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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 30 mai 2012

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous amorçons notre étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    Je souhaite la bienvenue à notre témoin, Maura O'Neill, qui est conseillère en chef de l'innovation et conseillère principale de l'administrateur, Office of Innovation and Development Alliances, U.S. Agency for International Development.
    Bienvenue, madame O'Neill. Merci d'avoir pris le temps de venir nous parler des expériences américaines et des partenariats que vous avez pu établir avec le secteur privé.
    Comme vous êtes notre seul témoin, je vais vous laisser plus de temps qu'à l'habitude pour votre déclaration préliminaire. Les députés du gouvernement et de l'opposition pourront ensuite vous poser leurs questions.
    Je ne sais pas si vous avez déjà comparu devant un comité du Congrès.
    Alors vous n'aurez pas difficulté avec notre mode de fonctionnement.
    Je constate que vous êtes très polis.
    Malheureusement, oui.
    Nous vous souhaitons d'ailleurs encore une fois la bienvenue.
    Nous allons maintenant vous donner la parole pour prêter une oreille attentive à votre déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup, monsieur le président Allison, et merci aux membres du comité. Je suis honorée d'être ici aujourd'hui au nom de la United States Agency for International Development (USAID) pour discuter du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    Comme vous l'avez indiqué, je suis directrice de l'innovation et conseillère principale de l'administrateur à USAID.
    Étant issue du secteur privé et chargée notamment des partenariats mondiaux à USAID, je suis particulièrement heureuse d'être ici. Je vais vous présenter humblement quelques-unes des leçons que USAID a tirées au cours de la dernière décennie et de celles que j'ai tirées moi-même en travaillant au démarrage de petites entreprises du secteur privé pour élaborer des solutions fructueuses à des problèmes sociaux. J'espère vous renseigner sur les avantages pouvant contribuer au développement lorsque le secteur privé et les donateurs harmonisent leurs objectifs.
    Vous trouverez en outre dans mon mémoire écrit trois recommandations. Je ne vais pas vous en parler dans ma déclaration, mais je serai ravie de répondre à vos questions à ce sujet. Je vous invite à en prendre connaissance si vous souhaitez en savoir davantage sur nos modes de fonctionnement et les enseignements que vous pourrez en tirer.
    Permettez-moi d'abord de situer les partenariats public-privé dans le contexte de nos objectifs d'aide au développement et de politique étrangère.
    Investir dans le développement est un élément essentiel de notre politique étrangère, tout comme la défense et la diplomatie. Lorsque le président Obama a publié sa directive de politique sur le développement, une première dans notre pays depuis 50 ans, il nous a mis au défi d'imaginer un monde où l'aide ne serait plus nécessaire et il a souligné l'importance de la croissance économique. Il croit que c'est la seule façon d'y parvenir. Il a déclaré que la croissance économique est le seul moyen durable d'accélérer le développement et d'éradiquer la pauvreté, et il a préconisé un nouveau modèle opérationnel fondé sur les partenariats.
    La secrétaire d'État Clinton a elle aussi été parmi les premières à comprendre le rôle essentiel que la gestion des affaires économiques doit jouer actuellement dans notre politique étrangère. L'administration Obama reconnaît que les emplois et la prospérité dans notre pays sont de plus en plus liés aux pays en développement.
    D'après la Banque HSDC, les deux tiers de l'activité économique mondiale au cours des 40 prochaines années se concentreront dans les pays émergents du monde en développement. Mais nous savons que ce ne sera pas possible sans des gouvernements stables, sans infrastructures suffisantes, y compris pour l'eau, l'électricité, Internet et les transports, et si les populations sont ravagées par la maladie.
    Nous savons également qu'aucun pays bénéficiaire, aucune entreprise, aucune ONG, aucun donateur, peu importe sa taille, ne peut y parvenir seul. C'est ce qui justifie selon nous les partenariats: on met à contribution les atouts de chacun de façon intelligente en vue d'accélérer l'atteinte des objectifs de développement à moindre coût.
    USAID a continué d'accroître sans cesse sa participation à des partenariats public-privé depuis 10 ans. Durant cette période, de nombreuses sociétés ont élaboré des programmes très exhaustifs de responsabilité sociale, menés par des dirigeants novateurs qui comprennent la valeur sociale et opérationnelle de l'investissement dans les pays en développement. Mais surtout, le secteur privé reconnaît la valeur et la nécessité de s'allier avec les organismes donateurs, les fondations et les organisations non gouvernementales pour accroître ses activités et répondre aux besoins croissants des consommateurs de la planète.
    Permettez-moi ici un mot au sujet de mes recommandations. Je ne suis pas ici pour défendre tous les partenariats public-privé établis pour le développement ou tous les programmes de responsabilité sociale des entreprises. Il nous arrive de nous engager dans un débat très tranché où l'on perd de vue le fait qu'il y a de mauvaises entreprises et d'autres qui sont excellentes. Nous cherchons à cibler les endroits où nos intérêts en matière de développement coïncident avec les objectifs de rentabilité ou d'autres attentes de l'entreprise.
    Nous avons découvert que l'aide peut débloquer le capital local et encourager la croissance économique dans des pays qui n'ont pas les ressources nécessaires pour stimuler eux-mêmes la croissance économique sans assistance. L'aide ne peut pas remplacer à elle seule le capital privé et elle ne devrait pas être non plus le seul outil déployé pour l'assistance humanitaire.
    Partout sur la planète, les formes les plus cruciales d'engagement économique ne sont pas l'aide publique au développement, mais plutôt les flux de capitaux privés comme l'investissement direct étranger et les transferts de fonds. De fait, ces transferts privés d'argent dans le pays d'origine constituent maintenant le deuxième flux financier en importance pour les pays en développement. En 2009, ces envois de fonds se sont chiffrés à 307 milliards de dollars, ce qui est deux fois et demie plus élevé que l'aide publique étrangère. Nous savons que si nous pouvons nous allier pour diriger ces flux vers le développement, nous pourrons accomplir davantage, le faire plus rapidement et de façon plus rentable.
(1540)
    Le milieu des affaires est aussi confronté à des défis opérationnels symptomatiques des obstacles au développement que des organismes comme USAID et l'ACDI tentent de surmonter. Tandis que USAID cherche à garantir l'accès à l'eau potable, le producteur de boissons voit la nécessité de protéger la source d'un intrant dont il a besoin. C'est un exemple de chevauchement entre nos objectifs de développement et leurs objectifs de rentabilité. Tandis qu'une entreprise se soucie de la stabilité de la chaîne d'approvisionnement ou que la demande mondiale pousse une entreprise à accroître fortement ses approvisionnements, USAID cherche à permettre aux petits agriculteurs ou aux jeunes d'entrer dans la population active.
    Nous le constatons dans le cadre de notre travail en Indonésie, où le Consumer Goods Forum, une association commerciale regroupant les principaux manufacturiers et détaillants de la planète, s'est engagé à ne plus s'approvisionner de produits provenant de territoires victimes de la déforestation à compter de 2020. Cette exigence a été formulée, mais on n'a pas encore réagi du côté de l'offre. Nous voulons nous assurer que les retombées d'engagements de la sorte soient ressenties de façon plus généralisée dans les pays visés afin que les petits agriculteurs puissent faire leur part en offrant des produits respectant les normes mondiales.
    Permettez-moi maintenant de vous donner un aperçu de notre historique en matière de partenariats public-privé en y joignant quelques statistiques.
    En 2001, USAID a reconnu que le paysage du développement était en train de changer. Dans les années 1960, les flux de ressources américaines vers les pays en développement se situaient à 5,1 milliards de dollars, répartis entre 71 p. 100 du secteur public et 29 p. 100 du secteur privé. Cette répartition a changé du tout au tout. La part de l'aide officielle au développement n'atteint maintenant qu'environ 17 p. 100, alors que la contribution du capital privé culmine à 83 p. 100. Pour accélérer les choses, nous devons considérer les façons de miser sur ces capitaux privés afin de favoriser l'atteinte de nos objectifs. USAID a donc créé la Global Development Alliance (GDA), comme nous appelons notre programme de partenariats public-privé (PPP).
    Afin d'encourager la collaboration avec ces importants nouveaux acteurs, USAID a donc uniformisé l'approche à l'égard des PPP. On ne s'est pas contenté de dire aux gens d'aller établir des partenariats public-privé. Pour faciliter les choses au secteur privé, ces partenariats doivent miser sur un ensemble de protocoles et de mécanismes permettant d'en assurer la qualité et la saine administration. Nous devenons donc un partenaire privilégié pour le secteur privé, plutôt qu'un partenaire de dernier recours. Nous avons mis en place une combinaison d'incitatifs et de directives afin de favoriser le démarrage du programme. Nous avons formé du personnel partout dans le monde pour que des partenariats public-privé puissent être établis de façon novatrice, facilement et rapidement.
    Voici en gros comment fonctionne le processus.
    Nous pouvons tenir des discussions préliminaires avec les entreprises privées qui ont une idée à nous proposer, mais chacun est convié en tout temps à nous soumettre un document de cinq pages présentant le concept proposé. Cette façon de faire permet généralement de distinguer les candidats sérieux à un partenariat avec nous de ceux qui sont simplement à la recherche de débouchés. Dans ce document de cinq pages, nous souhaitons retrouver les objectifs de développement que l'entreprise veut partager avec nous, combien elle est prête à investir en argent et en autres ressources, et quelles sont ses attentes à notre égard. Nous pouvons ainsi nous aligner sur la position de départ de l'entreprise. Il arrive que l'entente négociée s'en éloigne considérablement, mais cela nous fournit tout au moins un point de référence. Nous comprenons dès le départ ce qui importe pour l'entreprise, ce qu'elle est disposée à accomplir dans le cadre du partenariat, et qu'est-ce qu'elle attend de nous. Je suis toujours partie du principe que les conflits découlent d'un non-respect des attentes. Nous voulons donc que les attentes de chacun soient bel et bien prises en compte.
    La contribution du partenaire doit au moins être égale à la nôtre et peut comprendre des ressources financières et en nature. Nous sommes toutefois fiers de pouvoir vous dire que cette contribution a été en moyenne quatre fois supérieure à la nôtre au cours de la dernière décennie.
(1545)
    Grâce aux GDA et aux autres modèles utilisés, l'USAID a établi des alliances avec 3 000 partenaires différents au cours de la dernière décennie pour un financement de contrepartie totalisant 8,8 milliards de dollars. Nous avons ainsi obtenu de 9 à 10 milliards de dollars aux fins de nos objectifs de développement. Nous avons actuellement 283 partenariats actifs dont la valeur totale est estimée à 8,8 milliards de dollars.
    Comme vous pouvez le constater, c'est une partie importante de nos activités. Dans un climat d'austérité budgétaire, nous nous efforçons tout particulièrement d'obtenir les meilleurs résultats en matière de développement pour les deniers que les contribuables américains nous donnent le privilège de déployer. Nous avons obtenu et apprécié la contribution et l'appui bipartisans et avisés du Congrès.
    Les partenariats avec USAID ne se limitent pas aux fonds de contrepartie. Nous savons que ces partenariats avec le secteur privé sont très précieux pour ce qui est de l'accès aux chaînes d'approvisionnement, aux possibilités logistiques et aux conditions permettant d'envisager une situation où notre aide ne serait plus nécessaire.
