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CC11 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité législatif chargé du projet de loi C-11


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 mars 2012

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    Bienvenue à la séance no 8 du Comité législatif chargé du projet de loi C-11.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins, aux invités, et, bien entendu, aux membres du comité.
    Durant la première moitié de la séance de ce matin, nous entendrons Catharine Saxberg, de l'Association canadienne des éditeurs de musique; Victoria Shepherd et Sundeep Chauhan, de l'Agence pour licence de reproduction de vidéo-audio inc., et de la

[Français]

Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec, nous recevons également Mario Chenart et Jean-Christian Céré.

[Traduction]

    La greffière vous a tous avisés du fait que vous disposiez de 10 minutes chacun pour présenter une déclaration préliminaire. Je suis très strict à cet égard, comme M. Chenart le sait probablement. Par conséquent, si vous ne parvenez pas à dire tout ce que vous avez à dire en 10 minutes, réservez vos commentaires pour la période des questions et réponses.
    Nous allons commencer par l'Association canadienne des éditeurs de musique. Vous avez 10 minutes.
    Je vous remercie de nouveau de m'avoir invitée à me présenter devant vous.
    J'ai eu le plaisir de discuter de questions relatives au droit d'auteur avec la plupart d'entre vous au cours des dernières années, et je suis impatiente de connaître l'opinion des personnes avec lesquelles je n'ai pas encore parlé.

[Français]

    Je m'excuse auprès de ceux qui suivent la traduction de mes remarques écrites. J'ai effectué quelques petites révisions en réponse à des dépositions qui ont été faites récemment.

[Traduction]

    Je suis directrice exécutive de l'Association canadienne des éditeurs de musique, l'ACEM, qui existe depuis 1949. Nous sommes situés à Toronto, bien que nous représentions des éditeurs de musique et des auteurs-compositeurs partout au pays.
    Les éditeurs de musique aident les auteurs-compositeurs à gagner leur vie en composant de la musique. Si une chanson est utilisée de façon à générer des revenus n'importe où dans le monde, l'éditeur aide à localiser cet argent ainsi qu'à le récupérer, et l'envoie à l'auteur-compositeur. Un éditeur investit également dans les auteurs-compositeurs tout au long de leur carrière, en les aidant à rester à flot entre la réception des droits, et en leur offrant soutien et expertise.
    Nous croyons que l'aptitude, le talent et l'expérience nécessaires pour composer une chanson à succès sont précieux, et que la meilleure façon de les développer est de protéger la capacité de gagner sa vie en le faisant. Il est donc important d'avoir une solide législation en vigueur en matière de droit d'auteur.
    L'ACEM s'est jointe à plus de 100 organismes qui ont signé la Déclaration des industries culturelles, et nous continuons à appuyer toutes les positions présentées dans ce document. Nous croyons en la nécessité de moderniser la Loi sur le droit d'auteur du Canada, et d'être de bons partenaires mondiaux. Le droit d'auteur dans le monde ne sera jamais plus fort que son maillon le plus faible. Nous pensons également que le gouvernement n'a pas réalisé ses objectifs en matière de droits d'auteur avec le projet de loi C-11, mais nous savons qu'il est convaincu que sa législation atteint ses objectifs politiques. Le moment est donc venu pour nous d'essayer de contribuer à une nouvelle discussion.
    Un rappel au Règlement?
    Pourriez-vous ralentir un peu votre débit? Merci.
    D'accord, désolée.
    Les interprètes ont du mal à vous suivre.
    Le moment est donc venu pour nous d'essayer de contribuer à une nouvelle discussion. Pouvons-nous faire des suggestions de forme qui permettront de clarifier ou de renforcer les intentions déclarées du gouvernement? Nous en sommes convaincus. Nous proposons des amendements de forme pour quatre principaux aspects du projet de loi qui, selon nous, peuvent être renforcés.
    La distinction entre un amendement de forme et un changement de politique n'est pas toujours claire. Ainsi, ce que nous tentons de faire aujourd'hui, c'est d'intervenir de manière positive et crédible dans ce processus. Nous avons tenté de pécher par excès de prudence et de ne pas nous immiscer dans l'arène politique. Bien que quelque peu exténuée, j'ai le plaisir d'affirmer que ces positions représentent de nombreuses heures de discussions et de débats au sein de notre organisme.
    Les quatre amendements que nous proposons concernent le droit de reproduction mécanique et de diffusion, la responsabilité des FSI, la responsabilité subsidiaire et les dommages-intérêts.
    Le premier amendement de forme que nous proposons concerne les enregistrements éphémères par les sociétés de diffusion radiophonique. Lorsqu'une chanson arrive à une station de radio, le fichier d'origine est reproduit sur le disque dur de la station de radio. Ce fichier est reproduit en vertu du droit de reproduction, pour lequel nous recevons actuellement une rémunération d'environ 21 millions de dollars par année. Nous nous inquiétons du fait que le projet de loi C-11, du fait de la suppression du paragraphe 30.9(6) de la Loi, coûtera des millions de dollars aux créateurs de musique et aux détenteurs de droits à cause de l'élimination de fait de cette source de revenu. Plus de 47 000 personnes et entreprises reçoivent chaque année des chèques de cette source de revenu de la CMRRA seulement, sans compter la SODRAC ou les propriétaires de bande maîtresse.
    En vertu du projet de loi C-11, l'article énonçant ce droit serait abrogé, permettant ainsi aux sociétés de diffusion de conserver des reproductions des chansons sur leurs serveurs pendant 30 jours sans les payer, pour autant que les chansons soient effacées à l'issue de cette période. En d'autres termes, le gouvernement veut modifier la loi afin d'offrir aux radiodiffuseurs un accès gratuit aux chansons pendant une période de 30 jours. Si les radiodiffuseurs veulent conserver ces chansons après cette période, ils devront payer le tarif en vigueur.
    Le problème est que, selon la formulation actuelle du projet de loi C-11, les sociétés de diffusion pourront se jouer du système en effaçant un fichier musical au bout de 30 jours, puis en le restituant immédiatement. Essentiellement, les sociétés de diffusion peuvent facilement se conformer à la contrainte des 30 jours en copiant les copies.
    Même si l'ACR ne le mentionne pas dans le mémoire qu'elle a déposé, nous savons que les radiodiffuseurs ont l'intention de faire cela. En fait, ils ont récemment avancé que le fait de devoir supprimer et recopier des bibliothèques tous les 30 jours était une corvée, et qu'ils préféraient que le tarif soit totalement supprimé plutôt que d'avoir à le payer. Cela représenterait un changement de politique allant à l'encontre de l'intention du gouvernement. En fait, certains radiodiffuseurs se plaignent du fait que le gouvernement leur rend plus difficile le contournement des dispositions législatives proposées.
    Ils ont comparé le paiement de ce tarif à une subvention inappropriée octroyée à l'industrie de la musique. Nous considérons plutôt cela comme une utilisation de nos droits — droits protégés par des principes universels d'intégrité des biens propres — de façon à permettre aux sociétés de diffusion de fonctionner plus efficacement. Nous sommes heureux de contribuer à leur efficacité en offrant ce précieux droit, et nous sommes d'avis qu'il est raisonnable d'être rémunérés pour les aider à rationaliser leurs opérations.
    S'il y a une quelconque subvention dans cette histoire, ce n'est pas nous qui la touchons — de fait, si le projet de loi C-11 est adopté sous sa forme actuelle, nous nous verrions contraints de subventionner les radiodiffuseurs en cédant involontairement et gratuitement notre droit de reproduction. Bien que l'ACEM préférerait que le comité ne supprime pas le paragraphe 30.9(6), nous savons que le gouvernement aimerait conférer une exemption de paiement de 30 jours pour l'usage de ce droit. Nous avons examiné les mémoires des sociétés de diffusion et la proposition du gouvernement, et estimons qu'une exemption de 30 jours semble correspondre à ce qu'elles demandent dans le mémoire qu'elles ont déposé.
    Nous pouvons accepter ce compromis si nous pouvons assurer l'intégrité de la limite de 30 jours. Si un radiodiffuseur conserve une chanson dans une bibliothèque permanente, c'est qu'elle a de la valeur pour lui, et il doit donc verser un montant en contrepartie.
    Afin de réaliser l'intention déclarée du gouvernement de limiter l'exemption à 30 jours, nous avons proposé un amendement de forme qui empêcherait les sociétés de diffusion de faire des reproductions qui, en théorie, sont conservées seulement 30 jours, mais qui, en fait, constituent une collection permanente d'oeuvres musicales. En d'autres mots, nous empêcherions les sociétés de diffusion de contourner cette règle en utilisant les fonctions « effacer » et « restituer ».
    Si l'intention du gouvernement est de supprimer le DRM au moyen de cette exemption de 30 jours, le projet de loi C-11 qu'il propose violerait la Convention de Berne, selon laquelle un gouvernement ne peut pas révoquer un droit pour lequel des sommes sont versées. Le mémoire que nous avons déposé contient d'autres propositions de modification concernant les reproductions temporaires à des fins technologiques.
     Le deuxième amendement de forme que nous proposons concerne le rôle des FSI en matière de réduction du piratage en ligne. Le gouvernement a déclaré que l'un des objectifs du projet de loi est de réduire le piratage en ligne. C'est un objectif louable. Toutefois, il est nécessaire d'améliorer les dispositions concernant la responsabilité des FSI dans le cadre du projet de loi C-11 pour que cet objectif puisse être atteint.
    Les FSI jouent un rôle actif et influencent le trafic Internet qui passe par leur système. En fait, les FSI connaissent et surveillent régulièrement le volume de leur trafic et les transmissions qui sont utilisées pour le transfert illicite des fichiers. Le problème auquel font face les détenteurs de droits tient à ce que bon nombre de ces sites se trouvent à l'extérieur du Canada, et ne peuvent donc pas être fermés à la source. Pirate Bay est un exemple de ce type de sites. Il y a deux semaines, la Haute Cour du Royaume-Uni a statué que Pirate Bay est un site illicite, et des injonctions obligeant les FSI à en bloquer l'accès suivront prochainement.

  (0905)  

    Le type d'amendements que nous proposons est similaire à celui actuellement utilisé contre Pirate Bay au Royaume-Uni. Ce type de dispositions s'est avéré efficace dans d'autres pays.
    L'ACEM a proposé une fois de plus un amendement qui créerait l'obligation positive pour les fournisseurs de services d'empêcher des sites étrangers d'utiliser leurs services en vue de violer les droits d'auteur. Si cette formulation n'est pas jugée admissible par le comité, nous avons proposé une version plus restreinte de l'amendement, qui permettrait de recourir à une injonction uniquement dans le but d'obliger les fournisseurs de services à bloquer l'accès à tout service qui est principalement destiné à l'accomplissement d'actes qui constituent une violation du droit d'auteur, ou habituellement utilisé à cette fin.
    Il y a eu beaucoup de discussions dernièrement, tant aux États-Unis qu'au Canada, sur les projets de loi américains SOPA et PIPA. Si j'étais vous, je me demanderais comment nos propositions se comparent aux propositions américaines controversées. J'ai une réponse. Je soumets un addenda à notre mémoire qui traite de cette question. En résumé, l'examen juridique que nous avons mené nous assure que les amendements que nous proposons sont beaucoup plus restreints que ceux énoncés par le SOPA ou le PIPA, et plus conformes à l'application régulière de la loi canadienne que ne le sont les propositions américaines.
    Le troisième amendement de forme que nous proposons concerne la responsabilité subsidiaire en matière de violation du droit d'auteur. Le projet de loi C-11 propose d'éliminer la responsabilité de la plupart des intermédiaires Internet et de la remplacer par des propositions compensatoires qui cibleraient ceux que l'on appelle les facilitateurs en ligne. Malheureusement, ces dispositions sont rédigées de manière étroite et ambiguë. Par exemple, l'interdiction est limitée aux services qui sont principalement destinés à violer le droit d'auteur, ce qui crée une faille dans la législation en ce qui concerne les services qui ont peut-être été conçus à des fins inoffensives, mais qui servent maintenant principalement à violer le droit d'auteur ou sont habituellement utilisés à cette fin.
    En outre, on n'indique pas clairement si le fait d'offrir un logiciel qui facilite des actes de violation du droit d'auteur équivaut au fait de fournir un service. Bon nombre des critères proposés pour établir une distinction entre les fournisseurs de services légitimes et les fournisseurs de services illégitimes sont très peu clairs, et devront peut-être faire l'objet de nombreux litiges avant d'être clairement compris dans toute leur ampleur. Une fois de plus, nous proposons un amendement afin de rectifier cette situation. Nous souhaiterions remplacer « principalement destinés » par « principalement conçus ou habituellement utilisés pour ».
    Le quatrième et dernier amendement de forme que nous proposons concerne les dommages-intérêts préétablis. Afin de réaliser le concept de sanctions proportionnelles aux dommages subis dans le cadre du projet de loi C-11, le gouvernement a créé des obstacles considérables à l'application du droit d'auteur. Dans le paragraphe 38.1(1) proposé, le gouvernement a créé deux tranches différentes de dommages-intérêts préétablis. Par exemple, les dommages-intérêts à des fins commerciales vont de 500 à 20 000 $.
    La simple réalité, c'est que les détenteurs de droits d'auteur seraient privés de toute solution efficace à la violation à des fins non commerciales, car les coûts du recours en dommages-intérêts dépasseraient à tel point le recouvrement maximum qu'aucun détenteur de droits ne pourrait se permettre de faire appliquer ses droits. En outre, la signification de « fins non commerciales » n'est pas claire, car trois formulations différentes sont utilisées pour décrire des actes qui sont jugés dignes de sanctions réduites ou d'une exemption absolue de responsabilités. Les termes « usage privé », « fins privées » et « fins non commerciales » sont dans bien des cas similaires et se recoupent, ce qui ne peut que mener à la confusion et, par conséquent, à des procès coûteux et superflus.
    En conclusion, je soulignerai que, comme nous l'avions promis, notre mémoire met l'accent sur les amendements de forme qui, selon nous, renforceront le projet de loi dans les limites des choix politiques du gouvernement. Mes membres ont toutefois le sentiment profond que je devrais déclarer officiellement que nos opinions quant au contenu généré par l'utilisateur, à l'utilisation équitable et à la copie privée diffèrent considérablement de celles du gouvernement. Ils reconnaissent toutefois qu'il s'agit de différences d'ordre politique et, par conséquent, que ces opinions n'intéressent guère le comité.
    Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions.
    Merci.

  (0910)  

    Merci, madame Saxberg.
    Nous allons maintenant entendre l'Agence pour licence de reproduction de vidéo-audio inc.
    Merci de me donner l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Victoria Shepherd. Je suis ici pour représenter l'Agence pour licence de reproduction de vidéo-audio, organisation comptant plus de 1 000 membres, y compris des maisons de disque importantes et d'autres indépendantes, de même qu'une multitude d'artistes indépendants. Nos membres sont à l'origine de la majeure partie de la musique que font jouer les stations de radio du Canada.
    J'aimerais mentionner que nous soutenons ardemment l'initiative visant à moderniser les dispositions législatives canadiennes en matière de droits d'auteur.
    Les créateurs et les détenteurs de droits d'auteur doivent disposer d'un cadre législatif clair qui protège leur travail au sein de l'actuel marché numérique. Nous saluons l'effort déployé par le gouvernement en vue d'instituer de nouvelles règles qui permettront à nos membres de vendre leurs créations et de délivrer des licences qui s'y rapportent.
    Je me présente devant vous aujourd'hui afin d'attirer votre attention sur deux questions relatives au projet de loi C-11: premièrement, une faille que pourraient contenir les modifications proposées de l'exception concernant les enregistrements éphémères et, deuxièmement, l'important changement de politique réclamé récemment par les radiodiffuseurs en ce qui a trait au droit de reproduction éphémère.
    Si on allait de l'avant sur ces deux questions, le résultat que l'on obtiendrait serait contraire à l'intention déclarée du gouvernement d'instaurer une exemption temporaire de 30 jours, et l'on risquerait, dans les faits, d'abolir le droit d'auteur.
    Je vais vous fournir quelques renseignements contextuels, si vous le permettez. Pendant des décennies, les stations de radio ont fait jouer des disques en vinyle, puis des disques compacts. Aujourd'hui, on utilise la technologie numérique, et la musique est copiée directement dans des disques durs. Grâce à l'automatisation et aux économies opérationnelles rendues possibles par le droit de reproduire des enregistrements sonores, les stations de radio ont fait des économies de coût substantielles, et ont accru leurs profits.
    Le fait est que ces droits ont une valeur économique. C'est la raison pour laquelle les radiodiffuseurs sont tenus, sous le régime de la Loi sur le droit d'auteur, de verser une indemnité aux titulaires de droit; la Commission du droit d'auteur a rendu, en 2003 et en 2010, des décisions fondées sur ces dispositions de la loi. La Commission est un organisme impartial et indépendant créé par le Parlement. Au moment de rendre ces décisions, elle a examiné exhaustivement un témoignage d'experts et les arguments présentés par tous les intervenants. Elle a fixé le montant équitable et approprié de l'indemnisation à verser aux titulaires de droits en compensation des économies réalisées par les radiodiffuseurs grâce à l'utilisation du droit de reproduction.
    Durant ces audiences, personne n'a contesté le fait que les reproductions réalisées par les radiodiffuseurs ont une valeur.
    Voici un extrait de la décision rendue en 2003 par la Commission du droit d'auteur:
La reproduction de la musique sur disque dur, qui optimise l'utilisation de ces nouvelles techniques [de radiodiffusion], fait en sorte que les titulaires ont droit à une juste part des efficiences qui découlent de cette reproduction.
    Dans le cadre de la décision de 2010, il a été conclu que le droit de reproduction permet aux stations de radio d'augmenter leur efficience et leur rentabilité.
    Au cours de la dernière décennie, les radios commerciales canadiennes ont connu une croissance constante et accru considérablement leurs profits, ce qui met en évidence l'importance grandissante que revêt le droit de reproduction pour les radiodiffuseurs. Nous devons garder présent à l'esprit le fait que nous parlons ici du principal intrant d'entreprises des radios commerciales, à savoir la musique.
    Plus que toute autre chose, la musique est la raison d'être des stations de radio. La musique représente plus de 80 p. 100 de la programmation des radios commerciales. La Commission du droit d'auteur a confirmé que les droits de reproduction étaient distincts des autres droits associés à l'utilisation que les radiodiffuseurs font de la musique, notamment le droit de diffuser la musique sur leurs ondes.
    Il s'agit de droits distincts, qui appartiennent de façon distincte aux compositeurs, aux interprètes et aux maisons de disque, et qui s'appliquent à des activités distinctes. On n'a demandé à personne de payer deux fois, contrairement à ce que les radiodiffuseurs affirment. Le fondement des dispositions législatives sur le droit d'auteur tient à ce que la personne qui utilise un droit doit verser une indemnisation au titulaire du droit.
    La semaine dernière, le comité a entendu un témoignage concernant la prétendue spécialisation des droits. La Commission du droit d'auteur a entendu un argument semblable, et l'a rejeté.
    Dans le cadre de sa décision de 2010, la Commission du droit d'auteur a examiné tous les tarifs des radiodiffuseurs commerciaux dans le cadre d'une seule et même audience, et ce, à la demande des radiodiffuseurs. La Commission a fixé les tarifs que les radiodiffuseurs doivent payer pour les diverses utilisations qu'ils font de la musique, et établit les droits liés à ces utilisations. Elle a conclu qu'il était juste et équitable d'exiger des radiodiffuseurs qu'ils versent une indemnisation — équivalente à 5,7 p. 100 de leurs revenus — liée à toutes les utilisations qu'ils ont faites de la musique, et qu'ils avaient amplement les moyens de le faire. La Commission a établi, outre ce montant total, les taux applicables à chaque tarif.
    Dans le cadre du projet de loi C-11, le gouvernement propose l'instauration d'une exemption de 30 jours à l'exception relative aux enregistrements éphémères. En un mot, le projet de loi C-11 énonce que les radiodiffuseurs ne devraient pas avoir à payer pour les copies temporaires d'oeuvres musicales. L'exemption proposée de 30 jours est une mauvaise nouvelle pour nos membres, mais nous respectons le droit du gouvernement de mettre en place des politiques.
    L'an dernier, durant les réunions du comité touchant le projet de loi C-32, les radiodiffuseurs ont indiqué qu'ils étaient favorables à l'exemption de 30 jours. Le représentant de la Business Coalition for Balanced Copyright a présenté un témoignage au nom de l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Il a notamment déclaré ce qui suit:
En ce qui concerne la question de l'exception pour les enregistrements éphémères, et la possibilité pour les stations de radio de faire des copies, selon les dispositions actuelles, la durée de vie de ces copies est fixée à 30 jours. Si les stations de radio souhaitent réaliser des copies persistantes d'oeuvres musicales pour s'en servir dans le cadre de leurs activités, elles peuvent en ce moment recourir pour cela à l'exception [...] il n'est question ici que de copies à court terme.
    Ce qui nous préoccupe le plus aujourd'hui, c'est qu'il semble que l'exemption de 30 jours ne soit que la pointe de l'iceberg. La semaine dernière, le comité a entendu le témoignage d'une personne qui a mentionné l'éventualité d'une faille dans les dispositions législatives. Les radiodiffuseurs semblent croire que, dans sa version actuelle, le projet de loi C-11 autorise les stations de radio à contourner l'exemption de 30 jours en reproduisant leur bibliothèque musicale d'un serveur à l'autre aux 30 jours. Ainsi, des copies temporaires acquièrent un caractère permanent.

  (0915)  

    L'intention initiale de la modification est résumée sur le site Web d'Industrie Canada. Voici un extrait:
Les nouvelles technologies obligent les diffuseurs à faire des copies temporaires de la musique mise en ondes [...] compte tenu de la nature éphémère et particulière de ces enregistrements, le projet de loi retirerait l'obligation de verser les droits pour les copies conservées moins de 30 jours.
    À présent, certains radiodiffuseurs vont encore plus loin — ils veulent infléchir l'intention initiale de manière à ce que les dispositions législatives n'exigent plus qu'ils paient pour quelque reproduction que ce soit. Le gouvernement a déclaré expressément que, à ce stade-ci, seules des modifications de nature technique seront apportées. Le changement de politique de grande envergure réclamé par les radiodiffuseurs marque une rupture totale avec l'intention affichée du gouvernement.
    Le terme « temporaire » est le contraire du terme « permanent ». Si l'on donne suite à la requête formulée récemment par les radiodiffuseurs, à savoir un changement de politique, et si l'on ne corrige pas la faille que pourrait contenir la version actuelle du projet de loi, le résultat pourrait être le même: rendre permanent ce qui est temporaire.
    Tous les intervenants devraient être préoccupés par le fait que, sous sa forme actuelle, le projet de loi créera de l'incertitude sur le plan juridique. Pour éviter cela, et pour soutenir l'intention stratégique affichée du gouvernement — à savoir l'instauration d'une exemption temporaire —, il faut remédier à la faille que pourrait contenir le projet de loi. À cette fin, nous proposons un amendement de forme simple qui permettra d'harmoniser les dispositions législatives avec l'intention du gouvernement. Nous soumettrons notre proposition à la greffière. Nous ne pouvons pas commettre d'erreur. Vous devez veiller à ce que la limite de 30 jours soit respectée, et à ce qu'une reproduction temporaire ne puisse pas devenir une reproduction permanente.
    À notre avis, le gouvernement du Canada a bien énoncé ses priorités à la toute première ligne du projet de loi C-11, et je cite:
la Loi sur le droit d'auteur est une loi-cadre importante du marché et un instrument indispensable de la politique culturelle qui, au moyen de règles claires, prévisibles et équitables, favorise la créativité et l'innovation [...]
    Nous sommes conscients du fait qu'il s'agit d'une question complexe. Nous soutenons les efforts déployés par le gouvernement afin de moderniser le cadre de réglementation. Nous saluons l'objectif du gouvernement de mettre en place des « règles claires, prévisibles et équitables ». Nous croyons que la modification que nous proposons renforce la capacité des dispositions législatives de réaliser les objectifs énoncés du projet de loi C-11.
    Merci.
    Merci, madame Shepherd.

