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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 014 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 mai 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Le temps de parole des témoins sera raccourci de 10 minutes chacun parce que nous devons nous occuper des travaux du comité à la fin.
    Bienvenue au Comité permanent du patrimoine canadien, séance numéro 14. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude des médias numériques et émergents: possibilités et défis.
    Nos premiers témoins sont Jeremy Butteriss et Kenneth Engelhart de Rogers Communications. Nous accueillons aussi Mark Bishop, de marblemedia Inc.
    Si vous pouviez limiter vos déclarations préliminaires à près de 10 minutes, nous vous en saurions gré. Ainsi, nous pourrons avoir une série de questions supplémentaire.
    Quiconque veut commencer la présentation de Rogers, faites, je vous prie.
    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Je m'appelle Ken Engelhart, vice-président principal à la Réglementation de Rogers Communications Inc. Je suis accompagné de Jeremy Butteriss, directeur principal, Divertissement large bande, Rogers Cable. Rogers est heureux d'avoir l'occasion de discuter de l'évolution des médias numériques et émergents au Canada et de leur incidence sur les industries culturelles canadiennes.
    Comme le temps qui nous est alloué est limité, nous parlerons surtout de télédiffusion sur Internet. Nous avons organisé nos commentaires en fonction de quelques-unes des questions posées par ce comité.
    Jeremy.
    Merci à tous.
    Les consommateurs d'aujourd'hui souhaitent regarder ce qu'ils veulent, quand bon leur semble, et à l’endroit qui leur convient. Ils veulent regarder leur émission préférée à 20 heures, mais s'ils l'ont manquée, ils veulent pouvoir la regarder plus tard. Ils veulent voir du contenu à la télévision ainsi que sur leurs dispositifs portables et à l'ordinateur. À notre avis, un plan d'affaires ou une initiative de politique publique qui ne tient pas compte de cet aspect du comportement du consommateur est voué à l'échec.
    De nombreux experts prédisent que les téléspectateurs regarderont tous la télévision sur Internet. On voit déjà apparaître des services comme Hulu aux États-Unis. Ces grands fournisseurs de services risquent de ruiner les fournisseurs de télévision par câble et peut-être même les radiodiffuseurs canadiens. C'est ce qu'on appelle la désintermédiation, et c'est un processus qui a déjà remplacé bon nombre d'entreprises physiques par des entreprises en ligne.
    Par contre, la vision du « n’importe où, en tout temps » ne signifie pas qu'il est inévitable que tout le visionnement de vidéos se fera sur Internet. Nous croyons que les réseaux de radiodiffusion en direct et les réseaux de télédistribution pourraient exister encore bien longtemps. Cependant, pour survivre, ces réseaux devront être efficaces et offrir aux consommateurs la fonctionnalité qu'ils réclament.
    Donc, que peuvent faire les industries culturelles canadiennes pour tirer profit de l'évolution des médias numériques et émergents et pour se préparer aux développements futurs? Nous répondrons à cette question en parlant de la façon dont Rogers Cable travaille d'arrache-pied pour offrir aux clients de tout, n’importe où et en tout temps en améliorant l'expérience télévisuelle canadienne au moyen de technologies numériques modernes.
    Les téléspectateurs qui regardent la télévision numérique peuvent suivre des émissions sur leurs canaux préférés dans différents fuseaux horaires, leur offrant ainsi l'option « diffusion différée » qui leur permet de regarder ces émissions plus tôt ou plus tard que l'heure de diffusion locale. Les enregistreurs vidéo personnels ou EVP sont utilisés par 20 p. 100 de nos abonnés. Ils permettent aux abonnés d'utiliser, pour leurs émissions de télévision, les fonctions d'enregistrement, d'avance rapide, de rembobinage et de pause. En outre, comme un grand nombre d'émissions sont disponibles en vidéo sur demande, les abonnés peuvent les regarder à leur guise.
    Rogers Cable offre aussi le service Rogers sur demande en ligne. Ce service s'inspire d'une vision selon laquelle les consommateurs peuvent regarder les émissions des services de programmation auxquels ils sont abonnés aussi bien à la télévision que sur Internet, sur un ordinateur. Même si les émissions de télévision ne sont pas toutes offertes dans le cadre de ce service, le menu actuel est assez copieux: nous offrons plus de 37 contenus différents. Le service a été bien accueilli jusqu'à présent. Nous prévoyons un jour offrir ce service sur téléphone cellulaire également.
    Les technologies numériques peuvent aussi en faire plus pour les radiodiffuseurs. Les câblodistributeurs aux États-Unis commencent à élaborer des plateformes de publicité ciblée de façon à ce que des annonces différentes puissent être envoyées à différentes personnes en fonction de leur quartier ou de leurs préférences. L'une d'entre elles est connue sous le nom de « Project Canoe ».
    Cela permettrait aux télédiffuseurs d'augmenter le prix de la publicité, ce qui les aiderait dans leur analyse de rentabilisation. En réalité, cela permettra de cibler et de mesurer la publicité télévisée tout comme la publicité sur Internet aujourd'hui.
    Ken.
    Si Rogers parvient à exploiter la technologie numérique pour moderniser notre service de télévision par câble, le CRTC pourra continuer à imposer la réglementation en matière de contenu canadien qu'il impose déjà aujourd'hui. Ces règlements ont bien servi les industries culturelles canadiennes. À titre d'exemple, 55 p. 100 du contenu diffusé par un réseau de télévision doit être canadien. Cependant, si on fait migrer tout le contenu télévisuel à l’Internet, la télévision canadienne perdra l'avantage que lui procurent les quotas de contenu canadien.
    II faut que le CRTC adopte des politiques souples pour nous aider à réussir cette transition. Et il l'a déjà fait, sauf dans un cas digne de mention. Il nous a permis d'offrir des émissions télévisées en vidéo sur demande et d'insérer de nouvelles annonces pour motiver les radiodiffuseurs à nous fournir de la programmation. Il n'a imposé ni taxes ni frais pour notre service Internet. Il a indiqué sa volonté de nous laisser vendre des annonces dans le cadre de notre programmation de canal communautaire provenant des États-Unis pour payer le prix d'un régime de publicité ciblée, comme le font les câblodistributeurs américains.
    Notre seule cause de préoccupation est la décision du CRTC annoncée récemment en ce qui concerne la compensation pour la valeur des signaux. Cela nous obligera à dépenser beaucoup pour la télévision au moment même où les abonnés sont de plus en plus nombreux à abandonner la télévision linéaire en faveur du visionnement sur demande et du visionnement en ligne.
    Il y a aussi des politiques que le gouvernement fédéral pourrait adopter. Par exemple, conformément à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, les entreprises canadiennes ne peuvent pas déduire de leur revenu imposable les dépenses engagées pour placer de la publicité dans des magazines américains ou sur les ondes de stations de télévision frontalières.
    Le même règlement devrait s'appliquer aux sites Web américains. Il sera ainsi plus coûteux de placer de la publicité sur Hulu, par exemple, si jamais ce service est offert au Canada. L'objectif devrait être de s'assurer que les annonceurs préfèrent les services qui appartiennent à des entreprises canadiennes et qui sont exploités par elles.
    On devrait aussi offrir des crédits d'impôt fédéraux pour le contenu en ligne. Les règlements actuels offrent seulement des crédits pour la production de divertissement filmé. Certaines provinces, comme la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec, se sont déjà engagées dans cette voie.
    Les tarifs des droits d'auteur au Canada sont exorbitants. Nous payons plus en droits d'auteur pour le contenu en ligne et le contenu de médias traditionnels que les entreprises médiatiques américaines. Par conséquent, il nous est difficile de nous adapter et d'être concurrentiels. Par exemple, il est plus cher de télécharger les copies numériques d'oeuvres musicales en ligne que de les acheter sur disque compact à cause des tarifs et des redevances de droits d'auteur. Le fait d'accumuler les redevances pour les médias numériques continuera à inciter les consommateurs à obtenir les oeuvres musicales et les autres produits protégés par le droit d'auteur au moyen du partage illicite de fichiers sur Internet et auprès des grands fournisseurs de services américains non réglementés comme YouTube.
    C'est aussi une erreur de laisser les droits d'auteur dissuader les radiodiffuseurs de moderniser leurs activités. Par exemple, si une station de radio fait jouer de la musique sur disque compact, elle peut avoir à payer deux types de redevances de droits d'auteur. Si elle charge ces DC sur un serveur, elle pourrait avoir à en payer quatre de plus. Les stations de radio canadiennes paient deux fois plus en redevances de droits d'auteur que les stations de radio américaines. Cela est d'autant plus inquiétant que plus de la moitié des redevances de droits d'auteur sont versées à l'extérieur du Canada.
    Il faut contrôler les tarifs de droits d'auteur au Canada sans quoi l'industrie canadienne de la radiodiffusion n'arrivera pas à rivaliser avec l’Internet ou les autres nouvelles technologies. Cela explique en partie pourquoi nous n'avons pas de stations de radio sur Internet et pourquoi nous avons été envahis par des services étrangers provenant de territoires plus rentables.
    Aux États-Unis, les EVP deviennent de plus en plus rentables grâce à l'EVP en réseau. Un EVP n'est qu'un terminal numérique doté d'un disque dur. L'EVP en réseau centralise le disque dur au siège social de l'entreprise de câblodistribution. Ainsi, tous les terminaux numériques peuvent servir d'EVP, ce qui permet à tous les clients de profiter de la souplesse d'un EVP à un coût considérablement réduit.
    La plus récente version modifiée de la Loi sur le droit d'auteur du Canada, le projet de loi C-61, interdit expressément aux câblodistributeurs de recourir à I'EVP en réseau. Nous estimons qu'il s'agit là d'une erreur qui devrait être corrigée dans le prochain projet de loi sur le droit d'auteur.
    Rogers recommande, en matière de réforme du droit d'auteur et d'application des traités de l'OMPI, une approche équilibrée qui continuera de récompenser l'innovation et la créativité.
    Si nous parvenons à réaliser notre vision d'offrir à nos clients la télévision sur toutes les plateformes, cela profitera certainement à notre entreprise. Comme nous l'avons dit plus tôt, cela permettra aussi de maintenir le régime de réglementation du contenu canadien. Les créateurs de contenu artistique et culturel pourront aussi être payés pour leurs oeuvres. Un environnement où le contenu est disponible gratuitement sur Internet ne permet pas aux créateurs d'être rémunérés pour leurs oeuvres. Notre modèle conservera la chaîne de valeur actuelle tout en permettant à tous les fournisseurs d'être rémunérés.
    Nous ne croyons pas que la modification des règles régissant la propriété étrangère aura un impact sur la culture et le contenu canadiens. On peut changer les règles canadiennes qui régissent la propriété étrangère en ce qui concerne les sociétés de télécommunications et les entreprises de câblodistribution. Ces entreprises sont principalement des distributeurs de contenu. Et on peut maintenir les règles qui régissent la propriété étrangère en ce qui a trait aux fournisseurs de contenu. Les stations de radio et de télévision et les chaînes spécialisées peuvent demeurer sous contrôle canadien. Cela permettrait aux distributeurs à forte intensité de capital d'accéder au capital étranger à moindre coût, tout en s'assurant que les producteurs de contenu sont canadiens.
    Merci.

  (1110)  