    Je vais me servir de l'exemple du printemps arabe. Nous souhaitons tous que cette partie du monde accède à un plus grand niveau de stabilité et de modernité, et nous avons donc à coeur qu'on puisse y tenir des élections justes et libres, mais reste quand même que l'un des facteurs sous-jacents au printemps arabe a été l'absence de débouchés économiques pour une vaste majorité des jeunes.
    Nous n'allons pas devenir un employeur au Moyen-Orient, mais si nous pouvons travailler avec des entreprises privées intéressées à y investir en réduisant les risques qu'elles encourent, nous croyons pouvoir non seulement stabiliser le gouvernement en place mais aussi ouvrir des perspectives économiques qui assureront une plus grande sécurité aux États-Unis et un environnement plus prospère pour nos entreprises comme pour les autres.
    Nous savons également que le secteur privé peut souvent être fournisseur et prestataire de l'aide humanitaire dans les zones de conflit lorsqu'il nous est impossible d'intervenir. L'automne dernier, dans la lutte contre la famine dans la Corne de l'Afrique, nous ne pouvions pas avoir accès aux régions du sud de la Somalie. Des dizaines de milliers de personnes y mouraient de faim. Nous avons collaboré avec des entreprises du secteur privé et d'autres partenaires. Ceux-ci ont pu intervenir au niveau des chaînes d'approvisionnement et des réseaux commerciaux, et nous savons que des dizaines de milliers de vies ont ainsi pu être sauvées.
    Nous vous recommandons donc à nouveau d'examiner les partenariats public-privé dans une optique ne se limitant pas aux seuls investissements consentis. Quels autres atouts ces partenaires peuvent-ils mettre à contribution?
    C'est en raison de nos liens de longue date avec ces entreprises que nous pouvons faire appel à leurs services à tout moment lorsqu'il y a des crises comme en Haïti ou dans la Corne de l'Afrique. Nous pouvons ainsi leur dire qu'il y a un problème à régler de toute urgence dans la Corne de l'Afrique, par exemple, pour leur demander si elles ont des activités là-bas, ou des réseaux de distribution, ou si elles sont accès à de l'eau ou à des aliments à proximité en vue d'une éventuelle distribution. Nous avons réussi à nous assurer leur concours.
    En terminant, j'aimerais vous donner deux exemples de partenariats public-privé. J'ai choisi des partenariats que nous avons établis avec des entreprises canadiennes que vous connaissez bien.
    Le premier est dans l'industrie minière au Pérou. Le projet de réduction de la pauvreté mené par USAID au Pérou repose sur la conviction que la meilleure façon de réduire la pauvreté consiste à aider les petites entreprises, principalement les exploitations agricoles familiales qui dominent dans le pays, à produire des denrées de qualité pour lesquelles la demande est élevée. Ce projet a aidé de petites entreprises péruviennes à réaliser des ventes additionnelles de 300 millions de dollars qui auraient été impossibles autrement.
    Cette valeur a été mesurée en comparant les ventes annuelles d'une entreprise avant de participer au projet et son nouveau chiffre d'affaires après le début de la relation. C'est vraiment significatif, car nous estimons que le suivi et l'évaluation sont des éléments critiques. Non seulement faut-il convenir au départ d'un objectif de développement, mais il faut aussi être suffisamment sensés et honnêtes avec nous-mêmes comme avec nos partenaires pour se demander si cet objectif est bel et bien atteint et comment nous allons nous en assurer.
    Ce qui distingue ce projet des projets de développement habituels, c'est la relation avec le secteur privé. Le projet compte maintenant 11 partenaires privés qui ont fourni le financement nécessaire pour établir dix centres de services économiques dans toutes les régions du Pérou.
    Barrick, un chef de file canadien du secteur minier, a signé en 2011 une entente visant la création de deux centres de services économiques dans le nord-ouest du Pérou, une région où 30 p. 100 des résidants vivent sous le seuil de la pauvreté. Nous avons mené à bien ce projet dans d'autres régions du Pérou et notre partenariat public-privé avec votre société minière nous donne l'occasion de l'étendre dans un secteur aux prises avec une pauvreté extrême.
(1550)
    Barrick a investi un montant égal à la contribution de 590 000 $ de USAID sur une période de trois ans afin d'établir le centre de services économique de la Libertad. L'entreprise a aussi versé 270 000 $ pour l'autre centre situé à Ancash. Nous visons la création de 800 emplois permanents et une hausse des ventes de 4,8 millions de dollars. Plus important encore, longtemps après notre départ et celui de la société minière, ces agriculteurs pourront toujours compter sur cette infrastructure pour s'assurer à long terme un accès durable aux marchés.
    Le deuxième exemple est un projet de services bancaires mobiles que nous considérons déjà comme l'un des plus importants facteurs de changement dans le domaine du développement depuis des décennies. Pour vous donner une idée, il y a plus de 500 000 succursales bancaires dans le monde, mais 5 milliards de téléphones mobiles. Près de 2 milliards de personnes ont accès au téléphone, mais pas aux services bancaires. Il leur est donc impossible de participer au secteur financier traditionnel ou de démarrer une entreprise dont la croissance exige l'accès aux services d'une banque. Si tous les téléphones mobiles pouvaient se transformer en succursales bancaires ou en caisses enregistreuses pour de petites entreprises, nous croyons que les retombées économiques de l'inclusion financière pourraient transformer les pays pauvres de la planète. Nous constatons déjà des résultats mesurables qui appuient cette hypothèse au Kenya. En moins de cinq ans, 70 p. 100 des adultes du pays ont obtenu l'accès au système financier et bancaire grâce à MPesa, un service mobile de transfert d'argent.
    Je vais maintenant vous parler de notre partenariat public-privé avec la banque Scotia en Haïti. Ma première journée de travail a été celle du séisme en Haïti; j'ai été pratiquement un mois sans rentrer à la maison. Et j'ai finalement pris l'avion... J'étais en charge de tout ce qui était déficient dans nos efforts d'intervention ainsi que de la coordination de notre partenariat public-privé. Vous pouvez vous imaginer que c'est un mois au cours duquel nous avons tous été extrêmement occupés, car la survie de nombreuses personnes dépendait de notre capacité à régler les problèmes de logistique pour faire entrer le secours au pays en temps opportun.
    Au bout d'un mois, nous nous sommes rendus là-bas pour constater que si 80 p. 100 des Haïtiens avaient accès à un téléphone cellulaire, 90 p. 100 d'entre eux n'avaient pas de compte bancaire. Nous savions encore là que nous pourrions grandement améliorer les choses en transformant tous ces téléphones mobiles en dispositifs d'accès aux services bancaires.
    Le séisme a détruit près du tiers des succursales bancaires, des guichets automatiques et des postes de transfert d'argent du pays. Nous savons bien sûr que la situation peut souvent devenir chaotique lorsque les banques ferment leurs portes ou que les gens n'ont pas accès à leur argent. Nous avions donc 90 p. 100 des Haïtiens qui n'avaient pas de compte bancaire. Pour ceux qui en avait un, la plupart des guichets automatiques et des succursales étaient fermés. Nous nous sommes donc dit que le moment était peut-être venu d'accélérer la mise en place de services financiers mobiles.
    De concert avec la Fondation Bill et Melinda Gates, nous avons offert une subvention incitative pour accélérer la mise en oeuvre de tels services. Il y avait deux grandes entreprises offrant des services financiers mobiles. Nous avons offert 2,5 millions de dollars à la première qui serait en mesure de mettre en service un marché financier mobile. Nous avons aussi indiqué que nous allions donner 1,5 million de dollars à la deuxième, car nous souhaitions que toutes les deux participent au processus et qu'aucune ne soit laissée pour compte. Digicel et sa banque partenaire canadienne, la banque Scotia, ont reçu la contribution de chef de file de 2,5 millions de dollars pour leur produit financier mobile. Celui-ci permet aux Haïtiens d'effectuer toutes les opérations bancaires, comme les retraits, les dépôts et les virements sécurisés avec leur téléphone mobile.
    Il y a actuellement plus de 800 000 utilisateurs inscrits en Haïti et plus de 960 agences au service des clients. Dans un pays qui compte moins de deux succursales bancaires par 100 000 habitants, l'accès aux services financiers a presque doublé en moins de deux ans. D'après un représentant de la banque Scotia, le service mobile traite maintenant jusqu'à 300 000 transactions par mois.
    Le développement est certes une entreprise à long terme qui peut être complexe, mais nous croyons qu'il y a vraiment des occasions à saisir pour devenir des facteurs de changement. L'exemple que je viens de vous donner l'illustre bien. Les systèmes mobiles de transfert d'argent servent de tremplin vers d'autres services financiers. Par ailleurs, bon nombre de ceux qui envoient de l'argent vers leur pays d'origine n'apprécient pas vraiment la façon dont leurs proches utilisent cet argent.
(1555)
    Nous travaillons présentement à un projet avec la diaspora philippine. En moyenne, les migrants philippins au Canada payent 15 $ canadiens par année pour envoyer de l'argent dans leur pays d'origine. Nous sommes en train de mettre sur pied un système qui leur permettra d'envoyer l'argent directement aux établissements d'enseignement des Philippines, par téléphone mobile, afin de payer les droits de scolarité. Au lieu d'envoyer l'argent à leur frère, leur soeur ou leur cousin, en espérant que les droits de scolarité seront acquittés, ils verseront cet argent directement aux écoles. Voilà une idée des projets novateurs que nous avons.
    Cela étant dit, j'aimerais vous remercier infiniment de m'avoir donné la chance de présenter ma déclaration préliminaire et je vous invite à consulter mon mémoire, dans lequel vous trouverez des recommandations.
    Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame O'Neill.
    Nous allons commencer notre série de questions du côté de l'opposition.
    Monsieur Saganash, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame O'Neill, de votre exposé. Ce que vous nous avez présenté ici est très utile pour le travail que nous devons faire. En outre, le Canada peut certainement s'inspirer de l'expérience américaine au chapitre des PPP.
    Sur le site Web de votre organisme, mon personnel a trouvé un article daté d'avril 2012, je crois, intitulé Aligning the Goals of Development and Business. Ce titre, qu'on pourrait traduire par « Harmoniser les objectifs du développement et des affaires », me donne l'impression qu'on veut utiliser l'aide internationale pour favoriser des objectifs commerciaux. Est-ce le cas?
    Non, ce n'est pas le cas. Il s'agit de voir où les objectifs commerciaux recoupent nos objectifs de développement. Nos objectifs de développement sont mis de l'avant et nous les défendons farouchement dans le cadre de nos négociations. Nous recherchons cette jonction où les besoins et les occasions d'affaires chevauchent les besoins et les occasions de développement.
    Merci.
    Dans votre exposé, vous avez donné les deux exemples de Barrick Gold et de la Banque Scotia, deux entreprises extrêmement rentables. Il y a une chose que je dois absolument comprendre dans tout cela. Lorsque votre organisme travaille avec une entreprise comme Barrick, fait-il une évaluation de cette entité privée et de la façon dont elle mène ses activités partout dans le monde, et en tient-il compte lorsqu'il décide de lui accorder un financement ou de lui refuser?