  (0920)  

[Français]

    Nous passons maintenant à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec.
    Chers membres du comité, la SPACQ vous remercie de cette invitation à participer aux travaux visant la modernisation de la Loi sur le droit d'auteur.
    Mon nom est Mario Chenart. Je suis auteur-compositeur-interprète et président du conseil de la SPACQ, l'association professionnelle qui représente les intérêts des auteurs et compositeurs québécois et francophones canadiens depuis plus de 30 ans. Je suis accompagné par M. Jean-Christian Céré, avocat et directeur général de la SPACQ.
    J'exerce le métier d'auteur-compositeur depuis 1983, métier qui m'a permis de sillonner le Canada d'un océan à l'autre. Actif aux quatre coins de la francophonie, j'ai écrit pour la télévision, le théâtre et signé la direction de nombreux galas au pays.
    La SPACQ a été fondée en 1981 par des créateurs soucieux de pratiquer leur métier dans la dignité et la prospérité, et motivés par la recherche de solutions aux défis posés par la gestion du droit de reproduction, la modernisation du droit d'auteur et le statut de l'artiste.
    En matière de politiques culturelles ou de nouvelles technologies, la SPACQ veille à ce que les créateurs soient dignement considérés dans la grande chaîne du patrimoine vivant. Convaincue de l'importance de concerter le milieu autour de ces enjeux, la SPACQ prend une part active au sein de coalitions telles que la CAMI, la Conférence canadienne des arts et la Coalition pour la diversité culturelle. Nos recommandations relatives à la modernisation de la loi sont en phase avec les positions de tous ces regroupements. Vous trouverez la liste de ceux-ci en annexe de notre mémoire.
    Nous partageons l'objectif que vous vous êtes fixé, soit la modernisation de la Loi sur le droit d'auteur. Si notre plaidoyer est avant tout un cri du coeur, il n'en est pas moins le fruit d'une réflexion mûrie.
    Le droit d'auteur constitue une source de revenus autonomes pour les créateurs. À l'instar des valeurs que promeut le gouvernement, il s'agit d'un droit fondé sur le respect de la propriété privée et sur le simple principe de l'utilisateur-payeur, qu'il soit consommateur, entreprise ou institution.
    De plus, si le gouvernement souhaite stimuler la création de richesse, pourquoi voudrait-il amenuiser des sources de revenus autonomes pour un secteur par ailleurs confronté à une difficile conjoncture? Il suffit d'un peu d'air pour garder une flamme allumée. Les redevances sont l'oxygène dont notre milieu a besoin. Ne commettons pas l'erreur de tenir nos créateurs pour acquis. La conjoncture étant ce qu'elle est, leurs préoccupations sont aigües. Je suis moi-même auteur-compositeur depuis près de 30 ans. Depuis mes débuts, la réalité s'est considérablement transformée. La dématérialisation des oeuvres et la prolifération des échanges sur Internet ébranlent durement l'industrie de la musique et de l'audiovisuel. Au coeur de ce bouleversement, les auteurs et compositeurs doivent cumuler une multitude de microredevances pour se faire une vie.
    Dans ce contexte,

[Traduction]

chaque sou compte.

[Français]

    Ainsi, les revenus afférents à la copie privée, aux reproductions éphémères, à l'éducation, ceux liés à l'utilisation de notre musique par l'intermédiaire d'Internet, ceux qu'il faudrait monétiser — comme dans le cas des échanges de poste à poste — sont ignorés par la loi. Tout cela est notre pain quotidien.
    Dans les faits, la population n'a jamais autant consommé de musique. On la consomme dans le nuage, sur son iPod, son téléphone, à la radio, à la télévision. Elle est partout. Les consommateurs sont prêts à payer pour se la procurer de la façon qui leur plaît.
    Pourquoi ne pas soutenir et consolider la gestion collective dans ce nouvel écosystème? Pourquoi laisser à l'abandon le régime de copie privée, qui permet aux gens de reproduire leur musique tout en assurant une rémunération aux créateurs?
    Depuis 1997, le régime a permis de générer des revenus de 30 millions de dollars pour les ayants droit. Dans un contexte d'érosion du modèle d'affaires, c'est une compensation qui fait une différence considérable. Si les façons de consommer notre musique et d'y accéder changent, le principe demeure et le défi de les appliquer dans le monde numérique nous revient.
    Nous comprenons donc l'initiative du gouvernement de vouloir accommoder les consommateurs et leur offrir la possibilité de reproduire, à des fins non commerciales, des oeuvres protégées, ce que l'on appelle « l'exception YouTube ». Ainsi que formulé, le projet de loi C-11 ferait du Canada le premier pays au monde où des entreprises comme YouTube auraient le droit de se servir d'oeuvres protégées pour en tirer des revenus sans obligation de rémunérer les créateurs.
    Nous croyons aussi que cette exception porterait atteinte à leurs droits moraux. Par conséquent, nous vous demandons de limiter la portée de l'exception et de laisser à la gestion collective le soin d'émettre les licences pour ce genre d'utilisation.
    Le gouvernement canadien doit également faire preuve de leadership et de courage politique en contribuant à stopper l'énorme perte de revenus causée par les échanges illégaux par Internet. Comme les Français l'ont fait en adoptant la loi Hadopi, le Canada doit envoyer un message fort à l'effet que les contenus ne peuvent être échangés illégalement en toute impunité. Les chiffres de l'industrie musicale française indiquent actuellement un retournement à la hausse. L'action gouvernementale porte fruit. La solution française a le mérite d'avoir affirmé haut et fort que le droit d'auteur est une assise de la culture et qu'il doit être valorisé et protégé.
    Quant au régime d'avis et avis, proposé par le projet de loi C-11, il n'a rien pour dissuader les récidivistes qui ne cesseront leurs activités illégales, sachant qu'ils n'encourent aucune sanction de la part des FAI. Qui plus est, le régime fait reposer sur les seules épaules des ayants droit la responsabilité de dénoncer et de poursuivre les contrevenants. Les ayants droit n'ont ni la capacité ni les ressources pour policer le Web. Or les FAI, qui sont les principaux bénéficiaires de ce détournement de valeurs, disposent de moyens très importants pour contrer le piratage, éduquer les consommateurs et compenser l'industrie musicale. L'équilibre entre les droits des créateurs et le besoin des utilisateurs que recherche le gouvernement est donc loin d'être atteint. Notre mémoire propose des façons de mesurer et d'améliorer l'efficacité du régime proposé.

  (0925)  

    Le projet de loi introduit aussi des exceptions visant l'éducation. À cet égard, je ne peux retenir la question suivante: quelle faveur ferions-nous aux maisons d'enseignement en dévaluant la propriété intellectuelle? Est-ce qu'on demande au plombier ou à l'informaticien de travailler gratuitement quand il le fait pour une école? Pourquoi le demande-t-on au créateur?
    Les traités internationaux auxquels adhère le Canada stipulent que si des exceptions au droit d'auteur sont consenties, il doit s'agir de « cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne causent préjudice aux intérêts des ayants droits ». Pour se conformer à cette condition, on assortit généralement de telles exceptions d'une rémunération équitable. C'est partout le cas, mais ce ne le serait pas au Canada. Alors pourquoi des exceptions quand des ententes existent déjà entre les sociétés de gestion et les maisons d'enseignement? Ces ententes sont négociées de bonne foi et elles fonctionnent, comme l'a récemment rappelé la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec. La SPACQ souscrit donc aux amendements proposés par la SODRAC. Ceux-ci restreignent clairement son application, conformément au traitement des exceptions dans les traités internationaux.
    Aujourd'hui, nous témoignons à titre de Canadiens, mais aussi à titre de citoyens du monde. En effet, les sociétés qui gèrent collectivement nos droits agissent de façon réciproque avec des sociétés soeurs à l'échelle du monde. Les traités internationaux sont les instruments qui assurent à nos partenaires étrangers que leurs répertoires soient aussi bien représentés chez nous que les nôtres le sont chez eux.
    S'il est vrai que les oeuvres d'art sont l'âme d'une nation, nos Leonard Cohen, Joni Mitchell, Gilles Vigneault et Arcade Fire essaiment partout dans le monde des oeuvres qui rayonnent et font voyager l'âme canadienne. Elles se sont tout récemment retrouvées aux Grammy Awards, aux Oscars, à Cannes, et aux Césars car nos compositeurs signent aussi des musiques de film. Ces nominations soulignent l'excellence de nos artisans, de notre savoir-faire. En atteignant l'universel, ces oeuvres ont trouvé un écho aux quatre coins du monde. Une oeuvre qui voyage, ce n'est pas qu'un camion qui fait rouler l'économie en brûlant notre pétrole avec sa cargaison de plastique, c'est l'âme d'un peuple, ses pensées et ses visions qui voyagent et vont à la rencontre du monde. Et elles voyagent aussi à travers le temps.
    Nous ne manquons pas de moyens, ici, pour assurer à nos créateurs le souffle vital qui garde cette flamme allumée, en santé, rayonnante. Mais en avons-nous la volonté? Que nous en coûte-t-il? Un peu de courage, de vision? C'est en tout cas l'espoir que placent en vous les créateurs. Le showbizz et sa chaîne d'intervenants, de la création à la production, les studios, la fabrication, la diffusion, le transport, la vente en magasin ou sur le Web, la radio, la télé, emploient beaucoup de monde. C'est un immense appareil destiné à faire voyager l'âme canadienne en rendant les oeuvres accessibles au plus grand nombre. À moins qu'on n'y voie qu'un prétexte pour imprimer du plastique, faire rouler des camions, remplir des entrepôts ou vendre des abonnements à la haute vitesse. Est-ce là l'essence de tout ce branle-bas?
    Nous sommes à la croisée des chemins, et les décisions que nous prenons actuellement détermineront le sort des créateurs pour de nombreuses années, très nombreuses si l'on se fie à la fréquence des révisions de la loi. Nous comptons sur vous, chers membres du comité, pour apporter à ce projet de loi ce qu'il faut, pour en faire un instrument respectueux des créateurs, utile aux citoyens et exemplaire à l'égard des traités internationaux. L'introduction, à même le texte de la loi, du test en trois étapes de la Convention de Berne, serait une façon simple d'y parvenir.
    Merci, messieurs Chenart et Céré.

[Traduction]

    Nous allons passer au premier tour de questions. Il s'agit d'un tour de cinq minutes. M. Armstrong ouvrira le bal.

  (0930)  

    Merci aux témoins de leur exposé. Nous n'avons pas beaucoup de temps, et je tenterai donc d'être bref. Je m'adresserai d'abord à Mme Shepherd.
    Vous avez mentionné que les stations de radio n'auront pas à payer deux fois ou à vous facturer des montants plus élevés. Des représentants de stations de radio ont expliqué cela au comité. Toutefois, les artistes reçoivent des montants des stations de radio par d'autres voies. Pouvez-vous nous parler des moyens qu'utilisent les stations de radio pour indemniser les artistes?
    Ce dont je peux vous parler, c'est de nos droits relatifs aux enregistrements éphémères et du tarif pour l'exécution. J'imagine que c'est à cela que vous faites allusion.
    Exact.
    Les artistes profitent de ce que nous appelons un droit connexe, lié à la diffusion de leurs oeuvres — et donc de leur exécution — sur les ondes des stations de radio. Il s'agit d'un moyen — lié à l'exécution de la musique.
    La Commission du droit d'auteur a conclu qu'une deuxième activité comportait une valeur qui lui est propre, à savoir la reproduction de la musique en vue de sa diffusion sur les ondes.
    L'Agence pour licence de reproduction de vidéo-audio compte plus de 1 000 membres, et bon nombre d'entre eux sont des artistes qui assument eux-mêmes les coûts liés à la réalisation de leurs oeuvres. Ces artistes sont propriétaires de leurs propres bandes maîtresses. Des artistes comme Randy Bachman, Hawksley Workman ou Metric sont également indemnisés grâce au droit de reproduction.
    Exact.
    La semaine dernière, on nous a dit que, au cours des 10 dernières années, les redevances liées à l'exécution publique avaient augmenté de 63 p. 100. Est-ce exact?
    Monsieur Chauhan, vous voulez répondre à cette question?
    Les taux ont effectivement augmenté au cours de la dernière décennie. Cela a fait l'objet de discussions devant le comité dans le passé, mais je peux vous fournir quelques renseignements contextuels quant aux raisons qui expliquent cela.
    Les raisons qui expliquent l'augmentation remontent au milieu de la dernière décennie, à l'époque où la Commission du droit d'auteur a conclu que les droits versés par les radiodiffuseurs reflétaient une situation où, selon ses propres termes, la musique avait été « historiquement sous-évaluée ». Les taux ont donc été rajustés à ce moment-là.
    Comme des témoins l'ont indiqué précédemment au comité, de toute évidence, avant 2003, les redevances liées à la reproduction n'étaient pas du tout versées. Au cours de la dernière décennie, on a constaté le recours à un droit de reproduction distinct — ce qui n'a pas échappé à la Commission du droit d'auteur — et comportant sa valeur propre. Nous avons également assisté à une « correction des cours », si je puis dire, qui a eu pour effet de rectifier la sous-évaluation dont fait l'objet depuis toujours le droit d'exécution.
    Exact.
    En outre, on nous a dit que les droits de reproduction éphémère avaient augmenté de 483 p. 100. Par contre, les profits des radiodiffuseurs n'ont augmenté que de 41 p. 100.
    Quand cela s'arrêtera-t-il? De toute évidence, ces fluctuations au chapitre des profits et des pertes — si on les compare à celles que subissent les stations de radio — ne pourront pas se poursuivre éternellement.
    Ai-je bien compris, ou suis-je à côté de la plaque?
    Je ne suis pas certain de savoir d'où proviennent ces chiffres que vous mentionnez, notamment cette augmentation de 483 p. 100. La Commission du droit d'auteur fixe un tarif, et ce tarif est applicable pendant une période déterminée. Par exemple, en 2010, les redevances liées à la reproduction ont été examinées, et c'est la première fois qu'elles l'étaient en sept ans, c'est-à-dire depuis 2003.
    En ce qui concerne les taux, ils sont fixés par la Commission du droit d'auteur. Il est possible de prévoir le taux qui sera en vigueur pendant une période déterminée, et d'être certain que ce taux ne fluctuera pas. La Commission du droit d'auteur effectue une analyse du secteur particulier qui sera assujetti à tel ou tel tarif, puis établit l'échelle de tarification qui convient à ce secteur particulier.
    Pour ce qui est du droit de reproduction mécanique, la Commission du droit d'auteur a établi, après avoir entendu toutes les parties, que le versement d'un pourcentage des revenus publicitaires constituait la façon la plus appropriée de calculer le montant des redevances à verser. Dans certains cas, le taux varie en fonction de divers paramètres, et dans d'autres, il s'agit d'un taux forfaitaire. Ainsi, il a été établi qu'il s'agirait d'un pourcentage des recettes.
    On se retrouve ainsi dans une situation où l'industrie utilise la propriété intellectuelle de façon plus fructueuse, et les créateurs sont également mieux rémunérés. Les chiffres devraient aller de pair.
    Je ne suis pas certain de la manière dont le calcul a été effectué, mais je suis sûr que le comité peut faire des recherches et mettre le doigt sur les renseignements qui lui permettront de déterminer d'où provient ce chiffre qui a été mentionné.
    Exact. Les radiodiffuseurs, plus particulièrement les représentants des petites stations de radio, ont fait valoir que, si nous apportions quelques modifications en votre faveur, cela mettrait leur survie en péril. Là encore, nous devons nous assurer que le projet de loi est équilibré.
    J'aimerais à présent que nous parlions de questions d'intérêt international. Le projet de loi mettra le Canada au diapason des traités Internet de l'OMPI. Pouvez-vous nous dire quelle incidence auront ces traités de l'OMPI sur les musiciens canadiens?
    Eh bien, j'aimerais répondre à cette question en ce qui concerne précisément...
    Je suis ici pour discuter de la faille que risque de créer dans la loi l'exemption relative aux 30 jours. Je ne possède pas les compétences requises pour discuter du traité de l'OMPI et de la manière dont il influera sur l'adoption du projet de loi. Cependant, en ce qui concerne l'exception relative aux enregistrements éphémères, je peux vous dire que le gouvernement a affirmé très clairement qu'il s'agirait d'une exception temporaire de 30 jours. Nous demandons aujourd'hui que l'on trouve une façon de faire en sorte que l'exception temporaire ne devienne pas une exception permanente.

  (0935)  

    Merci, madame Shepherd, monsieur Chauhan et monsieur Armstrong.
    Nous allons maintenant passer à M. Angus, pour cinq minutes.
    Merci de vos excellents exposés.
    Il a été vraiment intéressant d'observer la manière dont les audiences se sont déroulées, car cela nous a véritablement permis de déceler le plan de match du Parti conservateur, qui consiste à créer une faille de manière à dépouiller les artistes de leurs droits.
    Nous venons tout juste d'entendre mon collègue se plaindre du fait que la valeur des redevances liées au droit de reproduction mécanique avait augmenté, mais il n'a pas du tout mentionné le contexte historique expliquant cette augmentation. En 1996, les stations de radio connaissaient de graves difficultés — leur taux de profit était de 1 p. 100. Elles cherchaient de l'aide. Elles réclamaient des subventions. Le gouvernement a décidé de leur verser des subventions, et ce, sur le dos des artistes. Toutefois, à cette époque, l'industrie se portait bien.
    Et puis, au cours des 15 années suivantes, la technologie numérique a été providentielle pour les stations de radio. Elles ont pu se débarrasser de tous leurs employés qui étaient affectés au rangement des disques, de toutes les personnes qui étaient propriétaires des disques compacts. Ainsi, à présent, elles font des profits faramineux, qui augmentent d'une année à l'autre.
    L'instance qui rend des décisions dans ce secteur est la Commission du droit d'auteur. C'est elle qui fixe la valeur. Ce que nous voyons, c'est un gouvernement interventionniste à l'oeuvre — il a décidé qu'il allait s'engouffrer dans la brèche. Il va jeter le blâme sur les artistes, qui... Vous savez, l'industrie perd du sang depuis des années. On s'apprête à mettre fin à des versements à propos desquels une décision a déjà été rendue. Toutefois, on ne peut pas le faire de manière légale.
    Madame Saxberg, vous avez fait allusion à la Convention de Berne. Vous avez dit que l'on ne pouvait pas, à l'échelle internationale, révoquer un droit donnant lieu au versement de sommes d'argent. Cela n'est-il pas assimilable à la révocation d'un droit que possède un homme ou une femme d'affaires?
    Il est juste de dire que l'on ne peut pas, aux termes de la Convention de Berne, révoquer un droit donnant lieu au versement de sommes. C'est l'une des choses qui nous préoccupent — l'absence de clarté en ce qui concerne le droit de reproduction mécanique. En réalité, on s'apprête à procéder à une révocation de fait de ce droit. Cela nous préoccupe sur le plan financier, et nous sommes également préoccupés par notre capacité de respecter les obligations qui nous incombent aux termes des traités de l'OMPI.
    À mon avis, ce qui est en train de se passer est très clair. Nous nous sommes posé des questions à propos de l'exemption de 30 jours; nous nous sommes demandé si le gouvernement cherchait à créer une brèche assez grande pour qu'on puisse y faire passer un véhicule. À présent, on constate qu'il cherche à y faire passer un parc de camions. Les représentants des stations de radio ont déclaré les uns après les autres qu'il n'était pas question pour eux de payer ce droit, et qu'ils allaient tout simplement faire des copies aux 29 jours.
    Ensuite, ils se sont mis à se plaindre du fait que la faille créée par le gouvernement entraînait de nombreux tracas. Ils ont affirmé qu'ils n'avaient pas à payer les droits, et qu'ils allaient simplement faire des copies aux 29 jours et se soustraire à leur obligation de payer. Cette obligation a été instaurée par suite d'une décision de la Commission du droit d'auteur, mais les radiodiffuseurs sont allés pleurnicher sur l'épaule des membres du Parti conservateur, et leur ont demandé de leur faire une faveur et de supprimer purement et simplement ce droit.
    Est-ce que cela vous a choqués d'entendre les représentants des stations de radio — de grandes entreprises — affirmer qu'ils n'allaient pas payer ce droit de reproduction mécanique, et qu'ils allaient tout simplement appuyer sur la touche « réinitialisation » aux 29 jours de manière à ne pas avoir à le payer? Vous avez dit que les radiodiffuseurs pourraient se jouer du système — il semble s'agir d'une tentative délibérée de voler les gens.
    Ça en a tout l'air. Lorsque nous avons commencé à examiner le projet de loi C-11 et son prédécesseur, le projet de loi C-32, nous pouvions voir qu'il risquait de comporter une faille, et nous avons soulevé des préoccupations à ce sujet. À la lumière des mémoires qu'ils ont déposés, on dirait que les radiodiffuseurs affirment — du moins par écrit — qu'ils souhaitaient l'instauration d'une exemption de 30 jours. Nous n'avons cessé de répéter que, malgré ce qu'ils affirmaient par écrit, leur véritable intention était, selon nous, de créer une faille qui leur permettrait de se soustraire à la loi.
    Il y a deux ou trois semaines, j'ai assisté à une assemblée publique tenue, en fait, par un député conservateur. J'ai été surprise d'entendre un radiodiffuseur d'Edmonton déclarer qu'il n'appréciait pas cette prétendue « taxe » sur le transfert des disques compacts, et qu'il était ravi de constater qu'on allait la supprimer. Toutes ces copies allaient constituer pour lui une éprouvante corvée. C'était la première fois que j'entendais un radiodiffuseur déclarer en bonne et due forme que son intention était de tout supprimer et recopier aux 30 jours.
    À la lumière du témoignage entendu la semaine dernière selon lequel cela allait effectivement constituer un problème, il semble que l'on se retrouve en terrain inconnu. Les radiodiffuseurs ont véritablement modifié leur plan de match, et demandent à présent quelque chose qui est contraire à ce qu'ils demandaient au moment du dépôt du projet de loi C-32, et contraire à l'intention du gouvernement.
    Nous entendons les conservateurs qualifier de « taxe » le droit au paiement, c'est-à-dire le droit d'auteur. À les entendre, on croirait que les pauvres entreprises sont contraintes de payer deux fois. Ce dont il s'agit, c'est de 20 millions de dollars en redevances aux artistes. Ils affirment que, dans les faits, les sommes versées aux éditeurs s'en vont à l'étranger. Cela s'inscrit dans une obligation de nature internationale, dans un accord international. C'est de cette façon que l'industrie fonctionne.
    Croyez-vous qu'il est possible d'affirmer que les conservateurs ne comprennent pas ce dont il s'agit? Croyez-vous que le fait de qualifier un droit d'auteur de taxe revient à induire les gens en erreur quant à la nature du droit d'auteur?

