliez un peu plus de ce sujet particulier, et j'invite les autres à en faire autant. Je vous demande, si vous le pouvez, de parler de toute incidence financière qu'aurait un tel changement.
    Merci de me donner cette occasion.
    Les crédits d'impôt non remboursables font partie du régime fiscal essentiellement pour le rendre plus progressif.
    Nous avons maintenant la capacité technique de les rendre remboursables, depuis la création du crédit pour la TVH et du crédit d'impôt pour enfants, entre autres. Il n'y a aucune raison logique justifiant le caractère non remboursable des crédits d'impôt. Le fait de les rendre remboursables transformerait essentiellement le régime d'imposition en quelque chose d'analogue à un régime d'imposition négatif, ce qui serait beaucoup plus équitable.
    Comment financerions-nous cela? Je crois qu'on y arriverait en le rendant plus ciblé. Soumettons le caractère remboursable des crédits d'impôt à un critère de revenu et réduisons-en la valeur à mesure que le revenu augmente. Je crois que cette mesure est tout à fait réalisable.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui aimerait parler de cela, du caractère non remboursable?
    Monsieur Corak.
    Je m'en remets à M. Boadway à ce chapitre. Je crois que c'est tout à fait juste.
    D'accord. Puis-je alors vous reporter à l'autre passage que j'ai lu de votre recherche? Vous avez beaucoup travaillé — et vous en avez encore parlé aujourd'hui — sur le sujet de la réduction de l'imposition des gains en capital. Vous avez suggéré, en particulier, d'éliminer le crédit d'impôt pour dividendes, dont, je présume, les quintiles inférieurs n'ont tout simplement pas la possibilité de profiter. Par définition, cette mesure touche positivement ceux dont le revenu se situe dans la tranche supérieure. Je présume que c'est l'idée.
    Qu'en est-il de l'incidence financière? Avez-vous étudié les répercussions financières et les conséquences du retrait de ce crédit d'impôt? Parce qu'on prétend que cette mesure — le crédit d'impôt pour dividende — encourage l'investissement dans les sociétés canadiennes. Quelle serait la conséquence, et le jeu en vaut-il la chandelle s'il y a des inconvénients?
    Il y a toujours un compromis entre l'équité sur le plan de la redistribution et les conséquences au chapitre des pertes d'efficience, mais je crois que, dans le cas présent, elles seraient minimes. Le crédit d'impôt pour dividendes ne s'applique qu'aux éléments d'actif imposables. La plupart des gens appartenant aux tranches inférieure, moyenne et même vers la tranche supérieure peuvent maintenant, en principe, mettre toutes leurs économies à l'abri de l'impôt, ce qui signifie que leurs investissements n'ouvrent pas droit au crédit d'impôt pour dividendes, même s'ils comprennent certains titres de sociétés canadiennes. Le crédit d'impôt pour dividendes est injuste parce qu'il s'applique seulement aux gens qui touchent des dividendes découlant d'une épargne imposable.
    D'autre part, j'estime qu'il est inutile. On justifie le crédit d'impôt pour dividendes en disant qu'il vise à compenser les impôts de sociétés versés à la source en fonction du revenu qui a généré ces dividendes au départ. Or, dans une économie mondiale comme la nôtre, qui permet la libre circulation du capital partout, il semble préférable de présumer que l'impôt des sociétés n'est pas le fardeau des actionnaires. Il est transféré à la main-d'œuvre et à d'autres facteurs de production. La justification du crédit d'impôt pour dividendes n'est pas fondée, car il n'est pas équitable. Il reste seulement les commentaires que vous avez faits, à savoir que cette mesure pourrait inciter les entrepreneurs à ne pas épargner ou à placer leur argent ailleurs. À mon avis, c'est probablement relativement minime.
    Il vous reste une minute.
    Monsieur Holden, vous avez fait un certain nombre de commentaires très utiles. Selon l'une de vos recommandations, nous devrions encourager la mobilité de la main-d'œuvre. Vous avez cité la Saskatchewan comme exemple. Notre constitution garantit le droits à la mobilité de la main-d'œuvre. Que peut faire le gouvernement fédéral pour atteindre cet objectif, selon vous?
(1015)
    Il y a deux ou trois choses. L'élimination des obstacles au commerce interprovincial est une mesure qui peut aider à ce chapitre. L'une des choses que j'allais mentionner — qu'on vient de réduire — est que le gouvernement offre des crédits d'impôt aux personnes qui se déplacent dans le pays ou parcourent des distances supérieures à — si je ne m'abuse — 40 kilomètres. On pourrait élargir ou accroître ces mesures.
    L'une des choses auxquelles on ne devrait pas toucher, selon moi... Parfois on avance que le programme de péréquation, sous la forme qu'il a actuellement au Canada, fait obstacle à la mobilité de la main-d'œuvre. Je ne suis pas du tout de cet avis.
    Vous venez d'une provinces qui tente de réduire les obstacles à la mobilité. Le TILMA, par exemple, était un bon premier pas vers la réduction des obstacles. Il y a des obstacles sur le plan de l'agrément entre les provinces qui ne devraient pas exister. Il y a une longue liste de facteurs qui nuisent à la mobilité de la main-d'œuvre dans une population relativement petite.
    Merci.
    Malheureusement, votre temps est écoulé, monsieur Rankin.
