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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 avril 2012

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    J'aimerais remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Avant de passer aux déclarations, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du comité et les remercier. Don Davies, madame Papillon et monsieur Morin, toutes mes félicitations pour votre nomination et bienvenue au comité.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Je sais que Raymond est accompagné d'une équipe améliorée. C'est excellent. Toutes mes félicitations.
    L'ordre du jour d'aujourd'hui porte sur le projet de loi C-23, celui sur l'accord de libre-échange avec la Jordanie. L'étude article par article est prévue pour jeudi. Mais, aujourd'hui, nous recevons des témoins.
    Nous accueillons ce matin Garry Neil, directeur exécutif, Conseil des Canadiens; Mark Rowlinson, avocat spécialisé en droit du travail, Syndicat des Métallos. Bienvenue à vous deux.
    Jusqu'à maintenant, nous avons entendu des témoignages très intéressants sur ce projet de loi. Nous sommes impatients d'entendre vos exposés, après quoi nous passerons aux questions. Encore une fois, merci de votre présence.
    Nous allons commencer par M. Neil. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, madame et messieurs les membres du comité.
    Je m'appelle Garry Neil. Je suis le directeur exécutif du Conseil des Canadiens, la plus grande organisation de promotion de la justice sociale au pays: environ 75 000 membres répartis du nord au sud et d'est en ouest. Depuis 1985, le conseil réunit des Canadiens pour promouvoir la justice sociale, économique et environnementale au Canada et à l'étranger.
    Le conseil préconise un commerce international plus équilibré, la circulation accrue des personnes et des échanges plus vigoureux entre les cultures mondiales. Toutefois, il rejette les accords commerciaux et d'investissement bilatéraux et multilatéraux négociés par le Canada, car ils limitent injustement les politiques gouvernementales visant la création d'emplois, la protection de la santé publique ou de l'environnement et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
    Il est assez difficile de soutenir ces accords lorsque l'on sait que l'OMC s'attaque à la loi ontarienne sur l'énergie verte et que, dans le cadre du mécanisme de règlement de différends prévu dans les accords bilatéraux, le Canada verse des millions de dollars à des sociétés qui contestent des politiques publiques canadiennes responsables.
    Je tiens à souligner que, le mois dernier, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement rapportait que le Canada se classait au sixième rang mondial pour le nombre de cas semblables. La CNUCED souligne également que les gouvernements hésitent à réglementer certains secteurs par crainte de faire l'objet d'une action en justice. Dans son rapport, la conférence dit que: « le programme de [règlement de différends entre un investisseur et la partie contractante d'accueil] dépasse largement l'objectif initial. » La CNUCED exhorte « ... les décideurs de partout [...] à redonner au système son rôle original, soit promouvoir la bonne gouvernance et encourager la primauté du droit. »
    Les accords de libre-échange et l'OMC ont réussi à éliminer les entraves que certaines politiques publiques imposaient à la prospérité des sociétés. Ils ont connu moins de succès à l'égard de la distribution équitable de la richesse, de l'intégration des pays plus pauvres dans l'économie mondiale, de l'amélioration des normes du travail ou de la promotion d'un développement vraiment durable.
    En cette époque du libre-échange, l'inégalité économique se creuse au Canada. Le revenu moyen réel, après impôt, stagne, et nous continuons de perdre des emplois manufacturiers novateurs et bien rémunérés au profit de l'extraction et de l'exportation de ressources naturelles. La balance commerciale du pays s'est détériorée par rapport à quatre des cinq pays avec lesquels nous avons conclu des accords de libre-échange, soit le Mexique, le Chili, Israël et le Costa Rica. Notre balance commerciale avec le cinquième pays, les États-Unis, s'est améliorée simplement parce que la leur ne cesse d'empirer depuis longtemps.
    J'aimerais maintenant parler des caractéristiques de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie.
    D'abord, eu égard à l'accord sur l'environnement, le conseil soutient la position de l'Association canadienne du droit de l'environnement, selon laquelle il faudrait modifier l'exception consentie dans le GATT concernant les mesures nécessaires à adopter pour protéger la vie ou la santé des humains, des animaux et des plantes, de façon à y inclure des modalités pour l'atteinte d'objectifs en matière d'environnement ou de santé. De nombreuses politiques publiques ont un impact sur ces objectifs, même si elles portent principalement sur des questions différentes. Ces objectifs devraient faire partie de cette exception.
    Par conséquent, nous croyons que cet accord parallèle sur l'environnement ne devrait pas se limiter aux lois portant uniquement sur la protection de l'environnement. Il devrait aussi s'appliquer à celles qui concernent partiellement cet aspect. De plus, il n'est pas raisonnable que soient exclues de cet accord parallèle la santé publique ainsi que la santé et la sécurité des travailleurs.
    Je ne commenterai pas l'accord de coopération dans le domaine du travail. Je vais laisser le soin à M. Rowlinson de le faire. J'ajouterais simplement que nous partageons les inquiétudes soulevées sur le sujet par bon nombre de témoins, notamment Jeff Vogt, conseiller juridique au Département des droits humains et syndicaux de la Confédération syndicale internationale. Selon lui, la Jordanie ne respecte pas les exigences de l'article 1 de l'accord, puisqu'elle continue de contrevenir aux principales conventions de l'OIT.
    Le conseil aimerait que cet accord fasse l'objet d'une étude d'impact sur les droits de la personne et presse le comité de recommander la tenue d'une telle étude avant que l'accord de libre-échange ne soit approuvé puis chaque année après son entrée en vigueur. Une des conditions fixées par le comité pour l'adoption de l'accord de libre-échange avec la Colombie c'était la tenue obligatoire d'une étude d'impact économique annuelle de cet accord sur les droits de la personne. Le conseil demande au comité d'aller un peu plus loin et de recommander la tenue d'une telle étude avant que l'accord n'entre en vigueur.
(1105)
    Malgré le fait que la Jordanie semble être sur le point de passer d'un régime monarchique à un régime démocratique, le pays suscite encore de sérieuses inquiétudes en matière de droits de la personne. Selon le rapport Freedom in the World 2011, la Jordanie n'est pas libérée. Certains éléments demeurent une source de préoccupation, dont la capacité limitée des citoyens à changer le gouvernement; le traitement inégal réservé aux femmes et aux minorités; les restrictions à la liberté de presse et d'expression; les droits limités dans le domaine du travail; la détention arbitraire, la torture et l'exécution. Bien entendu, l'étude d'impact devrait également porter sur les conditions de travail et les droits des travailleurs.
    Au cours de la dernière année, le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, dans le cadre du mandat du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, a élaboré un ensemble de lignes directrices sur l'évaluation des impacts des accords commerciaux et d'investissement sur les droits de la personne. La tenue d'une telle étude avant la signature d'un accord commercial ou d'investissement permet de s'assurer que l'accord en question respecte les obligations des signataires, y compris le respect et la protection des droits de la personne.
    Par exemple, selon le rapport de l'ONU, certains droits de la personne pourraient empêcher un pays d'adopter des mesures, y compris réduire les tarifs ou protéger les droits de propriété intellectuelle de façon à priver les gens de leurs droits. De plus, on ne devrait pas empêcher les états d'exercer un contrôle sur des intervenants du secteur privé « ... en raison d'une protection excessive des investisseurs étrangers ou d'une interprétation large de l'interdiction d'imposer à ces investisseurs des exigences en matière de rendement. »
    Bien entendu, nous sommes particulièrement inquiets par rapport à la proclamation récente du droit à l'eau potable et à l'hygiène en Jordanie, car le pays fait partie de l'une des 10 régions les plus aréiques au monde. Il dépend de l'eau de surface du Jourdain et du Yarmouk, mais celle-ci est consommée principalement par Israël et la Syrie. Les ressources en eau souterraine de la Jordanie sont surexploitées. L'accord de libre-échange et l'APIE viendront essentiellement confirmer les attentes des sociétés concernant, notamment, l'utilisation de l'eau pour les activités minières et manufacturières.
    J'aimerais parler brièvement d'un secteur qui me tient à coeur, soit la culture. Pendant près de 30 ans, avant de devenir directeur exécutif du conseil, j'ai travaillé comme conseiller en matière de politique culturelle. J'ai écrit sur les questions culturelles et commerciales et pris la parole à des conférences sur le sujet un peu partout dans le monde. J'aimerais profiter de l'occasion pour commenter l'exception proposée en matière de culture, à ma grande satisfaction, dans l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie.
    Malheureusement, nous continuons d'utiliser la définition d'industrie culturelle adoptée vers la fin des années 1980 dans le cadre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, qui comportent pour la première fois une exception en matière de culture. Il faut adapter cette définition à la nouvelle réalité afin qu'elle s'applique, par exemple, aux nouveaux médias et aux jeux vidéo, et élargir sa portée aux arts visuels, aux arts du spectacle et à l'artisanat.
    Je remarque que, à la demande de la Colombie, la portée de cette définition a été élargie dans l'accord de libre-échange entre ce pays et le Canada. Je crois sincèrement que la Colombie avait raison de faire cette demande. Les nouveaux accords doivent proposer une définition plus large d'industrie culturelle.
    Il serait également approprié d'utiliser, dans les accords de libre-échange, un libellé comparable à celui que l'on retrouve aux articles 1 à 5 de l'accord entre le Canada et la Jordanie sur la relation entre cet accord et les accords multilatéraux sur l'environnement. Selon ces articles, en cas d'incompatibilité entre l'accord de libre-échange et l'accord sur l'environnement, les obligations contenues dans ce dernier l'emportent. Les accords bilatéraux et multilatéraux de libre-échange et d'investissement devraient stipuler que les obligations mutuelles des signataires, imposées en vertu des accords multilatéraux sur l'environnement, doivent l'emporter sur celles des accords de libre-échange et d'investissement.