  (0940)  

    Le fait de qualifier les redevances de taxes constitue assurément une affirmation mensongère, car les taxes sont versées au gouvernement, et les redevances, aux créateurs.
    Ce sont les créateurs qui en bénéficient.
    Depuis deux ou trois ans, on a utilisé cette terminologie tout au long des discussions sur le droit d'auteur, et cela est trompeur et nuisible.
    Merci, madame Saxberg et M. Angus.
    Nous allons maintenant passer à M. McColeman.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Chauhan, vous avez mentionné les droits de reproduction mécanique. Si je ne m'abuse, cela renvoie aux 21 millions de dollars versés aux créateurs en raison de ces droits. Vous avez indiqué que cela était lié à un pourcentage des recettes publicitaires touchées par les radiodiffuseurs. Cela explique pourquoi le montant a augmenté de façon substantielle au fil des ans.
    Est-ce exact?
    Oui. Suivant le tarif, le taux fixé représente un pourcentage des recettes publicitaires. C'est exact.
    Cela dit, nous venons tout juste d'entendre une diatribe de nature idéologique d'un membre de l'autre côté de la table concernant le parti gouvernemental et sa vision des choses. On affirme que nous tentons d'opposer les créateurs aux radiodiffuseurs et aux consommateurs. Je suis offusqué d'entendre cela. Il s'agit non pas de transformer cela en question partisane, mais de tenter d'établir un juste équilibre entre les droits de chacun, mais cela nous vaut des réprimandes.
    Tentons d'en revenir aux faits. Si cela était lié aux revenus publicitaires — et si, comme on l'a déclaré, les revenus publicitaires des cupides radiodiffuseurs se chiffraient à des millions de dollars —, cela ne serait-il pas profitable pour vous?
    On invoque le Règlement.
    Oui.
    Le membre fait allusion aux cupides radiodiffuseurs, mais personne n'a employé ces termes, sauf lui. J'estime qu'il est injuste qu'il utilise...
    Il s'agit d'un débat, monsieur Angus.
    M. Lake invoque le Règlement.
    M. Angus a fait allusion à une tentative délibérée de voler les gens. Je tiens à clarifier...
    Puis-je vous rappeler, messieurs, que nous devons procéder à une étude article par article la semaine prochaine?
    Il ne s'agissait pas d'un rappel au Règlement.
    Aucune des deux interventions ne constituait un rappel au Règlement.
    Merci beaucoup. Veuillez poursuivre, monsieur McColeman.
    C'est ce que je vais faire.
    Je m'excuse d'avoir utilisé le mot qui a offusqué le membre. Il s'agissait de la tentative délibérée — on appellera cela comme on voudra — de voler les gens. C'est de cela dont il s'agissait. Les radiodiffuseurs volent les gens.
    Les créateurs ne toucheront-ils pas des revenus plus élevés si leurs revenus sont liés à ceux d'une station de radiodiffusion?
    Oui. L'exploitation et l'utilisation de la propriété intellectuelle contribuent à la hausse des recettes, permettent aux stations de mieux cerner les goûts musicaux de l'auditoire qu'elles cherchent à atteindre et de faire des économies opérationnelles qui contribuent également à accroître leurs recettes. Ensuite, ces profits sont partagés avec les créateurs détenant le droit d'auteur...
    Partagés avec les créateurs. Ainsi, à l'heure actuelle, la relation entre les deux relève de l'interdépendance — le succès des créateurs est fonction de celui des radiodiffuseurs. Est-ce exact?
    Oui, c'est exact.
    Je veux simplement qu'il n'y ait aucun malentendu, et que le public comprenne qu'il s'agit d'une relation symbiotique qui profite aux deux.
    Oui, tout à fait.
    Sous sa forme actuelle, il s'agit d'une relation réciproquement bénéfique. Bien sûr, c'est ce que nous tentons de créer.
    Tout à fait.
    Nous tentons, au moyen de ce projet de loi, d'établir un équilibre et de faire en sorte que la relation demeure aussi harmonieuse que possible.
    Là encore, quelqu'un — je crois qu'il s'agissait d'un membre de votre organisation — a mentionné que cela représentait une proportion de 5,7 p. 100 des recettes d'une station de radio. Je dis bien: d'une station de radio — j'entends par là les recettes découlant de la radiodiffusion. S'agit-il du chiffre exact?
    Puis-je intervenir?
    Une voix: Allez-y, je vous prie.
    Mme Victoria Shepherd: En 2010, dans le cadre de la décision qu'elle a rendue, la Commission du droit d'auteur a fixé le taux à 5,7 p. 100, mais ce taux est fonction de la taille de la station de radio et de la quantité de musique qu'elle diffuse. Par exemple, le taux applicable à une station se trouvant dans un petit marché — c'est-à-dire selon le CRTC, un marché de moins de 250 000 personnes — est de 0,59 p. 100 des recettes, soit environ 700 $ par année.
    Au moment de fixer ce taux, la Commission du droit d'auteur tient compte de ces facteurs que constituent la taille du marché et l'utilisation de la musique. En outre, les deux parties concernées exposent leur position à la Commission du droit d'auteur. Ainsi, peu importe qui conteste le tarif fixé, tant les titulaires de droits que les radiodiffuseurs se voient offrir la possibilité de présenter des arguments à l'appui de leur position.
    Il s'agit véritablement d'un organisme judiciaire impartial.
    Exact.
    Comme votre organisation représente les créateurs — et vous avez mentionné le fait que la technologie numérique permettait aux radiodiffuseurs de faire des économies opérationnelles —, j'aimerais savoir si, sur le plan de votre modèle de gestion, vous profitez vous aussi de ces économies.

  (0945)  

    J'hésite à aborder ce sujet, simplement parce que l'organisation que je représente est une agence d'octroi de licences collectives, et dont les activités ne concernent donc pas la production et la diffusion de musique. Notre rôle consiste à recueillir les recettes de nos membres. Je crois que je ne suis pas qualifiée pour répondre à cette question. Je suis désolée.
    D'accord.
    Une autre façon d'aborder la question constituerait peut-être à examiner ce que nous ont dit un certain nombre de représentants des radiodiffuseurs, à savoir que les oeuvres leur étaient transmises sous une forme qu'ils ne pouvaient pas facilement utiliser — ils doivent disposer de certaines technologies pour effectuer les transferts requis. La technologie numérique dont ils disposent n'est pas la même que celle qu'utilisent les personnes qui s'occupent de la distribution.
    Est-ce que vous saviez cela?
    Je ne saurais vous dire si le logiciel au moyen duquel les oeuvres sont transmises est compatible avec celui que possèdent toutes les stations de radio. Il se peut que chaque station utilise une technologie différente. Ce que je peux vous dire, c'est que les stations de radio n'ont pas un sou à débourser pour la livraison de la musique — ils n'ont aucuns frais à payer pour obtenir et acquérir la musique.
    Merci, madame Shepherd et monsieur McColeman.
    Nous allons maintenant passer à M. Regan. Il s'agit du dernier intervenant du premier tour de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici. Les cinq minutes qui nous sont allouées passent très vite, et je vais donc poser ma première question sans plus tarder.
    Madame Shepherd, je dois m'adresser d'abord à vous, vu que vous avez mentionné Randy Bachman.
    Oui.
    Il anime une extraordinaire émission à la radio de la SRC le samedi soir. Mon épouse et moi l'écoutons souvent, et nous l'aimons vraiment beaucoup. Cette émission est en ondes depuis un bon bout de temps.
    Oui.
    Il se souvient peut-être — si ce n'est par expérience, du moins par ouï-dire — de l'époque où les stations de radio non seulement recevaient gratuitement leurs disques, mais touchaient peut-être aussi ce que l'on appelait des pots-de-vin — on leur versait de l'argent pour qu'elles diffusent tel ou tel disque. C'est ce qu'on disait, en tout cas — je ne sais pas si cela est vrai ou non. Je soupçonne que cela est possible.
    La semaine dernière, M. Don Conway, de Pineridge Broadcasting, s'est présenté devant le comité. Il nous a relaté son parcours, et a parlé de la situation des très petites stations de radio, des problèmes et des difficultés qu'elles éprouvent. Il a affirmé que, l'an dernier, elles avaient tout juste couvert leurs frais. Il a indiqué que les coûts des droits de reproduction éphémères, ou les droits de licence qu'elles doivent payer, n'avaient cessé d'augmenter.
    Il a également mentionné l'exemption de 30 jours. Il a parlé de cette question à laquelle vous avez fait allusion, c'est-à-dire le fait pour les stations de renouveler à tous les 25 jours les copies d'enregistrement qu'elles possèdent.
    En fait, il semble que, pour ces stations, cette exemption de 30 jours ne présente aucun avantage sur le plan pratique pour ce qui est de la façon dont elles utilisent la musique. Toutefois, il a exprimé la préoccupation suivante: comment une petite station de radio peut-elle survivre, et en quoi consisterait un juste équilibre?
    Qu'avez-vous à répliquer à une telle préoccupations? Je demanderai ensuite à Mme Saxberg de formuler des commentaires.
    Comme je l'ai mentionné, au moment d'examiner la capacité de payer — ce qu'elle a l'obligation de faire —, la Commission du droit d'auteur tient compte de la situation de la station, en l'occurrence une station se trouvant dans un petit marché. Une telle station versera un droit équivalent à 0,59 p. 100 de ses recettes, à savoir 700 $ par année.
    Disons que la musique représente 80 p. 100 de votre programmation — votre matière première. À mes yeux, une somme annuelle de 700 $ est une somme assez raisonnable à payer pour accéder à un contenu d'une telle ampleur, qui vous permettra ensuite d'engranger des revenus publicitaires.
    Madame Saxberg, le projet de loi énonce — en quelque sorte — qu'il sera possible de transférer sur votre iPod de la musique contenue sur un disque compact ou sur quelque autre support que ce soit...
    C'est exact.
    ... sauf, bien entendu, si le contenu est protégé par un verrou numérique. Pour l'essentiel, l'idée est la suivante: si vous avez payé pour obtenir la musique, vous devriez pouvoir faire ce que vous voulez avec elle par la suite
    Les stations de radio font valoir qu'elles ont payé pour obtenir le droit de licence, et qu'elles devraient donc être en mesure de faire d'autres choses avec le contenu, par exemple, le transférer d'un support à un autre.
    Qu'avez-vous à répliquer à cela?
    Lorsqu'elles disent qu'elles ont déjà payé...
    En d'autres termes, elles font valoir qu'elles ont déjà payé pour obtenir la musique en acquérant le droit de licence.
    Eh bien, comme Mme Shepherd l'a mentionné, les stations de radio n'ont rien déboursé pour que la musique leur soit livrée. La musique leur est fournie gratuitement.
    Est-ce que vous faites allusion au fait qu'elles ont versé des redevances liées à l'exécution?
    Oui, c'est ce qu'elles faisaient valoir.
    Cela nous ramène aux principes fondamentaux du droit d'auteur, qui ont été adoptés à l'échelle mondiale au XIXe siècle. Il existe un droit de communication et un droit de reproduction. Chacun de ces droits possède une valeur qui lui est propre, et chacun de ces droits est utilisé de façon distincte. D'une part, les stations de radio paient pour l'exécution de la musique, ce qui constitue une utilisation de la musique s'assortissant d'une valeur distincte; d'autre part, elles doivent payer le droit de reproduction, lequel représente une autre utilisation de la musique, et qui possède une valeur qui lui est propre.
    Les stations de radio ne paient pas deux fois pour une même chose — elles paient pour deux fonctions distinctes, et pour obtenir la capacité d'utiliser distinctement chacune de ces fonctions.
    Si vous le permettez, je vais vous poser une question concernant l'affaire Pirate Bay, à laquelle vous avez fait allusion. Vous avez indiqué que, en Grande-Bretagne, il était possible d'obtenir des injonctions. Êtes-vous en train de suggérer que l'on fasse cela ici, ou le suggérez-vous en lien avec un régime d'avis et de retrait?
    Bien entendu, la difficulté avec ce type de régime... En fait, il y a deux choses. Vous avez effectué une distinction entre les exploitants étrangers et ceux du pays.

  (0950)  

    Exact.
    Êtes-vous en train d'affirmer que vous les traitez différemment?
    L'une de mes préoccupations concerne un acteur peu important — un utilisateur ou je ne sais quoi d'autre — qui a mis en ligne un site qui viole déjà les dispositions législatives — cela est peut-être vrai, ou peut-être faux, mais quelqu'un allègue que ce site viole les lois. Si un avis de retrait est délivré, le FSI doit bloquer ce site — point à la ligne — plutôt que de laisser à son responsable l'occasion de se défendre.
    On peut soutenir qu'il ne faudrait pas laisser au FSI la tâche de trancher la question, mais vous avez établi une distinction entre ce qui se passe ici et ce qui se passe à l'étranger à cet égard. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Oui, nous établissons une distinction entre ce qui se passe au pays et ce qui se passe à l'étranger à cet égard.
    L'amendement de forme que nous avons proposé concerne expressément les sites étrangers — il vise précisément les sites pirates endémiques, et a pour but de nous permettre d'obtenir des injonctions qui empêcheraient leur entrée au Canada.
    Bien.

[Français]

    Messieurs Chenart et Céré, préférez-vous le test de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCH, pour que ce soit énuméré dans le projet de loi?
    Le connais-tu?
    Non, je ne le connais pas.
    Je n'ai pas la réponse à votre question.
    On mentionne la Convention de Berne.
     Oui, je sais que tout le travail qui a été...

[Traduction]

    Je suis désolé. Votre temps est écoulé depuis un bon moment.
    Merci beaucoup, monsieur Regan.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions. Monsieur Moore, vous avez cinq minutes.
     Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    Monsieur Chenart, vous avez dit qu'Internet avait ébranlé l'industrie. Cependant, les Canadiens et les gens du reste du monde n'ont jamais autant consommé qu'aujourd'hui.
    Le comité a entendu hier le témoignage d'une célèbre vedette canadienne, à savoir Justin Bieber. Un film sur sa vie a été réalisé — il s'intitule Never Say Never. On y raconte son ascension vers la gloire, qui est étroitement liée aux nouvelles technologies, à Internet, à des outils qui n'existaient pas il y a tout juste 10 ans.
    Comment conciliez-vous cela avec ce qui a été dit précédemment? Est-ce que certaines personnes parviennent mieux que d'autres à tirer parti des nouvelles technologies, des nouveaux supports et des nouveaux moyens conduisant au succès?
    Il serait difficile de soutenir que Justin Bieber ne représente pas un exemple de réussite. Il s'agit d'une extraordinaire réussite, mais pour parvenir à la gloire, il a emprunté des voies très originales.
    Avez-vous des commentaires à formuler là-dessus?

[Français]

    Je pense que les nouvelles technologies sont extrêmement profitables à beaucoup de monde, autant aux créateurs et aux producteurs qu'à tous ceux qui offrent des services de cette nature et qui profitent des usages que font les consommateurs de ces nouvelles technologies. Dans le cas qui nous concerne, le consommateur continue de payer pour avoir accès au matériel. Le consommateur débourse de l'argent pour acheter une chanson directement au magasin de la même façon qu'il le fait pour obtenir un fichier. Aujourd'hui, lorsqu'il se connecte et qu'il a accès aux chansons, il paie, il paie toujours, mais cet argent ne va pas nécessairement au créateur.
    Dans le cas de M. Bieber, je ne connais pas la liste détaillée des auteurs-compositeurs qui écrivent ses chansons, mais ce ne sont pas eux les vedettes, c'est M. Bieber qui bénéficie de la notoriété. Si j'écris des chansons de chez moi pour lui, qu'est-ce que cela me donne qu'il soit une vedette? Si les chansons circulent à la radio, je vais toucher des droits. Si la chanson est diffusée dans une vidéo, je vais toucher des droits.
    Si on copie des fichiers sur Internet, je ne reçois rien. Il y a quelqu'un qui fait le commerce d'une bande passante qui comporte des droits importants qui impliquent des sommes qui ne retournent pas aux créateurs.
    J'aimerais ajouter qu'il faut faire la différence entre le vedettariat et la rémunération. C'est vrai qu'il y a des gens qui profitent du fait qu'il n'y a plus cette barrière à l'entrée du distributeur physique. Maintenant, qu'il y a YouTube à notre portée, c'est vrai que des gens peuvent en profiter. Ils en profitent pour accéder à un niveau de vedettariat, mais qui est cependant instantané. Un jour, ces gens-là vont vouloir être rémunérés pour continuer, sinon ils abandonneront. Or, s'ils veulent être rémunérés, il faut qu'un système de rémunération soit mis en place, sinon c'est du vedettariat crève-la-faim.
    Ce système de droits d'auteur qui est établi depuis longue date, comprend l'exécution publique et la reproduction mécanique. Il ne faut pas laisser le support, dans le cas qui nous préoccupe, Internet, faire en sorte qu'on change des principes établis. Il faut appliquer ces principes établis à ce nouveau support, à cette nouvelle façon de faire transiter cette musique.

  (0955)  

    De la même façon, si M. Bieber fait de la publicité pour Coca-Cola ou s'il est capable de vendre ses spectacles 100 000 $ dans de grands espaces, cela ne change rien à la cote de l'auteur-compositeur. C'est l'interprète qui touche l'argent à ce moment-là.

[Traduction]

    Je pense que les choses ne vont pas trop mal pour lui. J'ai lu hier qu'il avait acheté une maison d'une valeur de 12 millions de dollars, ou quelque chose du genre. Il s'agit donc d'un exemple de réussite.
    Madame Saxberg, un témoin a affirmé devant le comité que le Canada avait un grand besoin de changement. Les gens de ce côté-ci de la Chambre croient que les dispositions relatives au droit d'auteur doivent être modernisées. La plupart des témoins qui se sont présentés devant le comité ont déclaré que cela était absolument nécessaire. Nous devons faire entrer le Canada dans le XXIe siècle. Cependant, ces mêmes gens avaient quelques amendements de forme à proposer. Cela illustre les efforts que nous déployons afin d'établir un très solide équilibre. Il s'agit là de l'objectif du gouvernement.
    Vous avez dit que le droit d'auteur ne sera jamais plus fort que son maillon le plus faible. À l'heure actuelle, si on le compare à ses partenaires — ou à ses pairs, si vous préférez —, à l'échelle internationale, peut-on affirmer que le Canada est le maillon le plus faible?
    C'est une excellente question, et j'aimerais être en mesure de vous fournir une excellente réponse, mais je ne peux malheureusement pas le faire, car le droit d'auteur est une chose très complexe. Toute loi sur le droit d'auteur comporte d'innombrables éléments, de sorte qu'il est malaisé d'affirmer que telle loi est très bonne dans l'ensemble, et que telle autre est vraiment mauvaise...
    Je ne pense pas que la loi canadienne est la pire loi du monde en matière de droit d'auteur. Si vous me demandiez de vous dire quel pays dispose de la pire loi en la matière, je ne crois pas que je serais en mesure de vous répondre — certains pays disposent d'une loi plus efficace à certains égards que la nôtre, et vice versa.
    Merci, madame Saxberg et monsieur Moore.

[Français]

    M. Dionne Labelle, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Plusieurs sociétés représentant des ayants droit sont venues témoigner ici relativement au contenu de la loi et nous dire comment celui-ci affaiblissait les protections par rapport au droit d'auteur qu'elles défendaient. On a parlé de l'abrogation de la disposition 6 qui faisait en sorte que l'exception de l'enregistrement éphémère pouvait être élargie, notion qui devenait totalement vague, et aussi du manque de précision par rapport au délai de 30 jours et ce qu'il était possible de faire à l'intérieur de celui-ci. Vous nous aviez expliqué que cela ouvrait la possibilité aux radiodiffuseurs de refaire des copies du matériel qu'ils avaient en main et leur évitait ad vitam aeternam de payer les droits mécaniques faisant partie de l'ensemble des petits droits additionnés qui permettent aux auteurs-compositeurs de continuer à travailler.
    Ce qu'on a entendu de la part des représentants des grands groupes propriétaires de radio relativement à l'attitude qu'il auraient rejoint exactement les craintes que vous avez exprimées. En effet, certains se sont même questionnés quant à la façon dont ils pourraient faire des copies au lieu de payer la licence. J'imagine que ces propos vous ont indignés d'une certaine façon.
    Je reviens à la préoccupation de M. McColeman. On est en faveur de la prospérité pour tout le monde, on veut simplement y participer. Les règles qui sont en place font en sorte que tous ceux dont les biens sont mis à contribution dans cette prospérité touchent leur part. La Commission du droit d'auteur étudie la valeur de chacun, établit un droit, et chaque partie est invitée à défendre son point de vue. La Commission fait ce travail, alors il est curieux que le gouvernement pense à intervenir pour retirer quelque chose qui est en place, qui fonctionne et qui est déjà validé par un tribunal administratif. Les règles sont claires et on veut qu'elles le demeurent.
    La musique est la matière première de la radio. Lorsqu'on syntonise une station de radio, on entend souvent de la musique, c'est son produit d'appel et sa matière première.
    Est-ce que payer moins de 6 p. 100 de son revenu, c'est trop payer pour se procurer l'entièreté de sa matière première? Si demain j'ouvre une boulangerie ou une pâtisserie, ou si j'oeuvre dans le domaine de l'automobile ou des pâtes et papiers et que seulement 6 p. 100 de mes dépenses soient attribuables à ma matière première, je pense que je vais avoir un bon bilan financier.
    Il faut donc se demander quelle est la valeur de la musique. Comment peut-on la monnayer et comment peut-elle revenir en partie à ceux qui l'ont créée?

  (1000)  

    En écoutant votre témoignage — hier, j'ai eu la même impression en entendant les témoignages des représentants des écrivains —, j'ai l'impression que nos créateurs, particulièrement les créateurs québécois en ce qui nous concerne, on un besoin accru de ces sommes d'argent, qui sont pourtant de petites sommes d'argent, mais qui, additionnées, leur permettent...
    Quelle est la condition des artistes au Québec par rapport à la perception générale des droits d'auteur et au besoin de conserver ces petites sommes d'argent?
    Pour chaque personne qui connaîtra la fortune dans le domaine, il y en aura 50 qui contribueront à notre diversité et apporteront quelque chose. C'est à tout ce monde qu'on pense. Évidemment, je ne pense pas que Justin Bieber ait besoin qu'on fasse des différences à la pièce, mais il y a beaucoup de gens qui ne sont pas à l'avant-plan.
    Je vous parle des auteurs-compositeurs, je représente des gens qui ne sont pas des chanteurs, qui ne sont pas des interprètes, qui ne sont pas des musiciens, qui ne touchent pas de cachet en studio. Ils écrivent un texte de chanson qui se retrouve dans la bouche d'une personne qui deviendra ou non une vedette. Le nombre de fois où ce sera joué à la radio, à la télévision, ou vendu en fichier ou sur un disque, c'est ce qui constitue son gagne-pain. Les auteurs-compositeurs gagnent 9 ¢ la chanson. C'est ce qu'ils gagnent.
    Si Céline Dion chante sur les plaines d'Abraham et qu'elle touche un cachet de quelques centaines de milliers de dollars, en tant qu'auteur-compositeur, je touche un pourcentage des droits que générera la chanson générera. Si c'est capté pour la télévision, je vais toucher quelque chose et elle en fait un disque, je vais toucher quelque chose. C'est pour cette portion que je reçois des sommes; je ne touche pas une portion de la somme reçue pour une publicité que Céline Dion fait pour Chrysler pas plus qu'une portion de son cachet pour un spectacle à Las Vegas. Je touche un droit d'auteur pour le droit concert, pour les reproductions, etc. Voilà ce qu'on touche.
    Quand les conservateurs ont introduit ces mesures visant pratiquement l'abolition des droits mécaniques, ils disaient que c'était pour protéger les petits radiodiffuseurs. Un radiodiffuseur peut payer 820 $ par année de droits mécaniques: cela ne m'apparaît pas abusif pour contribuer au soutien des artistes canadiens et québécois.
    Si on divise cela par le nombre de chansons qu'un auteur-compositeur écrira en une année, vous voyez qu'on n'a engraissé personne. Les quotas sont très respectueux de la taille des radios. Toutes les radios communautaires paient un tarif symbolique, alors que c'est différent pour les autres stations qui génèrent des profits.
    J'écoutais le témoignage des représentants des stations de radio et leur fameux argument. Je pense à mon beau-frère qui a payé une pension alimentaire une grande partie de sa vie, j'imagine...
    Merci beaucoup, monsieur Chenart.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Calandra. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Shepherd, il y a quelque chose que je tente de comprendre un peu mieux. Les représentants des stations de radio et quelques-uns des radiodiffuseurs qui se sont présentés devant le comité ont dit que la musique qu'ils téléchargeaient provenait d'un système. Je suppose que vous connaissez ce système. C'est de cette façon qu'ils accèdent à la musique.
    À votre connaissance, est-il possible de modifier ce système de manière à ce qu'il soit impossible de télécharger des chansons et de les utiliser pendant 34, 33 ou 32 jours?
    Il s'agit d'une question de nature technique, et je ne suis pas en mesure d'y répondre. Je suis désolée.
    Serait-il possible pour vous d'obtenir la réponse et de nous la transmettre?
    Tout à fait.
    Le fait est que, si une station de radio n'a pas la capacité d'utiliser pendant 33 jours les chansons qu'elle télécharge et que, d'une façon ou d'une autre, l'industrie est capable de mettre en place un tel système, il semble que cela permettrait de dissiper, dans une certaine mesure, les craintes liées à la procédure consistant à supprimer et à recopier les fichiers, car la personne qui rend possible le téléchargement — et non pas nécessairement les radiodiffuseurs eux-mêmes — exercerait une certaine maîtrise sur le processus.
    Ainsi, je vous saurais gré de nous revenir là-dessus.
    Tout à fait.
    Monsieur Chenart, si je ne m'abuse, vous vous êtes présenté ici la semaine dernière...