    Nous allons donner la parole à M. Jean maintenant, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
    J'aimerais commencer par M. Holden. Vous êtes économiste. Vous avez déjà avancé que la meilleure option stratégique pour réduire la pauvreté chez les jeunes et les jeunes adultes consiste à mettre en place de solides conditions en faveur de la croissance économique et de la création d'emplois.
    Vous souvenez-vous de cette déclaration?
    Oui.
    Êtes-vous toujours de cet avis?
    Oui, certainement.
    Pourriez-vous nous dire si vous étiez satisfait de la nouvelle subvention canadienne pour l'emploi? C'est la concrétisation de l'engagement du gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces en vue de multiplier les possibilités d'apprentissage et d'aider les groupes sous-représentés.
    J'ai trouvé l'idée intéressante. Comme on l'a mentionné avant, cette mesure transfère aux entreprises, aux employeurs et aux employés la responsabilité de combler leurs propres besoins particuliers en matière de travail. C'est un élément positif. J'hésite seulement parce que le programme n'a pas encore été mis en œuvre. Il y a eu des négociations...
    Je comprends tout à fait. Si l'enjeu est plus grand, vous aurez un plus grand engagement des employeurs...
    Il reste à voir dans quelle mesure le programme fonctionnera bien, mais le potentiel est là, oui.
    Vous avez aussi parlé des personnes âgées. Je vous cite de nouveau:
La proportion de personnes âgées vivant sous le seuil de faible revenu (SFR) après impôt de Statistique Canada — la mesure de faible revenu la plus répandue — est passée de 26,1 p. 100 en 1979 à 5,2 p. 100 en 2009. Les personnes âgées constituent maintenant la cohorte d'âge qui compte le moins de faibles revenus.
    Êtes-vous aussi de cet avis?
    Oui.
    Alors nous avons fait de bons coups sur ce front, et vous avez dû vous réjouir lorsque le gouvernement a augmenté le Supplément de revenu garanti pour les aînés les plus vulnérables et exempté d'impôt 380 000 aînés. Il s'agissait de bonnes mesures prises par le gouvernement?
    Nous prenons beaucoup de mesures... Comme on l'a mentionné auparavant, l'éradication ou la quasi-élimination de la pauvreté chez les aînés est l'une de nos réussites sur le plan des politiques au cours des 10 ou 20 dernières années.
    Je crois que quelqu'un a mentionné que les crédits d'impôt ne lui plaisaient pas — je crois que c'était M. Corak —, et j'ai aussi été sceptique pendant quelques années, mais nous avons connu énormément de succès avec les crédits d'impôt, comme l'augmentation du nombre de passagers après l'introduction du crédit d'impôt pour l'abonnement aux transports en commun. Je voulais mentionner cela, car nous avons des données empiriques à l'appui.
    J'aimerais consacrer les deux dernières minutes de mon temps à la question des Canadiens autochtones. Je viens de Fort McMurray. Mes communautés ont connu d'énormes succès. Nous avons cinq bandes qui prennent part aux groupes autochtones qui évoluent dans le secteur des sables bitumineux, et nous avons maintenant Deve Tuccaro, qui est l'Autochtone le plus riche au Canada — je crois que sa fortune personnelle a une valeur de plus de 100 millions de dollars —, et nous avons beaucoup d'Autochtones qui travaillent dans les sables bitumineux à Syncrude et à Suncor. À Syncrude, je crois que la proportion est de 15 ou 14 p. 100, et à Suncor, elle est d'environ 9 p. 100.
    Ma question est ouverte. Voyez-vous une relation positive entre la réussite des Canadiens autochtones et le secteur de l'exploitation des ressources? Car c'est le facteur qui semble être à l'origine de la richesse de nombre de Canadiens autochtones et, bien sûr, la plupart des Canadiens autochtones qui résident dans une réserve vivent dans une région isolée où s'observe un boum de l'exploitation des ressources. Alors, selon vous, y a-t-il une relation entre le boum de l'exploitation des ressources et l'amélioration du sort des plus vulnérables?
    Monsieur Holden, vous pourriez peut-être répondre?
    Je crois que c'est sans aucun doute là que se trouve le plus grand potentiel à l'heure actuelle.
    Je vis en Alberta, et l'une des principales questions de politique publique que nous étudions à l'heure actuelle est celle de savoir comment nous pouvons aider les Canadiens autochtones à mieux profiter des débouchés économiques découlant de la mise en valeur des ressources dans les réserves ou de projets qui passent dans la réserve.
(1020)
    Les investissements récents de notre gouvernement dans la construction et la rénovation d'écoles dans les réserves représentent ce que nous pouvions faire de mieux pour rentabiliser nos investissements. Le groupe qui en a manifestement le plus besoin est celui des Canadiens autochtones, qui affichent le taux d'incarcération le plus élevé, le taux de croissance le plus élevé et le taux de scolarité le plus faible parmi tous les groupes au Canada. Plus nous concentrons nos efforts sur cet aspect... Et nous devrions continuer de faire cela. Est-il raisonnable de dire cela?
    Il faut accomplir plus de travail de cette nature. Il faut également, je crois, travailler davantage à renforcer la capacité de mieux participer au genre de projets de développement économique dont nous parlons.
    Me reste-t-il une minute?
    Il vous reste 30 secondes.
