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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 037 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 28 mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons amorcer notre étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international. Je tiens à remercier nos deux témoins d’être venus aujourd’hui.
    Nous accueillons Fraser Reilly-King, qui analyse les politiques d’aide au développement et de coopération internationale au Conseil canadien pour la coopération internationale.
    Monsieur Reilly-King, je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Nous accueillons également Toby Heaps, co-fondateur et président-directeur général de Corporate Knights Inc.
    Nous aurons l’occasion de vous entendre tous les deux immédiatement.
    Je vais commencer par vous, monsieur Reilly-King. Pouvez-vous faire votre déclaration préliminaire? Nous passerons ensuite à celle de M. Heaps, puis nous ferons le tour de la salle et les membres du comité poseront des questions à tour de rôle.
    Comme je l’ai dit, une fois que vous aurez terminé, nous emploierons le reste de l’heure à poser des questions et à formuler des observations.
    Monsieur Reilly-King, vous avez la parole pendant les 10 prochaines minutes.
    Premièrement, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international pour discuter de cette importante question liée à l’aide, au secteur privé et au développement.
    Comme M. Allison l’a mentionné, je travaille au Conseil canadien pour la coopération internationale. Il s’agit d’une association nationale qui regroupe 92 organisations du secteur bénévole et qui oeuvre mondialement pour atteindre un développement humain durable. Je suis également vice-président d’un organisme appelé Reality of Aid, soit un réseau de 172 organisations qui procèdent à des évaluations indépendantes des politiques et des pratiques en matière d’aide. Tous les deux ans, nous produisons un rapport phare. Cette année, il portera sur l’aide et le secteur privé.
    Le CCCI a trois messages à adresser au comité qui, à notre avis, complètent plusieurs des interventions que vous avez entendues jusqu’à maintenant.
    Premièrement, le secteur privé est un acteur important dans le domaine du développement, mais il ne représente pas une nouvelle solution miracle. Deuxièmement, nous avons le sentiment qu’en fin de compte, le secteur privé local doit être développé en priorité dans le contexte de l’aide. Enfin, le secteur privé est souvent considéré comme un moyen prometteur de tirer parti de ressources supplémentaires pour le développement, mais le comité ne devrait pas perdre de vue le fait qu’il existe d’autres sources importantes de financement pour l’aide.
    En ce qui concerne mon premier message, il ne fait aucun doute que le secteur privé est essentiel à l’aide, mais il n’est pas une nouvelle panacée pour le développement, et nous ne soutenons nullement que c’est un moteur de croissance — du moins pas le moteur d’une croissance équitable et inclusive. Le secteur privé est plutôt l’un des nombreux acteurs qui jouent un rôle central dans le développement en compagnie des ordres de gouvernement, des élus comme vous, de la société civile, des médias et des citoyens. Oui, le secteur privé apporte une contribution importante grâce aux prêts, à sa production et à sa création d’emplois, mais pour que sa contribution soit vraiment durable, il est aussi essentiel d’avoir recours à des mécanismes de contrôle propres au pays.
    Dans cet ordre d’idées, n’oublions pas le rôle que l’État joue dans la promotion de la croissance. La Commission sur la croissance et le développement de 2008, qui a examiné 13 pays qui ont connu des périodes de croissance durables au cours des 25 dernières années, attribue cette réussite à un certain nombre de fonctions d’État clés, notamment le leadership politique, les politiques industrielles, la gestion des taux de change, le contrôle des mouvements de capitaux, des structures institutionnelles et de gouvernance efficaces, une fonction publique talentueuse, une forte épargne intérieure et des investissements dans l’infrastructure, la santé, l’éducation, la création d’emplois et la protection sociale. Bien entendu, chaque pays est différent mais, dans tous les cas, l’État était le principal moteur de croissance, et le secteur privé était le carburant, si vous voulez.
    Mais de quelle sorte de croissance s’agit-il? Le rapport du Africa Progress Panel, qui a paru il y a deux semaines, a fait observer que la croissance de plusieurs pays d’Afrique, dont le Ghana, l’Éthiopie, l’Ouganda et la Tanzanie, entre autres, dépassait celle de bon nombre d’économies émergentes.
    Bien que cela contribue lentement à la création d’une classe moyenne, les disparités s’accroissent également. La moitié des Africains, soit 386 millions d’habitants, vivent toujours sous le seuil de la pauvreté. Par conséquent, le véritable défi consiste à favoriser une redistribution équitable de la croissance et de la création d’emplois, et les gouvernements, les élus, les médias et les citoyens jouent tous un rôle clé dans cette entreprise, pas seulement le secteur privé. Dans cet ordre d’idées, nous exhortons le comité à encourager l’ACDI à centrer sa propre stratégie de croissance sur la croissance et la création d’emplois équitables, en particulier pour les petits exploitants agricoles et les 74 millions de jeunes Africains qui auront besoin d’emplois au cours des dix prochaines années.
    Un deuxième message clé que nous tenons à souligner a trait au type de secteur privé. Votre comité a entendu un certain nombre de personnes qui ont parlé de différents types de mouvements de capitaux et de différents types d’entreprises privées.
    En ce qui nous concerne, dans le contexte de l’aide et du développement international, le secteur privé devrait s’attaquer à deux principaux problèmes. Premièrement, les ressources publiques comme l’aide devraient être utilisées pour stimuler la croissance et le développement du secteur privé local et, plus précisément, de toute une gamme d’entreprises et de producteurs de l’économie officielle et officieuse, des petites et moyennes entreprises et des coopératives qui participent aux activités du marché — tout cela en vue de créer des emplois et des gagne-pain durables. En fait, c’est ce que proposait la propre stratégie de développement du secteur privé de l’ACDI en 2003. Nous appuyons entièrement cette vision.
    Deuxièmement, l’aide doit favoriser l’additionnalité sur le plan du financement et du développement. En d’autres termes, il faut veiller à ce que les ressources en matière d’aide apportent quelque chose qui ne serait pas offert autrement par l’intermédiaire de prêts commerciaux. L’aide doit combler une lacune en matière de financement et de développement. Elle requiert également un cadre solide pour anticiper, suivre, contrôler et évaluer les résultats positifs escomptés en matière de développement du secteur privé — ce que certains donateurs font déjà, mais ce que la plupart d’entre eux négligent de faire.
    En fin de compte, il s’agit d’intégrer le secteur privé local dans un cadre de développement durable, et nous ne devrions pas chercher uniquement à promouvoir les intérêts des entreprises canadiennes à l’étranger. Pourquoi pas? Nous devons faire la part des choses entre l’intérêt que le Canada a à favoriser sa propre économie et ce qui est dans l’intérêt des économies en développement. Les deux ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs, mais ils sont souvent très différents.
    De plus, le fait de centrer la stratégie canadienne en matière de développement sur les intérêts du secteur privé canadien va à l’encontre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, dont le Canada est fier de respecter les principes. Cela risque également de lier étroitement l’aide canadienne au développement, juste au moment où le Canada met un terme à cette pratique. Il est bon que l’aide ne se rattache à rien, et nous ne devrions pas faire marche arrière à cet égard.
    Le public canadien croit également à cette approche. Selon un sondage réalisé par la firme Angus Reid et rendu public la semaine dernière, les Canadiens conviennent que le secteur privé et les ONG ont un rôle également important à jouer dans le développement. Toutefois, 76 p. 100 des Canadiens interrogés avaient le sentiment que le financement à cet égard ne devrait pas être accordé à de grandes multinationales.
    Cela n’empêche pas des entreprises du secteur privé de faire équipe avec des organisations, lorsque le premier mandat des deux partenaires coïncide, et vous avez entendu parler d’un certain nombre d’organisations qui procèdent ainsi. Le fonds de développement international de Desjardins qui appuie les caisses populaires locales en est un bon exemple, tout comme la contribution des Ressources Teck à l’Initiative pour les micronutriments ou — je ne suis pas certain que vous ayez entendu parler de celui-là — l’initiative de Care Canada qui vise à promouvoir les petites et moyennes entreprises au Pérou en collaborant avec Exportation et développement Canada et en tirant parti de ses compétences. Tous ces efforts contribuent à faire progresser le développement à long terme et témoignent de l’additionnalité à laquelle j’ai fait allusion précédemment.
    La différence entre ces projets et les initiatives typiques de responsabilité sociale des grandes entreprises est la même que celle qui existe entre de bonnes pratiques et de bonnes intentions. Comme bon nombre de gens s’en sont rendu compte, les initiatives de responsabilité sociale des grandes entreprises — y compris celles de l’OCDE et de John Ruggie, le représentant spécial pour la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises — sont limitées dans le meilleur des cas, en particulier lorsqu’elles répondent à la dynamique des entreprises plutôt qu’à la dynamique du développement. C’est ce que plusieurs témoins ont déjà remarqué.
    Finalement, les donateurs ont reconnu rapidement le fait que le secteur privé avait le potentiel de tirer parti de ressources supplémentaires, mais d’autres sources de financement offrent un potentiel tout aussi important. Le fait d’utiliser le secteur privé pour profiter de certaines ressources peut être bénéfique si cela comble une véritable lacune du marché. Par exemple, bon nombre de gens considèrent que l’engagement préalable relatif aux marchés que le Canada a pris à l’égard d’un vaccin contre la pneumococcie a permis la mise en marché de vaccins abordables dans les pays en développement qui ne serait pas survenue autrement. Toutefois, ce n’est pas le seul moyen de tirer parti d’autres fonds pour le développement, et nous soutenons que cette approche a également ses limites.
    Quelques témoins ont déjà parlé de la mobilisation des ressources internes ou de l’accroissement des recettes grâce à l’imposition de taxes, de redevances et de tarifs progressifs. Pour illustrer ce point, il est à noter que bien que l’aide en Afrique soit passée de 12 milliards de dollars en 2000 à 36 milliards de dollars en 2008, les rentes tirées des ressources naturelles sont passées de 40 milliards de dollars en 2000 à 240 milliards de dollars pendant la même période. Ces rentes sont une source de revenus logique et substantielle. En décembre dernier, à peu près la moitié des ministres africains responsables des exploitations minières se sont rencontrés à Addis Ababa et ont déclaré leur intention de revendiquer le droit d’exercer un plus grand contrôle sur les activités minières du secteur privé et de transférer les revenus aux secteurs les plus faibles de leur économie.
    De même, en réglant le problème de l’exode des capitaux, ils pourraient accroître grandement les revenus qui demeurent sur le continent et qui sont utilisés pour favoriser le développement durable. Au cours des 40 dernières années, le continent africain a perdu à lui seul 1,2 billion de dollars en raison de l’exode des capitaux. Dans son rapport de 2008, l'organisme Christian Aid a estimé que les pays en développement perdaient annuellement environ 160 milliards de dollars en impôts des sociétés — soit quatre tiers de plus que l’aide mondiale annuelle —, car celles-ci avaient recours à des prix de transfert erronés et de fausses factures.
    Au Canada, le gouvernement pourrait également officialiser ses accords prévoyant une participation égale à l’aide humanitaire, ou tirer parti de l’appui que les Canadiens apportent au développement en mettant en oeuvre la suggestion d’Imagine Canada concernant l’élargissement du crédit d’impôt. Si les donateurs tiennent réellement à mettre un terme à la dépendance des pays à l’égard de l’aide, en particulier pendant que les budgets d’aide régressent, ils devraient accorder la priorité à l’établissement d’institutions efficaces, au développement du secteur privé local, à la mobilisation des ressources internes et à la lutte contre l’exode des capitaux.
    Merci.