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    ... avec une autre organisation. Je n'ai pas son nom sous la main, mais si j'ai bonne mémoire, il s'agissait d'une organisation représentant 100 000 auteurs-compositeurs du Québec.

[Français]

    Les ayants droit.

[Traduction]

    J'aimerais vous poser la question suivante: si je compose une chanson pour quelque artiste que ce soit, serais-je rémunéré pour ce travail?

[Français]

    Non, vous ne l'êtes pas quand vous l'écrivez. Vous ne touchez de revenus que selon l'usage qui est fait de votre oeuvre. Certains éditeurs peuvent verser une avance à un auteur, s'il y a un éditeur dans le plan d'affaires. L'éditeur peut verser une avance sur des redevances devant être perçues si l'oeuvre rapporte. On ne touche qu'un pourcentage de ce que va générer l'oeuvre.

  (1005)  

[Traduction]

    M'est-il possible de composer une chanson et de la vendre à un artiste? Y a-t-il quelque chose qui interdit de faire cela?

[Français]

    Ce n'est pas une pratique. Je ne dis pas que c'est impossible, mais ce n'est pas dans les moeurs.

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    Il existe une autre réponse indirecte à votre question: il y a des artistes de grand renom qui vont dire que, compte tenu de l'inscription de leur nom sur un album, ils risquent d'aider à la vente de disques et demandent donc une avance pour 100 000 ventes, par exemple. Il s'agit d'une avance. Quelqu'un qui va prendre un risque financier en décidant de se payer un texte de Luc Plamondon ou de Gordon Lightfoot, par exemple, pourrait demander une avance sur un plus grand nombre de copies vendues.

[Traduction]

    Dans votre mémoire, vous mentionnez également qu'il faudrait accroître énormément la responsabilité incombant aux fournisseurs d'accès à Internet. Comment cela se distingue-t-il de...? Comment vous y prenez-vous pour surveiller...? Vous affirmez représenter aujourd'hui 800 personnes. L'autre jour, vous en représentiez 100 000.

[Français]

    La SPACQ compte 800 membres, majoritairement des auteurs-compositeurs francophones de chansons et de musiques de film et de télévision. Au Canada anglais, il y a la Songwriters Association of Canada et la Screen Composers Guild of Canada.

[Traduction]

    Comment votre organisation s'y prend-elle pour exercer une surveillance sur les personnes qu'elle représente et s'assurer qu'elles ne posent aucun geste qui soit illégal et puisse ternir la réputation de votre organisation?
    Vous ne les surveillez pas, n'est-ce pas? Vous ne le faites sans doute pas. Il s'agit de membres de votre organisation.

[Français]

    Non, mais nous n'utilisons pas leur répertoire pour faire du commerce, par contre.

[Traduction]

    Dans ce cas, pourquoi les choses devraient-elles être différentes pour ce qui est des fournisseurs d'accès Internet? Si je ne m'abuse, la dernière fois que vous vous êtes présenté ici, j'ai donné l'exemple suivant: un entrepreneur construit une maison, et son occupant décide d'y cultiver de la marijuana. Est-ce que Hydro-Québec a une responsabilité à assumer du fait qu'elle alimente la résidence en électricité? L'entrepreneur a-t-il une responsabilité à assumer parce qu'il a construit une maison qui risque d'être transformée en installation de culture de la marijuana?
    Là encore, ne s'agit-il pas du même type d'argument?

[Français]

    C'est une très bonne question. Je crois que s'ils devaient être mis au courant du fait que quelqu'un pose un geste illégal dans ce lieu et qu'ils gardaient le silence à cet égard, qu'ils n'intervenaient pas pour divulguer cette information et faire cesser la chose ou mettre les autorités au courant, ils pourraient être considérés comme des complices.

[Traduction]

    D'accord. Vous avez également...
    Je suis désolé, monsieur Calandra. Il vous reste quatre secondes. Je ne crois donc pas que vous serez en mesure de poser une question complète.
    D'accord.
    Je vous remercie de votre compréhension.
    Nous allons maintenant passer à M. Cash. Vous avez cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être ici, et merci à ceux d'entre vous qui n'en sont pas à leur première présence ici.
    J'aimerais revenir sur la question du paiement en double, qui a semé la confusion au sein du parti gouvernemental. Disons qu'une station de radio loue des locaux à bureaux pour mener ses activités. Elle loue ces locaux. Est-ce que cela signifie qu'elle n'a pas à payer pour le chauffage, l'hydroélectricité et la ligne de téléphone? Non. Bien entendu, elle doit également payer pour ces choses. Toutefois, le gouvernement affirme qu'elle doit payer pour ces choses, mais qu'elle ne devrait pas payer pour les droits de reproduction. De deux choses l'une: ou bien le gouvernement ne comprend pas grand-chose aux secteurs d'activités dont nous parlons — ceux de la musique et de la radiodiffusion —, ou bien il tente délibérément d'embrouiller les choses et de semer la confusion.
    La réalité, c'est que les stations de radio ne paient pas deux fois pour une même chose — elles paient pour deux utilisations très différentes qu'elles font d'une même chose. C'est un peu comme si j'affirmais que, parce que j'ai acheté une voiture, je n'ai pas à payer de stationnement, vu que j'ai déjà payé la voiture. Non mais, qu'est-ce que vous me racontez, j'ai déjà payé une fois pour cette voiture!
    Un tel argument est absurde pour toute personne ayant déjà oeuvré au sein de l'industrie de la musique ou de toute autre industrie de création.
    Madame Saxberg, j'aimerais simplement que vous aidiez le parti gouvernemental à comprendre la réalité de la vie d'un artiste. Nous parlons bien ici d'équité, n'est-ce pas?
    Nous parlons d'équité. Nous savons que l'industrie de la musique a encaissé des coups durs au fil des ans. Nous savons cela. Nous savons que les artistes ont éprouvé des difficultés. Nous savons que les maisons de disque ont éprouvé des difficultés. Nous savons également, par ailleurs, que les radiodiffuseurs ont fait des affaires d'or.
    Alors, qu'en est-il de l'équité? Pourriez-vous s'il vous plaît aider ces gens à comprendre la réalité avec laquelle doit composer l'industrie?

  (1010)  

    Je crois que mes collègues ont présenté quelques renseignements très utiles en ce qui concerne le contexte historique et le raisonnement initial qui ont mené la Commission du droit d'auteur à mettre en place des tarifs essentiellement réduits à un moment où les stations de radio étaient aux prises avec des difficultés afin d'illustrer la volonté de l'industrie de la musique de collaborer avec un très important partenaire. La radio demeure probablement sinon le plus important, du moins l'un des plus importants instruments menant les gens à partager leurs découvertes musicales, mais il ne s'agit aucunement du seul et unique instrument.
    J'ai fait mes premières armes à la radio. À cette époque, il arrivait que l'on diffuse une chanson le matin, et que les gens se rendent en après-midi faire la queue au magasin de disque pour se procurer cette chanson, vous vous rappelez? L'industrie de la musique et celle de la radiodiffusion étaient liées par une relation de réciprocité très intense. Ce n'est plus le cas. Cela ne veut pas dire que la radio n'est plus un maillon extrêmement important de la chaîne de valeurs dans l'industrie de la musique, mais il y a aujourd'hui beaucoup d'autres moyens de diffuser de la musique, et les moyens qu'emploient les gens pour consommer la musique sont très différents de ceux du passé.
    Ainsi, d'une certaine façon, comme mes collègues l'ont mentionné, les droits versés par les stations de radio pendant toutes ces années ont été fixés à un niveau délibérément bas — cela s'explique notamment par cet argument que les stations de radio répétaient sans cesse, à savoir qu'ils contribuaient à la promotion de la musique; cet argument demeure valide, mais n'a plus du tout la même valeur qu'il avait il y a 5, 10 ou 20 ans. Ainsi, vu que la relation a changé, vu que la musique a été sous-évaluée, nous nous sommes employés à rehausser la valeur jusqu'à ce qui constitue une valeur marchande plus juste.
    À mes yeux, cela s'inscrit dans la lutte que nous menons ici pour tenter de comprendre la différence entre les divers droits pour lesquels nous sommes indemnisés, et la manière dont on peut les comparer dans une perspective historique.
    Merci.
    Je voulais demander à M. Chenart de nous dire quelques mots à propos des divers moyens qu'emploient les artistes, les musiciens et les compositeurs pour subsister. Les gens du parti gouvernemental évoquent de façon presque dédaigneuse ces 21 millions de dollars. Par-dessus le marché, il y a la copie privée. Parlez-nous de la réalité des artistes. Nous n'avons pas affaire à une poignée de millionnaires, n'est-ce pas?

[Français]

    Tout dépend du marché dont il est question. S'il s'agit uniquement du marché canadien, les chiffres ne seront pas les mêmes que s'il s'agissait du marché international. Si on parle de construire une carrière, par exemple, au Québec, une chanson à succès peut générer 10 000 $. Peut-on vivre avec un tel revenu?
     Il faut donc en faire plusieurs, il faut placer des chansons et écrire beaucoup. Il faut peut-être faire autre chose. Des musiciens écrivent et auront ce type de revenu. Ils seront musiciens et vont gagner des cachets dans des studios. Ils vont peut-être travailler sur scène avec un artiste et gagner à la pièce peut-être 300 $ par jour, environ. Vous voyez qu'on ne saigne personne avec ça. Évidemment...
    Merci, monsieur Chenart.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Del Mastro, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    En tout premier lieu, si vous le permettez, j'aimerais simplement remercier M. Cash d'avoir clarifié les choses à notre place. J'aimerais seulement apporter quelques précisions à propos de ces éclaircissements, si vous le permettez.
    La relation qui unit les radiodiffuseurs et l'industrie de la musique est très importante, je dirais même cruciale. L'industrie de la radiodiffusion a besoin de musique pour attirer les auditeurs, et l'industrie de la musique a besoin des radiodiffuseurs pour la diffusion du contenu. Nous pourrions débattre de la question de savoir si cette relation est plus ou moins importante qu'elle ne l'était il y a 20 ans, disons, mais essentiellement, on pourrait également faire valoir que les stations de radio se sont renouvelées de manière à véritablement se concentrer sur les marchés locaux, car au bout du compte, chaque station de radio du pays est remplaçable. Aucune station de radio n'est indispensable; la présence d'une station de radio à Peterborough n'est pas essentielle. Si l'on veut simplement écouter de la musique, on peut s'abonner à une radio par satellite et écouter la musique qu'elle diffuse. La valeur d'une station de radio tient non pas à la musique qu'elle diffuse, mais aux autres choses qu'elle a à offrir. Le contenu local est très important, et c'est à cela que tient la popularité de la radio.
    Si j'ai bien compris les arguments qui ont été exposés ici aujourd'hui, les deux parties ont mis de côté le fait qu'elles entretiennent une relation nécessaire. Il s'agit d'un mariage — il s'agit non pas d'un mariage parfait — et je crois que c'est ce qui ressort des propos qui ont été tenus aujourd'hui —, mais d'un mariage très important.
    Ce qu'ont dit les radiodiffuseurs et ce qu'ils continuent de dire très clairement — et j'aimerais entendre les commentaires de Mme Shepherd à ce sujet —, c'est qu'ils paient effectivement des droits liés à la musique qu'ils diffusent — ils n'obtiennent rien gratuitement. Ils paient plus de 60 millions de dollars de redevances liées à l'exécution, et ils paient plus de 30 millions de dollars par le truchement d'un fonds du CRTC qui n'a été mentionné par aucun membre du comité. Néanmoins, ils paient cette somme, qui est versée au FACTOR, un fonds très important du Fonds de la musique du Canada. Et puis, il y a les droits de reproduction mécanique. En ce qui concerne ces droits ou ceux liés aux enregistrements éphémères, ils font valoir qu'ils veulent non pas faire des copies, mais acheter de la musique fournie sur le support qu'ils utilisent, mais personne ne veut leur vendre de la musique sur ce support.
    M. Cash a donné l'exemple d'une voiture. Si M. Cash veut acheter une voiture, on ne lui dit pas qu'il doit d'abord acheter un autobus urbain avant de pouvoir le faire. Il peut acheter simplement une voiture.
    Ce que disent les radiodiffuseurs, c'est qu'ils aimeraient que la musique qu'ils achètent leur soit fournie sur le support qu'ils utilisent. Ils veulent non pas faire des copies ni tout réenregistrer aux 30 jours, mais simplement que la musique qu'ils achètent leur soit fournie sur le support qu'ils utilisent. Cependant, l'industrie de la musique ne le fait pas. Pouvez-vous me dire pourquoi?
    En toute honnêteté, si l'industrie de la musique accédait à cette demande, la Commission du droit d'auteur n'aurait qu'à se pencher sur la question globale des enregistrements éphémères et des redevances pour l'exécution, et faire une suggestion quant à la valeur du paiement unique à verser. Il serait dès lors établi que, auparavant, ils recevaient 60 plus 21, et que, à présent, ils n'achètent de la musique que si elle est fournie sur le support qu'ils utilisent, et que cette musique vaut tant ou tant d'argent. À mon avis, ce système serait plus simple pour tout le monde.

  (1015)  

    Je crois que c'est ce que la Commission du droit d'auteur a fait à la suite de son audience de 2010. À la demande d'un radiodiffuseur, la Commission du droit d'auteur a entendu en bloc tous les titulaires de droit, dans le cadre d'une seule et même audience. Le droit d'exécution a été pris en considération, tout comme le droit de reproduction. Au bout du compte, le taux applicable à toutes les utilisations — celles liées à la reproduction et celles liées à l'exécution — a été fixé à 5,7 p. 100. Le taux global a été fixé à 5,7 p. 100, puis chaque tarif se voit attribuer une valeur en fonction de ce taux. Ainsi, c'est ce qu'a fait la Commission du droit d'auteur.
    En ce qui concerne vos propos touchant le service de livraison numérique, là encore, je ne peux pas formuler de commentaires à ce sujet. Ce que je peux vous dire, c'est que les stations de radio ne se font pas vendre de la musique, car celle-ci leur est fournie gratuitement.
    Pour ce qui est du fait que les stations de radio veulent recevoir la musique sur un support compatible avec leurs serveurs, je ne peux rien dire là-dessus, car je ne sais pas si toutes les stations de radio utilisent exactement le même système.
    À nos yeux, il ne fait aucun doute que les radiodiffuseurs représentent des partenaires précieux; cependant, vous avez dit très clairement que l'exemption de 30 jours était de nature temporaire, et nous voulons simplement nous assurer que cela sera bel et bien le cas.
    À mon avis, là où nous voulons en venir — et je pense que nous avons été très clairs là-dessus également —, c'est que nous estimons qu'il faudrait mettre en place un paiement unique.
    Dans l'industrie de la vente au détail, la plupart des détaillants sont à présent obligés d'ajouter l'énoncé « fourni sans frais supplémentaire » à certains produits, et j'estime que cela s'applique au service dont nous parlons.
    J'aime beaucoup le groupe de témoins d'aujourd'hui. Je crois que nous avons entendu d'excellents témoignages. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Del Mastro.
    Nous allons maintenant passer à M. Nantel. Cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être ici. J'aimerais spécifier que c'est bel et bien l'affaire de la Commission du droit d'auteur que d'établir tout cela et que, dans ce projet de loi, l'exemption en ce qui a trait aux 30 jours est malheureusement une faille permettant un renouvellement constant de ces 30 jours. Tel est le problème.
    Si on pouvait à tout le moins limiter le nombre de répétitions de cette copie, on n'aurait pas cette porte de sortie qu'on propose allègrement aux radiodiffuseurs pour leur éviter de passer par la Commission du droit d'auteur.
    Il faudrait qu'on arrête de parler dans le beurre. C'est un enjeu qui concerne la Commission du droit d'auteur. Ça finit là. Si on veut éviter tout problème, on n'a qu'à s'assurer qu'il n'y aura pas de répétition de cette période de grâce de 30 jours. Ce n'est pas compliqué.
    Un peu plus tôt, j'ai entendu les gens parler de copies éphémères, de droits mécaniques, bien sûr, mais aussi de levy. J'ai aussi entendu les mots format shifting. Quand on parcourt votre document, on constate qu'aux articles 29.2 et 29.4 de la loi, il y a un grave problème lié aux copies de sauvegarde et aux copies privées.
    Ne trouvez-vous pas triste de constater l'absence, dans la loi, des mots format shifting — changement de support? L'utilisation de ces mots ne serait-elle pas préférable au flou général voulant qu'on ait le droit de faire des copies pour un usage quelconque, mais pour nous?

  (1020)  

    Vous voulez parler de processus technologique?
    Oui.
    C'est de concert avec la SODRAC que ce langage a été décortiqué, et nous souscrivons entièrement à tous les amendements qu'a formulés la SODRAC en ce sens. Ce travail très technique a été effectué par la SODRAC. Cette dernière a donc fait le travail minutieux de formuler en termes très clairs, simples, concis et chirurgicaux des façons d'amender ce qui est dans le texte de loi à l'heure actuelle, pour éviter que sa portée ne soit néfaste pour nos gens.
    En ce qui concerne la copie privée, on dit qu'une copie, c'est une copie, peu importe le support sur lequel elle a été faite. Étendons idéalement le régime de la copie privée aux iPod sur lesquels sont faites plus de 70 p. 100 des copies. À défaut de faire cela, au moins n'introduisons pas cette exception qui sonne le glas de la copie privée à très court terme. Bon an, mal an, cela se chiffre généralement à 30 millions par année.
    Lorsqu'il est question d'une industrie où tous les micropaiements sont importants, on peut dire que la copie privée est excessivement importante pour l'ensemble des ayants droit. C'est une source de revenus qui peut aider les créateurs à persévérer et à continuer de créer plutôt que de choisir de faire autre chose.
    Tout à l'heure, j'entendais Mme Saxberg évoquer le fait que, selon la Convention de Berne, on ne peut pas retirer un droit à quelqu'un. Or, ici précisément, il est important de rappeler que le régime de la copie privée est déjà établi. En fait, il est établi sur les CD-R. Sur le plan de la technologie, on a évolué vers... Ce n'est donc pas un nouveau droit ni une nouvelle redevance, mais c'est quelque chose qui s'applique sur le remplacement de cette technologie que sont les CD-R.
    Monsieur Chenart, vous voulez ajouter quelque chose?
    Je voudrais juste rappeler — s'il y a des collègues qui étaient présents lorsque la loi sur la copie privée a été mise en vigueur... — qu'elle prévoyait dès le départ que les supports audio devaient couvrir cela. Une grande entreprise a contesté le libellé de la loi et elle a eu gain de cause. On a donc perdu ce droit, qui était dans l'esprit de la loi et qui était nommément présent, à cause d'une formulation juridique. La Cour suprême a renvoyé aux instances politiques le devoir de corriger cela, et cela n'a jamais été fait. On est ici aujourd'hui et on a la chance de le faire.
    C'est exact.
    C'était dans la loi dès le départ.
    Tout à fait.
    D'ailleurs, j'aimerais beaucoup vous entendre et connaître vos réactions relativement à la politique de prix d'iTunes Store.
    On peut parler ici de tout et de rien pendant des millions d'années, mais en réalité, on sait tous que 90 p. 100 de la musique sur iPod est généralement téléchargée de façon illégale. En outre, on sait étrangement qu'il y a une licence de 10 reproductions sur ordinateur et de 5 sur lecteur portatif — ou l'inverse — quand on achète une chanson par iTunes.
    Comment réagissez-vous à cela?
    Honnêtement, je ne suis même pas à jour quant aux changements qui se produisent dans ce cas particulier. Je ne sais pas si Jean-Christian possède la réponse à ça.
    Par ailleurs, je sais que des ententes collectives sont conclues avec nos sociétés pour gérer le droit des auteurs-compositeurs dans ces cas. Pour moi, iTunes a une licence.
    C'est tout le temps qui vous est accordé. Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Lake, dernier intervenant du deuxième tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie de nouveau les témoins de s'être présentés aujourd'hui devant le comité.
    L'une des choses que je trouve intéressantes, c'est que les divers témoins que nous avons entendus parlent beaucoup des aspects négatifs de la technologie, et très peu des aspects positifs.
    Madame Saxberg, vous avez évoqué l'époque où une chanson passait à la radio et où, deux ou trois jours plus tard, ou le lendemain, on faisait la queue pour se procurer le disque au magasin. À présent, dans le monde où je vis, si j'entends une chanson qui me plaît à la radio, je sors mon iPod ou mon iPad, j'ouvre Shazam, je trouve le titre de la chanson puis, en moins d'une minute, je l'achète sur le site iTunes — il se peut même que j'achète l'album au complet.
    Que Dieu vous bénisse.
    À mon avis, il s'agit pour les créateurs d'une possibilité extraordinaire, et non pas d'un coût qu'ils doivent assumer.
    Tout à fait.
    Bien entendu, si nous faisons bien les choses, le projet de loi sur le droit d'auteur créera un environnement où les consommateurs paieront pour se procurer de la musique. Il s'agit d'une chose qui, à vrai dire, pose un problème. Nous n'avons pas créé cet environnement au cours des quelque 10 dernières années, et nous voulons mettre en place les conditions favorables pour que cela se passe.
    Je suppose que je vais vous poser une question. La voici: si nous faisons bien les choses, quelles autres possibilités le projet de loi créera-t-il pour les artistes du milieu musical?