    Monsieur Eisen, vous avez mentionné qu'il importe de reconnaître les forces technologiques et économiques à l'origine des gains en revenus et de reconnaître que ces gains ne se font pas nécessairement au détriment des autres travailleurs.
    En convenez-vous?
    Oui.
    Pourriez-vous parler de cela?
    Selon mon interprétation, vous expliquez que ce n'est pas parce que les gens touchent un revenu supérieur qu'ils le prennent des mains des salariés à plus faible revenu.
    Oui, c'est ce que je dirais. Je crois que, évidemment, à mesure qu'avance la technologie, le rendement du capital investi et des compétences spécialisées augmente. Il y a une concurrence et des marchés mondiaux pour ces personnes très compétentes et talentueuses, et la croissance des salaires qu'on observe dans la tranche de revenus supérieure pour ces travailleurs se poursuivra très probablement. Je ne crois pas que cela se fait nécessairement au détriment des autres travailleurs dans l'économie.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Jean.
    Madame Glover, s'il vous plaît, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, bienvenue à tous les témoins.
    Monsieur Holden, je dois dire que la citation que vient de lire M. Jean au sujet de la création d'emplois est un reflet presque parfait de ce que disait l'OCDE et de ce qu'a dit le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría, à savoir que la croissance de l'emploi est la meilleure façon de réduire la pauvreté.
    J'entends constamment dire ici qu'il faut former les gens, leur donner les compétences et leur donner l'éducation dont ils ont besoin pour décrocher ces emplois. Nous devons aussi créer des emplois, par contre. Alors, le Canada — Dieu merci — a la meilleure fiche au chapitre de la création d'emplois parmi tous les pays du G7 depuis la reprise économique.
    Cela dit, nous devrions aussi parler d'impôts. J'ai lu vos mémoires, et nombre d'entre vous mentionnent l'incidence des impôts sur l'inégalité des revenus, alors je vais commencer par m'adresser au représentant du Frontier Centre for Public Policy, car vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour parler ici. Je vais citer un passage de votre mémoire. Vous dites qu'il ne faut pas pallier l'inégalité en haussant les taux d'imposition des sociétés et des particuliers à revenu élevé, ce qui a pour effet de limiter la croissance.
    Pourquoi en est-il ainsi?
    Monsieur Holden, pourriez-vous répondre après le représentant du Frontier Centre for Public Policy?
    Merci.
    Eh bien, je vais revenir au point de départ et dire que la raison pour laquelle j'ai dit cela, et la raison pour laquelle j'y crois, c'est qu'une bonne croissance économique est absolument essentielle à tout ce que nous essayons de faire pour réduire la pauvreté et pour générer suffisamment de revenus pour payer des programmes sociaux de bonne qualité. Toutes les mesures que nous prenons et qui pourraient avoir des répercussions négatives sur la croissance économique sont donc à éviter.
    Je reviens sur les études de l'OCDE dont j'ai déjà parlé pour dire que certaines des mesures fiscales les plus progressives de notre régime — certaines des mesures que l'on voudrait tout naturellement augmenter en pensant que ce serait une stratégie judicieuse ou efficace pour atténuer certaines des inégalités au chapitre du revenu — sont également des mesures qui restreignent la croissance. L'OCDE a dit qu'il s'agissait de mesures fiscales particulièrement inefficaces et particulièrement susceptibles de ralentir la croissance économique.
    Donc, si vous haussez les taux d'imposition des particuliers et ceux des sociétés, il y aura des répercussions négatives sur la croissance qui font mal aux gens dans toutes les couches de revenus. Mais cela ne veut pas dire qu'en cherchant à générer des revenus nous ne pouvons pas modifier le régime fiscal dans le but de le rendre au bout du compte plus progressif, mais également plus favorable à la croissance, car je crois que nous pouvons le faire.
    Je crois tout simplement que, de manière générale, les hausses d'impôt ne sont pas la bonne façon de faire. Je crois qu'il existe beaucoup de déductions et d'exemptions fiscales qui profitent de manière disproportionnée aux particuliers à revenu élevé. J'ai brossé dans mon mémoire un tableau exhaustif de ces déductions grâce auxquelles on pourrait essayer de simplifier le régime fiscal pour qu'il soit plus favorable à la croissance, et, au bout du compte, cela pourrait réellement avoir des retombées positives sur...
    Donc, en ce qui concerne les échappatoires qu'il faut éliminer — j'ai lu votre mémoire et je l'ai trouvé excellent —, nous en avons jusqu'ici éliminé 75. Cela fait partie de nos objectifs, dans le budget de 2013. Alors, c'est très bien.
    Qu'avez-vous dit d'autre à ce sujet?
    Eh bien...
    Pourriez-vous me laisser une minute avec M. Holden, à la fin, monsieur le président?
    Oui, les mesures favorables à la croissance... Et ce qu'on peut ajouter, sur ce sujet, c'est qu'il est possible d'utiliser les recettes qu'on en tire pour créer des déductions fiscales ou étendre les déductions existantes qui profitent aux contribuables à faible revenu.
    Pour en revenir à la question initiale, nous ne voulons pas freiner la croissance. Nous voulons des stratégies favorables à la croissance, et je crois que le fait de hausser le taux de certaines des mesures fiscales les plus inefficaces de notre régime n'est pas une façon de lutter contre l'inégalité. Je crois qu'il existe de meilleures stratégies pour réaliser ce que nous tentons de réaliser et qu'il serait même possible de rendre le régime fiscal plus progressif tout en évitant ces effets négatifs sur la croissance qui nous préoccupent.