  (1540)  

    Merci beaucoup, monsieur Reilly-King.
    Nous allons maintenant passer à M. Heaps. La parole est à vous pendant les 10 prochaines minutes, monsieur.
    C’est un honneur d’être ici aujourd’hui. Je représente les Corporate Knights, une entreprise établie au Canada qui commercialise des produits médiatiques et financiers. Nous sommes surtout connus pour la revue portant sur le commerce durable que nous publions et qui est distribuée dans le Globe and Mail. Maintenant, nous produisons une version américaine de la revue qui paraît dans le Washington Post.
    Nous classons les entreprises à l’échelle mondiale. À l’heure actuelle, 2 000 grandes entreprises figurent dans notre base de données, et nous les classons en fonction de critères allant de leur sécurité à leur degré de respect de leurs obligations fiscales, en passant par leur production de carbone et d’énergie.
    Notre gamme de produits financiers compte une série de fonds d’actions et de fonds à revenu fixe qui partent du principe que le XXIe siècle exige de nouveaux bilans, dans lesquels on peut mesurer de manière quantifiable le rendement social et environnemental des entreprises, pour intégrer ensuite ces renseignements dans ses propositions d’investissement.
    Nous collaborons également avec des entreprises canadiennes de premier plan dans les secteurs des ressources naturelles, des services financiers et des produits manufacturiers afin de créer un conseil pour un capitalisme sain. Par « capitalisme sain », nous entendons un système économique dans lequel les prix tiennent pleinement compte des avantages et des coûts sociaux, écologiques et économiques, et les acteurs sont entièrement conscients des répercussions qu’ils ont.
    En ce qui concerne mon exposé d’aujourd’hui, j’ai un message plutôt simple à communiquer qui reprend les principes de base.
    Si nous faisons un retour en arrière et nous nous demandons quels sont les points forts du Canada sur le plan économique et les domaines dans lesquels nous excellons, nous remarquons que le Canada est plutôt axé sur le secteur des ressources naturelles et sur les institutions financières. Soixante-trois pour cent des sociétés, dont les valeurs composent le TSX 60, notre principal indice boursier composé qui regroupe des valeurs de premier ordre, sont soit des institutions financières, soit des sociétés orientées vers des matériaux, soit des sociétés productrices d’énergie. Si vous jetez un coup d’œil partout dans le monde, vous verrez là où le Canada brille et là où il joue un rôle crucial dans le développement de nombreuses économies émergentes.
    Nous venons tout juste d’entreprendre une étude, et nous avons découvert plus de 20 pays dans le monde où le principal investisseur privé étranger est une entreprise établie au Canada. Cette statistique est plutôt stupéfiante, compte tenu du fait que le Canada contribue seulement à quelques points de pourcentage du PIB mondial. Nous procédons en ce moment à une évaluation détaillée des économies et, vers la fin de l’été, nous aurons une meilleure idée du nombre exact de pays où le Canada est le principal investisseur étranger. Nous jouons un rôle crucial.
    En ce qui concerne les observations de mon collègue concernant la responsabilité sociale des entreprises, ce n’est pas vraiment ce qui importe. Ce qui importe et ce dont le monde a besoin sur le plan du développement international, c’est du financement, en particulier pour les infrastructures et l’énergie, et même des formes souples d’énergie. Divers organismes, que ce soit l’Agence internationale de l’énergie ou l’OCDE, estiment qu’il faudrait investir annuellement plus d’un billion de dollars supplémentaires dans des énergies renouvelables afin d’éviter des scénarios de changements climatiques catastrophiques et pour répondre aux besoins en matière de sécurité énergétique des économies du monde entier, y compris des économies en développement.
    À l’heure actuelle, les marchés émergents sont aux prises avec un problème clé. Dans bon nombre de cas, les meilleures formes d’énergie pour ces derniers sont les formes renouvelables. Toutefois, les dépenses d’immobilisation qu’elles requièrent sont parfois inabordables. Lorsque vous souhaitez investir dans des infrastructures énergétiques, la courbe des dépenses est beaucoup plus prononcée au début du cycle si vous investissez dans des énergies renouvelables que si vous investissez dans des énergies dérivées des combustibles fossiles. Avec les énergies dérivées des combustibles fossiles, vous ne cessez de payer des coûts variables pour des intrants comme du charbon, du pétrole ou du gaz naturel, alors que dans le cas des énergies renouvelables, les dépenses sont engagées surtout au début.
    Le problème, c’est que la plupart des pays en développement ne peuvent se procurer du crédit peu coûteux. Ils paient des taux d’intérêt exorbitants sur les marchés internationaux, et c’est sur ce plan que les entreprises canadiennes et le secteur public peuvent jouer un rôle crucial. Il y a des billions de dollars de financement et un nouveau secteur naissant appelé les bons verts, que la Banque HSBC classe maintenant comme un marché évalué à 174 milliards de dollars à l’échelle mondiale. La Banque TD est un acteur de premier plan dans ce domaine.
    Si vous conjuguez notre capacité financière à notre pénétration des marchés de ressources naturelles — donc, vous recensez toutes les économies du monde où des entreprises canadiennes jouent un rôle important, puis vous examinez ces pays et leurs besoins en matière d’infrastructure, c’est-à-dire le financement dont ils ont besoin pour développer leurs infrastructures — et vous faites appel à EDC, qui aimerait accroître ses activités auprès de cette clientèle afin d’augmenter le crédit disponible pour certaines de ces propositions. Ainsi, au lieu de payer des taux d’intérêt très élevés, ces pays paieraient des taux d’intérêt correspondant à la cote de crédit AAA. Cela rendrait les coûts d’immobilisation beaucoup plus abordables et ces projets beaucoup plus faisables.

  (1545)  

    Notre pays tirerait un avantage économique national en agissant ainsi. Parfois, les apôtres du développement se disent opposés à l'aide conditionnelle. Bien des éléments jouent en défaveur de ce type d'aide, mais Exportation et développement Canada y a déjà eu recourt et a remarquablement bien réussi à créer des emplois et de la prospérité dans notre économie.
     Quand on observe où s'en va l'économie mondiale à l'heure actuelle, on voit que l'on investit de plus en plus de capital dans l'infrastructure relative à l'énergie renouvelable et à l'eau. Les marchés occidentaux tirent souvent de l'arrière à cet égard, alors que la Banque de développement asiatique et la Chine s'activent à plein régime. Les États-Unis commencent à s'intéresser au domaine. Le Canada a une occasion en or d'élargir son portefeuille de produits de bonification du crédit, par l'entremise d'EDC, pour le faire passer de moins de 1 p. 100 à la fourchette de 5 à 10 p. 100. Voilà qui nous positionnerait avantageusement dans ces économies. L'occasion est belle d'associer EDC à la solidité et aux intérêts de nos fonds de pension afin d'investir également dans ces domaines.
    J'encouragerais le comité à examiner diverses possibilités. HSBC a publié aujourd'hui un document sur ces types de produits financiers. C'est un bon point de référence, qui fournit de nombreux exemples jumelant les activités de bonification du crédit d'EDC avec la cristallisation des investissements en infrastructure dans les pays en développement où les sociétés d'exploitation des ressources naturelles du Canada sont très actives.
    Il nous suffit de regarder chez nous, ici même à Terre-Neuve-et-Labrador, pour trouver un exemple applicable ailleurs. En raison de l'effondrement de la pêche, l'économie de la région a subi le choc qui peut survenir quand une économie reposant sur une seule forme de développement frappe un mur. Les gens de la région ont mis en place une approche de conversion des ressources vraiment intéressante. Cette méthode est devenue un concept en vogue à l'échelle internationale dernièrement, et je m'attends à ce que la tendance se maintienne.
    Terre-Neuve et-Labrador exploite ses ressources de combustible fossile afin d'en tirer des liquidités qu'elle investit dans l'énergie renouvelable, comme des projets de production et de transport d'énergie qui dureront des centaines d'années, bien longtemps après que les combustibles fossiles auront disparu. La province procède bien plus rapidement grâce au soutien à la bonification du crédit du gouvernement fédéral. Ce dernier l'aide en adossant les prêts d'un milliard de dollars qu'elle contracte pour bâtir ses infrastructures.
    Ce n'est pas en utilisant ce modèle de conversion des ressources et en l'appliquant à l'échelle internationale aux fins de développement qu'on réglera tous les problèmes, mais c'est la méthode qui aurait le plus d'effet en permettant de catalyser la prospérité renforcée dans divers pays du monde. Ce serait également profitable pour les entreprises canadiennes.
    Merci beaucoup.

  (1550)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par l'opposition.
    Monsieur Saganash, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également nos deux témoins d'aujourd'hui de contribuer à nos travaux.
    Je poserai ma première question à M. Reilly-King. Plus tôt ce mois-ci, nous avons entendu le témoignage d'un représentant de l'ACDI. Je lui ai demandé quelle approche l'ACDI utilisait pour mettre en oeuvre la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle, compte tenu des trois critères qu'elle prévoit.
    Il a répondu ce qui suit à cette question, et je cite:

Donc, la position de l'ACDI à l'égard de cette loi est que c'est la priorité absolue... Cela fait partie intégrante de notre travail.
    À la lumière de votre expérience, monsieur Reilly-King, et de ce que vous avez fait au fil des ans, seriez-vous d'accord avec ces propos?
     J’aimerais croire que la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle est au coeur de tout ce que fait l’ACDI. Nous avons cependant effectué un certain nombre de demandes d’accès à l’information ces trois dernières années afin de mieux jauger la manière dont l’organisme a interprété et mis en oeuvre cette loi. Il est malheureux que nous ayons dû recourir à cette voie, mais il nous était très difficile d’avoir, de la part des bureaucrates du gouvernement, une idée de sa mise en oeuvre.
     Je crois que l’ACDI a interprété la loi en se disant qu’elle avait déjà agi en favorisant l’élimination de la pauvreté, en promouvant les droits de la personne et en consultant les pauvres. Elle n’a toutefois pas vraiment conçu de mécanisme pour évaluer ces principes ou pour les intégrer à ses pratiques de base.
    Par exemple, il est indiqué, à la fin de la stratégie de croissance économique durable de l’ACDI, que toutes les activités de programme sont conformes à la Loi sur la responsabilité en matière d’aide du développement officielle. Nous avons fait une demande d’accès à l’information pour voir comment elle en était parvenue à cette conclusion. Nous n’avons obtenu aucune documentation, ce qui signifie que l’ACDI a affirmé qu’elle se conforme à la loi, sans pourtant avoir créé d’outil pour évaluer si elle ou ses programmes s'y conforment vraiment.
    À mon avis, les principes de la loi constituent peut-être le fondement des pratiques de l’ACDI, mais il est difficile, de nos jours, d'obtenir ne serait-ce qu'un commentaire de la part des fonctionnaires à ce sujet.

