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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er novembre 2012

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons une séance d'information sur la situation en Syrie.
    Je souhaite la bienvenue à notre ami qui est au loin, notre collègue Nadim Gemayel, député de l'Assemblée nationale de la République libanaise.
    Monsieur, nous sommes ravis de pouvoir vous parler aujourd'hui, et nous vous remercions de nous consacrer une partie de votre précieux temps.
    Comme vous le savez, notre séance est publique. Nous étudions depuis un moment la situation en Syrie. Nous sommes impatients d'entendre vos propos sur ce qui se passe dans la région.
    Nous allons vous laisser la parole, puis nos collègues vous poseront tour à tour des questions pendant les quelque 55 minutes qui suivront.
    Bienvenue à vous, monsieur. Vous avez la parole.
    Je tiens à vous dire que je suis très heureux de cette invitation, en tant que député du Parlement libanais. Nous avons grandement besoin de soutien de la part de la communauté internationale, afin d'instaurer au Liban un régime véritablement indépendant et souverain, compte tenu de tout ce qui se passe de nos jours dans la région — en particulier en Syrie, où ils essaient par tous les moyens d'influencer la politique intérieure du Liban.
    Je poursuis.

[Français]

    J'ai préparé une petite présentation qui résume un peu l'influence syrienne au Liban et comment celle-ci s'est développée des années 1960 à aujourd'hui. J'aborderai aussi ce qu'a été essentiellement l'objectif de la Syrie au Liban depuis l'accession au pouvoir du parti Baas, puis du président Assad en 1970 et au cours des 42 années de la présidence de la famille Assad, soit 30 ans pour le père et 12 ans pour le fils. Enfin, j'exposerai comment ce régime a tenté, autant que possible, d'exercer une mainmise totale sur le Liban, et spécialement comment il a tenté d'éliminer les chrétiens du Liban, ce qui est aujourd'hui une grande question.
    Comme vous le savez, la grande question qui se pose aujourd'hui en Syrie — nous allons l'aborder plus tard —, c'est de savoir si les chrétiens sont en danger, s'ils seront en sécurité en Syrie dans l'après-Assad. Ce sont des questions auxquelles j'essaierai de répondre avec le maximum d'objectivité et surtout le maximum de connaissances envers ce que le régime syrien a commis au Liban.
    Si ça ne vous dérange pas, je vais commencer par un résumé rapide de la situation entre le Liban et la Syrie.
    Tout d'abord, je tiens à affirmer que le Liban n'a jamais été un pays annexé à la Syrie ou bien un territoire sous contrôle syrien, bien que la Syrie ait toujours eu envie d'annexer le Liban à la Syrie.
    Le Liban a accédé à l'indépendance bien avant les Syriens. Il a eu son indépendance des Français en 1943, alors que la Syrie a obtenu la sienne quelques années plus tard. Auparavant, les territoires syrien et libanais étaient sous l'Empire ottoman, puis ils furent administrés par les Français. Durant ces périodes, les relations entre les deux pays sont passées par des hauts et des bas, en plusieurs étapes, jusqu'en 1964, moment où le parti Baas a pris le pouvoir.
    En 1970, lorsque le président Hafez Al-Assad a pris le pouvoir par la force en Syrie en faisant son semi-coup d'état, il a décidé de s'en prendre directement au Liban et de le contrôler par la force.
    Ce contrôle par la force s'est distingué au cours des siècles par plusieurs étapes, cependant toutes les étapes sont identiques. Les Syriens ont toujours essayé de contrôler le Liban et d'y exercer une mainmise totale. Ils l'ont fait d'abord par des moyens armés, puis surtout en utilisant des groupuscules, des groupes, des partis politiques ou des partis militaires au Liban et en les soutenant militairement, politiquement et surtout financièrement. C'est pour ça que dès le début de leur périple, les Syriens ont alimenté et soutenu les mouvements palestiniens armés au Liban.