    Merci pour cette présentation.
    Nous poursuivons avec Mark Bishop, je vous prie.
    Bonjour, monsieur le président et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie tous de me fournir l'occasion d'être ici aujourd'hui et de participer à cette discussion sur l'étude des médias numériques et émergents.
    Mon nom est Mark Bishop. Je suis originaire de Saint John, au New Brunswick, et j'habite maintenant à Toronto. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de ce sujet. Je suis membre du conseil d'administration de l'ACPFT, l'Association canadienne de production de films et de télévision. Je sais que deux membres de notre personnel ont comparu devant vous la semaine dernière, et j'appuie leurs propos.
    Je suis président du conseil d'administration de Interactive Ontario. Notre président, Ian Kelso, a comparu il y a deux semaines, et j'appuie ses propos.
    Aujourd'hui, je suis ici à titre de cofondateur et chef de production de marblemedia, une entreprise de production de médias numériques intégrés. Nous occupons une position unique sur le marché en ce sens que nous créons du contenu et que nous distribuons notre propre contenu intégré sur plateformes multiples.
    À ses débuts, il y a neuf ans, l'entreprise était exploitée dans ma salle à dîner et nous étions deux. Aujourd'hui, nous avons 30 employés à temps plein dans nos studios de Toronto. Chaque année, nous générons entre 15 et 20 millions de dollars de revenus de production.
    Dès le premier jour, l'entreprise s'est axée sur le contenu, sur la narration d'histoires qui amènent l'auditeur sur des plateformes multiples. Nous avons repoussé les limites de l'expérimentation avec les nouvelles plateformes depuis la création de l'entreprise: haute définition, télévision sur le Web, téléphone cellulaire, technologie convergente, transmédias et j'en passe. Nous avons tout fait.
    Tout cela a été réalisé grâce à l'appui financier d'un certain nombre d'organismes de financement du Canada qui nous ont permis de faire grandir notre entreprise. Le Fonds de nouveaux médias du Canada de Téléfilm Canada, le Fonds de la radiodiffusion et des nouveaux médias de Bell et, maintenant, le Fonds des médias du Canada et de nombreux autres nous ont fourni un tremplin pour notre croissance et ont permis à marblemedia d'être reconnu comme un chef de file à l'échelle internationale.
    En 2008, nous avons remporté le prix « Entreprise de l'année » au gala des Prix des nouveaux médias canadiens. L'automne dernier, le Hollywood Reporter a dit que nous étions « producteur de contenu de prochaine génération de calibre international ».
    Nous avons connu du succès dans le domaine de la programmation — sur toutes les plateformes — destinée aux heures de grande écoute et aux jeunes. Taste Buds, deafplanet.com, This is Emily Yeung, et This is Daniel Cook sont quelques-uns de nos titres.
    Je voulais parler de This is Daniel Cook. Je sais que la semaine dernière, mes collègues de l'ACPFT l'ont cité en exemple. Encore une fois, il s'agit d'une série sur plateformes multiples destinée aux enfants d'âge préscolaire, et nous produisons les émissions pour le Web et pour la télévision au Canada. À l'échelle internationale, nous avons vendu la série télévisée à 90 pays, et elle a été traduite en 11 langues. Nous avons créé une série DVD en six volumes, une bande sonore et des livres, et nous avons même été vus au Oprah Winfrey Show.
    Nous avons également vendu le contenu Web. Les jeux en ligne interactifs et le contenu mobile ont été cédés sous licence à des diffuseurs et des portails de jeu en ligne. À son apogée, le site interactif pour les enfants d'âge préscolaire tiré de l'émission de télévision, « thisisdanielcook.com », a été visité 1,7 million de fois par mois. En moyenne, chaque visite de nos enfants d'âge préscolaire avait une durée de 14 minutes. C'est assez impressionnant quand on pense que nous parlons d'une émission de télévision de six minutes.
    Je vous fais part de tout ceci pour vous dire que les investissements du gouvernement dans l'industrie de la production de contenu apportent des résultats. Cela permet de créer du contenu que les Canadiens peuvent regarder avec plaisir, cela crée des emplois au Canada, cela permet de bâtir des entreprises capables d'exporter, par la vente à l'échelle internationale de contenu culturel canadien sur toutes les plateformes. L'investissement fournit un tremplin qui permet à marblemedia d'être un chef de file à l'échelle mondiale dans le domaine des récits convergents. Nos projets primés attirent maintenant des producteurs étrangers, qui veulent travailler davantage avec marblemedia et investir dans nos récits canadiens.
    Ces nouveaux partenariats voient le jour avec de nombreux joueurs différents, des groupeurs de contenu. À titre d'exemple, il y a le nouveau projet Web numérique de marblemedia réalisé en collaboration avec une entreprise nommée Vurugu. Cette entreprise, fondée par Michael Eisner, l'ancien PDG de Disney, est un studio numérique de Los Angeles. Nous venons tout juste de nous engager dans un nouveau projet avec eux. Notre rôle consistera à produire et distribuer le projet en partenariat avec Rogers.
    Un des autres projets de marblemedia est de créer, pour la télévision et le Web, une nouvelle série pour enfants sur plateformes multiples. Nous avons prévendu la série télévisée et la série interactive à la BBC et à ABC Australia, qui ont été les premiers à se joindre à nous, puis qui ont incité notre diffuseur partenaire canadien à faire de même.
    Donc, il y a beaucoup d'activité, mais il y a place à amélioration, et c'est ce dont je vais parler aujourd'hui.
    Pour revenir à certaines des choses qui fonctionnent pour les créateurs de contenu indépendants, le ministre Moore a annoncé la création officielle du Fonds des médias du Canada le 26 mars. Pour nous, il s'agissait d'un lien important entre les fonds consacrés à la télévision et les fonds destinés aux médias interactifs. Cela a suscité un grand débat au sein de l'industrie, un débat qui se poursuit depuis 12 mois. Cela a incité les diffuseurs du Canada à voir le contenu sous un autre angle. Cela favorise l'innovation en matière de modèle d'entreprise et de récit.
    En raison des changements dans les tendances sociales et technologiques, le contenu est en voie de devenir indifférent au support. Qu'il soit diffusé à la télévision ou en continu en ligne, ou qu'il soit disponible pour téléchargement sur le... [Note de la rédaction: difficultés techniques] ... le récit peut maintenant être une expérience interactive et à écrans multiples.

  (1115)  

    La création du FMC reflète cette nouvelle réalité. Elle aura une incidence positive et à long terme sur les producteurs indépendants de contenu.
    Ce que nous recommandons, c'est de chercher le moyen de stabiliser le fonds au-delà d'un ou deux ans. Si le gouvernement prenait un engagement sur cinq ans, tous les intervenants pourraient dresser des plans d'entreprise à plus long terme.
    Nous voudrions aussi recommander l'examen d'autres critères que la télédiffusion, qui reste le seul critère de déblocage des fonds, dans le cadre de cette nouvelle initiative.
    Il convient aussi de parler d'une autre initiative financière, les crédits d'impôt. Le gouvernement fédéral accorde des crédits d'impôt pour production télévisuelle et cinématographique, comme la plupart des provinces. Pour les médias interactifs, les crédits d'impôt sont encore à part et n'existent que dans certaines provinces, comme l'Ontario. Le crédit d'impôt visait à permettre la capitalisation des compagnies et devait être le tremplin de leur croissance. Cette capitalisation est la clé, bien que la plupart des compagnies doivent réinvestir dans des projets leurs crédits d'impôt pour production télévisuelle, ce qui n'en était pas l'objet à l'origine. La pénurie de capitalisation en découlant paralyse de nombreuses compagnies.
    Le crédit d’impôt de l’Ontario pour les produits multimédias interactifs numériques — pour donner l'exemple de l'Ontario — nous a vraiment permis, à marblemedia, d'investir dans la recherche-développement, la nouvelle technologie et l'innovation. Nous recommandons une révision de ces politiques, l'élargissement de la portée des crédits d'impôt fédéraux pour production télévisuelle et cinématographique afin d'englober les nouveaux médias, et une révision des critères, comme je disais tout à l'heure, pour que ce ne soit pas seulement la télédiffusion.
    Pour ce qui est de la stratégie nationale sur le numérique, c'est avec grand plaisir que j'ai modifié mes observations à la suite des excellentes nouvelles reçues hier. Depuis qu'il en a été question dans le discours du Trône, et avec, maintenant, la mise en oeuvre du plan de consultation de l'industrie et des intervenants, la stratégie est des plus intéressante. Je suis très heureux de constater qu'elle est axée sur le contenu et la collaboration avec l'industrie.
    Les médias numériques revêtent une importance primordiale pour l'avenir culturel et économique du Canada. Comme le disait hier le ministre Moore, « nous reconnaissons le rôle de premier plan du secteur des médias et du contenu numériques dans l'économie numérique et nous avons l'intention d'établir un plan à long terme qui résistera à l'épreuve du temps ».
    Tout cela nous permettra de nous mesurer aux concurrents qui nous ont devancés, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne. Nous avons besoin d'une infrastructure haut de gamme qui soit contrôlée par des compagnies canadiennes et qui transmette notre contenu canadien, produit par des professionnels. Les Canadiens regarderont notre contenu et s'y identifieront si nous diffusons un contenu intéressant sur les tribunes appropriées.
    Nous sommes ravis de voir le gouvernement prendre l'initiative du dialogue. Marble restera un participant actif à ce dialogue, de concert avec nos partenaires de l'ACPFT, Interactive Ontario, l'Office national du film du Canada, etc.
    Nous estimons qu'il faut préciser les modalités des échanges pour rendre les règles plus équitables pour tous. Les producteurs doivent maintenant recourir à de multiples télédiffuseurs et à de multiples plateformes, et sont souvent confrontés à la tâche difficile de devoir renoncer à leurs droits sans aucune rémunération supplémentaire en échange. La négociation est difficile, parce que, dans le bras de fer qui oppose diffuseurs et producteurs, ce sont les diffuseurs qui contrôlent tout et possèdent la clé qui ouvrira les coffres du FMC, du fonds de Bell, des crédits d'impôt et des autres incitatifs financiers.
     Il faut des modalités des échanges pour que ce modèle d'exportation de contenu et de génération de revenu soit efficace pour tout le système. Nous devons maintenir en son centre les producteurs indépendants, qui fournissent des points de vue indépendants. Nous avons été heureux de constater que le CRTC s'attend à ce que ce soit inclus dans les renouvellements des droits de licence en 2011.
    En ce qui concerne l'investissement étranger, nous constatons que les traités de coproduction ne portent que sur les productions cinématographiques et télévisuelles. Ils sont dépassés et ont besoin d'être révisés. Nos traités de coproduction doivent englober le contenu interactif et les plateformes interactives. Puisque les droits de licence que perçoivent les diffuseurs au Canada diminuent — une tendance qui s'accentue —, nous avons besoin de partenariats et d'investissements étrangers dans notre contenu.
    Pour terminer, à marblemedia, nous nous réjouissons de l'avenir de la production du contenu qui se profile à l'horizon. Le Canada peut et doit être un chef de file mondial à l'ère du contenu numérique. Le gouvernement doit être notre partenaire et appuyer nos activités en privilégiant un climat favorable à l'innovation, la narration et l'exportation. Votre collaboration est indispensable.
    La stratégie nationale pour les médias numériques est l'objet d'un dialogue continu: elle est indissociable de notre succès futur. Elle est centrée sur le contenu professionnel, et il est essentiel que l'accès à ce contenu se fasse au moyen de services appartenant à des Canadiens. La création et la distribution du contenu — je le répète, du contenu canadien produit professionnellement, dont la majorité, on peut l'espérer, émanerait de producteurs indépendants — doit être accessible aux publics canadiens, quelque soit la plateforme visuelle canadienne qu'ils choisissent.

  (1120)  

    Les modalités des échanges doivent assurer l'équité dans le réseau des producteurs et diffuseurs indépendants. Ils font en sorte que tous les partenaires mènent leurs activités de manière équitable et favorisent la création de nouvelles sources de revenu.
    Le temps est venu de mettre à jour les programmes existants, comme les crédits d'impôt pour production télévisuelle et cinématographique, les traités de coproduction et même le FMC. Il nous faut envisager un contenu multiplateformes intégral. Les télédiffuseurs ne devraient pas être les seuls à pouvoir délier les cordons de la bourse.
    En tant que producteurs indépendants canadiens, nous allons continuer d'innover, d'adapter, d'apprendre, de prendre des risques et de repousser les limites du nouvel univers numérique pour vendre nos histoires à nos publics.
    Je termine ici mes observations. Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de participer au débat et d'avoir pris le temps de le mener. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Merci.
    Monsieur Rodriguez, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous et bienvenue

[Traduction]

    Ken, nous commencerons par vous. Je suis heureux de vous voir.

[Français]

    Je vais vous poser quelques questions à propos de votre présentation. Vous mentionnez que de nombreux experts prédisent que les téléspectateurs regarderont tous la télévision sur Internet. Je me demande ceci. Y a-t-il un avenir pour la télévision conventionnelle ou linéaire? Est-ce que les CTV et les TVA de ce monde sont appelés à disparaître?

[Traduction]

    Je vous remercie pour cette question.
    Je pense qu'on peut faire une analogie avec le réseau téléphonique. Il y a quelques années, on entendait dire que le réseau téléphonique allait disparaître, que tout le monde n'allait plus utiliser que la voix par IP. Les appels téléphoniques ne se feraient plus qu'au moyen d'Internet. Il est certain que certaines compagnies comme Skype et Vonage font de très bonnes affaires, mais il reste que la très grande majorité des appels téléphoniques passe encore par le réseau téléphonique.
    La raison à cela, tout d'abord, c'est que le réseau téléphonique est un mode économique, efficace et de grande qualité pour effectuer les appels téléphoniques. Deuxièmement, les compagnies téléphoniques se sont adaptées en exploitant la technologie Internet sans passer par Internet.
    Je pense que la même analogie s'applique à la télévision. Si les compagnies de câblodistribution et les télédiffuseurs s'adaptent aux nouvelles technologies numériques, ils garderont une grande partie de leur clientèle télévisuelle parce qu'ils sont supérieurs sur le plan visuel. S'ils modernisent leur réseau, ils peuvent rester de la partie.

  (1125)  

[Français]

    Comment fait-on pour avoir encore quelque chose à dire sur la présence de contenu canadien? On dit qu'il y a de moins en moins de gens qui regardent la télévision linéaire, conventionnelle, même si elle continue. Il y en de plus en plus qui regarde la télévision, soit on demand ou sur Internet. Comment fait-on, à travers les mécanismes qui existent actuellement, comme le CRTC ou autre, pour assurer une présence de contenu canadien sur les ondes ou sur Internet?

[Traduction]

    C'est une question très importante. Si nous ne résolvons pas ce problème, les compagnies de télédiffusion du monde entier seront en difficulté. L'exemple le plus classique, c'est celui des maisons de disques. Elles ont vu l'intégralité du contenu musical non seulement être versée en ligne, mais volée. On obtient donc ce contenu gratuitement. Tout ce qui fait que nous avons encore une industrie musicale, c'est que l'artiste peut gagner sa vie en faisant des tournées. Mais si nous ne pouvons pas veiller à ce que les producteurs de contenu télévisuel soient rémunérés, l'industrie télévisuelle disparaîtra.
    C'est donc important pour les créateurs de contenu. C'est important pour le système réglementaire canadien. Nous pensons que, même si une grande partie de la diffusion se fait sur demande et au moyen d'Internet, le modèle opérationnel restera celui de l'abonnement mensuel. C'est le modèle logique. Il crée la valeur que les gens...