    Nous choisissons chacun de nos partenaires avec beaucoup de prudence. Nous vérifions si le dossier de chacun est entaché; nous déterminons si ces accrocs sont assez importants pour que nous renoncions à une entente, ou si nous voyons un changement dans la gestion et dans son orientation. C'est donc une partie très importante et très longue de notre analyse, et elle sera déterminante pour la conclusion ou le rejet d'une entente.
    L'autre chose dont nous tenons compte, c'est l'ampleur des avantages ou des désavantages qu'un partenariat public-privé aura sur les habitants. Il importe pour nous que les autochtones qui vivent dans la région où le partenariat public-privé prendra forme en tirent des avantages plutôt que des inconvénients.
    Sur quoi repose cette évaluation? Est-ce sur les normes internationales qui existent aujourd'hui, ou des considérations constitutionnelles...
    Nous avons généralement des entretiens. Nous ne substituons pas notre jugement au leur, mais nous les consultons généralement et nous sommes attentifs à ce qui est important pour eux dans ce processus.
    Comment évaluez-vous les propositions de vos éventuels partenaires? Tenez-vous compte à la fois des besoins de développement de la collectivité et de l'entreprise privée qui doit favoriser ses opérations dans un contexte donné? Comment...
    Les besoins doivent vraiment se recouper parce que, s'ils ne coïncident pas, le projet ne fonctionnera pas à long terme. Nous sommes intéressés à conclure un partenariat durable qui produira des avantages multiples. Si le partenaire du secteur privé en tire des avantages extraordinaires alors que le pays ou la population locale n'en profite pas ou peu, ce partenariat public-privé ne nous intéresse pas.
    Par ailleurs, si c'est la localité qui retire tous les avantages, nous savons qu'il y a de fortes chances que l'entreprise privée se retire du partenariat avant terme. Nous cherchons ce point d'équilibre où les besoins se recoupent vraiment, et nous voulons être honnêtes envers nous-mêmes lorsque l'écart est trop grand.
(1600)
    Comment votre approche à l'égard du secteur privé se compare à celle des autres pays du G8, comme la Grande-Bretagne ou la France? Pouvez-vous nous en parler également?
    Je ne voudrais pas substituer mon jugement au leur, mais je dirais que, tous les cinq ans, un groupe de représentants des pays de l'OCDE vient évaluer notre programme d'aide au développement. Cette année, ils ont coté et évalué nos partenariats public-privé et ils ont dit qu'ils étaient les meilleurs du monde. Je peux donc dire que c'est une tierce partie qui a fait cette évaluation indépendante et qui a tiré cette conclusion.
    Votre organisme utilise-t-il des critères pour la sélection des entreprises avec lesquelles vous allez travailler?
    Outre le fait qu'il faut un objectif commun de développement et une perspective de durabilité à long terme sans qu'il y ait un soutien continu de la part du gouvernement américain, nous nous soucions aussi des risques pour notre réputation. Nous nous demandons si la conclusion de ce partenariat risquerait d'entacher la réputation du gouvernement des États-Unis. C'est l'autre grand critère.
    Merci.
    Quel pourcentage des demandes que vous recevez sont rejetées? En avez-vous une idée?
    Je ne le sais pas. La plupart du temps, on s'aperçoit dès les premières démarches que le projet n'est pas du tout acceptable pour nous, et nous sommes très honnêtes à ce sujet. Je dirais que le tiers du temps, en particulier quand ce sont des entreprises nouvelles qui n'ont jamais eu affaire avec USAID, nous avons un entretien où nous indiquons ce qui fonctionne pour nous et comment un partenariat peut être avantageux pour nous.
    Très bien. Merci.
    Nous allons maintenant passer du côté du parti ministériel. Nous allons donner la parole à M. Van Kesteren pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame O'Neill, de votre présence. C'est un grand honneur pour nous de vous accueillir ici.
    C'est très intéressant d'entendre que votre organisme s'est classé au premier rang. C'est dommage que notre entretien ne dure qu'une heure, parce que vous pourriez probablement nous en apprendre beaucoup.
    Chose intéressante, le président Obama a affirmé publiquement que la croissance et la solution aux problèmes du tiers monde passent par les petites entreprises et l'expansion des petites entreprises qui produisent des biens, comme vous l'avez dit.
    Notre comité a fait un voyage en Ukraine la semaine dernière et a vu certains de ses problèmes. Je mentionne l'Ukraine parce qu'on y avait banni la propriété privée, comme dans de nombreux pays du tiers monde. C'est un problème que nous voyons en Afrique et dans des endroits semblables: la propriété privée n'existe pas.
    M. de Soto a comparu devant nous par vidéo et il a insisté sur l'importance de la propriété. Ce problème semble omniprésent dans les anciens pays communistes, mais aussi dans des endroits comme en Afrique, ou les chefs tribaux ont... Même dans notre pays, en Amérique du Nord, nous en faisons encore l'expérience dans une certaine mesure avec nos Premières nations. Que fait USAID pour corriger cette situation? Prenez-vous des mesures d'encouragement ou de sensibilisation à cet égard? Quelle est votre approche?
(1605)
    Cet aspect complète bien ce dont nous avons parlé. Nous croyons fermement dans l'un des mérites que l'aide publique au développement — et probablement elle seule — peut avoir, c'est-à-dire qu'elle renforce le milieu pour permettre aux entreprises, petites ou grandes, de prendre de l'expansion.
    Je vais vous donner un exemple. Je vais aussi vous donner un exemple de petites entreprises, parce que le président Obama croit dans toute la croissance économique, et non seulement dans les petites entreprises; c'est simplement qu'à titre d'organisme d'aide, nous nous soucions de l'ensemble des entreprises.
    En Argentine, qui n'est pas vraiment un pays en développement, il faut quatre ans pour obtenir un permis d'entreprise. Je suis une entrepreneure en série. À Seattle, il me faut une heure et demie pour obtenir un permis d'entreprise, et c'est parce que le trajet entre Seattle et Olympia prend une heure et demie. Si je vivais à Olympia, j'aurais mon permis en une dizaine de minutes.
    Un certain nombre de facteurs entrent en jeu, que ce soit les droits de propriété ou la facilité de faire des affaires. Les entreprises démarrent dans l'économie parallèle et n'entrent jamais dans l'économie officielle, et le pays est embourbé dans ce marasme économique. Selon nous, un des rôles importants que nous jouons est de contribuer à la création d'un environnement propice à l'entrepreneuriat, à la propriété public-privé.
    Nous croyons aussi que la technologie peut jouer un grand rôle. Je suis technologue de formation, alors cet aspect est particulièrement intéressant pour moi. Je ne suis pas certaine que, de notre vivant, tous les droits de propriété seront contestés partout dans le monde, mais une nouvelle tendance se dessine où les droits de propriété sont mis dans le monde virtuel et tout le monde décide où se trouvent les limites.
    Je me suis entretenue un peu plus tôt aujourd'hui avec un membre du comité et nous avons parlé d'un projet où des gens cartographient leur quartier pour que nous puissions obtenir des cartes. La croyance veut que si vous déclarez des droits de propriété dans le monde virtuel, avec le temps nous pourrions créer cela plus rapidement que les gouvernements. Nous croyons que la technologie, ainsi que l'environnement qui permet cela, sont les éléments clés.
    Une dernière chose à propos de la grande entreprise par rapport à la petite entreprise. Je suis de Seattle, et Boeing est un employeur important à cet endroit. J'aime penser aux entreprises mondiales — le Canada compte un nombre important d'entreprises mondiales de premier ordre — qui fournissent souvent le locataire-clé dans ces pays en développement. Nous sommes fiers de Boeing, mais Boeing a des centaines de fournisseurs qui sont de petites entreprises installées dans l'État de Washington. Nous croyons qu'un certain nombre d'entreprises mondiales, qu'elles soient du Canada, de l'Europe ou des États-Unis, peuvent amener le genre de locataire-clé que vous avez dans un centre commercial dans ces pays et offrir des débouchés importants aux petites entreprises, sur le marché local.
    J'ai un trou de mémoire. Quel est le nom de votre organisation qui envoie de jeunes gens travailler outre-mer?
     Peace Corps.
     Peace Corps, oui.
    Nous avons mené une étude il y a environ deux ans. Nous ne l'avons pas encore terminée. Les élections y ont mis un terme. Nous avons envisagé la possibilité de mettre sur pied un projet semblable avec les fonctionnaires à la retraite. Je me demande si vous y avez songé.
    Avec toutes ces économies émergentes, surtout dans des pays comme la Mongolie, par exemple, on souhaite vraiment aller de l'avant et adopter certains principes de démocratie, mais il n'y a absolument aucune infrastructure. Je me demande si USAID a fait cette expérience ou a commencé à le faire, et quel succès elle a eu.
     Peace Corps et USAID en ont tous les deux fait l'expérience. Il n'est pas nécessaire d'avoir 21 ans pour se joindre à Peace Corps. Vous pouvez avoir 55 ou 60 ans et apporter vos compétences à Peace Corps.
    Lorsque le mur de Berlin est tombé, USAID a entrepris 22 missions en Europe de l'Est. Un des juges de la Cour suprême de l'État de Washington est allé en Estonie pour mettre sur pied tout le système judiciaire. Ce sont d'excellentes occasions de mettre en valeur notre expertise, que ce soit en démocratie ou en gouvernance.
    Au Ghana, on cultivait beaucoup d'ananas, mais la plupart étaient rejetés par les acheteurs. Dans l'une des grandes entreprises de fabrication de boissons qui était intégrée au ministère de l'Agriculture du Ghana, il y avait un expert en logistique; il ne connaissait rien à l'agriculture, mais c'était un expert en logistique. La plupart des ananas étaient rejetés et voilà que, un an plus tard, 90 p. 100 des fruits étaient acceptés. Les producteurs ont fait suffisamment de pulpe pour satisfaire les besoins locaux, en plus d'exporter les ananas en Europe.
    Je dirais que nous n'avons pas accès à ce talent autant que nous le pourrions, mais vous avez absolument raison, cela peut être... Nous avons vraiment fait des efforts de sensibilisation, en particulier auprès de la diaspora, et nous déployons des efforts importants pour accéder aux membres de la diaspora, parce qu'ils ont des compétences extraordinaires et qu'ils sont très motivés à retourner dans leur pays d'origine pour apporter une aide quelconque.
(1610)
    Merci beaucoup, monsieur Van Kesteren.
    Nous allons retourner de l'autre côté et donner la parole à M. Eyking. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame O'Neill, d'être ici aujourd'hui.
    Vous avez fait allusion aux pays développés, ou aux pays du G20, et vous avez dit qu'une des meilleures façons pour eux d'aider les pays sous-développés était de faire appel aux travailleurs étrangers. Ces gens travaillent dans ces pays et envoient de l'argent chez eux. Vous avez même mentionné que vous facilitiez les transferts d'argent vers les écoles et les établissements semblables. Vous devez donc être très en faveur de cela.
    Seriez-vous préoccupée si certains de ces pays du G20 commençaient à limiter l'arrivée de ces travailleurs étrangers? Non seulement ces hommes, pour la plupart, se verraient contraints de retourner là où il n'y a pas d'emploi, mais vous auriez aussi à combler le manque à gagner pour offrir de l'aide à ces pays, puisque vous auriez... Selon vous, est-ce une très bonne chose pour les entreprises d'un pays développé et est-ce une très bonne forme d'aide? Ne faudrait-il pas songer à changer cette politique?
