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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 012 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Merci et bonjour à tous et à toutes. Bienvenue à la douxième séance du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre étude des préoccupations en matière de sûreté et de sécurité aériennes.
    Nous recevons ce matin des représentants de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous accueillons Mme Jennifer Lynch, présidente; M. Charles Théroux, directeur; et Mme Monette Maillet, directrice.
    Merci et bienvenue parmi nous.
    Je sais que vous connaissez la procédure, alors commençons par une déclaration, puis nous passerons directement aux questions.
    Je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée de collaborer à l'étude du comité sur la sûreté et la sécurité aériennes.
    Comme le président l'a mentionné, les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui sont M. Charles Théroux, notre directeur de la recherche, et Mme Monette Maillet, notre directrice des politiques.

[Français]

    La contribution la plus utile que nous pouvons faire en comparaissant devant vous est de vous présenter notre point de vue sur les aspects des droits de la personne à prendre en compte au moment d'élaborer et d'intégrer des mesures et des outils, tel que le profilage, pour assurer la sécurité nationale.
    Le terrorisme et d'autres menaces compromettent notre droit fondamental à la vie et à la sécurité de notre personne. Dans une société libre et démocratique, la protection de la population doit être primordiale.

[Traduction]

    La Commission canadienne des droits de la personne reconnaît que la sauvegarde de la sécurité nationale est une fonction essentielle du gouvernement. Elle reconnaît également l'expertise des agences de sécurité dans l'élaboration de mesures et d'outils destinés à cette fin.
    Lorsqu'il est question de sécurité nationale et de droits de la personne, on avance souvent qu'il faut renoncer à l'un pour avoir l'autre. Je suis venue vous dire aujourd'hui que la commission est d'avis que les deux peuvent, et doivent, coexister.

[Français]

    Le mandat de la Commission canadienne des droits de la personne vise tous les employeurs et fournisseurs de services sous réglementation fédérale, y compris le secteur des transports et les services frontaliers. La Loi canadienne sur les droits de la personne interdit la discrimination en emploi et dans la prestation des services suivant onze motifs de distinction illicite. La race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique, la religion et la déficience en font partie.
    Dans le contexte de la sécurité nationale, la commission aurait compétence pour intervenir si on alléguait qu'une mesure de sécurité nationale introduit une discrimination fondée sur un ou plusieurs de ces motifs.

[Traduction]

    C'est que l'application de mesures de sécurité nationale, tel le contrôle des passagers aériens, répond à la définition de « service » et relève donc de notre mandat. Selon l'article 5 de notre loi, c'est un acte discriminatoire pour un fournisseur de services d'en priver un individu ou de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture. Cependant, une mesure qui introduirait une discrimination fondée sur un motif de distinction illicite ne serait pas nécessairement rejetée. Il s'agit de déterminer si la mesure est justifiable ou non.
    L'exception est prévue à l'alinéa 15(1)g): ne constitue pas un acte discriminatoire le fait qu'un fournisseur de services « en prive un individu ou le défavorise lors de leur fourniture pour un motif de distinction illicite, s'il a un motif justifiable de le faire ».
    La jurisprudence relative aux droits de la personne nous fournit des balises pour déterminer si une mesure discriminatoire peut être justifiée. L'analyse engloberait les critères suivants: premièrement, jusqu'à quel point la mesure est nécessaire; deuxièmement, s'il y a des moyens moins discriminatoires d'atteindre le même objectif; troisièmement, l'efficacité de la mesure; quatrièmement, jusqu'à quel point l'atteinte aux droits de la personne excède les avantages découlant de la mesure.
    Qu'en est-il maintenant du profilage? Lorsque les profils sont bien faits et utilisés à bon escient, le profilage pourrait contribuer à réduire le nombre d'individus qui feront l'objet d'un filtrage plus poussé. Le profilage en tant que mesure de sécurité nationale, comme le filtrage dans les aéroports, soulève des questions de droits de la personne lorsque les caractéristiques et les comportements énumérés dans un profil sont associés à un ou plusieurs motifs de distinction illicite. Par exemple, le fait de filtrer les personnes qui paient comptant pour un billet aller seulement et qui n'ont pas enregistré de bagages n'est pas associé à un ou plusieurs des motifs de distinction illicite mentionnés dans la loi. Par contre, le fait de cibler des personnes en fonction de leur race ou de leur origine ethnique contreviendrait à la loi.

[Français]

    Comme son mandat lui demande de développer et de faire avancer les connaissances sur les droits de la personne, la commission a lancé un programme de recherche sur la sécurité nationale et les droits de la personne dans le contexte de l'après-11 septembre. Vous avez devant vous l'un des rapports que nous avons publiés sous le titre Efficacité du profilage dans le contexte de la sécurité nationale. Ce rapport présente une analyse documentaire d'études menées sur le profilage. Il fait état d'un manque généralisé de rigueur scientifique dans la plupart des études analysées. Les auteurs recommandent donc que d'autres recherches soient menées sur le recours au profilage et qu'elles s'appuient sur une méthode rigoureuse de production et de validation des résultats qui comporte un volet d'évaluation sérieux.

[Traduction]

    Le rapport mentionne également les difficultés à surmonter pour un organisme qui veut mettre au point un profil fondé sur des données scientifiques lorsque la fréquence des événements est très faible, comme c'est le cas pour les attaques terroristes. Je dois insister sur le fait que, selon les études, rien ne prouve l'efficacité du profilage lorsque le premier critère est la race ou l'origine ethnique.
    Je suis donc venue vous parler principalement de l'utilisation du profilage en tant qu'outil de protection de la sécurité nationale. Un tel profilage respecterait les principes de protection des droits de la personne seulement si les critères utilisés dans le profil s'appuient sur des besoins, des preuves ou des renseignements manifestes et que leur efficacité est documentée.
     En ce moment, seulement quelques organismes de sécurité et d'application de la loi recueillent des données sur les décisions discrétionnaires de leur personnel de première ligne. Bon nombre de nos intervenants s'inquiètent du risque que ces employés s'en remettent à des stéréotypes et à des préjugés, lorsqu'ils doivent prendre une décision, s'ils ne disposent pas de profils fondés sur les renseignements ou les preuves scientifiques. Sans la collecte de données pertinentes fondées sur les droits de la personne, les cadres de direction pourront difficilement déterminer s'ils se produit des cas de profilage abusif et d'y remédier le cas échéant. Par conséquent, la collecte de données devrait faire partie des points à considérer dès l'étape de la conception.
    La Commission canadienne des droits de la personne restera prête à offrir son soutien et ses compétences, comme elle l'a fait par le passé, aux organismes qui doivent concevoir des outils et des mesures de sécurité.
    En terminant, je voudrais ajouter quelques mots sur l'importance de consulter les personnes ayant une déficience pour veiller à ce que leurs droits soient pris en compte au moment de préparer des politiques, des programmes et des structures en matière de transports. Par exemple, des intervenants s'inquiètent du fait que des avions ont été conçus sans que l'on tienne compte de la largeur d'un fauteuil roulant pour les portes de la cabine, et que les nouveaux scanneurs corporels ne sont pas adaptés pour certaines personnes handicapées, ce qui les prive des options offertes aux autres passagers. À ce point dans notre histoire, alors que le Canada vient de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l'ONU, j'invite tout le monde à appliquer les principes de cette convention au quotidien.
    Je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (0910)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Volpe.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous, madame Lynch, et à vos collègues de prendre le temps de venir nous voir aujourd'hui.
    Madame Lynch, permettez-moi de m'exprimer en tant que simple Canadien. Oubliez le fait que je suis un député, si ce n'est que cela me donne le privilège de poser des questions.
    Je crois que la plupart des gens regardent la situation et se disent, vous savez, voici quelqu'un des droits de la personne qui nous dira s'il y a eu violation des droits de la personne dans le cadre de l'application de mesures qui sont conçues pour nous protéger: ne devrait-elle pas être une spécialiste de l'application de ces mesures avant de donner son opinion sur le fait que nos droits ont été violés ou pourraient l'être?
    Le rôle de la commission dans ce cas-ci, lorsqu'on parle de quelqu'un qui a présenté une plainte, consiste à étudier cette plainte pour déterminer s'il y a lieu de procéder à une enquête plus approfondie et si la plainte relève de notre compétence. En conséquence, si elle relève de notre compétence et qu'il est justifié de procéder à une enquête plus approfondie, nous soumettons l'affaire au tribunal, qui est un organisme indépendant, à des fins d'audience si l'affaire ne se règle pas ou que la plainte n'est pas retirée.
    Maintenant, nous sommes des spécialistes de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du fait de déterminer s'il y a eu distinction défavorable menant à une discrimination au cas par cas.
    Ce que nous faisons maintenant — nous le faisons depuis les événements du 11 septembre —, c'est de travailler avec les diverses communautés concernées pour les aider à mieux connaître les aspects touchant les droits de la personne dans le travail qu'elles font relativement à l'élaboration de programmes, de politiques et de structures, et pour les sensibiliser à ces aspects.
    Mais, madame Lynch, ne seriez-vous pas d'accord avec moi pour dire que même si vous examinez les atteintes à la loi au cas par cas, la riposte du gouvernement à tout cela serait que la sécurité nationale et la sécurité de tout le monde ne se fait pas au cas par cas? C'est vraiment ce que le terme « national » indique, à savoir que nous avons un besoin collectif d'adopter cette mesure particulière.
    Je crois que vous avez mentionné, ou du moins que vous y avez fait allusion, que les droits de la personne ou les droits individuels sont secondaires aux besoins collectifs.
    Alors, que répondez-vous à cela lorsque le gouvernement dit: « Nous devons le faire pour des raisons de sécurité nationale »?