  (1555)  

     Considérez-vous que le troisième examen de l’aide au développement officielle du Canada remis au Parlement et au gouvernement...? Vous indiquez clairement dans votre rapport que l’organisme ne respecte pas l’esprit et l’intention — et j’ajouterais « lettre » — de la loi. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Comme je l'ai indiqué lors de mon intervention précédente, nous avons fait une demande d’accès à l’information pour voir quels outils l’ACDI pouvait avoir créés pour mettre la loi en oeuvre. Si nos démarches initiales ont permis de constater qu’on avait envisagé de concevoir certains outils, à ce que nous sachions, rien ne s’est vraiment concrétisé. Je suppose que ni l’esprit ni la lettre de la loi ne sont respectés.
    Vous avez aussi réalisé récemment l’analyse des réductions de programme que l’ACDI a effectuées dans chaque pays, laquelle montre que les trois pays auxquels l’organisme met l’accent, c’est-à-dire la Colombie, le Pérou et l’Ukraine, qui figurent au sommet de l’indice de développement humain, n’étaient pas du tout touchés. Or, 10 des 13 pays touchés se classent dans le quart inférieur de ce classement. Avez-vous pu déterminer pourquoi l’ACDI a agi de la sorte?
     Le gouvernement n’a pas encore annoncé ses réductions officielles dans ce dossier. L’information vient uniquement de sources médiatiques ou de fuites sur les intentions présumées du gouvernement. Le gouvernement affirmera probablement que ces démarches visent à rendre ses interventions plus ciblées et plus efficaces, et à satisfaire les besoins en matière de développement ainsi qu’à la politique étrangère et aux objectifs de développement du Canada.
    Ce qui nous préoccupe le plus, et pas seulement au Canada, c’est qu’en raison des compressions apportées au chapitre de l’aide, un nombre croissant de donateurs délaissent les pays à faible revenu au profit des pays à revenu moyen. Or, le Canada serait dans une position idéale pour combler certains besoins en Afrique, surtout dans le contexte du rapport d’étape publié sur cette région. Selon nos stratégies, la croissance, les enfants et les jeunes, ainsi que la sécurité alimentaire figurent parmi nos priorités. C’est chez les jeunes qu’il faut créer le plus grand nombre d’emplois. Comme je l’ai souligné, 74 millions de jeunes devraient se chercher un emploi au cours de la prochaine décennie. L’ACDI a déjà les petits agriculteurs dans la mire, le rapport ayant indiqué qu’il fallait combler leurs besoins en priorité.
    J’ai déjà parlé des jeunes. Le Canada a adopté une approche au sujet des enfants et des jeunes. Il est difficile de savoir pourquoi il délaisse les pays à faible revenus pour cibler les pays à revenu moyen, d’autant plus qu’un certain nombre de pays se trouvent en Afrique, un continent où, comme je l’ai fait remarquer, il est très bien placé pour satisfaire les besoins.
    Merci beaucoup, monsieur Saganash.
    Je laisse maintenant la parole à Mme Brown pour sept minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de comparaître aujourd’hui.
     Notre comité trouve la présente étude fort intéressante, et je crois qu’il serait juste de dire que nous voulons tous voir la situation progresser dans les économies émergentes et savoir comment le Canada peut le mieux aider ces dernières à devenir autonomes. Nous convenons tous que tout est dans la manière.
    Certains de vos propos d’aujourd’hui ont éveillé mon intérêt, particulièrement votre observation, monsieur Reilly-King, sur le fait que l’ACDI agit parfois à bon escient. Nous voulons certainement apporter de l’aide et intervenir en cas de besoin.
    Vous savez, le Canada est le seul pays dont les paiements au fond mondial sont à jour. Nous avons fait une contribution de 50 millions de dollars à l’Alliance GAVI l’an dernier, en plus de toutes nos autres contributions. L’an dernier, nous avons en outre versé 142 millions de dollars en Afrique de l’Est pour combler un besoin humanitaire criant dans le cadre du fonds d'aide aux victimes de la sécheresse. Nous avons versé environ 42 millions de dollars dans la région du Sahel. La population canadienne fait preuve d’une générosité extraordinaire quand nous faisons appel à elle.
    Cependant, ce sont toujours des situations urgentes et imprévisibles. Comment alors pouvons-nous aider les pays touchés à se renforcer au point où ils seraient capables, dans une certaine mesure, d’affronter leurs difficultés? Comment le Canada peut-il les y aider?
    Monsieur Heaps, vous avez évoqué l'établissement d'un conseil pour le capitalisme propre, et j’aimerais que vous m’en disiez davantage à ce sujet. Nous n’avons rien contre le fait de connaître les coûts totaux des interventions. Cela doit évidemment s'inscrire dans une évaluation qui doit être réalisée quand une entreprise intervient, et il faut aider les pays à faire ces évaluations.
    Vous avez également souligné le besoin de leadership politique, d’institutions efficaces et de services publics. Je suis désolée, ce n’était peut-être pas vous, mais M. Reilly-King. Mais vous conviendrez probablement, monsieur Heaps, qu’il faut mettre ces éléments en place. Quand vous parlez de ce conseil pour le capitalisme propre, aidez-vous les pays à faire ces évaluations et à établir les institutions qui peuvent commencer à réaliser ces évaluations elles-mêmes?

  (1600)  

     Le mandat de ce conseil est en train de prendre forme. On a déterminé deux domaines prioritaires, dont l'un consiste à débloquer l’afflux financier à l’égard des infrastructures importantes, comme celles relatives à l’énergie renouvelable et à la transmission. L’autre vise à obtenir des rapports plus honnêtes pour que l’on ait une approche davantage axée sur la richesse totale afin de calculer le produit intérieur brut national.
    On examine également les effets des investissements effectués dans le cadre de nos programmes de développement à l’étranger, en s’inspirant de la méthode de la Banque mondiale, qui exige maintenant que l’on tienne compte des effets que les investissements effectués dans les pays étrangers ont sur les stocks de capital national et social. C’est fondamental, car si l’on ne transpose pas les faits en chiffres inscrits au bilan, ils passent inaperçus lors de l'examen des rapports.
    J’ai été dans plusieurs pays africains, au Bangladesh, notamment, où personne n’a de téléphone ou de ligne terrestre. Tout le monde utilise un cellulaire. L’infrastructure qu’il faudra y établir sera donc fort différente de celle que nous avons construite chez nous, vous en conviendrez certainement.
     Dans certains pays d’Afrique, l’énergie solaire est de plus en plus courante. Quand je me suis rendue au Soudan du Sud, tous les lampadaires qu'on installe sont alimentés à l’énergie solaire.
    Je me demande si vous pourriez nous dire quelle influence cette situation aura sur le besoin en investissement dans les infrastructures. Comment pouvons-nous aider ces pays à démarrer leur économie, compte tenu de l'importance cruciale qu'auront ces infrastructures?
    Ce qui se passe dans les marchés internationaux des obligations est vraiment intéressant. Pour faire un petit retour en arrière, si on observe les marchés financiers mondiaux et la manière dont ils ont évolué au cours des dix dernières années, on constate qu'il y a dix ans, le volume des marchés des actions étaient deux fois plus important que celui des obligations. Aujourd'hui, ce dernier est évalué à 95 billions de dollars et a environ deux fois la taille du marché boursier mondial. Les mouvements de capital ont évolué au fil du temps, et les marchés des obligations tiennent maintenant le haut du pavé.
    Pour répondre à votre question sur la manière dont nous pourrions intervenir, la plupart des pays disposent de plans de développement, qu'il s'agisse du Mexique ou du Congo. Ce dernier, par exemple, a élaboré des plans pour améliorer la production d'énergie à partir du fleuve Congo, qui a, à lui seul, environ le douzième de la capacité hydroélectrique mondiale. Ce cours d'eau très important pourrait alimenter une grande partie de l'Afrique, même en tenant compte de la tendance à la croissance de ce continent. Les gens ont toutefois besoin de capitaux substantiels pour construire de bonnes centrales hydroélectriques et des lignes de transport pour transmettre l'énergie aux marchés national et internationaux. Or, ils ne disposent pas de ces fonds à l'heure actuelle.
    Ils ont donc deux choix. Ils peuvent conclure une entente avec les Chinois, qui construiront les infrastructures en échange de concessions minières. Une fois qu'ils nous auront évincés, ils feront main basse sur ces concessions à des conditions avantageuses.
    On commence à emprunter une autre avenue, que la Banque asiatique de développement a prise bien des fois et que la Banque mondiale a utilisée à une vingtaine de reprises. Par exemple, un pays pourrait indiquer qu'il a besoin de deux milliards de dollars pour financer la totalité des coûts d'un projet, dont il revendique la souveraineté. Sa cote de crédit étant très mauvaise, il concluera une entente en vertu de laquelle le Canada adossera le prêt. S'il ne rembourse pas les fonds, nous pourrions devoir le faire en partie à sa place, en échange de quoi SNC-Lavalin, Brookfield, Boralex et d'autres grandes sociétés canadiennes auraient un accès privilégié au projet de construction.
    C'est ainsi que les choses de passent. Je n'aime pas beaucoup le principe du crédit conditionnel, mais les pays qui font jouer leur crédit doivent obtenir certains avantages.
    Pour ce qui est du risque financier auquel notre pays s'expose, comme certains pourraient craindre les répercussions sur notre réputation financière, qui est excellente à l'échelle mondiale, EDC procède en réassurant les prêts qu'elle endosse. Elle fait porter à d'autres tous les risques, qui ne viendront plus la hanter. On peut progresser lentement et voir comment les choses se passent afin de s'assurer que les entreprises canadiennes obtiennent leur part du gâteau. Dans le monde, c'est dans ce domaine que le nombre d'accords augmente le plus rapidement en terme de pourcentage.

  (1605)  

    Monsieur Heaps, je vais devoir vous interrompre. C'est tout le temps que nous avons. C'est très intéressant. Peut-être que quelqu'un d'autre relancera la discussion à ce sujet.
    Madame Murray, nous sommes heureux de vous revoir. Je vous laisse la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup. Je suis enchantée d'être ici. Je remercie les témoins de nous avoir donné de l'information très intéressante selon deux points de vue très différents, mais complémentaires.
    Je conviens avec Mme Brown que tous ici présents veulent aider ces pays à parvenir à l'autonomie et à prendre en main leur propre développement. Je ferais toutefois remarquer que ce n'est pas en réduisant de 377 millions de dollars le budget de l'ACDI d'ici 2015 qu'on y réussira.
    Au chapitre des partenariats avec le secteur privé, je présume que certains se préoccupent de savoir si l'argent servira à assurer la responsabilité sociale des sociétés ou à établir d'autres partenariats dans les pays où les entreprises investissent, comme elles pourraient ou devraient le faire de toute façon.
    Comment peut-on assurer un effet d'additionnalité?
    Je reviendrai peut-être aux commentaires de Mme Brown et de Toby.
    J'aimerais poursuivre la discussion sur l'aide conditionnelle et Exportation et développement Canada. L'aide que fournit EDC n'est pas conditionnelle. L'organisme offre des prêts et des garanties, notamment. Ça n'a rien à voir avec de l'aide qui, elle, est accordée par l'entremise de subventions à des pays à faible revenu.
    Je crois qu'EDC pourrait aider à la création de marchés d'obligations intérieures, ainsi qu'offrir des services d'appui et encourager d'autres investissements dans des projets d'énergie durable ou renouvelable. C'est ce à quoi je faisais référence. Nous devons développer ce marché et combler cette lacune.
    Comment l'ACDI pourrait-elle s'y prendre? Je vais répondre à la première partie de votre question.
    J'aurais deux autres questions à vous poser. Je vous demanderais d'être bref.
    Un des principaux points que je voulais faire valoir concerne l'équilibre. Non seulement l'ACDI a-t-elle réduit sont financement, elle s'est aussi éloignée progressivement du soutien qu'elle offrait aux gouvernements, du financement bilatéral et des organisations de la société civile pour se tourner vers les initiatives multilatérales. C'est vrai qu'il faut soutenir les initiatives multilatérales, comme celles dont Mme Brown a parlé, mais il faut le faire de manière équilibrée. Réduire l'aide financière aux gouvernements pour faciliter leur autonomie n'est pas la bonne solution. Il faut se concentrer, notamment, sur la mobilisation des ressources nationales. Même le FMI a dit que le Mali, par exemple, devrait augmenter ses redevances sur l'exploitation de ses ressources naturelles.
    Je crois que la RSE concerne les obligations des sociétés privées. Comme je l'ai dit, pour la plupart d'entre elles, la RSE dépend des leurs propres intérêts et est guidée par ceux-ci. Une des façons dont l'ACDI pourrait aider serait de jumeler des organisations avec des sociétés qui s'appuient sur un modèle d'entreprise principal. Il faut un tel modèle, sans quoi le partenariat échouera.