    Le programme visant les travailleurs invités et l'immigration en particulier dépasse le mandat d'USAID et le mien. Je dirais que c'est là une chose sur laquelle nous ne prenons pas position.
    Vous avez dit combien c'était important pour ces pays.
    Mais ce ne sont pas seulement les travailleurs invités. Il peut s'agir de citoyens. Ce sont tous ceux qui versent de l'argent.
    Ma mère est née et a grandi aux États-Unis. Elle a adopté une famille en Ouganda, qu'elle soutient depuis longtemps. Elle lui envoie de l'argent. Elle ne peut le faire que lorsqu'elle trouve une personne qui se rend en Ouganda. Et elle se demande si l'argent arrive bel et bien à destination.
    Les versements d'argent ne concernent pas seulement les travailleurs invités. C'est toute la question de savoir qui envoient de l'argent à partir des pays développés et pourquoi.
    Vous avez mentionné aussi les économies émergentes, comme les pays BRIC. Ces pays sont responsables des deux tiers de la croissance de l'activité économique dans le monde.
    Cela étant dit, le Brésil, la Russie et l'Inde ne sont pas vraiment des joueurs importants dans l'aide internationale. La Chine commence à jouer un grand rôle, surtout en Afrique, mais c'est très différent, disons, de ce que font les pays européens ou américains. Ils ont presque une mentalité colonialiste lorsqu'ils accordent leur aide. Il y a toutes ces obligations. Ils sont les premiers à avoir accès aux produits et aux choses semblables.
    Qu'est-ce qui vous préoccupe? Que pensent faire les États-Unis à cet égard? Il y a ce genre d'aide qui arrive en Afrique, avec toutes ces obligations. Mais, par ailleurs, vous associez l'aide aux grandes compagnies qui viennent et qui fournissent cette aide. Y a-t-il de quoi s'inquiéter, du point de vue des États-Unis?
    Nous ne travaillons pas avec la Chine pour ce qui est de l'aide, mais nous entretenons des relations avec certains pays BRIC. Nous collaborons en particulier avec l'Inde et le Brésil pour les orienter en matière d'aide au développement et établir des partenariats qui correspondent à nos valeurs et à notre approche.
    C'est exact.
    Nous l'avons fait avec l'Inde, concernant la sécurité alimentaire en Afrique, et avec le Brésil, en ce qui a trait aux éleveurs de volaille au Mozambique. Comme la secrétaire d'État Clinton le dirait, nous faisons appel aux pays qui délaissent le favoritisme au profit de partenariats qui respectent nos valeurs sur le plan du développement.
    Dans votre exposé, vous avez parlé du président Obama. Avez-vous dit qu'il fallait se concentrer sur les pays qui n'auront pas besoin d'aide à l'avenir? Il faut les aider à ne plus dépendre de l'aide étrangère. Pouvez-vous donner des précisions?
    Le président Obama a dit qu'il fallait imaginer quand l'aide ne serait plus nécessaire. Voici un exemple précis.
    Un des premiers pays où AID a travaillé, c'est en Corée du Sud, qui avait un revenu par habitant plus faible que celui de n'importe quel pays de l'Afrique subsaharienne. La Corée du Sud constitue maintenant une puissance économique. C'est bien sûr l'exemple idéal de ce que nous voulons faire. Si on compare la Corée du Nord à la Corée du Sud, nous aimerions qu'il y ait plus de pays comme la Corée du Sud à l'avenir.
    C'est notre objectif. Je ne prétends pas qu'au cours de notre vie, les 79 pays où nous travaillons vont devenir des puissances comme la Corée du Sud. Mais notre aide et notre approche sont très différentes si nous prévoyons une stratégie de fin ou de retrait dès le départ. C'est ce que le président Obama nous a demandé de faire.
(1615)
    Me reste-t-il du temps?
    Deux minutes.
    J'ai deux autres questions.
    Avez-vous dit que vous aidiez 79 pays?
    En effet.
    Ici, le gouvernement actuel réduit beaucoup le nombre de pays qu'il aide pour n'en garder qu'une vingtaine. Si un pays décide de ne pas aider un grand nombre de pays, qui va le faire? En définitive, les États-Unis ont-ils un fardeau plus lourd à porter?
    Je ne le sais pas, mais nous voulons établir les conditions nécessaires à la transparence et des objectifs pour que la transition se passe bien dans les pays sources, surtout en Afrique. Étant donné qu'il y a beaucoup de minerai sur le continent africain, nous pensons que les gens ont la capacité d'y arriver. Il devient d'autant plus important, non seulement pour les partenariats public-privé, mais aussi pour les fondations et les ONG, de commencer à penser aux versements de fonds dans ces pays et à la façon de recueillir de l'argent pour obtenir de meilleurs résultats plus rapidement.
    Vous avez parlé de votre travail au Pérou. Je ne sais pas combien d'agriculteurs vous aidez là-bas, mais faites-vous davantage que de leur enseigner des techniques de culture? Les aidez-vous aussi à trouver des débouchés? Les États-Unis facilitent-ils les ententes avec les compagnies aériennes, les transporteurs et les distributeurs pour aider les agriculteurs qui produisent beaucoup plus de bleuets, de framboises ou autres à écouler leurs produits?
    Une partie du travail consiste à ouvrir des débouchés dans les marchés intérieurs. Je ne sais pas si le projet comprend les exportations, mais je vais vous en reparler. Avant tout, nous cherchons à renforcer les chaînes d'approvisionnement au pays. Nous concentrons nos efforts sur les marchandises d'exportation, mais nous pensons tout de même qu'il est avantageux pour le secteur privé d'investir directement dans les marchés intérieurs. Je vous donnerai des précisions concernant les exportations.
    Merci beaucoup.
    Nous entamons maintenant la deuxième série de questions de cinq minutes. M. Dechert et Mme Brown vont partager leur temps.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence aujourd'hui, madame O'Neill.
    Vous avez parlé de l'importance des envois de fonds de la diaspora. Il y a d'importantes diasporas de presque partout dans le monde au Canada et aux États-Unis. Pouvez-vous parler un peu de la façon dont votre organisation travaille avec les entrepreneurs de ces diasporas aux États-Unis pour qu'ils investissent dans leurs pays d'origine? Comment faites-vous pour les motiver? Je vous félicite du projet sur les frais de scolarité aux Philippines. Ma ville compte beaucoup de gens de ce pays. La diaspora travaille très fort pour envoyer de l'argent et soutenir leurs familles. C'est excellent de voir que vous facilitez les flux de capitaux qui vont directement aux écoles et aux autres établissements pour appuyer les familles.
    Je remarque aussi que vous travaillez avec la Banque Scotia en Haïti et peut-être ailleurs. Les mécanismes de paiement électronique pourraient favoriser les envois d'argent à moindre coût qu'à l'heure actuelle dans bon nombre de pays, par l'entremise d'autres organisations.
    Vous pourriez faire un commentaire sur les gens d'affaires de la diaspora.
    Je vais présenter trois points.
    La secrétaire d'État Clinton a annoncé cette année une alliance de la diaspora, établie à l'aide de notre organisation. Des partenariats seront créés. L'initiative va véritablement prendre de l'ampleur à la fin de juillet. Nous voulons développer au fil du temps une infrastructure indépendante pour que nous n'ayons pas forcément à participer à tous les projets de la diaspora.
    Si une diaspora veut prendre part à des projets précis, la fondation qui la représente ou un autre groupe va souvent s'adresser à nous. Si nous croyons que les projets présentent assez d'avantages, nous allons peut-être les cofinancer.
    La mesure qui suscite le plus notre enthousiasme — et nous l'avons appliqué en Afrique et dans les Caraïbes —, c'est de mettre en place un marché. Bien des membres de la diaspora ont gagné un assez bon montant d'argent. Ils veulent investir à l'étranger, mais ils n'ont pas de flux d'affaires. Nous avons donc établi des marchés en Afrique et dans les Caraïbes — dans ce cas, avec Western Union — pour trouver des petites entreprises qui cherchent du capital de développement. Nous offrons de la transparence à la diaspora aux États-Unis. Nous sommes sur le point de créer un deuxième marché en Afrique et nous pensons que la mesure a beaucoup de potentiel.
    Le président: Merci beaucoup.
    Madame Brown.
(1620)
    Madame O'Neill, merci beaucoup de votre présence.
    Tout d'abord, je tiens simplement à clarifier ce que M. Eyking a dit. Oui, même si l'ACDI a réduit à 20 le nombre de pays pour lesquels nous envoyons l'essentiel de notre argent, le Canada est encore très présent dans une multitude de pays, surtout dans le cadre de programmes bilatéraux. Nous collaborons avec la USAID et nous participons au Programme alimentaire mondial, à l'UNICEF, à GAVI et au Fonds du partenariat mondial. Nos mesures permettent notamment d'améliorer la santé des mères et des nouveau-nés. Nous sommes toujours actifs dans bon nombre de pays.
    Je veux revenir à votre discussion sur le projet réalisé avec Barrick Gold au Pérou. Vous avez dit que cette entreprise allait créer 800 emplois permanents. De quels secteurs est-il question? Comment ces 800 emplois vont-ils profiter à l'économie, assurer un revenu constant aux familles et générer des retombées fiscales pour le Pérou?
    L'essentiel de ces emplois sont dans le secteur agricole et sont répartis dans toute la chaîne d'approvisionnement. Il y a sûrement des emplois dans d'autres secteurs, mais la majorité d'entre eux sont dans l'agriculture. Bon nombre des petits agriculteurs n'ont tout simplement pas accès aux marchés pour vendre leurs produits. Les intermédiaires font le gros des profits, et il y a du gaspillage. Je ne connais pas les chiffres pour le Pérou, mais 40 p. 100 des produits récoltés sont gaspillés ou perdus en Inde. Dans la plupart des pays, dont le Pérou, c'est à cause de la logistique, de l'entreposage et de l'accès au marché. La plupart des emplois sont en agriculture.
    Il y a 100 ans, le Canada et les États-Unis étaient grosso modo axés sur l'agriculture. On a qu'à penser à toutes les innovations venues des collectivités agricoles qui ont donné lieu à de grandes entreprises. Ces emplois pourraient fort bien rester permanents.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Laverdière, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame O'Neill. Merci à vous deux de votre présence et de votre exposé très intéressant.
    J'aimerais poursuivre sur un point qui me semble important. Barrick crée des emplois dans le secteur agricole. Ces emplois ne sont donc pas liés à proprement parler aux activités de cette entreprise. Voyez-vous ce que je veux dire?
    Ces 800 emplois présentent un intérêt pour Barrick. Je peux vous donner le détail des emplois. On m'a dit qu'ils étaient dans l'agriculture. Un certain nombre d'emplois concernent peut-être les activités minières. Notre partenariat public-privé a un objectif de développement qui profite à l'économie en général dans la collectivité où se déroulent des activités minières. C'est l'idée qui sous-tend les pôles économiques. L'objectif, ce n'est pas d'avoir les travailleurs nécessaires aux activités minières, mais d'entraîner des retombées positives en général.