    Ici, je voudrais juste noter que ce qu'on appelait l'Armée de libération de la Palestine était basée en Syrie, mais ne faisait aucun acte militaire depuis la Syrie. Les Syriens envoyaient toujours ces armées et ces groupuscules combattre via le Liban pour créer une sorte de chaos à l'intérieur du Liban. D'ailleurs, cela s'est transformé, en 1975, en une guerre entre les Libanais et les Palestiniens. De fait, la guerre libano-palestinienne a eu lieu de 1975 à environ 1982.
    Ensuite, en 1976, après l'entrée en guerre du Liban avec les Palestiniens, les Syriens ont décidé de soutenir à fond les Palestiniens. Qui plus est, cette même année, les Syriens ont décidé d'entrer directement et officiellement au Liban avec leur armée sous le couvert de la Force arabe de dissuasion, qui était malheureusement formée à 90 p. 100 par l'armée syrienne et à 10 p. 100 par d'autres armées, entre autres celles des Émirats arabes unis et de la Libye. Tous les autres partis arabes formaient uniquement 10 p. 100 de la Force arabe de dissuasion. C'est à ce moment que la Syrie a véritablement décidé, au lieu d'arrêter les combats entre Palestiniens et Libanais, de contrôler complètement le pays et d'exercer une mainmise totale sur toutes les institutions de l'État.
    Depuis 1976, cette situation perdure. Les Syriens ont toujours été présents au Liban. Ils ont considéré le Liban comme un pays d'occupation et de tutelle. Cette situation a créé une terreur humaine, politique, économique et sociale au Liban au cours des 35 années d'occupation syrienne.
    Je passe rapidement et j'arrive à l'an 2000, où il y a eu le retrait des troupes israéliennes du Liban. À partir de cette année, à la suite du retrait israélien du territoire libanais, énormément de voix libanaises politiques se sont fait entendre, surtout des voix autres que celles des chrétiens. Il faut dire que durant 30 ans, ce sont les chrétiens qui ont le plus demandé le retrait des troupes syriennes. À partir de 2000, il n'y avait plus d'excuses pour maintenir la présence syrienne au Liban. Donc, beaucoup de voix, comme celles des sunnites avec Rafic Hariri et celles des druzes avec Walid Joumblatt, ont commencé à demander le retrait des troupes syriennes et, surtout, la diminution du rôle des Syriens au Liban.
    En 2004, cela aboutira à une sorte de rencontre et d'alliance entre Rafic Hariri et Walid Joumblatt, tout d'abord, puis entre ces deux pôles, sunnites et druzes, et les chrétiens pour former une véritable coalition souverainiste. Cette coalition contre les Syriens au Liban présentera une double volonté: tout d'abord, le retrait des troupes syriennes du Liban; deuxièmement, la démilitarisation du Hezbollah et l'élimination totale de ses armes. Cette coalition travaillera avec acharnement pour aboutir, en septembre 2004, à la fameuse résolution 1559, que vous connaissez, qui réclame le retrait des troupes syriennes du Liban et le désarmement total du Hezbollah sur le territoire libanais.
    En réponse à la décision des Nations Unies, les Syriens décideront de retourner au Liban par la force, en prolongeant le mandat de leur président, ou de leur homme fort au pays, Émile Lahoud, qu'ils avaient eux-mêmes nommé et formé depuis son plus jeune âge à la présidence de la république. C'est à ce moment que commence la période de terreur, avec les 12 attentats au Liban commandités par les Syriens. Le ministre Marwan Hamadé sera la première victime d'une série d'attentats vers la fin de 2004. Cet attentat avait pour but essentiellement de rappeler à tous les Libanais et à tous les individus qui travaillaient pour l'indépendance du Liban et qui voulaient libérer leur pays des troupes syriennes qu'ils seraient assassinés par les Syriens tout comme l'avaient été Kamal Joumblatt en 1977, Béchir Gemayel en 1982 et le président René Moawad en 1989. Le but des Syriens était de leur rappeler que chaque personne réclamant l'indépendance et la souveraineté du Liban serait assassinée. À partir de ce moment, une série d'attentats commandités par les Syriens s'est enclenchée, même si les exécutants étaient quelquefois différents. Ils allaient être différents au cours des années suivantes.