    En terminant, monsieur le président, je crois que notre position est claire. Selon nous, le gouvernement fait fausse route en matière de politique publique lorsqu'il négocie des accords commerciaux ou d'investissement inutiles sur le plan économique avec des pays instables et antidémocratiques, comme le Honduras, la Colombie et la Jordanie.
(1110)
    Merci beaucoup. Nous sommes impatients de vous poser des questions. Mais, auparavant, nous allons entendre l'exposé de M. Rowlinson.
    Monsieur, vous avez la parole.
    Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, merci beaucoup de m'accueillir.
    Je m'appelle Mark Rowlinson. Je suis l'adjoint au directeur national des Métallos pour le Canada. Je suis également avocat spécialisé en droit du travail, et je siège au Comité des affaires internationales de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
    Le Syndicat international des Métallos compte environ 220 000 membres au Canada. Grâce à nos activités à l'étranger, nous avons conclu des alliances stratégiques et développé des relations professionnelles étroites avec d'autres syndicats ailleurs dans le monde. Notre syndicat reconnaît l'importance des droits des travailleurs à l'échelle internationale et est très au courant des luttes que doivent libver les travailleurs dans les Amériques et sur le continent africain. En vertu de notre collaboration avec des secrétariats professionnels internationaux et de nos partenariats avec d'autres syndicats ailleurs dans le monde, nous travaillons à l'avancement des droits des travailleurs partout sur la planète et nous voulons nous assurer que tous les travailleurs puissent profiter des avantages commerciaux. Notre engagement envers ces enjeux n'est pas simplement abstrait ou rhétorique. Nous aidons les travailleurs d'un peu partout dans le monde à s'organiser et nous sommes pleinement conscients que les emplois de nos membres au Canada sont liés aux droits et aux conditions de travail des travailleurs à l'étranger.
    Notre syndicat est également un des seuls au pays à avoir utilisé activement l'accord parallèle de l'ALENA sur le travail pour faire avancer les droits des travailleurs. Il a été, notamment, le principal requérant dans le premier procès intenté au Canada en vertu de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, en 1998. L'affaire portait sur la violation des droits des travailleurs dans une usine de fabrication de pièces automobiles, au Mexique. Le syndicat est également le principal requérant dans un procès, intenté en vertu de ce même accord et portant sur les souffrances de 44 000 membres du Syndicat mexicain des ouvriers en électricité. J'ai participé à tous ces procès.
    L'absence, dans les accords commerciaux, de mesures visant à améliorer les normes du travail continue de nous inquiéter, et rien ne permet de croire que ces accords serviront à renforcer les droits des travailleurs. Les syndicats canadiens s'entendent pour dire que les mesures visant à protéger les travailleurs négociées jusqu'à maintenant par le gouvernement fédéral dans le cadre d'accords commerciaux laissent beaucoup à désirer. Premièrement, bon nombre des accords en vigueur se concentrent sur l'application de dispositions législatives nationales existantes en matière de travail plutôt que sur l'amélioration des normes du travail. Deuxièmement, les mécanismes d'application prévus dans les accords sont insatisfaisants.
    Les mécanismes de résolution de différends s'appuient sur un modèle de coopération politique entre les signataires. Cela signifie que le processus n'est ni indépendant, ni transparent. Les plaintes ne sont pas examinées et évaluées par un organisme judiciaire ou quasi judiciaire indépendant. De plus, les plaintes sont généralement réglées par voie de consultation ministérielle. Bien entendu, cette façon de faire est tout à fait contraire aux dispositions stipulées dans les chapitres des accords commerciaux du Canada et portant sur l'investissement. Selon ceux-ci, les parties ont droit à des mesures de réparation appréciables et judicieuses imposées par un organisme quasi judiciaire indépendant.
    Par conséquent, les syndicats sont d'avis que les droits des travailleurs, en Amérique du Nord, par exemple, n'ont pas avancés depuis la ratification de l'ALENA. Au Mexique, où nous tentons d'établir des partenariats avec les syndicats locaux, il est clair que la situation entourant les droits du travail n'a jamais été aussi désastreuse.
    Permettez-moi d'aborder brièvement la question des droits des travailleurs en Jordanie.
    Plusieurs témoins vous ont déjà parlé de ce dossier, notamment Jeff Vogt, de la CSI, et Charles Kernaghan, de l'Institute for Global Labour and Human Rights. Inutile pour moi de reprendre leurs témoignages. Toutefois, j'aimerais souligner quelques points concernant les problèmes actuels des travailleurs dans ce pays.
    Il y a plusieurs obstacles à la création de syndicats en Jordanie, ce qui contrevient aux principales normes du travail de l'OIT. Cela touche particulièrement les travailleurs migrants à qui l'on interdit de se syndiquer, notamment ceux à qui la loi jordanienne interdit de participer à la formation d'un syndicat ou d'occuper un poste de dirigeant syndical. De plus, les amendes prévues par la loi jordanienne en cas de violation des principales dispositions du code du travail sont insuffisantes. La preuve est considérable... et vous avez entendu le témoignage bouleversant de Charles Kernaghan sur les heures de travail excessives et irrégulières, le travail forcé, les conditions de travail lamentables et la discrimination sexuelle omniprésente, notamment pour les travailleurs migrants du secteur manufacturier.
    Une partie considérable de l'économie jordanienne dépend des travailleurs migrants à faible revenu qui travaillent sans protection juridique adéquate et dans des conditions inacceptables. Le comité doit se poser la question suivante: les dispositions de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie en matière de travail sont-elles suffisamment rigoureuses pour régler ces problèmes? C'est le sujet que j'aimerais aborder.
    Les dispositions auxquelles je fais référence sont comparables à celles adoptées dans le cadre des accords de libre-échange conclus entre le Canada et le Pérou, la Colombie et le Panama, notamment.
(1115)
    Le chapitre 11 de l'accord de libre-échange contient des dispositions très générales sur le travail selon lesquelles les parties doivent réaffirmer leurs obligations à titre de membres de l'Organisation internationale du Travail et leurs engagements contenus dans la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.
    Toutefois, les affirmations et les objectifs exposés au chapitre 11 ont uniquement une portée générale et n'accordent aucun droit exécutoire aux parties, naturellement. À l'image de tous les autres accords de libre-échange du Canada, les questions et les obligations liées aux droits des travailleurs sont plutôt définies dans un accord de coopération distinct ou un accord parallèle dans le domaine du travail.
    Selon l'article 1 de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Jordanie, chacune des parties — c'est-à-dire les deux pays — doit faire en sorte que son droit protège les principes et les droits internationalement reconnus dans le domaine du travail de la Déclaration de 1998 de l'OIT et de l'Agenda pour le travail décent de l'OIT. Il s'agit notamment de la liberté d'association et du droit de négociation collective, du droit de grève, de la suppression du travail forcé ou obligatoire, et de l'absence de conditions de travail discriminatoires envers les travailleurs migrants, ce qui est d'autant plus important compte tenu de la situation en Jordanie.
    Cet article accorde bien plus de droits aux travailleurs que l'accord parallèle de l'ALENA dans le domaine du travail, par exemple. À la différence de l'ALENA, l'Accord de libre-échange Canada-Jordanie exige que les lois des deux pays signataires respectent les normes de l'OIT. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une nette amélioration par rapport à l'accord parallèle de l'ALENA dans le domaine du travail. Or, l'article 2 de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Jordanie, qui porte sur la non-dérogation, interdit uniquement le non-respect des normes de l'OIT s'il est démontré que l'infraction a été commise « dans le but de stimuler le commerce ou l'investissement ». À notre avis, cette limite atténue véritablement les obligations importantes de l'article 1.
    Les autres obligations de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Jordanie ressemblent beaucoup aux dispositions actuelles de l'ALENA, par exemple, et visent surtout l'application des lois en vigueur et la protection des droits en matière de procédure.
    J'aimerais maintenant formuler quelques observations sur le mécanisme d'application de l'accord parallèle dans le domaine du travail.
    Puisque l'accord de libre-échange relègue les droits des travailleurs à un accord parallèle, ceux-ci ne sont pas assujettis au même mécanisme d'application que tous les autres droits. L'article 9 de l'Accord de coopération dans le domaine du travail porte sur la réception, l'acceptation et l'examen des communications du public. Dans le cadre de cet accord parallèle, c'est le seul mécanisme dont disposent les organisations non publiques, comme les syndicats et les particuliers, pour porter plainte au sujet de l'accord.
    Le mécanisme fondamental de plaintes de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Jordanie semble commencer par des consultations ministérielles entre les parties, dont il est question à l'article 11. Autrement dit, la partie qui se penche sur une plainte du public n'a pas le droit, en vertu de l'accord, de renvoyer l'affaire à un groupe spécial d'examen si le processus de consultations ministérielles ne lui convient pas.
    Les articles 12 et 13 portent sur le groupe spécial d'examen et la procédure afférente, qui donne lieu à un rapport. Si une des parties refuse de se conformer aux recommandations qui s'y trouvent, elle s'expose à des sanctions sous forme de compensation monétaire.
    On constate que ce mécanisme d'application marque certains progrès par rapport à celui de l'ALENA. En effet, le processus est moins lourd, et le groupe spécial d'examen a bien plus de portée.
    Toutefois, il reste de nombreuses lacunes. Premièrement, les pays signataires de l'accord de coopération dans le domaine du travail sont libres de donner suite aux plaintes. Un groupe spécial d'examen ne peut être créé à la suite de plaintes uniquement.
    J'aimerais souligner que 18 ans après la création de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, aucune affaire n'a encore été portée devant un groupe spécial d'arbitrage. C'est pourquoi il semble très peu probable qu'une plainte aboutisse au-delà des consultations ministérielles en vertu de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Jordanie. Dans le cadre de l'ALENA, aucune affaire n'a jamais dépassé ce stade.