  (1610)  

    Vous venez de faire écho aux propos de l'ancienne gouverneure générale, Michaëlle Jean, concernant le soutien aux autres pays, dont Haïti. J'ai fait partie d'une délégation multipartite qui s'est rendue à Haïti. Lors de notre visite, nous avons vu à quel point tout l'argent investi avait très peu d'impact sur la récupération à long terme et la responsabilisation personnelle. Le principal point qu'elle faisait valoir, c'est que l'aide doit être fournie conjointement par les sociétés privées et le gouvernement du pays. Il ne faut pas miser principalement sur le secteur privé.
    J'aimerais poser une question à M. Heaps. Vous parlez du financement de projets d'énergies de remplacement — un sujet aussi abordé dans un des six chapitres de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Selon vous, comment pouvons-nous financer les projets d'énergie propre et de remplacement de ces pays afin qu'ils puissent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et payer les frais initiaux de ces projets, notamment lorsqu'on sait que, dans de nombreux pays, dont le Canada, les combustibles fossiles sont hautement subventionnés?
    Avancez-vous que, puisque le Canada s'est retiré du Protocole de Kyoto, on pourrait utiliser les fonds de l'ACDI pour financer ces infrastructures? Est-ce que c'est ce que vous insinuez? Selon vous, cette stratégie serait-elle efficace comparativement à une collaboration internationale dans le cadre d'un protocole, comme Kyoto?
    Il y a de nombreuses possibilités. Ce serait compatible avec une collaboration internationale. Le principe d'amélioration du crédit dont je parlais diffère légèrement du mécanisme pour un développement propre proposé dans le Protocole de Kyoto, en ce sens qu'il n'est pas question pour le Canada de tout payer dans les pays concernés. Il s'agit plutôt de leur prêter les fonds nécessaires à un meilleur taux. En retour, le Canada pourrait profiter des retombées commerciales.
    Il y a aussi des produits intéressants sur le marché, dont les « coups de fouet à la réduction du carbone ». Voici comment ça fonctionne. Disons que l'on conclut une entente avec le Mexique, qui a adopté un plan d'infrastructure de 5 milliards de dollars visant à réduire les émissions de carbone grâce aux métros et aux trains. On pourrait accepter de garantir leur émission d'obligations jusqu'à concurrence de 5 milliards de dollars. Ainsi, les entreprises canadiennes obtiendraient des contrats et le Canada accumulerait des crédits de carbone dont la valeur pourrait augmenter, puisque la pratique est encouragée dans la CCNUCC. Cela pourrait être un élément motivateur.
    Pour le moment, les marchés financiers n'accordent aucune valeur aux crédits de carbone. Alors, cette option pourrait servir d'incitatif. Je ne dis pas qu'il faudrait procéder ainsi au détriment de la coopération internationale, mais cette pratique concorde avec ce genre d'approche et y est complémentaire.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste 20 secondes. Auriez-vous quelque chose à ajouter?
    D'accord.
    Dans le cadre de cette comptabilisation du coût complet, une méthode importante, que fait le Canada? Si l'on dit qu'il faudrait encourager d'autres pays à adopter une telle méthode, ne devrait-on pas prêcher par l'exemple?
    Une réponse brève, s'il vous plaît, monsieur Heaps.
    Le Canada dispose des meilleures données au monde en matière de capital naturel. Rob Smith, de Statistique Canada, recueille ces données depuis des années. Pour le moment, celles-ci ne sont intégrées dans aucun système national — des initiatives ont été amorcées pour corriger la situation —, mais le Canada a ce qu'il faut pour être un chef de file dans ce domaine.
    Merci beaucoup.
    Cela met un terme à la première série de questions.
    Je crois qu'il nous reste suffisamment de temps pour une deuxième. Commençons par M. Dechert. Monsieur, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci de votre présence aujourd'hui et de nous faire part de votre opinion.
    Ma première question s'adresse à M. Reilly-King. Vous savez probablement que la conférence du G8, qui s'est déroulée il y a un peu plus d'une semaine à Camp David, a donné lieu au lancement par le président Obama de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition à laquelle de nombreuses multinationales ont accepté de contribuer. Je crois comprendre que les contributions annoncées jusqu'à maintenant totalisent environ 3 milliards de dollars.
    Certaines sociétés ont décidé d'aller plus loin et d'offrir leur expertise dans différents domaines. Par exemple, Vodafone prévoit mettre sur pied un réseau de communication pour les agriculteurs de la Tanzanie, du Mozambique et du Kenya afin d'aider plus de 500 000 petits exploitants à accroître leur productivité, leurs revenus et leur capacité d'adaptation. Ces exploitants pourront ainsi mieux communiquer avec le négoce agricole — pour vendre leur produit, j'imagine — et du même coup réduire leurs coûts inhérents aux affaires.
    Quelle est votre opinion sur cette initiative?

  (1615)  

    Notre AGA a eu lieu la semaine dernière. Donc, je n'ai pas lu autant que je l'aurais voulu sur cette mesure du G8. Si certaines des initiatives concordent avec les principaux intérêts des sociétés participantes, que celles-ci sont prêtes à offrir leur expertise et à contribuer financièrement et que cela profite aux pays concernés, ça ne peut être que positif. Toutefois, ces initiatives doivent correspondre aux principaux intérêts des sociétés, à leur modèle d'entreprise, car cela favorisera la mise en place d'une bonne pratique en matière de croissance. Mais elles doivent aussi satisfaire à un besoin ou combler une lacune.
    La plus importante lacune en matière de sécurité alimentaire concerne les besoins des petits exploitants agricoles. Si je ne m'abuse, en Afrique, 60 à 70 p. 100 des citoyens sont des agriculteurs. Malgré la contribution admirable du Canada à l'initiative de L'Aquila — il fut un des premiers pays à respecter tous ses engagements —, ce problème majeur persiste. Un grand nombre de ces agriculteurs ont encore des besoins non comblés. C'est une des choses qui est ressortie de l'Africa Progress Panel.
    C'est une bonne chose que ces initiatives contribuent à faire progresser le dossier, mais ce serait encore mieux si elles permettaient de satisfaire aux besoins et aux demandes réels des agriculteurs.
    Donc, si des sociétés privées utilisaient leur expertise pour aider les petits exploitants agricoles à percer des marchés, à réduire leurs coûts de production et à accroître leur productivité, j'imagine que c'est une pratique que vous entérineriez.
    Je crois que c'est une bonne option, pourvu que ce soit durable.
    Vous avez dit dans votre exposé que le développement du secteur privé local constitue un élément clé pour ces pays. Nous savons que des sociétés étrangères travaillent de manière différente pour y développer, disons, des industries primaires. Si je ne m'abuse, la Chine, par exemple, fait venir des travailleurs temporaires de la Chine et d'ailleurs pour travailler à ces projets plutôt que de former les résidants locaux, contrairement au Canada qui, lui, préfère former les travailleurs de la région.
    Dans le cadre de plusieurs de ses initiatives, l'ACDI fait appel à des entreprises canadiennes pour développer des sociétés locales pour que celles-ci deviennent des fournisseurs pour d'autres sociétés canadiennes qui tentent de créer des industries primaires dans ces pays. Par exemple, l'agence travaille avec Vision mondiale et Barrick Gold, au Pérou, pour offrir à 134 000 résidants des services d'enseignement, de l'eau potable et des services d'hygiène. Que pensez-vous de ce projet et du travail de Barrick Gold, comparativement à ce que font les sociétés chinoises dans ces pays?
    Un autre exemple serait le projet conjoint entre Plan Canada et IAMGOLD, au Burkina Faso, qui vise à offrir à 10 000 jeunes une formation axée sur les compétences. Que pensez-vous de ce projet? Ces initiatives où le gouvernement canadien s'associe avec des sociétés privées produisent-elles de meilleurs résultats que si elles étaient confiées uniquement à des entreprises étrangères de l'industrie des ressources?
    Pouvez-vous nous répondre en moins de 30 secondes, s'il vous plaît?
    Le secteur privé local constitue un élément clé. La Chine a une très mauvaise réputation en Afrique. On ne peut pas vraiment comparer les initiatives des sociétés canadiennes à celles des sociétés chinoises. On s'imagine probablement tous que les sociétés canadiennes sont les meilleures sur le plan pratique.
    Je ne connais pas très bien Vision Mondiale et Plan Canada. J'ai consulté le témoignage d'EUMC. Un des éléments positifs du projet, qui se fait, je crois, en collaboration avec IAMGOLD... Soit dit en passant, cette dernière n'exploite même plus de gisement dans ce pays, mais il y a encore des ressources affectées à ce projet. Les travaux se déroulent à 200 milles de la mine.
    Les initiatives de l'EUMC vont au-delà de l'éducation, de la santé et de la formation. L'organisme travaille avec le gouvernement du pays afin de s'assurer que les retombées des projets, les redevances que touche le pays, profitent aux citoyens. Je dirais que les mesures de l'organisme sont dictées davantage par son intérêt envers le développement que par ses intérêts commerciaux.

  (1620)  

    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Je suis désolé. monsieur Dechert. Peut-être pourrez-vous intervenir de nouveau pendant la deuxième série de questions, après M. Saganash.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à M. Reilly-King et à sa récente analyse des compressions budgétaires.
    Vous dites que, à la lumière de cette analyse, il est très difficile de dire sur quels critères on s'est appuyé pour prendre cette décision.
    Vous dites également dans votre analyse que la Colombie, le Pérou, l'Indonésie et le Bangladesh sont devenus des partenaires commerciaux importants du Canada au cours des dernières années. On peut ajouter à cette liste l'Ukraine et le Honduras qui ont terminé, en août 2001, les négociations en vue d'un accord de libre-échange avec nous.
    Certains diront qu'il s'agit d'une pure coïncidence que nous accordons de plus en plus notre aide au développement à des pays où nous avons des intérêts économiques. Que pensez-vous de ce changement d'orientation? Est-ce la voie à suivre?
    Il m'est difficile de dire s'il s'agit de la voie à suivre. C'est l'orientation qu'a choisie le gouvernement actuel.
    Mais, j'aimerais revenir sur un point que vous avez déjà soulevé. Je n'ai rien contre le fait que le gouvernement conclue des ententes commerciales avec d'autres pays. Toutefois, j'espère que, en ce qui concerne l'argent qu'il consacre à l'aide au développement — notamment dans le contexte de la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle —, le gouvernement, par l'entremise de l'ACDI, accordera la priorité aux pays dont les besoins sont les plus criants, soit les pays à faible revenu. Ce sont eux qui en ont le plus besoin. Certains pays à revenu moyen ont aussi des besoins financiers, mais j'espère que le gouvernement continuera d'accorder la priorité aux plus pauvres.

[Français]

    Monsieur Reilly-King, vous avez soulevé un bon point: le développement local. Il arrive souvent que les pays en voie de développement soient presque mis sous tutelle avec l'aide humanitaire. Les pays qui fournissent de l'aide humanitaire se disent que les pays en voie de développement n'ont pas les ressources pour faire du développement local et qu'ils vont le faire à leur place. Selon notre vision actuelle de l'aide internationale, j'ai peur que si ce sont des entreprises privées qui donnent cette aide, il y ait encore plus de patronage. On dit à ces pays en voie de développement qu'étant donné qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires, on va donner de l'argent à nos entreprises pour qu'elles fassent du développement local à leur place.
    En développement international, on devrait plutôt chercher à financer des entreprises locales, et non donner de l'argent à une entreprise qui ne connaît peut-être pas du tout les besoins de la population et des institutions publiques. On parle d'institutions publiques et de bonne gouvernance. Ces questions ne font pas du tout partie des politiques de ces institutions.
    On parle de la direction que prend l'aide humanitaire. Est-ce la bonne direction à prendre en matière d'aide humanitaire? Ne devrait-on pas, comme l'a dit M. Reilly-King, investir dans le développement local privé au lieu de le faire à grande échelle avec de grandes entreprises privées?