    En 2005 a eu lieu la libération du pays, la fameuse grande alliance du 14 mars, qui avait comme but de chasser les Syriens du pays. Avant de continuer, je tiens à dire que ces attentats s'inscrivaient essentiellement dans une stratégie très précise des Syriens au Liban, à savoir qu'à l'instar de leurs alliés iraniens au Liban, mais surtout du Hezbollah, ils commençaient à sentir le vent tourner. Par ailleurs, il y a eu les sondages indiquant une défaite pour les élections de 2005. C'est pourquoi ces gens ont décidé d'assassiner Rafic Hariri en février 2005. L'objectif était de changer la majorité parlementaire de 2005 parce que cette majorité allait automatiquement aboutir à la demande officielle et légale du retrait syrien. Ainsi, après l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, une mégamanifestation s'est tenue en vue d'exiger que les Syriens se retirent du Liban. Ce retrait a eu lieu le 26 avril 2005.
    Une nouvelle période a commencé alors. On a vu s'établir un genre de coordination beaucoup plus forte entre les Syriens et les Iraniens. Aujourd'hui, l'axe irano-syrien s'inscrit dans la même direction, et c'est pourquoi, lorsque les Syriens se sont retirés, ils ont décidé avec leurs alliés iraniens d'appuyer au maximum et de renforcer la position du Hezbollah au sein de la politique intérieure libanaise. À ce moment-là, le Hezbollah a tout fait pour défendre les intérêts syriens, et surtout pour interdire l'établissement du tribunal international voté par les Nations Unies.
    À la suite du retrait syrien, beaucoup d'attentats ont eu lieu, dont une douzaine après celui contre Rafic Hariri. Or dans tous les cas, les gens ciblés étaient des écrivains, des journalistes, des législateurs ou des ministres anti-Syriens d'allégeance souverainiste. Ils ont tous été éliminés par les Syriens pour des raisons strictement politiques.
    Le Hezbollah a lui-même commencé à agir à l'intérieur du Liban en fonction des intérêts syriens. Je vais nommer rapidement plusieurs tentatives du Hezbollah visant à bloquer les institutions libanaises et le courant souverainiste libanais. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a eu la tentative visant à interdire l'établissement du tribunal international. Il y a eu ensuite la guerre de 2006 qu'il a lui-même enclenchée contre Israël et qui, pour le Liban, s'est soldée par une perte totale sur les plans économique, social et financier. Enfin, le 7 mai 2008, il y a eu une tentative d'invasion de Beyrouth par la terreur et les armes. Le Hezbollah a décidé, sur un coup de tête, de foncer sur toute une partie de Beyrouth, simplement pour semer la terreur et tenter d'établir son aura par la force des armes. Cinquante personnes sont mortes.
    Je tiens à dire que l'indépendance du Liban que nous recherchons aujourd'hui se situe à deux niveaux: d'une part, il s'agit d'une indépendance interne par rapport au Hezbollah; d'autre part, d'une indépendance externe vis-à-vis des influences syrienne et iranienne qui essaient de s'imposer au Liban.
    Je pense que vous avez bien suivi cette action belligérante du Hezbollah qui, il n'y a pas très longtemps, a envoyé un drone au-dessus du territoire israélien. Il y a eu énormément de déclarations, surtout de grands responsables militaires iraniens, déclarant que l'armée iranienne était actuellement en possession des images de ce drone et qu'elle était en train de les analyser. Cela indique que le Hezbollah est un agent iranien par excellence, que l'alliance qui s'inscrit aujourd'hui entre l'Iran et la Syrie a pour bras le Hezbollah au Liban. L'influence du Hezbollah aujourd'hui...
(0905)

[Traduction]

    Monsieur Gemayel, je suis désolé de vous interrompre, mais notre temps est restreint et vous nous avez fait un exposé formidable. Pourrions-nous utiliser le temps qu'il reste à vous poser des questions?
    Oui, certainement. Je suis vraiment désolé d'avoir pris un peu trop de temps.
    Nous vous remercions du temps que vous nous consacrez. Je pense que les membres du comité souhaitent vous poser des questions, si c'est possible. Il ne nous reste que 25 minutes, alors c'est ce que nous allons faire. Merci, monsieur.