[Français]

    Merci beaucoup. En effet, c'est un point important à soulever.
    En introduction, je vais poser une petite question qui a l'air un peu ridicule, mais qui est importante. En quelques mots, quels sont les principaux objectifs de développement auxquels vous vous référez?
(1625)

[Traduction]

    Nous avons quatre grands objectifs de développement: la sécurité alimentaire; les soins de santé adéquats, surtout concernant les décès évitables; la croissance économique dans tous les secteurs, qui est selon nous essentielle; et l'aide humanitaire, avant tout pour ce qui est des catastrophes naturelles. Ce sont nos quatre objectifs, et notre objectif global, mis de l'avant par le président, porte sur les changements climatiques. Nous voulons que toutes les mesures tiennent compte davantage de l'environnement.
    Je souligne que nous ne sommes pas contre les partenariats occasionnels avec de grandes entreprises pour offrir l'infrastructure, la formation et les compétences en affaires dont leurs fournisseurs locaux ont besoin. On peut dire que c'est un objectif de développement. Même si ce n'est pas notre principal objectif de recruter et de former des gens pour permettre aux entreprises comme Barrick ou Intel de prendre de l'expansion, nous pensons que ces partenariats favorisent le développement. De tels partenariats peuvent profiter directement aux entreprises qui participent aux activités.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Une chose m'a frappée dans votre présentation, et c'est le fait que vous travaillez avec la Banque Scotia, Barrick Gold, etc. Traitez-vous avec des compagnies de partout dans le monde, ou y a-t-il une tendance? Quelle proportion de vos partenaires les compagnies américaines représentent-elles, environ?

[Traduction]

    Je ne connais pas les pourcentages par coeur, mais nous sommes prêts à conclure des partenariats partout dans le monde. Nous établissons des partenariats avec des petites et des grandes entreprises dans les pays développés et les pays en développement.
    Sans surprise, nous n'avons pas réglé tous les problèmes qui nous empêchent d'établir un partenariat avec une grande organisation comme le gouvernement des États-Unis. En général, nous signons des partenariats avec des grandes entreprises, situées au pays ou n'importe où dans le monde. Si nous sommes d'accord sur un objectif de développement, nous n'y voyons pas d'inconvénient.
    Merci. C'est un aspect très intéressant. Il faut regarder le portrait d'ensemble. Vous travaillez en partenariat avec des grandes entreprises, mais vous continuez de travailler avec des ONG. La USAID a-t-elle conclu des partenariats tripartites avec des ONG et des entreprises privées?
    Une très grande partie de nos partenariats comprennent une ONG ou un partenaire de mise en oeuvre. Par exemple, Coca-Cola, propriétaire de la marque Odwalla, s'est manifesté après le tremblement de terre en Haïti pour importer davantage de mangues. Ce pays est un grand producteur, mais ses mangues n'ont pas la qualité requise à l'exportation et ne peuvent pas servir à produire du jus. Nous avons travaillé en partenariat avec une ONG pour indiquer aux agriculteurs et aux transformateurs locaux quelles étaient les normes mondiales en ce qui a trait aux mangues. Coca-Cola et Odwalla pourraient donc en acheter davantage. C'est un exemple de relation tripartite qui profite à tous.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à Mme O'Neill de témoigner aujourd'hui et de nous aider dans notre étude sur le rôle du secteur privé dans l'atteinte des objectifs du Canada en matière de développement.
    Votre organisation travaille de plus en plus avec le secteur privé pour aider les États-Unis à atteindre ses objectifs de politique étrangère. Les investissements du secteur privé représentent environ 80 p. 100 de tous les investissements dans les pays en développement. D'après votre expérience, quels sont les avantages de travailler avec le secteur privé pour atteindre les objectifs de développement et d'aide humanitaire? Pourriez-vous donner des exemples à partir des expériences de la USAID?
(1630)
    Merci.
    En fait, j'irais même jusqu'à dire que la collaboration avec le secteur privé a été indispensable à l'atteinte de nos objectifs. En voici quelques exemples.
    L'Afghanistan est un pays complexe pour tous depuis un bon bout de temps. Actuellement, la moitié des fonctionnaires de ce pays sont rémunérés en espèces. Ils croient que la moitié, chaque jour, des policiers et des militaires ne se présentent pas au travail, en grande partie parce que, le jour de paie, ils se rendent à la banque à pied pour encaisser le chèque, puis à la maison pour donner l'argent à leurs familles.
    Nous avons donc noué un partenariat avec la première entreprise de télécommunications mobiles de ce pays — nous avons par la suite élargi ce programme à toutes ses homologues — pour, à titre expérimental, rémunérer les agents de police en argent mobile plutôt qu'en argent liquide. Nous avons découvert que leurs salaires se sont majorés de 30 p. 100, en moyenne. On peut aussi penser que c'était la marge qui était prélevée entre le départ de l'argent de Kaboul et le moment où l'agent le touchait.
    Le point vraiment important n'est pas l'existence de cette corruption ou de ce prélèvement frauduleux, mais c'est que, en recevant 30 p. 100 de moins, ces agents touchaient moins que ce que les talibans étaient prêts à leur offrir. Quand ils ont reçu leur plein salaire, ils gagnaient davantage que ce que les talibans leur offraient.
    En Afghanistan, il n'existe pas d'infrastructure pour la rémunération électronique. Le gouvernement afghan n'en possède pas non plus, mais les entreprises de télécommunications mobiles, oui. Cette expérience nous a tellement ravis que nous avons créé un fonds d'innovation pour inciter ces entreprises à utiliser l'argent mobile. Comme vous savez, la première banque du pays, la Banque de Kaboul, s'était également effondrée. La situation ressemble jusqu'à un certain point à celle d'Haïti. Après l'effondrement d'un élément très important de l'infrastructure financière, les possibilités d'un redressement très différent...
    La sécurisation de l'argent mobile pose beaucoup de difficultés. Nous avons donc collaboré très étroitement avec notre trésorerie pour nous assurer que cet argent ne servirait pas au financement de la criminalité ou du terrorisme ni au blanchiment. Ces questions pour nous complexes donnent néanmoins un exemple de l'impossibilité de la tâche pour un organisme d'aide comme le nôtre, n'eût été le partenariat avec le secteur privé.
    Pourriez-vous également nous parler du programme des maladies tropicales négligées? Est-ce qu'il a vraiment été couronné de réussite et a-t-il profité de l'appui du secteur privé?
    Nous sommes vraiment emballés par un partenariat que nous avons conclu sur les maladies négligées, notamment en ce qui concerne la vermifugation. Beaucoup d'enfants des pays en développement ne vont pas tous les jours à l'école. Nous pensions que les parents les retenaient pour les travaux des champs ou parce que les jeunes filles avaient leurs règles — il y avait d'innombrables raisons. Nous avons constaté que c'était parce que beaucoup d'entre eux se sentent simplement souffrants. L'eau malpropre leur donne des vers intestinaux.
    Il y a 10 ou 15 ans, l'étude d'un universitaire a conclu qu'il suffisait d'une petite pilule vermifuge, prise une ou deux fois l'an, pour, en fait... Un essai témoin randomisé — très semblable à ceux dont ont fait l'objet les découvertes pharmaceutiques — a fait constater une chute de 25 p. 100 de l'absentéisme scolaire. Mais, surtout, il est tombé dans l'oubli assez longtemps — personne ne l'a reprise à une échelle plus grande — pour qu'on puisse retrouver les participants et les interroger de nouveau. La chute de l'absentéisme leur avait-elle été vraiment bénéfique? De fait, ils ont fréquenté l'école plus longtemps et, parvenus à l'âge adulte, ils gagnent des salaires sensiblement plus élevés — de 20 p. 100.
    Nous avons donc noué un partenariat public-privé, qui nous emballe beaucoup, avec un fonds spéculatif du Royaume-Uni. Les créateurs du fonds Children's Investment Fund Foundation ont promis qu'il rapportera aux investisseurs, mais que leur argent ira dans une fondation pour aider les enfants.
    La réussite a été éclatante. La fondation possède maintenant 2 milliards de dollars, qui permettront la distribution des médicaments partout au Kenya. Les sociétés pharmaceutiques font don des pilules. Grâce à notre partenariat avec une fondation texane, nous entreprenons l'élargissement du programme à trois ou quatre pays. Nous nous réjouissons particulièrement du caractère factuel de ce programme et que nos partenaires soient inhabituels. Qui songerait à des fonds spéculatifs comme partenaires de lutte contre des maladies négligées? Enfin, nous extrapolons le programme à la grandeur d'un pays, puis, en fin de compte, du continent.
(1635)
    Merci. C'est tout le temps dont nous disposons.
    J'ai une question très simple.
    Elles sont toutes simples, mais vous avez pris une trentaine de secondes de trop.
    Madame O'Neill, c'est tout le temps dont nous disposons, mais je vous laisse le mot de la fin. Vous n'avez pas eu la possibilité de résumer vos recommandations. Le feriez-vous pour nous? Je sais que vous avez un avion à attraper, mais pourriez-vous, pour résumer vos recommandations, prendre deux ou trois minutes de plus?
    Je soumets trois recommandations à votre examen. Nous avons constaté que les trois éléments en question avaient été indispensables à la réussite des partenariats publics-privés. Ils accélèrent l'atteinte des résultats en matière de développement, diminuent le risque de conséquences imprévisibles et augmentent la probabilité de résultats durables.
    Il faut d'abord obtenir l'appui et les encouragements des dirigeants pour les partenariats. Si les employés ont l'impression qu'ils ne seront pas évalués en fonction d'eux, ils ne se s'en soucieront pas, il n'auront pas le sentiment qu'ils sont indispensables plutôt que facultatifs. Je parle des encouragement utilisés à USAID.
    Ensuite, il faut créer un point d'entrée facile pour les partenaires, pour devenir le partenaire qu'ils préfèrent. Vous devenez l'organisme avec qui les gens veulent nouer des partenariats. Ils veulent mettre à votre disposition leur argent et leurs avoirs. Discutez franchement des compétences de base et des motivations de chaque partenaire. En outre, comme je l'ai dit hier, ne nous entichez pas du partenariat. Soyez prêts à vous en séparer, si vous flairez quelque chose de louche ou si les objectifs ne vous semblent pas tout à fait cohérents.
    Enfin, nous avons constamment à l'esprit, la journée durant, trois notions qui ne s'appliquent pas seulement à nos partenariats publics-privés, mais à toutes nos actions: impact, envergure et durabilité. Si, au départ, on néglige d'y songer, elles ne se manifesteront pas par miracle dans un partenariat ou au moment où il tirera à sa fin.
    En conclusion, je vous suis reconnaissante de votre étude riche en réflexions sur cette question, au cours de la dernière décennie. J'espère avoir pu vous donner des idées et de l'aide pour la réflexion que vous entreprendrez. Nous avons hâte d'avoir de vos nouvelles quand vous vous engagerez à votre tour dans ce secteur d'activités.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Pendant qu'un nouveau témoin approche, je suspends la séance.
(1635)

(1640)
    Eh bien, reprenons.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à Karyn Keenan, agente de programme à la Coalition Initiative de Halifax.