[Traduction]

    Vous avez mentionné plus tôt la stratégie de 2003 de l'ACDI pour le développement du secteur privé, au coeur de laquelle on retrouve le développement du secteur privé local. Vous devriez la lire, si ce n'est déjà fait. Je crois que le Canada devrait poursuivre ces efforts en ce sens.
    En fin de compte, pour être durable... Certains diront que l'aide financière accordée n'a pas porté fruit. Comme une quantité énorme d'investissements ou de capitaux étrangers sont retirés de certains pays et que les impôts ne sont pas perçus, l'aide financière a donc un impact marginal. On espère qu'elle servira surtout à satisfaire aux besoins des pays à faible revenu et à développer le secteur privé de ceux-ci.
    Cela ne veut pas dire que les grandes sociétés devraient éviter la philanthropie. Si elles désirent investir beaucoup d'argent pour favoriser le développement dans certains pays, c'est très bien. Il est aussi possible... Il existe de bons partenariats public-privé. L'important, c'est qu'ils se concentrent d'abord sur les besoins des citoyens locaux. S'ils profitent aux sociétés et gouvernements participants, s'ils sont axés sur l'offre, ils seront inefficaces. Mais, je le répète, il faut d'abord et avant tout se concentrer sur le développement du secteur privé, notamment parce qu'il y a moins de financement accordé à l'aide. C'est essentiel.

  (1625)  

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Madame Grewal, vous avez la parole, mais je vais devoir vous interrompre après environ trois ou quatre minutes. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Heaps, lors de votre témoignage en décembre 2009, vous avez dit qu'aucune entreprise ne peut connaître du succès au sein d'une société qui échoue. Selon vous, les entreprises souhaitent vraiment faire des affaires en utilisant une méthode commerciale qui permet de renforcer la stabilité sociale, un élément essentiel. Vous dites aussi appuyer les sociétés canadiennes, qui doivent être au coeur des grandes solutions si l'on veut connaître du succès.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l'investissement du secteur privé est si essentiel aux pays en développement et comment il peut contribuer à régler les problèmes globaux de santé, d'éducation et de pauvreté?
    Certainement; je vous remercie de votre question.
    Si nous voulons aider ces pays à se développer, à subvenir aux besoins de leurs citoyens en matière de nourriture, de santé et d'emplois, et à leur fournir de l'électricité pour qu'ils puissent lire la nuit, l'ampleur des investissements nécessaires dépasse largement la hauteur de toute aide directe.
    Comme Fraser l'a dit, l'aide directe joue un rôle déterminant lorsqu'il est question d'enrayer la famine ou d'éradiquer une maladie, mais c'est le flux de capitaux du secteur privé qui peut favoriser le développement durable d'un pays. Il convient de souligner que les 95 billions de dollars investis sur le marché des obligations multimarchés valent nettement plus que tout budget d'aide, et que les émissions d'obligations augmentent chaque année.
    Notre système financier est embourbé à bien des égards et aurait besoin d'une mise au point. On tend à financer ce qui a déjà obtenu du financement, à quelques exceptions près, comme les titres adossés à des créances hypothécaires aux États-Unis. En présence d'un nouvel investissement de la sorte, on examine les antécédents au pays, mais on a un penchant marqué pour le financement de projets et d'entités qu'on a déjà financés.
    Si nous voulons parvenir au développement durable dans un délai raisonnable, nous devrons augmenter proportionnellement le financement du secteur privé et réorienter les billions de dollars déjà en circulation vers des investissements en développement durable. C'est ainsi que notre contribution sera la plus importante, et c'est pourquoi il est formidable d'être Canadien. Nous avons accès à de nombreux pays, nous ouvrons nos portes à bon nombre d'entre eux, et nos finances comptent parmi les plus stables au monde. Alors si nous arrivons à concilier tous ces aspects... Exportation et développement Canada est une excellente organisation qui occupe une position sans pareil pour former l'avant-garde du développement durable, mais elle aura besoin d'un coup de pouce.
    Merci.
    C'est tout le temps dont nous disposions.
    Je tiens à remercier infiniment MM. Heaps et Reilly-King de leur comparution.
    Je vais maintenant suspendre la séance un instant afin que messieurs puissent quitter la table, et que les prochains témoins puissent prendre place pour la prochaine heure. Merci beaucoup.

  (1625)  


  (1635)  

    Nous allons reprendre pour la deuxième heure.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Romer, qui est ici pour nous parler un peu de ce sur quoi il travaille. M. Romer vient de la Stern School of Business de New York, et je sais qu'il a collaboré avec l'Institut Macdonald-Laurier d'Ottawa.
    Monsieur, je vais maintenant vous laisser la parole. Vous avez environ 10 minutes pour nous présenter votre exposé, puis les membres du comité vous poseront des questions à tour de rôle.
    Je vous remercie encore d'avoir pris le temps de venir comparaître. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis fort honoré que vous m'ayez convoqué aujourd'hui.
    Il y a une partie de mon parcours dont vous n'avez pas parlé, et que vous ignorez peut-être. Dans le cadre de mes études supérieures, j'ai passé une année à l'Université Queen's, de Kingston. Ç'a été l'année la plus productive de mes études, alors j'ai une affection particulière pour le Canada.
    Je suis ici pour vous parler d'un projet du gouvernement hondurien pour lequel j'ai servi de conseiller. Le président du Honduras a envoyé une lettre en espagnol, qui a été traduite en français et en anglais; il y dit à quel point il se réjouit de l'intérêt du Parlement à l'égard de cette expérience au Honduras, ainsi que de la possibilité de nouer un partenariat avec le Canada pour la suite du projet.
    Mais avant, permettez-moi de vous décrire un concept que vous connaissez bien et qui a incité le pays à lancer ce projet, à savoir le chômage national. Imaginez que votre société soit continuellement aux prises avec un taux de chômage alarmant. Par un élan de charité, vous pourriez naturellement être porté à inscrire les gens qui ne travaillent pas à l'aide sociale en guise de revenu. Si le problème est répandu, un tel programme pourrait coûter une fortune au gouvernement. Or, nous savons maintenant que ce genre de programme de subventions de charité peut être assez nuisible, car il finit par dissuader les prestataires de retourner sur le marché de l'emploi, ce qui se traduit par une perte de compétences et par une diminution du sentiment d'accomplissement et de dignité.
    Plutôt que d'opter pour cette solution coûteuse et nuisible dans une situation semblable, nous savons qu'il existe un autre choix très abordable: il faut déterminer ce qui empêche les gens de travailler, reconnaître que chaque être humain a la capacité de contribuer à la société et d'accomplir un travail productif, et supprimer tout ce qui empêche ceux qui n'ont pas d'emploi à devenir productifs. Nous profiterons ainsi du fruit de leur travail, mais surtout, ces gens élargiront leurs compétences, et leur travail sera une source d'espoir et de dignité.
    Il nous semble évident que le rôle du gouvernement à l'échelle nationale soit de lever ces obstacles de façon à ce que les gens au chômage puissent contribuer à la vie active à la hauteur de leurs compétences. D'habitude, le gouvernement ne devrait pas leur fournir une aide ou un revenu de remplacement.
    Cette logique a fait un bout de chemin en Amérique du Nord au cours des dernières décennies, mais nous n'avons toujours pas appliqué le même raisonnement à l'aide au développement. Lorsqu'il est question d'un pays pauvre, nous optons encore trop rapidement pour les cadeaux, la charité ou l'aide. Ce type d'aide humanitaire convient manifestement à certaines circonstances; en temps de crise, c'est d'ailleurs ce qui peut faire la différence entre la vie et la mort, et nous devons assurément être prêts à intervenir de cette façon. Or, ce n'est pas la solution à privilégier dans les cas de pauvreté chronique et persistante au sein de pays où les habitants ne participent pas à la vie active et n'acquièrent pas de compétences.
    L'autre fait révélateur, c'est que ce genre de pauvreté n'est pas attribuable à une faiblesse chez les habitants du pays. Par exemple, si un Hondurien sans emploi ou touchant un salaire médiocre déménage au Canada ou aux États-Unis, il gagnera beaucoup plus dès son arrivée en raison de ce nouvel environnement. La population n'est donc pas la source des obstacles. Il faut plutôt chercher à comprendre ce qui, au sein de l'environnement, empêche tout le monde d'aller de l'avant.
    Les économistes font référence à ces obstacles possibles sous le nom d'« institutions ». Je n'aime pas ce mot, car je le trouve obscur. Je crois qu'il est préférable de parler de « règles ». Chaque société ou groupe de personnes suit un ensemble de règles structurant les interactions entre chacun.

  (1640)  

    Ces règles sont partiellement codifiées dans la loi, mais elles se reflètent aussi dans notre notion de ce qui est bien ou mal.
    Une Hondurienne qui s'installe au Canada devra respecter les exigences de la loi en matière d'honnêteté, mais aussi les normes sociales répandues ayant trait à l'honnêteté et à la confiance. Or, un pays comme le Honduras qui veut entreprendre une réforme pourra assez facilement recopier le droit du Canada, mais il aura beaucoup de mal à en instaurer les normes, du moins sur le coup.
    Les habitants du Honduras préféreraient vivre au sein d'une société où la confiance règne et où les gens sont honnêtes, ce qui faciliterait les échanges commerciaux. Or, le pays cherche un moyen d'échapper à l'ensemble de règles léguées par son histoire de colonisation, qui frôlait le féodalisme à la naissance du pays, de même que par la peur constante de l'opportunisme et de la violence — les paysans craignent que les propriétaires fonciers profitent d'eux et les répriment, tandis que les propriétaires craignent une invasion des paysans et le vol de leurs terres.
    Compte tenu des circonstances, le gouvernement du Honduras en est donc venu à la conclusion que si la solution est d'instaurer des normes en matière de confiance et d'honnêteté, par exemple, une tierce partie neutre pourrait parfois jouer le rôle d'arbitre de confiance pour l'aider à créer des conditions favorables à la sécurité. C'est ce qui permettra de rétablir l'honnêteté et la confiance nécessaires au développement rapide dont le pays est capable. Le gouvernement a modifié sa constitution et a adopté une loi afin de créer une zone de réforme, où des étrangers pourront reproduire certaines des conditions essentielles — ils contribueront ainsi à rétablir la confiance et à renforcer la sécurité en vue d'instaurer les normes d'honnêteté recherchées.
    Pour revenir à ce que je disais au début, cette solution ne coûtera rien aux pays étrangers. En fait, je pense que tout gouvernement étranger voulant contribuer à ce projet devrait immédiatement... Quelqu'un a demandé tout à l'heure si les pays donateurs pouvaient faire quoi que ce soit pour aider. Voici ma réponse: ne donnez pas d'argent, car ce n'est pas pertinent. Le témoignage précédent attestait que l'argent est dérisoire comparativement à la valeur qui peut être ajoutée. Contribuer à rétablir la confiance au sein du pays peut s'avérer extrêmement précieux, car celle-ci pourrait ensuite s'installer au sein de l'ensemble de la société.
    Je vais d'abord vous donner un exemple précis, puis nous discuterons de la situation de façon générale.
    La loi sur la zone spéciale de réforme prévoit la création de tribunaux dans cette nouvelle région. Pour l'instant, personne ne se fie aux tribunaux ni à la police du Honduras, et avec raison. Bon nombre de policiers, de juges et d'avocats acceptent des pots-de-vin et n'appliquent pas la loi de façon honnête. Un avocat m'a même déjà confié que si un juge ne lui demande pas un paiement illicite dans une affaire, il sait qu'il aura des ennuis, car l'autre partie l'a déjà soudoyé et a déjà gagné le procès.
    Par conséquent, comment peut-on échapper à un comportement répréhensible aux yeux de tous, mais tellement répandu que personne ne sait plus à qui faire confiance? En vertu de la loi, la nouvelle zone de réforme disposera de ses propres tribunaux. Les juges pourront venir de partout dans le monde. D'ailleurs, la Cour suprême de la République de Maurice servira de cour d'appel pour les nouveaux tribunaux de la zone au Honduras. Elle n'aura pas à en assumer le coût, car selon une entente informelle, la zone hondurienne versera un droit pour l'interjection d'appel à la Cour suprême, ou mettra en place un autre mécanisme de ce genre.