(1025)
    Je vous remercie beaucoup.
    Allez-y, monsieur Holden.
    Je reviendrais sur ce que vous avez dit à propos de la création de conditions favorables à la croissance économique et de la croissance économique en tant que conditions préalables à toute initiative que nous voudrions prendre pour lutter contre l'inégalité des revenus ou la qualité des débouchés.
    Pour ce faire, nous devons nous assurer d'avoir un bon accès aux marchés, nous devons éliminer les principaux obstacles au commerce international et nous devons continuer à offrir un environnement intéressant pour les investisseurs du Canada et de l'étranger qui cherchent des occasions d'investir ici.
    Merci.
    Je voulais poser une question à Mme Reid.
    Je crois que le commentaire que vous avez fait au sujet de votre père nous a secoués: 6 000 $ par mois parce qu'il a besoin d'une aide supplémentaire en raison de sa démence. Cela me fait penser à nos transferts aux provinces.
    Bien sûr, en dressant sa liste de souhaits, M. Boadway a dit que nous devrions aligner la croissance des transferts sur celle des dépenses en programmes dans les provinces. Eh bien, nous avons augmenté les transferts en santé — de 6 p. 100 chaque année —, et pourtant, quand nous nous sommes retrouvés ici, l'an dernier, nous avons parlé du fait que les provinces ne dépensaient que 3,08 p. 100, mis à part les dépenses de l'Alberta. C'est la seule province dont les dépenses étaient supérieures à 6 p. 100.
    J'adorerais voir les provinces dépenser la totalité des 6 p. 100 que nous leur donnons et qu'elles le dépensent dans des initiatives comme celles-là. Mais comment pouvons-nous motiver les provinces, qui reçoivent des niveaux records — 62 milliards de dollars à l'heure actuelle — du gouvernement? Nous n'avons jamais fait des coupures comme l'ont fait les libéraux. Comment allons-nous les motiver à le faire?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît.
    Brièvement, je dirais qu'il faut associer des mécanismes de responsabilisation au montant que vous leur transférez. C'est ma réponse brève.
    J'adorerais pouvoir faire cela.
    D'accord, merci.
    Merci, madame Glover.
    Je donne la parole à Mme Nash, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    C'est d'une certaine façon dommage que nous ayons réuni ici tant de témoins et que chacun d'eux n'ait pas plus de temps.
    Monsieur Wilkinson, j'aimerais vous donner l'occasion de parler un peu plus. Nous aurions tellement de questions à vous poser au sujet des recherches que vous avez menées, mais je dois partager mon temps avec M. Caron.
    J'aimerais que vous nous disiez, en ce qui concerne tant les causes que les solutions liées à l'inégalité, quel rôle joue la polarisation des salaires dans l'augmentation de l'inégalité. Nous avons entendu parler d'avancées technologiques et de restructuration de l'économie, mais ne serait-il pas possible d'éviter d'aboutir à la polarisation des salaires et à une diminution des salaires dans la classe moyenne, pour ainsi dire? Pourriez-vous faire un commentaire?
    Je crois que vous avez raison de dire que les grands changements au chapitre de la répartition du revenu découlent de l'élargissement des écarts salariaux — des écarts au chapitre du revenu. Pensez à l'écart entre le salaire des PDG des 300 plus grandes sociétés des États-Unis — la tendance est semblable dans les autres pays, mais un peu plus marquée aux États-Unis — et le salaire de l'employé de la production moyen. Jusqu'à environ 1980, les PDG gagnaient de 25 à 30 fois plus que l'employé de la production moyen; en 2000, ou au début de cette décennie, ils gagnaient de 300 à 400 fois plus. Le phénomène s'est étendu à tous les pays. Il s'est manifesté d'abord dans les pays anglophones — un peu plus tard, en fait, au Canada —, et il s'est ensuite étendu aux pays d'Europe non anglophones.
    J'aimerais cependant ajouter que, quand les gens parlent de croissance économique et d'inégalités, beaucoup de recherches ont porté sur la relation entre l'égalité et la croissance. Bien que les avis sur la question soient partagés, la majorité de ces études permettent de croire qu'une plus grande égalité est bonne pour la croissance. C'est en partie en raison du fait que des sociétés moins égalitaires présentent une plus faible cohésion sociale. La criminalité est plus répandue. Les jeunes maîtrisent moins les mathématiques et la lecture. Il y a plus de gens en prison. La mobilité sociale est plus faible. Il se perd beaucoup de talent lorsque l'inégalité est importante.
    Merci de cette réponse.
    J'imagine que les dépenses dans les programmes sociaux sont également plus élevées — car il faut composer avec ces conséquences — et que les gens à faible ou à moyen revenu ont moins de revenus disponibles à investir dans l'économie pour générer une croissance.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
(1030)
    Il vous reste environ deux minutes et demie.
    D'accord. Je vais laisser la parole à M. Caron.
    Merci, monsieur Wilkinson.
    Monsieur Caron.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Boadway et M. Corak.