[Français]

    Je comprends. Mais comment s'assure-t-on de la présence de contenu canadien? Comment, par exemple, pourrait-on établir des règles minimales de contenu canadien, comme on peut le faire aujourd'hui avec la télévision linéaire?

[Traduction]

    C'est pourquoi nous sommes convaincus que ce que nous faisons, chez Rogers, en favorisera le maintien. La clientèle paiera encore 60 $ par mois. Elle pourra écouter les émissions diffusées par Rogers. Elle pourra les regarder au moyen de la télévision linéaire, de vidéo sur demande, d'Internet et du téléphone cellulaire. Mais l'élément de programmation linéaire sera encore réglementé comme maintenant, et ainsi...
    Mais pas le reste, parce qu'il est difficile de réglementer...
    Non, mais tout le reste est lié au linéaire. Le tout fait partie du même abonnement. Ainsi, la clientèle peut regarder ce qu'elle veut, quand elle le veut. Mais le contenu est créé pour le linéaire et réglementé par le CRTC, alors c'est ce dont on continuera de faire la promotion.

[Français]

    Je poserai rapidement une question car il reste peu de temps.
    Au sujet de la propriété étrangère, vous semblez dire qu'on peut changer sans problème les règles canadiennes régissant la propriété étrangère dans les télécommunications, tout en conservant les règles en matière de propriété étrangère pour les fournisseurs de contenu radio et télévision. Cependant, aujourd'hui, tout est de plus en plus intégré. Une compagnie de télécommunications peut être aussi propriétaire d'une compagnie qui offre du contenu, et vice-versa. Tout le monde s'occupe de distribution, de téléphonie, de création de contenu.
    Je ne vois pas comment vous faites pour trancher ou séparer les deux.

[Traduction]

    Bien sûr, vous avez raison. La câblodistribution a un élément de contenu parce que c'est nous qui décidons de la présentation, qui établissons les prix, qui choisissons les chaînes sur lesquelles les émissions seront diffusées. Même les télécommunications ont un élément de contenu maintenant, parce que la clientèle utilise les réseaux téléphoniques, les réseaux sans fil pour télécharger des vidéos.
    Je pense qu'à Rogers, nous y voyons un échange. Si on permet que les canaux appartiennent à des compagnies étrangères, le grand avantage, c'est que ces entreprises à forte intensité de capitaux auraient accès à du capital étranger. On ne perd pas tellement sur le plan du contrôle sur notre destinée culturelle, parce que ce sont principalement des entreprises de canaux d'acheminement et, dans le cas de la câblodistribution, elles sont lourdement réglementées.
    D'un autre côté, prenons les producteurs d'émissions de télévision. Ce n'est pas un secteur à forte intensité de capitaux. Ils n'ont pas besoin d'énormément de capitaux étrangers, et pourtant, ils revêtent une bien plus grande importance, sur le plan culturel, que les canaux d'acheminement.
    Alors, quand on pense à ces deux facteurs — les besoins de capitaux et l'importance de la télédiffusion pour le secteur culturel —, on trouve logique de permettre que les canaux d'acheminement appartiennent à des intérêts étrangers, mais pas le contenu.

  (1130)  

    Merci.
    Puisque j'ai accordé un peu plus de temps à M. Rodriguez, j'en ferai autant pour Mme Lavallée.

[Français]

    Merci beaucoup. Je l'apprécie.

[Traduction]

    Une voix: Oh, 15 minutes au moins.
    Des voix: Oh, oh!
    Je n'irais jamais jusque là.

[Français]

    Vous êtes tous en train d'utiliser le temps qui m'est accordé.
     Tant mieux si j'ai plus de temps parce que je vais en avoir besoin car j'ai plusieurs questions. Je vais faire des commentaires et terminer par une question.
    Je suis un peu mal à l'aise de vous le dire, monsieur Engelhart, mais vous n'offrez pas beaucoup de services au Québec à part les services de sans fil. Mais je vais quand même vous faire part des commentaires, pas très le fun à transmettre ni à recevoir, que j'entends au sujet de Rogers.
    On entend dire que Rogers ne serait pas un bon citoyen corporatif et qu'il est dans le business de la télévision comme d'autres seraient dans le business de vendre des sacs à main, alors que faire de la télévision est un privilège. C'est un privilège que d'avoir à informer et à divertir ses concitoyens.
    Faire de la télévision est un privilège. Par contre, Rogers a plutôt une approche bottom line, c'est à dire qu'il est intéressé de savoir combien ça rapporte à la fin. Pour cette raison, vous avez des prises de position pas très avantageuses pour les artistes. Je vais vous expliquer ce que je veux dire. Par exemple, au sujet des redevances pour le Fonds d'amélioration de la programmation locale, vous avez produit une campagne publicitaire dont la logique défiait la rigueur intellectuelle. Vous avez dit des choses dans les annonces publicitaires — excusez-moi de le dire — qui n'étaient même pas vraies.
     Ensuite, en ce qui concerne les droits d'auteur, vous voulez enlever de l'argent aux artistes, dont le salaire moyen au Canada et au Québec est de 23 500 dollars. C'est sûr qu'ils en ont besoin.
    Pensez à autre chose. Attaquez-vous aux entreprises qui produisent la fibre optique, mais pas aux artistes qui gagnent 23 500 dollars par année. Vous dites que vous payez plus cher qu'aux États-Unis. C'est bien entendu, il y a une foule de produits pour lesquels on paye plus cher au Canada qu'aux États-Unis. Le Canada est un grand pays qu'il faut desservir dans ses moindres recoins, et il y a seulement 30 millions de personnes, alors qu'aux États-Unis, ils sont 300 millions. Seulement l'étendue de la population fait en sorte qu'on paye plus cher la plupart des choses.
    En ce qui concerne les entreprises de télécommunications, vous dites que Rogers fait seulement des télécommunications et pas de radiodiffusion. Celui qui contrôle l'accès contrôle le contenu. Vous devez certainement en avoir la preuve dans votre immense monde de convergence. Au Québec, aussi, avec Vidéotron et Quebecor, c'est un monde convergent. Les compagnies de sans fil, assujetties uniquement à la Loi sur les télécommunications, font dorénavant de la radiodiffusion. Je n'ai même pas besoin de vous donner d'exemples, vous les connaissez mieux que moi.
     Toutes ces raisons nous portent à croire que, quand vous entreprenez une démarche face au numérique, quand vous faites des suggestions pour développer le numérique, ce sont davantage les profits qui vous intéressent que le bien-être des artistes qui devraient en profiter, de la population canadienne qui veut du contenu canadien et de la population québécoise qui veut du contenu québécois.

[Traduction]

    Eh bien, je vous remercie de me permettre d'exprimer notre point de vue, mais je pense...
    Tout d'abord, je regrette d'apprendre que vos électeurs aient eu des opinions négatives sur Rogers. Je peux vous dire que Ted Rogers nous a toujours inculqué, et a inculqué à la compagnie, le principe que le profit n'était pas tout, que nous devions faire partie intégrante du réseau de diffusion canadien, que nous devions conjuguer notre intérêt personnel à celui du public. C'est toujours ce en quoi nous avons cru, et nous nous sommes toujours efforcés de préserver cet équilibre.
    Je ne suis pas venu ici dire du mal des règles portant sur le contenu canadien, ni pour m'insurger contre les droits d'auteur. Ce que je veux dire, c'est qu'en matière de droits d'auteur, il faut un juste équilibre. Il faut adopter une position raisonnable, particulièrement quand on sait qu'une grande partie des droits d'auteur que nous payons vont aux États-Unis, aux musiciens de là-bas. Il n'est pas logique que notre commission du droit d'auteur...

  (1135)  

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre, Monsieur Engelhart. Rogers fait des centaines de millions de dollars de profits et les artistes touchent un salaire annuel de 23 500 $. Cela ne vous donne pas une petite idée du déséquilibre?

[Traduction]

    Je peux vous dire que, si nous étions encore dans le secteur de la distribution de vidéos, nous serions aujourd'hui en faillite à cause de l'avènement du satellite. Mais nous nous sommes réinventés comme une compagnie Internet, et nous fournissons un service téléphonique. Nous nous réjouissons que nos clients apprécient ces services.
    Alors, oui, nous sommes une entité à but lucratif et nous n'en éprouvons aucune honte, mais je vous dirais qu'il faut un juste équilibre entre l'intérêt de la compagnie et celui du public.
    Je regrette d'entendre que vous estimez que nous ne trouvons pas cet équilibre, parce que c'est ce que nous nous efforçons de faire.
    D'accord.

[Français]

    Me reste-t-il du temps?

[Traduction]

    Rapidement. Il ne vous reste qu'une minute.

[Français]

    Je veux revenir sur le sujet des télécommunications. Comme on l'a dit, celui qui contrôle l'accès, contrôle le contenu. Lorsqu'on voit ce qui est arrivé dans le cas de Globalive.Vous dites que les coûts vont diminuer si on permet l'accès aux entreprises étrangères. Pourtant, Windows Mobile n'offre pas un service tellement moins cher que d'autres qui proposent le même genre d'appareils. Peut-être que cela paraît moins cher mais très rapidement, on s'aperçoit que les services sont extrêmement restreints, y compris géographiquement. Pour le moment, concernant les entreprises de télécommunications, même si on accepte la propriété étrangère, il n'y a aucune preuve que les services seront moins chers.

[Traduction]

    Il se trouve que je suis d'accord avec vous qu'une grande part de la critique qu'essuie le secteur des télécommunications n'est pas fondée. Je pense que nous offrons de bons services, à des tarifs raisonnables, mais qu'il nous faut une politique axée sur l'avenir. Les Canadiens voient de plus en plus le concept des restrictions sur la propriété étrangère comme un anachronisme, mais je pense que c'est un anachronisme qu'il nous faut préserver pour les producteurs de contenu.
    Je suis d'accord avec vous que les compagnies de câblodistribution et de télécommunications peuvent influencer le contenu, mais n'oubliez pas que le régime en vigueur au Canada est l'un des plus réglementés du monde. Le CRTC détermine ce que les compagnies de câblodistribution peuvent et ne peuvent pas diffuser, et ses règles s'appliquent aux entités étrangères aussi.
    Merci.
    Nous laissons maintenant la parole à M. Angus.
    Je vous remercie infiniment d'être des nôtres, messieurs.
    J'ai deux ou trois questions à vous poser. J'entrerai tout de suite dans le vif du sujet.
    Monsieur Engelhart, vous avez suivi nos discussions. Nous avons diverses choses dans notre ligne de mire, et certaines sont invisibles, qui auraient certainement une incidence sur la compétitivité, les droits d'auteur et la stratégie numérique. Les négociations de l'ACRC, notamment, sont en cours actuellement. Des pressions seraient exercées surtout par les États-Unis, semble-t-il, pour qu'on mette un terme à la règle refuge visant la responsabilité des fournisseurs d'accès Internet. Si vos clients téléchargent quelque chose et que l'industrie du divertissement veut s'en prendre à eux, elle veut pouvoir s'en prendre à vous aussi pour ne pas les en avoir empêchés.
    Quelle est la position de Rogers en ce qui concerne la règle refuge visant la responsabilité? Est-ce que vous pensez qu'elle ferait obstacle à l'innovation dans le monde numérique si le Canada adoptait une stratégie de ce genre?
    Je vous remercie de poser cette question.
    Comme bien d'autres fournisseurs d'accès Internet, les négociations de l'ACRC nous préoccupent. Cet accord est censé porter sur la contrefaçon, mais il semble aller bien au-delà pour s'attaquer aux fournisseurs d'accès Internet et aux activités de téléchargement de nos clients.
    Nous ne pensons pas qu'il soit pertinent de demander à ces fournisseurs de décider ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. L'idée de devoir résilier le contrat de service en vertu d'une règle des trois fautes nous fait horreur. Nous ne voulons absolument pas faire ce genre de choses. Je compatis beaucoup avec les détenteurs de droits d'auteur qui estiment que leur contenu est volé. C'est un problème énorme. Par contre, je ne voudrais pas que, pour les défendre, on force les fournisseurs d'accès Internet à débrancher leurs clients ou à contribuer à leur inculpation.