  (1645)  

    Grâce à la procédure d'appel, la neutralité et la crédibilité du système judiciaire de la République de Maurice serviront donc de point d'ancrage au nouveau système judiciaire, qui pourra être mis en place immédiatement dans la nouvelle zone.
    Vous vous demandez peut-être pourquoi le gouvernement instaure ce nouveau système uniquement dans la zone spéciale, et pas dans l'ensemble du Honduras. La réponse, c'est que certains pourraient s'opposer à ce genre de participation étrangère. Plutôt que d'imposer ce modèle à tous les Honduriens, le gouvernement a décidé de créer un nouvel endroit où il pourra leur offrir de telles conditions. Si un Hondurien est prêt à s'installer dans cette zone, il pourra être jumelé à un employeur en recrutement, où il pourra utiliser les infrastructures financées par des investisseurs qui espèrent un rendement sur le capital investi, comme l'aéroport, le port ou le réseau d'électricité. Les citoyens seront libres de venir vivre dans ce nouvel environnement, mais ils n'y seront pas tenus.
    Ce choix est essentiel non seulement pour faire accepter initialement ce type de changements, mais aussi pour conférer une légitimité à ces nouvelles normes et règles, auxquelles tous les habitants de la zone auront adhéré, ce qui n'aurait pas été le cas si le gouvernement les avait imposées à ceux qui n'en veulent pas — je parle de normes, mais aussi de dispositions légales. L'idée, c'est de créer la zone et d'exploiter les ressources, ce qui ne coûtera pas grand-chose, mais qui permettra de reproduire le genre d'occasions que recherchent les citoyens qui déménagent actuellement en Amérique du Nord. Le gouvernement doit commencer par recréer ces conditions dans la zone, et lorsque ses efforts porteront leurs fruits, il pourra chercher un moyen de déployer le projet dans le reste du pays, si la population en veut. On peut espérer que le reste du monde s'inspirera de ce modèle de réforme sociale. D'ailleurs, nous saurons ainsi comment créer un environnement urbain et des occasions pour les milliards de gens qui voudront habiter en ville.
    Voilà en quoi consiste le projet. Ce que fait la République de Maurice constitue un nouveau genre d'aide au développement à la portée d'un pays comme le Canada. Maintenant que vous savez à quel point les choses pourraient être différentes, je vais laisser les membres du comité poser leurs questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par un député de l'opposition.
    Monsieur Saganash, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie de votre exposé.
    Je dois avouer que j'ai reçu le lien juste avant de partir pêcher toute la fin de semaine dans le Nord du Québec. J'ai regardé la vidéo où vous donnez l'exemple de Hong Kong, mais il était plutôt divertissant de le faire à partir de là-haut.
    J'aimerais commencer par vous poser une question très courte. Ce concept de villes à charte ressemble-t-il à celui des bandes indiennes du Canada? En quoi diffère la politique canadienne de gestion par un tiers à l'endroit des collectivités autochtones?

  (1650)  

    C'est une très bonne question, et elle se pose aussi dans le contexte américain.
    Il y a plusieurs éléments en jeu ici. Il y a la notion d'autonomie et, en supposant un certain espace géographique, un système autonome de gouvernement. Certaines choses ressemblent plus ou moins à ce qu'on trouve dans divers arrangements pris avec les Premières nations en Amérique du Nord.
    L'autre élément dans cette proposition, c'est l'impératif purement économique de l'urbanisation, qui ouvre la voie aux possibilités. Presque tout ce que les gens font est plus productif dans une zone urbaine à forte densité. Les seules exceptions sont l'agriculture ou l'extraction de minéraux, qui exigent de grandes étendues de terres.
    L'important, ce n'est pas simplement de fournir des conditions propices à la création d'un climat de confiance, de débouchés et d'emplois, mais de fournir aussi tous les avantages qui découlent d'un milieu de vie, d'un milieu urbain dense et productif.
    Cette zone du Honduras sera ouverte à la migration de toute l'Amérique centrale et de toute l'Amérique latine — et même de l'ensemble du monde. Avant 2008, par exemple, un million de personnes quittaient chaque année l'Amérique centrale et l'Amérique latine pour aller aux États-Unis. Au rythme d'un million de personnes par année, cette zone pourrait atteindre la taille d'une ville de dix millions d'habitants en une dizaine d'années.
    La différence dans le contexte juridique au Canada, j'en suis certain, ainsi qu'aux États-Unis, c'est que personne à l'heure actuelle n'est prêt à accepter que des millions de personnes qui souhaitent s'installer dans des villes arrivent à titre d'immigrants reçus ou de résidents permanents dans nos pays. Pour diverses raisons, nous ne sommes pas prêts à envisager une telle arrivée de personnes.
    Vous pouvez créer une région autonome spéciale au Canada ou aux États-Unis, mais elle ne pourrait pas devenir une ville de 10 millions de personnes, un pôle mondial qui peut attirer les meilleurs talents de demain.
    On part du principe, monsieur le président, que le modèle de ville est le modèle de développement idéal — et donc que les régions rurales et les petites communautés ne le sont pas — et que pour devenir prospère, vous devez vous installer dans une grande ville.
    Ici, au Canada, cet argument est repris constamment. Il vise les gens qui vivent dans les régions rurales, dans les réserves, comme la plupart des miens. Je suis né dans les bois, j'ai vécu de la terre et j'ai embrassé le mode de vie traditionnel de mon peuple. L'idée d'abandonner ce lien à la terre et à mes racines n'est pas, à mon avis, respectueuse de l'Autochtone que je suis.
    Seriez-vous d'accord pour dire que la plupart des problèmes de développement social qui existent dans les collectivités rurales, comme la pauvreté, la mauvaise alimentation, la toxicomanie et la criminalité, existent aussi dans les villes?
    Nous voyons tous ces problèmes à la fois dans les milieux à haute densité et à faible densité. Soyons clairs: nous devrions toujours respecter les traditions et les préférences individuelles qui nous amènent à faire des choix différents. Mais voilà le défi qui se pose partout dans le monde: de trois à cinq milliards de personnes voudront migrer vers les villes au cours du présent siècle. Ce mouvement vers les villes dépasse toutes les migrations urbaines réunies qui ont été faites dans toute l'histoire de l'humanité. Sans porter de jugement à savoir si ces personnes ont tort ou si elles ont raison, je crois que les décideurs des quatre coins de la planète doivent accepter le fait que ces milliards de personnes veulent s'installer dans des villes. Si c'est ce qu'elles souhaitent, il faut essayer de créer les conditions qui leur permettront de le faire sans craindre pour leur santé et leur sécurité, en profitant des opportunités offertes, dans l'inclusion et la dignité.
    Il y aura toujours des gens qui travailleront dans le secteur de l'agriculture et de l'extraction minière, qui auront des styles de vie traditionnels et qui vivront dans des régions moins denses. Les gens peuvent aller et venir. Ce ne sont pas des engagements à vie. Une personne peut passer une certaine période de temps dans une zone dense pour économiser de l'argent qu'elle utilisera ensuite pour retourner dans une région moins dense. Mais, partout dans le monde, c'est un véritable tsunami d'urbanisation qui s'annonce.
    Nous avons la chance de créer un certain nombre de collectivités entièrement nouvelles dans ces nouvelles conditions, et de profiter de l'occasion pour faire des réformes et des progrès que nous ne ferions pas si nous n'avions pas la chance de créer de nouvelles collectivités.
    Cette proposition n'est pas un remède immédiat et facile aux problèmes qui touchent certaines collectivités rurales. Ces problèmes leur sont propres et méritent une attention particulière. Toutefois, c'est une proposition qui peut nous amener à voir l'aide autrement; ce n'est plus une oeuvre de charité, mais un moyen de développer, sans coût, ces nouvelles normes qui appuient une vie sociale dense, moderne. Des avantages énormes rejailliront partout dans le monde — des avantages pour les gens du monde en développement qui pourront en profiter, mais aussi des avantages pour les gens du monde développé qui peuvent financer notamment les infrastructures, délocaliser les activités manufacturières et négocier de manière productive avec ces centres qui sont en croissance partout.

  (1655)  

    Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons.
    Monsieur Williamson, vous avez sept minutes.
    Vos idées sont intéressantes, mais pouvez-vous nous dire, de façon pratique, à quel endroit, s'il en est, ces idées se sont matérialisées? On vient de parler de Hong Kong, mais est-ce que la Chine a essayé cela, ou d'autres parties de l'Asie? Donnez-nous quelques exemples concrets pour nous aider à comprendre et à laisser un peu de côté le monde de la théorie.
     Maurice est un pays que peu de gens connaissent. J'ai d'abord commencé à étudier Maurice parce que ce pays utilisait une zone comme celle-là pour sortir du carcan des barrières commerciales extrêmement élevées et pour ouvrir l'économie. Les Mauriciens ont créé ce qu'ils ont appelé une zone. Pour être dans la zone, il suffisait de s'identifier et de dire que votre entreprise se trouvait dans la zone. Si vous déclariez être dans la zone de transformation pour l'exportation, cela signifiait que vous pouviez importer librement n'importe quelle marchandise sans limites, sans contingents et sans tarifs, mais vous deviez exporter toute votre production. C'était la seule restriction. Vous ne pouviez rien vendre à l'intérieur du pays.
    Vous pouviez aussi mener vos activités suivant des conditions du droit du travail différentes de celles qui s'appliquaient au reste de l'économie. Aucune entreprise n'était obligée d'entrer dans cette zone et aucun travailleur n'était forcé d'y travailler. Un certain nombre d'entreprises sont entrées dans la zone, pour ainsi dire. Un certain nombre de travailleurs, surtout des femmes, qui n'avaient jamais eu accès au marché du travail, ont obtenu des emplois dans ces entreprises qui venaient de l'étranger. Par la suite, quelques-unes de ces femmes sont devenues des entrepreneurs; elles ont démarré leurs propres entreprises locales. Les responsables de l'économie mauricienne ont vu combien le commerce pouvait être bénéfique aux gens qui s'y engageaient, et ils ont abaissé les barrières commerciales dans l'ensemble de l'île.
    C'est une réforme à laquelle les gens peuvent choisir d'adhérer et que l'ensemble de la société finit par accepter comme étant légitime, parce que personne n'a l'impression que cette réforme a été imposée. C'est pourquoi j'ai d'abord étudié l'histoire de Maurice.
    L'exemple le plus frappant serait Shenzhen, une des quatre zones économiques spéciales que Deng Ziaoping a mises sur pied en voulant, lui aussi, créer des endroits où des entreprises étrangères pouvaient être jumelées à des travailleurs chinois. Au lieu d'imposer cette idée à une ville ou aux travailleurs chinois, il a créé des endroits où cela pouvait se faire.
    Le président, Hu Jintao, a dit récemment que Shenzhen était un miracle parce qu'en une vingtaine d'années, son PIB est passé de 10 millions à plus de 100 milliards de dollars par année.
    C'est le succès du modèle de Shenzhen. Ce modèle est un succès en soi, mais il a aussi permis de persuader le reste de la Chine d'adopter le modèle de marché et de laisser les entreprises étrangères s'installer, ce qui, je crois, a amené les pays en développement partout dans le monde à voir dans les zones spéciales la voie de l'avenir.
    Je suis d'accord avec vous.
    Vous avez dit qu'on ne voulait pas imposer ce modèle à d'autres en Chine. Je ne suis pas certain que le gouvernement chinois ait déjà craint d'imposer l'une ou l'autre de ses réformes à son peuple. Ces quatre régions n'ont-elles pas été créées pour servir de banc d'essai? Comme vous l'avez dit, les résultats ont été spectaculaires. La croissance de la richesse en Chine, ainsi que de la population, s'est produite dans ces régions. Est-il juste de dire que la croissance a été très limitée ailleurs, ou n'a pas été aussi remarquable que dans ces régions?