    En deuxième lieu, le pays fautif a tout le loisir de négocier le règlement de la plainte dans le cadre de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Jordanie.
    Enfin, les seules sanctions prévues dans l'accord sont des amendes relativement minimes. Il ne peut s'agir de sanctions commerciales ou liées aux tarifs, ou de l'abrogation de l'accord lui-même en cas d'infractions répétées et généralisées des droits des travailleurs qui y sont définis.
    La défaillance des mécanismes d'application contraste singulièrement avec les procédures d'arbitrage opposant un investisseur et un État habituellement prévues dans les accords de libre-échange négociés au Canada — comme celles qui se trouvent au chapitre 11 de l'ALENA.
    Pour terminer, nous avons constaté que malgré les mesures de protection dans le domaine du travail prévues dans les accords de libre-échange en vigueur négociés par le gouvernement canadien, les travailleurs ne bénéficient pas de véritables droits exécutoires. Après avoir examiné les dispositions sur le travail de l'Accord de libre-échange Canada-Jordanie, nous avons remarqué que leur structure fondamentale est la même que celle des autres accords, malgré certaines améliorations par rapport à l'ALENA.
(1120)
    Étant donné l'ampleur des problèmes ayant trait aux droits des travailleurs en Jordanie, nous trouvons inacceptable d'imposer de simples amendes au gouvernement fautif. De plus, de telles sanctions n'inciteront pas vraiment le gouvernement jordanien à prendre de véritables mesures à cet égard.
    Nous sommes d'avis que les dispositions de l'Accord de libre-échange Canada-Jordanie ne sont pas suffisamment contraignantes pour mettre un frein aux infractions graves en matière de droits des travailleurs et de la personne régulièrement commises en Jordanie.
    Certains prétendent que les syndicats comme nous et l'ensemble du mouvement ouvrier du Canada s'opposent systématiquement à tous les accords de libre-échange. Mais nous comprenons bel et bien à quel point les échanges commerciaux sont essentiels à l'économie canadienne. Toutefois, nous avons trop souvent constaté les effets pernicieux de ces accords sur les travailleurs. À notre avis, ils devraient augmenter le niveau de vie de tous ceux qu'ils touchent. Au contraire, ils sont trop souvent très profitables aux investisseurs et aux dirigeants d'entreprise, mais ils ont tendance à faire baisser les revenus et à bafouer les droits des travailleurs. Par conséquent, les prétendus accords de libre-échange creusent souvent les inégalités sur le plan économique et accroissent la précarité de l'emploi chez les travailleurs.
    À notre avis, favoriser les échanges commerciaux devrait améliorer le niveau de vie de tous les travailleurs touchés par l'accord, ce qui n'est possible que si de véritables droits exécutoires transnationaux sont accordés aux travailleurs. Mais jusqu'ici, les accords de libre-échange du Canada n'ont pas assuré une telle protection aux travailleurs.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous présenter notre point de vue. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
(1125)
    Je vous remercie de votre exposé.
    Je vais maintenant laisser la parole à M. Davies, qui amorce le premier tour.
    Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de votre accueil et à vous dire combien j'ai hâte de travailler avec vous à ces enjeux importants, qui sont essentiels à notre pays et à notre avenir économique.
    J'aimerais également remercier les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Si vous me le permettez, je vais adresser ma première question à M. Neil.
    Tout comme bon nombre d'organisations, votre conseil a critiqué les dispositions sur les différends entre un investisseur et un État des divers accords de libre-échange. Or, l'accord dont il est question aujourd'hui ne comporte pas de telles dispositions. Elles font plutôt l'objet de l'Accord sur la promotion et la protection de l'investissement étranger, une entente distincte et autonome. J'aimerais savoir si cette différence calme vos inquiétudes à l'endroit de l'accord de libre-échange, et lequel des deux modèles vous trouvez supérieur, le cas échéant.
    J'ai bel et bien parlé des dispositions sur les différends entre un investisseur et un État, et je sais très bien qu'elles ne se trouvent pas dans l'accord de libre-échange. À nos yeux, il s'agit d'un tout. Nous sommes témoins de négociations sur les droits des entreprises, et peu nous importe si elles visent les investissements étrangers, l'exportation ou l'importation. À nos yeux, il s'agit d'un ensemble.
    Il est vrai que votre étude ne porte pas sur l'APIE, mais bien sur l'accord de libre-échange, et que celui-ci ne contient pas de dispositions sur le règlement des différends entre un investisseur et un État. Toutefois, ces dispositions nous préoccupent beaucoup. Celles qui sont en vigueur ont posé un problème majeur au Canada. En effet, le gouvernement canadien a dépensé des centaines de millions de dollars pour régler les dossiers qui s'y rapportent, surtout dans le cadre de l'ALENA. Or, nous croyons que les actions du gouvernement canadien contestées par les investisseurs étrangers étaient tout à fait appropriées dans presque tous les cas. C'est donc la raison de notre inquiétude.
    Merci.
    Monsieur Rowlinson, nous avons fait un peu de recherches, et si nos chiffres sont exacts, l'industrie du vêtement représente environ 17 p. 100 des exportations totales de la Jordanie. Nous croyons savoir que la plupart de ces produits sont fabriqués dans les manufactures des « zones industrielles qualifiées », qui emploient environ 42 000 travailleurs. Les deux tiers d'entre eux sont des travailleurs migrants, dont 60 p. 100 sont des femmes. D'après nos recherches, le salaire minimum de la Jordanie aura augmenté trois fois en cinq ans, soit en 2009, en janvier dernier, et en 2013. Pour vous mettre en contexte, le salaire minimum était de 155 $ par mois en 2009, et il est passé à 212 $ par mois la même année. Il vient tout juste de monter à nouveau à 240 $ par mois, et il devrait atteindre 269 $ par mois l'an prochain.
    Toutefois, il est dit explicitement que le salaire minimum ne s'applique pas aux travailleurs de l'industrie du vêtement, ce qui me permet de croire que ceux-ci ne gagnent probablement pas même 155 $ par mois. Certains témoins nous ont aussi parlé de problèmes comme le travail forcé, les heures de travail exagérées, des mesures disciplinaires physiques, dans certains cas, et des travailleurs qui ne reçoivent pas le salaire promis.
    S'il s'agit effectivement des conditions de travail qui prévalent dans les zones industrielles qualifiées, j'aimerais savoir comment, d'après vous, l'accord de libre-échange que nous allons signer avec la Jordanie pourrait s'attaquer convenablement à ces problèmes.
    Je vous remercie de votre question.
    À ma connaissance, je pense que vous avez parfaitement bien décrit la situation au sein des zones industrielles qualifiées. Je vous renvoie encore une fois au témoignage de Charles Kernaghan et au rapport qu'il vous a remis, si je ne m'abuse.
    À mon avis, on peut croire que les droits fondamentaux énumérés dans l'accord de coopération dans le domaine du travail, c'est-à-dire les normes du travail de l'OIT dont Jeff Vogt a parlé, s'attaquent à certains des enjeux que vous soulevez.
    Le problème, c'est que chaque État est tout à fait libre d'appliquer ces droits ou non. L'accord de coopération dans le domaine du travail ne prévoit aucun processus ou mécanisme permettant aux travailleurs, à leur organisation ou à toute autre organisation de faire valoir leurs droits et de mettre fin à la discrimination et à l'application inéquitable des lois jordaniennes dans ces secteurs.
    À vrai dire, il faudrait renforcer le mécanisme d'application de l'accord. Le travail de M. Kernaghan et d'autres ONG visant à mettre en lumière les conditions de travail de l'industrie du vêtement en Jordanie a largement contribué aux progrès minimes réalisés en la matière. Le mécanisme pourrait prendre la forme d'une plainte en vertu de l'accord de coopération. Mais à moins que les parties puissent porter plainte elles-mêmes et que les mécanismes d'enquête et d'application gagnent en transparence, notre expérience nous a appris que ces accords ne permettent pas d'assurer des droits exécutables aux travailleurs.
    Prenons l'exemple de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie, qui contient aussi des dispositions sur les droits des travailleurs. Si ma mémoire est bonne, l'accord a été signé en 2001, mais il n'a pas permis d'améliorer les conditions de travail des zones dont vous parlez. Voilà votre réponse.
(1130)
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Moins d'une minute, y compris la réponse.
    Je vais donc essayer de faire vite.
    Monsieur Rowlinson, avez-vous des renseignements sur l'état des récentes réformes du marché du travail en Jordanie? Peut-on savoir si ces réformes sont mises en oeuvre et appliquées correctement?
    Je dois dire que je ne suis pas spécialiste du droit de la Jordanie dans le domaine du travail, mais je peux vous dire qu'il existe là-bas un écart considérable entre les protections législatives et leur application, comme dans bien d'autres pays. Je crois que l'application des lois jordaniennes est biaisée en matière de discrimination, et surtout à l'endroit des travailleurs migrants.
    Je ne peux pas vous confirmer si les réformes récentes dont vous parlez — comme celle de 2010 sur les associations d'employés et de travailleurs migrants — ont grandement favorisé le mouvement syndical en Jordanie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Bon nombre de questions ont été soulevées, mais je vais essayer d'approfondir deux ou trois d'entre elles. Monsieur Neil, voici un des problèmes que me pose votre témoignage. J'aimerais que nous concluions l'accord avec la Jordanie. L'opposition officielle et les libéraux ont plutôt bien collaboré pour que le projet de loi soit étudié en comité puis, si tout va bien, qu'il soit déposé à la Chambre. Je pense donc que le Canada et la Jordanie sont en mesure de collaborer.