  (1025)  

    Je crois que vous avez fait une bonne observation. À mes yeux, il est important de préciser que nous ne sommes pas des luddites ou des ennemis de la technologie. Les éditeurs de musique ont toujours considéré la musique comme un bien incorporel. Nous vendons des chansons. Ainsi, qu'il s'agisse de l'oeuvre d'un pianiste, d'une cassette huit pistes ou d'un fichier MP3, cela revient au même pour nous. Nous ne sommes attachés à aucune technologie ni à aucun support en particulier. Je crois que nous avons montré, au fil des ans, que nous étions capables de nous adapter assez rapidement aux diverses technologies. Nous ne sommes pas du tout contre la technologie. Nous croyons que Internet recèle d'extraordinaires possibilités.
    À coup sûr, le fait d'avoir la capacité de présenter aux stations de radio des types de musique qu'elles ne sont pas toujours à l'aise de diffuser rejoint tout à fait ce que vous avez dit. Prenez, par exemple, espace.mu, l'excellent nouveau service de la SRC donnant accès à toutes sortes de chaînes musicales et toutes sortes de musiques que les stations de radio du Canada ne diffusent pas habituellement. À l'heure actuelle, la technologie est porteuse d'un énorme potentiel en ce qui a trait à l'exposition à la musique. Là où nous avons accumulé du retard, c'est en ce qui concerne la capacité des artistes d'être indemnisés, et c'est là-dessus que doit porter le projet de loi. Cela ne signifie pas que nous...
    Je dirais — et je suis désolé, mais il ne me reste que très peu de temps...
    Oui.
     ... qu'il y a en fait... lorsque je peux trouver instantanément le nom de la chanson qui passe à la radio, même si je ne l'ai jamais entendue et qu'elle est interprétée par un artiste que je ne connais pas du tout, et que je peux acheter cette musique instantanément, je dirais que l'artiste est rémunéré d'une façon qui n'a jamais existé auparavant.
    D'accord.
    Souvent, dans le passé, j'aurais continué ma journée et j'aurais oublié la chanson et n'aurait certainement jamais fait l'achat.
    Je suis tout à fait d'accord. Ce qu'il y a, cependant, c'est que ce n'est pas tout le monde qui a le même comportement que vous. Si tous les Canadiens étaient comme Mike Lake, l'industrie de la musique s'en porterait probablement beaucoup mieux.
    Des voix: Oh, oh!
    Ce que vous venez de dire me plaît. Je suis tenté de m'arrêter là-dessus, mais je ne vais pas le faire.
    Madame Shepherd, vous avez dit que la musique est fournie gratuitement aux stations de radio. Vous avez en quelque sorte laissé cette affirmation en suspens. Y a-t-il une loi qui empêche l'industrie de la musique de faire payer la musique aux stations de radio?
    Non, pas du tout.
    Alors qui choisit de la fournir gratuitement?
    Ce serait le détenteur des droits.
    D'accord; alors, simplement pour que cela soit clair, il n'y a pas de loi qui l'empêche.
    Non, pas du tout.
    Il serait possible de demander de l'argent. On choisit de le faire parce que c'est bon pour la diffusion.
    D'accord. Je voulais simplement m'assurer que c'est clair.
    L'un d'entre vous a fait une déclaration à un moment donné au cours de la discussion concernant le droit de reproduction, et vous avez parlé des possibilités qui s'offrent aux stations de radio grâce au droit de reproduction. Je dirais que la possibilité existe, et que les économies sont en fait rendues possibles par les fournisseurs de TI qui mettent au point les outils technologiques qui leur permettent de transférer la musique et de la faire jouer d'une façon différente.
    Est-ce que ce que je viens de dire est peut-être plus exact?
    Je vais tout simplement poser la question suivante: que font les créateurs de musique pour créer cette technologie qui leur permet de réaliser les économies en question?
    Je ne peux pas parler de l'industrie des TI ni de ses investissements visant la création de ce genre de mécanismes. Ce que nous avons vu et ce que la Commission du droit d'auteur a déterminé, c'est que, grâce à des innovations technologiques qui ont engendré d'énormes économies, les radiodiffuseurs ont pu accroître leur rentabilité. Les chiffres sont cités dans le site Web du CRTC aussi.
    Je vais revenir au mécanisme de la Commission du droit d'auteur, parce que celui-ci tient compte de tous ces facteurs, y compris la capacité de payer. Je ne pense pas que quiconque, y compris les radiodiffuseurs, ait contesté que les copies ont une valeur. Ce que nous sommes venus demander aujourd'hui, c'est simplement que vous vous assuriez que l'intention déclarée concernant le caractère temporaire des copies figure bel et bien dans le projet de loi.
    Dernière question, monsieur Lake.
    Nous avons beaucoup entendu parler de toutes sortes de choses différentes qui peuvent être vraies ou non durant l'audience du comité, et j'aime toujours revenir aux faits, au texte législatif et à certains des documents qui sont cités.
    Je ferai remarquer que la Convention de Berne dit ce qui suit au sujet des droits de reproduction:
Est réservée aux législations des pays de l’Union la faculté de permettre la reproduction desdites oeuvres dans certains cas spéciaux, pourvu qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
    C'est ce que dit la Convention de Berne. Je ne pense pas que quiconque contesterait le fait qu'il s'agit d'une reproduction technique. Celle-ci n'ajoute aucune valeur à la musique et ne la modifie d'aucune façon. Dans la Convention de Berne, qu'est-ce qui nous empêcherait de modifier la loi pour permettre cela?
    Vous nous demandez de modifier l'exemption de 30 jours d'une certaine manière, relativement à ce que vous avez appelé une faille de la législation.

  (1030)  

    Oui.
    Les gens de l'autre côté nous demandent de la modifier d'une autre façon. Qu'est-ce qui nous empêche, comme législateurs, de modifier la loi?
    Je ne peux pas vous le dire, parce que je ne suis pas avocate spécialiste des droits d'auteur. Ce que je peux vous dire, c'est que nous ne vous demandons pas en fait de changer... Ce que nous vous demandons, c'est simplement de vous assurer que le projet de loi dit ce qu'il est censé dire, ce que vous avez dit avoir l'intention d'y inscrire, c'est-à-dire que la période de 30 jours soit bel et bien une période de 30 jours. Ce que nous demandons, en réalité, c'est un simple amendement de forme. Aucune demande de modification des politiques n'a été présentée.
    Tout ce que nous disons, c'est que le gouvernement a dit qu'il s'agit de copies temporaires. Et nous voulons simplement nous assurer qu'il s'agit bel et bien de copies temporaires, ce qui correspond à votre intention déclarée.
    Merci.
    Désolé, monsieur Lake. Nous avons dépassé le temps prévu depuis longtemps.
    Madame Shepherd, monsieur Lake, merci de votre témoignage. J'aimerais remercier les témoins d'être venus. Merci beaucoup. Votre témoignage et votre contribution sont précieux aux yeux des membres du comité.
    La séance est suspendue pour cinq minutes.

  (1030)  


  (1035)  

    Bonjour à tous. Bienvenue à la deuxième moitié de la réunion no 8 du Comité législatif chargé du projet de loi C-11
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les invités et à tous nos témoins qui sont ici ce matin. En commençant par le Canadian Educational Resources Council, nous recevons Gerry McIntyre et Greg Nordal. Nous recevons également Jacqueline Hushion et M. David Swail, du Canadian Publishers Council. Enfin, nous recevons Mary Hemmings, de l'Association canadienne des bibliothèques de loi.
    Encore une fois, merci d'être venus comparaître aujourd'hui. La greffière a expliqué à chacun d'entre vous que vous disposez de 10 minutes par organisation pour faire une déclaration préliminaire. La première période de 10 minutes est celle du Canadian Educational Resource Council.
    Merci monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de prendre le temps de nous rencontrer et d'écouter nos opinions sur le projet de loi C-11.
    Je m'appelle Gerry McIntyre. Je suis directeur exécutif du Canadian Educational Resources Council, qui est l'association professionnelle des grands éditeurs canadiens de matériel pédagogique pour la maternelle à la douzième année au Canada. Nos membres publient 75 p. 100 du matériel pédagogique fondé sur les programmes scolaires qui sont utilisés dans les écoles du Canada situées ailleurs qu'au Québec.
    Avant d'être approuvées par les ministres de l'Éducation aux fins de leur utilisation dans les écoles du Canada, nos ressources sont très rigoureusement évaluées en fonction de leur concordance avec ce que les élèves doivent apprendre, leur caractère approprié en fonction de l'âge des élèves, leur adaptation à l'année où ils sont rendus, leur impartialité et, chose importante, le fait qu'elles reflètent l'expérience canadienne de toutes les façons possibles.
    Peu importe l'année d'étude ou le sujet, le coût de conception d'une ressource pédagogique qui correspond au programme d'enseignement va de 400 000 $ à un million de dollars. Il n'y a aucune garantie concernant la vente du produit ni de marché secondaire pour un produit aussi particulier. Il est donc clair que le marché du matériel pédagogique pour la maternelle à la douzième année exige des investissements considérables et comporte un important risque.
    Je suis très heureux d'être accompagné aujourd'hui de M. Greg Nordal, qui va vous donner le point de vue d'un éditeur sur le projet de loi C-11 et vous exposer ce que celui-ci signifie pour ce marché.

  (1040)  

    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs membres du comité, de m'avoir invité à prendre la parole devant vous au nom du secteur des éditeurs de matériel pédagogique pour la maternelle à la douzième année. Je m'appelle Greg Nordal, et je suis président et directeur exécutif de Nelson Education, le plus important éditeur au Canada dans ce secteur. Nos racines au Canada remontent à 1914.
    Le projet de loi C-11 comporte de nombreux éléments positifs. Notre secteur appuie tout à fait l'intention de moderniser les dispositions législatives sur le droit d'auteur au Canada, et une bonne partie de ce que nous voyons dans le projet de loi C-11 atteint cet objectif.
    Toutefois, la disposition d'exception concernant l'utilisation équitable à des fins d'éducation pose problème à de nombreux égards. Son application créerait de l'incertitude pour les titulaires de droits et les auteurs du Canada, elle entraînerait un degré inacceptable de risque relatif aux investissements pour les éditeurs et pourrait nuire au marché, et elle aurait pour conséquence non désirée de limiter l'accès dans l'avenir à du matériel et des ressources pédagogiques conçus au Canada pour des étudiants et des enseignants canadiens.
    Du point de vue du milieu de la création, les problèmes sont clairs. Qui pourrait raisonnablement s'attendre à ce que les éditeurs dépensent des millions de dollars par année pour investir dans de nouvelles ressources pédagogiques pour les écoles du Canada si les titulaires de droits ne sont pas protégés et s'il ne peut y avoir d'attente de rendement viable? Quel intérêt les auteurs canadiens auraient-ils à consacrer leur temps et leur talent à la création de contenu sans possibilités viables de rémunération?
    Le comité a entendu certaines personnes affirmer que les exceptions relatives à l'utilisation équitable à des fins d'éducation ont bien fonctionné dans le cadre des lois américaines; donc, pourquoi remettre en question le fondement des préoccupations des éditeurs canadiens? Une distinction importante s'impose cependant ici. Aux États-Unis, les dispositions concernant l'utilisation équitable précisent clairement que le préjudice commercial subi par les titulaires de droits est le principal déterminant relativement à l'utilisation équitable en matière de droits d'auteur. C'est l'atout. Au Canada, cependant, il y a un critère à six volets qui est utilisé pour déterminer ce qui est équitable, critère qui fait l'objet de beaucoup de discussions. Le préjudice commercial n'est que l'un des six volets du critère établis dans l'arrêt CCH pour déterminer ce qui est équitable. Il n'est pas vu comme le volet le plus important, et, en soi, le préjudice commercial ne détermine pas ce qui est équitable. Aux États-Unis, l'effet sur le marché des oeuvres protégées par droits d'auteur est déterminant, et il s'agit du principal facteur concernant l'utilisation équitable. Ce principe donne aux éditeurs américains l'assurance dont ils ont besoin pour investir dans des idées nouvelles et novatrices pour les écoles, les élèves et les enseignants. Laisser entendre que l'exception concernant l'utilisation équitable prévue dans le projet de loi C-11 se compare à la protection de l'utilisation équitable est extrêmement trompeur. Le fait que l'on laisse entendre que le critère à six volets offre une protection adéquate au milieu de la création du Canada est effectivement inquiétant.
    Le comité a également entendu le témoignage de certaines personnes du milieu de l'éducation qui disaient que le projet de loi C-11 ne change rien en ce qui concerne la rémunération des éditeurs et les auteurs de matériel pédagogique, que nos préoccupations ne sont pas fondées et que ces déclarations sont contredites par la réalité.
    Ce que je dis est fondé sur mon expérience dans le secteur de l'édition de matériel pédagogique pour la maternelle à la douzième année. La Commission du droit d'auteur a rendu une décision en 2004 qui définit les utilisations équitables par les enseignants et ce qui doit être considéré comme étant équitable dans le cadre de la disposition relative à l'utilisation équitable. Les ministres de l'Éducation ont interjeté appel de cette décision à la Cour fédérale, qui, en 2010, a maintenu la décision de la Commission du droit d'auteur quant à l'utilisation équitable. Les éditeurs ont accepté la décision de la Commission du droit d'auteur et celle de la Cour fédérale concernant ce qui est équitable, mais pas le secteur de l'éducation. En fait, le secteur de l'éducation a contesté la décision concernant l'utilisation équitable jusqu'en Cour suprême, laquelle a entendu l'affaire en décembre 2011. La décision est en instance. Malgré plusieurs décisions quant à ce qui constitue une utilisation équitable et une rémunération équitable pour le milieu de la création, dix ans après la première décision de la Commission du droit d'auteur, celle-ci n'a toujours pas été acceptée par les intervenants du marché du matériel pédagogique pour la maternelle à la douzième année. Il vaut la peine de mentionner que la procédure a été longue et coûteuse et a généré beaucoup d'incertitude dans le milieu de l'édition du Canada pour les auteurs, les éditeurs et les autres intervenants. L'exception proposée va encore affaiblir la protection du matériel faisant l'objet de droits d'auteur dans le secteur de l'éducation. L'exception proposée aux fins d'éducation aura un effet néfaste sur notre marché, d'après notre expérience.
    Pour que cela soit clair, la quantité de copies qui se font en classe à l'heure actuelle n'est pas négligeable. Dans une seule salle de classe, la quantité de copies faites peut sembler petite, aux yeux de certains, mais, au total, la quantité de copies qui sont faites est immense. En 2009, plus de 300 millions de pages ont été copiées dans les écoles canadiennes, de la maternelle à la douzième année. Cela équivaut à plus de 40 millions de dollars en ventes de livres annuelles, en fonction de la taille et du prix habituel d'un livre pour la maternelle à la douzième année seulement. Si on inclut les études supérieures, les collèges et les universités, le chiffre est beaucoup plus élevé. C'est pas moins de un demi-milliard de pages qui sont copiées chaque année, et il s'agit de copies qui sont faites directement à partir d'ouvrages protégés par droits d'auteur. Il ne s'agit pas de ce qui est d'accès libre.
    Il est possible de modifier l'exception concernant l'utilisation équitable pour qu'elle reflète les positions déclarées des ministres de l'Éducation, de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires et d'autres intervenants. Mais il ne s'agit pas d'éviter de verser une rémunération équitable aux titulaires de droits. D'après les assurances qu'il a données jusqu'à maintenant, le milieu de l'éducation ne devrait pas avoir de difficultés à accepter les amendements que nous avons soumis.

  (1045)  

    Au nom des intervenants du milieu et du secteur de l'édition de matériel pédagogique pour la maternelle à la douzième année au Canada, je prie le comité d'apporter l'amendement de forme que nous proposons. Celui-ci va préciser clairement que l'utilisation équitable à des fins d'éducation ne supprime pas la nécessité de verser une rémunération équitable aux titulaires de droits. Faisons en sorte que la loi précise clairement que l'utilisation équitable n'est pas la même chose que l'utilisation gratuite.
    Le défaut d'apporter un amendement de forme pour protéger les oeuvres faisant l'objet de droits d'auteur va mettre en péril l'accès aux ressources créées pour répondre directement aux besoins des élèves des écoles canadiennes en fonction de leur programme d'études. La capacité du milieu de l'édition du Canada de raconter des histoires et de communiquer les valeurs, la culture et l'histoire du Canada sera grandement mise à risque si l'exception actuelle ne fait pas l'objet de l'amendement. Notre marché va en souffrir.
    Il y a une possibilité bien réelle de conséquences non désirées et dévastatrices. À long terme, ce ne sont pas que les auteurs, les créateurs de contenu et les éditeurs du Canada qui vont en souffrir. Ce sont aussi les élèves et les enseignants canadiens que nous servons.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur McIntyre et monsieur Nordal.
    Nous allons maintenant écouter le Canadian Publishers Council pendant 10 minutes.
    Je m'appelle Jacqueline Hushion, et je suis directrice générale du Canadian Publishers' Council. Nous représentons les intérêts des sociétés qui publient des livres ainsi que des oeuvres électroniques, notamment numériques, à l'intention des élèves et des enseignants des écoles primaire et secondaire, des étudiants et des professeurs des collèges et des universités, des professionnels du droit, de la médecine et de la comptabilité, des marchés de référence de même que des secteurs du commerce de l'État et des bibliothèques.
    Ensemble, les membres du Educational Resources Council et notre association emploient plus de 4 500 Canadiens. Si on ajoute à cela d'autres associations du Canada, ainsi que l'ANEL, qui a comparu devant vous l'autre jour, le total est de 9 700 emplois. Certains d'entre vous ont probablement déjà vu le document que j'ai ici. Celui-ci a circulé récemment. Dans le secteur global auquel nous appartenons, ces 9 700 emplois s'ajoutent pour donner 85 000 emplois au bout du compte.
    Nos propres membres ont investi 75 millions de dollars dans la production et la fabrication de livres imprimés. Ne vous y trompez pas: les livres imprimés forment encore la part du lion quant à la demande sur le marché, et nos membres doivent tenir compte du marché. En outre, en 2011, ils ont publié 8 000 titres imprimés et rendu plus de 18 000 titres canadiens accessibles en format électronique — 18 000. Nos membres ont investi 35 millions de dollars dans la commercialisation d'oeuvres canadiennes imprimées et numériques et ont versé 50 millions de dollars en avances et en redevances à des auteurs canadiens.
    Voilà ce qui pourrait être à risque. Des dispositions adéquates pour protéger le marché des oeuvres faisant l'objet de droits d'auteur sont l'épine dorsale du corpus d'oeuvres du secteur de l'édition partout dans le monde.
    Merci.
    À votre tour, David.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités à témoigner ce matin.
    Je m'appelle David Swail. Je suis président et chef de la direction de McGraw-Hill Ryerson, qui est un éditeur de matériel pédagogique pour les élèves de la maternelle à la douzième année et pour les étudiants de niveau postsecondaire ainsi que de manuels professionnels et dont le siège social est situé à Whitney, en Ontario.
    Je vais surtout parler ce matin — et ça ne va étonner aucun d'entre vous, je pense — de l'utilisation équitable, alors je vais reprendre certains des thèmes qui ont déjà été abordés par mes collègues ici présents.
    À notre avis, l'exception concernant l'utilisation équitable à des fins d'éducation est le nouvel élément le plus important dans le projet de loi C-11 et celui qui pourrait entraîner des conséquences les plus importantes pour nos affaires. Ensuite — et c'est quelque chose d'important pour le comité —, il s'agit aussi de l'aspect du projet de loi qui, selon nous, est le plus facile et le plus simple à modifier pour satisfaire tous les intervenants dont je vais parler dans quelques instants.
    Ce que j'aimerais faire, si vous me le permettez, c'est de raconter mon histoire en trois parties.
    La première partie concerne l'histoire de notre entreprise. Je ne vais pas remonter jusqu'à la Confédération, mais j'aimerais parler des dernières décennies et me concentrer en particulier sur le secteur des études supérieures. Greg Nordal a parlé de façon très éloquente du marché du matériel pédagogique pour les élèves de la maternelle à la douzième année, dans lequel nous sommes aussi très actifs, mais je vais insister un peu sur les études supérieures.
    Au cours des dernières décennies, les éditeurs canadiens qui oeuvrent dans le secteur de l'éducation ont eu des occasions extraordinaires de concevoir du matériel pédagogique adapté au marché canadien. Si vous jetez un coup d'oeil sur n'importe lequel de nos graphiques, vous pourrez constater que toutes nos filières de contenu canadien sont depuis un certain temps dans un mode de croissance extraordinaire — et par « extraordinaire », puisqu'il s'agit d'un marché qui a atteint sa maturité, je parle d'une croissance de 3, 4 ou peut-être 5 p. 100, mais néanmoins de croissance — pendant que la demande de produits importés, qui viennent principalement des États-Unis, s'est affaiblie.
    L'occasion que nous avons trouvée et l'orientation que nous avons suivie pour nos investissements sont une réaction à la demande très précise du marché à l'égard du contenu canadien. Cela vaut autant pour le secteur des études supérieures que, comme Greg l'a mentionné, pour celui de la maternelle à la douzième année. C'est donc très, très axé sur les ressources canadiennes et le fait de répondre à la demande des consommateurs dans le secteur de l'éducation, chez les enseignants, les instructeurs et, bien sûr, les étudiants, à l'égard de ce genre de matériel.
    Ce que cela signifie pour nous pendant cette période, c'est une poursuite des investissements, non seulement dans les ressources, mais également par rapport à certains des chiffres que Jackie a cités, par exemple pour ce qui est de l'emploi. Il y a eu des investissements importants dans ce que nous nous plaisons à considérer comme étant un véritable écosystème formé de nos collaborateurs, des auteurs aux distributeurs en passant par les photographes, les réviseurs, les illustrateurs et les concepteurs — toute une entreprise fondée sur le fait de mettre des ressources à la disposition de notre clientèle.
    Nous en sommes rendus au point aujourd'hui où nous sommes un partenaire important de nos clients dans le domaine de l'éducation, dans tous les secteurs: de la maternelle aux études postsecondaires, où nous sommes un employeur important. Nous investissons beaucoup dans l'élaboration de matériel canadien.
    Nous aimons à penser que le Canada en tant que pays et les étudiants d'un peu partout au pays ont vu leur situation s'améliorer grâce au travail que nous avons fait. Cela s'applique aussi bien dans les secteurs de la maternelle à la douzième année, des études postsecondaires et aussi dans le secteur professionnel. Qu'on soit avocat, médecin, comptable ou que l'on oeuvre dans n'importe quel domaine professionnel, on investit beaucoup dans des manuels qui rendent la vie professionnelle plus significative.
    C'est la première partie. C'est notre situation telle qu'elle était dans le passé.
    La deuxième partie, bien sûr, c'est notre situation actuelle. Vous ne serez pas surpris de m'entendre dire que c'est le numérique qui prend toute la place. Nous avons été témoins, comme tout le monde ici présent le sait, je pense, d'une accélération extrêmement rapide du rythme de l'innovation numérique. Ce phénomène a fait en sorte que des occasions extraordinaires ce sont présentées à nous. Il a entraîné des exigences très importantes pour notre entreprise. Mais il nous a aussi forcés à répondre à beaucoup de nouvelles attentes de notre clientèle à l'égard de l'accès immédiat à l'information en tout temps, ainsi que la possibilité de la partager et de faire des recherches dans cette information de façon immédiate.
    Le secteur numérique que nous avons maintenant entrepris d'apprivoiser, et d'exploiter, si vous voulez, pour notre marché a créé des attentes et des possibilités énormes pour nous. Cela a aussi supposé un réinvestissement très important dans l'entreprise. À ce moment-ci de notre évolution, nous réinvestissons et haussons la barre de façon très marquée.
    Comme Jackie l'a mentionné tout à l'heure je crois, il est clair que les livres imprimés ne vont pas disparaître. Toutefois, il y a une possibilité de plus pour nous, une pression supplémentaire qui nous pousse à réorienter nos investissements vers de nouvelles ressources numériques qui rendent notre produit imprimé beaucoup plus efficace. Il est plus efficace parce qu'il peut être utilisé pour évaluer le rendement des étudiants, est plus facile à adapter, est assurément une solution brillante du point de vue de l'enseignement à distance pour les étudiants qui évoluent en dehors du milieu d'enseignement habituel et est assurément très adaptable aux différents styles d'apprentissage.
    La révolution numérique a rendu notre présence beaucoup plus pertinente et a créé une occasion beaucoup plus importante pour nous. C'est vraiment le défi que nous essayons de relever à notre époque.
    On pourrait dans ce cas poser la question suivante: pourquoi ne pas simplement utiliser les verrous numériques, comme le prévoit le projet de loi C-11? Utilisez ces verrous pour tout ce que vous faites de façon numérique, et tout ira très bien.