  (1140)  

    Nous discutions avec des représentants des quatre grandes compagnies américaines, qui ont intenté énormément de poursuites aux États-Unis. Ce qui me fait peur, entre autres, en ce qui concerne la méthode des poursuites, c'est qu'il n'existe pas de système ici pour quelqu'un qui est mis en cause ou qui est chargé de justifier en quoi tel téléchargement est approprié. Ce qui m'inquiète, c'est la clause des trois fautes avant l'élimination. Si nous n'avons pas de clauses pour faire en sorte que les consommateurs puissent se défendre, nous pourrions bien rater notre cible.
    Quel rôle est-ce que les fournisseurs d'accès Internet se voient jouer pour que la donne soit équitable pour nos consommateurs et pour les détenteurs de droits d'auteur?
    Pour l'instant, nous avons un régime volontaire d'avis et d'avis. Le détenteur des droits d'auteur peut nous envoyer un avis disant qu'une adresse IP particulière semble extraire illégalement du matériel protégé par les droits d'auteur. Nous envoyons alors un avis au client pour l'avertir qu'il commet une infraction.
    Cette mesure a permis de mettre un terme à bien des téléchargements illicites. Les clients en sont désormais conscients. Ce peut être l'oeuvre d'un adolescent, et papa ou maman a reçu le message et lui a dit d'arrêter.
    Alors, nous pensons que c'est un type de mesure très utile. Nous le faisons actuellement, à grands frais. Ce n'est pas parfait, évidemment, mais nous pensons qu'il faudrait épuiser la gamme de mécanismes de ce genre avant d'adopter toute autre mesure plus radicale.
    Je vous remercie.
    Monsieur Bishop, je suis fasciné par cette discussion sur l'orientation que prend la création de contenu. Dans notre étude sur la télévision, il est clairement ressorti que, pour faire de bonnes émissions de télévision au Canada, il faut faire beaucoup de mauvaises émissions, ce qui est trop coûteux. Nous avions auparavant le Fonds canadien de télévision. Seigneur, si une émission témoin se plantait, mes collègues, à la Chambre, exigeaient une enquête pour savoir pourquoi nous gaspillons l'argent des contribuables sur cette horrible émission. Il semble que nous ayons perdu toute flexibilité en ce qui concerne la création du contenu. Nous pêchions plus par excès de prudence que d'aventure.
    Il me semble maintenant, dans ce nouveau monde, qu'il est possible de faire des émissions témoins à moindre coût, lesquelles pourraient être diffusées sur YouTube pour voir si elles accrochent les jeunes ou s'il y a un marché avant de se lancer dans des investissements plus importants. J'ai l'impression que cela ouvrirait toute une gamme de possibilités fascinantes pour la création de contenu canadien.
    Pourriez-vous nous dire comment votre compagnie compose avec les nouveaux débouchés?
    Tout à fait. C'est une excellente question, Charlie, et je vous remercie de la poser.
    Une chose qui nous emballe depuis la création de notre entreprise, c'est l'idée d'utiliser les plateformes interactives pour créer du contenu directement pour des auditoires cibles très précis. C'est même ce que nous avons fait il y a quelques années dans le cadre de notre premier projet, deafplanet.com. Encore une fois, le site Web est devenu une série télévisée, par la suite, pour les enfants sourds, un projet qu'il était très difficile de concevoir pour une plateforme traditionnelle. Grâce à la plateforme interactive toutefois, nous avons été en mesure de produire un microcontenu unique et captivant dédié à un auditoire particulier.
    C'est donc une chose en laquelle nous croyons depuis le départ et continuons de croire. C'est un outil qui est maintenant à notre disposition, à mon avis, parce que les auditoires s'intéressent beaucoup à l'idée de contenu captivant dont nous parlons depuis longtemps. Nos organismes de financement sont maintenant ouverts à l'idée et effectuent davantage de programmes-pilotes. Le Fonds indépendant de production, à titre d'exemple, vient tout juste de lancer un volet de financement webisode en ligne, soit le projet dont j'ai parlé. Nous allons travailler dans le cadre de ce volet pour financer du contenu en ligne.
    De telles initiatives répondent donc parfaitement à ce que vous venez de décrire. Les responsables du Fonds des médias du Canada souhaitent voir se concrétiser des initiatives de ce genre dans le cadre du volet expérimental. C'est dans ce secteur qu'il faut investir. Comme je l'ai déjà mentionné, le problème avec les crédits d'impôt et autres mesures du genre, c'est que cette formule est trop axée sur le cloisonnement; il faut que ce soit télévisuel ou interactif. Il est très difficile d'avoir un produit hybride.
    Pour stimuler vraiment l'innovation, nous devons donc à mon avis lever ces obstacles et examiner cette question, et nous devons encourager les producteurs à créer du contenu captivant, peu importe que ce soit pour la télévision ou le Web.

  (1145)  

    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Del Mastro, vous pouvez poser la dernière question.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Engelhart, j'aimerais d'abord régler une question. Vous avez parlé des EVP en réseau et du projet de loi C-61, et j'aimerais simplement vous dire que je suis d'accord avec vous sur ce point. À mon avis, si les propriétaires ou les créateurs de contenu et les câblodistributeurs peuvent s'entendre sur un mode de compensation, je ne vois pas quelle est la différence entre un EVP en réseau et un qu'on place sur son téléviseur. La Loi sur le droit d'auteur doit également être souple à cet égard. C'est une innovation très importante à mon avis. Nous ne voulons pas voir le Canada tirer de l'arrière, et je vous appuie pleinement sur ce point.
    Par ailleurs, certains éléments, comme les taxes et les droits, sont dans ce domaine de grands inhibiteurs de l'innovation et méritent qu'on en parle plus souvent. Vous avez mentionné que les tarifs pour les droits d'auteurs sont beaucoup plus élevés ici qu'ailleurs. Une station de radio peut avoir à payer jusqu'à quatre types de redevances pour le changement de support. À mon avis, ce n'est pas une façon d'appuyer le contenu canadien; c'est plutôt une façon d'empêcher les promoteurs de diffuser ce type de contenu. On les incite ainsi à se cantonner dans les anciens supports. Cela les empêche de faire des choses comme ce que vous avez mentionné, soit lancer des stations de radio Internet, qui nous aideraient à diffuser ce contenu à l'échelle de la planète. Cela nuit littéralement à l'innovation.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la décision dont vous avez parlé, au sujet de la compensation pour la valeur des signaux. À mon avis, il n'y a rien qui nuit davantage au contenu canadien que cette décision; elle concentre la valeur entre les mains d'un réseau privé qui voudra négocier la valeur de son signal et sa capacité de bloquer le réseau américain. C'est sa carte maîtresse. Et ce réseau peut bloquer uniquement le contenu américain. Je pense donc qu'il s'agit d'un coup dur pour le contenu canadien, que le CRTC a justement le mandat de protéger.
    Je crois donc qu'il s'agit d'une violation de l'article 27 de l'ALENA, qui prévoit que si le signal n'est pas diffusé par un détenteur de droits canadien, le signal américain doit avoir préséance. Pour être honnête avec vous, je n'en reviens pas de cette décision — qui n'a plus d'ailleurs que le soutien de CTV à l'heure actuelle. Elle n'est aucunement avantageuse pour la SRC, que le CRTC a marginalisée. CanWest et ses propriétaires ont dit qu'ils n'en voulaient pas. Shaw en a fait autant, tout comme le groupe CORA et le groupe Jim Pattison.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Vous n'êtes pas venu témoigner au comité depuis que le CRTC a rendu cette décision, et j'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez.
    Oui, merci. Je suis tout à fait d'accord avec vos commentaires.
    L'autre élément que les gens ne saisissent sans doute pas très bien, c'est qu'à l'heure actuelle, 96 p. 100 de nos revenus proviennent de la télévision linéaire, et 96 p. 100 de nos coûts également, mais 10, 20, 30 p. 100 — et ce pourcentage est à la hausse — du visionnement sur les plateformes sur demande... Les gens regardent la chaîne de films sur demande plus que les émissions de la télévision linéaire.
    On voit donc l'importance du visionnement sur demande — sur les cellulaires, Internet, les vidéos sur demande — s'accroître, et c'est pourquoi nous avons de plus en plus besoin de ces droits. Nous avons besoin de ce contenu. Cela coûte de l'argent, et il nous est difficile d'en obtenir. Et pendant ce temps, le CRTC ne cesse de nous ajouter des frais pour les émissions de la télévision linéaire.
    La valeur des signaux, en plus de tout ce que vous avez mentionné, est donc encore un pas dans la mauvaise direction. Nous devons verser une compensation aux détenteurs de droits pour le contenu sur demande et offrir ainsi une meilleure expérience à nos clients. L'ajout de tous ces frais à la télévision linéaire rend beaucoup plus difficile pour nous de moderniser le système et de progresser.
    Mme Lavallée a mentionné que les Canadiens sont habitués de payer davantage et que nous allons nous en remettre; nous allons tout simplement continuer de mettre la main au portefeuille et payer plus.
    Ce n'est pas le cas, en fait. J'ai examiné la facture de Comcast de ma mère en Floride. Je peux vous dire que sa facture n'est pas moins élevée que ma facture de COGECO pour les mêmes services. En fait, j'ai été surpris du montant élevé de sa facture.
    L'OCDE n'a-t-elle pas publié un rapport qui indique que les frais d'utilisation des téléphones cellulaires sont plus élevés aux États-Unis qu'au Canada, et ce, même si notre pays est plus vaste et moins peuplé? Est-ce que je me trompe?

  (1150)  

    Non, c'est bien ce que disait le rapport de l'OCDE. Je dois dire, pour être juste à l'égard de mes amis américains, que l'étude de l'OCDE comporte, à mon avis, des failles.
    Une mesure plus appropriée serait le tarif à la minute. Sous cet angle, le Canada est l'un des dix pays au monde où les services de téléphone cellulaire coûtent le moins cher. Comme vous l'avez dit, les tarifs du câble sont très concurrentiels au Canada.
    Si on regarde du côté des téléphones cellulaires, les journaux sont bourrés de reportages voulant qu'AT&T ne réussisse pas à satisfaire à la demande. Les appels sont souvent abandonnés. Il n'y a pas de connectivité pour la transmission des données. Au Canada, le service est de haute qualité et très fiable.
    À l'heure actuelle, nous avons trois réseaux HSPA-plus, qui ont une vitesse de 21 mégabits par seconde. Aucun autre pays ne peut en dire autant.
    Je pense donc que nous avons d'excellents services ici, mais je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les Canadiens ne veulent pas payer davantage et ne sont pas prêts à le faire; ils veulent que leurs fournisseurs soient concurrentiels.
    Vous avez le temps de poser une dernière petite question.
    Monsieur Bishop, j'aurais aimé avoir l'occasion de discuter avec vous de coproduction. Il s'agit d'une question très importante à mon avis. J'aimerais bien en discuter avec vous en personne ou au téléphone.
     Monsieur Engelhart, les frais et les taxes sont des sujets qui reviennent constamment. Si l'on veut que le Canada soit à l'avant-garde et qu'il puisse tirer parti des technologies numériques émergentes, est-ce que, à votre avis, les frais et les taxes, ce type d'approche non productive, nous empêcheront de tirer parti des technologies numériques, et nous nuiront certainement?
    J'en suis convaincu. Comme l'a mentionné Mme Lavallée, il faut qu'il y ait un équilibre. Nous ne disons pas que la chaîne de valeur ne doit pas être préservée. Nous ne disons pas que les droits d'auteurs ou les frais doivent disparaître, mais qu'il faut un équilibre. Autrement, nous allons pousser les consommateurs à délaisser le système réglementé au profit des plateformes non réglementées, et tout le monde y perdra.
    Merci.
    Très bien.
    Merci beaucoup de vos exposés et de vos réponses.
    Nous allons faire une courte pause avant d'accueillir les prochains témoins.
    Nous espérons encore une fois avoir le plaisir de vous revoir sous peu.
    Merci.

    


    