    À mon avis, aucun membre du comité ne croit qu'il existe un monde parfait, ni même que les gouvernements, y compris le nôtre, ont toujours tout à fait raison. Mais nous n'irons nulle part sans échanges commerciaux ou sans entente axée sur les règles.
    Le fondement de l'accord vise donc les entreprises canadiennes qui font déjà affaire avec la Jordanie. Ce n'est pas comme si nous n'entretenions aucune relation commerciale avec le pays; l'accord permettra au moins de fixer des lignes directrices et des règles claires à cet égard.
    J'aimerais revenir sur l'accord de coopération dans le domaine du travail; je demanderais aux représentants des deux organisations de répondre à ma question.
    Cet accord n'est toujours pas en vigueur. Nous l'avons signé, mais ne l'avons toujours pas légiféré. Il n'a pas reçu l'assentiment du Parlement du Canada. Voici les droits fondamentaux sur lesquels il porte: la liberté d'association, le droit de négociation collective, l'abolition du travail des enfants, la suppression du travail forcé ou obligatoire, la suppression de la discrimination en matière d'emploi et de profession. Il ne s'agit pas de gros enjeux. Ces valeurs fondamentales contribueront à inculquer le respect de l'humanité et du travail à un pays dont la politique du travail est naissante, si je peux me permettre. Comment le fait de réglementer les échanges commerciaux avec la Jordanie pourrait-il lui être défavorable?
(1135)
    Permettez-moi de prendre la parole en premier et de dire qu'il y a une différence d'approche.
    Avant que le Canada conclue des ententes de libre-échange avec certains pays, nous croyons qu'il faudrait être en mesure de voir un changement réel dans ces pays dans des domaines très importants, pour qu'ils puissent bénéficier d'une plus grande ouverture commerciale avec notre pays. Certains croient l'inverse, c'est-à-dire que ces ententes doivent être conclues d'abord et que les changements vont suivre. Il n'existe aucune donnée crédible à cet effet. Il me semble que nous procédons à l'envers.
    Je suis allé en Jordanie plusieurs fois pour traiter des dossiers culturels. Sur le terrain, c'est très facile de voir que ce pays n'est pas encore sorti d'une monarchie absolue. Les organisations de la société civile ont besoin de la permission du roi pour mener leurs activités. La démocratie est fragile. Nous croyons que ces choses devraient être en place d'abord avant que nous acceptions d'améliorer nos relations commerciales avec ce pays.
    J'aimerais faire un dernier commentaire, puisque je conviens que nous parlons de l'accord de libre-échange, qui porte sur des biens, et non sur des services. Nous ne parlons pas de protocoles d'investissements. Il est parfois difficile de voir ce qu'il en est. Dans le domaine que je connais le mieux, c'est-à-dire la culture, vous avez des services qui, conjointement, produisent ce qui est effectivement un bien. Le bien peut être vendu, mais il contient tous ces services. Ces choses sont donc inextricablement liées, à mon avis, et vous ne pouvez pas vraiment les dissocier les unes des autres. C'est peut-être plus facile quand il s'agit de l'importation ou de l'exportation de potasse et des activités menées par la Potash Corporation en Jordanie, mais ce n'est pas facile dans la plupart des secteurs de notre économie.
    Nous vous écoutons, monsieur Rowlinson.
    J'aimerais revenir sur ce que M. Neil a dit. L'idée implicite derrière tous les accords commerciaux que le gouvernement du Canada tente de conclure, c'est que l'engagement et les échanges commerciaux accrus finiront par profiter à tous, y compris aux travailleurs des deux pays. Or, comme M. Neil l'a mentionné, il n'existe aucune preuve empirique à cet effet, du moins pas à notre connaissance. Nous disons donc qu'il faut revoir les ententes commerciales pour déterminer si les clauses elles-mêmes peuvent être améliorées.
    Je suis d'accord avec M. Neil pour dire que le gouvernement du Canada, et votre comité en particulier, devrait recommander que l'on évalue l'impact sur les droits de la personne que cet accord commercial et l'APIE auraient tant sur le Canada que sur la Jordanie, avant que cet accord ne soit conclu et mis en oeuvre.
    Je vous remercie.
    Ce que je déplore — et je ne cherche pas la confrontation ici —, c'est qu'on tient un double discours. Nous pouvons mettre en place seulement les règles auxquelles les autres pays devraient se conformer, et nous aussi, évidemment. Nous ne voulons pas retourner en arrière. Nous ne voulons pas revenir à l'époque des Américains dans les Amériques et de la diplomatie de la canonnière. Nous ne pouvons pas forcer les autres pays à adopter notre point de vue, et nous ne voulons certainement pas nous retrouver dans une position où il faudrait continuellement les forcer à le faire.
    Je ne suis pas d'accord. Je suis allé en Colombie en 2007 et, à cette époque, vous ne pouviez pas vous déplacer en toute sécurité. Vous ne pouviez pas conduire une voiture de Bogota à Medellin. Vous pouvez le faire aujourd'hui, et M. Tout le monde peut le faire sans être escorté par un convoi armé. On sent plus de respect et d'encouragement. Ce n'est pas parfait, mais le respect des droits de la personne, des droits des travailleurs et de l'environnement a progressé de toutes les façons imaginables.
    Je constate que c'est plus une affirmation qu'une question.
    Comme votre temps de parole est écoulé, nous allons entendre maintenant M. Easter.
    Une voix: Attendez un instant. C'était une affirmation très percutante.
    Elle n'avait pas nécessairement beaucoup de sens, mais elle était percutante.
    Merci à nos deux témoins de leur exposé.
    Monsieur Neil, nous n'avons pas beaucoup parlé de l'environnement, et j'aimerais aussi parler des travailleurs. Vous avez dit que vous êtes allé en Jordanie à d'autres moments, pour traiter de culture, je crois. Quelle est la situation sur le terrain, en Jordanie, pour ce qui est de l'environnement?
    Nous avons effectivement cet accord parallèle, mais, comme je l'ai dit, les gens qui suivent le dossier et qui sont allés en Jordanie ainsi que divers groupes de défense des droits des travailleurs ont beaucoup parlé des conditions de travail en Jordanie, mais on a peu parlé de l'environnement. Quelle est la situation sur le terrain? L'accord parallèle est-il assez fort pour améliorer les normes environnementales là-bas?
    Il faut se rappeler que nous, de l'opposition, croyons fermement que le gouvernement du Canada affaiblit nos propres normes environnementales dans notre pays, ce qui ne paraît pas très bien lorsqu'on demande à un autre pays de relever ses normes.
(1140)
    Comme je l'ai indiqué brièvement, la grande question environnementale en Jordanie est celle de l'eau, parce que le pays subit d'énormes pressions à ce chapitre. Le problème que nous voyons, c'est que la capacité du gouvernement de la Jordanie de trouver des solutions pour régler ce qui est effectivement une grave crise de l'eau est limitée par les divers accords internationaux qu'il conclut.
    Prenons, par exemple, l'exploitation des mines de potasse. Cette activité minière a cours en Jordanie et elle nécessite énormément d'eau. Alors l'entreprise là-bas a certains droits en matière de consommation d'eau. Au bout du compte, la Jordanie pourrait se retrouver dans une situation de non-respect de la nouvelle déclaration internationale de l'ONU sur l'accès à l'eau potable et l'assainissement, reconnus comme étant fondamentaux aux droits de la personne.
    C'est là le véritable problème, si vous prenez la situation de l'eau et que vous y ajoutez les ententes commerciales et les accords d'investissements que la Jordanie négocie partout dans le monde. L'influence réelle que peut avoir le gouvernement de la Jordanie dans un dossier aussi fondamental pour ce pays s'effrite, et nous en sommes très inquiets.
    Êtes-vous en train de dire que c'est à cause des accords commerciaux qui sont en train d'être signés, que ces accords exercent une pression dans ce sens?
    Oui, puisque ces accords maintiennent les droits des grandes sociétés — par exemple, le droit d'accès à l'eau. Ces droits sont précisés dans un accord international et on donne ainsi la possibilité à un autre pays ou à une entreprise de prendre des mesures contre une décision que le gouvernement de la Jordanie pourrait devoir prendre pour fournir de l'eau à ses citoyens. C'est là le problème.
    D'accord, merci.
    Concernant les travailleurs, vous avez tous les deux parlé des mesures de protection et de l'applicabilité des règles concernant l'investissement, et vous avez expliqué comment c'est contraire aux droits des travailleurs et à l'absence d'applicabilité. Je crois qu'il y a d'énormes problèmes à cet égard. Il ne fait aucun doute que les investissements sont faits de manière à accentuer et à protéger le transfert de capitaux dans l'intérêt de ceux qui ont de l'argent et que les sociétés et les individus qui sont de plus en plus puissants sur la scène internationale ne sont pas favorables aux travailleurs.
    Nous protégeons donc les économiquement puissants, mais nous ne protégeons pas aussi bien les gens ordinaires qui font le travail pour recevoir de l'argent, mais qui n'en touchent pas les profits.
    Que faut-il faire pour équilibrer les deux? Bien des gens sont de plus en plus inquiets de voir sur la scène internationale qu'un nombre toujours plus petit de joueurs ont un pouvoir toujours plus grand. Quelques-unes de ces très grandes sociétés sont plus puissantes que certains pays eux-mêmes. Comment équilibrer les deux, et peut-on le faire par des accords parallèles à un accord de libre-échange?
    Je vais prendre la parole d'abord. J'ai deux suggestions très simples concernant la manière dont les accords sont colligés. Premièrement, nous croyons que les droits des travailleurs ne doivent pas être relégués à un accord parallèle. C'est la même chose pour les droits en matière d'environnement. Les droits des travailleurs devraient être intégrés à l'accord principal. Voilà la première suggestion.