    J'imagine que vous avez pris connaissance des modifications du programme d'assurance-emploi, non seulement par rapport à ce qui était prévu dans le budget de 2012, mais également en ce qui a trait aux modifications au sujet des projets pilotes. Vous avez sûrement entendu parler de ce qui arrive au Programme des travailleurs étrangers temporaires. On ne parle pas de travailleurs étrangers temporaires qui viennent pour occuper un emploi à la suite d'une pénurie de main-d'oeuvre, mais davantage de situations où des entreprises utilisent des travailleurs étrangers temporaires plutôt que de la main-d'oeuvre canadienne disponible. Quel sera l'impact de ces deux événements sur la tendance relative à l'inégalité des revenus?
    Monsieur Boadway, allez-y en premier.

[Traduction]

    L'impact des travailleurs étrangers temporaires?

[Français]

    Je parle aussi de la réforme de l'assurance-emploi.

[Traduction]

    Ce sont là des questions très ardues.
    Je crois qu'il est trop tôt pour se prononcer sur les effets de la réforme de l'assurance-emploi. Tout dépend de la façon dont les industries saisonnières réagiront aux réformes et des modifications touchant le volet relatif à la formation.
    C'est la même chose en ce qui concerne le programme des travailleurs temporaires. Il est évident que ce programme profite aux travailleurs temporaires, mais on ne sait pas vraiment s'il profite à d'autres travailleurs dans l'économie. Il n'a certainement pas des retombées positives sur les travailleurs dans le reste de l'économie, dans la mesure où le programme les prive d'une possibilité d'emploi; cependant, je ne suis pas très renseigné sur l'éventail des raisons pour lesquelles les gens ne se déplacent pas pour obtenir un emploi, pour commencer.
    Je crois que la question reste ouverte.

[Français]

    Monsieur Corak, qu'en dites-vous?
    Merci beaucoup de la question.

[Traduction]

    Pour faire un lien avec notre discussion précédente, sur la question que Mme Glover avait posée, l'inégalité est enracinée dans le marché du travail, et, essentiellement, le régime fiscal et le système des transferts ne sont guère qu'une solution symbolique. Notre objectif est de créer une économie à haute pression pour les travailleurs peu spécialisés. Laissez la demande dépasser l'offre, et vous verrez que les salaires augmenteront.
    Dans les deux cas, le programme d'assurance-emploi et le programme des travailleurs temporaires, les programmes sont conçus en réalité pour offrir une subvention salariale à des travailleurs peu spécialisés. Comme l'a dit M. Boadway, on n'a pas encore réuni de données probantes, mais je ne vois pas comment cette façon de faire peut favoriser l'émergence de travailleurs spécialisés et bien rémunérés dans ce secteur.

[Français]

    Merci, monsieur Caron.

[Traduction]

    J'aimerais poser ma première question à M. Muzyka.
    Je vais parler de l'étude publiée sur votre site Web, l'étude du Conference Board. Vous indiquez sur votre site Web le taux de pauvreté chez les enfants, chez les personnes en âge de travailler et chez les aînés, et, sur le site, on précise que ces taux ont tous augmenté entre le milieu des années 1990 et la fin des années 2000. Pourtant, quand je me rends sur le site de Statistique Canada et que j'examine les taux de faible revenu entre 1976 et 2009 — je les ai ici, et ils figurent également sur un autre graphique, jusqu'en 2012 —, je constate que ces taux étaient de 13 % en 1976 et de 14 % en 1983. Ils n'ont jamais été plus élevés qu'en 1996, à 15,7 %, mais depuis, ils diminuent graduellement. En 2009, ils étaient de 9,6 p. 100, et ils continuent à baisser.
    Il est évident que Statistique Canada et le Conference Board n'utilisent pas les mêmes données. Pourriez-vous m'expliquer la différence?
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais que la personne qui est une experte en cette matière, Brenda Lafleur, réponde à la question.
    Quels sont les deux chiffres dont vous parlez exactement? Nous utilisons les données de l'OCDE. Elle réunit toutes les données des différents pays et s'assure qu'elles seront comparables.
    Je vais expliquer. Sur votre site Web, vous indiquez les taux de pauvreté.
    En effet.
    Il y a le taux de pauvreté chez les enfants, chez les personnes en âge de travailler et chez les aînés. Sur votre site, ces taux sont tous en croissance. Or, selon Statistique Canada, le taux de faible revenu diminue depuis le milieu des années 1990. Dans ces trois groupes, si les taux augmentent, on ne devrait pas s'attendre à ce que le SFR — le seuil de faible revenu — diminue. Alors, pourquoi le taux de faible revenu est-il en train de diminuer, selon Statistique Canada?
    Le SFR est une autre mesure. L'OCDE utilise une mesure relative et exprime donc la proportion se retrouvant sous un certain revenu médian. Avec les mêmes données, on peut obtenir deux résultats différents.
    Au chapitre de la pauvreté, toutefois, diriez-vous que la pauvreté s'aggrave chez les aînés, chez les enfants et chez les personnes en âge de travailler, ou diriez-vous qu'en fait, il y a une certaine amélioration?
(1035)
    C'est différent dans chaque cas. Chez les personnes âgées, à coup sûr, c'est l'une des grandes réussites du Canada que d'avoir fait baisser ce taux qui était si élevé dans les années 1970. Ces dernières années — et toutes les données l'indiquent —, il a légèrement augmenté. Mais il reste qu'il s'agit d'un des taux les plus bas, et, assurément, l'un des taux les plus bas du monde.