    Nous allons commencer par M. Dechert, qui aura sept minutes.
    Merci, monsieur le président...
    Je suis un peu mêlé car je n'ai pas fait cela très souvent.
    Monsieur Dewar, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie, et je remercie notre témoin pour son exposé. Quand il a été élu, j'y étais en tant qu'observateur, et j'ai pu aller à Beyrouth et dans la Bekaa.
    J'espère retourner dans votre pays, car je n'ai pas eu le temps de le visiter en entier.
    Comme vous le savez, nous avons été fort occupés avant, pendant et après les élections, avec le rapport à produire. Je vous félicite pour votre élection en 2009.
    J'ai été entre autres fort impressionné par le grand nombre de partis, et, bien sûr, vous avez réuni plusieurs partis pour former votre coalition. En 2009, on nourrissait manifestement beaucoup d'espoir pour l'avenir du Liban, pour les raisons que vous avez mentionnées. Bien des Libanais ont été saisis de l'importance de décider eux-mêmes de leur avenir, et c'est encore le cas aujourd'hui. Bien entendu, c'est ce qui vous préoccupe, compte tenu de vos voisins: veiller à ce que les Libanais décident de l'avenir du Liban, ce qui n'a pas toujours été le cas, comme vous l'avez dit.
    L'une des choses qu'il est important pour nous de comprendre, je pense, en ce qui concerne le Liban et la Syrie, c'est l'effet de la guerre sur le Liban en ce moment. Je me demande si vous pourriez nous dire à peu près combien de réfugiés syriens se trouvent maintenant au Liban.
    Les nombres ne sont pas très précis, en ce qui concerne les réfugiés. Ils se situent entre 30 000 et 50 000. Nous n'avons pas de données exactes parce que notre gouvernement ne voulait d'aucune façon essayer de contrôler les frontières, ni même essayer de contrôler les réfugiés. Les chiffres que nous avons émanent principalement du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. C'est le nombre de personnes qui ont traversé la frontière officielle. Cependant, bien des réfugiés sont venus du nord, et c'est un secteur que le gouvernement libanais ne peut contrôler très efficacement.
    Je vous assure que l'afflux de nombreux réfugiés au Liban, au cours des derniers mois, cause un énorme déséquilibre dans la société sociale et civile du Liban. Le gouvernement n'exerce aucun contrôle parce qu'il ne veut pas du tout s'interposer devant le régime syrien. Aucun contrôle n'est exercé sur les réfugiés, et ils ne peuvent même pas s'occuper d'eux-mêmes.
(0910)
    En tant que député, avez-vous demandé un soutien accru à d'autres pays et, plus précisément, au Canada, de toute évidence? Demandez-vous un appui accru en ce qui concerne la situation des réfugiés chez vous?
    Non, nous n'avons pas demandé cela. Nous avons bien d'autres problèmes plus importants. Nous avons des problèmes de sécurité; des assassinats. Comme vous le savez, il y a 15 jours, le dernier assassinat a eu pour effet d'annihiler toutes sortes de niveaux de sécurité liés à tout assassinat à venir.
    Nous avons bien d'autres problèmes importants, entre autres, le contrôle militaire des frontières, étant donné que les Syriens envoient toujours des armes, ou que le Hezbollah va se battre sur le territoire syrien. C'est beaucoup plus important pour nous que les réfugiés. C'est principalement le Haut Commissariat pour les réfugiés qui s'occupe d'eux — ou de la moitié d'entre eux.
    Estimez-vous que le gouvernement syrien, par ses actes, cherche à provoquer le Liban pour le faire entrer en guerre?
    Pouvez-vous répéter la question?
    Est-ce que les actes du régime d'Assad — leur façon d'agir... à votre avis, est-ce qu'ils essaient d'entraîner le Liban dans la guerre?
    Oui, tout à fait. C'est ce qu'ils cherchent à faire. Ils cherchent à exporter leur conflit pour l'intégrer dans celui du Liban. Ils ont essayé de le faire bien des fois.