    Deuxièmement, nous croyons que les droits des travailleurs et les droits relatifs à l'environnement doivent être assujettis au même mécanisme de plainte et d'exécution que celui mis à la disposition des investisseurs. Dans le cas particulier de l'accord entre le Canada et la Jordanie, comme on l'a dit tout à l'heure, les droits des investisseurs ne sont pas spécifiés dans l'accord de libre-échange lui-même; ils sont traités dans un accord distinct. Je crois — et j'ai déjà pris cette position devant votre comité — que si nous pensons sérieusement que ces accords peuvent être utilisés pour dûment protéger les droits relatifs à l'environnement et les droits des travailleurs, au lieu de se servir de ces droits comme façade pour mieux faire accepter la conclusion de ces accords, alors on doit s'assurer de définir des droits réels et exécutoires dans des clauses semblables aux dispositions investisseur-État. Voilà ma position.
(1145)
    Monsieur Rowlinson, concernant les travailleurs, vous avez mentionné également l'accord de 2001 conclu avec les États-Unis. On a dit devant notre comité, je crois, que très peu d'améliorations avaient été faites du côté des travailleurs.
    J'aimerais lire pour le compte rendu, monsieur le président, ce que M. Kernaghan a affirmé, parce qu'il importe d'avoir le même témoignage que le vôtre. Il parlait de l'usine Rich Pine:
    Les travailleurs n'ont absolument aucun droit. C'est un véritable atelier clandestin. Les travailleurs sont logés dans des dortoirs primitifs. Les travailleurs, tant chinois que bangladais, n'ont pas leur mot à dire.
    Puis il continue avant de conclure ainsi:
    Je dirais qu'à l'usine Rich Pine, tous les droits des travailleurs établis dans la loi jordanienne et dans l'accord de libre-échange avec les États-Unis sont bafoués de façon éhontée, au vu et au su de tous.
    C'est une condamnation assez sérieuse.
    J'ajouterais que, lorsqu'il a parlé d'une autre usine — une usine chinoise où l'on a rapporté des cas de viols et d'abus à l'endroit des travailleurs —, tous les membres de notre comité étaient outrés, parce que l'ambassadeur de la Jordanie nous avait dit auparavant que cette situation n'existait pas maintenant.
    Que pouvons-nous faire, que ce soit avant ou après la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Jordanie, pour attirer l'attention sur cette situation? Le gouvernement du Canada devrait-il encourager la tenue d'une réunion conjointe entre le Canada, les États-Unis et la Jordanie pour examiner ces questions et confronter les responsables?
    Je vais autoriser une réponse très rapide seulement.
    Très rapidement, durant le processus qui a abouti aux négociations de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, votre comité, qui était constitué différemment, a produit un rapport. On recommandait dans ce rapport que l'impact sur les droits de la personne soit évalué avant que le Canada ne conclue un tel accord avec la Colombie. Or, cette évaluation n'a jamais été effectuée, mais nous croyons néanmoins que votre comité avait fait un premier pas pour examiner l'impact possible que peuvent avoir ces accords de libre-échange sur les travailleurs concernés.
    Voilà brièvement ma réponse.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Shory.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
     Tout le monde sait que le gouvernement actuel a un ambitieux programme en matière d'échanges commerciaux parce que nous croyons fermement que ces échanges créent des emplois et ouvrent des débouchés aux entreprises, en particulier aux PME, qui peuvent ainsi prendre de l'expansion et créer des emplois ici, au Canada. Nous croyons également nos témoins lorsqu'ils disent que le fait d'engager des pays en développement dans des accords commerciaux les aide à s'améliorer sur le plan des droits des travailleurs, de l'environnement et de la personne. C'est par un engagement comme celui que nous avons conclu avec la Colombie que les pays sont capables de renforcer leur économie, d'avoir des échanges sur les pratiques exemplaires et d'adhérer aux normes reconnues dans le domaine du travail, de l'environnement et des droits de la personne.
    Monsieur Rowlinson, voici ma question: croyez-vous, comme le NPD, que nous ne devons pas avoir d'échanges commerciaux avec les pays en développement qui ont besoin d'appui pour renforcer leurs lois touchant aux droits des travailleurs, de l'environnement et de la personne?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, notre syndicat et le mouvement des travailleurs canadiens en général reconnaissent l'importance des échanges commerciaux. Nous ne nous y opposons pas d'emblée, mais nous disons que ces échanges doivent être assujettis à des conditions précises. Les dispositions des accords commerciaux doivent faire en sorte que tous bénéficient des échanges commerciaux, à la fois les travailleurs canadiens et, dans ce cas-ci, les travailleurs de la Jordanie.
    Globalement, notre expérience des accords de libre-échange que le gouvernement du Canada a négociés nous montre que ces accords ne profitent pas à tous, qu'ils donnent en fait plus de pouvoir aux investisseurs et aux grandes sociétés, qu'ils créent de plus grandes inégalités économiques et qu'ils affaiblissent les droits des travailleurs et les droits des syndicats.
    Je ne sais pas si je réponds à votre question. Encore une fois, nous ne nous opposons pas aux échanges commerciaux, mais aux conditions qui les sous-tendent.
(1150)
    Il me semble qu'il n'existe aucune preuve pour appuyer votre hypothèse selon laquelle les échanges commerciaux créent des emplois et aident les pays à améliorer leur bilan au chapitre des droits de la personne. Il n'y a aucune preuve à cet effet.
    À l'heure actuelle, nous assistons à la dégradation de l'infrastructure industrielle du Canada, qui est attribuable au programme en matière d'échanges commerciaux. Vous dites que c'est un fait, et il n'y a aucune preuve.
    C'est un fait, monsieur Neil, qu'un emploi sur cinq au Canada est lié au commerce. N'importe qui peut faire une recherche là-dessus.
    Ce qui est très impressionnant dans le commentaire fait par M. Rowlinson, et par le NPD, c'est qu'ils disent qu'ils ne sont pas contre les échanges commerciaux, mais leur appui est assujetti à tellement de réserves qu'il est essentiellement impossible pour eux de donner leur aval, et ils ne sont pas en faveur...
    Les témoins ont aussi laissé entendre que l'accord de libre-échange entre la Jordanie et les États-Unis n'a pas amélioré la situation en Jordanie. Toutefois, les échanges commerciaux entre ces deux pays ont augmenté considérablement, ce qui a donné lieu à une augmentation des emplois et à une croissance économique en Jordanie. Les deux pays ont aussi conclu un accord concernant les travailleurs.
    La question que je pose à M. Rowlinson est donc celle-ci: niez-vous qu'il existe un lien entre la croissance économique et le niveau de vie?
    Je nie certainement qu'il existe un lien entre la croissance économique et le niveau de vie pour un grand nombre de personnes. Le problème, c'est que l'amélioration du niveau de vie dont vous parlez n'est pas répartie également. Comme je l'ai dit plus tôt, depuis que l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Jordanie a été signé en 2001, le niveau de vie s'est très peu amélioré pour un grand nombre de travailleurs jordaniens, en particulier les travailleurs migrants de l'industrie du vêtement, comme nous l'avons dit tout à l'heure.
    Je le répète: selon nous, il n'est pas vrai que les avantages des échanges commerciaux sont répartis également.
    À titre de conseiller juridique du syndicat, monsieur Rowlinson, vous devez prendre très au sérieux le droit des travailleurs de former des syndicats, de participer aux activités syndicales et de faire la grève.
    Croyez-vous que les lois jordaniennes vont assez loin et, sinon, quelles sont exactement vos préoccupations à cet égard? Que devraient faire les Jordaniens?
    Je pense que quelqu'un a déjà parlé au comité des changements apportés en 2010 au droit du travail en Jordanie, qui, j'en conviens, venaient en quelque sorte consolider le droit des travailleurs migrants de se syndiquer. Cependant, les travailleurs migrants continuent à être la cible de graves traitements discriminatoires, notamment dans les zones dites de libre-échange en Jordanie, qui les privent de droits fondamentaux, comme celui de la liberté d'association, dont M. Vogt a fait mention. Il faut de toute évidence s'attaquer à ce problème.
    Nous serons sans doute tous d'accord pour dire que le code du travail, de même que toute législation, devrait s'appliquer à tout le monde de façon égale. Mais dans les faits, l'important effectif de travailleurs migrants en Jordanie ne bénéficie pas d'un traitement équitable. Les travailleurs migrants sont victimes de discrimination flagrante. Comme M. Kernaghan l'a indiqué, ils doivent travailler de très longues heures et sont pratiquement tenus à l'asservissement. Ils font énormément d'heures de travail supplémentaires, rarement payées, souvent pour un salaire d'environ 70 cents de l'heure. Il faut vraiment remédier à la situation. Je le répète, les lois régissant le travail devraient s'appliquer à tout le monde de manière égale. Selon moi, il s'agit du principal problème à régler.
    J'en ai parlé dans mes observations liminaires, mais je voulais aussi souligner que tout porte à croire qu'il y a prolifération de cas de discrimination sexuelle en Jordanie. C'est un problème systémique, particulièrement dans l'industrie du vêtement. Vous avez entendu le témoignage de M. Kernaghan sur les agressions sexuelles en milieu de travail. Encore une fois, il y a prolifération de ces cas épouvantables de discrimination sexuelle, et le régime législatif de la Jordanie doit s'y attaquer.
(1155)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Côté.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui pour répondre à nos questions.
    J'aimerais vous amener sur le terrain de la protection des investisseurs. En effet, j'ai posé plusieurs questions à ce sujet dans le cadre des travaux de ce comité. Il était question d'autres accords de libre-échange et de celui avec la Jordanie. Je ne vous le cache pas, monsieur Neil, je suis un farouche opposant à la mise en place de ce genre de protections pour des investisseurs étrangers qui voudraient investir au Canada à cause des conséquences très importantes que vous avez très bien exposées.