  (0915)  

    Comme je l'ai dit dans ma déclaration, les deux peuvent être compatibles et ils doivent être considérés comme compatibles. Autrement dit, nous devons trouver des façons de nous occuper des besoins collectifs tout en respectant les droits individuels également.
    Comme je l'ai dit, l'article 15 de notre loi prévoit qu'un acte discriminatoire peut être justifié. Cela étant dit, toutefois, il y a certaines exigences qui doivent être satisfaites avant que le tribunal détermine qu'il y a justification.
    Mais le gouvernement dit que le grand public s'attend à voyager en sécurité et efficacement, et c'est le grand public qui décide; tout ce que nous sommes, c'est l'interprète de la décision du grand public; la décision collective est la sécurité et la sûreté d'abord; nous n'avons pas besoin de passer du temps à nous demander si les deux peuvent cohabiter dans le même échéancier.
    Et par là je veux dire les droits individuels par rapport aux droits collectifs.
    Il est évident que la sécurité nationale vient au premier plan. Cependant, je crois que nous travaillons peut-être à ce concept d'une manière différente. Je parle...
    Je ne suis qu'un agent provocateur, c'est tout. Je figure déjà au compte rendu comme quelqu'un qui ne croit pas le gouvernement, mais je veux simplement entendre votre réaction.
    Ce que je vous exprime, ce sont nos préoccupations concernant le profilage racial. Je ne vous parle pas de sécurité nationale, mais plutôt de la façon dont nous pouvons nous mobiliser et avoir efficacement une nation sécuritaire, tout en ne faisant pas preuve de discrimination à moins qu'il ne soit justifié de le faire.
    C'est impossible, vraiment, de répondre globalement à votre question...
    Il n'est jamais possible de dire que vous pouvez faire de la discrimination. Vous ne le pouvez pas. Vous ne le pouvez jamais. Vous ne pouvez jamais justifier la discrimination. Vous mettez tous les innocents dans le même bateau que les coupables, mais qui partagent vos mêmes caractéristiques. C'est la plus grande injustice.
    Alors je trouve simplement un peu troublant que quelqu'un de la Commission canadienne des droits de la personne dise en réalité qu'il existe un moment où les droits individuels et les droits collectifs cohabitent, comme l'ont exprimé ceux qui exercent le pouvoir et l'autorité.
    Je trouve cela tout simplement scandaleux, point.
    Je pense à ces personnes — notre pays est diversifié — qui ne me ressemblent pas, qui ont peut-être une texture de peau différente, qui s'habillent peut-être différemment. Plus vous voyez de gens qui correspondent au profil, plus vous êtes susceptible de dire que dans leur cas, il est justifié pour nous d'être aussi durs avec eux que nous le sommes.
    Je trouve cela tout simplement difficile à comprendre.
    Eh bien, je suis désolée que vous soyez scandalisé, monsieur, parce que notre autorité découle de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui exige que nous nous penchions sur la justification.
    Également, la partie 1 de la charte garantie les droits et libertés qui ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer. Nous avons la charte et la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui prévoient que dans certains cas, la discrimination peut être justifiée.
    Merci.
    Je dois céder la parole à M. Laframboise.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Lynch. Je suis heureux que vous veniez nous parler de profilage, aujourd'hui. La semaine dernière, je vous avouerai que j'ai eu tout un choc. Devant notre comité, on avait un des responsables de la sécurité en Israël. Bien ouvertement, candidement, il nous a dit qu'ils faisaient du profilage corporel et du profilage de comportement. Il nous a dit que pour eux, les scanneurs ne servent à rien. C'est le message qu'il nous a livré. Pour nous, le scanneur corporel s'inscrit dans un processus de choix pour la personne, soit de se soumettre au scanneur corporel ou à la fouille. Ils sont à un niveau complètement différent du nôtre et c'est probablement le pays qui a le meilleur système au monde.
    Lorsque vous parlez de profilage, vous nous dites que, s'il y a profilage, cela doit respecter des règles. Il doit y avoir des preuves. Le profilage doit s'appuyer sur des besoins, des preuves, des renseignements manifestes et il faut que son efficacité soit documentée. Les Israéliens craignent les explosifs et, pour les découvrir, ils n'ont pas trouvé de meilleure méthode que les chiens. C'est la réalité. Ainsi, ils font du profilage de comportement et ils ciblent les personnes. Ensuite, on y va avec les agents, les chiens, etc. C'est la méthode la plus efficace.
    Ici, une telle situation serait-elle pensable ici ou pas du tout?

  (0920)  

[Traduction]

    Monsieur, vous avez fait référence au profilage de comportement effectué par les Israéliens. Le profilage de comportement n'est pas l'un des motifs de distinction illicite prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Donc, une affaire comme celle-là ne se retrouverait pas devant le tribunal à des fins d'audience.
    Vous avez également mentionné que les Israéliens ne soutiennent pas l'utilisation de scanneurs. Avec tout le respect que je vous dois, nous ne sommes pas ici en tant que spécialistes de la façon dont l'ACSTA devrait faire son travail.

[Français]

    Je donnais comme exemple que nous, du point de vue du respect des droits, on a choisi le scanneur corporel avec la possibilité pour la personne de choisir entre la fouille ou l'utilisation du scanneur corporel. On l'a fait par respect pour les droits et libertés. Ainsi, les personnes peuvent choisir de se soumettre au scanneur ou à la fouille. De toute façon, il faut procéder à ça.
    Ce sont des technologies qui ne sont pas efficaces pour leurs besoins. Vous dites que le profilage corporel pourrait être utilisé. On pourrait très bien former tous nos agents de sécurité ou offrir une formation très intégrée pour pouvoir identifier d'instinct les gens ayant un comportement problématique. C'est ce que vous nous dites. Ce serait permis par les lois qu'on a au Canada. Est-ce exact?

[Traduction]

    Ce que je suis en train de dire, c'est que le type de profilage comportemental dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire — acheter un billet aller simple, payer en liquide, ne pas faire enregistrer ses bagages, etc., ou la manière dont une personne agit, dans le cas d'une fugue, par exemple, à l'aéroport — ne s'appuie pas sur l'un des motifs de distinction illicite de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par conséquent, nous ne jugerions pas cela discriminatoire si une personne était soumise à un deuxième contrôle parce qu'elle est en fugue ou qu'elle a acheté un aller simple.
    Pour clarifier les choses, la commission a demandé à un chercheur — un consultant — d'examiner l'ensemble de la documentation existante et de nous fournir un rapport à ce sujet. C'est sur ce rapport que je m'appuie lorsque je vous parle des diverses préoccupations qui ont été soulevées.
    En ce qui concerne le profilage racial ou ethnique — en d'autres mots, faire l'objet d'un deuxième contrôle en raison de son origine ethnique —, l'examen de la documentation a fait ressortir un manque de rigueur scientifique dans les études réalisées jusqu'à maintenant sur le profilage en général et a démontré que le soutien scientifique envers le profilage était très faible, surtout lorsqu'il s'agit d'incidents peu fréquents, comme les attaques terroristes, les fusillades dans les écoles, etc.

  (0925)  

[Français]

    Combien de plaintes avez-vous reçu? Vous recevez les plaintes des citoyens. Vous pouvez seulement me donner une échelle de grandeur.

[Traduction]

    Nous recevons les plaintes des particuliers. Je ne sais pas si nous avons avec nous le nombre de plaintes que nous avons reçues...
    Oui, nous avons ce chiffre: nous avons reçu 12 plaintes au cours des dernières années concernant le profilage racial.
    Il y a actuellement deux plaintes devant le Tribunal canadien des droits de la personne qui touchent la question du profilage. L'un de ces cas est celui d'une femme autochtone qui a été inspectée à la frontière et qui estime avoir été choisie en raison de son origine ethnique, de son âge et de son sexe. L'autre cas est celui d'un homme qui s'est fait refuser, en 2004, le droit de monter à bord d'un avion d'Air Canada qui devait l'amener de Vancouver à Victoria parce que son nom aurait figuré sur une liste de sécurité. Le tribunal est actuellement saisi de ces deux cas.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Bevington, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Lynch, ainsi que vos collègues.
    Je m'intéresse aussi à certaines des choses dont les Israéliens ont parlé. Vous laissez entendre qu'un profilage adéquatement réalisé pourrait réduire le nombre de personnes choisies pour faire l'objet d'un contrôle plus approfondi. Cependant, les Israéliens sélectionnent plutôt un certain nombre de personnes qui n'ont pas besoin de faire l'objet d'un contrôle puisqu'ils ont des cartes de voyageurs dignes de confiance. Ils ont répertorié environ 50 p. 100 des voyageurs au moyen d'un processus automatisé et d'une série de questions préétablies. La machine détermine s'il est approprié qu'une personne obtienne la carte de voyageur digne de confiance.
    Croyez-vous que ce système serait facile à surveiller en ce qui a trait à la question des droits de la personne? D'ailleurs, vous avez le choix de passer ou non par la machine pour obtenir une carte de voyageur digne de confiance. Quelle incidence cela aurait-il sur les droits de la personne dans le cas des voyageurs?
    Nous accueillerions bien entendu avec grand plaisir la possibilité de collaborer dès le départ avec une agence de sécurité qui tenterait d'élaborer une technique de contrôle. En participant dès le départ à ce processus, nous serions en effet en mesure de fournir une orientation à savoir si oui ou non — pour utiliser votre exemple — les questions demandées pourraient entraîner de la discrimination.
    Mais si les gens peuvent choisir de passer ou non par la machine pour obtenir une carte de voyageur digne de confiance, cela ne change-t-il essentiellement pas la nature du problème des droits de la personne?
    Ce cas étant fictif, nous ne savons pas quelles questions seraient posées. Que se passerait-il si ces questions étaient liées à l'un de nos onze motifs de discrimination? Espérons que ce ne serait pas le cas.
    D'accord. Alors dans la mesure où elles ne sont pas... et c'est ce qui devrait se passer avec ces questions. Elles devraient être vérifiées pour garantir cela.
    Je ne pense pas que nous voulions nous lancer à nouveau dans le profilage, parce que je crois que nous avons fait cette expérience lors de la Deuxième Guerre mondiale. Nous devons encore nous excuser des immenses désagréments et de l'injustice subis par beaucoup de gens. Nous avons connu cette expérience du profilage au Canada, et nous pouvons affirmer que ce n'est pas ce que nous voulons faire.
    Est-ce que...?

  (0930)  