  (1700)  

    Le succès qu'ont d'abord connu les zones spéciales s'est rapidement répandu dans d'autres parties de la Chine. On a continué d'ajouter des zones, et même certaines villes intérieures ont commencé à reproduire les arrangements de ces zones. On a donc observé une croissance rapide partout en Chine, mais suivant un modèle qui avait vu le jour...
    Y a-t-il six zones maintenant? Combien y en a-t-il?
    On est rapidement passé à 14 zones, et c'est maintenant difficile à compter.
    Je vous remercie de nous donner quelques exemples concrets de réussite.
    Je comprends ce que vous dites à propos des institutions ainsi que des règles ou des normes. Toutefois, je me pose des questions. Un des défis que doivent relever les pays comme le Canada, c'est de travailler avec les pays du monde entier qui adoptent ces règles et ces normes qui sont profitables à la croissance et au développement. Est-ce le rôle du Canada d'encourager les pays à s'embarquer dans ces zones ou dans ces villes à charte? Ou n'est-ce pas à chaque pays de décider lui-même s'il veut emprunter cette voie?
    Je crois que l'initiative doit toujours venir de l'économie en développement, non pas du Canada ou d'un pays comme le Canada ou Maurice. Cela doit se faire dans certaines conditions, dans un acte volontaire de l'économie en développement puisque, je le répète, la légitimité est l'élément central de cette stratégie.
     Si dans 10 ou 15 ans, quelqu'un dit que cet arrangement n'était pas légitime, qu'il a été imposé, que c'était une espèce de dépossession, vous pourriez alors perdre tous les avantages potentiels qui sont envisagés ici. Au lieu de la confiance et du respect de la loi qui naissent de la légitimité, vous feriez face à une opposition et peut-être même à de la violence.
    On m'a souvent demandé si nous pouvons créer une zone pareille en Haïti. Je réponds que ce serait très bénéfique pour bon nombre d'Haïtiens, s'ils pouvaient s'installer dans une zone où les conditions de confiance pouvaient être assurées, par exemple, par les mécanismes que j'ai décrits. Or, à l'heure actuelle, le gouvernement d'Haïti fait face à une occupation militaire. C'est une occupation militaire humanitaire, mais le gouvernement est entièrement dépendant des forces de sécurité contrôlées par d'autres gouvernements.
    Ce serait difficile de faire valoir qu'une décision prise à l'heure actuelle par le gouvernement haïtien pour créer une zone spéciale avec des arrangements spéciaux serait un arrangement véritablement volontaire. Malheureusement, je ne crois pas que ce type de modèle pourrait être proposé en Haïti présentement, mais il pourrait l'être plus tard, lorsqu'il y aura un gouvernement en Haïti qui aura le pouvoir de le faire.
    Rapidement, j'aimerais savoir ce que vous pensez des exigences minimales. Le gouvernement ne doit pas nécessairement être démocratique, mais il aurait à prendre, par exemple, un engagement envers les droits de propriété, la règle de droit, le libre-échange...
    Quels autres éléments sont essentiels, selon vous, à ce modèle de croissance?
    Soyez bref, si vous le pouvez.
    Bien sûr.
    Ce serait bien si le Canada ou des pays comme le Canada ou d'autres États participaient à cet arrangement, notamment parce qu'ils pourraient fixer des normes et des attentes. L'idée que je défendrais ardemment, c'est la notion d'inclusion, d'un traitement égal en vertu de la loi. Je crois qu'il ne faut pas tolérer des endroits où il y a en permanence des citoyens de deuxième et de troisième classes qui ont des droits différents.
    Merci.
    Nous allons revenir en arrière pour la dernière question de la première série.
    Madame Murray.
    Merci.
    Je vous remercie d'être venu pour nous aider à comprendre ce projet.
    Sur une note personnelle, je tiens à féliciter la Stern School of Business de l'Université de New York pour son engagement envers ce qui sort des sentiers battus et ce qui est novateur. L'université a demandé à mon fils, Baba Brinkman, de faire le Rap Guide to Business, et il a passé quelque temps avec des membres de votre faculté et avec vos étudiants.
    J'ai deux questions. L'une d'elles a trait à la création d'un espace favorable et de zones de développement spéciales. On rejoint ici ce que Michaëlle Jean a dit en parlant de ce qui aiderait Haïti; il faut travailler avec le gouvernement, et non créer un réseau supragouvernemental d'ONG et d'argent de développement. C'est une perspective qui me paraît emballante, qui sort peut-être des sentiers battus et qui est novatrice.
    Toutefois, certains témoins nous ont dit tout à l'heure que l'essentiel, c'est que certaines choses intangibles, des choses que l'argent ne peut pas acheter... On nous a dit que l'aide du Canada, si elle va dans l'intérêt du développement international, doit être liée à une croissance équitable et à la création d'emplois, et non à une création d'emplois injustement rémunérés. L'aide doit s'inscrire dans un cadre de développement durable, une approche de responsabilisation totale.
    Pouvez-vous nous dire comment le Canada peut respecter la souveraineté d'un pays comme le Honduras, qui n'a peut-être pas pris d'engagement important à l'égard de ces choses ou n'en a pas la capacité, mais qui imposerait ce critère avant d'accepter notre aide? C'est une des questions, et je vais poser la deuxième immédiatement.
    Pour ce qui est d'inspirer la confiance, je dois dire que le Canada perd du terrain en tant que figure internationale de confiance et d'honnêteté. Vous ne le savez peut-être pas, mais Élections Canada mène présentement une grande enquête sur une possible fraude électorale systémique commise au cours des dernières élections fédérales. Il y a d'autres problèmes. Le vérificateur général ainsi que le directeur parlementaire du budget ont parlé publiquement d'une double comptabilité, de renseignements gardés secrets...

  (1705)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Il n'y a jamais eu de double comptabilité, et le vérificateur général a dit qu'il n'y en avait pas.
    Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'invoquer le Règlement de toute façon.
    Continuez, madame Murray.
    Nous parlons de confiance, et le directeur parlementaire du budget a dit cela, alors on peut s'inquiéter que...
    Compte tenu de l'ampleur du phénomène au Canada, je voudrais savoir si vous pensez que cela pourrait empêcher le Canada de contribuer à l'élaboration des normes de confiance et d'honnêteté.
    Enfin, s'il reste du temps, Haïti est en train de développer une zone sur la côte Nord comme celle que vous décrivez et possiblement des milliers d'emplois. Je me demande pourquoi vous dites que ce pays n'est peut-être pas prêt. Si Haïti développe cette zone, ne serait-il pas utile qu'il reçoive de l'aide pour établir des institutions et la démocratie?
    Je vous remercie.
    Que vous le vouliez ou non, le Canada est encore un modèle de bonne gouvernance et de confiance partout dans le monde. Ce qui est admirable, c'est l'autocritique et les enquêtes. La complaisance à l'égard d'une bonne gouvernance serait un très mauvais signe, tandis qu'il faut une attention rigoureuse pour la préserver.
    En Haïti, la zone proposée n'est pas assez grande pour devenir une importante métropole urbaine et pourrait donc souffrir des limites d'échelle et du fait qu'il s'agit davantage d'un effort privé que d'un effort déployé par un gouvernement solide qui offrirait les services que tous les gouvernements doivent fournir.
    Les critères constituent un aspect intéressant. Je crois que l'aide, la légitimité et l'autorité morale que le Canada pourrait apporter pour contribuer à l'établissement d'un nouvel environnement, d'un nouvel effort, ne doivent pas être accordées de façon désinvolte. Il convient que le Canada établisse certains critères à propos de l'inclusion, par exemple; c'est très important, selon moi. Le Canada refuserait de participer s'il n'y avait pas d'engagement dans ce sens. Par contre, il faut aussi accepter que les décisions ultimes sur la manière d'agir soient prises par le pays en développement.
    Par conséquent, un pays comme le Honduras peut faire une proposition de développement, et le Canada pourrait l'évaluer sérieusement avec une ouverture d'esprit, mais il pourrait aussi décider de ne pas participer au projet. Mais, si ce n'est pas celui-là, il y en aura certainement d'autres.
    Merci beaucoup.
    C'est ce qui met fin à notre premier tour. Nous entamons donc notre deuxième série de questions et réponses, qui sera de cinq minutes.
    Nous allons commencer avec M. Dechert, pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Romer, pour votre témoignage aujourd'hui. Ces informations sont très intéressantes.
    J'ai surtout retenu la description que vous faites, dans la lettre que vous nous avez remise, du système judiciaire en place dans la zone spéciale au Honduras.
    Différents témoins nous ont effectivement parlé des difficultés qu'éprouvent les pays en développement avec leurs systèmes judiciaires. La corruption a tendance à freiner leur développement économique. Mais il semble que vous ayez trouvé une solution à cet égard.
    Premièrement, comment a-t-on convaincu le gouvernement du Honduras d'accepter cette solution, c'est-à-dire de céder essentiellement le contrôle du système judiciaire d'une zone précise à des juges et à un tribunal d'appel d'un autre pays?
    Deuxièmement, en ce qui concerne Haïti, nous avons souvent entendu que ce qui fait surtout obstacle à la reconstruction du pays à la suite du tremblement de terre, ainsi qu'au développement de son économie, c'est l'absence d'un régime de titres fonciers adéquat. Je me demandais si cela pourrait permettre de remédier à ce problème. Est-ce qu'une organisation externe pourrait prendre les rênes du régime d'enregistrement des titres fonciers en Haïti pour remettre les choses en ordre, afin que les entreprises puissent commencer à disposer de liquidités grâce aux hypothèques contractées sur ces propriétés?
    Si j'ai bien compris, le problème est que pour chaque parcelle de terre en Haïti, deux ou trois personnes en réclament le titre. Cela retarde le développement économique, car les gens ne peuvent s'en servir comme garantie pour investir dans les entreprises. J'aimerais avoir vos impressions là-dessus.

  (1710)  

     Pour ce qui est de savoir comment on a convaincu le gouvernement du Honduras, sachez que cette solution a été pensée, proposée et présentée par les Honduriens eux-mêmes. Ils ont fait appel à moi parce qu'ils savaient que j'avais envisagé une solution semblable. C'était pour eux une façon de se sortir du marasme dans lequel le pays était plongé, particulièrement depuis cet épisode tragique du coup d'État qui a renversé le président précédent, Zelaya. C'est donc une nouvelle administration qui est déterminée à favoriser la réconciliation et qui ose poser les questions difficiles sur la façon de rebâtir la confiance.
    En termes clairs, le gouvernement hondurien n'a aucunement cédé le contrôle de ce territoire à quelque gouvernement que ce soit.
    Le système judiciaire... ?
    Importer des services gouvernementaux, si je peux m'exprimer ainsi, ne revient pas à concéder la souveraineté de cette zone à la République de Maurice. Il s'agit uniquement d'accroître la crédibilité de leurs tribunaux pour contribuer au redressement du système judiciaire.
    Il est possible qu'une solution semblable soit également envisageable en Haïti. Le Honduras a aussi ce problème. Beaucoup de pays en développement ont ce problème de manque de clarté dans les titres de propriété. Si les gens craignent que les décisions concernant la propriété soient influencées par des pots-de-vin, ils hésiteront grandement à permettre au système judiciaire de rendre une décision finale et auront peu confiance aux tentatives de résolution des différends. Il pourrait être plus prudent d'attendre que de tenter une résolution.
    La solution, en Haïti et au Honduras, est de confier le processus décisionnel à un organisme de confiance et entièrement impartial, honnête et nullement influencé par les parties concernées.
    Il faut aussi penser qu'au Honduras les gens vont choisir volontairement cette option. Si cette avenue est imposée en Haïti comme mécanisme de résolution pour toutes les terres d'une zone vouée au développement industriel, il faut s'attendre à ce que les gens s'y opposent vivement, parce qu'ils n'auront pas d'autre choix et verront le tout comme un processus illégitime.
    De la même manière, une personne qui souhaiterait s'établir volontairement au Canada, en toute liberté de choix, pourrait s'opposer violemment à l'imposition de systèmes canadiens dans sa propre collectivité. La nature humaine est ainsi faite. La liberté de choisir, par rapport à l'imposition de mesures contre son gré, change complètement la donne au point de vue moral. Ce qui m'inquiète pour Haïti, c'est qu'on aurait des problèmes de légitimité et d'opposition violente si on tentait d'imposer quoi que ce soit.
    C'est tout le temps que nous avions.
     Madame Péclet, vous avez cinq minutes. Nous vous écoutons.