    Par contre, j'ai certaines préoccupations relativement aux accords de libre-échange bilatéraux avec des pays ayant aussi peu de protections que la Jordanie. Considérez-vous que ce genre de protections accordé aux investisseurs pourrait avoir des conséquences encore pires en Jordanie sur le plan de la protection sociale ou des protections liées au droit du travail?

[Traduction]

    Je crois que c'est réaliste de le penser.
    Je ne sais pas si le comité est au courant — vous avez probablement étudié le dossier —, mais le gouvernement de la Jordanie a entrepris une privatisation massive vers 1996. La Potash Corporation of Saskatchewan est une des sociétés ayant profité de cette privatisation. Elle détient aujourd'hui environ 30 p. 100 de la Arab Potash Company.
    La Jordanie se demande aujourd'hui si la nationalisation était une bonne chose. Évidemment, vu les accords commerciaux en place, notamment l'accord d'investissement, il serait très difficile pour la Jordanie de revenir sur sa décision. La Potash Corporation of Saskatchewan serait en droit de poursuivre le gouvernement jordanien en justice s'il décidait de le faire. Les tribunaux donneraient probablement raison à la société.
    Je pense que cela met en lumière le problème que pose le volet investissement de l'accord. Il est question de marchandises, parce que la société est évidemment là pour extraire de la potasse, qui sera surtout exportée à l'extérieur de la Jordanie, même si je doute qu'on en exporte au Canada.
    C'est un exemple concret qui illustre parfaitement le problème que cela pose pour le Canada et la Jordanie.
    Nos membres travaillent pour la Potash Corporation of Saskatchewan en Saskatchewan. Le premier ministre Wall pourrait témoigner personnellement de l'importance que revêt cette industrie pour l'économie de la Saskatchewan, de même que de la nécessité de garder un certain contrôle intérieur sur cette société. Il a en effet mis beaucoup l'accent là-dessus, et il en a parlé publiquement.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir à une autre question.
    Monsieur Rowlinson, j'ai trouvé très intéressantes vos réponses sur la question de l'accord séparé et sur la comparaison entre la protection des droits des travailleurs et la protection des droits des investisseurs.
    Dans la même logique, pensez-vous que le fait d'éviter d'accorder des protections exagérées aux investisseurs pourrait constituer une partie de la solution au problème relatif à la carence de protection des travailleurs dans un pays comme la Jordanie? Vous avez parlé plus tôt d'accorder des protections équivalentes, mais si on retourne le problème dans un autre sens, peut-être que le fait d'éviter de surprotéger les investisseurs pourrait régler certains problèmes liés à la protection des travailleurs. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Votre point est tout à fait valide. Les rigides dispositions investisseur-État que contiennent les accords commerciaux canadiens, et l'accord d'investissement conclu avec la Jordanie, ont des effets pernicieux et dangereux pour les droits des travailleurs.
    J'essayais plutôt de répondre à la question de M. Easter, qui me demandait comment on pourrait améliorer les dispositions concernant les droits des travailleurs. J'ai répondu que pour y arriver, il faudrait mettre en place un mécanisme d'exécution plus stricte. Je ne voulais pas nécessairement avaliser les droits prédominants que confèrent souvent ces ententes aux investisseurs et aux sociétés.
    Honnêtement, j'aimerais bien qu'un jour il y ait une discussion plus ouverte et transparente entre les organisations comme la nôtre, le mouvement syndical, les ONG et d'autres organisations de travailleurs, pour qu'on tente de voir comment obtenir un régime commercial qui respecte véritablement les droits des travailleurs et les obligations environnementales. Il faut repenser la réglementation des échanges commerciaux de façon à ce qu'ils bénéficient à plus de gens.
(1200)
    Merci beaucoup.
    La parole est à M. Cannan.
    Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, de nous faire part de votre point de vue sur ce volet très important du plan du gouvernement pour l'emploi et la prospérité à long terme des Canadiens.
    Comme mon collègue l'indiquait, un emploi sur cinq est lié à l'industrie du commerce. Depuis un an, le ministre Fast vit dans ses valises, sillonnant le monde afin d'ouvrir de nouveaux marchés pour le Canada.
    Nous sommes en situation de désavantage en Jordanie depuis des années en raison de l'accord conclu avec les États-Unis, alors nous tentons de remonter la pente.
    Vous avez dit souhaiter une discussion plus ouverte et transparente. Je siège à ce comité depuis plus de six ans. Nous étudions cet accord depuis quelques années et nous avons entendu de nombreux témoins, alors je ne vois pas comment on pourrait ouvrir davantage la discussion...
    Au bout du compte, il faut qu'une décision soit prise. On peut être en faveur de l'accord ou non. Nous nous appuyons sur le même cadre de travail et les mêmes principes pour élaborer l'accord de libre-échange avec la Jordanie, en ce qui concerne entre autres le travail et l'environnement, que ceux qui ont servi à l'accord avec la Colombie et le Panama. Peut-on penser que c'est pour cette raison que vous n'avez pas appuyé ces accords?
    Nous n'avons effectivement pas appuyé l'accord de libre-échange avec la Colombie. Je ne crois pas que nous ayons pris position nécessairement à l'égard de l'accord avec le Panama. Mais vous avez raison, les dispositions sont sensiblement les mêmes.
    Vous dites que le mouvement ouvrier, dans l'ensemble, et le Syndicat des métallos ne s'opposent pas aux accords commerciaux. Pourriez-vous nous nommer un accord commercial que le Syndicat des métallos a appuyé?
    Pour revenir encore une fois à l'autre point que vous avez soulevé, parce que le Canada a essentiellement adopté aujourd'hui un modèle d'accord commercial...
    L'a-t-il jamais fait?
    Laissez-moi terminer.
    C'est un modèle auquel nous n'avons jamais vraiment adhéré. Ce n'est donc pas surprenant si nous n'avons appuyé aucun des accords que le gouvernement canadien a conclus suivant ce modèle.
    Si je peux revenir à votre première question...
    Voulez-vous dire n'importe quel gouvernement canadien, pas seulement celui qui est au pouvoir depuis un peu plus de six ans, mais aussi les précédents?
    On a utilisé ce modèle pour la première fois avec l'Accord de libre-échange nord-américain. C'est le modèle auquel je fais référence, et c'est celui que le gouvernement canadien a continué de suivre. Nous n'avions pas appuyé l'ALENA, et notre position est demeurée la même pour tous les autres accords établis selon ce modèle.
    Mais vous appuyez l'industrie du commerce.
    Si vous me le permettez, j'aimerais revenir rapidement sur le point que j'ai soulevé plus tôt à propos de la transparence. Ce qui pose notamment problème, c'est que ces accords de libre-échange sont présentés au comité, au Parlement et à tout le monde, finalement, comme un fait accompli. Autrement dit, les négociations, la rédaction et la signature de ces ententes se font dans le secret, sans plus de consultation. C'est ce que j'ai voulu dire en parlant de transparence. Le processus de négociation pourrait être un peu plus ouvert et inclusif. Il serait alors possible d'avoir une vraie discussion sur les retombées des activités commerciales.
    Donc, quand vous négociez avec les employeurs, vous permettez à tous vos membres de participer aux négociations.
    J'ai déjà fait partie d'un syndicat. J'ai déjà pris part à une grève. Et ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les syndicats ne consultent pas leurs membres avant de négocier. Ils se contentent de leur transmettre les renseignements après coup.
    Laissez-moi vous dire exactement comment nous négocions avec les employeurs. Quand vient le temps de négocier avec les employeurs, nous rencontrons tous nos membres. Nous leur envoyons des sondages pour connaître leurs priorités à l'égard des négociations, puis nous compilons les résultats. Nous allons ensuite rencontrer tous les membres concernés pour discuter de leurs priorités, ou s'il s'agit d'une usine de grande taille, nous organisons des rencontres pour les différents quarts de travail. Nos comités de négociation dressent alors une liste de priorités et de propositions. Ils consultent les membres à l'égard des priorités et des propositions établies, et ce n'est qu'à ce moment qu'on entame les négociations. C'est exactement de cette façon que nous procédons.
    C'est vrai, les négociations ne se font pas en public. Mais pour ce qui est des positions prises par le syndicat au nom des membres, il s'agit d'un processus public, démocratique et consultatif. C'est impératif pour notre syndicat.
    Nous sommes rendus là. Nous avons des accords en matière de travail et d'environnement. Nous les avons négociés, et vous les avez vus. Différents intervenants nous ont dit que nous ne devrions pas aller de l'avant en raison des préoccupations concernant les travailleurs et l'environnement.
    Si j'ai bien compris, vous n'appuierez pas cet accord parce que vous êtes d'avis que nous devrions procéder à une étude d'impact sur les droits de la personne avant d'aller plus loin, que les dispositions environnementales ne sont pas suffisantes et qu'on ne permet pas aux travailleurs de se syndiquer.
    M. Neil a parlé de l'étude d'impact sur les droits de la personne. Je répète toutefois qu'il est de la responsabilité du comité et du gouvernement du Canada de voir à ce qu'une évaluation complète des impacts potentiels de cet accord commercial soit faite avant de le ratifier. À ce que je sache, aucune évaluation de ce genre n'a encore été effectuée.
    Pour revenir à votre analogie sur les négociations collectives, je précise qu'avant de négocier et de conclure quoi que ce soit avec un employeur, nous tâchons d'apprendre de la bouche de nos membres quelles sont leurs priorités et de savoir exactement quelles répercussions pourrait avoir une nouvelle convention collective sur le milieu de travail.
(1205)
    Merci.
    Monsieur Neil, avez-vous des commentaires à formuler?
    Absolument. Il faut qu'une étude d'impact sur les droits de la personne soit effectuée avant la signature de l'accord. C'est notre position.