    En ce qui concerne le profilage racial, c'est exact; les autres types de profilage — par exemple, comme je l'ai dit, le profilage comportemental — ne devraient pas enfreindre la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Eh bien, jusqu'où peut-on aller, avec le profilage comportemental, avant qu'il ne devienne ethnique ou racial?
    Ici encore, nous devons examiner cela cas par cas.
    Oui, d'accord, mais en ce qui concerne la manière de procéder, n'est-il pas probable que le fait de permettre aux gens qui ont choisi d'être accrédités d'éviter le processus de contrôle risquerait moins de soulever des problèmes de droits de la personne que le profilage comportemental?
    Je crois que le profilage comportemental ne devrait pas rencontrer de problèmes de discrimination. Contrairement au profilage racial. Et...
    Si quelqu'un ne regarde pas les autres personnes dans les yeux parce que ce comportement est jugé inapproprié dans son pays, et que cet aspect fait partie du profilage comportemental, ne croyez-vous pas qu'un problème se pose?
    Il pourrait certainement y avoir un problème. C'est pourquoi il est difficile de faire des affirmations générales, et je suis réticente à faire ce type d'affirmation.
    Cependant, ce que nous... et je suis entièrement d'accord avec vous; nous ne voulons pas voir de profilage racial, et ce type de profilage n'a aucun fondement scientifique.
    Vous n'aimez pas faire d'affirmations générales, mais vous dites ici: « Le terrorisme et d'autres menaces compromettent notre droit fondamental à la vie et à la sécurité de notre personne ».
    Cela doit s'appuyer sur une certaine évaluation des risques, n'est-ce pas?
    De nombreuses choses compromettent fondamentalement notre vie et notre sécurité, mais nous ne les entourons pas de boîtes parce qu'elles ne sont pas si importantes que ça.
    N'est-il pas fondamentalement nécessaire d'évaluer les risques dans toute cette question des droits de la personne? Ne devez-vous pas, pour déterminer si une question a réellement des répercussions sur les droits de la personne, examiner l'évaluation des risques de cet acte?
    Il y a eu deux attentats à la bombe dans des avions canadiens depuis ma naissance. L'un de ces attentas était l'acte d'un groupe terroriste; l'autre avait été commis par intérêt personnel. Toutefois, nous n'établissons pas le profil des gens en fonction de leurs intérêts personnels lorsqu'ils montent à bord de l'avion, n'est-ce pas? Faisons-nous ces choix?
    J'essaie de comprendre comment nous en sommes venus à ce que la sécurité occupe une place si grande dans nos vies sans que les risques fassent l'objet d'une évaluation minutieuse et appropriée.
    Je suis bien entendu d'accord avec vous, monsieur, sur le fait que l'évaluation des risques s'applique à la sécurité nationale. On ne parle pas de risques lorsqu'il s'agit des droits de la personne.
    En ce qui concerne mes affirmations générales, ce que je dis, c'est que je rechigne à faire des affirmations générales sur des questions qui pourraient aboutir devant la Commission canadienne des droits de la personne et qui pourraient exiger que nous prenions une décision en nous appuyant sur un ensemble précis de faits.
    Je ne peux comparaître devant un comité parlementaire et faire des déclarations catégoriques qui pourraient être utilisées plus tard pour laisser entendre que nous avons une certaine inclination d'un côté ou de l'autre. Nous devons examiner chaque cas en fonction des faits.
    D'un autre côté, la Loi canadienne sur les droits de la personne comporte un article presque poétique qui précise que cette loi a pour objet de donner effet au droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement, et ce, sans discrimination. C'est bien entendu ce qui nous inspire chaque jour, moi et mes collègues.
    À cette fin, là où notre vaste mandat nous permet d'anticiper les problèmes, de nous asseoir avec les organisations qui participent à l'élaboration de structures et mesures de sécurité, par exemple, et de les sensibiliser d'emblée aux questions qu'ils posent, aux méthodes et aux structures qu'ils élaborent, comme je l'ai mentionné, il y aura convergence, les plaintes seront moins nombreuses, et les gens pourront s'épanouir pleinement sans qu'il y ait de discrimination.
    Merci.
    Monsieur Watson.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi les témoins qui comparaissent aujourd'hui.
    Nous réalisons une étude sur la sûreté et la sécurité aériennes. J'ai apprécié votre déclaration préliminaire et le fait que vous reconnaissez que certaines menaces planent sur notre sécurité nationale. Je pense qu'une déclaration comme celle-là va un peu de soi.
    Plus tard au cours de votre intervention vous avez dit que la sécurité et les droits peuvent tous deux être respectés. En ce qui concerne la sûreté aérienne, ce qui est difficile, c'est qu'il faut améliorer notre productivité sans négliger la sécurité et le respect de la charte. J'ai quelques questions à vous poser à cet égard et j'aimerais approfondir certains points dont vous avez parlé.
    Je veux commencer avec la question de l'analyse comportementale. Permettez-moi d'examiner dans quel contexte il serait possible, par exemple, que ce type d'analyse donne lieu à une discrimination justifiable.
    Si une agence de sécurité possède des renseignements crédibles concernant une menace précise qui pourrait toucher un pays d'origine...
    Désolé, je suis en train d'embrouiller ma question. Je vais mettre l'analyse comportementale de côté. Permettez-moi d'examiner un cas où une discrimination fondée sur l'un des motifs de distinction deviendrait justifiable.
    Si un élément de preuve crédible devait toucher un pays d'origine ainsi qu'un certain groupe de ce pays, cela pourrait-il constituer une discrimination justifiable en ce qui a trait à la sécurité?
    Oui ou non... ou pouvez-vous approfondir quelque peu cette question avec moi? Je veux simplement savoir comment un tel cas serait abordé en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

  (0935)  

    D'accord. Eh bien, lors de l'élaboration d'une mesure ayant des répercussions discriminatoires, il incombe à l'organisme de sécurité et d'application de la loi de justifier celle-ci — et je mets l'accent sur le mot « justifier ». La jurisprudence fournit une orientation générale. Il faut notamment examiner si cette mesure est nécessaire, s'il existe des moyens moins discriminatoires d'atteindre le même objectif, évaluer l'efficacité de la mesure et analyser dans quelle mesure la violation des droits de la personne l'emporte sur les bénéfices obtenus.
    Au cours de ce processus, s'il s'agit de quelque chose qui a eu lieu et qu'une personne désire porter plainte à cet égard, une plainte officielle sera déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne. Nous commencerons par vérifier si cela relève de notre domaine de compétence, puis nous déterminerons s'il est justifié d'entreprendre une enquête plus approfondie. Si c'est le cas, cette affaire ira devant le tribunal; dans le cas contraire, elle sera rejetée.
    Évidemment, ce processus comporte une structure complète favorisant le dialogue, la médiation, etc., ce qui engendre souvent des changements systémiques et fondamentaux au sein des organisations.
    Si je comprends bien votre intervention, nous essayons d'éviter l'application systématique des stéréotypes simplement parce que l'on croit qu'un certain groupe ethnique pourrait poser un risque plus élevé. Je parlais de circonstances particulières où il y aurait des renseignements crédibles. Vous avez notamment fait référence à la collecte de données sur les décisions discrétionnaires prises par le personnel de première ligne.
    La collecte de données prouverait sans doute qu'il existe des renseignements crédibles sur lesquels pourrait s'appuyer l'utilisation temporaire... C'est plus à cela que je voulais en venir.
    Je suppose que nous pourrions passer à l'analyse comportementale, qui diffère, comme vous l'avez établi, du profilage racial ou ethnique. On parle ici des caractéristiques comportementales de quelqu'un — à savoir s'il démontre du stress ou d'autres types de facteurs qui pourraient soulever des préoccupations en matière de sécurité.
    Vous avez dit que l'analyse comportementale ne constituait pas un motif de distinction illicite et que, par conséquent, elle ne serait pas examinée. Vous pourriez cependant me dire si vous considérez qu'il devrait s'agir d'un motif de distinction illicite.
    Je ne sais pas si vous voulez vous aventurer sur ce terrain.
    Merci. Nous n'avons jamais examiné cette question, et il va sans dire que je ne voudrais émettre aucune opinion sans avoir examiné cette question sous différents angles.
    Très bien.
    Je vais maintenant parler du programme pour les voyageurs dignes de confiance, qui a, je crois, été abordé par M. Bevington. Depuis le lancement par les États-Unis de l'initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental, les Canadiens qui voyagent aux États-Unis doivent se conformer à plusieurs exigences — je pense notamment aux programmes comme NEXUS Aérien et NEXUS Terrestre, et aux diverses formalités de sécurité qui permettent d'accélérer le processus pour les personnes qui ne sont pas considérées comme très menaçantes pour la sécurité, selon les résultats d'entrevues préalables et leurs réponses à des questionnaires.
    J'imagine que vous ne savez pas à quoi ressemblera le questionnaire élaboré par les États-Unis, mais qu'arrivera-t-il si ce programme est élargi pour s'appliquer également aux voyageurs internes de façon à faciliter certains vols intérieurs? Cette mesure serait-elle conforme à la Charte? Et si oui, comment pourrait-elle respecter les droits de la personne? Avez-vous des préoccupations au sujet de la collecte et du traitement de renseignements dans le cadre des programmes pour les voyageurs dignes de confiance? Ces programmes posent-ils des risques pour les personnes?

  (0940)  

    Pour ce qui est de votre dernière question, je crois qu'elle touche la protection des renseignements personnels. Bien sûr, nous avons eu des discussions avec la commissaire à la protection de la vie privée; toutefois, je vous inviterais à vous adresser à elle pour avoir des avis sur ces questions.
    Encore une fois, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux malheureusement pas formuler de commentaires sur un questionnaire que je n'ai pas vu. Il m'est impossible de dire s'il respecterait la Charte.
    De plus, j'espère que les membres du comité comprennent bien que nous ne sommes pas des spécialistes de la sécurité, mais bien des droits de la personne. Notre travail, de par sa nature, touche bien entendu à certains aspects de sécurité, mais nous ne pouvons commenter à cet égard.
    Quant aux droits de la personne, comme je l'ai mentionné à vos collègues, pour que je puisse fournir des commentaires à ce sujet, il faudrait me poser des questions plus précises.
    Merci.
    Pour les quelques minutes qu'il nous reste, je donne la parole à Mme Crombie.
    Merci, Madame Lynch. Je suis heureuse de vous rencontrer.
    Si j'ai bien compris votre propos, c'est qu'on aura recours à la discrimination si nécessaire, mais qu'on ne prône pas nécessairement la discrimination.
    J'aimerais que vous abordiez ce point, ainsi que la question des mesures discriminatoires justifiées, car la discrimination n'est-elle pas toujours justifiée lorsqu'elle est dans l'intérêt de la sécurité nationale?
    Non. Comme je le disais dans ma déclaration préliminaire, la discrimination ne peut être justifiée que si elle répond à certains critères. Notre travail est donc de rencontrer les organisations responsables de la sécurité et les services concernés pour élaborer des processus et des mesures qui ne seront pas discriminatoires a priori.
    Très bien, je comprends. Je vais toutefois poursuivre, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    J'ai eu la chance de lire le rapport, que j'ai d'ailleurs trouvé fascinant. La science du profilage en fonction du comportement en est encore à ses balbutiements. Nous en sommes toujours à l'étape de la collecte d'information. Je comprends que le Canada prend les devants en la matière, et même sur le plan international, mais nous avons toutefois très peu d'enquêteurs.
    N'y a-t-il pas lieu de craindre, étant donné que cette science en est encore à ses balbutiements, que les enquêteurs aient tendance à tomber dans le piège des stéréotypes et des préjugés?
    De plus, pourriez-vous nous dire si vous croyez que l'on accorde suffisamment d'importance aux réalités culturelles? M. Bevington a abordé ce point un peu plus tôt. Comme nous le savons, dans certaines cultures, il est inapproprié qu'un homme et une femme se regardent dans les yeux. Ce comportement ne pourrait-il pas être interprété comme un signe de nervosité, ce qui amènerait la personne agissant ainsi à être placée dans une catégorie différente?
    J'ai lu le même rapport que vous, et il y a effectivement des préoccupations au sujet de l'absence totale de preuves scientifiques. De plus, étant donné que les organismes d'application de la loi ne recueillent pas de données au sujet des résultats de première ligne, il n'y a même pas de fondement pour déterminer s'il existe ou non du profilage. On présume qu'il se fait un certain profilage et on se demande s'il a été efficace, etc.
    Ce qu'on a toutefois réussi à établir dans la documentation, c'est que dans le cas des événements peu fréquents comme les fusillades dans les écoles et les attaques terroristes, ce type de profilage est encore moins efficace. Il y a également un risque de substitution. Autrement dit, si l'on fait un profilage des hommes d'une race en particulier, les terroristes pourraient soudainement se mettre à remplacer les hommes par des femmes, par exemple.