  (1050)  

    J'en reviens à ce qu'a dit Jackie — et Greg en a parlé aussi —, c'est-à-dire que le livre imprimé est encore au coeur de nos activités. Dans le secteur de la maternelle à la douzième année, il compte probablement pour 90 p. 100 de nos activités, et, dans le secteur des études supérieures, c'est encore probablement 80 p. 100 de nos activités.
    Nous offrons de plus en plus de solutions numériques, mais celles-ci se combinent au livre imprimé. Vous savez tous qu'il est difficile de perdre l'habitude de lire des livres imprimés. Même ma fille de 14 ans, qui est aussi experte des outils technologiques qu'on peut l'être, est encore très attachée à ses manuels, alors les verrous numériques ne vont pas être la solution pour nous. Autrement dit, ce n'est pas une panacée qui va tout régler pour nous.
    Permettez-moi de passer à la troisième partie et de conclure. La troisième partie concerne en réalité ce que nous envisageons que le projet C-11 peut faire pour notre entreprise d'une manière qui, au bout du compte, protégera les investissements, et vous avez entendu ces choses dans la bouche de mes collègues ce matin aussi. D'abord, il s'agit de préparer le terrain pour continuer à nous encourager à investir dans la création des ressources en question, et cela signifie de mettre le marché de l'oeuvre tout à fait à l'avant-plan pour ce qui est de ce qui constitue une utilisation équitable.
    À nos yeux, pour cette raison, la décision de la Cour suprême concernant CCH n'est pas non plus une panacée pour la très bonne raison qu'elle ne place pas la primauté du marché à l'avant-plan. Selon nous, le mot « équitable », de façon intuitive, peu importe la définition utilisée, devrait au bout du compte signifier équitable dans le sens où cela ne limite pas les débouchés commerciaux d'une oeuvre, et nous trouvons que l'arrêt CCH comporte des lacunes importantes à cet égard précis, alors ni les verrous numériques ni l'arrêt CCH ne sont à nos yeux suffisants pour nous permettre de réussir.
    Nous aimerions définir « éducation » de façon plus précise. Nous aimerions reprendre ce qui figure dans le document d'information du gouvernement en ce qui concerne ce qu'est l'éducation et ce que l'on entend par utilisation équitable, et il y a deux ou trois questions précises comme le fait que, premièrement, l'utilisation équitable n'est pas un chèque en blanc, et deuxièmement, par définition, cela ne porte pas préjudice au marché des oeuvres protégées par droits d'auteur. Voilà les principes que nous voulons voir inclus dans un amendement de forme très mineur — d'après nous — du projet de loi qui, à notre avis, va rendre les règles du jeu équitables, va continuer de créer des occasions commerciales pour des entreprises comme la mienne, comme celle de Greg et comme celle de tous les gens qui se livrent concurrence au sein de notre secteur et qui, au bout du compte, va se révéler être une meilleure façon d'offrir de meilleures ressources aux étudiants du Canada.
    Cet amendement va faire en sorte que les investissements vont continuer d'être faits au Canada, et l'autre chose importante à signaler, c'est que beaucoup de nos concurrents sur le marché offrent des produits dans bon nombre d'autres marchés. Mon objectif, dans tout cela, c'est d'essayer de faire en sorte que les investissements continuent d'être faits dans les entreprises canadiennes. C'est ce qui fait que j'ai un emploi. C'est ce qui fait que mes employés de Whitby en ont un. C'est ce qui constitue le cercle vertueux que nous avons créé dans notre secteur au fil des décennies au pays. Il s'agit de garantir que les investissements offrent une perspective raisonnable de rendement dans le contexte du droit d'auteur au Canada, et, pour cette raison, les amendements que nous proposons sont simples et élégants et correspondent à tout ce que vous avez entendu dire de la part des personnes...

  (1055)  

    Nous avons largement dépassé le temps prévu, monsieur Swail, alors merci beaucoup.
     Je vais m'arrêter là.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à l'Association canadienne des bibliothèques de droit. Madame Hemmings, vous avez 10 minutes.
    Merci d'avoir invité l'Association canadienne des bibliothèques de droit, the Canadian Association of Law Libraries, à présenter sa position au comité. Je m'appelle Mary Hemmings. Je préside le Comité du droit d'auteur de l'ACBD ou CALL. Je suis professeure adjointe et bibliothécaire en chef à la toute dernière faculté de droit du Canada, celle de l'Université Thompson-Rivers. Je me trouve dans une situation unique pour une bibliothécaire dans une bibliothèque de droit. Non seulement j'enseigne la recherche juridique à l'époque du virage numérique, mais je m'occupe aussi d'une nouvelle bibliothèque de droit au moment où la situation du livre imprimé est chamboulée. J'achète encore des livres. En fait, j'en achète beaucoup. J'achète aussi des collections numériques de nombreuses sources différentes, au pays et à l'étranger.
    L'ACBD représente environ 500 membres de la profession juridique qui évoluent dans le milieu universitaire, des tribunaux et des barreaux et au sein du secteur privé, de grandes sociétés et du gouvernement partout au Canada. Nous achetons des documents législatifs, des recueils de jurisprudence et des documents de commentaires sur le droit. Nous donnons accès à ces documents à des gens comme les avocats, les juges, les étudiants, les professeurs, les parlementaires et le public. En outre, nous aidons bien entendu les gens à trouver ce qu'ils cherchent, que nous l'ayons ou non sur papier ou dans une base de données.
    Les membres de l'ACBD appuient les efforts qui sont déployés pour moderniser la législation sur le droit d'auteur. Nous voyons les changements proposés comme étant nécessaires pour préserver l'équilibre entre les droits des titulaires de droit d'auteur, ceux des bibliothèques et ceux des usagers de l'information juridique dans un environnement numérique.
    J'aimerais aborder aujourd'hui trois sources de préoccupations pour les bibliothèques de droit: l'utilisation équitable, les droits d'auteur de la Couronne et les MPT, qu'on appelle aussi verrous numériques.
    Le respect du principe de l'utilisation équitable est un élément essentiel du mémoire que présente l'ACBD au comité. L'utilisation équitable et les droits des usagers ont été abordés par d'autres personnes et associations qui ont témoigné devant le comité, et l'ACBD appuie les positions adoptées par les groupes d'intérêt comme ceux formés par les bibliothèques, les musées et les services d'archives. À titre de bibliothécaires spécialisés en droit, les membres de l'ACBD se préoccupent particulièrement des dispositions concernant l'utilisation équitable qui sont proposées dans le cadre du projet de loi  C-11.
    En ce qui concerne la question de l'utilisation équitable, j'aimerais attirer votre attention sur l'arrêt CCH rendu en 2004 par la Cour suprême. La bibliothèque du Barreau du Haut-Canada, dont les professionnels sont membres de l'ACBD, n'est que l'un des éléments d'un réseau de bibliothèques de tribunal et de barreau du Canada, et elle est intervenue dans cette affaire. Il va sans dire que nos membres appuient cette décision, surtout en ce qui concerne la démarche en six étapes qui y est décrite pour déterminer ce qui constitue une utilisation équitable. Nous voyons l'utilisation équitable non pas comme une exception à l'application du droit d'auteur, mais plutôt comme un moyen équilibré de reconnaître le fait que la reproduction limitée et équitable est un outil pour le discours savant. Tout comme je prêterais un livre ou un exemplaire d'un article à un ami travaillant sur un projet apparenté au mien, le processus d'échange d'information dans le domaine de la recherche et de l'éducation ne relève pas de l'activité criminelle. C'est la façon dont les idées sont communiquées. Nous vous félicitons donc de la reconnaissance de ce principe dans le projet de loi C-11.
    Cela dit, il y a d'autres articles du projet de loi C-11 qui semblent en contradiction avec l'idée de l'utilisation équitable, et en particulier le rôle des bibliothèques. Les bibliothèques prêtent des documents à d'autres bibliothèques. Il s'agit d'un élément fondamental de nos activités qui visent à répondre aux besoins en matière d'information de nos usagers, et il n'est pas nécessaire que la loi restreigne la pratique du prêt entre bibliothèques. Une fois qu'un document a été prêté à un abonné, je ne suis pas sûre que l'établissement puisse raisonnablement faire ce qui est proposé, c'est-à-dire « prendre des mesures en vue d'empêcher » l'usager de faire une copie, de prêter le document à un ami ou même de l'échapper dans le bain.
    Le projet de loi C-11 met l'accent sur l'utilisation de copies numériques. Du point de vue technique, une copie numérique d'un livre, d'un article, d'un texte de loi ou d'une décision d'un tribunal peut être faite en tout temps, partout et par quiconque. Les bibliothèques, les services d'archives et les musées ne devraient pas être tenus responsables d'un comportement qui n'est pas contrôlé de la même façon dans les librairies ni sur Internet.
    La Loi sur le droit d'auteur devrait définir le concept d'utilisation équitable comme un droit des usagers plutôt que comme une exception à l'application du droit d'auteur. Il devrait être dit explicitement que la notion d'utilisation équitable doit être interprétée de façon large et libérale et que les établissements qui diffusent le savoir comme les bibliothèques, les services d'archives et les musées offrent leurs services à une vaste gamme d'organisations.

  (1100)  

    L'arrêt CCH ne faisait pas de distinction entre une bibliothèque sans but lucratif et une bibliothèque à but lucratif. En fait, il était favorable à la bibliothèque du Barreau, qui répond directement aux besoins de l'association du barreau. Que les avocats réalisent un profit ou non, ce profit était considéré explicitement comme n'ayant aucune importance dans cet arrêt.
    Pour ce qui est des droits d'auteur de la Couronne, pendant longtemps on a demandé que des modifications soient apportées à l'article 12 de la Loi sur le droit d'auteur. Cet article concerne les droits d'auteur de la Couronne, et il faut qu'ils soient abordés explicitement dans le projet de loi C-11. Le Décret sur la reproduction de la législation fédérale permet aux citoyens de reproduire la législation fédérale à des fins personnelles et non commerciales. Voilà précisément l'initiative que les bibliothèques de droit veulent voir dans le projet de loi. Le gouvernement a le pouvoir de diffuser l'information qu'il produit.
    L'ACBD reconnaît le fait que la production d'information gouvernementale à jour est coûteuse, mais celle-ci n'est pas aussi coûteuse qu'avant. À une certaine époque, la production et la diffusion de documents imprimés de nature législative et parlementaire exigeaient un travail de mise en page, de composition et de lecture d'épreuve, et des mécanismes complexes de diffusion pour satisfaire aux exigences de la population en matière d'accès à la législation. Aujourd'hui, la production numérique assure l'exactitude du contenu et la rapidité de la diffusion, et elle permet de diffuser proactivement l'information gouvernementale auprès des Canadiens.
    L'élément manquant de l'équation, ce sont les textes législatifs du passé qui sont si nécessaires pour les législateurs et les membres de la profession juridique pour comprendre comment les lois en vigueur ont été créées. La numérisation des documents antérieurs de la Couronne coûte cher, mais les Canadiens devraient néanmoins pouvoir profiter d'un accès libre à des documents qui ont façonné l'époque à laquelle ils vivent.
    Nous sommes d'accord pour dire que le Canada doit se doter d'un régime de droits d'auteur à jour et qui protège les créateurs et les titulaires de droits. Toutefois, nous prions le gouvernement de ne pas restreindre l'accès de la population à ce qui devrait faire partie du domaine public.
    Selon les rédacteurs juridiques, la réforme du droit d'auteur de la Couronne devrait avoir lieu depuis longtemps, à la lumière non seulement de l'arrêt CCH, mais aussi de la pratique actuelle du gouvernement fédéral, qui doit répondre aux besoins. Toutefois, le droit d'auteur de la Couronne a été laissé de côté malgré toutes les modifications proposées, bien avant 2005. À nos yeux, les documents protégés par le droit d'auteur de la Couronne devraient continuer d'être des ressources gratuites, et le gouvernement devrait envisager de financer un programme de numérisation des documents antérieurs.
    Cela m'amène finalement à parler des verrous numériques. Ceux-ci ont été décrits comme étant une menace à l'utilisation équitable, surtout parce que les MTP ne permettent pas de distinguer les usages légitimes ni les usagers autorisés. Je voulais attirer votre attention sur la nature de la relation que nous avons avec les éditeurs et les usagers des bibliothèques. Ce qui se trouve à l'avant-plan, c'est non pas la question de savoir ce que nos abonnés décident de faire avec les documents qu'ils empruntent, mais plutôt la capacité des fournisseurs commerciaux ou gouvernementaux de verrouiller arbitrairement des documents achetés de façon légitime. Les bibliothèques ont aujourd'hui besoin des documents numériques. Les fournisseurs de base de données ou les éditeurs de documents numériques ont souvent le droit exclusif de vendre un contenu en particulier, et les bibliothèques ont le mandat de répondre à tous les besoins en matière de recherche et d'éducation de leurs usagers. Il est rarement possible pour nous d'acheter un même contenu auprès d'un fournisseur concurrent.
    Nos usagers veulent être en mesure de transférer le contenu vers des appareils portables pour les utiliser au tribunal, en classe, ainsi qu'à la maison, et les usagers de l'information de nature juridique qui ne sont pas affiliés à une bibliothèque, comme les parties à une procédure judiciaire qui se représentent elles-mêmes, les membres du public et certains étudiants — y compris ceux qui étudient pendant toute leur vie — sont souvent privés d'accès aux textes de droit en raison de restrictions découlant des licences d'utilisation. Cette information qui était auparavant accessible dans des livres placés sur les étagères de la bibliothèque se trouve maintenant de l'autre côté du fossé numérique.
    Pour conclure, nous voulons simplement dire que l'utilisation équitable est un droit des usagers, que le droit d'auteur de la Couronne n'a pas bougé depuis le XIXe siècle, comme nous le voyons aujourd'hui, et que les verrous numériques sont à la fois une bonne et une mauvaise chose.
    Merci.

  (1105)  

    Merci, madame Hemmings, de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer à notre premier tour, où chaque intervenant a cinq minutes pour poser des questions.
    Monsieur Braid.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous les témoins d'être venus ce matin.
    Madame Hemmings, je vais commencer par vous poser deux ou trois questions. Merci d'avoir conclu en brossant un tableau très bien contrasté pour notre bénéfice à tous.
    Votre organisation souhaite donner une plus grande extension à la notion d'utilisation équitable. Vous voulez en faire un droit des usagers plutôt qu'une exception. J'aimerais que vous parliez un peu plus de cela. Comme vous le savez probablement, nous voulons axer les délibérations du comité sur les amendements de forme. Je soupçonne que cela dépasse le simple amendement de forme.
    Pouvez-vous dire quelque chose là-dessus?
    Notre position, c'est que le droit d'auteur est une bonne chose. Il faut qu'il y ait des droits d'auteur, parce qu'il faut que cela soit une façon de réglementer le marché, et nous comprenons les intérêts commerciaux qui sont en jeu. Toutefois, nous devons aussi reconnaître le fait qu'une bibliothèque remplit une fonction précise dans le monde. Les gens et les parlementaires qui se parlent s'échangent des documents. Le fait d'avoir à payer un droit d'auteur pour faire passer un document d'un bureau A à un bureau B est selon moi répréhensible. Je pense que quiconque possède un exemplaire d'un article en particulier devrait avoir le droit de l'utiliser comme il l'entend.
    Pour ce qui est du fait de considérer l'utilisation équitable comme l'exception, je trouve que cela est plutôt répréhensible, très franchement, parce qu'un droit des usagers n'est pas une exception; c'est un droit. C'est une chose positive plutôt qu'une chose négative.
    De façon plus générale, dans ce cas, pouvez-vous simplement préciser pourquoi la notion d'utilisation équitable est si importante pour votre organisation, à votre avis, et pour le secteur de l'éducation dans l'ensemble?
    Encore une fois, nous en revenons à l'arrêt CCH, dans lequel est reconnu le fait qu'il y a une façon différente de communiquer, et nous prenons part à ce processus de communication. Nous facilitons une bonne partie de cette communication. Le fait que nous soyons empêchés de répondre aux besoins de nos clients a probablement beaucoup à voir avec la question de l'utilisation équitable pour ce qui est des bibliothèques et des autres façons de fonctionner.
    La disposition concernant l'utilisation équitable a été selon moi très bien expliquée dans l'arrêt CCH en particulier. Nous sommes très heureux de la décision qui a été rendue, mais nous n'avons également pas l'impression de faire concurrence à des intérêts commerciaux. Ce n'est pas notre intention. Ce n'est pas ce que nous demandons, en fait. Nous demandons la possibilité d'acheter des documents, d'obtenir une licence d'utilisation pour ceux-ci et ensuite de les diffuser selon le processus de communication des bibliothèques.
    Très bien. Merci.
    Monsieur Swail, vous avez donné au comité des nouvelles encourageantes au sujet de l'augmentation du contenu canadien dans le secteur des manuels scolaires. Vous m'en voyez ravi. Pouvez-vous expliquer pourquoi cela s'est produit? Que se passe-t-il?
    Essentiellement, c'est notre façon de répondre à la demande sur le marché. Je vais parler un peu du secteur des études supérieures.
    Les instructeurs dans les établissements que nous servons trouvent notre contenu canadien beaucoup plus pertinent que d'autres contenus par rapport à leurs objectifs, que ce soit les exemples de cas ou quelque chose d'aussi simple que l'utilisation du système métrique plutôt que du système impérial. Ils préfèrent de loin enseigner à l'aide de ressources qui sont pertinentes et qui s'adressent directement à leurs étudiants dans un contexte qu'ils peuvent comprendre.
    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, toutes les possibilités qui se sont offertes à nous sont venues de la création d'un produit canadien original pour ce marché et de l'adaptation de produits étrangers dans les cas où il est possible d'apporter de légères modifications. La clé, c'est vraiment d'être en mesure d'enseigner aux étudiants à l'aide de ressources qui s'adressent directement à eux et qui sont le plus pertinentes possible. C'est ce qui explique la croissance dans ce domaine plutôt que dans celui des produits importés.

  (1110)  

    Pour ce qui est de la question de l'imprimé et du numérique, vous avez dit que 90 p. 100 des manuels scolaires sont imprimés. Je présume cependant que la version numérique d'un manuel scolaire peut être imprimée par l'étudiant. Est-ce que ce n'est pas le cas?
    C'est possible, oui, et nous permettons également aux utilisateurs finaux de le faire.
    Compte tenu de cela, pensez-vous que les proportions vont changer? Envisagez-vous une diminution de la proportion des manuels scolaires imprimés et une augmentation de la proportion des manuels numériques que l'on fait ensuite imprimer?
    Nous l'envisageons assurément, et nous l'avons déjà constaté. Nous avons une gamme de produits qui s'appellent Create, et les établissements d'enseignement supérieur peuvent prendre un manuel donné de cette gamme et en utiliser des extraits comme bon leur semble à leurs fins particulières. Ils peuvent le faire à partir de la version numérique. Ils peuvent aussi le faire avec le texte imprimé.
    Je pense que ce qu'il est important de signaler, cependant, c'est que l'arrivée des produits numériques — et, dans mon exemple, vous voyez qu'il y a un livre imprimé combiné à une carte d'accès au produit numérique qui complète le produit —, le prix du produit n'a pas changé au bout du compte. Tous les investissements que nous avons faits dans ce domaine n'ont eu pour effet que d'accroître la valeur que nous offrons sur le marché et non d'accroître les revenus que nous en tirons. Nous essayons de faire en sorte que nos produits soient encore plus pertinents au même prix ou à un prix inférieur.
    Merci, monsieur Swail. Malheureusement, le temps est écoulé.
    Monsieur Braid, vous avez largement dépassé les cinq minutes qui vous étaient accordées.
    Nous allons maintenant passer à M. Cash, pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être venus. Je veux remercier en particulier M. Swail de l'aperçu qu'il nous a présenté du secteur de l'édition de manuels scolaires et de l'importance du contenu canadien. Vous méritez des félicitations à la fois pour votre survie et pour votre succès.
    Merci.
    Il faut aussi que l'on reconnaisse le fait qu'il ne s'agit pas seulement de vous, bien entendu. Vous offrez des emplois et des contrats à des auteurs, à des photographes, à des concepteurs, et ainsi de suite, et ce sont tous des gens qui ont une petite entreprise.
    Assurément.
    Nous voulons créer un climat qui permettra au secteur de prendre de l'expansion.
    Nous savons que vous devez surmonter certains obstacles dans la transition vers le numérique. Ce que vous avez dit au sujet des investissements que vous faites dans le numérique, même si le prix demeure le même, est dûment noté. C'est une chose que non seulement le comité, mais tout le Parlement devra prendre en considération.
    Je veux poser une question à Mme Hemmings au sujet des problèmes touchant les prêts entre bibliothèques. Que devraient faire les bibliothèques, les services d'archives et les musées pour se conformer à ce qui semble être libellé de façon très vague concernant les mesures à prendre pour empêcher telle et telle chose de se produire?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le libellé est très vague à cet égard. C'est assez troublant, en fait, parce que nous n'avons jamais eu à prendre ce genre de mesures extrêmes dans le passé. Nous avons toujours pris des mesures pour nous assurer que les usagers savent que les documents sont protégés par des droits d'auteur et pour qu'ils n'abusent pas du système. Nous posons des affiches, par exemple, près des photocopieurs pour qu'ils sachent qu'ils ont certaines obligations à respecter.
    Ce qui me préoccupe, c'est le rôle d'agent de contrôle qu'on nous demande de jouer, lequel dépasse, je crois, ce que nous faisons jusqu'à maintenant. Il ne semble s'agir que de ressources numériques. On ne nous dit pas que nous devons suivre l'usager lorsqu'il va faire des photocopies pour nous assurer qu'il n'en fasse qu'une seule. Pour être tout à fait franche, j'ai l'impression que, lorsqu'on nous dit que nous devons faire la même chose en environnement numérique, c'est comme si on y avait pensé après coup. Les mêmes principes devraient s'appliquer aux livres imprimés et aux livres numériques pour garantir l'utilisation appropriée des documents protégés par droits d'auteur.
    Pouvez-vous donner au comité des exemples de ce qui pourrait être exigé dans le cadre de la disposition en question?

  (1115)  

    Pour ce qui est des bibliothèques publiques, pour que tous les élèves de la maternelle à la douzième année puissent comprendre, entre autres choses, on peut emprunter un livre en le téléchargeant sur son BlackBerry — à ce moment-là, le livre n'est plus disponible; c'est comme si on l'empruntait pendant une certaine période.
    Techniquement, il y a des gens qui savent comment contourner beaucoup de ces choses, et c'est à cet égard que la question des verrous numériques intervient. Il n'y a rien de mal à emprunter un livre en format numérique pour des motifs personnels. Pour ce qui est de l'avenir du livre une fois qu'il a quitté la bibliothèque... Je ne peux pas prédire comment un bibliothécaire essaiera d'imaginer un quelconque moyen technologique permettant à quelqu'un de faire une chose du genre. Les raisons pour lesquelles une personne ferait cela sont, très franchement, une autre question.
    Oui, on peut emprunter un livre à l'heure actuelle et en faire 500 copies, installer un kiosque dans la rue et espérer que ce sera un triomphe sur le plan commercial. Mais c'est peu susceptible de se produire. C'est le cas aussi des livres numériques empruntés dans les bibliothèques pour les mêmes raisons.
    J'aimerais aussi que vous parliez de la disposition concernant l'utilisation d'une copie numérique pendant plus de cinq jours ouvrables à partir du jour où la personne l'utilise.
    Il est presque impossible de réglementer cela. Il faudrait que nous demandions à des gens d'essayer d'imaginer... ou il faudrait que nous essayions d'imposer des verrous numériques nous-mêmes. Je ne pense pas que les bibliothèques puissent faire ce genre de choses. On ne peut pas suivre un livre qui a été emprunté et dire à la personne qui l'a emprunté qu'elle ne peut l'avoir en sa possession que pendant cinq jours. Imposer une période de prêt de cette façon pourrait être bon ou pas, selon l'organisation que l'on sert. Dans certains établissements universitaires, les prêts d'une session sont la norme, alors une personne peut avoir en sa possession un document pendant toute une session. Je ne sais pas très bien d'où vient cette disposition concernant une période de cinq jours.
    Merci, madame Hemmings et monsieur Cash.
    Monsieur McColeman, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus.
    Madame Hushion, dans votre déclaration préliminaire d'aujourd'hui vous avez parlé du contexte de votre secteur, des chiffres concernant les emplois et de la structure des entreprises des gens que vous représentez dans ce que j'interpréterais comme un scénario de fin du monde si le projet de loi est adopté. Ensuite, M. Swail a pris la parole, et je vais lui poser la prochaine question.
    Est-ce que c'est ce que vous aviez l'intention de faire?
    Non. J'ai dit que c'est ce qui est à risque. Si le projet de loi est adopté et que l'exception proposée en ce qui concerne l'utilisation équitable à des fins d'éducation est renversée — excusez-moi, s'il n'est pas modifié — il se peut que le secteur ne disparaisse pas du jour au lendemain. Cela ne va pas arriver. Il va plutôt y avoir une attrition très lente et constante. Il va y avoir moins de raisons, comme David l'a dit, d'investir dans celui-ci. Les gens vont être davantage préoccupés au sujet de leurs produits sur le marché. À long terme — et je parle des deux ou trois premières années, peut-être —, nous verrions pas mal de cas du genre. Même à plus long terme, je pense que nous verrions le Canada revenir à la situation dans laquelle il était il y a 25 ans, c'est-à-dire celle d'un importateur net de produits de nature pédagogique. Comme David l'a dit, nous avons connu beaucoup de succès jusqu'à maintenant.
    Je suis contente que vous ayez posé la question, parce que je voulais vous faire part d'un chiffre qui est selon moi fabuleux, lorsqu'on considère que nous formons ensemble...
    Excusez-moi. Je n'ai que peu de temps, et vous avez répondu à ma question. Est-ce que je peux vous arrêter ici?
    D'accord — nous formons 50 p. 100 du marché.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Swail.
    Monsieur Swail, cette demande en produits canadiens sur le marché — qui est le genre de choses très positif que nous aimons tous entendre, je crois, peu importe notre allégeance politique — croyez-vous qu'elle va évoluer? Vous dites qu'il s'agit d'une demande croissante, une occasion de plus en plus importante pour vous. Vous êtes évidemment en mesure de fournir les produits en raison de cette demande, et vous répondez à la demande du marché en tant qu'entreprise, alors que va-t-il advenir de cette demande si un nouveau projet de loi sur le droit d'auteur est adopté?
    La principale chose qui nous préoccupe, c'est que, dans son libellé actuel, la définition d'éducation est trop large. Notre principale préoccupation, c'est qu'elle permettrait une interprétation beaucoup trop large de la façon dont notre produit commercial pourrait être utilisé dans un contexte pédagogique, d'une manière qui peut nuire à la possibilité pour nous de continuer de vendre ce produit. Il s'agit donc de générer suffisamment de revenus pour continuer de réinvestir dans d'autres disciplines, lesquelles sont encore principalement le fait des États-Unis, de manière à pouvoir élaborer des produits originaux dans certains de ces marchés connexes où la demande est encore comblée en grande partie par les produits importés.