    Pour arriver à des accords qui favorisent réellement le libre-échange, nous pensons qu'il faut suivre un modèle différent. Le modèle auquel on arrive presque dans le secteur culturel en est un exemple. Il s'agit de négocier des accords de collaboration bilatéraux.
    Les gouvernements doivent prendre des engagements concrets et mutuels afin de promouvoir un meilleur échange d'oeuvres cinématographiques, de livres, de magazines et de produits culturels de toutes sortes. C'est ainsi qu'on y arrive, parce qu'évidemment, les intervenants du secteur culturel ont des objectifs semblables.
    Il s'agit de favoriser des échanges plus équilibrés entre les cultures, plutôt que d'en laisser une ou deux dominer toutes les autres. Pour nous, c'est un modèle qu'il conviendrait d'adopter.
     Merci beaucoup.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux revenir à l'environnement brièvement. Si j'ai bien compris, rien dans cet accord n'oblige ni le Canada ni la Jordanie à améliorer leur réglementation et leurs normes environnementales.
    Des dispositions obligeraient les deux pays à se conformer à un régime législatif national plus strict en matière d'environnement, mais évidemment, il faudrait pour cela que les deux pays aient adopté des lois environnementales rigoureuses, ce qui n'est peut-être pas le cas de la Jordanie. Il est également question de pratiques exemplaires que les sociétés pourraient suivre de façon volontaire pour s'acquitter de leurs obligations environnementales.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de l'accord Canada-Jordanie. Pensez-vous que l'accord parallèle concernant l'environnement pourrait avoir un effet positif, en favorisant non seulement le maintien mais aussi l'amélioration des normes environnementales des deux pays?
    En fait, l'accord sur l'environnement contient une importante disposition pour laquelle les deux parties ont établi des obligations mutuelles, notamment l'adoption de mesures nationales rigoureuses pour la protection de l'environnement, par l'intermédiaire de leurs lois et politiques environnementales. Le problème, c'est qu'il n'existe aucun moyen de faire appliquer cette disposition. Il n'y a pas d'accord de coopération énonçant comment devraient être élaborées de telles mesures de protection.
    On peut constater d'ailleurs au sein de notre propre pays, à la lumière du dernier budget, que les règles de protection environnementale ont commencé à s'effriter. C'est quelque chose qui nous inquiète.
    L'accord actuel comporte une très bonne disposition, mais aucun moyen n'est prévu pour la mettre en application. Rien n'est là pour encourager les deux pays à améliorer leurs règles de protection environnementale.
    Pourrais-je vous contredire gentiment à égard? Peut-être que mon interprétation diffère un peu de la vôtre. Je ne crois pas que cet accord pourrait permettre de protéger quoi que ce soit. Il stipule que les pays ne pourront assouplir leurs lois internationales respectives dans le but d'encourager les échanges commerciaux et les investissements.
    C'est un énoncé conditionnel. Il leur permettrait en fait d'assouplir leurs lois environnementales, pourvu qu'ils ne le fassent pas explicitement pour encourager les échanges commerciaux et les investissements. De plus, il oblige les deux pays à mettre en application leurs lois environnementales nationales. Comme vous le disiez, c'est en supposant que la Jordanie, par exemple, a déjà adopté des lois environnementales rigoureuses.
    Est-ce que quelque chose nous prouve que la Jordanie dispose de lois environnementales rigoureuses qu'elle serait contrainte de mettre en application selon cet accord?
    Non.
    D'accord.
    Monsieur Rowlinson, d'après votre expérience avec l'ALENA ou d'autres accords, est-ce que des ententes parallèles ont déjà permis de protéger les droits des travailleurs? A t-on des exemples ou des données concrètes et crédibles qui nous montrent que les ententes parallèles ont eu pour effet d'améliorer les normes de travail intérieures dans un pays quelconque?
    Rapidement, la réponse est non.
    Je peux vous donner deux éléments de réponse pour cette question. J'ai vu de nombreuses plaintes déposées en vertu des accords sur le travail parallèles à l'ALENA. J'ai utilisé ces dossiers. Dans tous les cas, sans exception, on a procédé à des consultations ministérielles qui ont laissé les travailleurs concernés sans réelle possibilité de recours. Et il n'y a pas eu de réelles améliorations non plus aux normes de travail qui avaient engendré les plaintes en premier lieu.
    Comme j'ai l'impression que votre position et celle du gouvernement ne concordent pas, j'aimerais savoir si vous avez consulté des documents du gouvernement du Canada qui pourraient nous donner un exemple d'un accord latéral ayant permis d'améliorer les normes de travail d'un pays? Est-ce que le gouvernement du Canada a produit des documents que nous pourrions examiner?
(1210)
    À ma connaissance, il n'y en a pas. D'après tout ce que j'ai lu, et évidemment, l'ALENA est l'exemple qui a le plus long dossier, je crois que dans les trois pays signataires — Canada, États-Unis et Mexique —, la situation des droits économiques, d'égalité, du travail et de se syndiquer s'est détériorée depuis la signature de l'ALENA.
    On a donné l'exemple de la Colombie. Évidemment, si je ne me trompe pas, l'accord avec la Colombie n'a été mis en place que l'été passé et nous n'avons donc pas vraiment assez de données pour faire des liens entre ce qui se passe en Colombie et la mise en place de l'accord.
    Je ne suis pas d'accord avec ceux qui soutiennent que le libre-échange apporte la croissance, la prospérité, l'égalité et la justice en Colombie. J'y suis allé à maintes reprises, et j'ai rencontré le président Santos pour discuter de ces questions. Il y a peut-être moins de violence qu'auparavant au pays, mais à mon avis, la situation des travailleurs et des syndicats ne s'est pas améliorée de façon évidente au cours des dernières années.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Shipley, mais auparavant, je veux souhaiter la bienvenue à la nouvelle équipe.
    Le comité ne paraît-il pas mieux là-bas?
    Comme je l'ai dit, nous avons une nouvelle équipe. Il est clair que nous paraissons mieux.
    Monsieur Shipley, la parole est à vous.
    J'espère que cela ne compte pas dans mon temps d'intervention.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je suis allé en Colombie il n'y a pas longtemps. Ma visite a été intéressante. Je n'y suis pas allé à titre de membre du comité. J'ai pu rencontrer... Je n'avais pas de gens à rencontrer en particulier, mais lorsque j'ai rencontré des entreprises, surtout des petites et des moyennes, ainsi que des politiciens, ils étaient très emballés par l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie et par la croissance qu'il stimulerait. Il est toujours important de comprendre cela lorsqu'on va sur le terrain. Je n'ai pas rencontré le président Santos, mais j'ai rencontré des Colombiens, et je pense qu'il est toujours important de le faire pour comprendre la situation.
    En écoutant les observations de M. Rowlinson et de M. Neil, je crois comprendre que nous cherchons le pays parfait en quelque sorte. Si j'ai bien compris, vous voulez que nous attendions que ces pays relèvent eux-mêmes leur niveau. À ce moment-ci, certains de ces pays ne sont pas riches, pas comme le Canada. En fait, je dirais que très peu de pays dans le monde ont un niveau, une diversité économique et une stabilité comparables.
    Je tente de comprendre. Ce que nous essayons de faire... et ce qui fonctionne c'est que nous donnons aux pays l'occasion d'améliorer leur situation économique. Par cela en partie, et on le remarque dans des pays... en fait je pense qu'au Canada — vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi —, nous avons de bonnes lois sur le travail.
    Êtes-vous de cet avis?
    C'est une grande question.
    Eh bien, non, c'est très simple. Avons-nous... ou vous attendez-vous à ce que les lois sur le travail soient parfaites au Canada? Nous n'en sommes pas là, mais vous attendez-vous à la même chose en Colombie ou en Jordanie à l'heure actuelle? Vous dites qu'il est nécessaire de l'amener à ce niveau avant que nous signions un accord commercial.
    C'est donc en fait une question claire. Je me demande si vous avez une réponse claire à me donner.
    Pour être franc, je ne suis pas certain de comprendre la question. Je ne tente pas d'être évasif, mais...
    Eh bien, vous grugez mon temps d'intervention.
    Excusez-moi.
    Je croyais que c'était assez clair, en fait.
    Je dirais qu'il y a des normes internationales reconnues, par exemple, dans le domaine du travail et du droit du travail, et que la Jordanie les a acceptées et qu'elle doit atteindre ce niveau. Si c'est le cas, elle peut aller de l'avant.
    À notre avis, elle n'a pas atteint ce niveau.
    Dans les normes internationales... on indique que les pays doivent atteindre ce niveau avant qu'un accord de libre-échange soit mis en place? Vous faites un signe de la tête, mais vous ne dites rien.
    Oui, c'est ce que j'avance. Oui.
    C'est ce que vous avancez. C'est ce qu'elles indiquent?
    Qu'est-ce qu'on indique où exactement?
    Non. Ce n'est pas mentionné, non.
(1215)
    Non.
    Non, vous dites que les normes internationales du travail... d'accord, ils n'ont pas à atteindre ce niveau avant la mise en place d'un accord de libre-échange. En fait, un tel accord, messieurs, permet à un pays de diversifier et de renforcer son économie, ce qui peut l'amener à adopter de bonnes lois en matière de travail, comme celles du Canada.
    J'ai une question au sujet des lois sur le travail. Cette question s'adresse peut-être à M. Rowlinson. C'est ce que je ne comprends pas. Et je sais qu'il y a des lois provinciales en matière de travail. Lorsque nous parlons d'une norme en Jordanie, est-ce que cela veut seulement dire qu'elle doit se prononcer pour les syndicats?