    Madame Keenan, merci d'être venue. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration préliminaire. Ensuite, les membres vous questionneront pour obtenir des éclaircissements ou pour approfondir certains de vos propos.
    Je me tais maintenant et je vous cède la parole. Vous disposez de 10 minutes.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité. Pour ceux qui ne savent pas, Initiative d'Halifax est une coalition d'organismes confessionnels et syndicaux qui militent pour le développement, l'environnement, les droits de la personne et qui travaillent à démocratiser le système financier international. Créée en 1994, elle cherche à rendre les établissements financiers publics plus transparents, plus démocratiques et plus responsables.
    Mes observations d'aujourd'hui concerneront l'industrie extractive, qui est au centre des programmes canadiens visant à promouvoir le secteur privé dans les pays en développement.
    À titre d'avocate, j'ai consacré plus de 15 ans de ma vie à la politique et au droit canadiens concernant l'industrie extractive à l'étranger. Pendant mon séjour au Pérou, j'ai travaillé directement avec les communautés autochtones victimes des sociétés minières transnationales. Plus tard, en ma qualité de consultante auprès d'Amnistie Internationale, j'ai examiné les répercussions d'un gazoduc sur les communautés autochtones du Pérou.
    En 2006, j'ai fait partie du groupe consultatif auprès de la table ronde nationale du Canada qui a examiné les activités extractives des sociétés canadiennes dans les pays en développement. Le comité a entendu des témoignages sur la relation entre les investissements du secteur privé et le développement, qui lui ont rappelé que ces investissements, en soi, ne conduisent pas au développement durable. De fait, ils peuvent y nuire et c'est ce qu'ils font souvent.
    Il faut un ensemble complexe de conditions politiques, juridiques, institutionnelles et sociales pour que la prospérité produite par le secteur privé contribue sensiblement au développement durable d'un pays et de ses habitants et pour réduire au minimum et internaliser les coûts souvent dévastateurs qu'engendre l'entreprise privée.
    Nous savons que, dans de nombreux pays en développement, ces conditions n'existent pas. D'où le dilemme pour tout gouvernement consciencieux qui envisage la promotion de ses sociétés comme mécanismes de développement dans l'hémisphère Sud.
    J'aimerais consacrer quelques minutes à l'examen de ces questions en insistant sur l'exemple du Pérou, pays que je connais bien et qui est le fétiche du nouveau programme de l'ACDI en faveur du secteur privé. Les industries extractives ont un rôle central dans l'économie péruvienne. Comme de nombreux autres pays nantis en ressources, le Pérou a dû se plier à un programme de réforme structurelle imposé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et mis en place au début des années 1990, après l'accession au pouvoir d'Alberto Fujimori. Actuellement, Fujimori est en prison, pour détournement de fonds, corruption et exécutions extrajudiciaires.
    Au Pérou, le programme de réforme structurelle visait à faciliter l'investissement privé, grâce à la libéralisation radicale du cadre des échanges et des investissements du pays. Il prévoyait la privatisation; l'allégement de la fiscalité et des redevances, comme la suppression de toutes les redevances sur les productions minérales; la conclusion d'accords de stabilité et la suppression d'importants mécanismes de protection sociale et environnementale. Depuis, l'investissement étranger dans les secteurs minier, pétrolier et gazier a sensiblement augmenté.
    À la fin des années 1990, le Pérou était l'un des pays d'Amérique latine où les recettes fiscales étaient les plus faibles. En dépit d'une croissance économique époustouflante, une profonde pauvreté persistait, notamment dans les régions riches en dépôts minéraux ainsi qu'en pétrole et en gaz.
    Dans un rapport récent sur la violence et les conflits sociaux, l'ombudsman national du Pérou avançait l'explication suivante:
Après 10 années de croissance économique ininterrompue, alors que le PIB réel a augmenté annuellement de 7,15 p. 100 en moyenne et après 20 années d'économie de marché et le recul apparent de la pauvreté, une partie importante de la population continue de vivre dans la pauvreté ou la pauvreté extrême et n'a connu aucune amélioration sensible de sa qualité de vie.
    Les Péruviens sont écartés des processus publics de décision, ils ne reçoivent souvent presque rien des investissements dans les industries extractives, ils supportent les coûts sociaux et environnementaux souvent faramineux de ces activités et ils sont battus, incarcérés et assassinés lorsqu'ils se portent à la défense de leurs droits.
    Dans ce contexte, il ne faut pas être surpris que le boom de l'industrie extractive au Pérou ait été accompagné d'une explosion des conflits. D'après l'ombudsman, les investissements dans cette industrie sont la principale cause de conflit social dans le pays. Dans un rapport récent, il révèle une augmentation de plus de 300 p. 100 des conflits sociaux au cours des cinq dernières années. L'augmentation concerne le nombre, l'intensité et l'extension géographique des conflits sociaux et écologiques.
(1645)
    En voici des exemples.
    En 2009, des Autochtones péruviens ont organisé une importante protestation contre l'adoption de nouvelles dispositions législatives qui facilitaient les activités extractives dans les territoires où ils vivaient. Le 5 juin, la police nationale a attaqué les protestataires, déclenchant un affrontement violent qui a abouti à la mort de 33 personnes. Le premier ministre a été contraint de démissionner à cause de la façon dont le gouvernement avait traité l'incident, et le Congrès a abrogé un certain nombre des décrets contestés.
    Plus récemment, à la fin de 2011, un conflit sur le projet de mine Conga de Newmont a entraîné la démission du premier ministre et de tout le cabinet péruvien, moins de cinq mois après l'assermentation du président Humala.
    Le mois dernier, j'ai accompagné une délégation de dirigeants des Autochtones Achuar, de l'Amazonie péruvienne, à la Chambre des communes. Leur territoire traditionnel fait partie d'une concession pétrolière détenue par une société canadienne, Talisman Energy. Les Achuar déplorent la dévastation du bassin hydrographique voisin par une société pétrolière américaine. Leurs voisins ne peuvent plus se nourrir de poissons ou d'animaux locaux. Les Achuar sont venus au Canada exiger le départ de Talisman de leur territoire.
    Enfin, cette semaine, deux Autochtones ont été tués et l'état d'urgence déclaré à Cusco, à la mine péruvienne Tintaya de Xstrata.
    Manifestement, au Pérou, les conditions indispensables au soutien du développement durable par les investissements dans les industries extractives font défaut. Pourtant, le Pérou est la première destination des nouveaux projets parrainés par l'ACDI pour promouvoir ces industries.
    Comment le gouvernement du Canada réagit-il au problème? Une solution serait d'appuyer le développement d'une gouvernance robuste au Pérou et dans d'autres pays en développement. Une option complémentaire serait de s'assurer de réglementer au Canada les activités des sociétés canadiennes à l'étranger qui profitent du soutien de l'État.
    Comment cela se passe-t-il, à ce sujet, pour le Canada? Il importe d'abord de noter que le Canada finance la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et qu'il siège à leurs conseils d'administration. Il est donc en partie responsable du programme de réforme structurelle qui a empêché le gouvernement péruvien de réglementer l'industrie extractive et de retirer sa juste part de la richesse produite par elle, au profit du peuple péruvien.
    En 2008, il a davantage affaibli le Pérou par un accord de libre-échange avec ce pays, assorti de clauses sur les États investisseurs, qui compliqueront au Pérou la tâche de renforcer ses règlements en faveur des communautés locales sans courir le risque d'être poursuivi par les sociétés canadiennes touchées.
    C'est le sort qu'a connu le gouvernement du Salvador, contre qui une société minière canadienne, Pacific Rim, a entamé des poursuites en vertu de l'accord de libre-échange de l'Amérique centrale, après son refus de lui accorder un permis d'exploitation minière.
    Pendant plus de 10 ans l'ACDI a financé un projet qui cherchait à augmenter la gouvernance du gouvernement péruvien dans ses relations avec le secteur minier. Comme des chercheurs de l'Université du Québec à Montréal l'ont signalé, le projet PERCAN était d'une portée limitée, étant axé sur la résolution des différends, et laissant de côté les questions de légitimité, de responsabilité et de responsabilisation qui sont à l'origine des conflits touchant l'exploitation minière au Pérou.
    Le projet souffrait d'un parti pris inhérent en faveur du secteur minier, cherchant à rendre l'activité socialement plus acceptable. Il n'envisageait pas la promotion de processus et mécanismes institutionnels capables d'équilibrer le rapport de forces extrêmement inégal qui existe entre les multinationales, les communautés et les pouvoirs locaux ni la mise en place de conditions favorables à des processus vraiment participatifs de décision et de contrôle pour les activités minières. En fait, le nombre et l'intensité des conflits reliés aux mines, au Pérou, ont sensiblement augmenté pendant la durée du projet PERCAN.
    Non seulement le Canada a-t-il rendu le Pérou impuissant face aux multinationales, mais il a également refusé de réglementer les activités extractives des sociétés canadiennes à l'étranger, se rabattant plutôt sur des initiatives volontaires inefficaces.
    Les conservateurs ont rejeté un projet de loi timide déposé à la Chambre des communes en 2009, qui aurait obligé les industries extractives recevant l'aide financière et politique du gouvernement canadien à satisfaire aux normes internationales.
    M. Bob Dechert: Des membres de l'opposition ont également voté contre ce projet de loi.
(1650)
    Mme Karyn Keenan: Eh bien, nous pourrons en parler .
    Tant que, au Pérou et dans d'autres pays en développement, les conditions ne permettront pas de s'attaquer à l'énorme écart dans le rapport de forces entre les sociétés et les acteurs locaux, qu'elles ne protégeront pas les droits politiques, économiques, sociaux et culturels des communautés et qu'elles ne contraindront pas les sociétés à verser des montants importants dans les coffres de l'État, l'investissement dans l'industrie extractive n'est pas susceptible de favoriser le développement durable. Tout programme de l'État qui promotionne cet investissement en l'absence de telles conditions ne peut pas sérieusement prétendre qu'il contribue au développement durable.
    Merci.
    Merci, madame Keenan. Je suis certain qu'on vous posera un grand nombre de questions.
    Monsieur Saganash, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci d'avoir comparu devant nous.
    Je sais que votre organisme a beaucoup travaillé pour sensibiliser les gens aux activités des sociétés minières canadiennes à l'étranger. En 2006, vous avez produit une carte des activités minières des sociétés canadiennes un peu partout dans le monde. J'ai remarqué que plusieurs des pays dans lesquels ces sociétés exercent leurs activités sont les mêmes 20 pays ciblés en ce moment par l'ACDI, y compris la Colombie, le Mali, la Tanzanie, et le Pérou, dont vous venez tout juste de parler. Ils sont à la fois sur votre carte et sur la liste des 20 pays ciblés par l'ACDI. Cela n'inclut même pas les sociétés minières où nous avons du financement de l'ACDI, par exemple, Barrick Gold, au Burkina Faso.
    Avez-vous remarqué un resserrement des liens entre les intérêts miniers canadiens à l'étranger et le financement effectué par l'ACDI?