  (0945)  

    Oui, je sais, il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Je regrette, mais je devrai vous arrêter ici.
    Je voulais juste savoir s'il y avait une meilleure façon.
    Une meilleure façon...?
    Oui, une meilleure façon que d'avoir recours au profilage en fonction du comportement, puisque cela semble être la direction que nous prenons.
    Encore une fois, je serais très heureuse...
    Je sais que vous aimeriez que je vous donne une réponse. Mais je ne suis pas une spécialiste de la sécurité. Sur le plan des moyens, je ne peux pas me prononcer. Toutefois, concernant les répercussions de ces moyens sur les droits de la personne, je suis toujours heureuse de comparaître devant le comité pour formuler des commentaires.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolé de ne pas pouvoir vous donner plus de temps. Peut-être que nous reviendrons sur cette question.
    Monsieur Jean, vous voulez intervenir?
    J'invoque le Règlement. Monsieur le président, le témoin a affirmé que la discrimination était, je crois, justifiée dans certaines circonstances.
    Je me demandais si elle pouvait préciser au comité quelles seraient ces circonstances. Car très franchement, je ne vois pas comment la discrimination pourrait être acceptable dans quelque circonstance que ce soit. J'aimerais obtenir des précisions à ce sujet, qui est abordé dans le rapport Efficacité du profilage dans le contexte de la sécurité nationale de la Commission canadienne des droits de la personne. Je n'accepte pas que l'on parte du principe que la discrimination peut être acceptable. J'aimerais à tout le moins que l'on me présente des documents à l'appui de cette affirmation.
    Oui, je comprends très bien...
    Il ne s'agit pas d'une question, puisque je ne suis pas autorisé à en poser.
    Mme Jennifer Lynch: Ah, je vois.
    M. Brian Jean: En fait, j'aimerais que vous fournissiez des documents justificatifs au président.
    Oui. Il s'agit de l'article 1 de la Charte et de l'article 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Je connais ces deux lois, mais je ne vois pas à quel endroit on y précise que la discrimination, quelle qu'elle soit, est acceptable ou justifiable au Canada. C'est pourquoi j'aimerais que vous fournissiez des documents au président.
    Dans ce cas, vous pourriez peut-être m'envoyer une note par l'entremise de la greffière, et je la diffuserai aux membres du comité.
    Certainement.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant prendre une pause de deux minutes, après quoi nous entendrons les autres témoins et nous reprendrons la discussion.

  (0945)  


  (0950)  

    Merci, et bonjour à tous.
    Nous allons maintenant poursuivre notre étude de la sûreté et de la sécurité aériennes et des systèmes de gestion de la sécurité dans le secteur de l'aviation.
    Nous recevons aujourd'hui les commandants Paul Strachan, président de l'Association des pilotes d'Air Canada (APAC), Barry Wiszniowski, président de la Division technique et sécurité de l'APAC, et Tim Manuge, président du Comité de la Sécurité de l'APAC.
    Nous avons également parmi nous les commandants Al Ogilvie et Dan Adamus de l'Association des pilotes de ligne.
    Je crois que vous connaissez déjà la façon de procéder, messieurs. Je vous demanderais donc de faire une brève présentation, puis nous vous poserons des questions.
    Comme vous l'avez mentionné, je suis le commandant Paul Strachan, et je suis le président de l'Association des pilotes d'Air Canada. Je viens de Winnipeg, au Manitoba. J'ai servi comme pilote dans la Force aérienne pendant 10 ans avant de commencer ma carrière dans l'industrie de l'aviation. Je pilote donc des avions depuis environ 22 ans.
    Je suis avec le commandant Tim Manuge, qui est le président du Comité de la Sécurité de l'APAC. Tim vient d'Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il a été officier de réserve pour la GRC pendant 20 ans, et il est maintenant pilote depuis 36 ans.
    Juste à côté se trouve le commandant Barry Wiszniowski, de Drumheller, en Alberta. La plupart d'entre nous vivons maintenant à Barrie. M. Wiszniowski a travaillé pendant 8 ans comme technicien d'entretien d'aéronefs pour la Force aérienne, et il est maintenant pilote depuis 24 ans. Il convient également de signaler que le capitaine Wiszniowski cumule les fonctions d'enquêteur d'accident d'avion et de président de la Division technique et sécurité de l'Association des pilotes d'Air Canada.
    Notre organisation représente le plus vaste groupe de pilotes professionnels au pays, soit quelque 3 000 hommes et femmes qui pilotent les appareils de la ligne principale du Canada. Si vous suivez ma présentation en ce moment, vous saurez que nous transportons des milliers de personnes tous les jours, et ce — nous sommes très fiers de le préciser — en toute sécurité, même si nous volons souvent dans des conditions qui sont loin d'être optimales. Notre environnement est l'un des plus difficiles sur la planète pour le pilotage d'avions; nous sommes donc très fiers de nos réalisations, car nous estimons que nous avons acquis une grande crédibilité à l'échelle internationale pour cette raison. Nous pouvons donc présenter au comité un point de vue unique sur les questions liées à la sécurité et à la sûreté aériennes, et c'est ce que nous ferons aujourd'hui.
    Je commencerai par des commentaires sur le Système de gestion de la sécurité au sein de l'industrie, puis j'évoquerai le temps de vol et les périodes de service, sujet qui nous intéresse et qui nous préoccupe particulièrement depuis quelques années, et je parlerai finalement de la sécurité aérienne, qui a déjà été abordée ce matin.
    La principale priorité de l'APAC est la sécurité. C'est notre responsabilité la plus importante et nous la prenons très au sérieux. Notre organisation comporte d'ailleurs une division permanente qui s'occupe exclusivement des questions techniques et des questions de sécurité, division dont le capitaine Wiszniowski est le président. De plus, nous prenons bien soin de séparer les activités de la Division technique et sécurité des activités de représentation et de défense des intérêts économiques que nous menons à titre d'agent négociateur accrédité pour les pilotes d'Air Canada. Nous protégeons jalousement notre crédibilité et nous prenons soin de ne pas mélanger les deux types d'activités. Notre comité de la sécurité travaille étroitement avec plusieurs organismes gouvernementaux sur la question de la sécurité aérienne.
    Je commencerai donc par parler des systèmes de gestion de la sécurité. L'Association des pilotes d'Air Canada appuie l'initiative du Système de gestion de la sécurité. Nous entretenons une bonne relation avec notre employeur. Je crois qu'il ne serait pas exagéré de dire que bon nombre, sinon la majorité, des améliorations que l'on a observé dans le domaine de la sûreté aérienne au sein de l'industrie au cours des 30 à 40 dernières années découlent de cette relation entre Air Canada et son association de pilotes, autant l'association actuelle que celle qui l'a précédée.
    Dans le contexte de cette relation fondée sur la compréhension et la collaboration, les systèmes de gestion de la sécurité fonctionnent très bien. Il faut toutefois que le comité fasse attention, puisque d'autres transporteurs n'entretiennent pas nécessairement une relation aussi solide avec leur employeur. L'APAC estime qu'une surveillance étroite provenant d'un organisme de réglementation demeure nécessaire dans un environnement de gestion de la sécurité.
    On entend parler de la question de la réglementation sur le temps de vol et les périodes de service depuis quelque temps, mais vous verrez sur notre première diapositive qu'il s'agit en fait d'un sujet d'intérêt depuis assez longtemps. Notre régime sur les temps de vol et les périodes de service a été élaboré dans les années 1960, avant même que la ceinture de sécurité soit obligatoire en voiture. Il a été légèrement modifié au milieu des années 1990, et la situation a beaucoup changé depuis. Il y a eu beaucoup de progrès dans la technologie aéronautique, ce qui a permis aux appareils de voler plus haut et beaucoup plus loin que par le passé. De plus, les connaissances scientifiques sur la fatigue et tous les facteurs physiologiques, qui sont une réalité dans tout secteur et en particulier dans le nôtre en raison de tous les changements, ont également évolué.
    Si vous examinez notre diapositive sur les effets de la fatigue comparativement à ceux de l'alcool sur le rendement, vous constaterez qu'il y a un parallèle intéressant à faire entre le nombre d'heures en étant de veille et la performance relative de vigilance et de correction d'erreurs, qui se trouve sur l'axe des Y, et le taux d'alcoolémie. Ces résultats sont fondés sur les travaux de l'éminent chercheur scientifique australien Drew Dawson.

  (0955)  

    Malheureusement, le Canada a du retard comparativement au reste du monde. Récemment, l'OACI a demandé aux États membres de mettre à jour leurs règlements normatifs sur les heures de vol et les heures de travail afin de les rendre conformes aux connaissances scientifiques. L'Europe a déjà changé ses règlements il y a quelque temps. Les États-Unis sont en train de mettre en place des changements à leur régime. Malheureusement, nous ici au Canada, nous sommes en train de proposer un processus du CCRAC qui débuterait cet été. Un processus du CCRAC, c'est comme si on jouait au baseball et qu'après avoir frappé la balle, ça prendrait deux ans avant d'atteindre le premier coussin. Et évidemment, il n'y a aucune garantie qu'à la fin du processus, de véritables changements seront apportés.
    Nous ne croyons pas que cela nous fait bien paraître, que nous soyons un organisme de réglementation, une compagnie aérienne ou des pilotes. Il est grand temps que le Canada modifie son régime, et nous sommes ici pour vous aider à le faire, pour aider le gouvernement à aller de l'avant, et pour aider les organismes de réglementation à mettre en place les changements nécessaires, car actuellement, nous ne nous conformons pas aux directives de l'OACI.
    Le prochain graphique est probablement le plus frappant. Sur l'axe X, vous pouvez voir les heures du jour de 1 à 24, et sur l'axe Y, vous voyez les heures de travail, les limites d'heures de travail, allant de 9 en bas à 14 en haut.
    Vous pouvez voir une ligne verte ici, entre celle du comité d'établissement des règles de l'aviation des États-Unis, celle du CAP 371 du Royaume-Uni et celle du régime des opérations européen. La ligne verte représente le contrat que nous avons négocié à la table des négociations pour notre régime. Mais grosso modo, toutes les lignes représentent la même chose: elles montrent que les heures supplémentaires de nuit ne sont pas des heures de la journée où nous sommes au meilleur de nos capacités.
    À présent, de façon claire — comme je l'ai dit, nous avons négocié ce régime — la sécurité ne doit pas être négociable. Nous avons besoin d'un organisme de réglementation qui serait chargé d'établir des règles équitables pour toutes les parties, et ces règles seraient fondées sur l'évolution des connaissances scientifiques et sur nos connaissances actuelles.
    La ligne rouge en haut du graphique représente les règles actuelles dans le domaine de l'aviation au Canada. Cette ligne représente une situation où il y a deux pilotes, alors il n'y a pas de détails en ce qui concerne les opérations à très grande distance et les situations semblables, mais il faut également discuter de cela.
    Ce qui est peut-être le plus surprenant dans ce graphique, si vous pouvez vous l'imaginer, c'est qu'aujourd'hui, un pilote peut être sur appel de 5 h à 21 h, et recevoir un appel l'informant qu'il doit aller travailler avant 21 h et se rendre travailler jusqu'à la limite que représente cette ligne rouge.
    Le Canada a donc besoin d'un leadership, et ce leadership doit être assuré par l'organisme de réglementation. Lorsque nous avons discuté avec l'organisme de réglementation à cet égard, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises au cours des dernières décennies, les représentants d'un organisme de réglementation nous ont dit que nous n'avions aucune donnée canadienne à cet égard et qu'il nous faudrait recueillir ces données.
    Alors c'est ce que nous avons fait, et nous recueillons des données, mais bien évidemment tout ce que nous pouvons recueillir est suspect et biaisé. Ces renseignements sont suspects dès le départ, car les gens tiennent pour acquis automatiquement que c'est l'industrie qui mène l'enquête. Si nous retournons au graphique, nous voyons très rapidement qu'il n'y a absolument aucune répercussion de l'industrie sur nos membres. Nous avons négocié dans le but d'en arriver à ce que le régime de réglementation devrait être, alors nos membres sont dans l'eau chaude. Du point de vue des politiques publiques, c'est la bonne chose à faire.
    De nouveau, pour assurer des règles équitables, nous vous offrons notre aide et notre appui, mais avant tout, nous avons besoin d'un processus transparent, et le processus du CCRAC n'en est pas un. Avec un tel processus, cela prendrait des années avant de pouvoir effectuer des changements. Les données le montrent. Les connaissances scientifiques sont connues. Les organismes de réglementation étrangers ont déjà agi. Nous soutenons donc un mouvement rapide de ce côté. Nous ne voulons certainement pas voir un autre accident au Canada qui serait attribuable à la fatigue des pilotes. Il s'agirait d'une politique de sécurité du linceul, et nous n'en voulons pas.
    En ce qui concerne les questions de sécurité, des événements récents, y compris la tentative d'attentat à la bombe survenue à Détroit à Noël de l'an dernier, ont ravivé les craintes. Nous saluons les intentions du gouvernement qui veut mettre l'accent sur le renforcement de la sécurité, surtout en ce qui concerne la reconnaissance des modèles de comportements. À notre avis, il faut le faire de façon à ne pas décourager les gens innocents de voyager, car cela ne ferait que récompenser les terroristes. Nous devons donc trouver des moyens adaptés pour faire face aux menaces réelles. De notre point de vue, nous examinons les problèmes dans le cadre de la structure de sécurité actuelle. Cependant, nous aimerions apporter une contribution constructive. Le but de l'exercice n'est pas de répartir le blâme, mais plutôt d'améliorer le régime de sécurité aérienne du Canada, et nous avons hâte d'y participer et d'apporter notre soutien.
    La technologie n'est qu'une partie de la solution. Lorsqu'on y pense, il y a deux côtés à la médaille. D'un côté, il faut garder les articles dangereux à l'extérieur des avions, ce que nous avons passé terriblement de temps à faire, mais nous n'avons pas vraiment porté d'attention à la nécessité de garder les gens méchants à l'extérieur des avions.
    Et en réalité, ce ne sont pas les articles dangereux qui sont mauvais, ces articles ne sont que potentiellement dangereux. Pour constituer une menace, ces articles doivent se trouver entre les mains d'une mauvaise personne.
    Par conséquent, nous sommes heureux d'apprendre que nous consacrerons plus d'efforts à garder les gens mauvais à l'extérieur des avions plutôt que seulement les articles dangereux.