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Est-ce qu'une entreprise ici... et j'essaie de penser au mot que vous avez utilisé, qui aurait l'occasion... j'oublie le mot. J'aurais dû l'écrire. Au Canada, si un syndicat cible une entreprise, il peut y entrer et faire du lobbyisme et tenir des rencontres, etc. D'après mon expérience, si d'autres personnes veulent défendre l'idée de ne pas adhérer à un syndicat en raison des avantages ou peu importe, elles ne peuvent pas le faire. Est-ce un traitement juste? Auraient-elles la possibilité de se prononcer contre l'adhésion à un syndicat tout comme un syndicat peut dénoncer les entreprises qui n'en ont pas?
    Je pratique le droit du travail au Canada depuis 17 ans. Le fait est que les travailleurs font le choix d'avoir un syndicat ou de ne pas en avoir. Ils ont le droit d'exprimer leur point de vue dans leur milieu de travail ou à l'extérieur et de dire s'ils veulent signer une carte d'adhésion syndicale ou non.
    J'imagine que mon temps est écoulé. Je pense que le président en a pris une partie au début lorsqu'il a complimenté notre équipe.
    Vous pouvez donner une réponse brève.
    Avez-vous quelque chose à ajouter?
    Le fait est que de plus en plus, le Canada ne reflète pas l'OIT. Il ne respecte pas les normes de travail fondamentales de l'OIT, même le droit de faire la grève et la liberté d'association. Or, nous aimons penser que les travailleurs et les syndicats canadiens ont au moins des outils qui leur permettent de faire valoir leurs droits. En Jordanie, c'est moins évident.
    Bien.
    Monsieur Côté.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout comme mon estimé collègue, Gerald Keddy, je crois qu'il n'y a rien de parfait en ce monde. Par contre, je suis totalement en désaccord avec lui quand il dit que cet accord, qui a été négocié avec le Royaume de Jordanie, ne pourrait pas être amélioré. Au contraire, je pense que c'est très révélateur de l'absence totale de volonté du gouvernement à cet égard.
    Croyez-vous qu'on pourrait trouver un moyen d'améliorer l'accord? Je ne veux pas vous faire répéter quoi que ce soit, mais je pense que vous avez mentionné plusieurs pistes de solutions intéressantes. Croyez-vous sincèrement qu'on pourrait nettement améliorer l'accord qui a été négocié avec le Royaume de Jordanie?

[Traduction]

    Je pense qu'une étude d'impact sur les droits de la personne menée avant la signature de l'accord mettrait en lumière un certain nombre de choses. Si l'on améliorait les accords parallèles sur l'environnement et sur le travail, l'accord serait amélioré. Nous examinerions ensuite les résultats et trouverions un juste équilibre par rapport à la situation qui règne, c'est-à-dire qu'il y a des problèmes importants en Jordanie.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question ou si j'ai donné une réponse aussi définitive que vous l'auriez voulu, mais nous vous exhortons à faire des recommandations pour tenter d'améliorer l'accord.
    Je suis du même avis. J'aurais beaucoup de choses à dire sur les modifications que j'y apporterais, etc. Je ne sais pas si ce serait avantageux. Une étude d'impact globale est nécessaire pour ce type d'accord. Il faut ensuite que le processus par lequel les accords sont conçus et négociés soit inclusif, transparent et démocratique.

[Français]

    Merci beaucoup, messieurs. J'en conclus que s'il n'y avait pas eu de volonté d'améliorer les conditions de travail des travailleurs de l'industrie à l'époque victorienne, on aurait pu voir perdurer ce genre de conditions jusqu'à aujourd'hui.
    Monsieur le président, je vais offrir le reste de mon temps à mon collègue, Marc-André Morin.
(1220)

[Traduction]

    Je vous accorde deux minutes et demie.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Neil.
    En Jordanie, l'eau est une denrée extrêmement précieuse. Un camion d'eau vaut plus cher qu'un camion de pétrole. Cette eau provient des nappes phréatiques. Elle est emprisonnée là depuis des dizaines de milliers d'années. Dans tous les pays de la région, l'eau est gaspillée allègrement pour toutes sortes de projets bidon, comme de l'agriculture intensive.
     Les populations locales qui ont de petits puits et qui vivent autour des points d'eau et des oasis voient tous les matins baisser la nappe phréatique dans les puits. Le jour où il y aura une confrontation entre, par exemple, Potash Corporation et 200 ou 300 bédouins qui élèvent des chèvres, tout ce qui restera aux bédouins sera la possibilité de vendre de la viande de chèvre séchée. C'est ma crainte.

[Traduction]

    Vous pouvez répondre brièvement. Allez-y.
    Oh, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que la situation de l'eau en Jordanie est très grave. Elle l'est de plus en plus. L'eau se fait de plus en plus rare, et il faut absolument que le gouvernement jordanien intervienne et qu'il soit en mesure d'intervenir afin de protéger le plus possible l'eau pour les humains.
    D'accord, merci beaucoup.
    M. Easter a une dernière question. Je vais lui accorder quelques minutes.
    C'est une question brève.
    Monsieur Neil, durant la dernière discussion, au sujet des accords parallèles sur le travail et l'environnement, vous avez dit que l'accord... que si ces parties précises étaient améliorées, l'accord serait amélioré. Mais comment faire des gains en mettant cela en place? Ce qui est fondamental dans ces accords commerciaux, c'est de les mettre en place.
    Monsieur le président, nous avons un certain nombre d'éleveurs de bovins ici. Vous en connaissez quelques-uns. Nous avons signé un accord avec les États-Unis. À une certaine époque, le secteur bovin était l'industrie la plus intégrée en Amérique du Nord. Les États-Unis ont instauré l'étiquetage du pays d'origine, ce qui a décimé notre industrie bovine pour un certain temps. Je ne me souviens plus combien d'années cela fait. L'OMC nous a donné raison concernant notre contestation. Les États-Unis ont fait appel, et — je ne sais pas combien — quatre ou cinq années ont passé.
    Le problème, c'est que si certaines règles sur ces accords commerciaux ne sont pas mises en application rapidement, le dommage est déjà fait. Dans ma province, l'industrie bovine a diminué de moitié.
    Comment établir dans des accords commerciaux des pouvoirs applicables concernant des mesures prises par une partie ou l'autre qui peuvent pratiquement détruire des industries? Comment le faire rapidement pour protéger les investissements que les deux parties ont faits dans ces industries?
    Je serai bref.
    Il me semble que lorsqu'on parle de l'applicabilité des accords commerciaux, on parle toujours de droit et de volonté politique. Ce n'est pas difficile. Chaque jour, nous rédigeons des contrats qui sont rapidement applicables. Dans ces circonstances, il ne devrait pas être difficile de concevoir des mécanismes qui peuvent être mis en application de manière indépendante, judiciairement et de façon transparente et d'établir rapidement des droits réels pour tous. Pour ce faire, il doit y avoir une volonté politique des signataires, et il faut définir les mécanismes.
    Ce sont mes réflexions à ce sujet.
    Bien entendu, c'est la réponse de nature juridique. Du côté politique, comme vous le savez, monsieur Easter, si les États-Unis décident de ne pas se conformer aux décisions qui sont prises, ils ont le poids économique qu'il faut pour le faire. Le meilleur exemple est probablement le conflit du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis. Nous avons gagné maintes fois, mais les Américains refusaient simplement et agissaient comme bon leur semblait.
(1225)
    D'accord, merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Keddy, qui terminera cette série de questions.
    Merci, monsieur le président.
    J'ignore comment nous en sommes venus à parler du bois d'oeuvre. Ce fut un bond prodigieux, et j'ai perdu le fil.
    M. Ron Cannon: Mais nous connaissons les détails.
    M. Gerald Keddy: J'ai une remarque à faire et une question à poser. Je vais revenir sur ce qu'a dit M. Easter sur les éleveurs de boeufs, et je suis ravi qu'il y en ait ici.
    Il y a une énorme occasion à saisir pour le milieu agricole canadien. Nous concluons un accord avec un pays qui importe 50 p. 100 de ses produits agricoles. Il n'y a pas des possibilités que pour le boeuf, mais pour tous les produits agricoles, et cet accord avec un État arabe modéré pourrait nous ouvrir des portes dans le reste du monde arabe.
    Encore une fois, je reviens à mon idée de base: rien n'est parfait et il nous faut donc travailler en fonction de la situation actuelle.
    Ma question est très simple. Nous avons un accord négocié. Il n'y a vraiment pas beaucoup de moyens de modifier ces accords. Nous avons parlé du travail et de l'environnement, de l'importance de la réglementation du commerce.
    Le Conseil des Canadiens ou les syndicats appuieraient-ils l'accord si aucune modification n'y était apportée?
    Non.
    Non.
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Des voix: Oh, oh!
    Question brève, réponse brève: ce n'est pas toujours le cas dans notre comité
    M. Gerald Keddy: Je suis estomaqué.
    Le président: Nous vous remercions de votre présence. Nous sommes heureux que vous soyez restés plus longtemps. Je sais qu'on nous avait alloué une heure, mais notre séance a duré une heure et demie. Je vous en suis très reconnaissant.
    Je remercie les membres du comité pour leurs questions, et je veux dire aux nouveaux membres que je crois que notre comité est très fonctionnel.
    Jeudi, nous passerons à l'étude article par article. Je veux rappeler aux membres du comité que s'ils ont des amendements, ils doivent se préparer en conséquence. Veuillez les soumettre au greffier.
    Cela dit, nous allons suspendre la séance et siégerons à huis clos pour parler brièvement des travaux à venir.
    Nous suspendons donc la séance pour l'instant...
    Monsieur le président, auparavant, j'ai une motion à présenter.
    Oui, nous le ferons...
    Eh bien, je n'accepterai peut-être pas de le faire à huis clos.
    Le président: La séance est suspendue.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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