    Je constate certainement une plus grande convergence entre ces deux éléments dans les nouveaux programmes de l'ACDI qui font partie de la stratégie du gouvernement en matière de responsabilité sociale des entreprises. Je n'avais pas réfléchi au lien entre les cas où des collectivités et des travailleurs avaient soulevé des préoccupations au sujet des activités des sociétés canadiennes, et les pays dans lesquels nous fournissons l'APD — et certainement pas dans le contexte de la carte minière —, mais cette nouvelle politique en matière de responsabilité sociale des entreprises et ces nouveaux programmes font certainement converger ces deux éléments.
    Mon organisme est donc préoccupé; en effet, nous craignons que ces programmes favorisent plus la promotion des intérêts commerciaux du Canada que le développement des pays où ces investissements sont effectués, pour les raisons que j'ai données dans mon exposé. Je ne crois pas que des pays comme la Colombie, le Pérou, la Tanzanie et le Mali présentent les conditions nécessaires pour que ces investissements contribuent de façon importante et positive au développement.
(1655)
    Dans ma circonscription, il y a un grand nombre de sociétés minières, qui sont aussi présentes un peu partout dans le monde. Une chose qui me surprend beaucoup, c'est qu'elles semblent en mesure de faire ce qu'il faut, du moins dans ma circonscription. J'ai participé à un grand nombre des ententes et des négociations qui ont mené à des accords satisfaisants avec les peuples des Premières nations de ma circonscription, aussi récemment qu'il y a deux semaines. Pourtant, ces mêmes sociétés ne semblent pas savoir comment faire ce qu'il faut dans d'autres pays.
    À votre avis, que doivent-elles faire différemment lorsqu'elles exercent leurs activités à l'étranger?
    C'est une excellente question, et je pourrais y répondre pendant longtemps.
    Vous savez, cela peut sembler évident, mais il s'agit de considérer les droits fondamentaux de la personne. Les allégations — celles qui sont crédibles — sur lesquelles des organismes dignes de confiance ont enquêté et qui concernent les activités de sociétés canadiennes à l'étranger mentionnent, par exemple, le fait de forcer les gens à quitter leur territoire traditionnel, ce qui a causé des sévices corporels, des viols collectifs, et même des décès.
    Pour commencer, je dirais donc qu'il ne faut pas participer à ce type de violation grave des droits de la personne, ou de permettre aux gens qu'on embauche ou à qui on accorde des contrats d'y participer. C'est une réponse très simple, mais à mon avis, c'est un bon point de départ.
    À votre avis, quel rôle devrait jouer le secteur privé dans le développement international?
    Le secteur privé a un rôle important à jouer dans le développement. Je crois que tout le monde s'entend là-dessus. J'ai pris connaissance des témoignages de gens qui ont comparu avant moi, et personne ne remet cela en question. Il suffit maintenant de savoir comment, et dans quelles conditions.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, je ne pense pas que le Pérou et les autres pays que vous avez mentionnés soient en mesure d'offrir les conditions nécessaires pour que les investissements dans l'extraction par des multinationales engendrent des résultats positifs dans le développement. Je parle d'institutions publiques, de politiques et de processus qui peuvent superviser de façon efficace ces sociétés et utiliser la richesse qu'elles génèrent pour répondre aux besoins de leurs citoyens. Ce n'est pas le cas en ce moment, et je ne vois pas comment cela pourrait changer à court terme.
    Dans ce cas, j'ai une très brève question. Je crains presque de la poser. À votre avis, existe-t-il un autre pays qui pourrait servir de modèle pour le Canada en ce qui concerne le développement international?
    Voulez-vous dire en ce qui concerne les nouveaux programmes en matière de RSE, qui favorisent les partenariats avec le secteur de l'extraction?
    Oui.
    De mémoire, je ne peux pas penser à un pays où les conditions que j'ai décrites — c'est-à-dire des institutions publiques solides, des politiques favorisant les pauvres, un système judiciaire efficace et indépendant, une participation réelle aux prises de décisions, etc. — sont présentes de façon à garantir que la richesse générée par les sociétés canadiennes contribuerait à un développement réel et à long terme. En ce moment, je ne peux pas penser à un pays qui possède tout cela.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au parti ministériel.
    Monsieur Dechert, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Keenan, d'être ici aujourd'hui.
    Pour commencer, j'aimerais mentionner un point que vous avez soulevé, c'est-à-dire le projet de loi C-300, qui a été proposé au cours d'une législature précédente. Vous avez mentionné que le gouvernement l'avait rejeté. Vous vous souvenez probablement qu'il s'agissait à l'époque d'un gouvernement minoritaire; il s'ensuit que pour rejeter un projet de loi, il fallait que les députés de différents partis votent contre. En fait, le porte-parole en matière d'industrie du Parti libéral a voté contre le projet de loi, et moi aussi. Bien franchement, j'ai voté contre, car à mon avis il aurait nui grandement aux intérêts de l'économie du Canada dans le secteur de l'extraction, dans le secteur des services financiers et dans de nombreux autres secteurs. À mon avis, il était mal rédigé, et il aurait fait un tort considérable au Canada et très peu de bien aux autres pays. D'ailleurs, de nombreux députés d'un grand nombre de partis étaient du même avis.
    Vous avez mentionné le Pérou. D'après ce que je comprends, vous avez une certaine expérience dans ce pays. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre notre témoin précédent, Mme O'Neill, de l'USAID. Elle a mentionné que l'USAID travaillait en partenariat avec Barrick Gold, au Pérou, sur un projet qui, selon elle, a créé 800 emplois, la plus grande partie dans le domaine de l'agriculture, et non dans le secteur minier.
    Il me semble qu'il s'agit d'un très bon projet pour le Pérou, et il a eu des effets positifs. Certaines sociétés minières, si elles sont seulement là-bas pour extraire des ressources, formeront des gens pour travailler dans les mines, et lorsque le gisement sera épuisé, elles quitteront le pays. Ces gens auront peut-être des compétences qu'ils pourront utiliser dans d'autres domaines, ou peut-être pas. Toutefois, en ce qui concerne ce projet en particulier, en partenariat avec l'USAID, on a créé des emplois qui n'ont rien à voir avec l'industrie minière. Je ne vois pas comment on pourrait s'opposer à ce type de projet.
    Vous connaissez peut-être aussi un autre projet de l'ACDI, en partenariat avec Vision mondiale Canada, un organisme de bonne réputation qui appuie les gens dans les pays pauvres et en développement un peu partout dans le monde. Son siège social se trouve dans ma ville, c'est-à-dire Mississauga. Il s'agit d'un organisme absolument génial. Des gens de partout au Canada, et surtout les habitants de Mississauga, l'appuient sans réserve. Je peux vous dire que les gens de cet organisme ont accompli un travail extraordinaire lorsqu'ils ont aidé la population d'Haïti après le tremblement de terre. Ils ont recueilli énormément d'argent au Canada et l'ont utilisé pour faciliter la vie des habitants d'Haïti, qui se remettaient des effets du tremblement de terre et relançaient leur économie.
    Il s'agit d'un organisme avec lequel l'ACDI a établi un partenariat. Elle a aussi établi un partenariat avec Barrick. Ce projet dans la municipalité de Quirulvilca profite à des milliers de familles. Il aide les autorités municipales à collaborer avec le gouvernement du pays en vue d'utiliser une plus grande partie des recettes provenant de l'exploitation minière à l'échelle locale, dans la collectivité, afin de diversifier son économie.
    L'ACDI investit 500 000 $ et le projet est mis en oeuvre par Vision mondiale. Barrick Gold investit aussi 500 000 $. Je ne comprends pas comment on pourrait critiquer ce projet. Il me semble qu'on aide Barrick Gold à créer des emplois à l'échelle locale et qu'on étend les retombées économiques au-delà de cette industrie. Ne souhaitons-nous pas justement que ce genre de choses se produisent dans les pays en développement? Ces sociétés de l'industrie des ressources ont contribué à faire du Canada un endroit prospère et pacifique, qui offre l'une des meilleures qualité de vie dans le monde. Lorsque nos ancêtres sont arrivés au pays, c'est l'industrie des ressources qui a lancé notre économie; elle l'a bâtie. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas au Pérou ou dans d'autres pays? Ces mêmes sociétés, par exemple Barrick, peuvent reproduire leurs réussites ailleurs. Les contribuables canadiens qui veulent aider ces pays à se développer doivent leur montrer comment nous avons réussi au Canada.
(1700)
    Nos programmes sont parmi les meilleurs au monde; ils sont parmi les plus respectueux de l'environnement et les plus progressifs en ce qui concerne la santé et le bien-être des employés, et nous les avons mis sur pied ici même, au Canada. Ces programmes ont rendu notre pays prospère. Nous voulons aider les gens d'autres pays. Il s'agit d'un sujet que le Canada connaît bien; en effet, notre pays exploite la plus grande industrie minière au monde. Notre secteur de l'investissement minier s'étend à l'échelle mondiale et nous avons l'expertise nécessaire pour trouver les gisements de minerais, les exploiter et financer le projet. Nous avons tout ce qu'il nous faut dans ce domaine, et peu d'autres pays dans le monde possèdent ces compétences.
    Si nous voulons aider les populations des pays pauvres à développer leur économie, n'est-il pas logique de le faire par l'entremise d'une industrie que nous connaissons bien, et tenter de recréer dans d'autres endroits ce qui a si bien fonctionné dans notre propre pays? C'est ce que nous faisons à l'aide de ces programmes, en partenariat avec des organismes de bonne réputation, par exemple, Vision mondiale. Je présume que vous n'avez aucun problème à travailler avec un organisme comme Vision mondiale.
    Pourriez-vous commenter le projet de l'USAID, le projet canadien avec Barrick Gold, et me dire ce que vous en pensez?
(1705)
    Il vous reste 30 secondes. Je vais tout de même vous laisser répondre à la question.
    Je vais répondre très brièvement.
    Tout d'abord, si les conservateurs qui se trouvaient à la Chambre des communes avaient voté pour le projet de loi C-300, il aurait été adopté. Deuxièmement, il est difficile de comprendre comment le projet de loi C-300 pourrait causer des dommages irréversibles au secteur de l'extraction, étant donné que les sociétés minières, pétrolières et gazières du Canada ont fait valoir qu'elles se conformaient déjà aux normes établies dans le projet de loi.
    En ce qui concerne la question de savoir si je m'oppose au projet de l'USAID ou aux projets de Vision mondiale au Pérou, il est évident que la réponse est non. Je remets en question le financement de ces partenariats par l'ACDI pour les raisons que j'ai énumérées dans mon exposé, c'est-à-dire que les projets en matière de RSE ne peuvent pas remplacer les politiques publiques et les institutions qui se vouent à l'élimination de la pauvreté. En fait, ils peuvent même leur nuire, et c'est ce qui m'inquiète.
    Merci beaucoup d'avoir répondu brièvement à cette interminable question.
    Monsieur LeBlanc, vous avez sept minutes.
    Je ne prendrai pas 6 minutes et 30 secondes pour poser ma question, monsieur le président.
    Merci, madame Keenan, d'être ici aujourd'hui. Merci de vos commentaires qui, à mon avis, sont riches d'enseignement dans plusieurs domaines.