  (1000)  

    Nous mettons actuellement la dernière main à une longue étude sur l'état du régime de sécurité aérienne au Canada. Nous nous attendons à ce que l'exemplaire final de l'étude soit prêt dans environ un mois.
    Monsieur le président, nous serions heureux d'offrir au comité un exemplaire de notre étude, si vous êtes intéressés.
    Si vous me permettez, monsieur le président, est-ce que mes collègues pourraient vous faire un bref commentaire d'une minute à tour de rôle avant de conclure?
    Très brièvement.
    Merci, monsieur le président.
    Tim.
    Monsieur le président, distingués membres du comité, merci de me donner la parole.
    Le commandant Paul Strachan a indiqué que nous mettions la dernière main à un livre blanc sur la sécurité, que nous avons approuvé et qui a été préparé par le comité sur la sécurité. Nous espérons qu'il y aura des recommandations pertinentes que vous pourrez étudier. Ces recommandations viennent surtout des discussions avec nos membres sur un engagement quotidien en première ligne de l'industrie aérienne, à la suite de discussions avec d'autres pilotes, au Canada comme à l'étranger, et après avoir assisté à de nombreuses conférences internationales sur la sécurité.
    Brièvement, je vais souligner quelques-unes de nos préoccupations clés provenant du comité sur la sécurité de l'APAC.
    À la suite des attentats du 11 septembre 2001, nous avons recommandé qu'un seul ministère fédéral soit responsable de la sécurité dans l'aviation civile. Cela ne s'est pas produit. Actuellement, les administrations aéroportuaires civiles, les sociétés d'État et de nombreuses autres organisations font partie du programme de sécurité aérienne au Canada. Nous avons soigneusement évalué le fonctionnement actuel du système, et nous réaffirmons notre recommandation selon laquelle un seul ministère fédéral devrait gérer la sécurité aérienne au Canada.
    Deuxièmement, nous devons combattre le terrorisme au moyen d'une collecte de renseignements proactive et d'un bon travail de la police. Je prends pour exemple le dossier spectaculaire des terroristes qui ont utilisé des bombes liquides en Angleterre en août 2006. Cet attentat n'a pas été déjoué par les fouilles. L'attentat a été déjoué grâce à un bon travail d'enquête, à de la bonne information et à un bon travail des policiers.
    Dans le cadre d'un effort proactif, nous sommes également très en faveur du système de modèle de comportement qui utilise des techniques de reconnaissance des modèles de comportement. Cependant, nous nous opposons à sa mise en oeuvre et à son utilisation par l'ACSTA.
    Franchement, nous croyons que ça pourrait causer plus de problèmes que ça pourrait en régler. La reconnaissance des modèles de comportement constitue un programme complexe. Il faut de l'expérience et des opérateurs intuitifs, ainsi que l'instauration d'un climat de confiance à l'intérieur de l'aéroport.
    Finalement, nous avons hâte à la mise en oeuvre de plusieurs rapports gouvernementaux récents, y compris le rapport de la vérificatrice générale sur les aéroports, le rapport d'enquête criminelle de la GRC — connu sous le nom de « rapport Spawn » — et l'étude de l'ACSTA, qui indiquent tous fondamentalement que l'accès terrestre de l'équipage aux aérogares demeure une menace de premier plan. L'APAC appuie l'idée d'un examen supplémentaire de tous les points d'entrée et de sortie des aéroports et la fouille de ces employés, de leur matériel de travail, des chariots et des sacs.
    Ce sont là nos principales préoccupations. Comme je l'ai mentionné, notre livre blanc contiendra d'autres mesures précises.
    Merci beaucoup.

  (1005)  

    Je suis responsable de la Division technique et sécurité de l'Association des pilotes d'Air Canada. Nous représentons 3 000 pilotes professionnels qui ont des choses à dire sur ce que nous faisons chaque jour. Chacun de ces pilotes est un expert en la matière. Ils sont les principaux utilisateurs du système. Nous sommes touchés directement par les heures supplémentaires de nuit, les heures de travail coïncidant avec le creux circadien, lorsque nous sommes en vol et pendant nos heures de service.
    Notre groupe est la seule association au Canada qui collecte des données sur la fatigue. Nous le faisons à la suite de plusieurs réunions avec Transports Canada, car le ministère nous a indiqué qu'il ne possédait aucune donnée à cet égard.
    Nous pourrions remplir cette salle avec des CD pleins de données sur la fatigue, et malgré cela, le problème n'est pas reconnu au Canada.
    L'amendement 33 de l'annexe 6 de l'OACI indique que les heures de vol et de service doivent être fondées sur des données scientifiques. C'est ce que nous voulons. En décembre, tous les groupes représentant les pilotes, y compris le nôtre, ont envoyé une lettre au ministre signée par 7 000 des 11 000 pilotes commerciaux au Canada et déclarant que la fatigue constituait un problème de sécurité important.
    Nous voulons aller de l'avant à cet égard, et nous voulons vous aider.
    Je vais m'en remettre au groupe.
    Merci.
    Monsieur Adamus.
    Bonjour à tous les membres du comité.
    Je m'appelle Dan Adamus. Je suis ici pour représenter l'Association des pilotes de ligne internationale (ALPA). Je suis président du Conseil canadien d'ALPA. Depuis 25 ans, je suis pilote pour Air Canada Jazz.
    Je suis accompagné aujourd'hui du représentant des affaires gouvernementales d'ALPA au Canada, Al Ogilvie.
    Nous nous réjouissons de l'occasion qui nous est offerte de témoigner devant vous aujourd'hui pour exprimer nos points de vue sur la sécurité et la sûreté de l'aviation. Nous profitons de l'occasion pour vous parler du système de gestion de la sécurité (SGS) et des enjeux en matière de sécurité.
    L'ALPA représente plus de 53 000 pilotes professionnels qui travaillent pour 38 lignes aériennes aux États-Unis et au Canada. En tant qu'agent négociateur certifié et représentant de nos membres pour toutes les facettes liées à leur sécurité et leur bien-être professionnel, l'ALPA est le principal porte-parole des pilotes de ligne en Amérique du Nord. Par conséquent, l'ALPA s'intéresse vivement à toutes les questions concernant l'aviation au Canada, et nous témoignons aujourd'hui pour vous parler de l'expérience de l'Association en matière de sécurité et de sûreté.
    Nous appuyons la mise en oeuvre efficace des systèmes de gestion de la sécurité dans les compagnies d'aviation réglementées et certifiées par Transports Canada. L'ALPA se rallie aux SGS, car elle considère ces systèmes comme un grand pas en avant pour l'amélioration de la sécurité de l'aviation. Nous considérons ces systèmes comme une solution d'entreprises, englobant tous les aspects de la sécurité, qui fait intervenir la direction et les employés.
    Vous vous demandez sans doute pour quelle raison l'ALPA appuie si vigoureusement les SGS. Nous les appuyons pour de nombreuses raisons. Ils établissent clairement les responsabilités des hautes instances de la direction d'une entreprise; ils permettent de signaler des événements relatifs à la sécurité et des renseignements sans crainte de représailles; ils requièrent la participation des employés et un processus officiel d'évaluation des risques et de prises de décisions, pour n'en nommer que quelques-uns.
    Dans le cadre des SGS, une entreprise ne peut faire abstraction d'un problème lié à la sécurité en affirmant qu'elle se conforme à la réglementation applicable. Si un risque d'accident est connu ou est décelé, une entreprise doit procéder à une évaluation des risques et prendre une décision délibérée sur les mesures d'atténuation nécessaires pour régler la situation.
    Les SGS établissent clairement que l'industrie de l'aviation est responsable de la sécurité. La méthode conventionnelle de surveillance de la sécurité, fondée sur des inspections techniques détaillées, peut sembler remplacer l'assurance de la sécurité opérationnelle. Cela peut permettre à l'industrie de l'aviation de penser ou de croire erronément que la sécurité est la responsabilité du gouvernement.
    Nous croyons que ces dispositions sont absolument essentielles au succès du SGS d'une entreprise et nous expliquons notre position comme suit: 
    Pour aborder de façon proactive les enjeux en matière de sécurité, des données sont requises.
    Les stratégies visant à améliorer les besoins en matière de sécurité doivent être fondées sur des données.
    En l'absence d'accident, des données adéquates sont nécessaires.
    Les facteurs humains et organisationnels créent des erreurs ou des dangers qui passent inaperçus jusqu'à ce qu'un ensemble de circonstances propices donne lieu à un fâcheux événement.
    Un climat organisationnel, où le signalement d'erreurs, d'anomalies et de dangers n'entraînent pas de conséquences négatives pour les individus, est essentiel pour obtenir toutes les données disponibles.
    Par conséquent, un programme de signalement doit offrir la confidentialité et l'immunité contre toute forme de sanction pour être efficace. Bien sûr, un geste volontaire ou délibéré, une négligence grave ou un acte criminel font partie des exceptions.
    Selon l'expérience de l'ALPA, la plupart des entreprises qui adoptent le système de gestion de la sécurité se conforment entièrement aux concepts, en adoptant une philosophie fondée sur la sécurité à tous les échelons. Par contre, certaines n'agissent pas ainsi. Nous avons été témoins d'inquiétudes au sujet de la protection en matière de représailles et de confidentialité dans les situations de signalement.
    Dans certains cas, les employés qui expriment des inquiétudes en matière de sécurité ou qui signalent eux-mêmes des incidents sont encore assujettis à des sanctions. Par conséquent, les employés cessent de faire des déclarations, ce qui a pour incidence d'étouffer l'acheminement des données, ce qui à son tour, va à l'encontre de l'objectif principal du système de gestion de la sécurité.
    Dans ces cas, l'entreprise a théoriquement mis en place un système de gestion de la sécurité sans toutefois modifier sa philosophie.
    Soyons clair: l'ALPA appuie la mise en oeuvre efficace d'un SGS, mais notre expérience démontre qu'une entreprise peut être conforme sur le plan technique sans toutefois adopter les concepts sous-jacents. Un tel SGS n'est pas un système efficace.
    Même avec un SGS efficace, il incombe toujours au ministre d'assurer une surveillance complète et efficace et de prendre les mesures qui s'imposent au besoin.