    Quelle est la situation chez les enfants et chez les personnes en âge de travailler?
    Le taux augmente chez les personnes en âge de travailler, et il est en augmentation depuis, disons, une vingtaine d'années. Il augmente également chez les enfants.
    La situation qui préoccupe le plus le Conference Board est celle des personnes en âge de travailler. Ai-je raison?
    Vous avez raison. Nous sommes également préoccupés par le fait que la classe moyenne se fait presser comme un citron. Quand on prend le taux de pauvreté chez les personnes en âge de travailler et qu'on constate qu'un grand nombre des personnes en âge de travailler n'ont pas une scolarité suffisante, il y a un problème.
    Il existe au Canada un grand nombre de mesures qui visent à atténuer ce problème — un système d'impôt sur le revenu très progressif, un crédit remboursable pour la TPS, une Prestation fiscale canadienne pour enfants, un Supplément de la prestation nationale pour enfants remboursable, une Prestation fiscale pour le revenu de travail remboursable, un supplément de revenu garanti pour les personnes âgées à faible revenu. De nombreuses mesures gouvernementales sont en place.
    Pourriez-vous nous donner quelques conseils sur ce qui fonctionne bien et sur ce qu'on pourrait peut-être faire de plus? Se peut-il que certaines de ces mesures ne fonctionnent pas aussi bien que nous le croyons?
    Si on observe les répercussions du régime fiscal et du système de transferts au cours des dernières décennies, on voit qu'ils ont réussi à réduire les inégalités. Ces systèmes ont perdu de leur efficacité depuis le début des années 1990. Ces données sont tirées de nos études et d'autres grandes études menées ailleurs dans le monde. Vous avez raison de dire que des programmes ont été mis en place et que ce sont de bons programmes. Mais le gouvernement a également supprimé certains programmes, et cela a eu des effets négatifs au chapitre de l'inégalité des revenus.
    Le gouvernement précédent a créé deux de ces crédits, au moins deux. La Prestation fiscale pour le revenu de travail, la PFRT, a été créée par notre gouvernement, et nous avons augmenté...
    C'est exact.
    ... le financement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants et de la Prestation nationale pour enfants.
    Le monde change, il y a la mondialisation, et toutes ces choses qui changent si rapidement qu'en fait, il faudrait probablement réagir plus rapidement dans le cadre de bon nombre de ces programmes. Pensons à la mondialisation et à ce que vivent les gens de la classe ouvrière; les programmes que vous mettez en place ne sont pas aussi efficaces qu'ils pourraient l'être.
    Mon temps est écoulé, puisque j'ai interrompu tout le monde. Mais ce que je cherche à savoir, en tant que président, c'est si ces programmes particuliers fonctionnent bien. Ne fonctionnent-ils pas bien? Existe-t-il des programmes comme ceux-là que nous devrions imiter, des programmes comme la PFRT? Je crois que nous avons besoin de conseils très précis, et si quelqu'un veut m'en présenter après la séance, je l'apprécierais.
    Mais mon temps est écoulé. Je donne la parole à M. Brison.
    Merci, monsieur le président et merci à tous les témoins de s'être présentés ce matin.
    C'est avec fierté qu'un gouvernement libéral a mis en oeuvre la PFRT à l'automne 2005, avant d'être forcé à prendre un congé sabbatique en janvier 2006. Mais nous sommes heureux que les conservateurs aient conservé cette mesure, que nous soutenons de tout coeur.
    [Note de la rédaction: inaudible]
    Des voix: Oh, oh!
    Eh bien, oui. Il a été prolongé deux fois, depuis, mais nous avons fait nos classes. Nous sommes maintenant prêts à revenir au travail.
    Monsieur Eisen, vous croyez que nous pouvons réformer le régime fiscal de manière à le rendre plus progressif et plus équitable, tout en favorisant la croissance. Nous pouvons gagner sur les deux plans.
    Je crois que nous le pouvons.
    Croyez-vous que...? Vous avez mentionné quelques-unes de ces mesures fiscales. Je crois que vous les avez appelées, non pas des échappatoires, mais... De quels crédits d'impôt s'agissait-il, par exemple?
    Je crois que j'ai parlé de déductions et d'exemptions.
    Des déductions. C'est cela. C'est Mme Glover, je crois, qui avait parlé d'échappatoires.
    La plupart des choses pour lesquelles les gens demandent une déduction et obtiennent un crédit en fonction du taux marginal.
    Par exemple, le crédit d'impôt pour le hockey et le crédit d'impôt pour les aidants naturels, et nous appuyons toutes ces mesures... Les objectifs ostensibles. Mais croyez-vous qu'ils ne vont pas nécessairement entraîner un changement de comportement, ou que nombre de ces mesures, en fait, profitent aux gens qui feraient de toute façon ces choses et qu'elles pourraient représenter une source de revenus potentielle permettant de financer la réforme du régime fiscal de façon à le rendre plus équitable et plus favorable à la croissance?