    J'aimerais reprendre quelques questions posées par mon collègue, M. Saganash. Il vous a demandé si, à votre avis, il y avait des partenariats publics-privés financés par des fonds publics qui vont à des sociétés du secteur de l'extraction. Je crois que vous avez demandé des précisions, et il a convenu que c'était le cas. Vous ne pouviez pas trouver de circonstances dans lesquelles ces investissements représenteraient une utilisation valable de l'argent des contribuables, et vous avez utilisé un très bon exemple pour illustrer comment les choses pouvaient dégénérer.
    Qu'en est-il d'autres secteurs? Vous avez raison, nous avons plutôt favorisé un partenariat avec le secteur de l'extraction, mais je pense à certaines grandes multinationales agroalimentaires. Par exemple, McCain Foods, au Nouveau-Brunswick, a lancé plusieurs initiatives axées sur la culture des pommes de terre dans des pays en développement. Pouvez-vous penser à d'autres secteurs de l'économie dans lesquels...?
    Étant donné que vous êtes avocate, vous allez me dire que cela dépend du projet, des stipulations, des objectifs, etc., mais en général, je pense que le secteur de l'extraction est plus complexe que d'autres secteurs dans lesquels on pourrait établir un partenariat moins compliqué ou moins polarisé en ce qui concerne ses effets à l'échelle locale. Pouvez-vous penser à d'autres secteurs de l'économie ou à des pays en développement où il pourrait être plus facile de structurer quelque chose qui aurait un certain mérite, du moins à première vue?
    Je ne sais pas. Le secteur de l'extraction est celui que je connais le mieux. Mais vous avez bien deviné ma réponse; cela dépend du projet ou des détails de l'investissement. Je dirais que oui, c'est important. Mais ce qui est encore plus important, ce sont les autres choses que j'ai essayé de souligner aujourd'hui, c'est-à-dire les conditions qui prévalent dans le pays où on investit — par exemple, si on a adopté une politique efficace dans un contexte institutionnel, si on a établi un cadre de travail qui permet au gouvernement du pays qui reçoit les investissements de réglementer la société et de percevoir les taxes et les redevances appropriées, afin de pouvoir financer des programmes sociaux, et si on a mis sur pied un système judiciaire indépendant qui est en mesure d'obliger les sociétés à rendre des comptes, et où toutes ces choses sont accomplies avec transparence.
    Cela me semble plus important — peu importe le secteur dans lequel on investit — que les détails du projet.
(1710)
    Je suis d'accord avec cette observation.
    N'a-t-on pas affaire, dans ce cas, à une contradiction inhérente? En effet, le secteur de l'extraction exerce ses activités — car un grand nombre des minéraux sont sous terre — dans des pays qui souffrent du manque d'institutions fiables, transparentes et démocratiques, de principes de base comme la primauté du droit et, comme vous l'avez dit, d'un système judiciaire indépendant, d'un système financier public qui appuie la population et la transparence à l'égard des finances du gouvernement, de lois anticorruption, etc. Il est malheureux qu'un grand nombre de ces minéraux se trouvent dans des pays qui ne sont pas rendus où, je suis certain, ils voudraient être, ou où nous souhaiterions qu'ils soient rendus. Ensuite, ces sociétés canadiennes — puisque c'est le secteur de l'économie dans lequel elles exercent leurs activités — exploitent ces gisements minéraux, ce qui n'est pas exactement inapproprié, mais le contexte rend les choses beaucoup plus complexes.
    Votre groupe a-t-il une idée de ce que le gouvernement du Canada, et surtout l'ACDI, les institutions publiques au Canada...? Vous avez parlé d'un petit nombre d'institutions financières multilatérales, mais que pourraient faire de plus les institutions canadiennes, par exemple l'ACDI, pour aider certains de ces pays à mettre en oeuvre ou à atteindre une plus grande stabilité institutionnelle et une transparence qui ouvriront peut-être la voie à d'autres formes de développement?
    J'ai l'impression que nous avons raté une occasion, après le printemps arabe, et que nous espérons que l'émergence de certaines de ces démocraties les aidera, au moment critique, à bâtir une plus grande capacité en matière d'institutions publiques dans leur propre pays, ce qui pourrait nous faire perdre les progrès accomplis et nous replonger dans une situation similaire à celle qui prévalait avant que certaines de ces circonstances créent de nouveaux espoirs; nous pourrions aussi nous retrouver dans une situation encore pire. À votre avis, les institutions publiques canadiennes peuvent-elles jouer un plus grand rôle à cet égard?
    Tout d'abord, vous avez parlé des investissements dans l'industrie extractive et de l'absence du genre de conditions que j'ai décrites; il semble y avoir une coïncidence, ou les deux situations semblent se présenter aux mêmes endroits. Je dirais que votre observation est juste et que ce n'est pas une coïncidence. C'est ce que je tentais d'expliquer au sujet du Pérou, où l'imposition des programmes, qui ont décimé des institutions et des politiques publiques, s'est produite dans bien des pays en développement — et dans la plupart d'entre eux — qui sont riches en ressources minières, pétrolières ou gazières. Ce n'est donc pas une coïncidence.
    Je ne sous-estimerais pas l'importance du rôle des banques multilatérales de développement et des institutions multilatérales à cet égard, non seulement en tant que responsables du problème, mais aussi en tant qu'agents pouvant éventuellement le régler. Le Canada a une place très importante dans ces institutions. Ce ne sont pas tous les pays qui ont le privilège de siéger aux conseils d'administration du FMI, de la Banque mondiale et des banques régionales de développement. Bien entendu, ces organismes sont toujours très importants pour influencer l'élaboration des politiques dans ces régions. Je dirais que le Canada a un grand rôle à jouer au sein de ces institutions pour aider les pays en développement qui aimeraient établir de meilleures politiques et institutions à le faire.
    En ce qui concerne l'ACDI, je pense qu'elle a fait du très bon travail en ce sens en promouvant le renforcement institutionnel, comme pour un système judiciaire indépendant. Cependant, je crains que l'ACDI délaisse ce genre de programme et qu'elle réalloue les fonds à des programmes de responsabilité sociale d'entreprise, par exemple. Je pense donc que pour ce qui est du genre d'initiatives ou de questions sur lesquelles je mettrais la priorité, je ferais probablement appel à l'ACDI et à son expérience.
    C'est tout le temps que nous avons.
    Nous verrons bien si nous pouvons continuer longtemps avant que la sonnerie se fasse entendre et que nous allions voter.
    Nous commençons par Mme Brown
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Keenan, je pense que tant nos industries extractives que les membres de notre comité sont offusqués par l'idée que nos sociétés d'extractions détruisent les normes. Je connais des gens de l'industrie et ce sont des gens honnêtes qui dirigent des entreprises qui ont une bonne réputation. Personnellement, je trouve votre description très choquante.
    Je ne devrais pas parler au nom du comité, mais je pense que c'est une accusation inadmissible. J'ai participé à la convention de l'ACPE à Toronto, la convention des prospecteurs et des entrepreneurs. C'est un événement d'envergure. Des gens de tous les pays y participent. Tous les pays qui y assistent accordent beaucoup d'importance à l'expertise des entreprises canadiennes et à la réputation de l'industrie extractive canadienne. Ils veulent que nos entreprises fassent affaire chez eux. Je pourrais probablement vous nommer 50 pays avec lesquels j'ai discuté.
    Je suis allée au Burkina Faso. J'ai vu le merveilleux projet que Iamgold y mène et le travail formidable qu'il fait pour créer de nouvelles possibilités économiques pour la population du pays. Les gens sont emballés d'avoir maintenant une école et un centre de formation pour leurs jeunes, qui apprennent à faire des travaux d'électricité et de plomberie et obtiennent des emplois. Ils ont une clinique médicale qui compte des travailleurs de la santé compétents qui aident la population du Burkina Faso dans une région située à quatre heures de route de Ouagadougou. Les industries extractives amènent donc des choses positives.
    Nous pouvons aussi examiner les Principes de l'Équateur. Vous avez parlé du projet de loi C-300. Les compagnies d'extraction canadiennes respectent ces principes. Nous avons une conseillère — il n'y a aucune plainte contre les entreprises canadiennes avec lesquelles elle travaille. Nous avons une bonne réputation partout dans le monde. Vous avez parlé de Talisman. L’entreprise était au Soudan du Sud et a fait l’objet d’accusations. Elle a abandonné et a décidé de se retirer. La Chine a fait son entrée, et nous savons ce qui s’est malheureusement passé par la suite.
    Vous avez écouté le témoignage de Mme O’Neill. Vous avez entendu ce qu’elle a dit. Ce que vous nous dites est complètement à l'opposé des constatations de USAID, du bon travail qu'elle a relevé. Ils ont parlé de la création de 800 emplois permanents dans le secteur agricole au Pérou. J’ai visité des pays africains dans lesquels, en collaboration avec des entreprises canadiennes qui travaillent au Kenya, nous avons des projets agricoles en cours en Éthiopie. Nous avons des projets agricoles qui créent des débouchés. Le secteur privé, l’industrie extractive, ils participent tous. Nous ne travaillons pas seulement dans ce secteur. L’ACDI investit beaucoup d’argent dans le renforcement des capacités de ces pays — dans l’établissement de processus judiciaires, d’une société civile. On ne peut pas choisir l’un ou l’autre. La société civile, un processus judiciaire juste et ouvert, des élections transparentes — ces choses ne peuvent exister sans qu’un processus de croissance économique fiable soit mis en place.
    Lorsqu’on examine les deux, n’est-il pas possible pour l’ACDI de collaborer avec des entreprises et d'améliorer la vie des populations de ces économies émergentes?
(1715)
    Encore une fois, nous n’avons plus de temps, mais je demande à Mme Keenan de répondre à la question si elle le souhaite.
    Je ne sais pas par où commencer. J’inviterais peut-être l’honorable membre à…
    Mme Lois Brown: Elle est bouche bée.
    Mme Karyn Keenan: Non, je ne suis pas bouche bée. Je ne sais pas par où commencer.
    J’inviterais peut-être l’honorable membre à revoir les témoignages faits devant le comité au sujet du projet de loi C-300 et les déclarations qui ont été faites devant les cours supérieures de l’Ontario et du Québec sur les activités d’entreprises canadiennes, les documents sur les fonds de pension norvégiens et les sites Web et les publications d’organisations reconnues comme Amnistie internationale et Human Rights Watch. Je ne peux pas croire qu’après avoir lu ces publications, on ne soit pas préoccupé par les activités que nos sociétés d’extraction mènent à l’étranger.
(1720)
    Merci beaucoup, madame Keenan.
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement.
    Le président: Je doute qu’il s’agisse d’un rappel au Règlement, mais allez-y. Nous vous écoutons.
     Mme Ève Péclet: Oui. J’invoque le Règlement. Je veux seulement préciser que le témoin précédent n’a pas parlé de la création de 800 emplois.
    Une voix: Oui, elle l’a fait.
    Mme Ève Péclet: C'est ce qu'ils visent — c’est ce qui est écrit dans son témoignage…
    Le président: D’accord…
    Mme Ève Péclet: Ils visent la création de 800 emplois. Ces emplois n’ont pas encore été créés — pas encore.
    D'accord.
    Madame Keenan, je vous remercie de votre témoignage.
    Merci de m'avoir donné la possibilité de le faire.
    La sonnerie se fait entendre.
    Nous avons votre témoignage.
    Cela dit, la séance est terminée. Merci.
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