  (1155)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Je souhaite donc la bienvenue à nos prochains témoins. Nous accueillons Steven High, titulaire de la chaire de recherche du Canada en histoire publique, à l'Université Concordia. Nous accueillons également M. Pierre Proulx — comme mon français n'est pas très bon, j'ai demandé qu'on me traduise ce qui suit en anglais —, de l'Alliance numérique, Réseau de l'industrie numérique du Québec.
    Bienvenue messieurs. Nous vous saurions gré de ne pas dépasser dix minutes pour vos exposés. La réunion prendra fin à 12 h 40.
    Nous vous écoutons, monsieur High.
    Je vais tout d'abord commencer par m'excuser. Comme je viens de briser mes lunettes il y a environ cinq minutes, je vais devoir me coller le nez sur mon texte pour pouvoir le lire.
    Mon exposé porte sur deux éléments qui font partie de votre cadre de référence...
     Non, ces lunettes ne m'aident pas. Si quelqu'un d'autre à des lunettes...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Stephen High: J'avais ces lunettes depuis dix ans, de toute façon.
    J'aimerais aborder deux éléments qui font partie de votre cadre de référence, à savoir le développement des compétences et l'accès. J'aimerais en particulier vous faire part de mon point de vue sur l'incidence qu'a la révolution numérique sur notre façon de comprendre, de concevoir et d'interpréter le passé.
    Les nouveaux médias nous offrent de nouvelles façons d'explorer des lieux. Les technologies numériques transforment, à mon avis, la façon qu'ont les gens de se rappeler et d'échanger leurs souvenirs. Sans souvenirs, il est impossible de créer une identité collective ou un sentiment d'appartenance, qu'il soit canadien, régional ou autre.
    Je vais vous parler de l'incidence de la révolution numérique sur la pratique de l'histoire orale au Centre d'histoire orale et de récits numérisés de l'Université Concordia, un centre de recherche ultra-moderne unique au monde. Depuis sa création en 2006, le Centre d'histoire orale est à l'origine d'un grand nombre d'innovations, notamment la création de nouveaux outils logiciels comme « Stories Matter », un logiciel base de données libre qui constitue la première solution de rechange viable à la transcription des entrevues d'histoire orale.
    J'aimerais également vous parler de notre expérience de l'utilisation des nouveaux médias dans le cadre d'une initiative appelée « Histoires de Vie Montréal », une initiative de recherche quinquennale financée par le Conseil de recherches en sciences humaines.
    Le programme Alliances de recherche universités-communautés présente un caractère particulier en ce sens que les communautés doivent devenir des partenaires de recherche et non plus simplement être des sujets d'étude. La participation de la communauté à la recherche doit donc être réelle et continue.
    Dans le cadre de ce projet, nous recueillons les récits de vie de 500 Montréalais qui ont fui la guerre, le génocide ou d'autres violations des droits de la personne, notamment au Rwanda, au Cambodge, à Haïti, dans l'Europe d'Hitler et, malheureusement, ailleurs aussi. Comme vous pouvez l'imaginer, ces récits sont très difficiles à raconter, et tout aussi difficiles à entendre.
    Quand on habite au Canada, il est facile de s'imaginer que ce qui s'est passé au Rwanda en 1994 n'a rien à voir avec nous. C'était une autre époque, un autre lieu. Et pourtant, des milliers de survivants habitent ici aujourd'hui. Leur passé fait maintenant partie de notre histoire collective.
    L'histoire orale a le pouvoir d'éliminer les distances, de donner un visage à l'histoire et, ce faisant, de sensibiliser les gens. Elle a également le pouvoir de nous forcer à remettre en question des notions que nous tenons pour acquises comme « nous » ou « eux », « ici » ou « là-bas ». C'est sans doute pour cette raison que la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables au Québec a mentionné, dans ses recommandations, que les récits de vie pouvaient servir à combler la fracture sociale non seulement au Québec, mais partout au Canada.
    Vous êtes sans doute en train de vous dire « et alors? » Qu'est-ce que tout cela a à voir avec nos délibérations sur les médias numériques et émergents?
    Je vous répondrai donc que nous avons à l'heure actuelle une occasion incroyable d'utiliser les nouvelles technologies numériques et les nouvelles pratiques médias pour amener les Canadiens à renouer avec leur passé. L'histoire orale et publique, ou l'histoire appliquée, comme on l'appelle au Québec, est née dans les années 1970 d'un intérêt croissant de la population à l'égard de son patrimoine et de son passé. Il s'agit d'un changement au chapitre non seulement de l'auditoire cible, mais également de la méthode de recherche comme telle. Nous travaillons souvent en collaboration avec les communautés. Nous diffusons les résultats de nos recherches de différentes manières, à la fois textuelles et non textuelles.
    À l'heure actuelle, des dizaines de milliers d'entrevues qui parlent de notre histoire orale dorment dans des centres d'archives un peu partout au Canada. Des milliers d'autres viennent s'y ajouter dans le cadre de projets d'envergure qui visent à enregistrer les récits d'anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, de survivants de l'Holocauste, de communautés d'immigrants et, bien sûr, de survivants des pensionnats indiens. La Commission de vérité et de réconciliation envisage de recenser 60 000 déclarations de victimes.
    Le dernier ancien combattant canadien de la Première Guerre mondiale étant décédé, il est maintenant impossible pour les jeunes Canadiens d'entendre directement les récits de courage et de sacrifice de ceux qui ont vécu cette guerre. Et très bientôt, il en sera de même également pour la Crise de 1929 et la Deuxième Guerre mondiale.

  (1200)  

    Depuis des décennies, les anciens combattants canadiens se rendent dans les écoles, en particulier à la veille du Jour du souvenir, pour raconter leurs récits à de jeunes auditoires. Les survivants de l'Holocauste font de même au Canada depuis au moins 30 ans. Semaine après semaine, ils se rendent dans les écoles pour raconter aux jeunes les horreurs qu'ils ont vécues et pour les sensibiliser afin de bâtir un monde meilleur.
    L'histoire orale est un excellent moyen pour établir ce lien émotionnel. L'histoire, ce n'est pas que des dates et des statistiques. C'est du vrai monde, des gens ordinaires qui ont vécu des vies extraordinaires.
     Mais qu'arrivera-t-il lorsque le dernier ancien combattant ou survivant ne sera plus de ce monde pour faire cet important travail? Qui gardera ces liens bien vivants? Les entrevues enregistrées répondent en partie à ce besoin, mais la compilation n'est pas suffisante. Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons des dizaines de milliers d'entrevues enregistrées qui dorment dans des centres d'archives, des disques durs, ou dans les bibliothèques, qui n'ont jamais été écoutées. Leur pouvoir émotionnel est encore inexploité en grande partie. Pire encore, la plupart de ces récits ont été enregistrés à l'aide d'outils technologiques qui sont maintenant désuets.
    La première chose à faire serait de numériser les entrevues existantes pour s'assurer que les générations futures pourront écouter les récits de ceux qui ont connu le Canada du XXe siècle. C'est une tâche énorme, mais qui ne peut attendre si nous ne voulons pas voir disparaître une page d'histoire à tout jamais. Quelques-unes de ces entrevues ont été transcrites, mais je le répète encore une fois, la transcription ne permet pas de rendre la force émotionnelle de ces témoignages. C'est ici que les technologies numériques et émergentes nous ouvrent de nouvelles possibilités pour avoir accès à notre histoire et la communiquer aux jeunes dans les écoles et ailleurs.
    Pour vous expliquer ce que j'entends par le potentiel de l'histoire orale et des nouveaux médias, je vais revenir au projet Histoires de vie Montréal. Nous consacrons beaucoup de temps aux enregistrements d'entrevue des survivants de violence généralisée. Les témoignages des survivants sont intégrés à des émissions de radio, des films documentaires, des pièces de théâtre, des installations artistiques, des expositions et des plates-formes en ligne. Nous analysons le programme d'enseignement secondaire au Québec et concevons des modules d'enseignement pour diffuser ces récits dans les écoles. Nous sommes convaincus que l'histoire orale peut servir de catalyseur au dialogue public.
    Les nouveaux médias jouent, bien sûr, un rôle central dans notre travail. J'aimerais vous donner trois exemples. Pour avoir accès directement et facilement à des milliers d'heures d'enregistrements audio et vidéo, nous avons mis au point le logiciel Stories Matter. Ce logiciel libre, financé par les fonds publics, nous permet de faire des recherches dans les entrevues, de les trier, de les parcourir, d'y avoir accès, et de recenser leurs significations dans de grands ensembles ou individuellement. Nous pouvons maintenant suivre des fils conducteurs entre les entrevues et établir des liens. La prochaine étape permettra aux chercheurs et à la population d'établir des liens dans l'espace entre les récits à l'aide d'une technologie de cartographie semblable à Google.
    Notre deuxième stratégie est la narration numérique. La narration numérique a récemment été décrite comme l'outil pédagogique par excellence pour les sciences humaines. Un récit numérique est une présentation multimédias d'une durée de trois à cinq minutes diffusée en ligne qui combine audio, vidéo et images fixes. Ces récits sont souvent à haute charge émotive.
    Dès le départ, l'initiative Histoires de Vie Montréal a profité d'une relation officielle avec les sites participatifs en ligne de l'Office national du film appelés « Parole citoyenne ». Le processus de création du récit numérique a, ici, une importance cruciale.
    On parle beaucoup aujourd'hui de contenu, et j'ai écouté quelques fichiers balados à ce sujet. À mon avis, le processus est réellement crucial pour savoir à qui appartient le contenu. Nous pourrions, par exemple, préparer seuls les récits à partir des entrevues et produire des récits numériques qui nous parlent. Je crois toutefois qu'il est beaucoup plus intéressant de choisir les séquences avec les personnes interviewées. Après l'interview — nous avons des interviews qui durent 5, 10, 15, 20 heures —, nous leur demandons « Qu'est-ce que vous aimeriez raconter au monde? Vous avez cinq ou dix minutes. Qu'est-ce que vous allez dire? » Cette question sert de point de départ au processus de narration numérique.

  (1205)  

    Encore une fois, je vous invite à tenir compte de la manière dont ce contenu est généré. Je reviens toujours aux questions suivantes: de qui, par qui et pour qui? Il faut déterminer qui est le moteur du processus; c’est d'une importance vitale. Le public joue-t-il uniquement un rôle de consommateur, ou pouvons-nous envisager de lui accorder un rôle plus important en faisant participer davantage les collectivités aux orientations futures des médias numériques et émergents?
    Je crois fermement qu’il faudrait avoir des programmes ciblés pour des projets numériques dans le cadre desquels la collectivité est appelée à participer. Les programmes visant à renforcer la capacité des collectivités d’entreprendre des projets numériques — dans les milieux défavorisés, par exemple — aideraient grandement à faire avancer la culture numérique. D’ailleurs, dans le journal d’aujourd’hui, j’ai lu un article traitant d’une étude sur le fossé numérique.
    Notre troisième stratégie a trait aux « portraits mémoriels » et aux visites audioguidées. Auparavant confinées aux musées, les visites audioguidées ont quitté le bâtiment et peuvent être utilisées dans la rue depuis l'apparition des lecteurs MP3, des iPod et des téléphones intelligents. Ces technologies mobiles représentent, pour les chercheurs et les collectivités, de nouvelles possibilités de raconter leurs histoires. Les endroits ne sont pas que des points sur une carte; ils existent également dans le temps.
    Le Centre d'histoire de Montréal, le musée de la ville de Montréal, est un projet qui illustre l'énorme potentiel des technologies mobiles et des nouveaux médias. Pour 2011, la direction du musée prévoit une exposition intitulée « Quartiers disparus », qui présentera quatre districts de la classe ouvrière qui ont été démolis dans les années 1960 pour faire place aux autoroutes Ville-Marie et Bonaventure, ainsi qu’au complexe de Radio-Canada et au projet d’habitation sociale connu sous le nom des Habitations Jeanne-Mance. La méthodologie novatrice du Centre d'histoire de Montréal, un « atelier de souvenirs », consiste en des entrevues collectives avec les anciens résidents, où l’on cherche à susciter des souvenirs au moyen d’anciennes cartes d'assurance-emploi et de photos des expropriations. Par la suite, le temps d’une promenade au coeur de ce que sont devenus ces anciens quartiers, il y aura des entretiens au cours desquels les gens raconteront les histoires qui leur viennent à l’esprit en voyant ce qui s’y trouve maintenant, dont l'autoroute.
    En plus de l'exposition comme telle, on a prévu une série de visites audioguidées. Nous utilisons le logiciel Mscape et la technologie GPS pour que les visiteurs se replongent dans ces quartiers disparus. Ainsi, si vous êtes en train de vous promener quelque part, des fichiers audio ainsi que des fichiers à codes temporels sont déclenchés lorsque vous marchez près d’un endroit particulier. Encore une fois, sur le plan politique, cette tension entre le passé et le présent est très intéressante.
    On pourrait, par exemple, penser à relier des interviews numériques à des monuments commémoratifs de guerre. Ainsi, une classe pourrait visiter un monument de guerre et entendre, au moyen de baladeurs, les histoires des anciens combattants de la Première Guerre mondiale ou de la Seconde Guerre mondiale. De nouveau, il s’agit du pouvoir de se souvenir.
    En conclusion, je vous invite à laisser de côté la conception universelle de ce qu’est le public et à réfléchir au rôle que pourraient jouer les collectivités dans le développement des médias numériques et émergents. Auparavant, les chercheurs en sciences humaines avaient le monopole quant au processus de recherche. On traitait les collectivités ni plus ni moins comme de nouvelles données. Cependant, on a de plus en plus mis l’accent sur les partenariats entre les universités et les collectivités, ce qui a considérablement ouvert des horizons pour enrichir la conversation et créer un savoir que j’estime être plus novateur et humain. Les nouveaux médias ont énormément contribué à ce changement, car ils stimulent la collaboration et la mobilisation des citoyens.
    Pour terminer, je veux vous raconter une histoire provenant de la 16e commémoration du génocide rwandais. Chaque année en avril, la communauté rwandaise de Montréal tient sa marche annuelle jusqu’au fleuve Saint-Laurent, dans lequel les enfants de la communauté lancent des fleurs. Cette coutume provient de la culture rwandaise et de l'importance des rivières et fleuves. La communauté organise également une journée de réflexion. Pendant neuf heures, près d’une centaine de Montréalais d’origine rwandaise visionnent des histoires produites sur support numérique de, par et pour leur propre communauté. Après chaque segment, il y a un panel composé d’aînés ou de jeunes, c’est selon, après quoi tout le monde dans le public inscrit un souvenir et l’épingle sur une ligne de temps. On peut facilement imaginer une ligne de temps sur un mur où sont épinglés des dizaines et des dizaines de témoignages.
    Voilà donc un exemple d’un nouveau média qui sert de catalyseur pour le dialogue communautaire, en mettant les grandes questions en présence des gens, comme le rôle de l'Église dans le génocide, par exemple, et en rompant le silence au sein des collectivités. Les industries culturelles sont très éloignées de tels projets locaux liés à la mémoire. Ainsi, j’estime qu’il importe que vous vous penchiez sur ce qui se passe à l’échelle locale ou communautaire.