  (1010)  

    Lorsqu'il est évident qu'une entreprise ne s'acquitte pas de ses obligations en vertu du SGS, nous croyons que la surveillance conventionnelle doit être appliquée plutôt que le système de vérification du SGS.
    L'ALPA croit comprendre que Transports Canada a retardé la mise en oeuvre du SGS pour les exploitants de types 703 et 704, et l'Association est en accord avec cette décision. Il est plutôt simple de mettre en place, par voie législative, les exigences d'un SGS, mais il est impossible de légiférer sur le changement de philosophie exigé dans le cadre d'un SGS efficace. Par conséquent, le fait de prendre le temps d'éduquer, d'encourager et de guider ces exploitants sera bénéfique à long terme, car l'ALPA croit qu'un programme de signalement volontaire, confidentiel et non punitif est un élément indispensable d'un SGS efficace.
    En ce qui concerne la sécurité, j'aimerais vous parler aujourd'hui des techniques d'identification des comportements, du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien et du financement pour la sécurité du fret.
    Les pilotes aux commandes d'aéronefs commerciaux sont des employés de première ligne, et depuis environ 25 ans, ils sont témoins de l'évolution d'un système de sécurité qui connaît sa part de défis pour contrer les menaces à la sûreté de l'aviation. Pendant longemps, les fouilles de sécurité de l'aviation ont mis l'accent sur l'interdiction d'objets menaçants comme les armes, les couteaux et les dispositifs explosifs improvisés. Les armes utilisées lors d'attaques visant des aéronefs ont évolué au fil des ans, et les méthodes employées pour dissimuler ces armes changent constamment. Cependant, il y a une constante qui demeure: l'intention hostile des attaquants.
    Les procédures de contrôle actuelles sont fondées sur deux hypothèses générales: tous les passagers présentent une menace égale, à quelques exceptions près; et le but premier du contrôle est d'identifier les objets qui pourraient être utilisés pour causer du tort aux individus ou à l'aéronef.
    En conséquence, lorsque les tactiques des terroristes changent ou qu'une arme ou un objet menaçant différent est utilisé, le système de sécurité est adapté au nouvel objet ou à la nouvelle tactique. Au fil du temps, la façon inadéquate d'aborder le problème a donné lieu à une mosaïque de solutions temporaires. Par conséquent, nous devons déplacer nos ressources pour identifier la personne qui présente une menace afin de prévenir des actes malicieux intentionnels.
    La philosophie actuelle des fouilles de sécurité doit être modifiée pour adopter deux principes: la grande majorité des passagers sont dignes de confiance et présentent très peu, voire aucune, menace pour le vol; et le seul moyen d'offrir une véritable sûreté est d'identifier positivement les passagers reconnus comme dignes de confiance, de procéder rapidement à leur contrôle et de concentrer notre technologie d'avant-garde et nos ressources limitées en matière de contrôle comportemental sur le faible pourcentage de passagers dont nous ignorons ou mettons en doute la fiabilité.
    Un tel système de sécurité proactif vise à faire échouer les terroristes en allant au-devant des futures menaces. Cette façon de faire serait plus efficace et efficiente que les protocoles actuels sur la sûreté et réduirait les inconvénients liés aux mesures de sûreté ainsi que les retards pour la grande majorité des voyageurs, tout en protégeant autant que possible la vie privée des passagers. Par conséquent, l'ALPA appuie l'initiative annoncée récemment visant à appliquer les concepts relatifs aux techniques d'identification des comportements et un programme pour les voyageurs dignes de confiance.
    L'ALPA s'est toujours opposée au fait de confier la sûreté des passagers du transport aérien à l'industrie du transport aérien, et réitère son objection à la hausse récente de 50 p. 100 des droits afférents. Il y a une quinzaine d'années, j'ai comparu devant ce comité, et je pense que cette question revient presque systématiquement.
    L'industrie de l'aviation fait partie intégrante de l'économie de notre pays, et elle contribue à sa cohésion. L'infrastructure de l'aviation au Canada profite à tous les Canadiens et au Canada, c'est pourquoi elle ne devrait pas faire l'objet de « frais d'usagers » uniques. La sûreté de l'aviation est une question d'intérêt national et n'est pas limitée à l'industrie du transport aérien ou de ses passagers. Les coûts qui y sont liés, comme le maintien de l'ordre ou la défense nationale, doivent être assumés par tous les Canadiens plutôt que par l'entremise de frais d'usagers.
    Est-ce que les personnes qui ont perdu la vie dans le World Trade Center le 11 septembre 2001 ont quelque chose à voir avec l'aviation? Je le répète: l'aviation est une question d'intérêt national.
    Le fait de facturer aux passagers du transport aérien les coûts liés à la sûreté impose un fardeau supplémentaire à l'industrie du transport aérien. Les marges des transporteurs aériens n'ont jamais été aussi minces, et l'imposition d'une nouvelle « taxe » aux transporteurs découragera davantage le transport aérien. Il ne suffit que d'une autre situation imprévue, comme l'activité volcanique récente en Europe, pour qu'un autre transporteur aérien ferme ses portes. Il n'y a pas tellement longtemps, nous avons été témoins de la disparition de Zoom Airlines et plus récemment de Skyservice. La dernière chose que les transporteurs ont besoin est l'ajout d'une nouvelle taxe portant un nom différent.

  (1015)  

    L'ALPA milite depuis longtemps en faveur d'un niveau unique de sécurité, sans distinction entre le transport des passagers et celui des marchandises. Nous sommes donc ravis d'apprendre que le budget prévoit un montant supplémentaire de 37,6 millions de dollars sur deux ans pour la mise en oeuvre d'un régime complet de sécurité du fret aérien. Ces fonds répondent à un grand besoin, car il y a une grande différence entre la sécurité du transport des passagers et celle des activités reliées au fret aérien.
    Même dans les grands aéroports-pivots, l'accès aux opérations reliées au fret aérien est beaucoup trop facile. Les mécanismes d'évaluation des éventuelles menaces internes sont inadéquats et la formation des pilotes et d'autres éléments importants du personnel en matière de procédures de sécurité est pour ainsi dire inexistante. Il est impératif de s'attaquer à ces problèmes et à tous les autres qui affectent les opérations de manutention et de transport de fret.
    En conclusion, l'ALPA suit de près vos audiences et écoute attentivement les points de vue et les positions présentés par les organisations et les personnes qui sont venues témoigner devant vous. Nous sommes ravis de voir tout l'intérêt que suscite cette question et d'entendre les commentaires positifs qu'inspirent les questions de sécurité en aviation.
    Je voudrais profiter de l'occasion pour vous remercier, vous, membres du comité, pour votre temps et vos efforts. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur les solutions, mais je suis ravi de vous voir poursuivre vos efforts en vue d'accroître la sécurité du transport aérien pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.
    Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé aujourd'hui et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Volpe.
    Monsieur le président, j'aimerais partager mon temps avec M. Kania.
    Vous savez, nous voulons discuter de la mise sur pied des systèmes de gestion de la sécurité et, bien sûr, de certaines des mesures de sécurité qui ont été mises en place. J'ai remarqué que tous les témoins ont exprimé leur opposition à l'imposition d'une taxe supplémentaire aux passagers aériens.
    Nous avons appris que le gouvernement envisage maintenant d'opérer une fonction de quelque 3,2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour couvrir une partie des investissements supplémentaires dans le transport aérien. Si on lit entre les lignes, c'est bien de taxes qu'il s'agit.
    Avec votre permission, j'aimerais revenir sur deux points. Premièrement, chaque fois que vous êtes venu témoigner ici, vous vous êtes dit favorable à la mise en oeuvre d'un système de gestion de la sécurité. Chaque fois, vous avez dit souhaiter une participation accrue des responsables de la réglementation, que vous vouliez qu'ils agissent d'avantage. Je le dis dans mes mots, mais c'est ainsi que j'interprète ce que vous avez déclaré.
    Je remarque dans les notes que tout le monde a en main que c'est essentiellement en 2001 que le système de gestion de la sécurité a fait son apparition. Au cours des six années suivantes, la mise en place du système s'est faite par étapes et on s'attendait à ce que l'industrie en vienne à prendre les choses en main elle-même.
    Ensuite, à propos de cet élément clé dont vous avez toujours soutenu qu'il était là, on a commencé à observer, quelque temps après 2006, une diminution du nombre des inspecteurs dépêchés par les responsables de la réglementation, à tel point que l'Association canadienne de l'aviation d'affaires s'est, comme vous le savez, vu dépouiller de son attestation eu égard à la mise sur pied d'un système de gestion de la sécurité.
    C'est ça qui m'a dérangé, voyez-vous? J'ai été contrarié par vos propos quand je vous ai entendu dire que c'est l'industrie qui devrait avoir le contrôle. Le Bureau de la sécurité des transports a appris que Transports Canada avait évalué l'Association canadienne de l'aviation d'affaires en 2006 et avait constaté que ses mécanismes de contrôle et d'assurance de la qualité étaient inadéquats, et pourtant, Transports Canada a clos son évaluation de l'association sans avoir approuvé un quelconque plan d'action correctrice.
    Ma question est la suivante: dans quelle mesure peut-on faire confiance à l'industrie dont vous faites partie?