    En guise d'exemple, le président Assad avait demandé — pas officiellement, mais directement — que notre ex-ministre, M. Michel Samaha, transporte quelque 20 bombes au Liban pour les faire exploser dans plusieurs régions. C'est M. Mamlouk, qui était à la tête du renseignement en Syrie, qui l'a demandé directement. Il a demandé directement à M. Michel Samaha — qui s'est fait prendre pour la première fois de l'histoire du Liban — de faire exploser 20 bombes un peu partout au Liban afin de créer le chaos et de nourrir le conflit entre différentes communautés du Liban. M. Samaha a officiellement comparu devant un juge et a officiellement dit que c'était à la demande de M. Mamlouk.
    Je vous remercie beaucoup. C'est tout le temps que nous avons. Nous allons passer à M. Dechert.
    Vous avez sept minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Gemayel. Il est bon de vous revoir. Vous vous rappellerez peut-être que nous nous sommes rencontrés quand vous êtes venu à Ottawa, il n'y a pas très longtemps.
    Premièrement, je souhaite vous exprimer mes sympathies, et celles du gouvernement canadien et du peuple canadien, pour les victimes et les familles des victimes du dernier attentat à la bombe.
    Je crois comprendre que cela s'est produit dans le district que vous représentez au Parlement et que c'était très près de votre bureau. Nos sympathies les plus sincères vont aux victimes de ce terrible événement.
    Cela fait partie de ce qui se produit en Syrie, avec la déstabilisation de la région et des violences qui émanent de la Syrie et qui se répandent au Liban et dans les autres pays de la région.
    Vous avez mentionné le Hezbollah, et ce que les combattants du Hezbollah font au Liban. Vous m'avez mentionné cela quand vous êtes venu, il y a quelques semaines. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos du nombre de membres libanais du Hezbollah qui participent activement aux combats en Syrie, du parti qu'ils prennent et de ceux qui les financent, d'après vous?
    Premièrement, il n'y a pas de nombre officiel, et c'est impossible à obtenir. La seule raison pour laquelle on sait que le Hezbollah se bat en Syrie — et c'est seulement pour ça que c'est devenu officiel —, c'est que le Hezbollah a enterré plusieurs combattants en affirmant qu'ils étaient des martyres. Il n'y a aucune zone de guerre déclarée au Liban, alors où donc sont tombés ces martyres?
    Quelques semaines plus tard — et nous avons les dates exactes — la première fois où le Hezbollah a déclaré qu'il y avait des martyres, lesquels s'étaient battus alors qu'il n'y avait aucun combat, c'est au début d'octobre. Puis, quelques jours après, le 8 octobre, Hassan Nasrallya, le dirigeant du Hezbollah, a déclaré officiellement que ces personnes étaient mortes en tant que combattants du jihad en Syrie, parce que c'est là qu'ils étaient.
    Ce dont nous sommes sûrs, c'est que ces combattants se battent aux côtés du régime, contre les opposants syriens, contre le peuple de Syrie qui réclame la liberté et la démocratie. Ce qui lie le Hezbollah et la Syrie, c'est le jihad, ce qui signifie que ce n'est pas, en réalité, une lutte politique. C'est une lutte religieuse, et c'est pourquoi le Hezbollah n'est plus un combattant libanais en Syrie, mais qu'il joue plutôt de rôle de l'Iran directement au sein du régime syrien.
(0915)
    D'accord. Donc, l'Iran finance ces combattants et leur fournit des armes, d'après vous?
    Je suis désolé, mais je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.
    Est-ce que l'Iran finance ces combattants et leur fournit des armes et des munitions, d'après vous?
    Bien sûr. L'Iran soutient le Hezbollah depuis 20 ans, tant sur le plan militaire qu'économique: tout le soutien. C'est la raison pour laquelle l'Iran ne veut pas perdre la Syrie — parce qu'il veut garder le lien qui existe entre le Hezbollah et l'Iran et ses fonds.