  (1210)  

    Je crois que la révolution numérique nous permet de repenser les pratiques antérieures, et ce, de manière importante. Cependant, je répète que les questions du pouvoir — de qui, par qui et pour qui — sont fondamentales pour toutes les discussions sur les médias numériques et émergents.
    Je vous remercie.
    Je vous en prie.
    Il faut vraiment terminer cette partie de la séance d’ici 12 h 40.
    Monsieur Proulx, c’est à votre tour de présenter votre déclaration préliminaire.

[Français]

    À mon tour de vous remercier de nous accorder le privilège de pouvoir vous exposer notre point de vue sur les médias numériques et émergents, les possibilités et les défis.
    Tout d'abord, l'Alliance numérique est le réseau d'affaires des entreprises qui développent des contenus numériques interactifs au Québec. Nous avons quatre secteurs, quatre alliances si vous préférez, répartis dans les secteurs suivants: le jeu vidéo, les services application Internet, la mobilité et le e-learning. On représente donc beaucoup de gens de tous les secteurs d'activité du monde numérique. On est peut-être plus connus pour le jeu vidéo du fait que Montréal est la plaque tournante du jeu vidéo au Canada. Elle compte 7 000 emplois uniquement dans ce domaine sur les 14 000 qui existent au Canada. On est donc sans contredit la plaque tournante du jeu vidéo au plan canadien. On a d'ailleurs instauré, depuis maintenant six ans, le Sommet international du jeu de Montréal qui a accueilli, en moyenne, ces dernières années, 1 500 personnes dont 40 p. 100 provenant de partout sur la planète pour ces deux jours de rencontre.
    On s'occupe évidemment beaucoup de commercialisation, donc on invite les entreprises à participer avec nous à différentes missions commerciales, que ce soit aux États-Unis, en Europe ou au Japon. On fait vraiment le tour de la planète pour aider nos entreprises à se développer.
    J'irai droit au but avec des recommandations concernant directement les trois aspects qui nous paraissent primordiaux, soit la formation, le financement et la commercialisation. Vous comprendrez que dans un contexte de convergence numérique, il n'y a plus de frontières et que le marché est désormais hautement concurrentiel et très mondial. Il nous faut toujours davantage de ressources humaines hautement qualifiées et, au cours des dernières années, on s'est aperçus qu'elles étaient également hautement mobiles.
    Il y a donc selon nous trois éléments primordiaux à considérer dans le cadre d'une politique canadienne du numérique: il s'agit de viser l'excellence de la main-d'oeuvre, d'instaurer un financement pour la création de contenu original et de soutenir l'excellence des entreprises déjà établies ici au Canada, ainsi que de tenter de pousser nos leaders encore plus loin.
    En ce qui a trait à la main-d'oeuvre particulièrement, il faut évidemment soutenir les instances provinciales et investir dans les programmes déjà en place. Il faut surtout favoriser l'adéquation entre les besoins de l'industrie et les programmes de formation. Je vous avoue qu'on a un certain retard dans ce domaine, ce qui est un peu normal. Je vais vous donner un exemple: il y a 10 ans on ne faisait pas de flash, il n'existait même pas, aujourd'hui vous avez du flash dans le contenu numérique, donc il faut que les programmes d'éducation puissent s'adapter à cela. Souvent, dans le monde de l'éducation, il faut beaucoup de temps avant qu'un programme puisse naître. Il faut donc tenter de s'intéresser davantage aux enjeux technologiques et pouvoir y répondre plus rapidement.
    Également, il faut évidemment doter les institutions d'enseignement supérieur d'infrastructures à la fine pointe de la technologie, encore une fois afin d'offrir une meilleure formation aux gens de l'industrie.
    Il y a un obstacle dont j'aimerais vous parler. Il faudrait accélérer le processus lorsqu'on veut accueillir des experts étrangers dans nos entreprises canadiennes. Cela a été un peu plus difficile ces dernières années et, dans quelques cas, cela peut même conduire à l'abandon de projets parce que les délais pour faire venir ces gens sont trop longs.
    On vous invite également à considérer l'instauration d'un financement spécifique pour la création de contenu original. Ce fonds servirait principalement à soutenir le développement de prototypes et de productions originales. C'est un élément très important pour les entreprises canadiennes. Nous suggérons aussi la création d'un fonds d'investissement destiné à des projets de ce genre.
    Concernant l'excellence des entreprises, on vous l'a dit, il faut continuer à les soutenir, il faut également encourager la diversité et favoriser leur rayonnement à l'étranger. Au cours des dernières années, certains éléments ont été retirés de la commercialisation, ce qui pose problème. Cela nous empêche d'être plus fréquemment sur la scène internationale. On vous l'a dit, dans notre domaine, c'est le monde entier qui est le marché, donc il faut vraiment viser les sphères internationales. Un élément important pour nous est une concertation de tous les intervenants, que ce soit au palier national, provincial ou encore des clusters, des pôles qui existent au Canada. il faut que tout le monde soit mis à contribution si on veut vraiment que l'industrie puisse profiter d'un cadre numérique nouveau pour elle.
    Je vous remercie.

  (1215)  

[Traduction]

    Je vous en prie.
    Monsieur Simms, je vous laisse poser la première question.
    Je tiens à remercier nos deux témoins.
    Monsieur High, je vais commencer par vous. Vous avez soulevé des points intéressants à propos de l'évolution actuelle de la technologie, en particulier en ce qui concerne les technologies mobiles.
    À titre d'exemple, nous avons un groupe… Je représente une circonscription rurale. Il est très difficile de raconter son histoire au-delà de ses frontières. Je suis originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui est une étude des différences culturelles en soi.
    Ainsi, cette région en particulier a une histoire à raconter au reste du pays, mais elle a aussi une histoire à se raconter à elle-même. Par ailleurs, on perd également de nombreuses coutumes, habitudes et traditions dont on parle dans d'autres groupes identifiables, car nous sommes tous en contact les uns avec les autres. Mon fils est beaucoup plus au courant que moi de ce qui se passe à Terre-Neuve sur le plan social et il vit pourtant à Kingston, en Ontario. Mais tout cela ne serait pas possible sans Facebook et d'autres réseaux sociaux.
    Là où je veux en venir, c’est ceci. Quelle devrait être la position du gouvernement en ce qui concerne la promotion de ces médias auprès de la population… ou jusqu'où devrions-nous aller par rapport au soutien? Devrions-nous octroyer une subvention au secteur privé pour la production de vidéos locales à être téléversées, téléchargées, etc.? Ou bien est-ce que le ministère le fait au moyen de ses propres mécanismes? Allons-nous devoir renouveler les fonds quand la technologie passera de l'analogue au numérique?
    J’y vais de manière très générale, mais je veux juste avoir une idée de ce que devrait être le degré de participation du gouvernement, étant donné les points que vous soulevez au sujet de la technologie.
    À mon avis, ce que je constate dans mon université, c’est une explosion de créativité limitée par de vieux sentiers battus de connaissances. L'histoire est une discipline très traditionnelle, très axée sur les archives, et nous avons été très lents à nous adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux médias.
    Actuellement, ce que nous constatons, c'est cette créativité extraordinaire, où se heurtent l'histoire collective, l’histoire orale, les nouveaux médias et les arts. De grandes choses se produisent. Bien entendu, ce genre de travail nécessite du financement. Il faut qu’il prenne de l’expansion. Parfois, ces bonnes idées deviennent des idées commerciales.
    D’après moi, si l’on parle de renforcer la capacité ou de former des personnes quant à ces nouvelles technologies et à la manière d’y accéder, il faut se rendre compte que l’on ne doit pas réfléchir au contenu après coup. C'est souvent ce qui attire les gens vers la technologie.
    Selon moi, nous avons besoin de programmes ciblés pour financer des projets locaux, mais aussi des projets nationaux. Une démarche multiple serait nécessaire, car il n'y a pas qu’une seule solution. D’ailleurs, lorsqu’il est question de facteurs tels que l'espace d’hébergement du serveur, si l’on commence à parler notamment de fichiers vidéo, il faut beaucoup d'espace sur le serveur. Ce serait incroyable d’offrir ce genre d'infrastructure aux Canadiens pour qu’ils communiquent entre eux, à mon avis.

  (1220)  

    Il semble y avoir d'autres pays qui sont beaucoup plus généreux pour ce qui est de permettre ces nouvelles technologies dans leur culture. À la télévision, nous voyons des vidéos produites par l'Office national du film, entre autres, mais accusons-nous du retard? Autrement dit, le gouvernement se concentre-t-il trop sur le contenu et pas assez sur les plateformes pour diffuser notre message?
    Certes, ce serait une immense aide si le gouvernement apportait une contribution par rapport aux plates-formes, mais aussi en subventions de démarrage pour de bonnes idées. Je crois que ce serait vraiment important de voir un tel investissement comme une subvention de démarrage.
    Le Canada est-il en retard? Je n'en suis pas certain. Sur le plan des partenariats entre les universités et les collectivités, nous sommes en avance au Canada par rapport à d’autres pays. En Europe ou aux États-Unis, il n’est pas toujours possible d’avoir de la place pour les partenariats communautaires dans le milieu universitaire, mais ce n'est qu'une petite partie de l'enveloppe de financement.
    Je vais reprendre l’exemple des universitaires. Nous sommes souvent pris dans le cycle de la production, où nous rédigeons un ouvrage pour l'envoyer ensuite à l'éditeur, nous rédigeons un autre ouvrage pour l'envoyer ensuite à l'éditeur, et ainsi de suite. Nous ne prenons pas le temps de songer à la manière de faire ces ouvrages, de présenter les résultats, les sites Web, les histoires numériques, etc. pour créer une conversation. À mon avis, nous pourrions en apprendre beaucoup des documentaristes socialement engagés, par exemple, qui font cela depuis longtemps.
    Je vous remercie.
    Nous avons ensuite M. Pomerleau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Juste avant, j'aimerais apporter une explication concernant l'alarme. L'alarme incendie a été déclenchée et les gens ont dû sortir de la Chambre. On est maintenant en train de les rappeler. L'histoire ne dit pas si le déclenchement de l'alarme était justifié ou si c'était simplement un exercice.
    Ça chauffait en Chambre.
    C'est notre journée d'opposition.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Pomerleau.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à vous deux d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous faire part de vos commentaires.
    Ma première question s'adresse à monsieur High. Vous faites affaire avec des jeunes et ce que vous nous avez raconté me plaît énormément. Vous suggérez de prendre l'histoire traditionnelle et d'en faire quelque chose de totalement nouveau. Je peux comprendre l'intérêt que cela représente. Vous nous avez donné quelques exemples, dont la possibilité de produire des clips historiques qui pourraient être accessibles sur Internet ou ailleurs. Daniel Bertolino a produit quelque chose de semblable pour la télévision. Il s'agissait de clips de 2, 3 ou 4 minutes qui servaient à meubler du temps d'antenne entre des émissions. Vous avez également parlé de l'audiotourisme. Un système semblable est offert lorsqu'on visite certains musées et on pourrait très bien concevoir de visiter une ville de l'extérieur avec pareil système et avec le GPS pour obtenir des indications particulières. Il y a là tout un monde extraordinaire à découvrir. Ma question est la suivante. Est-ce que les jeunes auxquels vous enseignez et qui sont à la recherche d'un avenir perçoivent les possibilités commerciales de ce que vous leur apprenez?

  (1225)  

[Traduction]

    Je crois que oui. C'est en partie une nécessité, en ce sens que les jeunes doivent trouver leur place dans l'économie et dans leur vie professionnelle. Cependant, dans notre communauté d’expertise, notre communauté de spécialistes de l’histoire orale, il y a des gens qui font de la production et qui vont dans cette direction. Ils forment leur propre entreprise, etc.
    Nous voyons assurément un lien avec le tourisme. Par ailleurs, il y a aussi des dangers à homogénéiser les histoires des gens. Néanmoins, lorsque les personnes ont de bonnes idées, elles foncent. Quand les gens deviennent enthousiastes et motivés, de grandes choses peuvent se faire, qu’il s’agisse d’entrepreneuriat et de la création de leur propre société ou de leurs propres outils numériques. Tout est fonction de la créativité. Cela fait partie de cette explosion de créativité qui veut sortir des anciens sentiers battus qui nous contraignent encore tant.