  (1120)  

    Je pense que M. Nordal a abordé dans ses commentaires cette question concernant certaines catégories de produits canadiens pour lesquels la demande n'est pas encore comblée, mais cela supposerait que votre entreprise subventionne cette catégorie. Est-ce exact?
    Je ne suis pas sûr de bien vous suivre.
    D'accord. Vous dites que la demande existe, mais que, essentiellement, vous devez en tenir compte dans votre plan d'affaires, dans vos prévisions de revenu, pour pouvoir y répondre...
    C'est vrai.
    ... et vous la subventionnez donc parce que les chiffres sont plus petits, peut-être.
    C'est exact.
    La demande existe, mais vous la subventionnez à partir d'autres revenus.
    C'est vrai. Il ne fait aucun doute que, dans certaines catégories, nous avons des marchés plus importants, dans les premières années des études postsecondaires où il y a des cours d'introduction, par exemple, et où les marchés sont encore plus importants et le nombre d'inscriptions, plus élevé. C'est dans ce domaine que nous faisons beaucoup d'argent, et cela nous permet de publier dans des secteurs plus précis et à des niveaux d'études plus avancés, pour lesquels nous importons à l'heure actuelle beaucoup plus de produits. Cela va donc nous permettre de prendre de l'expansion vers le haut de la chaîne de valeur, si vous voulez, dans le domaine des études supérieures. Cela va permettre, surtout, de réinvestir dans le numérique.
    D'après ce que vous avez dit au sujet du numérique et d'après ce qu'ont dit d'autres témoins, il y a une manne devant nous, si nous arrivons à exploiter le numérique en obtenant les droits d'auteur et en permettant aux gens de le faire.
    Monsieur McColeman, 30 secondes.
    Ce que je pense, comme personne ayant évolué dans le milieu des affaires avant de m'occuper de politique, c'est qu'il y a toujours quelque chose qui vient remplir un créneau si on ne le prend pas. Ce n'est donc pas la fin du monde; c'est plutôt le début d'une ère de prospérité.
    C'est exact.
    Je vais m'arrêter là-dessus.
    Merci, monsieur McColeman et monsieur Swail.
    Monsieur Regan, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Allons-nous entendre des témoins du secteur de l'enseignement de la maternelle à la douzième année — j'imagine que ce seraient les provinces — à un moment donné? Le savez-vous?
    Il y a nos témoins de demain.
    Ils ont témoigné à l'égard de la version précédente du projet de loi l'an dernier.
    Nous recevons des témoins demain, puis il faudrait que nous examinions....
    Ah, oui?
    Oui.
    Merci.
    Permettez-moi d'aborder la question de l'utilisation équitable. Madame Hemmings, vous avez entendu les autres témoins d'aujourd'hui dire que le critère doit être l'effet sur le marché. Cela devrait être le principal critère, comme il semble que ce soit le cas aux États-Unis. Quelle incidence cela aurait-il sur vous, à votre avis, et sur les bibliothèques comme la vôtre?
    Encore une fois, pour en revenir à toute l'idée de l'utilisation équitable — et, assurément, il était question que le critère repose sur une situation commerciale —, je ne pense pas que nous affirmions que ce critère en particulier doit être supprimé. Très franchement, le but de notre existence n'est pas de mettre nos éditeurs en faillite. C'est d'échanger le genre d'information qui n'est pas facilement accessible entre bibliothèques. Pour vous donner un exemple, il y a une expression que l'on entend en ce moment, ou que l'on entendait chez les bibliothécaires, et c'est la « McDonaldisation des bibliothèques », c'est-à-dire que toutes les bibliothèques commencent à acheter la même chose. On peut s'attendre à trouver les mêmes livres et les mêmes manuels scolaires partout.
    Ce qui nous distingue, ce sont les choses particulières que nous achetons en raison de nos intérêts régionaux, des intérêts dans notre région géographique et aussi des intérêts de nos usagers en tant que tels. Si j'apprends, par exemple, qu'une autre bibliothèque veut emprunter un exemplaire d'un article rédigé par Mackenzie King dans les années 1930 et portant sur l'emploi et le droit du travail, et que très peu de bibliothèques dans ma région vont avoir cet article, je veux pouvoir le trouver dans une base de données et le faire parvenir rapidement à la bibliothèque qui veut l'emprunter. C'est cela, l'utilisation équitable.
    Merci.
    Madame Hushion, permettez-moi de vous poser une question: croyez-vous qu'il faut faire une distinction entre les manuels scolaires qui sont publiés pour un marché limité et d'autres textes, lorsqu'il s'agit du marché de l'éducation?
    Est-ce que je pense qu'il y a une distinction sur le plan de leur importance ou une distinction...
    Non, en ce qui concerne la façon dont ils sont traités en ce qui a trait aux droits d'auteur et au secteur de l'éducation.
    Il ne devrait pas en avoir. C'est ce qui semble le plus approprié. Je ne sais pas pourquoi ce serait le cas.
    Un exemple, c'est certains travaux que l'entreprise de M. Nordal vient de faire sur les entreprises autochtones et les livres écrits pour cette communauté et pour l'aider à acquérir les aptitudes nécessaires dans le monde des affaires.

  (1125)  

    Permettez-moi de vous demander dans ce cas si l'effet sur le critère du marché signifierait selon vous qu'un tribunal conclurait probablement que l'effet serait beaucoup plus important sur le marché pour un livre ou un texte comme celui que vous venez de décrire si des copies sont faites, ou si des copies d'une partie du texte sont faites, plutôt que quelque chose qui a une diffusion beaucoup plus large.
     Potentiellement, oui. Comme M. Swail l'a dit, il s'agit d'un marché spécialisé, d'un petit marché, et si l'on obtient un rendement du capital investi à l'égard de documents antérieurs qui permet d'investir dans des choses comme celles que je viens de décrire et que fait l'entreprise de M. Nordal, c'est très bien. Si l'on commence à perdre de l'argent, s'il y a une érosion de ce marché des documents antérieurs, alors on ne pourra pas investir dans ces marchés spécialisés importants, dont beaucoup ont trait aux différents peuples de notre pays, et aux différentes langues, ainsi qu'aux régions éloignées où l'enseignement à distance peut être la seule façon de faire, et on peut même ne pas y arriver.
    Merci.
    Madame Hemmings, vous parlez des verrous numériques. Votre point de vue semble être que, une fois que l'on a payé pour quelque chose, on devrait pouvoir l'utiliser sous d'autres formes, ou après un changement de formats, pour reprendre l'expression que nous avons entendue.
    Oui.
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Regan.
    Je pense que la façon dont vous l'avez dit, c'est que l'on doit pouvoir le faire pour tout usage qui relève de l'utilisation équitable.
    C'est exact.
    Est-ce que ce serait différent du fait de dire que l'on pourrait l'utiliser à une fin qui ne constitue pas une infraction? Voyez-vous la distinction? Est-ce que c'est une question qui se pose, à votre avis?
    Pour une fin qui ne constitue pas une infraction, oui. Nous ne serions pas nécessairement en faveur d'une fin qui constitue une infraction.
    Je ne sais pas très bien quelle est la question.
    Désolé. Ce que je veux dire, c'est que, si la règle était que vous avez le droit de faire une exception pour une fin légitime, pour une fin qui ne constitue pas une infraction, y a-t-il une distinction entre cela et ce que vous proposez?
    Cela revient à notre relation avec nos éditeurs, si notre éditeur nous donnait une licence pour faire ce genre de choses. Le verrou est là pour quelque chose. Nous devons savoir quelle est la nature de l'obligation contractuelle à l'égard de ce verrou, et, si nous ne pouvons pas composer avec cette obligation contractuelle, alors nous ne le ferions assurément pas. Mais, encore une fois, nous envisageons le verrou comme un contrat.
    Merci, madame Hemmings et monsieur Regan.
    C'est la fin de notre première série de questions.
    Nous allons maintenant passer au second tour, où les intervenants vont avoir cinq minutes chacun.
    C'est M. Armstrong qui va commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier nos invités du témoignage qu'ils ont livré aujourd'hui.
    Monsieur Swail, je veux commencer par vous. Vous avez parlé des études supérieures. Est-ce parce que, de la maternelle à la douzième année, vous avez quelque chose qui est davantage un créneau et que vous êtes encore capable de commercialiser vos produits dans le cadre des contraintes du marché actuel?
    En réalité, nous avons décidé que je mettrais l'accent sur cet élément du marché et que M. Nordal se concentrerait sur le secteur de la maternelle à la douzième année, mais il y a des différences importantes du point de vue du numérique, que nous pouvons aborder si cela vous intéresse.
    D'accord. Je vais peut-être adresser ma question à M. Nordal, dans ce cas.
    La salle de classe aujourd'hui et l'enseignement de la maternelle à la douzième année; c'est dans ce domaine que j'ai évolué, et c'est la raison pour laquelle je veux me concentrer là-dessus.
    D'accord.
    Les salles de classe sont très différentes de ce qu'elles étaient auparavant au Canada. La plupart des baby-boomers ont suivi un programme fondé sur les livres de lecture élémentaire. Les gens se souviennent de ces livres, mais les choses ont beaucoup changé. Je vais affirmer qu'elles ont beaucoup changé parce que les personnes qui se trouvent dans la salle de classe ont changé. Le milieu est beaucoup plus inclusif. Il est beaucoup plus hétérogène.
    Bien sûr.
    Le niveau d'aptitude varie. Il y a beaucoup d'immigrants. Il y a beaucoup de préoccupations concernant l'apprentissage de la langue seconde. Ainsi, une personne qui enseigne dans une classe de la maternelle à la douzième année, et surtout au primaire, peut se retrouver devant une classe de sixième année où les élèves ont un niveau de lecture allant de la deuxième année à la huitième année, et l'enseignant doit pouvoir répondre aux exigences diverses. Qu'avez-vous fait pour prendre ce marché et offrir des ressources qui répondent aux exigences du monde d'aujourd'hui?
    Je pense que plus nous faisons de choses dans le monde du numérique, plus notre contribution sera grande à cet égard. Si vous avez un code d'accès, par exemple, vous pouvez accéder à une salle de classe. Un professeur de sciences pourrait donc trouver un programme de rattrapage si les aptitudes linguistiques des élèves ne semblent pas suffisantes pour leur permettre d'intégrer la matière de nature scientifique en tant que telle. Il peut utiliser son code d'accès numérique, revenir quelques années scolaires en arrière et aider l'enfant à se mettre à niveau. Il faut toutefois savoir que très peu de salles de classe au Canada ont l'équipement nécessaire pour passer complètement au numérique, c'est-à-dire procéder sans manuel scolaire. J'aimerais que ce soit le cas; ce serait fantastique. Comme éditeurs du domaine de l'éducation, nous avons investi des millions, collectivement, dans notre préparation. Le secteur de la maternelle à la douzième année a de la difficulté à financer le processus. Il y a des problèmes de capitaux, d'accès et de matériel qui se posent.
    Les nouvelles écoles qui sont construites un peu partout au pays sont prêtes à cet égard. Leur capacité technologique est supérieure, dans la plupart des cas. J'ai été directeur d'une école en Nouvelle-Écosse, d'une nouvelle école, où l'on pouvait utiliser à peu près tout ce que vous pourriez nous envoyer. J'ai aussi été directeur d'une petite école en milieu rural. Vous devez être en mesure de répondre à ces exigences diverses, tout comme une enseignante doit être en mesure de répondre aux divers besoins dans la salle de classe.
    Exactement.
    Compte tenu de tous ces changements qui se produisent et de cette grande diversité dans les salles de classe, comment envisagez-vous les mécanismes de protection des médias numériques prévus dans le projet de loi C-11? Est-ce que ceux-ci vont vous venir en aide ou vous faire du tort? Que se passera-t-il selon vous?

  (1130)  

    Il y a toutes sortes de choses. Je pense que les solutions pour bon nombre d'années à venir seront d'un genre hybride, de plus en plus numériques, mais avec du texte aussi. Pour ce qui est de la conception, le coût d'élaboration d'une ressource d'apprentissage se calcule en centaines de milliers de dollars. Le coût d'impression et de reliure d'un livre correspond probablement à 10 à 12 p. 100 du coût total. Le coût vient du numérique, de la conception de contenu. Lorsque le contenu passe au numérique sans protection adéquate, il peut faire l'objet d'une reproduction illégale. Il n'est pas nécessaire d'utiliser un photocopieur — il s'agit d'appuyer sur un bouton. C'est facile. Les verrous numériques aident à corriger la situation, mais c'est très rare d'en voir dans les salles de classe à l'heure actuelle.
    Mais cela s'en vient. Les écoles vont adopter de plus en plus de choses numériques, parce que le besoin existe. Les coûts d'impression ont fait augmenter de beaucoup le coût des manuels scolaires, et il faut fournir beaucoup de ressources différentes pour chaque salle de classe.
    Comme directeur d'école, je cherche toujours à fournir des ressources numériques économiques qui répondent aux besoins d'une classe diversifiée. Je n'aurais plus besoin, par exemple, de toute une série d'exemplaires de La toile de Charlotte pour la classe. J'aurais peut-être besoin d'une série de livres qui intéressent beaucoup les élèves qui ont de la difficulté en lecture. J'aurais peut-être besoin de ressources supplémentaires pour mes élèves plus avancés qui ont peut-être dépassé ce niveau de lecture. Vous fournissez tout cela. La meilleure façon pour vous de me fournir les ressources que je peux utiliser dans mon école, c'est par voie numérique, n'est-ce pas?
    Nous sommes tellement loin du numérique que c'est exact seulement dans une certaine mesure. Moins de 10 p. 100 des classes de la maternelle à la douzième année ont l'équipement nécessaire pour utiliser des documents numériques, d'après mes estimations. J'ai parlé à des représentants d'écoles qui sont très bien équipées. Nous avons réalisé des projets pilotes dans certaines écoles. Nous avons appris beaucoup de choses au sujet de certains des obstacles qui se posent — l'accès par Wi-Fi, le matériel. Ce n'est pas une panacée, et ce n'est pas quelque chose qui va se faire à court terme. Les choses vont assurément dans ce sens; vous avez raison. Mais il va falloir des années avant que cela ne se fasse.
    La législation sur le droit d'auteur va être en vigueur pendant des années, alors nous devons rédiger aujourd'hui des textes législatifs qui vont permettre de surmonter les obstacles qui vont se poser dans l'avenir. Est-ce exact?
    Nous devons surmonter les obstacles pour aujourd'hui et pour l'avenir.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Nantel, vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je vais tenter d'être aussi concis que mon collègue.
    Ma question s'adresse aux représentants du Canadian Publishers' Council et aux représentants du Canadian Educational Resources Council. De toute évidence, l'édition, c'est pratiquement comme la gérance d'un livre, et non pas d'un auteur. Il s'agit de s'assurer qu'il est diffusé, lu, entendu et envoyé dans tous les marchés.
    J'aimerais m'assurer de votre position relativement aux personnes atteintes de déficience perceptuelle telles que les malvoyants et les non-voyants. Quel est le travail fait relativement à la numérisation des livres pour ces personnes?

[Traduction]

    En fait, j'ai siégé pendant cinq ans au conseil fédéral sur l'accès pour les personnes malvoyantes, et notre association a participé activement à des projets pilotes. L'un de ces projets est en cours dans la province de l'Ontario. Six universités, deux collèges communautaires et cinq maisons d'édition y participent, et, avec un peu de chance, toutes les maisons d'édition et tous les établissements de l'Ontario le mettront en oeuvre à l'avenir.
    Nous faisons tout notre possible pour faciliter un accès rapide au contenu aussi bien imprimé que numérique pour l'étudiant. Les plaintes ont toujours porté sur le fait que les intermédiaires disponibles ne fournissaient pas l'information à l'étudiant avant le début des cours et que, parfois, ce dernier n'obtenait le contenu qu'au moment des examens. Nous travaillons à ce problème et, jusqu'à maintenant, nous semblons avoir eu un certain succès. Les étudiants concernés semblent très satisfaits.
    Il est important pour vous de savoir que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle déploie des efforts considérables pour conclure un traité international portant précisément sur cette question. Je joue également un rôle dans cette initiative. Si le Canada ratifiait ce traité, cela ferait évidemment avancer les choses.
    La dernière chose que j'aimerais souligner, c'est l'existence d'un nouveau projet, à savoir le projet TIGAR auquel participera le Canada. Ce projet vise à faciliter les échanges transfrontaliers de fichiers. La circulation transfrontalière de données est un enjeu important lié à la propriété intellectuelle parce que les gens ne veulent pas que leur propriété circule librement. C'est un très grand problème. Il y a des préoccupations concernant les violations, le piratage, etc. Toutefois, si les fichiers sont déjà convertis pour les besoins des étudiants plutôt que ceux du grand public et que les étudiants savent comment utiliser ces dossiers, cela assure une certaine protection.
    Il n'y aura donc pas de problème grâce aux mesures de protection. Les Américains ont participé au projet TIGAR. Le Royaume-Uni y participe, tout comme l'Afrique du Sud, la France et la Belgique. Nous venons de commencer, mais c'est un projet auquel on travaille avec beaucoup d'acharnement.
    Il semblerait y avoir de nombreuses initiatives qui sont menées sous l'égide d'un grand nombre d'organisations, ce qui est malheureux parce que rien ne garantit qu'il y aura convergence. C'est de cela que nous avons véritablement besoin, et le projet TIGAR pourrait être le moyen de l'accomplir.

  (1135)  

    C'est donc cela que disait Mme Hemmings au sujet du bon et du mauvais côté des MPT. Je suppose que vous participez également à ces discussions.
    Bien sûr.
    Monsieur Nordal ou monsieur McIntyre, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?
    Oui.
    Nous venons en aide à un certain nombre d'établissements. Si un étudiant malvoyant veut du matériel, nous le lui fournissons par l'intermédiaire de notre entrepôt, qui est géré centralement. Un grand nombre de nos produits numériques — très peu d'entre eux sont utilisés aujourd'hui — ont bien sûr des composantes audio pour les personnes malentendantes, par exemple, ou malvoyantes. Elles peuvent, en fait, écouter les livres audio qui sont intégrés directement aux textes numériques.
    Le nombre de personnes qui utilisent ces outils est très limité, mais nous avons pris un certain nombre de mesures pour répondre à leurs besoins. Nous avons travaillé avec un certain nombre d'autres organismes. Je pense que la communauté de l'édition scolaire en a fait beaucoup pour aider les personnes malvoyantes et malentendantes.
    J'aimerais seulement ajouter que l'exception relative aux personnes incapables de lire les imprimés est l'exemple classique de ce qu'est une exception parce qu'il s'agit de quelque chose de défini précisément pour un groupe identifiable.
    Monsieur Nantel, vous avez 15 secondes.
    D'accord. Je renonce à ces 15 secondes.
    Merci, monsieur Nantel.
    Monsieur Moore, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Madame Hemmings, je ne sais pas si vous l'avez dit dans votre déclaration d'ouverture, mais je me demandais si vous représentiez également les bibliothèques des facultés de droit.
    Oui.
    D'accord.
    Lorsque je repense à l'époque pas très lointaine à laquelle je passais régulièrement du temps dans la bibliothèque d'une faculté de droit, je me rappelle les mesures de protection qu'il y avait contre la reproduction illicite de documents. Pour utiliser le photocopieur de la bibliothèque, il fallait payer un prix prohibitif par page. Il n'était pas avantageux de photocopier tout un livre.
    Aujourd'hui, nous sommes à l'ère numérique, et, de toute manière, aucun de mes collègues de l'époque n'aurait envisagé de faire une telle chose.
    C'est ça.
    Des voix: Oh, oh!
    Aujourd'hui, à l'ère numérique, il suffit d'un clic de souris.
    Au moment de conclure votre déclaration préliminaire, vous avez utilisé des termes assez forts lorsque vous avez décrit les verrous numériques comme étant à la fois « bons et mauvais ». Je sais que dans votre milieu, à savoir les bibliothèques de droit, vous travaillez avec du matériel très onéreux dont la production exige beaucoup de travail.
    Pourriez-vous décrire le bon et le mauvais côté des verrous numériques tels que vous les concevez?
    Je vais vous parler de cette question en partant du point de vue des bibliothèques des facultés de droit parce que c'est ce milieu que je connais le mieux.
    Actuellement, nous sommes abonnés à une série de livres électroniques canadiens, Essentials of Canadian Law, publié par Irwin Law Inc. Nous achetons les livres imprimés et les classons sur les rayons réservés à cet effet et nous avons également les livres électroniques. Les livres électroniques sont très populaires chez les étudiants parce qu'ils peuvent tous y accéder. Il n'y a pas qu'un seul exemplaire sur le droit contractuel. S'ils doivent faire un travail, ils peuvent aussi y avoir accès, et ce n'est pas un problème. Le problème ou le mauvais côté de la chose entre en jeu lorsque l'on obtient une licence ou lorsqu'on conclut un marché avec un distributeur et que les règles sont si restrictives qu'il n'est même pas possible de répondre aux besoins des utilisateurs.
    Par exemple, j'ai récemment acheté un livre électronique de l'Angleterre. Il est arrivé sur une plate-forme particulière. Je voulais imprimer un chapitre pour un membre du personnel enseignant qui voulait le lire sur papier. Je savais qu'il était permis d'imprimer un seul chapitre. J'ai fait une erreur et j'ai imprimé 20 pages qui n'étaient pas les bonnes. Mon compte a été bloqué. Je ne pouvais plus y avoir accès. Je pouvais consulter le chapitre, mais je ne pouvais pas l'imprimer pour le professeur en question. J'ai dû lui demander de venir à mon bureau pour qu'il puisse le lire à l'écran. C'est le mauvais côté des verrous numériques. Ils peuvent être très efficaces en ce qui concerne la restriction d'utilisation du matériel; toutefois, ils restreignent également ce que nous considérons comme la manière traditionnelle de communiquer dans le milieu universitaire.