    Permettez-moi de vous demander si, à votre avis, la participation de l'Iran à la défense du régime d'el-Assad — le recrutement de gens dans d'autres pays, comme le Liban, le financement de leur effort de guerre, les armes et les munitions —, est-ce que cela change la nature du conflit en Syrie pour le faire passer de simple guerre civile à conflit international? Qu'est-ce que vous pensez de cela?
    Jusqu'à maintenant, je ne crois pas qu'il y a eu un grand changement. Cependant, nous avons entendu beaucoup de déclarations de la part de représentants iraniens qui affirment que l'Iran entrera en guerre si la communauté internationale ou les forces internationales décident de cibler la Syrie. Cette déclaration des Iraniens dépasse nettement notre analyse de la situation.
    Cependant, la seule raison pour laquelle l'Iran a des combattants — le Hezbollah — en Syrie, c'est que le régime syrien est nécessaire au lien Iran-Hezbollah. C'est véritablement important pour ce qui est des armes, de l'argent et de tout ce qu'il faut pour maintenir le lien.
    Merci.
    Monsieur Gemayel, vous savez peut-être que les sanctions que le Canada impose à la Syrie sont parmi les plus sévères. Le Canada s'efforce aussi, avec ses partenaires internationaux, d'isoler le régime syrien afin d'en venir à le convaincre de mettre fin aux attaques sanglantes contre son propre peuple. À votre avis, quels sont les effets de ces sanctions internationales sur le régime de Bachar el-Assad? Pensez-vous qu'elles font effet?
    Je ne crois pas vraiment qu'elles ont un effet sur le président el-Assad. Ça le rend même peut-être plus brutal, ce qui accentue la terreur. Il ne fait rien d'autre qu'utiliser tous les moyens dont il dispose pour éliminer toute forme de révolution.
(0920)
    Je suis désolé de vous interrompre, mais il nous reste peu de temps.
    D'après vous, existe-t-il une solution pacifique au conflit syrien?
    Oui. Il n'y en a qu'une, et c'est d'écarter Bachar el-Assad et le régime du parti Baas.
    Et serait-ce par des méthodes pacifiques, ou par la violence et le conflit?
    Je ne sais pas si vous avez des moyens pacifiques d'écarter Bachar el-Assad, mais c'est la seule solution pour ce pays.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Leblanc, pour sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Gemayel, je vous remercie de votre participation. Vous êtes bien gentil de nous donner de votre temps de cette façon. C'est très intéressant d'avoir la perspective de quelqu'un dans votre situation.
    Comme mon collègue M. Dewar, j'étais au Sommet de la Francophonie à Beyrouth avec l'ancien premier ministre M. Chrétien, il y a presque 10 ans. C'était une découverte pour moi, et j'espère retourner au Liban. Comme vous le savez, la communauté libanaise canadienne est très importante dans notre société. C'est pour nous un privilège de vous avoir avec nous.
    J'aimerais un peu reprendre les questions de mes collègues. M. Dewar vous a demandé plus tôt de décrire un peu l'influence du conflit en Syrie sur votre pays. Vous y avez fait référence dans vos commentaires, au début. Je serais heureux que vous parliez davantage des conséquences de la violence de ce difficile conflit en Syrie sur la société et la politique libanaises. Ce conflit soulève-t-il de l'inquiétude dans la communauté chrétienne? Nuit-il à sa cohésion? Il y a des moments où ce n'est pas facile. Selon vous, comment ce conflit précisément risque-t-il d'enflammer la situation dans votre pays?
    J'aimerais reprendre aussi la dernière question de M. Dechert, que j'ai trouvée intéressante. Avez-vous des conseils pour les Canadiens? Que pouvons-nous faire précisément pour appuyer une solution qui mettra fin à la situation en Syrie? À votre avis, y a-t-il d'autres mesures que le Canada ou la communauté internationale pourraient prendre? Le Canada pourrait encourager d'autres pays à exercer une plus grande pression ou à proposer plus de moyens pour que cesse cette situation que tous trouvent épouvantable.
    Voilà, ce sont mes deux questions. Si vous aviez la gentillesse de nous apporter des éclaircissements, ce serait apprécié.
    Je vous remercie encore de votre témoignage.