[Français]

    Oui, on en a besoin. Monsieur Proulx, vous avez dit qu'il y avait chaque année un journée du jeu vidéo ou une semaine consacrée au jeu vidéo à Montréal.
    En fait, ça dure deux jours.
    Ça dure deux jours. Des 1 500 personnes qui participent à cette rencontre, 40 p. 100 viennent de l'extérieur. Comment se fait-il que je n'en ai jamais entendu parler?
    Vous n'êtes sans doute pas dans le domaine du jeu vidéo.
    Je pense que cela vaudrait la peine de faire davantage de publicité.
    C'est le plus gros événement nord-américain du genre sur la côte est. L'autre est la Game Developers Conference à San Francisco. Elle accueille 12 000 personnes environ annuellement.
    Ce n'est pas tout à fait de même niveau. Vous êtes la troisième personne à nous parler des difficultés au plan de l'immigration lorsque vous avez besoin de personnel qualifié que vous ne pouvez recruter ici. Pourriez-vous être plus explicite? Je me suis beaucoup occupé d'immigration et je connais le problème, mais j'aimerais que vous en parliez plus abondamment.
    Je vais vous donner un exemple très concret. Disons que Batman, le nouveau film, est en production et que la compagnie cinématographique veut également produire un jeu qui sortirait en même temps dans 2 ans. Un jeu vidéo, sur PC ou sur console, prend de 24 à 36 mois à préparer, donc les jours sont comptés. Supposons que le studio X est intéressé par le projet, mais qu'il doit prévoir une équipe de plus. Plusieurs pays, et non seulement le Canada, ont choisi le secteur du jeu vidéo comme outil de diversification économique. Cela fait en sorte qu'on s'arrache les spécialistes du monde entier, soit ceux qui ont de 10 à 15 ans d'expérience. Si une entreprise a besoin d'un spécialiste pour encadrer une équipe de 24 à 40 personnes selon le secteur, que ce soit en programmation, en animation et en production jeu, et que ça prend 12 ou 13 semaines avant que la procédure administrative soit complétée, on vient de perdre un trimestre complet. Sur une période de 24 mois, c'est énorme. Malheureusement, au cours de la dernière année, à ma connaissance, trois projets n'ont pas pu être réalisés par une entreprise de Montréal. Le délai administratif était trop long et la personne ne pouvait pas venir plus tard. Il aurait fallu qu'elle vienne s'installer tout de suite. L'entreprise avait déjà désigné les personnes. Il y avait un Japonais, un Britannique et un autre dont j'oublie la nationalité. Étant donné qu'on ne pouvait pas les faire venir, on a dû laisser le projet en plan.
    Alors, ce sont vraiment des circonstances administratives qui ont bloqué tout ça.
    Oui.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Angus.
    Je vous remercie.
    Quelle discussion passionnante! Quand je ne porte pas mon chapeau de politicien, l’un des autres chapeaux que je porte est celui du spécialiste de l'histoire orale. J'ai une vingtaine d’années d’expérience dans les entrevues orales.
    Je trouve que la technologie donne et reprend. Je suis très heureux en ce qui concerne le rôle de l'archiviste-citoyen aujourd'hui, mais l'évolution des technologies ne cesse de susciter des questions.
    Par exemple, je me plais à penser que je connais à peu près toutes les photos historiques prises au début de l’essor de la ville de Cobalt. J'ai passé des heures et des heures dans les archives. Je sais qu'il y a un projet informatique, là-bas. On était en train de mettre en place ce… et il y avait une photo à l’avant. J'ai demandé d’où venait la photo, car je ne l'avais jamais vue. On m'a montré un tas de ces photos; elles étaient fascinantes.
    Je me suis informé pour savoir dans quelles archives on les avait prises, mais on m’a répondu qu’elles ne provenaient pas des archives, mais de Flickr, tout simplement. Ensuite, j'ai tenté de retrouver l’usager de Flickr qui avait mis la main sur ces photos extrêmement rares. J'ai pu retrouver un Britanno-Colombien qui possède des photos que personne n'a jamais vues auparavant. Je ne sais toujours pas d'où elles viennent.
    Ainsi, la bibliothèque des citoyens existe, et de plus en plus de citoyens y participent. Cependant, l'inconvénient, c’est qu’au cours des quelque 20 dernières années, on a mis beaucoup de recherches sur la « dernière technologie ». On avait fait des centaines d'interviews auprès de veuves de mineurs, qui étaient toutes conservées sur de grands disques souples. Elles sont maintenant inutilisables, puisque personne n’a conservé de copies papier. Le seul support que je trouve fiable, ce sont les copies papier. J'ai sauvegardé des interviews sur des minidisques, mais je ne peux pas les écouter parce que je ne peux pas trouver de lecteurs à minidisques. Or, il y a cinq ans, il s’agissait de la fine pointe de la technologie.
    Devrions-nous fournir des recommandations aux historiens communautaires amateurs qui créent et enregistrent la culture d'aujourd'hui, de sorte que ce ne sera pas redondant ou inutilisable d’ici deux ou trois ans? Devrions-nous commencer à établir des normes pour montrer aux gens comment recueillir des entretiens, prendre des photos numériques et les conserver? Je pose la question parce qu'il me semble qu'il s’agit d’une occasion phénoménale, mais beaucoup de choses pourraient bien finir par être inutilisables si nous continuons à changer les formats.

  (1230)  

    Si nous devons attendre une norme, nous allons attendre longtemps, d’après moi. C’est en constante évolution.
    J’ignore comment on peut s'en sortir, puisque ces vieux magnétophones à bandes pneumatiques, à bobines, à cassettes audio ou à microcassettes… Vous savez, la technologie analogique était également très fragmentée.
    Je dirais que les paroles ont un certain pouvoir. Lorsque l’on entend la voix de quelqu'un — les gestes, le rythme —, il est très difficile de rendre ce pouvoir à l’écrit. Si le pouvoir de l'histoire orale consiste à associer un visage et un nom au passé, à lui donner une dimension personnelle et à conscientiser les gens, il faut y réfléchir à deux fois avant de pouvoir être certain d’une émotion. De fait, quand on raconte une histoire, le message pourrait être plein d'ironie ou de sarcasme, mais comment bien le rendre? De même, comment rendre le langage corporel? Ainsi, le grand avantage des nouveaux médias, c'est qu’ils nous forcent à rendre, en son et en image, toutes ces subtilités différentes qui étaient très difficiles à rendre il n’y a pas si longtemps.
    Ma pratique s'est transformée au cours des 21 dernières années. Il y a 21 ans, j’avais de grosses caméras VHS bruyantes qui pesaient 40 livres. Maintenant, je me déplace avec de multiples appareils, et nous faisons des trucs incroyables.
    Les possibilités sont donc étonnantes. Vous avez raison; il y a des défis, mais il y en a toujours eu, et je présume qu’il y en aura toujours.
    Oui. Quand je parle d'une norme, je pense plutôt à des conseils à donner aux archivistes-citoyens sur la manière d’envisager un projet.
    Par exemple, j’ai fait le tour d’un projet que j'ai fait il y a dix ans dans le cadre duquel j'ai interviewé un groupe de pionniers, dont la plupart sont décédés depuis. C’était tout en audio, puisque c’était destiné à la SRC. Maintenant que je voudrais faire quelque chose avec elles, je me sens complètement idiot de n’avoir jamais pris de photos. Je sais que lorsqu’on va les écouter, on va me demander où diable sont les photos. Je vais devoir leur répondre que je ne pensais pas en fonction d’un monde tridimensionnel, à l’époque, car nous étions dans un univers sonore. Les sons sont donc ce que nous avons de mieux.
    Les possibilités me semblent immenses, mais si nous avons des historiens et des archivistes amateurs, pouvons-nous leur apprendre des leçons apprises? Existe-t-il des endroits où ils peuvent aller pour qu'ils sachent comment procéder?
    Les spécialistes de l'histoire orale se sont demandé pendant 40 ans comment interviewer les personnes — pour se concentrer sur l'entrevue, bien la faire, etc. —, mais nous n'avons pas songé à ce qui vient après l'entrevue. Encore une fois, c'est pourquoi des dizaines de milliers d'interviews n’ont jamais été entendues.
    Actuellement, l’Institut Historica-Dominion fait de l'excellent travail auprès des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. De fait, l’institut présente des histoires numériques en ligne. De nouveau, nous sommes en train de réfléchir sérieusement à ce qui se passe après et aux moyens à utiliser pour que ces histoires continuent d’être racontées bien après que l'intervieweur est décédé ou que le projet est révolu, peu importe qui a enregistré ces entretiens.
    Je répète que cette explosion de créativité est désordonnée, mais on est en train d’enregistrer des choses que l’on n'aurait jamais enregistrées il y a 20 ans. C'est incroyable de voir tout ce qui se passe. Je pense notamment à la côte Ouest avec…

  (1235)  

    Merci beaucoup. Nous devons passer à notre dernier intervenant.
    Monsieur Galipeau.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais m'adresser tout d'abord à M. High. J'ai une question sociologique assez grave pour vous. Quel est le meilleur club de hockey?

[Traduction]

    Montréal. Mon fils de sept ans me tuerait si je répondais autrement.
    Vous êtes sur la bonne voie.
    Vous travaillez à l'Université Concordia, n'est-ce pas?
    Oui.
    Sur le boulevard de Maisonneuve?
    Oui, oui.
    Une importante tranche de l'histoire se trouve à deux pas d'où vous êtes — Norman Bethune.
    J'ai vraiment apprécié la passion avec laquelle vous avez donné votre exposé aujourd'hui. Quelques-uns d'entre nous sont passionnés par l'histoire, dont moi-même. Toutefois, j'ai quelques questions à vous poser qui sont de nature plus technique.
    Nous nous efforçons simplement de donner un coup de main, et nous vous sommes reconnaissants de nous aider à prendre les bonnes décisions. Nous aimerions donc connaître votre opinion. Pensez-vous que la disponibilité généralisée d'Internet favorise ou entrave la consultation du contenu canadien? Voilà ma première question.
    Étant donné que notre temps est compté, je crois que je vais poser les deux autres immédiatement.
    Avez-vous l'impression qu'au fur et à mesure qu'apparaissent diverses sortes de nouveaux médias, on crée moins de contenu?
    Et, s'il reste du temps, quelles difficultés et quelles réussites, en général, les médias numériques canadiens connaissent-ils?
    Merci.
    Toutes ces questions sont vastes.
    Je pense que, d'une certaine manière, Internet supprime les distances. Les gens consultent Twitter ou utilisent Google Images pour effectuer des recherches.
    J'ai entendu parler de Twitter.
    Oui.
    Mais la mine à Cobalt, en Ontario, pourrait aussi bien être une mine en Sibérie. En un sens, cela déstabilise les gens — en effet, où le Canada s'insère-t-il dans l'univers? C'est l'une des questions qui se posent.
    Je remarque — certainement auprès des étudiants avec lesquels je travaille, des partenaires communautaires, etc. — qu'Internet renforce également la notion de voisinage et de collectivité de façon intéressante. Les étudiants nouent un dialogue avec le l'endroit où ils se trouvent, avec leur ville ou leur nation de manière fort créative, en affichant des sons et des images en ligne. Bien que mes étudiants rédigent des travaux de semestre, ils produisent également des sites Web.
    Au cours du dernier semestre, ils ont participé à un projet dans le cadre duquel ils interviewaient un laitier. Dans un quartier de Montréal, il y a un laitier qui livre le lait depuis 57 ans. Ils l'ont interrogé, et ils ont filmé un documentaire. Ils ont créé une carte du voisinage d'Upper Lachine Road qui comportait des points sonores permettant d'entendre l'opinion des clients. Tout cela concerne la collectivité, l'identité et le lieu, mais cela existe en même temps au sein d'un Internet mondial.
    Je ne crois pas qu'Internet, en lui-même, nuit à l'identité canadienne. Je pense qu'il élargit nos horizons et nous expose à toutes sortes de possibilités et d'inspirations. Je constate comment il transforme ma classe, ma pratique, mon université et ma collectivité. Si le gouvernement était en mesure de favoriser son développement ou d'y contribuer, ce serait merveilleux.
    Il y a toujours des difficultés à résoudre. Ces structures ne sont pas... Pour qui sont-elles créées, et tous les gens y ont-ils accès? Voilà d'importantes questions auxquelles nous devons répondre. Encore une fois, en tant que spécialiste de l'histoire orale, ce qui m'importe c'est la vie des gens, leur histoire et leurs expériences — les comprendre et leur rendre hommage. Si la technologie peut m'aider à le faire, alors je l'appuie entièrement. Si elle m'empêche de le faire, si je vois la technologie plutôt que la personne qui se trouve devant moi, alors cela me pose un problème. À mon avis, bon nombre de ces nouveaux médias visent à nous offrir des possibilités et à nous ouvrir de nouveaux horizons.