  (1715)  

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de votre témoignage.
    Les questions que je me pose concernent surtout la gouvernance. Vous avez parlé entre autres d'un système judiciaire, mais vous n'avez pas parlé de ce qui s'est passé à Madagascar, où la même situation s'est produite. Je vais donc vous permettre de la commenter. Vous avez donné l'exemple de Hong Kong. Or la même chose a été tentée à Madagascar, mais la population s'y est fortement opposée. En fait, le chef d'État a même dû démissionner.
    Que faites-vous de la démocratie? Quel système démocratique, quel genre de gouvernance ou de modèle va-t-on imposer à ces gens? Penser qu'une population va être prête à abandonner la souveraineté sur l'ensemble de son territoire et à se faire imposer un système autre que celui qui existe déjà sur le terrain me semble assez extravagant.

[Traduction]

     Ce qui est triste, c'est que la presse internationale ne se donne jamais la peine de vérifier les faits quand quelque chose se produit dans un pays pauvre.
    Daewoo a déclaré au Financial Times que le gouvernement de Madagascar avait consenti à lui accorder gratuitement de vastes concessions foncières en échange de la construction d'infrastructures.
    Le gouvernement n'avait jamais accepté ce marché. Le Financial Times n'a même pas cherché à obtenir les commentaires d'un représentant du gouvernement. Le Financial Times a plus tard publié une rétractation de la part de Daewoo, disant que c'est ce que la société avait demandé, mais que le gouvernement n'y avait jamais consenti.
    La rumeur voulant que le président ait donné de vastes étendues de terres à Daewoo a servi de prétexte à un coup d'État, de toute évidence orchestré par d'autres forces aux intentions douteuses. Personne n'a cru bon corriger les faits à propos de Daewoo et des concessions foncières.
    Il est vrai que j'avais discuté, avant le coup d'État, avec le président Ravalomanana de l'idée de bâtir une ville. Mais l'étendue des terres nécessaires à ce projet serait beaucoup plus modeste que celle qu'exigent ces projets agricoles. Jamais il n'a été question publiquement de la proposition d'établir une ville à charte pendant la période du coup d'État. Je sais qu'on dit toutes sortes de choses, mais les faits réels sont souvent bien différents de ceux rapportés.

[Français]

    Vous n'êtes donc pas d'accord pour dire que c'était une tentative d'établir une zone de réglementation spéciale. J'aimerais que vous répondiez par oui ou par non.

[Traduction]

    J'en avais discuté avec le président Ravalomanana. Nous étions tous les deux d'accord pour dire que ce projet pouvait offrir un avenir prometteur à Madagascar, mais aucune entente n'a jamais été conclue, et cela n'a jamais donné lieu à un soulèvement populaire, car le projet n'avait pas été annoncé publiquement. Le soulèvement populaire auquel vous faites référence concernait un rapport sur une entente de développement agricole entre Madagascar et Daewoo, et comme je le disais, c'est une entente qui ne s'était jamais concrétisée en réalité.

[Français]

    Vous parlez de pays pauvres et de la façon dont ce genre de nouvelle zone, de nouvelle réglementation, va permettre de révolutionner les choses et de combattre la pauvreté. S'agit-il d'une zone de déréglementation? Il me semble évident que c'est une zone franche ou l'équivalent des zones franches qu'on retrouve dans plusieurs pays. Quelle serait la différence entre une nouvelle zone, une nouvelle réglementation, et une zone franche qui, dans la majorité des pays en voie de développement, permet aux compagnies d'exploiter les travailleurs?
    Dans le cadre du Comité permanent du commerce international, on parlait justement des zones franches en Jordanie. Les travailleurs y sont exploités et les droits de la personne y sont violés tous les jours. Alors, quelle est la différence? Monsieur, je suis désolée, mais je voudrais bien que vous me disiez quel genre de système vous allez utiliser pour lutter contre la corruption et l'évasion fiscale. Même le Canada, qui est une société développée et un exemple, comme vous le dites, perd des milliards de dollars par année à cause de l'évasion fiscale. Qu'est-ce que cette nouvelle gouvernance va révolutionner? On parle d'alphabétisation, de nutrition et de santé, mais je ne vois pas comment cette nouvelle gouvernance va changer les choses.

  (1720)  

[Traduction]

    Le temps est écoulé, mais je vais vous permettre de répondre à la question. Je vous prierais d'être le plus bref possible.
    Je pense que la meilleure façon de l'expliquer serait qu'on cherche à recréer au Honduras les conditions qui attirent les Honduriens au Canada et aux États-Unis — l'infrastructure, les possibilités d'emploi, l'éducation, la sécurité physique des enfants. Ce serait une occasion en or pour le Honduras. De plus, ce pourrait être un bon investissement pour toutes les sociétés privées qui contribueront à créer ces conditions.
    Tout ce qu'il faut faire pour y arriver est de jeter les bases d'un système judiciaire de confiance, qui pourra établir les lois et les normes que nous tenons pour acquises ici, mais auxquelles les Honduriens n'ont pas accès.
    Merci beaucoup.
    Nous allons terminer avec Mme Brown, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être ici. C'est vraiment intéressant.
    Monsieur Romer, saviez-vous que le Honduras figure toujours parmi les pays ciblés par les investissements du Canada dans le développement international? Nous avons choisi 20 pays, et au cours des prochaines années nous allons évaluer comment ils ont utilisé cet argent, car le renforcement des capacités est sans contredit l'un des éléments clés à surveiller. Je ne cherche pas à offenser qui que ce soit, mais je crois qu'il serait insensé de continuer à injecter de l'argent dans un pays qui ne peut pas s'en servir de manière adéquate ou efficace, et qui ressasse constamment les mêmes problèmes. Pour analyser la situation, il est important de voir ce qui se passe dans les pays où nous savons que l'argent investi est utilisé à bon escient et qu'il permet effectivement de renforcer les capacités.
    Je dois vous signaler que non seulement le Honduras est un de nos pays ciblés, mais beaucoup d'ONG canadiennes travaillent aussi là-bas. Dans bien des cas nous avons les compétences linguistiques nécessaires pour y travailler, et cela aide. Dans ma circonscription de Newmarket—Aurora, un groupe d'ingénieurs et d'architectes à la retraite bâtissent des écoles au Honduras. J'étais très heureuse de pouvoir les inviter à Ottawa pour qu'ils puissent rencontrer l'ambassadeur du Honduras et partager un repas avec lui.
    Pour ce qui est du renforcement des capacités du pays, comme vous le savez sans doute, le comité a reçu Hernando de Soto comme témoin. Je suis certaine que vous connaissez très bien ses travaux. Il nous a parlé de l'économie extrajudiciaire et du fait que les gens n'avaient pas accès au capital nécessaire pour assurer la croissance des entreprises.
    Vous établissez une zone spéciale où les entrepreneurs pourront faire des affaires, concurrencer avec les autres et, on l'espère, développer leurs produits en vue de les exporter. Nous sommes en train de négocier une entente de libre-échange avec le Honduras, ce qui va créer de l'emploi. Mais j'aimerais que vous nous disiez quelles sont les principales lois qui devront être mises en place pour cette zone de travail. Est-ce que les juges de la République de Maurice participent à leur élaboration? Est-ce que le Canada aura également l'occasion d'y contribuer?
    Quand vous parlez de lois, faites-vous référence à l'établissement de règles?
    Absolument.

  (1725)  

    L'initiative est encore au stade embryonnaire. Les parties intéressées pourront certainement tenter d'influer sur les décisions à prendre, notamment pour ce qui est de déterminer le code de commerce à adopter dans cette zone. Même si c'est le tribunal de la République de Maurice qui tranchera dans les différends commerciaux, cela ne signifie pas nécessairement que c'est la loi mauricienne qui va s'appliquer.
    Il existe différents modèles de code commercial à l'échelle internationale desquels on pourrait s'inspirer. Je pense que le secteur le plus intéressant est celui de la loi à caractère règlementaire. Par exemple, si c'est un endroit où on va permettre à des entreprises de faire des profits en fournissant de l'eau, de l'électricité, des services aériens ou des services portuaires, il faut qu'il y ait une autorité réglementaire. Les entreprises qui viendront s'établir dans cette zone devront savoir que leurs activités seront réglementées. C'est une excellente façon de gagner la confiance des investisseurs potentiels que d'adopter des régimes juridiques et des processus éprouvés.
    C'est une chose.
    Pour ce qui est des forces policières, je ne pense pas qu'on doive offrir la charité au gouvernement de la zone. Il pourra proposer à la GRC ou à la Police provinciale de l'Ontario de conclure une entente de services de dotation ou de formation pour l'aider à mettre sur pied son service de police au tout début.
    Il y a aussi un genre de conseil d'administration qui va superviser le développement de cette zone aux premières étapes. Ce serait très intéressant si quelqu'un du gouvernement ou du secteur privé nommait des Canadiens, ou des gens de bonne réputation au Canada, pour siéger à ce conseil d'administration. Ce sera très important d'établir le ton et les normes dès le départ.
    Je pense que le gouvernement peut intervenir de différentes façons. Il pourrait être utile de garder à l'esprit l'exemple de la Cour suprême de la République de Maurice, parce que c'est encore quelque chose d'inédit pour bien des gens. Nous avons l'habitude d'entendre parler des efforts des bénévoles et des ONG. Cette idée qu'un gouvernement puisse en quelque sorte franchir les limites pour collaborer avec un autre nous effraie, parce qu'elle nous rappelle le colonialisme. On voit la chose comme une invasion. Cela peut paraître risqué, mais si c'est fait de la bonne façon, cela peut être énormément bénéfique.
    Je crois qu'il faut ouvrir la porte à ce genre d'ententes volontaires. Je peux vous assurer que tout signe d'intérêt démontré par le gouvernement canadien serait chaudement accueilli par le gouvernement du Honduras.
    Ce le sera. C'est aussi un processus de mentorat qui est mis en oeuvre, en plus de l'aide aux décisions. Il y a moyen d'établir un processus de mentorat entre les participants judiciaires.
    On peut voir cela comme l'exportation de services gouvernementaux, qui pourraient par la suite favoriser la participation des entreprises du secteur privé canadien.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Romer, merci beaucoup d'être venu discuter de la question avec nous aujourd'hui.
    Juste avant de lever la séance, je tiens à mentionner qu'il y aura deux rencontres informelles cette semaine. Nous recevons la délégation parlementaire de la Bosnie demain, à 9 heures. Je sais que les avis ont été distribués. La réunion aura lieu à l'édifice du Centre. Des parlementaires de l'Indonésie aimeraient aussi nous rencontrer mercredi, avant la période de questions, soit de 13 heures à 13 h 45, dans la salle où nous nous trouvons en ce moment. Ce serait formidable si vous pouviez être présents.
    Finalement, je vous signale que nous allons examiner votre rapport sur l'Ukraine pour qu'il soit distribué le 4 juin. Il y aura un document de travail à examiner pour la réunion du 6 juin. Nous allons vous transmettre l'information le plus rapidement possible pour que nous puissions nous mettre au travail. Nous espérons pouvoir rédiger le rapport le 6 juin.
    Merci beaucoup.
    Sur ce, la séance est levée.
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