  (1020)  

    Merci, monsieur Volpe.
    Comme je l'ai dit, notre organisation entretient une relation d'une très grande maturité avec l'employeur. Par ailleurs, notre employeur est en existence depuis très longtemps, près de trois-quarts de siècle. Nous travaillons dans un esprit de franche coopération avec nos vis-à-vis des opérations aériennes d'Air Canada. En fait, l'interaction entre nos deux groupes repose dans une très large mesure sur la coopération.
    Pour nous, d'après notre expérience, les systèmes de gestion de la sécurité se sont implantés pratiquement sans accrocs. Ils n'ont pas tellement modifié la culture ni la structure de notre organisation par rapport à ce qu'elles étaient auparavant. Mais nous ne sommes qu'un exemple. Je pense que ça peut ne pas être vrai pour nombre d'entités au Canada.
    Pour les situations problématiques, il doit par conséquent y avoir une issue au processus incarné par les systèmes de gestion de la sécurité si l'une des parties au processus — ou les deux — est d'avis que ça ne marche pas. Il doit y avoir une sorte d'arbitre des résultats dont les décisions seraient sans appel et qui trancherait à partir des recommandations découlant du système.
    Autrement dit, si j'interprète correctement vos propos et ceux d'autres témoins, vous souhaitez une présence accrue des responsables de la réglementation. En fait, vous souhaitez leur retour dans la convention collective, notamment en ce qui concerne les questions de la fatigue des pilotes et du nombre d'heures de vol que vous êtes autorisé à faire, celles pendant lesquelles vous êtes en attente ou affecté à toutes sortes de tâches.
    Tout cela est troublant; je pense que les gens du public pourraient être tentés de vous poser une question. Elle pourra vous sembler futile, mais c'est une question légitime. Vous avez des masses de documentation au sujet des dangers reliés à la fatigue du pilote. Je présume que vous en avez également des masses sur d'autres menaces à la sécurité. Quelle est leur gravité relative, l'une par rapport à l'autre? Qu'est-ce qui présente le plus grand danger pour les voyageurs: la fatigue du pilote ou les risques qu'évoquent tant la presse populaire que les gouvernements déterminés à consacrer des sommes supplémentaires à la sécurité nationale?
    Je ne crois pas que nous devrions contribuer à alarmer le public. Notre secteur d'activité est l'un des plus sûrs de la planète et nous en sommes très fiers. Je pense que nous sommes pour beaucoup dans le chemin parcouru par l'industrie à ce jour.
    Vous mentionnez l'activité de l'industrie. Encore une fois, je voudrais qu'il soit très clair pour le comité que notre organisation ne cherchera jamais à utiliser la tribune que constitue ce comité pour faire valoir des intérêts particuliers. D'autres peut-être ne s'en priveraient pas, mais nous, jamais. Notre présence ici est motivée par notre conscience de l'existence d'importants enjeux de politique publique sur lesquels il faut se pencher.
    Cela dit, c'est nous les experts en la matière, comme mon collègue le commandant Wiszniowski vous a dit. À cet égard, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de responsables de la réglementation, comme vous les appelez, à Transports Canada qui viennent observer nos activités professionnelles et peuvent la commenter avec le niveau d'expertise ou d'expérience que possède déjà chacun de nos 3 000 pilotes. Je ne crois pas que ce soit à ce niveau que nous réclamions une présence accrue de l'organisme de réglementation. Ce que nous attendons des responsables de la réglementation, c'est qu'ils réglementent la structure dans laquelle nous fonctionnons. À voir le temps que ça prend, comme vous le savez, on pourrait croire à une certaine inertie institutionnelle à l'égard de ces questions au sein de la direction générale. Voilà le pourquoi de notre présence ici.
    Merci.

  (1025)  

    Vous avez 10 secondes...
    Je reviendrai à vous.
    Monsieur Laframboise.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, de comparaître devant le comité.
    Capitaine Strachan, le dossier relatif à la fatigue est très important. Transports Canada avait des rapports mais les a mis de côté et a décidé de ne pas en faire une priorité. On nous dit qu'il y a une pénurie de pilotes. Y a-t-il vraiment un manque de pilotes? J'ai de la difficulté à le croire. Il y a des fermetures dont M. Adamus et vous avez parlé un peu plus tôt. Des entreprises ont fermé. Manque-t-il de pilotes, au Canada?

[Traduction]

    Allez-y.
    À l'échelle mondiale, il y a effectivement une pénurie de pilotes. Au Canada et en Amérique du Nord, la situation se maintient. On dirait que chaque fois que nous en arrivons au point où il faudra peut-être envisager de recruter, un autre transporteur aérien est mis sous séquestre. Alors en ce moment, je dirais que la situation se maintient en Amérique du Nord. Mais l'avenir ne s'annonce pas si radieux. Parmi les forces qui agissent sur l'évolution de la situation, à en croire les propos d'un représentant de l'IATA que nous avons entendu dans le cadre d'une conférence à laquelle nous avons assisté en Afrique du Nord il y a deux ou trois semaines, l'une des principales raisons pour lesquelles les jeunes ne choisissent pas de faire carrière dans l'aviation est la rémunération et le fait que ce n'est plus le travail que c'était, avec les longues heures à faire.
    C'est un secteur qui présente peu d'attraits. On peut gagner beaucoup plus d'argent en choisissant d'autres professions qui demandent beaucoup moins d'études.

[Français]

    C'est bien. Je suis heureux que vous nous disiez que vous avez des chiffres. Transports Canada veut enclencher des discussions en juin et veut un rapport d'ici deux ans. Capitaine Strachan, vous nous dites que vous seriez prêts à déposer au comité les études que vous possédez sur la fatigue, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Absolument, monsieur Laframboise. Il nous tarde de soulever ces questions et d'apporter notre appui aux activités que le comité ou tout autre organisme gouvernemental pourraient entreprendre à leur égard.

[Français]

    Parfait.
    Il est certain que ce doit être des études assez importantes. Vous avez besoin de temps. Il serait facile pour moi de vous demander de nous les déposer, mais vous avez probablement besoin de nous les expliquer. Avez-vous des spécialistes, dans vos services, qui sont capables de venir nous les présenter?

[Traduction]

    Oui, je crois que nous pourrions offrir une excellente expertise à l'égard de tout éventuel effort gouvernemental et il nous tarde de le faire.

[Français]

    Pour les autres pays, vous nous...
    Oui, monsieur Wiszniowski.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Parmi les recommandations formulées par l'OACI devant les groupes de travail, certaines voulaient que le temps de vol et les périodes de service soient fixés en fonction de données scientifiques. Comme le commandant Strachan l'a mentionné plus tôt, nos heures de service en vol ont été établies en 1965. Il y a eu une légère modification quand les ONA sont entrés en vigueur en 1969 puis de nouveau en 1996, année de la parution de la version modifiée des périodes de service et du temps de vol.
    En ce qui concerne le processus du CCRAC concernant le temps de vol et les heures de service, j'ai retracé hier sur Internet l'évolution du statut du groupe de travail du CCRAC de 1994 jusqu'à aujourd'hui. Il est indiqué à la section III que le groupe de travail sur les heures de service et le temps de vol a été mis sur pied en 1996 et aucun rapport final n'a été présenté au groupe décisionnel du CCRAC. Nulle initiative en matière de réglementation n'a été présentée au groupe de travail technique et le dossier est toujours ouvert.
    J'ai reçu la semaine dernière un courriel de Transport Canada disant que le dossier 2100-51-6-3 du CCRAC daté de décembre 1996 serait retiré du site Web à l'occasion de la mise à jour planifiée suivante parce qu'il ne relève pas d'un groupe de travail national de délibération.
    Le 28 juin de la présente année, le CCRAC réactivera le groupe de travail sur le temps de vol, mais nous voulons nous assurer que sera reconnu le fait que les règles auxquelles nous sommes actuellement astreints ne reposent sur aucune base scientifique. On peut s'en rendre compte à voir le plateau à la marque de 14 heures au haut du graphique, parce qu'il ne tient pas compte des creux circadiens, de l'inversion des heures et des changements de fuseaux horaires. Un certain nombre de paramètres sont absents.
    Nous avons collecté les données pertinentes, qui reposent sur ce que Air New Zealand a fait. Nous participons à des conférences et aux travaux de groupes de travail internationaux afin de défendre ce dossier. Comme l'a dit le commandant Strachan, l'impact sur notre association est inexistant, parce que nous sommes essentiellement conformes à la courbe en forme de cloche qui s'observe dans chaque pays du monde, sauf le Canada.
    Au cours d'une réunion à laquelle nous avons participé la semaine dernière, à laquelle l'OACI et l'IFALPA étaient présentes, nous avons constaté que la réglementation canadienne n'était meilleure que celle de deux autres pays du monde: la Bulgarie et le Gabon, en Afrique occidentale.
    Alors, où en sommes-nous? Nous devons faire des progrès au niveau de notre réglementation et c'est la raison de notre présence ici.
    Il ne doit y avoir qu'un seul niveau de sécurité. Que l'on voyage à bord d'un avion d'Air Canada ou d'un transporteur aérien du Nord, que l'on travaille au large des côtes ou où que ce soit au Canada, chaque Canadien et chaque Canadienne doit pouvoir compter sur le même niveau de sécurité.
    Nous savons bien que d'autres accidents se produiront; nous ne voulons pas attendre qu'un autre événement tragique dû à la fatigue survienne avant de nous dire que nous aurions dû faire quelque chose. Notre association fait tout ce qu'elle peut et nous en appelons maintenant à votre expertise et à celle du gouvernement pour déterminer où on s'en va.

  (1030)  

[Français]

    D'accord.
    Vous nous dites qu'il ne s'est rien passé depuis 1996.
    Oui.
    Donc, vous n'avez pas confiance et ne voulez pas vous embarquer dans des discussions. Vous voulez des résultats. Est-ce cela, finalement?
    Il n'y a aucune confiance dans le processus du CCRAC.
    Évidemment, pour notre comité, une façon serait d'enclencher toute suite une étude avec des résultats. C'est ce que vous nous conseillez.

[Traduction]

    Il faut activer les choses. Nous ne sommes pas en train de réinventer la roue, monsieur Laframboise. Nous disposons des données et des connaissances scientifiques. Presque tous les autres pays ont déjà agi; dans certains cas, cela fait déjà des années. C'est une lacune flagrante de notre industrie. Et c'est largement connu non seulement au Canada mais dans le monde entier.

[Français]

    Monsieur Adamus, vous nous dites que si on réglait les problèmes d'horaires de travail ou de fatigue, cela pourrait finalement encourager des jeunes à devenir pilotes. Est-ce un peu cela que vous nous dites?