  (1140)  

    D'accord.
    À la lumière du commentaire que vous venez de faire, nous pourrions aussi bien dire que ce mauvais côté des verrous électroniques reflète leur efficacité, c'est ça?
    C'est ça.
    C'était un verrou efficace que personne n'aurait réussi à ouvrir. Dans votre cas, il y a eu une erreur. Cela fait partie des défis que nous devons affronter relativement à ces verrous.
    Croyez-vous qu'il s'agisse d'une question de degrés? Croyez-vous qu'il est possible d'apporter des ajustements à ces verrous afin d'assurer la protection du matériel visé par le droit d'auteur tout en garantissant l'accessibilité pour l'acheteur?
    Absolument. Je crois que les MPT permettent à la communauté des bibliothèques de négocier comment elle veut utiliser ce matériel. Par ailleurs, il est important de ne pas oublier que nous sommes habitués aux imprimés. Nous avons été gâtés par les imprimés. Une personne peut emprunter un livre, le ramener à la maison et, comme je l'ai dit, faire 400 copies du tout dernier livre à succès, puis installer un petit kiosque au coin de la rue pour les vendre. Ce n'est pas juste. Ce n'est ni bien ni juste, et probablement pas très rentable pour cette personne.
    Ce que je veux vous dire, c'est que les bibliothèques ne peuvent pas surveiller la manière dont les gens utilisent le matériel qu'ils empruntent. Je pense que c'est notre plus grosse préoccupation.
    Il faudrait répondre dans le temps qu'il reste à M. Moore, qui est cinq secondes.
    Ce n'est pas assez pour moi. Merci.
    Merci, monsieur Moore.
    Nous allons maintenant passer à M. Dionne Labelle, pour cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Pour plusieurs intervenants, l'utilisation équitable d'une oeuvre à seule fin d'éducation semble irriter, et il y aurait un manque de précision quant à ce qui est équitable dans cette situation. Plusieurs observateurs nous ont fait part de craintes relatives à l'application de cet article.
     J'ai fait un petit scénario en essayant d'imaginer les répercussions possibles et qui ne sont pas connues. En fait, il y a plusieurs conséquences liées à cette disposition qui sont inconnues à l'heure actuelle.
    Imaginons donc que je sois un professeur en cinéma à l'université et que j'aie en ma possession un livre numérique que j'ai acheté chez madame, qui analyse les répercussions désastreuses des exceptions au droit d'auteur introduites par les conservateurs. Je décide de fonctionner avec mes étudiants par l'intermédiaire d'un site Web et je mets sur mon site Web trois chapitres de ce livre. Je vais louer au coin de la rue le film Bon Cop, Bad Cop parce que je veux évaluer aussi, dans mon cours, l'importance de la culture québécoise dans l'identité canadienne. Je télécharge ce matériel sur mon site Web à seule fin d'éducation, évidemment. Ensuite, je commande un livre numérique de la bibliothèque et je l'ajoute sur mon site Web. Maintenant, mes étudiants ont accès à tout ce matériel et il me semble que je n'aie commis aucun impair.
    Par contre, dans les deux premiers cas, j'ai porté préjudice au droit commercial des oeuvres. Pensez-vous que ces situations pourraient être possibles? On imagine les pertes encourues, si tous les professeurs commencent à utiliser les technologies numériques. D'après moi, ce projet de loi, en ce qui concerne l'exception, n'est pas assez clair: on ne sait pas ce qui est permis et ce qui ne l'est pas.
    Tout ce que je ferais dans ce cas, serait de l'ordre du numérique et serait permis grâce à l'exception dont il est question, et cela vous causerait un préjudice commercial, n'est-ce pas?
    En outre, il faudrait que je détruise mes notes après 30 jours. En effet, comme j'ai emprunté le matériel à la bibliothèque, après le délai de 30 jours, il faudrait non seulement que je détruise mes notes, mais que mes étudiants fassent de même. Quel scénario incroyable, mais possible!
    Qu'en pensez-vous, madame?

  (1145)  

[Traduction]

    Je suis d'accord. Nous comprenons tout à fait ce que vous voulez dire au sujet de la limite de 30 jours.
    Oui, vous avez raison. Dans les deux premiers cas, vous auriez violé la loi en prenant l'oeuvre dans son intégralité.
    Nous ne nous opposons pas à une utilisation équitable. Un certain nombre d'exceptions pour une utilisation équitable sont déjà prévues par la loi. Tous les Canadiens bénéficient de ces exceptions. Les éditeurs en bénéficient, et les auteurs et les chercheurs aussi. Ce à quoi nous nous opposons, c'est une exception qui est mal définie et non structurée, et nous voulons que cette exception soit plus claire. Nous ne voulons pas nécessairement qu'elle soit supprimée; nous voulons qu'elle soit clarifiée.
    J'ai remis notre proposition d'amendement conjointe au greffier. Je la lui ai donnée en entrant.
    À notre avis, à la lumière du document d'information du gouvernement et de ce qu'affirme la communauté de l'enseignement, à savoir qu'il n'y aura pas, dans les faits, une grande augmentation des utilisations gratuites, une plus grande clarté devrait permettre au gouvernement d'atteindre ses objectifs. La communauté de l'enseignement serait toujours bien servie malgré une définition plus précise de l'exception en question, et le milieu de l'édition — je ne dirais pas que cela réglerait tout — offrirait au moins la possibilité d'accroître la proportion d'ouvrages pédagogiques originaux canadiens et de réduire le nombre d'ouvrages venant des États-Unis et du Royaume-Uni.

[Français]

    Je sais que vous avez souri, M. Nordal, lors de mon exposé, mais ce sont des situations qui pourraient arriver si on ne précise pas plus l'exception relative à l'éducation.

[Traduction]

    Absolument. C'est exactement ce que nous voulons. C'est difficile, et vos intentions sont bonnes. Nous le comprenons. Nous reconnaissons qu'une exception est nécessaire, mais son libellé actuel, à n'en pas douter, donnera lieu à des litiges et à une incertitude continus pour les éditeurs. Nous employons des milliers d'auteurs canadiens. Il faut beaucoup de temps et de talent pour produire un manuel comme celui-ci.
    Ce manuel est entièrement canadien. Je vois qu'il y a une image. J'espère que j'ai eu la permission de l'utiliser. Je l'ai vue là-haut par hasard.
    Des voix: Oh, oh!
    Je l'espère.
    C'est un risque que les gens ne voudront plus prendre, et, dans de nombreux cas, la marge de profit dans un petit marché, où il faut faire concurrence à des gens comme M. Swail, qui est un concurrent de taille... C'est un très petit marché, et nous savons que, si nous n'obtenons pas 50 ou 60 p. 100 du marché prévu, notre entreprise n'est plus viable. Si une portion de ces oeuvres sont détournées et reproduites, c'est un grave problème.
    Merci, monsieur Nordal.
    Merci, monsieur Nantel.
    Nous allons maintenant entendre M. Calandra pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question relative à un processus. Lorsque vous créez un programme, vous ne vous adressez pas aux écoles pour le vendre, n'est-ce pas? Est-ce que vous le vendez aux commissions scolaires ou aux ministères de l'Éducation?
    Cela dépend du projet. Certaines commissions prendront une décision pour toutes leurs écoles. Dans de nombreux cas, nous devons nous adresser à chaque école. Pour ce qui est des programmes personnalisés, auxquels nous travaillons beaucoup, les petites provinces — p. ex. , Terre-Neuve ou l'Île-du-Prince-Édouard — commandent parfois un texte très précis et personnalisé pour un usage limité. Cela peut se faire à l'échelon de la province, de la commission ou de la salle de classe.
    Pour la plupart de nos ouvrages, nous nous adressons à des écoles particulières pour une utilisation dans une classe bien précise.
    Lorsque vous vendez vos ouvrages pour une salle de classe en particulier et que vous rédigez le contrat, n'êtes-vous pas en mesure d'indiquer, dans ces contrats, comment vos ouvrages seront distribués, combien de livres vous produirez, ou s'il s'agit d'ouvrages numériques...? Pouvez-vous simplement m'expliquer pourquoi vous ne pouvez pas protéger vos ouvrages dans les contrats que vous rédigez, par exemple avec une école particulière ou même avec la commission scolaire?
    Bien sûr. Par exemple, l'Ontario établit un programme d'enseignement en sciences. Nous devons décider s'il s'agit d'un projet qui pourrait être rentable pour nous. La science est une matière très onéreuse. Il y a beaucoup de biens numériques, d'images photographiques, etc. Nous pouvons investir tant de centaines de milliers de dollars, tout comme le feront nos concurrents. Dans la province de l'Ontario, la plupart des commissions scolaires permettent à leurs écoles de faire leurs propres achats. Nous nous rendrons à ces écoles, mais, une fois que le matériel est vendu, il appartient littéralement au directeur, à un comité au sein de l'école ou à un enseignant.
    Nous n'avons aucun moyen de contrôler ce qu'il adviendra par la suite. De toute manière, nous n'avons pas intérêt à surveiller ce qui se passe dans la salle de classe — nous n'en avons ni la capacité ni le désir — et même les enseignants les mieux intentionnés feront des copies s'ils sont mal pris et qu'ils n'ont pas suffisamment d'exemplaires pour leurs élèves parce que certains des ouvrages ont été détruits ou perdus.
    La licence offre certaines possibilités à cet égard. Aux termes de la Loi actuelle, jusqu'à 10 p. 100, environ, du contenu de tout ouvrage peut être photocopié en vertu d'une licence. C'est très bien. Comme je l'ai mentionné, en 2009, qui est la dernière année pour laquelle j'ai des statistiques, plus de 300 millions de pages ont été photocopiées pour un usage en salle de classe. Je présume que la plupart de ces pages ont été photocopiées en vertu d'une licence, mais, avec l'exception en question, compte tenu de la manière dont elle est libellée, à mon avis, beaucoup de gens croiront que la licence n'est plus nécessaire, et le nombre de pages photocopiées augmentera de manière considérable. J'ai peur que nous ne recevrons aucune rétribution pour ce genre d'activité, et non, nous ne pouvons rien une fois que le manuel a été vendu et qu'il est utilisé dans une salle de classe.
    Les enseignants ne saisissent pas toujours ce qui constitue une utilisation appropriée. Ce n'est pas une question facile, comme nous le découvrons tous dans le contexte de cet examen des droits d'auteur.

  (1150)  

    Pouvez-vous utiliser la technologie à cette fin? Il y a sans doute une copie numérique de tout ce que vous faites. Les textes ne peuvent-ils pas être accompagnés d'un exemplaire numérique?
    Ils le sont souvent. Nous produisons de plus en plus souvent du matériel hybride. Les ventes de produits numériques de la maternelle à la douzième année, malgré les progrès évidents qui ont été accomplis, sont minimes, et, selon le financement actuel que reçoivent les écoles pour l'acquisition de matériel informatique, l'amélioration de l'infrastructure et la mise à jour des enseignants, le matériel numérique ne deviendra la norme que dans de nombreuses années, et, même alors, je crois que les livres imprimés auront leur place. Je pense qu'ils seront là encore longtemps.
    Le matériel numérique, à lui seul, n'est vraiment pas si utile que cela à moyen terme.
    Je comprends ce que vous dites. J'essaie seulement de comprendre pourquoi chaque exemplaire imprimé ne peut pas... Ne peut-on pas créer un exemplaire numérique? Par exemple, lorsque vous vendez ce matériel, ne peut-il pas être accompagné d'un exemplaire numérique? La production d'un exemplaire numérique ne coûte pas très cher, mais vous pourriez assortir chaque texte imprimé d'un exemplaire numérique de manière à protéger votre ouvrage. Vous vendez l'exemplaire numérique, mais comme par hasard, il est accompagné d'un texte.
    Expliquez-moi cela.
    Nous faisons constamment cela. Nous vendons un livre électronique qui accompagne le texte imprimé. On peut prévenir l'envoi de 300 copies au moyen d'un quelconque mécanisme numérique, mais quel mécanisme empêchera les gens de photocopier la moitié du livre en question? Je ne connais aucun mécanisme capable de prévenir cela, mis à part la loi actuelle, qui interdit de telles choses et que les gens respectent.
    Ce que vous vendez, c'est l'exemplaire numérique, qui est protégé. Alors, si vous vendez votre produit à une école qui compte 300 élèves, elle recevra 300 exemplaires numériques. C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi vous ne pouvez pas protéger...
    Je peux répondre à votre question, en partie, en soulignant que nous ne vendons pas des disquettes ou des cédéroms. Il s'agit plutôt d'un accès au contenu sur le Web, n'est-ce pas? C'est comme cela que les choses se font. Il ne s'agit pas d'une série d'exemplaires.
    Nous avons déjà dépassé la limite de temps.
    Merci beaucoup, monsieur Nordal et monsieur Calandra.
    Passons maintenant à M. Benskin, pour cinq minutes.
    Madame Hemmings, je m'intéresse à la nature archivistique des ouvrages de droit, en particulier, et à l'incidence de l'ère numérique sur vous. J'ai eu le plaisir de présenter un exposé à la Cour suprême la semaine dernière et, dans les pièces qu'ils m'ont montrées, j'ai vu des ouvrages de droit qui dataient des années 1860.
    Que se passe-t-il à l'égard de la numérisation des ouvrages ayant une valeur archivistique? Je suis certain que les nouveaux ouvrages sont produits sous forme électronique de même que sous forme imprimée. Qu'advient-il des anciens?
    J'ai abordé le sujet dans mon exposé lorsque j'ai dit que, aux termes du droit d'auteur de la Couronne, il y a du matériel au sein de la sphère publique qui se trouve de l'autre côté du fossé numérique, si on veut l'appeler ainsi. Il y a des pays, comme le Royaume-Uni, qui mettent en oeuvre des projets de numérisation généralisés. L'Australie fait le même genre de chose. Ils numérisent des myriades de lois et de documents parlementaires du passé qui sont protégés par le droit d'auteur de la Couronne. Il est ensuite possible, bien sûr, d'effectuer des recherches dans ces documents numérisés.
    Vous travaillez avec des documents parlementaires, et vous saisissez donc mieux que quiconque l'importance du progrès dans le domaine de la recherche sur les lois, ainsi que l'importance d'un traité. Un commentaire sur une loi adoptée en 1840 peut parfois être aussi valide aujourd'hui que par le passé.
    Il y a des intérêts commerciaux qui produisent ce genre de choses à grande échelle, et les bibliothèques sont très heureuses d'en débourser les frais. C'est ce genre de matériel — une portion particulière d'un livre — qu'une bibliothèque de droit universitaire qui en a les moyens prêtera à un pauvre membre de l'ACBD. Il peut s'agir d'un barreau ou d'un palais de justice. C'est le genre de choses dont nous parlons et qui se passe.
    En ce qui concerne le Canada, nous ne procédons pas assez rapidement à la numérisation de nos archives.

  (1155)  

    Merci.
    J'aimerais passer à mes questions pour nos deux représentants de sociétés qui délivrent des licences. On a entendu, à quelques reprises que l'avenir était très inquiétant, que nous allons tous disparaître... et ce genre de choses. Si j'ai bien compris, ce que vous voulez, c'est plus de clarté pour que vous puissiez continuer de faire votre travail et effectuer la transition nécessaire. Les représentants d'Audio Ciné et de Criterion, sociétés qui ont investi des sommes considérables dans la numérisation de leurs oeuvres, sont venus nous parler.
    Pour votre part, ce que vous recherchez, c'est une clarification de l'exception ou de la notion d'utilisation équitable à l'égard du domaine de l'enseignement. Est-ce que c'est cela?
    Oui. C'est exact. À l'heure actuelle, les définitions peuvent donner lieu à beaucoup trop d'interprétations différentes. Aujourd'hui même, littéralement, certains de nos clients résilient leurs contrats de licence existants parce qu'ils croient que, avec l'adoption du projet de loi C-11, tout ce matériel sera gratuit. Ils se demandent pourquoi ils se donneraient la peine de signer un contrat de licence. Cela se passe aujourd'hui même.
    Nous avons entendu la même chose des représentants de Criterion et d'Audio Ciné. Ils ont perdu un nombre considérable de contrats à cause de cela.
    Dans le domaine de l'enseignement supérieur, il y a eu plus de 30 universités et collèges qui ont résilié leur contrat. Il y en a eu 30. Les deux universités qui ont récemment signé un contrat de licence — l'Université de Toronto et l'Université de Western Ontario — font l'objet de critiques virulentes dans les médias. Ces derniers leur demandent s'ils comprennent que le projet de loi C-11 facilitera l'accès à ce contenu et le rendra moins onéreux. C'est pourquoi je m'offusque lorsqu'on laisse entendre que le projet de loi n'aura aucune répercussion sur notre marché. Il en a déjà, aujourd'hui même.
    Quelle serait la solution en ce qui concerne la clarté, à votre avis?
    Ce que nous devons faire, c'est de...
    Permettez-moi de vous aider. Nous avons demandé un amendement bien précis. Vous en avez le libellé, et, aux termes de ce dernier, si une utilisation a un effet négatif sur le marché, il ne s'agit pas d'une utilisation équitable. C'est cet aspect qui porte à confusion.
    Je vais laisser Jackie vous donner une meilleure réponse...
    Ça va.
    ... mais les notions d'utilisation équitable et d'utilisation libre sont deux choses entièrement différentes.
    La question que je veux vous poser est la suivante: comment peut-on le savoir à l'avance?
    Comment peut-on...?
    Comment peut-on savoir si une utilisation aura un effet négatif?
    Nous partons du postulat selon lequel les gens reconnaîtront une utilisation inéquitable. S'il existe une exception dans la Loi sur le droit d'auteur, à savoir une exception existante, alors il faut se servir de cette exception. On ne peut pas utiliser cette exception, puis, par défaut, réclamer une utilisation équitable pour que d'autres exceptions s'appliquent. Nous devons utiliser l'exception qui porte sur nos ouvrages.
    Merci, madame Hushion.
    Je suis désolé, monsieur Benskin. Nous n'avons plus de temps.
    C'est mesurable.
    Passons maintenant à M. Lake pour les cinq dernières minutes.
    Monsieur Lake.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, j'aimerais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Swail et à M. Nordal.
    En ce qui concerne l'arrêt CCH concernant les six facteurs, la Cour suprême s'est-elle trompée?
    Je vais laisser M. Nordal intervenir, mais je pense que l'arrêt CCH portait sur une affaire très précise concernant un type de contenu très précis et que l'éditeur a joué un rôle très spécifique dans cette affaire.
    Ce qui nous préoccupe au sujet de l'affaire CCH, c'est que la primauté du marché n'a pas été reconnue. En fait, dans l'arrêt, il est assez clairement énoncé que le caractère « équitable » ne dépend pas vraiment des répercussions commerciales sur l'ouvrage. À notre avis, cela va à l'encontre de la notion de droit d'auteur: comment une utilisation peut-elle être équitable si elle nuit au succès commercial de l'ouvrage? Nous ne comprenons pas du tout cela.
    C'est pourquoi nous croyons que l'arrêt CCH n'accorde pas la priorité au marché.
    Avant de passer à M. Nordal, je voulais vous demander de clarifier quelque chose. Vous avez dit que, selon la Cour, le caractère « équitable » de l'utilisation ne dépend pas de la valeur de l'ouvrage?
    Selon la Cour, l'utilisation pouvait nuire au succès commercial d'un ouvrage et l'on pouvait tout de même conclure qu'elle était équitable.
    À notre avis...

  (1200)  

    Aux termes des six facteurs, il faut se demander si la reproduction de l'oeuvre aura un effet sur la commercialisation de l'ouvrage original. L'extrait est le suivant:
Même si l’effet de l’utilisation sur le marché est un facteur important, ce n’est ni le seul ni le plus important.
    Précisément.
    La cour n'a pas dit qu'il ne s'agissait pas d'un facteur.
    Toutefois, à notre avis, il s'agit du facteur le plus important. Notre amendement vise, en fait, à apporter ce changement.
    Pour ce qui est de l'exemple que M. Nordal, je crois, a donné relativement à un enseignant qui photographierait la moitié d'un livre pour la distribuer à toute sa classe, il me semble qu'au moins cinq des six facteurs que je lis ici s'appliquent. Maintenant, la nature de l'utilisation est liée au nombre de copies. C'est le premier facteur qui s'applique. Il faut également prendre en considération l'ampleur de l'utilisation et l'importance de l'oeuvre qui aurait fait l'objet d'une reproduction illicite. L'ampleur de l'utilisation est donc également un facteur qui s'applique.
    En ce qui concerne les solutions de rechange, il faut déterminer s'il existe un équivalent non protégé de l'oeuvre. Eh bien, il n'y en a pas. Ce facteur n'entrerait donc pas en ligne de compte. À l'égard de la nature de l'oeuvre, si cette dernière n'a pas été publiée, son utilisation sera davantage susceptible d'être équitable. Or, elle a été publiée, et il faut donc tenir compte de l'effet de l'utilisation sur l'oeuvre. Il y a donc cinq des six facteurs qui entrent en jeu.
    Il semblerait que M. Swail souhaiterait que soient éliminés quatre des cinq facteurs qui s'appliquent et qu'on ne tienne compte que d'un seul de ces derniers.
    Si le projet de loi C-11 est adopté sans amendement, les gens s'appuieront sur cela en tant qu'exception.
    Cela portera à confusion. Ce n'est déjà pas très clair, comme je l'ai mentionné aujourd'hui.
    En ce qui concerne l'arrêt CCH, la Commission du droit d'auteur et la Cour d'appel fédérale ont toutes deux affirmé que le fait de faire de multiples copies pour une utilisation en salle de classe n'est pas équitable. L'affaire a été renvoyée à la Cour suprême. L'affaire est en litige depuis huit ans.
    Certains diront que huit ans, ce n'est rien. Eh bien, à l'ère numérique et à la lumière des sommes considérables qui ont été investies, huit ans, c'est toute une vie. C'est énormément de contenu qui risque de ne pas être financé. C'est beaucoup d'investissements. De nombreux auteurs se demanderont si, en fait, ils devraient se donner la peine de produire des oeuvres.
    Même depuis l'arrêt CCH, la Cour d'appel fédérale rend toujours des décisions sur ce qui est équitable. La question est toujours en suspens, malgré CCH. Nous ne savons pas ce qu'il en adviendra. Si vous établissez une exception pour les utilisations équitables aux fins d'éducation, pour moi, il s'agit d'une invitation. Des dizaines de milliers d'enseignants se diront: « Je suppose que c'est accepté maintenant. »
    Encore une fois, nous avons déjà...
    Mais les tribunaux ont affirmé que ce ne l'est pas.
    Ah oui?
    Oui. Si l'on tient compte des six facteurs, la Cour a affirmé qu'une telle utilisation n'est toujours pas acceptée.
    La Cour suprême instruit encore une fois une affaire liée à l'éducation.
    De nouvelles causes sont toujours instruites. Cela permet de clarifier les choses davantage. À mon avis, ce processus s'inscrit dans l'application régulière de la loi.
    À l'examen des six facteurs, il est clair que les nombreux exemples qui sont fournis au comité ne sont pas, en fait, des exemples d'utilisations équitables.
    Cela n'est qu'une maigre consolation. Ce n'est pas, en tout cas, aussi rassurant que ce qui se passe dans des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, qui sont souvent cités en exemple. Pourquoi est-ce que ce serait un problème? Encore une fois, si cela ne pose pas problème au secteur de l'éducation, comme ses représentants l'ont dit à de nombreuses reprises, nous souhaiterions que le libellé le reflète.
    Ils ont affirmé que cela ne leur pose pas problème; par conséquent, ratifions ce principe dans la loi.
    Si vous croyez que la primauté du marché est importante pour l'industrie et doit être reconnue, intégrez ce principe dans la loi. Nous aimerions voir le gouvernement adopter cette disposition. Nous voulons...
    Mais ce n'est pas comme ça que fonctionne l'utilisation équitable.
    Mais nous ne...
    Nous n'avons plus de temps. Veuillez conclure, s'il vous plaît.
    Nous ne voulons pas que cela repose entre les mains du système judiciaire. Nous voulons que nos législateurs s'en chargent.
    C'est bien.
    Merci, madame Hushion et monsieur Lake.
    J'aimerais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Les membres du comité pourraient-ils me donner 30 secondes de leur temps?
    Merci, encore une fois, de vos exposés. Vos témoignages sont très importants pour le comité.
    Chers collègues, nous allons voter demain à 17 h 30. Nous devions recevoir deux groupes de témoins, le premier de 15 h 30 à 17 heures, et le deuxième, de 17 heures à 18 h 30. Grâce au merveilleux travail de notre greffière, nous allons accueillir les quatre témoins en même temps de 15 h 30 à 17 h 30.
    Par ailleurs, je voudrais vous rappeler que la réunion aura lieu sur Wellington. Lorsque la cloche sonnera à 17 h 30, nous aurons donc 30 minutes pour nous rendre de Wellington à la Chambre des communes.
    Sur ce, la séance est levée. Merci.
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