(1040)
    Oui. De très nombreux types de complications, dans le régime fiscal, qui ont été... Sur une très longue période... Ce sont d'autres types de complications qui ont attiré l'attention, récemment. Mais le régime fiscal est très complexe, et un grand nombre des déductions ou des crédits d'impôt et des complications supplémentaires incitent très peu les gens à changer de comportement. On peut dire la même chose de bien d'autres activités subventionnées par le gouvernement. Ceux qui en profitent, au bout du compte, ce sont les gens qui adoptent exactement le même comportement qu'auparavant. On peut évidemment soutenir qu'il faudrait utiliser... J'utilise le terme « subvention » au sens le plus large qui englobe les déductions fiscales.
    Et si on faisait de ces mesures des mesures non remboursables, est-ce que le système fiscal ne serait pas moins progressif, monsieur Boadway?
    En effet. Elles ne seraient pas accessibles aux personnes qui n'ont pas à payer d'impôt.
    Madame Reid, les changements apportés à la Sécurité de la vieillesse et à l'assurance-emploi, est-ce que vous-même, ou l'Association médicale canadienne... N'avez-vous pas, dans votre témoignage, soutenu qu'ils allaient en réalité augmenter l'inégalité des revenus?
    Ce que nous faisons valoir, c'est qu'il serait bon d'évaluer ces changements sous l'angle des répercussions sur la santé avant de les intégrer aux politiques, pour savoir quels seraient les impacts potentiels sur les résultats à long terme en matière de santé. Nous aurions aimé que cela se fasse. Mais nous sommes bien sûr très inquiets au sujet des pauvres personnes âgées... Je ne devrais pas dire pauvres personnes âgées; je devrais plutôt parler des personnes âgées qui ont moins d'argent pour vivre, en raison bien sûr des répercussions des changements apportés à la Sécurité de la vieillesse.
    Monsieur Wilkinson, allez-y.
    Un aspect dont on ne parle pas est celui de la réduction des écarts de revenus avant impôt. La flambée des revenus dans les échelons supérieurs, qui sont à l'origine de l'élargissement de l'écart, reflète en réalité l'absence de contraintes, l'absence de démocratie au sommet. Il faut adopter des lois pour régler ce problème, et de telles lois existent dans de nombreux pays d'Europe, je ne sais pas s'il y en a au Canada. Ces lois exigent que des représentants des employés siègent aux comités de rémunération, mais elles encouragent également toutes les formes de démocratie économique, qu'il s'agisse d'un régime d'actionnariat des salariés, d'entreprises appartenant aux employés, de sociétés mutuelles ou de coopératives. Nous devons assurer la croissance de ce secteur de l'économie.
    Plutôt que des écarts salariaux de l'ordre de 300 pour 1, on aurait en général des écarts de 5 pour 1, de 10 pour 1 ou de 20 pour 1. C'est l'orientation que nous devons adopter si nous voulons réduire les écarts au sein des entreprises.
    Merci beaucoup.
    Messieurs Corak et Boadway ont tous deux parlé de la réforme de l'assurance-emploi. En ce qui concerne le financement de l'assurance-emploi, c'est-à-dire le fait de ne plus le financer à partir des cotisations sur la paye — une mesure régressive — pour le financer à partir des recettes générales, êtes-vous d'accord pour dire que c'est une approche que nous devrions prendre? Êtes-vous tous les deux d'accord?
    Répondez tous deux brièvement, s'il vous plaît.
    Oui. Cela figure dans mon mémoire.
    Oui. Si vous ne le faites pas, il semble que le financement du programme devrait être lié plus étroitement au risque de chômage. En effet, le financement actuel est une subvention aux entreprises qui ont tendance à faire davantage de mises à pied.
    Merci, monsieur Brison.
    Nous donnons la parole à Mme Gallant, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Eisen, dans une section de votre mémoire, vous parlez de la meilleure manière d'assurer l'égalité des revenus. Vous dites que, pour y arriver, il faut favoriser l'intégration économique des nouveaux Canadiens. Dans le budget de 2013, on dit exactement ceci:
Le gouvernement a réalisé d’importants progrès en vue de la mise en oeuvre de réformes tant attendues du système canadien d’immigration dans le dessein d’attirer des candidats talentueux possédant les compétences et l’expérience dont notre économie a besoin.
    Nombre des initiatives prévues dans le budget de 2013 visent justement les aspects qui, à votre avis, sont nécessaires. Nous avons créé en janvier le nouveau volet d'immigration pour les gens de métier qualifiés. Nous allons rétablir le programme fédéral des travailleurs spécialisés et l'assortir d'une nouvelle grille de points. Nous lançons maintenant le visa pour démarrage d'entreprise et bien d'autres choses.
    De quelle façon ces initiatives nous aident-elles à attirer des immigrants qualifiés et à mettre à profit leurs talents et leur formation? Est-ce que nous sommes sur la bonne voie?
    Je crois que des progrès importants ont été faits, et je crois que tous les gouvernements du Canada, c'est-à-dire le gouvernement fédéral et bon nombre des gouvernements provinciaux, prennent des mesures positives.
    Je crois qu'il reste du travail à faire. Il existe encore selon moi des obstacles à l'intégration économique. Il existe toujours des obstacles professionnels pour les Néo-Canadiens très scolarisés et très qualifiés. Je vais encore une fois m'appuyer sur l'étude que nous avons publiée, produite par M. Schwartz, qui est un expert en la matière et qui a beaucoup écrit sur le sujet pour le Frontier Centre.