  (1240)  

    Merci beaucoup.
    J'ai vraiment apprécié les exposés que vous nous avez donnés aujourd'hui, et je vous remercie d'avoir répondu aux questions que les gens assis à cette table vous ont posées.
    Nous allons faire une courte pause, puis nous poursuivront avec les travaux du comité.
    Merci

    


    

    Reprenons nos travaux afin de les mener à bien.
    Le prochain point à l'ordre du jour est une motion présentée par M. Angus.
    Si vous le voulez bien, Monsieur Angus, veuillez lire votre motion et en parler.
    Merci, monsieur le président.
     Pour résumer, je demande que nous tenions des audiences pendant quelques jours afin d’examiner le projet d’acquisition de Lions Gate Film par l’actionnaire et investisseur américains Carl Icahn. Je crois que cette question s’inscrit dans le cadre du mandat de notre comité, parce que Lions Gate joue un rôle clé dans le secteur.
     D’emblée, je tiens à préciser que ces audiences ne visent pas à mettre un terme à toute offre d’acquisition; il s’agit de nous assurer que toutes les précautions nécessaires sont prises compte tenu de l’importance que Lions Gate revêt auprès de l’industrie canadienne du film et de la télévision.
     Je vais vous décrire les deux acteurs et vous expliquez pourquoi j’estime que nous devons nous occuper de cette question.
     Lions Gate est la principale société cinématographique au Canada. Elle connaît beaucoup de succès à l’échelle internationale. Elle contribue grandement à la production et à la distribution de films au Canada anglais, au Québec et aux États-Unis. Elle a consacré plus de 800 millions de dollars à des productions canadiennes. En 2007, Lions Gate a formé un important partenariat avec la Société générale de financement du Québec dans le cadre duquel elle a investi plus de 400 millions de dollars américains. Le partenariat vise à accroître le nombre de films et de productions réalisés au Québec.
     Grâce à Maple Pictures, elle distribue la deuxième cinémathèque en importance au Canada, la deuxième cinémathèque de films à caractère canadien en importance et la plus grande cinémathèque de films francophones à caractère canadien. Elle distribue de nombreuses productions canadiennes.
     La société joue également un rôle important dans diverses organisations liées à l’industrie cinématographique, telles que l’ACDEF, la Women in Film and Television, le Centre canadien du film et l’Institut national des arts de l’écran.
     Toute vaste restructuration de Lions Gate aurait d’énormes répercussions sur toute l’industrie du film et de la télévision.
     Carl Icahn a entrepris une prise de contrôle hostile. Son avoir net s’élève à 10,5 milliards de dollars. L’opinion des membres de l’industrie varie à ce sujet mais, parfois, M. Icahn a la réputation d’acheter des entreprises, de vendre certaines de leurs divisions séparément. Il dit qu’il ne le fera peut-être pas dans le cas de Lions Gate, mais nous n’en sommes pas certains.
     D’après Wikipédia, Gordon Gekko, le protagoniste du film Wall Street, est basé sur deux personnages. L’un d’eux est Ivan Boesky, un criminel notoire. Carl Icahn n’en est pas un, mais Gekko est aussi basé sur lui, car il a la réputation de s’emparer d’entreprises, d’accroître au maximum la valeur de leurs actions, puis de se retirer.
     Peu importe qui de M. Icahn ou du conseil d’administration de Lions Gate est responsable, cela pourrait avoir de graves répercussions sur l’industrie canadienne du film et de la télévision.
     Selon les règlements, c’est au ministre du Patrimoine canadien de veiller à ce que le projet ait un avantage net pour le Canada. En mars 2010, M. Icahn a déclaré qu’il négocierait l’acquisition de cette entreprise avec le ministre du Patrimoine canadien. Pendant ce temps, Lions Gate envisage la possibilité de quitter le Canada pour de bon. Ces dirigeants craignent que les dispositions de nos lois ne leur permettent pas de mettre en oeuvre la pilule empoisonnée dont ils ont besoin pour stopper la prise de contrôle hostile. D’une manière ou d’une autre, il est possible que nous soyons confrontés à une importante restructuration de l’industrie.
     J’aimerais proposer que nous tenions deux ou trois jours d’audiences. À mon avis, nous devons entendre les deux parties. Ainsi, leurs paroles figureront au compte rendu; elles seront du domaine public. J’aimerais entendre le ministre du Patrimoine canadien et ses hauts fonctionnaires afin d’apprendre comment ils procéderont, comment ils appliqueront les principes de la diligence raisonnable. Il se peut que d’autres acteurs de l’industrie veuillent parler de la question mais, en ce moment, j’ai le sentiment que nous devons entendre le ministre, M. Icahn et le conseil d’administration de Lions Gate.

  (1245)  

    Monsieur Rodriguez.

[Français]

    Je suis d'accord avec la proposition. Cela dit, je la limiterais à deux rencontres pour l'instant, parce que cela m'inquiète un peu également de sortir du cadre de la présente étude, qui est une étude sérieuse qu'on mène depuis longtemps. Je voudrais au moins qu'on puisse, autant que possible, produire un rapport intérimaire ou quelque chose avant de partir pour l'été, en autant que le comité le souhaite.
     Cela dit, il y a une certaine urgence en ce qui a trait à Lionsgate. C'est pourquoi je comprends la motion et que je l'appuie. Toutefois, je limiterais cela pour l'instant à deux séances et on verra par la suite. Mais il faudrait vraiment qu'on puisse faire quelque chose concernant l'étude de fond, idéalement avant de partir pour l'été.

[Traduction]

    D’accord.
     Monsieur Del Mastro.
     Merci, monsieur le président.
     Premièrement, si la motion est adoptée, je propose que nous envisagions sérieusement d’accroître le nombre d’heures où le comité siège au lieu de…
     Eh bien, trouvez un remplaçant. Je suis disposé à siéger plus longtemps afin que nous puissions travailler sur les questions dont le comité est saisi. Notre calendrier est déjà établi. Je n’ai aucune objection à ce que nous planifions des heures supplémentaires, si le comité le souhaite.
     Cela étant dit, s’il nous était possible d’appuyer la version originale de la motion, nous ne pouvons pas soutenir sa version modifiée, parce qu’elle exige vraisemblablement que le ministre du Patrimoine canadien et ses hauts fonctionnaires prennent une décision à propos d’une situation qui n’a pas encore eu lieu. Le ministère n’a pas évalué les répercussions qu’aurait une telle acquisition et, en fait, vous demanderiez à son personnel de rendre un jugement en vertu de la Loi sur Investissement Canada avant même qu’il n’ait examiné cette situation à venir. Cela ne créerait pas un très bon précédent.
     Je crois comprendre que Lions Gate Entertainment était ici la semaine dernière pour parler aux députés. Le fait que ses représentants soient venus parler des circonstances auxquelles ils font face ne me dérange pas. On peut demander à M. Icahn et aux représentants de l’industrie canadienne du film et de la télévision de venir en parler, mais il serait irresponsable de demander aux hauts fonctionnaires du ministère de formuler des observations au sujet d’une situation encore hypothétique qui aurait bel et bien des répercussions sur le marché.
    Monsieur Angus. Ensuite, ce sera le tour de Mme Lavallée.
    Merci.
     Pour répondre à M. Del Mastro, je comprends certainement son inquiétude. C’est pourquoi j’ai dit — et je n’ai peut-être pas été très clair à cet égard — que j’aimerais connaître les mesures qu’ils prendraient pour gérer… Je ne veux pas savoir s’il rendrait un verdict qui serait préjudiciable à l’industrie du film et de la télévision, mais je crois qu’étant donné la portée de la décision, il est juste que nous demandions aux représentants du ministère s’ils peuvent discuter des paramètres qu’on examinerait pour déterminer l’avantage net.
     Je ne veux pas présumer de la décision qu’ils prendront à cet égard, car ce serait injuste, mais je pense que nous devons avoir une idée de la façon dont le ministère évaluerait n’importe quel projet. Ils peuvent avancer des hypothèses, s’ils le veulent, sans rentrer dans les détails du projet de M. Icahn.
    Madame Lavallée. Ensuite, ce sera le tour de M. Rodriguez.

[Français]

    Merci.
    C'est en effet une transaction extrêmement importante. J'ai aussi rencontré des gens de Lionsgate. Ils m'ont exposé leurs enjeux. Il est évident qu'en vertu de son rôle, notre comité doit faire la lumière sur une transaction aussi importante. Nous sommes d'accord pour rencontrer les gens de Lionsgate ainsi que ceux d'Icon et du ministère, d'autant plus que le ministre a donné une réponse extrêmement floue à la Chambre.
    Consacrons deux ou trois rencontres à ce sujet. C'est comme une parenthèse que nous ouvrons dans l'étude sur le numérique que nous réalisons présentement. Tenir deux rencontres bien remplies à ce sujet serait la moindre des choses.

  (1250)  

[Traduction]

    Monsieur Rodriguez.

[Français]

    Je comprends la logique des propos de M. Del Mastro. On n'a peut-être pas besoin de voir le ministre maintenant, surtout si on veut accélérer l'étude.
     On peut voir ce qu'il en est du côté de Lionsgate et de l'autre côté. On pourrait peut-être inviter quelques fonctionnaires pour nous expliquer le processus qu'il faudrait suivre dans l'hypothèse où cela se passerait. Si éventuellement cela se produit, on pourrait convoquer le ministre.

[Traduction]

    Monsieur Del Mastro.
    Ce n’est pas ce qu’indique la motion. Comme je l’ai dit, nous discutons toujours d’une situation hypothétique. Ce n’est pas comme si cela s’était produit. Il se peut que cela se produise.
     J’ajouterai, monsieur le président, que cette question a été soulevée, parce que certaines personnes sont venues sur la Colline la semaine dernière dans le but d’attirer l’attention des députés sur la situation. Reconnaissons donc que tous les lobbyistes ne sont pas mauvais. Je sais que, sur la Colline, nous avons tendance à les dépeindre de manière négative, mais si ces gens n’étaient pas venus nous expliquer ce qui se passait, je ne suis pas certain que nous aurions eu connaissance de la situation. J’aimerais donc mentionner pour le compte rendu que tous les lobbyistes ne sont pas nuisibles, même si nous avons tendance à nous attaquer à eux quand nous le jugeons approprié.
     Je n’ai aucune objection à ce que nous entendions les parties concernées par cette affaire, y compris les membres de l’industrie du film et de la télévision. Si vous voulez demander aux représentants du ministère ce qu’un avantage net pour le Canada signifie, ou en quoi consiste le processus, je ne crois pas que ces renseignements soient indicatifs du marché, mais il faudrait que vous compreniez qu’ils ne peuvent pas vous dire… ou qu’ils ne peuvent pas présumer de la décision qu’ils prendront à ce sujet et que nous ne devrions pas nous attendre à ce qu’ils répondent à des questions qui pourraient avoir une incidence sur le marché.
     Si vous le faites, cela établira un dangereux précédent. Les gens, dont les décisions peuvent avoir des répercussions sur les revenus de retraite investis, viendront nous voir constamment. C’est donc une proposition bien risquée.
     À mon avis, il serait bon d’entendre ce que tout le monde a à dire. Comme je l’ai mentionné, je réserverai des heures supplémentaires dans ce but.
    Monsieur Angus.
    Monsieur le président, peut-être pourrions-nous conclure cette discussion.
     Je peux certainement comprendre la position de M. Del Maestro. Je ne veux pas transformer notre comité en un tribunal fantoche; j’ai participé à des procès fantoches dans le passé.
     Tant que nous comprenons que les représentants du ministère seront là pour nous expliquer à quoi ressemblera le processus…
     Ce n’est pas à nous de juger dans un sens ou dans l’autre mais, à mon avis, nous devons entendre les deux points de vue, car cette question pourrait avoir d’énormes conséquences.
     Par conséquent, c’est ma seule stipulation. Je ne crois pas que les gens se prononceront nécessairement en faveur de l’une ou l’autre des opinions. L’une n’exclut pas l’autre.
     Dans ce cas-là, pouvons-nous proposer une modification?
    M. Charlie Angus: Certainement.
    M. Dean Del Mastro: Donc, après « Que le Comité permanent du patrimoine canadien tienne des audiences avec les responsables de la Lions Gate Entertainment Corporation, Carl Icahn, des représentants de l'industrie canadienne », nous supprimons la mention « ainsi que le Ministre et des hauts fonctionnaires du Patrimoine canadien ».
     Nous bifferions donc « ainsi que le Ministre et des hauts fonctionnaires du Patrimoine canadien afin de répondre aux inquiétudes », et nous pourrions ajouter ensuite que nous aimerions inviter les hauts fonctionnaires du Patrimoine canadien à nous expliquer le processus d’évaluation.
     Est-ce équitable?
    M. Charlie Angus: Oui. C’est bien.
    M. Dean Del Mastro: Donc, après « l’industrie canadienne du cinéma et de la télévision », biffez tout jusqu’au mot « soulevées ».
     Puis, après le point qui suit les mots « Carl Icahn », indiquez que le comité aimerait inviter les hauts fonctionnaires du Patrimoine canadien à expliquer le processus d’évaluation.
     Est-ce raisonnable?
     D’accord.
     Consentons-nous à trouver une journée supplémentaire ou une quelconque période pour entreprendre ce travail?
    Selon le greffier, les deux premières séances de juin sont encore libres. Nous pourrions tenir les audiences le 1er et le 3 juin.
     Nous avons entendu la motion modifiée. Pouvons-nous convenir d’aller de l’avant et de tenir ces deux séances le 1er et le 3 juin respectivement?
    Une voix: Parfait.
    M. Dean Del Mastro: Pourrions-nous entendre la motion, monsieur le président?
    Le président: Michael.

  (1255)  

     Voici le libellé de la motion modifiée: Que le Comité permanent du patrimoine canadien tienne des audiences avec les responsables de la Lions Gate Entertainment Corporation, Carl Icahn, des représentants de l’industrie canadienne du cinéma et de la télévision pour discuter de la tentative de prise de contrôle de la société canadienne de production et de distribution cinématographie Lions Gate par l’investisseur américain Carl Icahn; les membres du comité aimeraient également entendre les hauts fonctionnaires du Patrimoine canadien afin de saisir le processus.
    Le processus « d’évaluation ».
    Le processus d’évaluation.
    C’est bien.
     Oui.
    Le président: D’accord?
    Une voix: C'est bon.
    Une voix: Bon travail.
    Le président: Adopté.
     Pas de vote? Nous allons présumer qu’il y a unanimité?
    Une voix: Oui.
    Adopté à l’unanimité.
     La séance est levée.
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