    Bien sûr. Merci.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de la gentillesse de vos propos et vous dire que vous serez toujours le bienvenu au Liban.
    Vous me demandiez si le conflit en Syrie avait des répercussions sur la vie politique et économique du Liban. Il faut savoir que la politique, au Liban, est vraiment divisée entre les pro-Syriens et les anti-Syriens, soit entre les alliés du régime syrien et les souverainistes. Ceux qui sont favorables au régime sont, pour la grande majorité, le Hezbollah et ses alliés au Liban. En revanche, du côté souverainiste, il y a toutes sortes de gens, notamment Saad Hariri, Walid Joumblatt, les Kataëb, les forces libanaises, qui souhaitent la souveraineté du Liban.
    Bien sûr, le conflit est extrêmement dur, au Liban. Par exemple, il y a environ un an et demi, lorsque Saad Hariri faisait partie du gouvernement, les membres du gouvernement appartenant au Hezbollah et leurs alliés se sont retirés du gouvernement afin de le faire démissionner. Il a en effet démissionné, mais comme ils n'ont pas réussi à former un gouvernement comme ils le voulaient, ils ont eu recours à la force. Ils ont déployé plus de 1 000 hommes dans les rues de Beyrouth, vêtus de noir, afin de démontrer leur force et de faire en sorte que la majorité soit renversée.
     C'est à ce moment que Walid Joumblatt et Najib Mikati, l'actuel premier ministre, ont changé de camp pour former un gouvernement à l'image du Hezbollah. Cet actuel gouvernement est sous la botte des Syriens. Or la communauté internationale, notamment les Nations Unies et la Ligue arabe, ne prend aucunement position contre les Syriens et les actes de terreur ainsi que les crimes commis présentement par le régime de Bachar el-Assad. Il y a énormément de conflits, de tensions entre ces deux camps. D'un côté, il y a ceux qui tentent de remettre le pays sur la bonne voie, et de l'autre, il y a ceux qui tentent de prendre totalement le contrôle des institutions et du pays, et de créer un axe Iran-Syrie-Liban. Pour notre part, nous voulons faire sortir le Liban de l'axe irano-syrien.
    Enfin, pour répondre à votre deuxième question, à savoir comment mettre fin au régime, je n'ai pas véritablement de conseils à donner, mais je pense qu'il faudrait mettre un peu plus de pression, pas seulement en matière économique, mais aussi sur le plan politique, sur les alliés de Damas, probablement surtout sur les Turcs. Il faudrait commencer par aider — et ici, je parle de l'aspect humanitaire et non politique — le peuple syrien. Les gens de ce pays meurent par milliers chaque jour. On compte aujourd'hui plus de 50 000 morts, si mes chiffres sont exacts, mais ils sont peut-être même plus nombreux. Si les choses continuent de cette façon, le nombre de morts va très rapidement atteindre les 100 000. Je crois que le président Assad est en train de commettre un véritable génocide à l'encontre de son peuple. Beaucoup de mesures peuvent être prises.
    En tant que communauté internationale, vous savez plus que nous quels moyens peuvent être utilisés. Il pourrait s'agir d'une zone d'exclusion aérienne ou d'une force de dissuasion internationale. Une autre possibilité serait de faire exactement comme pour la FINUL, qui avait été chargée à l'époque de confirmer le retrait des troupes israéliennes du Liban. Ça pourrait au moins permettre d'établir une zone de sécurité pour le peuple syrien, qui, je peux vous l'assurer aujourd'hui, n'est pas du tout en sécurité.
(0925)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    C'est tout le temps que nous avons.
    Madame Brown, nous avons probablement le temps pour quelques questions brèves. Il nous reste deux ou trois minutes.
    Je vous laisse conclure.
    Merci beaucoup. Je vais essayer d'être très rapide.
    Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Vous nous donnez le point de vue légèrement différent d'une personne qui vit la situation en ce moment même. Encore, nos sympathies aux victimes de votre région.
    J'ai deux questions, mais d'abord, une déclaration.
    Merci pour ce que le Liban fait pour les réfugiés. Comme vous le savez, le Canada travaille avec nos partenaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Nous les avons accueillis ici, il y a une semaine, et ils ont fait le point sur la situation pour nous. La situation des réfugiés qui fuient la Syrie est une grande source de préoccupation.
    Ma question est la suivante. En Syrie, 10 p. 100 de la population contrôle la majorité sunnite, mais il y a les chrétiens, les Druzes et les Kurdes, qui craignent tous pour leurs vies. De fait, en janvier dernier, aux États-Unis, Martin Indyk a affirmé, dans son témoignage, que les alaouites craignent d'être massacrés si le régime tombe. Ils craignent qu'il n'y aura pas de place pour eux dans une Syrie post-Assad dominée par les sunnites.
    La situation en Syrie correspond à celle que le Sri Lanka a connue il y a plusieurs années: les membres de la minorité craignaient pour leurs vies s'ils perdaient le pouvoir. Puisqu'il y a au Liban bon nombre des mêmes groupes de personnes, est-ce que le Liban peut jouer un rôle dans la résolution pacifique du conflit en Syrie? Y a-t-il place à la discussion à ce sujet? Pensez-vous que certains de vos leaders pourraient agir?
    Je vais commencer par éclaircir une chose. Ce ne sont pas les chrétiens, les Druzes et toutes les minorités syriennes qui sont au pouvoir. Ce sont les alaouites qui sont au pouvoir, et c'est le groupe religieux dont Bachar el-Assad fait partie. Ils contrôlent tous les autres. J'aimerais rappeler à toutes les personnes présentes que, depuis l'accession au pouvoir du parti Baas, la proportion des chrétiens en Syrie a fondu de 34 à 12 p. 100. C'est la première chose.
    Deuxièmement, vous ne pouvez pas dire que ce régime a jusqu'à maintenant protégé les chrétiens et qu'il est prêt à les protéger. Il n'y a qu'à voir comment le régime a agi au Liban, comment il a assassiné tous les dirigeants des minorités qui avaient beaucoup d'influence au Liban: Kamal Joumblatt, un Druze; Bachir Gemayel, président chrétien élu; René Mouawad, président chrétien élu; Rafic Hariri, président sunnite élu. Il est clair que la Syrie cherchait à diminuer le rôle de ces minorités, et à ne pas leur donner plus qu'un rôle de minorité.
    Nous ne pouvons donc pas penser... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... les minorités. [Note de la rédaction: difficultés techniques]... au Liban pour pouvoir réunir tout cela. Je ne pense pas que le Liban peut jouer ce rôle. Nous devrions commencer par instaurer la paix au Liban et nous débarrasser de l'influence de communautés de l'extérieur — de la Syrie ou de l'Iran, et même de l'Hezbollah. Nous pourrions alors penser à vivre dans la paix.
    Pour ce qui est de la Syrie, n'allez pas croire que les minorités seront en danger dès que le régime tombera. Elles se pensent en danger parce qu'elles ne connaissent rien d'autre depuis 40 à 60 ans. Mais quand on leur donnera le choix de vivre dans la liberté, vous pouvez être sûrs qu'un nouvel esprit, un nouvel espoir nourrira toutes les minorités de la Syrie.
(0930)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Gemayel...
    Je ne sais pas si je me suis exprimé assez clairement à ce sujet.
    C'est bon. Je sais que nous vous avons interrompu au début. Si vous avez des notes à nous faire parvenir, nous serons heureux de les distribuer à tous les membres du comité, mais c'est à vous de décider.
    Nous vous sommes vraiment reconnaissants de nous avoir consacré du temps. Nous aimerions avoir plus de temps. Nous avons vraiment apprécié notre conversation avec vous.
    Merci beaucoup. Je suis aussi très heureux d'avoir été invité.
    Je peux essayer de vous envoyer un court document sur ce que nous avons dit. Je n'ai rien noté très clairement, mais je rédigerai un message clair et je vous le ferai parvenir, avec des avis sur ce que j'ai dit.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, merci de nous avoir consacré du temps. Nous vous offrons nos meilleurs voeux.
    Merci.
    Nous allons faire une courte pause avant de poursuivre à huis clos.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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