[Traduction]

    C'est en tout cas une possibilité. La profession telle qu'elle se pratique aujourd'hui n'a rien pour faire rêver les jeunes. Cela a déjà été le cas; quand j'étais jeune, je voulais déjà être pilote, mais on ne voit plus ce genre d'aspiration maintenant.
    Nous avons parlé du processus du CCRAC et du fait que Transports Canada allait se pencher sur le temps de vol et les heures de service. Les États-Unis ont fait la même chose récemment. Ils ont eux aussi un processus de réglementation, qui prend de nombreuses années, mais dans ce cas, au lieu de s'en tenir au processus habituel, ils ont pris conscience de l'urgence d'agir, accéléré les choses et mené à bien leurs délibérations en huit semaines seulement. Nous sommes toujours à attendre que la FAA présente une nouvelle règle, mais ils ont bouclé leurs études en huit semaines.
    Monsieur Bevington.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Il semble qu'on veuille en quelque sorte opposer deux éléments. D'un côté, pour chaque vol, on prélève entre sept et huit dollars par passager en droits pour la sécurité. De l'autre, on ralentit la mise en oeuvre du règlement relatif aux heures de travail des pilotes. Nous avons vraiment besoin de ce règlement.
    Quel serait le meilleur investissement pour le gouvernement? Doit-on resserrer les règles sur les heures de vol et de travail des pilotes ou installer des scanners dans les aéroports et doubler les systèmes de sécurité disponibles?
    Merci, monsieur Bevington.
    Comme le comité et le gouvernement, nous nous soucions de la réalité économique, mais en ce qui concerne ces deux problèmes, je ne crois pas qu'il faille choisir. Je veux dire par là que la sûreté et la sécurité ne devraient pas être évaluées en ne tenant compte que du point de vue économique. Même si nous devons faire preuve de sagesse et trouver les meilleurs moyens de mettre en oeuvre ce qui doit être fait, je ne crois pas qu'il faille faire un choix.
    Nous devons trouver un moyen efficace de faire les deux.
    Vous avez dit que vous êtes désavantagés par les coûts inhérents à la sécurité. Le système canadien de sécurité coûte très cher si on le compare aux systèmes qui existent dans les autres pays. Quelles options avons-nous pour réduire ces coûts tout en étant efficaces sur le plan de la sécurité? C'est ce que nous essayons de trouver dans ce comité.
    En ce qui concerne la sécurité à bord des avions, ce que je considère un élément de la plus haute importance, nous devons examiner les statistiques afin de savoir le nombre de Canadiens qui ont perdu la vie en raison de problèmes de sécurité en avion par rapport à ceux qui l'ont perdue en raison de problèmes de sûreté. Pour nous, la sécurité est également importante.
    Pourquoi ne pas consacrer nos énergies à améliorer la sécurité en avion?

  (1035)  

    Je n'ai pas la réponse, alors je vais laisser répondre mon collègue, le capitaine Manuge. Je pense qu'il a quelques bonnes idées. Vous avez demandé si on pouvait prévoir les imprévus. Les idées de Tim pourraient vous intéresser.
    Monsieur Bevington, nous sommes sur le point de publier un document de travail sur la sûreté. Nous le soumettrons au comité pour qu'il puisse l'examiner.
    C'est entendu. Nous attendrons ce document.
    Je pense que nous avons quelques solutions en matière de sûreté qui pourraient s'avérer avantageuses sur le plan des coûts.
    J'aimerais soulever un fait intéressant: nous faisons partie du comité du GCSA, le groupe consultatif sur la sûreté aérienne, qui se réunit trois fois par année sous l'aile de Transports Canada. Revenu Canada est venu nous parler des droits pour la sécurité des passagers. On ne pouvait pas nous dire où l'argent allait puisqu'il était versé au Trésor public.
    Si nous pouvions isoler ces droits du Trésor public et les gérer séparément, nous aurions probablement une meilleure compréhension des coûts exacts, des bénéficiaires et du montant utilisé pour résoudre les problèmes de mise en oeuvre des nouveaux programmes.
    Oui.
    J'ai entendu des témoignages divergents concernant la sûreté des portes des cockpits à l'intérieur des avions. Nous avons entendu qu'elles pouvaient résister à l'explosion d'une grenade. J'ai également entendu comment les forces de sécurité pouvaient les ouvrir à coups de pied.
    Que pensez-vous du renforcement des portes du cockpit?
    Idéalement, les portes de sûreté qu'on trouve aujourd'hui sont faites de kevlar, surtout pour stopper des balles qui pourraient se retrouver dans le cockpit et blesser ou tuer les pilotes. La situation idéale, comme El Al l'a démontré, consisterait à installer une deuxième porte. Aux États-Unis, le FAA explore actuellement cette solution. Nous faisons partie du groupe chargé d'explorer cette solution.
    Une fois de plus, malheureusement, la solution idéale coûte cher. Si cette solution était approuvée ou mise en oeuvre, on réduirait grandement les risques relatifs à la sûreté. Si nous pouvions savoir où va l'argent perçu en droits pour la sécurité des passagers, nous pourrions nous en servir pour payer cette dépense.
    Ne conviendriez-vous pas qu'une fois le cockpit sécurisé, l'évaluation du risque associé à un avion change du tout au tout?
    Aucun doute là-dessus.
    Aucun doute. Donc, si on a de petits objets de métal et qu'on utilise les scanners pour diriger... et nous avons eu la preuve que ces appareils détectaient bien les couteaux en céramique et autres objets du genre. L'utilité de ces objets devient réduite parce qu'il n'y a plus de risque pour l'avion, étant donné qu'on n'a pas accès au cockpit.
    N'est-ce pas vrai?
    Vous avez raison, monsieur. Nous aimons bien considérer cette approche comme une approche en plusieurs couches. Si une couche échoue à sa tâche, une autre couche tient le fort derrière.
    Mais nous devons nous souvenir que nous tentons également de réduire les coûts de notre système tout en nous assurant qu'il nous protège.
    Absolument.
    Si nous répétons des mesures qui ont déjà été prises à l'intérieur de l'avion, n'est-ce pas une situation où nous pourrions envisager quelques ajustements à l'enveloppe destinée à la sûreté?
    Je suis totalement d'accord avec vous. Cependant, permettez-moi de répéter que nous devons savoir où va l'argent des droits pour la sécurité. Comment pouvons-nous établir un budget qui nous permettrait d'ajouter des couches de protection et régler les problèmes de sûreté si nous ne savons pas combien nous avons en banque?
    Monsieur, j'aimerais répondre à la première partie de votre question, relativement aux domaines où nous devrions concentrer nos dépenses. Le Canada ne se conforme pas aux règles de l'OACI sur les heures de vol et de travail.
    Je suis totalement d'accord avec vous à ce sujet.
    En ce qui a trait au SGS, en octobre dernier, nous avons eu un incident avec Air Canada lorsqu'un vol a été détourné de Toronto vers Winnipeg. Un certain nombre de règles auraient été enfreintes: ravitaillement avec les moteurs en marche, déglaçage, des choses du genre.
    Quelles mesures d'application des règlements ont été prises par Air Canada après cet incident?
    Merci, monsieur Bevington.
    On a dit plus tôt que les gens prenaient pour acquis que c'étaient les industries qui menaient l'enquête. Je n'irai pas plus loin sur ce sujet, mais je dois dire que je connais bien l'incident en question. Vous aussi, je présume. Nous étions en fin de soirée et un avion se dirigeait vers Winnipeg. Un autre avion a bloqué la piste, ce qui a rendu l'aéroport inutilisable. Même si ce n'était pas une solution parfaite, le détour vers Grand Forks ne constituait pas un problème en soi. C'était la procédure normale.

  (1040)  

    Pourquoi ne pas être allés à Regina ou à Saskatoon?
    Il est clair qu'une des tâches des enquêteurs du SGS après l'incident était l'examen du processus d'attribution d'itinéraires secondaires à un vol.
    L'attribution est faite selon une évaluation des risques, qui n'est pas nécessairement scientifique. Cependant, à cette heure tardive et sous les conditions météo qu'on connaissait à ce moment, il n'y avait aucune raison de croire qu'on puisse fermer l'aéroport de Winnipeg. Un avion qui tombe en panne sur la piste, c'est plutôt inhabituel.
    Une fois l'avion dévié vers Grand Forks, au Dakota du Nord, il y a eu plusieurs problèmes.
    Par malchance, l'avion avait décollé avec un système d'alimentation auxiliaire inutilisable. L'avion était maintenant sur le tarmac, à Grand Forks, et il était impossible d'obtenir l'électricité nécessaire pour le ravitaillement sans une source interne d'énergie. Dans cette situation, il ne restait que les moteurs.
    Normalement, les employés auraient dû faire descendre les passagers et procéder au ravitaillement. Cependant, un agent des services frontaliers américains était assis en bas de la passerelle d'embarquement. Il disait qu'il était absolument hors de question que quelqu'un descende de l'avion. Les passagers étaient en quelque sorte pris en otage.
    Il est intéressant de noter que le fabricant de l'avion, un A320, a publié une procédure de ravitaillement avec les moteurs en marche. Cette procédure ne fait pas partie de nos procédures normales d'exploitation. Cependant, compte tenu de la situation, je pense que notre personnel a fait un travail exemplaire en agissant de la manière la plus sécuritaire qui soit dans une situation totalement imprévue. On ne peut rédiger un règlement pour chacune des situations qui pourraient se produire. Dans les circonstances, comme c'est toujours le cas, nos employés ont fait un excellent travail.
    On a spéculé...
    [Note de la rédaction: inaudible]... mesures d'application — je veux dire par la suite.
    Comme j'ai dit, tout vient du SGS.
    Maintenant, si ces recommandations aboutissent à des endroits comme le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités avant même qu'on ait terminé, le résultat sera tel que mon collègue a dit plus tôt: on assistera à un recul de 30 à 40 ans de la culture de l'industrie en matière de sécurité.
    Merci.
    Les cloches sonnent, c'est le signal d'un vote.
    Comme M. Bovington, je trouve plutôt ironique qu'un avion en sol canadien ou qui survole le territoire du Canada doive aller aux États-Unis plutôt qu'à Regina lorsqu'il a besoin d'un aéroport de dégagement. Je trouve étrange qu'on envoie un avion au Sud plutôt qu'à l'Ouest ou à l'Est, en sol canadien, où les passagers auraient pu descendre sans être importunés comme ils l'ont été.
    Ça peut être en raison de problèmes tels que les heures d'ouverture des aéroports, les conditions météo à Brandon, Regina ou Saskatoon. Plusieurs variables entrent en ligne de compte. Il est difficile de...
    Oui, mais dans le protocole, on devrait exiger de toujours choisir un aéroport canadien en premier lieu. En tout cas, c'est ce que je pense.
    Normalement, ce serait le premier choix. En fait, Winnipeg est unique à cet effet parce qu'il est plutôt isolé.
    Le président: Brandon?
    Cmdt Paul Strachan: Même si nous aimerions bien aller vous voir, Brandon pourrait ne pas être en mesure de nous accueillir.
    Des voix: Oh, oh!
    Sur ce, je vais devoir lever la séance.
    J'aimerais dire au sous-comité qu'après le vote, nous avons réservé la salle de l'autre côté du hall. La séance devrait durer 15 minutes. Après le vote, nous retournons donc de l'autre côté.
    Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Je l'apprécie.
    La séance est levée.
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