    Je ne doute aucunement que le gouvernement fédéral et bon nombre des gouvernements provinciaux ont bel et bien pris des mesures très positives, mais je crois qu'il y a encore un important travail à faire. On a déjà souligné, plus tôt, que le Canada était une destination de choix. Je crois que nous devons veiller à demeurer l'une des destinations préférées des immigrants et à ce que, une fois ici, les gens que nous avons attirés soient le plus possible en mesure de contribuer à la vie économique du pays; voilà certaines des choses importantes que nous devons faire pour assurer notre prospérité dans les années et les décennies à venir. J'espère que les progrès à ce chapitre se poursuivront.
(1045)
    Merci.
    Monsieur le président, je crois que M. Muzyka aimerait répondre.
    Je voulais revenir sur le sujet des obstacles professionnels. C'est vraiment un problème que nous devons régler. Le problème se situe surtout à l'échelon provincial.
    Les obstacles à l'exercice d'une profession empêchent de nombreux immigrants ou un certain nombre d'immigrants qualifiés à obtenir les emplois que nous voudrions qu'ils obtiennent afin qu'ils puissent ajouter de la valeur à la société et mener une carrière fructueuse.
    L'autre chose que je voulais mentionner est que le fait d'avoir la possibilité de demeurer ici pendant trois ans après l'obtention d'un diplôme d'études supérieures s'est révélé énormément attrayant pour des personnes talentueuses venues du monde entier. C'est un aspect que nous devons continuer de prendre en compte. Ce sont là des mesures non fiscales qui nous permettent de créer davantage de valeur dans la société.
    Je vais laisser le reste de mon temps à Mme Glover.
    Vous avez environ deux minutes.
    Merci.
    Avez-vous d'autres suggestions à faire sur les mesures que nous pourrions prendre pour relever certains de ces défis sans que cela ne coûte quelque chose?
    Je crois qu'il faudrait pour cela — entre autres choses — discuter d'exigences minimales avec les ordres professionnels, en nous assurant que nos processus sont bons, et examiner aussi les débouchés sur le plan de la scolarité. Certaines des exigences des ordres professionnels concernent la scolarité. Il serait très utile de trouver un moyen pour que les personnes qui arrivent d'un autre pays puissent amorcer une carrière ici et acquérir très rapidement les compétences requises.
    Je crois que des mesures de ce type ne sont pas nécessairement coûteuses. Dans certains cas, au chapitre des connaissances, il suffirait de dire ce que nous voulons et comment nous allons procéder.
    Très bien, merci.
    Je voudrais parler d'un aspect que M. Corak a mentionné. Vous avez dit que vous aimeriez inscrire sur votre liste de souhaits un congé de travail pour les gens qui ont une famille, pour qu'ils puissent faire ce qu'ils jugent important.
    Avez-vous parlé aux entreprises pour savoir comment elles se débrouilleraient pour continuer à fonctionner et à se développer si les gens qui ont une famille pouvaient tout simplement décider de prendre congé pour faire une autre chose qu'ils jugent importante? Nous manquons de travailleurs, en Saskatchewan et en Alberta.
    Je serais simplement curieuse de savoir comment, à votre avis, cela peut fonctionner dans le cas des employeurs. Vous attendez-vous à ce que ce soit essentiellement les employeurs qui paient la note?
    « Paient la note » : je ne suis pas sûr de comprendre, madame.
    Je vais vous expliquer. Si des gens quittent le travail, il faut les remplacer. S'ils ont pris congé, ils sont néanmoins payés. Il faut également payer les remplaçants. Qui paie?
    Des mesures sont déjà intégrées au système, et c'est encore nouveau. Il y a les congés parentaux. Il y a les congés pour prendre soin d'un enfant.
    Vous dites qu'il faut bonifier ces mesures?
    Oui. On ferait fond sur ce qui existe déjà.
    Alors combien cela va-t-il coûter, et savez-vous qui va payer la note?
    C'est une conception... Peut-être que le mot « paternaliste » est trop fort, mais les enfants ont besoin d'être encadrés par leurs parents, et ce, pas seulement pendant les premières années...
    Je comprends cela, monsieur. Nous avons déjà pris des mesures pour cela, et vous voulez les étendre. Ce que je vous demande, précisément, c'est si vous vous attendez à ce que les employeurs paient pour cela et combien tout cela coûtera.
    Non. Dans mon mémoire, je propose de créer des comptes personnalisés dans le système, de façon que...
    De façon que ce soit les contribuables qui paient.
    Non, les particuliers paieront eux-mêmes. Je cotise à l'assurance-emploi, et je n'y ai pas nécessairement recours. Cette enveloppe accumule un surplus. Et je peux librement utiliser ce surplus.
    Le marché de l'emploi est beaucoup plus souple qu'il ne l'était, et les employeurs semblent s'être adaptés sans trop de mal aux congés de maternité et aux congés parentaux.
    Merci.
    Au nom du comité, je tiens à remercier tous les témoins qui se sont présentés aujourd'hui à Ottawa, ainsi que M. Wilkinson, qui a comparu par vidéoconférence depuis le Royaume-Uni.
    Si vous désirez étudier davantage une question ou une autre, nous allons mettre les mémoires en ligne sur le site Web du Comité des finances. Si vous désirez afficher un document ou une information quelconque en ligne, veuillez en faire part à la greffière, et nous veillerons à ce que ce soit fait.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU