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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 009 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 12 mai 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Bonjour, chers collègues.

[Traduction]

    Bon après-midi. C'est la neuvième séance du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan en ce mercredi 12 mai 2010.
    Je rappelle encore une fois à tout le monde que la séance d'aujourd'hui est télévisée. Je vous demande donc de bien vouloir fermer vos téléphones cellulaires.
    Nous poursuivons notre étude sur le transfert des détenus afghans. Notre témoin d'aujourd'hui est l'honorable Bill Graham, ancien ministre de la Défense nationale, de 2004 à 2006 et ancien ministre des Affaires étrangères, de 2002 à 2004. M. Graham a fait une longue et éminente carrière au Parlement.
    C'est un plaisir de vous accueillir de nouveau ici, et surtout dans cette salle de comité. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Vous avez déjà comparu devant de nombreux comités. La façon dont les comités fonctionnent n'a pas beaucoup changé au fil des années. Nous allons entendre vos observations, après quoi nous passerons à la deuxième partie de la séance.
    Merci d'être venu. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie le comité de m'avoir invité à prendre la parole cet après-midi sur ce sujet important.
    Pour commencer, je dirais seulement que je souhaite bonne chance au comité pour l'étude d'une question que je crois très importante, non seulement pour l'avenir des Forces canadiennes, mais pour la façon dont nous pourrons les déployer dans les missions futures qu'elles seront certainement appelées à mener pour le Canada, comme elles l'ont si bien fait par le passé.

[Français]

    Je m'excuse, car je parlerai plutôt en anglais dans ma première intervention. Évidemment, je serai prêt à répondre aux questions en français par la suite.

[Traduction]

    Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais faire quelques observations personnelles pour commencer. Je crois que je pourrais peut-être aider le comité à comprendre les circonstances dans lesquelles l'accord initial sur le transfert des détenus a été conclu avec les autorités afghanes.
    Vous savez que, dans une certaine mesure, Janice Stein et Gene Lang ont traité de ces questions en détail dans leur ouvrage intitulé The Unexpected War. Un long chapitre est consacré à ce sujet. Une bonne partie de ce que je vais dire répétera ce qui est dit dans ce livre.
    Comme les membres du comité s'en souviendront, nous avons décidé d'entreprendre cette mission de combat après avoir mis en place notre EPR, et pour la soutenir quand le sud du pays, qui était la zone exclusive d'opération des Américains, est passé sous le contrôle de la FIAS. Je pense que cela faisait partie du contexte, de ce que nous faisions à l'époque dans le sud de l'Afghanistan.
    La question politique qui se posait pour les Afghans est que l'autorité allait être transférée d'un commandement exclusivement américain à un commandement de la FIAS et que cela devait avoir lieu au début de notre mission de combat, mais comme vous vous en souviendrez, il a fallu attendre juin de l'année suivante.
    C'était un type de mission très différent. Les Forces canadiennes avaient pour rôle d'assurer la sécurité pour le bon déroulement du processus politique qui était coordonné avec l'ACDI et MAECI, les principaux partenaires du processus 3-D.
    Je soulignerais qu'à notre avis, l'état de droit était une composante importante de notre campagne en Afghanistan, tant du point de vue de la légitimité que de notre crédibilité auprès de la population afghane. La question des détenus était un problème épineux que nous devions résoudre. Les Forces canadiennes n'avaient pas la capacité de gérer un grand nombre de prisonniers. C'était clair. Nous n'avions pas suffisamment de soldats ou le genre d'infrastructure qui nous aurait permis de le faire.
    Il ressortait des discussions que nous avions eues avec l'OTAN que cette dernière n'avait pas l'intention de fournir une capacité de détention. Les Américains avaient cette capacité à Bagram, mais à notre avis, ils hésitaient à accepter davantage de détenus et d'autre part, à cause de Guantanamo et d'Abu Ghraib, nous ne pensions pas que les Américains étaient les autorités appropriées pour recevoir nos prisonniers. Cette question a d'ailleurs été soulevée lors d'un débat à la Chambre dont je parlerai plus tard.
    Cela nous amène au moment où nous étions en Afghanistan. Comme nous étions en Afghanistan, les Afghans étaient des partenaires logiques et appropriés à la condition de prévoir des mesures de protection pour les détenus, bien entendu. Les Néerlandais, les Britanniques et les Danois cherchaient également à mettre au point cette solution. Nous avions l'impression que les choses s'amélioraient en Afghanistan.
    Pour retracer la chronologie des événements, j'ai rencontré le ministre des Affaires étrangères, M. Abdullah. Nous avons convenu qu'un accord était nécessaire et qu'il aurait l'appui des gouvernements afghan et canadien. Nous avons de nouveau discuté de la possibilité d'un transfert avec les autorités afghanes quand je suis retourné à Kaboul, en octobre. Le ministre des Affaires étrangères Abdullah était tout à fait pour. Le président Karzai a donné son accord. Le ministre de la Défense Wardak a toutefois fait valoir que les forces afghanes n'avaient pas la capacité de prendre en charge les détenus, mais le président a accepté qu'une force spéciale soit formée pour le faire.
    Nous avons donc mis au point notre entente qui a été rédigée en collaboration avec des membres de la division du Juge-avocat général, au ministère de la Défense nationale. En fait, une de ces personnes détenait un doctorat en droit international. Ces experts étaient en contact avec leurs collègues des Affaires étrangères et du Bureau du Conseil privé et avaient leur appui total. Nous savions que les Néerlandais et les Britanniques se préparaient à conclure des ententes similaires et qu'ils transféreraient également leurs détenus aux autorités afghanes.
    Comme vous le savez, entre autres dispositions, l'accord contenait les mesures de protection prévues dans la Convention de Genève quelle que soit la classification du détenu; la Croix-Rouge devait être avisée et la Commission afghane des droits de l'homme devait intervenir. Je tiens à souligner, chers collègues, qu'à nos yeux, il s'agissait d'une disposition extrêmement importante. Le fait de confier cette responsabilité à la Commission afghane des droits de l'homme allait contribuer, selon nous, à construire la société civile dans ce pays.
    Je dois dire que j'ai eu, par la suite, l'occasion de rencontrer Mme Samar qui était, comme vous vous en souviendrez, la présidente de la Commission. Elle est venue assister à une réunion à Toronto, il y a environ deux semaines. Je l'ai rencontrée et elle m'a assuré qu'à l'époque, la Commission afghane a pris son rôle très au sérieux. Elle a enquêté dans les prisons. Elle a eu des problèmes, mais elle a certainement fait de son mieux pour s'assurer que les prisonniers étaient bien traités et la Commission a pris son rôle extrêmement au sérieux.

  (1535)  

    Nous avons adopté une disposition selon laquelle il n'y aurait pas de peine de mort et cela, comme vous vous en souviendrez, à la suite des conversations que nous avions eues à la Chambre.
    Lorsque nous avons terminé la rédaction du document, nos fonctionnaires m'ont assuré — et j'ai beaucoup insisté sur ce point — que notre entente contenait le meilleur libellé possible pour assurer la protection des prisonniers.
    Je crois devoir souligner que l'entente a été rédigée pour anticiper d'éventuels problèmes. Nous avions une expérience très limitée à ce moment-là en ce qui concerne les prisonniers. Nous savions que les prisons afghanes n'étaient pas parfaites et qu'elles laissaient à désirer à bien des égards, mais nous n'avions aucune raison de croire que les Afghans ne pourraient pas traiter les prisonniers conformément aux obligations humanitaires internationales établies dans l'accord.
    En novembre 2005, nous avons rencontré les représentants d'ONG. Je peux dire que tout le monde s'entendait sur le fait qu'il valait mieux remettre les détenus aux Afghans plutôt qu'aux Américains. Des préoccupations ont été exprimées au sujet des conditions régnant dans les prisons afghanes, ce à quoi nous allions remédier par l'entremise de l'ACDI, mais tout le monde était d'accord sur le principe d'un transfert des prisonniers au gouvernement afghan.
    Certains membres du comité se souviendront que la question des prisonniers a été abordée au cours du débat qui a eu lieu à la Chambre des communes en novembre 2005. J'ai soulevé la question de cette entente. Plusieurs députés de l'opposition ont soulevé des préoccupations similaires au sujet d'un transfert aux autorités américaines, mais j'ai cru comprendre qu'ils appuyaient le transfert aux autorités afghanes à la condition que les dispositions des Conventions de Genève soient respectées.
    Il est vrai qu'il manquait dans cet accord le droit d'assurer le suivi des prisonniers qui était prévu dans d'autres accords. Cela a suscité des critiques. Avec le recul, il faut reconnaître que nous aurions pu inclure cette disposition que le gouvernement actuel a eu la sagesse d'ajouter. Je dois toutefois souligner que nous croyions alors avoir un accord contenant le niveau de protection le plus élevé qui soit pour les détenus.
    En fin de compte, cet accord n'était pas parfait. Aucun accord n'est jamais parfait. Tout accord dépend autant de la façon dont il est appliqué que de la façon dont il est rédigé.
    En ce qui me concerne, je tiens à vous assurer que je tenais beaucoup à cet accord, car je croyais que cela suscitait un conflit politique en Afghanistan et qu'il fallait démontrer que les Canadiens opéraient dans le cadre d'un état de droit. La maltraitance des prisonniers aurait affaibli la légitimité de notre rôle en Afghanistan et l'appui que les Canadiens apportaient à la mission. C'est une dimension dont je crois avoir bien fait le tour avec les députés au cours du débat auquel j'ai participé à la Chambre et j'étais prêt à entendre les observations des députés de l'opposition.
    Vous vous souviendrez également du débat qui a eu lieu par la suite au sujet de la prolongation de la mission. J'ai lu le hansard. J'ai vu que la question des prisonniers n'a été mentionnée que deux fois au cours de ce long débat de huit heures quand nous avons discuté de la prolongation de la mission en mai 2006.
    Monsieur le président, je reste convaincu que les Forces canadiennes savent quelles doivent opérer en respectant la primauté du droit. C'est une chose sur laquelle Général Hillier et le Général Natynczyk ont insisté à de nombreuses reprises et que j'ai pu constater personnellement en parlant à nos soldats ou aux membres de la division du Juge-avocat.
    Je voudrais également féliciter les membres de la division du Juge-avocat, les juristes du ministère et les nombreuses autres personnes qui, comme vous le savez peut-être, vont sur le terrain au péril de leur vie pour fournir des avis immédiats afin que nos soldats se conduisent conformément aux obligations que leur confère le Statut de Rome et les dispositions pertinentes du droit humanitaire international et du droit canadien.
    Comme je l'ai dit au départ, je vous souhaite bonne chance, monsieur ainsi qu'aux membres du comité pour régler cette question de façon à préserver la réputation du Canada en tant que défenseur des lois humanitaires internationales et à protéger l'intégrité de nos forces armées.
    Merci beaucoup.

  (1540)  

    Merci infiniment, monsieur Graham.
    Nous allons passer au premier tour de questions qui sera de sept minutes.
    Monsieur Rae.
    Monsieur le président, tout d'abord, je dois dire que j'ai succédé à M. Graham comme député de Toronto-Centre et que je suis très conscient de sa contribution, non seulement à la Chambre, mais également à notre circonscription.
    Monsieur Graham, vous avez dit pour commencer que vous avez procédé par élimination pour décider de la politique à l'égard des transferts et que les Forces canadiennes n'avaient pas la capacité de gérer les détenus.
    Savez-vous s'il y a eu des études, des rapports ou des discussions sur les mesures qu'il aurait fallu prendre pour que nous nous chargions de nos propres détenus, sur le nombre de prisonniers auquel il fallait s'attendre et sur ce qu'il fallait faire? Y a-t-il eu des analyses visant à évaluer précisément la situation?
    Je n'y ai certainement pas participé. J'ai été informé que des discussions avaient eu lieu, mais comme vous vous en souviendrez, nous avions l'EPR qui était occupée à remplir son mandat. Nous avons les soldats qui étaient en mission de combat.
    Du point de vue du ministère de la Défense, le ministère était déjà très lourdement mis à contribution en ce qui concerne le nombre de soldats envoyés en Afghanistan et ce qu'ils faisaient. Le commandement était certainement convaincu que si les soldats devaient s'occuper des prisonniers, cela allait limiter leur capacité de mener la mission de combat.
    Nous n'avons pas été les seuls à avoir ce problème. Les Britanniques ont discuté de la même chose; les Hollandais, les Danois, tout le monde a tiré la même conclusion. On a laissé entendre que l'OTAN aurait peut-être pu, logiquement, charger un de ces pays membres de fournir une brigade de supervision des détenus ou quelque chose de cette nature, mais l'OTAN n'était pas prête à relever ce défi et cette suggestion n'a donc pas abouti.
    Vous avez mentionné que vous avez eu une réunion avec des ONG en novembre 2005. Ces derniers mois et même ces deux dernières années, nous avons entendu les témoignages d'un certain nombre d'ONG à l'égard du traitement des prisonniers. Pouvez-vous nous dire de quelles ONG il s'agissait? Vous en souvenez-vous? Avez-vous un compte rendu de cette réunion indiquant qui était présent?
    Oui, nous avons un compte rendu. C'était avec Amnistie Internationale. J'ai parlé à la personne du ministère des Affaires étrangères qui a pris des notes, de même qu'à quelqu'un de mon propre ministère qui était là et il est clair que nous étions entièrement d'accord sur le fait qu'étant donné les circonstances, nous ne pouvions pas livrer les détenus aux États-Unis. Comme nous étions en Afghanistan, l'Afghanistan était la solution à la condition, bien sûr, que les mesures de protection prévues dans la Convention de Genève soient consignées dans l'accord. Les détenus devaient bénéficier d'une certaine protection.
    Mais la Convention de Genève précise que les prisonniers ne doivent pas être transférés s'il y a un risque important de torture ou de mauvais traitements. Le principal problème, selon moi, est que le risque semblait important et on peut d'ailleurs dire qu'il est encore important aujourd'hui étant donné les nombreuses preuves et les nombreux rapports faisant état du mauvais traitement des prisonniers par la DNS ou d'autres autorités carcérales afghanes.

  (1545)  

    Je dirais qu'il est facile de le constater a posteriori. Il n'était pas évident pour nous, à l'époque, que le risque était aussi important.
    Tout d'abord, à ce moment-là, nous n'avions encore pris aucun prisonnier, à ma connaissance, et nous n'avions donc pas d'expérience sur ce plan. Les écrits sur le sujet montrent qu'en effet il y avait des problèmes dans les prisons afghanes, mais comme vous le savez en tant que député de Toronto-Centre, il y a aussi des problèmes dans les prisons de Toronto. Trois jeunes ont été tués dans la prison Don, l'année dernière. Tout système carcéral a ses problèmes, y compris le nôtre.
    Il faut donc reconnaître que nous traitions avec un pays que nous essayions d'aider à construire des prisons, car cela faisait partie de ce que nous construisions, que nous fournissions de l'aide pour cela et que cela faisait partie du processus de reconstruction.
    Je crois pouvoir dire qu'à l'époque, le commandement militaire ne prévoyait pas le nombre de prisonniers qui allaient être pris. Je pense qu'en fait, le Général Hillier a déclaré devant le comité que le nombre de prisonnier a été une surprise.
    Par conséquent, nous opérions dans un cadre plutôt théorique qu'empirique.
    L'autre reproche qui a été fait à l'accord de 2005 est que d'autres pays ont réussi à négocier la possibilité d'inspecter eux-mêmes les prisons et que nous avons laissé cette responsabilité à la Croix-Rouge. Que répondez-vous à cela?
    C'est certainement une critique et c'est une chose qui a été rectifiée dans l'accord suivant. Cela concernait la question de la supervision ou de la façon dont nous allions superviser. Dans cet accord, nous pensions que la supervision de la Croix-Rouge serait suffisante. D'autres pays ont décidé d'inclure une disposition prévoyant une supervision.
    Je sais qu'au Royaume-Uni, le Parlement tient le même genre de discussions aujourd'hui au sujet du succès avec lequel son accord a été appliqué en pratique.
    Cela me ramène à ce que j'ai dit, à savoir que c'est très bien de signer un accord, mais que son succès dépend de la façon dont il est appliqué.
    Il y a aussi la question de la capacité. Une chose qui ressort très clairement… Je suis allé en Afghanistan en 2006 et l'ambassade y était minuscule. Il y avait deux agents et un ambassadeur. L'ambassade n'avait pas la capacité d'inspecter quoi que ce soit. Vous n'aviez pas le personnel voulu pour le faire.
    Cela n'a-t-il pas contribué au problème?
    C'était certainement un des aspects du problème, car il était évident que si les militaires avaient pour rôle de livrer les prisonniers au système carcéral, c'est un organe civil qui allait devoir exercer la supervision.
    Les témoignages que le comité a reçus et que j'ai lus montrent certainement que c'est là un des problèmes qui a surgi par la suite. Je ne peux pas dire que nous l'avions prévu à l'époque. Nous ne nous y attendions pas, sans quoi nous aurions pu agir différemment. Nous étions convaincus que les dispositions prévoyant non seulement l'intervention de la Croix-Rouge, mais aussi celle de la Commission des droits de l'homme, ajoutaient une dimension de nature à susciter la participation des autorités afghanes à la gestion du système, ce qui était très important pour elles et pour nous dans le contexte de la reconstruction de l'Afghanistan.
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Bachand, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre Graham, je vous souhaite la bienvenue.
    Monsieur Graham, pourriez-vous expliquer au comité comment il se fait que l'entente de 2005 ait été signée par le ministre de la Défense de l'Afghanistan, M. Wardak, et le général Hillier? Il m'a toujours semblé spécial qu'un ministre élu signe un document, d'une part, et qu'un chef d'état-major canadien signe le document, d'autre part. Aviez-vous donné le mandat à M. Hillier de signer l'entente en 2005?

  (1550)  

    À l'époque, monsieur Bachand, vous et moi, comme tous les autres membres du comité, étions en train d'essayer d'obtenir un mandat de la population canadienne. Nous étions en pleine élection. Ce mandat a changé le comportement du gouvernement. Tout ce que je peux dire, c'est ce que je comprends des circonstances de la signature.
    Monsieur Hillier a été en Afghanistan. Il faut se souvenir que nos troupes allaient être déployées en trois mois. Au commencement de la négociation de cet accord, il était très important pour nous de compléter ce déploiement avant la fin de l'année. L'accord en question avait l'approbation de notre ministère et du ministère des Affaires étrangères. Si M. Hillier n'avait pas signé, M. Sproule, l'ambassadeur du Canada, l'aurait signé, il n'y a aucun doute. D'après ce qu'on m'a dit, le général Wardak avait un rapport personnel avec le général Hillier qui datait de l'époque où celui-ci était responsable de la Force internationale d'assistance à la sécurité. Il avait demandé au général Hillier de signer de la part du Canada. Pour lui, c'était une question de confiance et de rapport personnel. C'est tout ce que je sais de cette décision. Le général Hillier a accepté, ce n'est pas l'ambassadeur qui a signé, et nous en connaissons le résultat.
    Ce n'est pas le général Hillier qui a négocié le contenu de l'entente. Cela a été négocié, j'imagine, par le ministère des Affaires étrangères et vérifié par le ministère de la Défense nationale. Vous avez alors dit à Hillier que, puisqu'il était là, il allait signer l'entente que vous alliez envoyer.
    Je dirais plutôt que c'était surtout le ministère de la Défense nationale, avec l'accord et l'appui du ministère des Affaires étrangères, qui l'avait négocié puisque, pour les Afghans, c'était le général Wardak qui était le responsable. Le général Wardak n'était pas seulement le ministre de la Défense, il avait des responsabilités relativement à l'armée afghane que nous considérions comme notre partenaire. Il était aussi ministre responsable des prisons à l'époque. Il était donc un peu l'interlocuteur normal. J'avais plutôt parlé au ministre Abdullah, avec M. Karzaï et M. Wardak, avec l'accord des Affaires étrangères. C'était notre ministère qui menait cette affaire.
    Monsieur Graham, reconnaissez-vous quand même qu'il manquait un aspect très important à cette entente, sur le suivi des visites dans les prisons afghanes? Il semblerait que ce n'était pas dans l'entente proprement dite. Pourquoi a-t-on oublié un aspect aussi important? C'est bien de dire voici comment on va procéder pour les transferts, mais si on n'a pas de suivi et que ce n'est pas fait...
    Vous avez dû voir la déclaration de M. Laroche qui dit que les fonctionnaires des Affaires étrangères ne voulaient pas faire le suivi. Ils disaient que leur convoi n'était pas protégé. Toutefois, un fait est quand même évident: il y a eu des périodes où il n'y avait pas de suivi dans les prisons, donc on ne pouvait pas s'assurer du respect de la Convention de Genève.
     Oui. Mon problème est que ma période de ministre s'est terminée le 15 janvier. Tous les faits, toutes les discussions au sujet de ce qui se passait et tout le finger-pointing, si vous voulez, ce sont toutes des choses qui sont arrivées après mon départ. Je n'ai donc aucune connaissance de ce qu'était le vrai problème et de ce qui ne l'était pas. Je ne l'ai pas vécu. Tout ce que j'ai vécu, c'est la période de négociation de l'accord lui-même. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'était en toute sincérité que nous avions négocié cet accord en assurant la protection de la Convention de Genève.
    Vous vous souviendrez vous-même, monsieur Bachand, que vous m'aviez dit à la Chambre — j'ai une bonne mémoire — qu'il fallait signer un accord avec les Afghans et que j'aurais l'appui des députés de la Chambre à la condition que les détenus soient protégés par la Convention de Genève. Je vous avais répondu que nous le ferions. On aurait peut-être dû également avoir un suivi. D'une certaine manière, l'accord était imparfait. C'était toutefois le meilleur qu'on avait pu négocier à l'époque.

  (1555)  

    D'accord.
     Le 27 mai 2005, vous avez écrit à M. Martin une lettre dans laquelle vous lui disiez que vous étiez d'accord pour faire en sorte que les détenus soient bien traités selon la Convention de Genève. Il y a un mécanisme que vous auriez trouvé à l'époque. Je vais lire ce que vous avez dit:

[Traduction]

la lettre dit aussi que les Canadiens communiqueraient les renseignements sur les détenus au Comité international de la Croix-Rouge, « qui dispose du mandat et des ressources voulus pour suivre les prisonniers de guerre et les détenus capturés pendant un conflit armé ». Toutefois, elle ne précise pas si le CICR devait faire rapport au Canada des conditions de détention des détenus.

[Français]

    Est-ce que vous reconnaissez que vous avez écrit cela à M. Martin?
    Tout à fait.
    Vous demandiez donc à la Croix-Rouge de suivre les détenus, mais ce n'était pas expliqué comment la Croix-Rouge devait vous rendre compte de ce qui se passait.
    On apprend aussi entre-temps que la Croix-Rouge est très discrète au sujet de la façon dont les détenus sont traités dans les prisons afghanes, pour ne pas compromettre l'ouverture des autorités afghanes en ce qui concerne les visites.
    Nous savions que la politique de la Croix-Rouge était de faire rapport à la nation dans laquelle se trouvent les prisonniers. On a subi les mêmes expériences avec la prison de Guantanamo. La Croix-Rouge a dit qu'elle faisait rapport auprès des autorités américaines et non auprès des autres pays.
    Vous vous souviendrez que c'était une question qui a été longuement débattue à la la Chambre après mon départ. La question était de savoir quelle était la responsabilité de la Croix-Rouge.
    C'est clair que la Croix-Rouge fait état de ce qui se passe dans les prisons, mais elle ne fait rapport qu'aux autorités locales.
    D'accord.
     J'ai maintenant une question très importante pour vous. En tant que ministre des Affaires étrangères et par la suite ministre de la Défense, est-ce que vous croyez qu'il y avait de la torture...

[Traduction]

    Votre temps est écoulé pour la deuxième question. Merci.
    Nous passons à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham, merci pour votre présence ici. Et je vous remercie pour le leadership que vous avez manifesté à la Chambre au cours des débats concernant la prolongation de la mission en 2006 et 2008.
    En tant qu'expert en droit international — je pense que vous l'avez dit et je voudrais seulement que vous le répétiez — vous étiez certain que les dispositions de l'accord de 2005 répondaient aux obligations internationales du Canada en vertu du droit international, n'est-ce pas?
    Oui, mais je dois dire que j'avais enseigné le droit international suffisamment longtemps pour savoir que j'avais intérêt à me fier aux gens qui savaient vraiment de quoi ils parlaient. Comme doit le faire un ministre, je me suis fié aux avis des fonctionnaires du ministère, lesquels ont été appuyés par les fonctionnaires des Affaires étrangères. Ce sont les avis que j'ai obtenus, et tout ce que je savais moi-même me permettait de croire qu'ils étaient fiables.
    Très bien.
    Certains ont qualifié d'imparfait l'accord de 2005 et comme vous l'avez dit, avec le recul, nous pourrions sans doute dire la même chose. Toutefois, à l'époque, vous avez conclu cet accord de bonne foi d'après les renseignements dont vous disposiez alors.
    Absolument. Nous pensions que c'était le meilleur accord que nous puissions obtenir dans les circonstances.
    Peut-on dire, selon vous, que lorsque le gouvernement a changé et que le gouvernement actuel a assumé la mission en 2006, nous avons également assumé cet accord de bonne foi?
    Absolument.
    Je sais que vous ne pouvez pas parler au nom du gouvernement, mais n'est-il pas logique que nous ayons assumé cet accord de bonne foi?
    Oui, sans aucun doute. Je suppose que vous faites tout de bonne foi.
    Bien entendu.
    C'est aux autres d'établir si cette supposition est exacte ou non.
    Mais ce serait parfaitement logique.
    Oui, bien sûr.
    J'aurais une petite rectification à apporter: nous avons pris des prisonniers avant la fin de 2005. Certains prisonniers ont été pris lorsque M. Eggleton était ministre.

  (1600)  

    Non, désolé, je ne voulais pas dire que nous n'avions jamais pris de prisonniers. Les faits démontreront, je pense, qu'avant cela, tous les prisonniers étaient transférés aux autorités américaines qui dirigeaient alors l'opération « Liberté immuable ». C'est elles qui avaient le commandement sur le terrain.
    Oui, je comprends. Mais par la suite, à cause aussi de certaines considérations politiques concernant Abu Ghraib, Guantanamo, etc., le gouvernement a jugé qu'il valait mieux les transférer aux autorités afghanes qu'aux autorités américaines.
    Les problèmes qui se sont posés à Abu Ghraib et Guantanamo ont certainement été un facteur, comme je l'ai dit. Toutefois, c'était… Au début, nous ne connaissions pas ces faits. Mais à ce moment-là, nous étions parfaitement au courant.
    Je dirais que l'autre facteur vraiment important est que nous étions en Afghanistan. C'était un territoire souverain afghan. Nous devions démontrer que notre rôle était de contribuer à la pacification et à la reconstruction de l'Afghanistan dans l'intérêt des Afghans et non pas dans le nôtre. Je pense que les Canadiens, les Britanniques, les Néerlandais et les autres en sont tous venus à la même conclusion. La conclusion qui s'imposait, compte tenu des circonstances et de la nature de notre mission… Ce n'était pas une invasion. C'était une mission visant à soutenir la reconstruction d'un pays avec un gouvernement nouvellement élu. La seule chose logique que nous puissions faire était de nous adresser aux Afghans qui étaient souverains sur leur territoire et de leur permettre de se charger des prisonniers.
    Vous avez parlé de la force des accords. Vous aviez conclu un accord en 2005 et une entente supplémentaire a été conclue en 2007.
    Comme vous le savez, c'est très bien de conclure des accords, mais ils dépendent des gens qui les administrent. Même si un accord est parfait, si des gens imparfaits l'appliquent, vous risquez d'obtenir un résultat imparfait.
    Peut-on dire que dans un pays comme l'Afghanistan, lorsqu'on travaille avec des institutions et des gens imparfaits comme on peut s'y attendre dans un tel contexte, certains faux pas sont inévitables?
    Oui, on peut certainement le dire. Ce n'était pas seulement au sujet de cette question. Nous savons ce qu'il en est du problème de la drogue, de la corruption et de tout le reste, en Afghanistan. Nous avons certainement essayé de remédier à tout cela.
    Une partie de notre mission là-bas consiste toujours à apporter des correctifs là où les Afghans ne répondent pas à nos attentes et à travailler avec eux pour accroître leur capacité et leur respect de la primauté du droit.
    Absolument. Oui, monsieur.
    En sachant parfaitement qu'ils échoueront de temps à autre. Cela veut-il dire que leurs échecs sont nos échecs?
    Bien entendu, cela dépend de ce nous faisons sur le plan… Il est très difficile d'en parler dans l'abstrait. Mais je ne pense pas qu'on puisse nous demander d'assumer la responsabilité de tous les problèmes des Afghans parce que nous sommes présents là-bas. Nous essayons de les aider à apporter des améliorations. Je suis entièrement d'accord, oui.
    Quand votre gouvernement a constaté des problèmes, vous avez essayé de les résoudre.
    Oui, monsieur.
    Je dirais que c'est ce que les gouvernements n'ont pas cessé de faire, quel que soit le parti au pouvoir. Êtes-vous d'accord?
    Oui, monsieur.
    Une des choses qui m'inquiètent, si vous le permettez, est qu'au Canada nous avons tendance à considérer l'Afghanistan dans le contexte canadien, dans la perspective canadienne. Autrement dit, nous nous attendons à ce que les gens fonctionnent comme nous le faisons au Canada. Toutefois, comme vous l'avez dit vous-même, tout système carcéral a ses propres problèmes, y compris le nôtre. C'est donc une question de degré.
    Je vais faire une affirmation et vous demander si vous êtes d'accord ou non. Selon moi, personne n'est coupable de quoi que ce soit, que ce soit le gouvernement libéral précédent ou le gouvernement actuel et certainement pas les Forces canadiennes. Personne n'est coupable de quoi que ce soit si ce n'est d'avoir fait de son mieux dans des circonstances incroyablement difficiles, dans une situation incroyablement difficile en travaillant avec des gens incroyablement difficiles.
    Je suis entièrement d'accord pour dire que les Canadiens essaient de faire de leur mieux en Afghanistan dans une situation très difficile. Absolument. Ils font de leur mieux pour l'Afghanistan, pour la communauté internationale et dans tout ce qu'ils essaient de faire en tant que Canadiens.
    Si une infraction quelconque a été commise dans un ou deux cas, je dirais que nous avons un système en place, sous la forme d'un système de justice militaire et d'un système de justice civil pour que les autorités judiciaires prennent les mesures qui s'imposent si les faits le justifient.
    Je n'ai pas entendu dire, jusqu'ici, que qui que ce soit avait été poursuivi pour quoi que ce soit et c'est donc, je crois, exactement où nous en sommes.
    Nous portons beaucoup de jugements a posteriori. Bien entendu, avec le recul, on ne se trompe jamais.
    Pensez-vous que qui que ce soit aurait pu prédire, que ce soit votre gouvernement ou le nôtre, la férocité de la guerre, du conflit ou du combat qui allait éclater à Kandahar, en 2006, l'importance des pertes humaines, etc.?
    Merci, monsieur Hawn.
    Je dirais que non. Prenons la nature de l'équipement avec lequel nous sommes partis là-bas. Nous sommes partis avec des LAV III et nous nous sommes retrouvés avec des chars. Toutes sortes d'hypothèses avaient été faites lorsque nous sommes arrivés à Kandahar sur le plan de l'équipement et du reste. Il nous fallait des hélicoptères que nous n'avions pas au départ. Nous avions envisagé une campagne où nous aurions été beaucoup plus actifs dans les villages et avec la population, mais nous avons constaté que les problèmes de sécurité causés principalement par l'utilisation d'engins explosifs improvisés et d'autres formes d'engins explosifs ont rendu impossible le genre de campagne envisagé au départ.
    Cela décrit parfaitement, je pense, ce qui s'est passé. La situation a évolué et l'ennemi a évolué en grande partie grâce aux leçons qu'il avait apprises en Iraq et ailleurs.

  (1605)  

    Merci, beaucoup, monsieur Graham et monsieur Hawn.
    Je vais maintenant passer à M. Dewar, s'il vous plaît, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham, merci d'être venu témoigner aujourd'hui.
    Je voudrais seulement éclaircir certaines choses en posant deux questions très simples et directes.
    Avez-vous approuvé l'accord?
    Je ne l'ai pas… Nous avions approuvé les modalités de l'accord qui a ensuite été signé par M. Hillier, les modalités qui avaient été…
    Je tiens à être très précis. Je parle de l'accord qui a été finalement signé. Vous avez approuvé la version finale de cet accord.
    Nous avons dû approuver la version finale avant que le Général Hillier…
    Mais vous avez approuvé l'accord?
    C'est important, car je ne sais pas exactement, d'après votre témoignage, si vous avez approuvé l'accord ou si quelqu'un d'autre l'a fait. Je suppose que si ce n'est pas vous, ce devait être le Général Hillier.
    Je ne crois pas que le Général Hillier ait simplement signé quelque chose.
    Non, ce n'est pas ce que je dis. Je vous demande si c'est vous qui avez approuvé la version finale de l'accord définitif.
    Je ne me souviens pas que quelqu'un m'ait dit: « Monsieur le ministre, paraphez ce document », mais c'est l'accord dont nous avions discuté avec nos fonctionnaires et dont nos fonctionnaires avaient discuté avec les Affaires étrangère. Tout le monde avait convenu que c'était l'accord que nous allions proposer aux autorités afghanes. Et cet accord a fait l'objet de discussions avec les autorités afghanes.
    Par conséquent, j'ai certainement approuvé cet accord. D'après la lettre que j'avais envoyée au premier ministre et compte tenu du pouvoir que je détenais, j'étais prêt à le signer moi-même.
    Si je comprends bien, vous n'êtes pas entièrement certain d'avoir approuvé l'accord final, mais vous avez approuvé son contenu et sa portée générale.
    Absolument.
    Avez-vous parlé au Général Hillier avant que l'accord ne soit signé?
    Non, je parlais à mes commettants.
    Je le comprends, mais vous aviez aussi deux rôles et vous étiez encore le ministre…
    Non, je le comprends. Je n'essaie pas d'échapper à mes responsabilités, mais le Général Hillier était en Afghanistan. Il avait la possibilité de signer l'accord et il l'a signé. Il ne m'a pas téléphoné pour me demander s'il pouvait le signer.
    Par conséquent, vous n'avez jamais eu d'entretien avec lui pour lui demander s'il approuvait l'accord et ce qu'il en pensait. Il ne vous a pas dit ce qu'il en pensait.
    L'accord a été approuvé avant son départ.
    Par vous.
    Par moi, par le ministère, par les Affaires étrangères, par le gouvernement du Canada. Cet accord a été approuvé par le gouvernement du Canada.
    Par vous.
    Très bien, par moi.
    Bien. J'ai de la difficulté à obtenir un simple « oui ».
    Vous essayez d'établir si quelqu'un m'a mis l'accord sous le nez en me demandant de le parapher. En toute franchise, je ne m'en souviens pas.
    Serait-ce le processus normal?
    Non, ce n'est pas la façon dont ces…
    Pas pour un accord comme celui-là?
    Pas forcément, en partie parce que c'est une sorte de protocole d'entente. Ce n'est pas un traité officiel.
    Mais c'est un accord entre deux pays.
    Oui, mais c'est un protocole d'entente. Ce n'est pas un traité et il n'était donc pas nécessaire de suivre la procédure normale d'approbation d'un traité par le Cabinet, etc.
    M. Paul Dewar: Je comprends parfaitement cela.
    L'hon. William Graham: C'était un type d'accord entièrement différent. L'entente est la même; c'est ce qu'on appelle un protocole d'entente. Si vous examinez les autres accords, ils sont exactement similaires.
    La participation du Général Hillier consistait donc simplement, comme vous l'avez dit, à rencontrer le Général Wardak et à signer l'accord. Vous a-t-il dit ce qu'il en pensait, en tant que général, à un moment quelconque? D'après ce que vous me dites…
    J'essaie seulement de bien comprendre. J'ai pris la peine de lire The Unexpected War et d'après votre témoignage d'aujourd'hui, il me semble évident que l'initiative est venue de la défense nationale. Est-ce exact, en ce qui concerne les transferts?
    On peut dire que l'initiative venait de la Défense nationale, mais il était évident qu'elle avait le plein appui de l'autre ministère clé du gouvernement du Canada dans cette affaire, c'est-à-dire le ministère des Affaires étrangères. Je suis certain que si le Général Hillier n'avait pas signé l'accord, David Sproule l'aurait signé à sa place en tant que notre ambassadeur, auquel cas nous n'aurions pas cette conversation au sujet du Général Hillier et nous nous demanderions si David Sproule était autorisé à le signer.
    Ce n'est pas une question d'autorisation. La question est de savoir pourquoi la personne qui a signé l'accord, l'a signé. Ce n'est pas très clair, car la seule raison logique que je puisse voir, d'après ce qui est écrit dans le livre et votre témoignage, est que le Général Hillier connaissait bien le Général Wardak et que c'était donc une façon commode de signer l'accord.

  (1610)  

    Je crois qu'en fait le Général Wardak a demandé au Général Hillier de le signer parce qu'étant donné sa relation personnelle avec lui, le Général Hillier avait beaucoup plus de crédibilité à ses yeux que n'importe qui d'autre.
    Pensez-vous que c'était approprié?
    Si j'avais été là-bas, je l'aurais signé. Il n'aurait pas été approprié que le Général Hillier le signe si j'avais été sur place, bien entendu.
    Ce que je veux dire…
    Je ne pense pas que dans les circonstances c'était inapproprié ou approprié. Comme je l'ai dit, l'accord devait être signé soit par l'ambassadeur soit par le Général Hillier.
    Je pose la question, car la plupart des gens penseront que même si ce n'était pas un traité officiel, le gouvernement du Canada voulait conclure avec le gouvernement afghan cet accord dont les modalités définissaient notre entente avec ce gouvernement.
    Je ne trouve donc pas très normal que nous en ayons chargé le Général Hillier sous prétexte que le Général Warkak le connaissait bien et qu'il pouvait donc avoir une conversation avec lui et signer l'accord. Je dis cela parce que je pensais que c'était le rôle de nos diplomates et que ce sont généralement les diplomates et non pas les généraux qui parlent au nom du gouvernement.
    Je voudrais donc savoir pourquoi le Général Hillier a été autorisé à signer cet accord alors que, normalement, ce rôle revenait à un diplomate?
    Je ne peux pas répondre à cette question, parce que je n'étais pas là-bas, et pour ce qui est des communications avec le Général Hillier ou David Sproule…
    Mais qui était responsable? Qui était responsable de ce dossier?
    Le gouvernement du Canada était responsable de ce dossier. Le Général Hillier est un membre éminent du gouvernement du Canada.
    Mais ce n'est pas un élu.
    Non, et l'ambassadeur, David Sproule, non plus.
    Non, mais on lui a délégué…
    Cet accord a été signé par les autorités gouvernementales. C'est une autorité du gouvernement du Canada.
    Si je pose cette question, monsieur Graham, c'est que ces pouvoirs leur sont délégués…
    C'est exact.
    … en tant que diplomates ou en tant que généraux.
    À mon avis, lorsqu'il s'agit d'une délégation de pouvoir dans un domaine aussi important que le transfert des détenus — et nous parlerons plus tard du rôle des fonctionnaires de MAECI si nous en avons l'occasion, car finalement ils ont dû exercer la supervision — d'après ce que vous dites, ce pouvoir a été délégué au général et non pas au diplomate. Et la seule raison que vous ayez donnée est que c'était commode pour le général.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est inhabituel. Il y a toutefois de nombreux exemples d'accords internationaux qui sont signés par des militaires ou d'autres personnes. Il y en a énormément. Vous trouverez toutes sortes de cas de ce genre dans les anales historiques.
    Par exemple, la reddition de l'Allemagne a été signée par des généraux et des amiraux. Elle a mis fin à la guerre.
    M. Paul Dewar: C'était un pouvoir délégué. Et nous étions au milieu d'une guerre.
    L'hon. William Graham: C'était un accord important; c'était vraiment important.
    Merci, monsieur Graham.
    Nous allons revenir du côté ministériel.
    Monsieur Dechert, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Graham. J'apprécie votre présence ici cet après-midi. Quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois, vous étiez professeur de droit international à la Faculté de droit de l'Université de Toronto où j'étais étudiant. Je trouve donc très intéressant que ce soit à mon tour de vous poser des questions aujourd'hui. J'ai une question à vous poser en tant qu'éminent expert en droit international.
    À votre avis, l'interdiction visant le refoulement, prévue à l'article 3 de la Convention de Genève, s'applique-t-elle au transfert de détenus par les Forces armées canadiennes aux autorités afghanes dans ces circonstances, les circonstances de la mission actuelle?
    Chaque fois que je suis allé à des assemblées réunissant tous les candidats et que quelqu'un m'a appelé « professeur », j'ai su que c'était parce qu'on allait me mettre sur la sellette.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. William Graham: Je dirais donc que le député emploie des tactiques tout à fait déloyales.
    Quelqu'un a mentionné le terme « refoulement » qui, je crois, se rapporte aux réfugiés, si un gouvernement les renvoie à la frontière, autrement dit, les refoule les mettant ainsi en danger.
    Je n'ai pas étudié cette situation sous cet angle et je ne peux donc pas y répondre sans y avoir réfléchi…
    Vous ne vous souvenez pas si vous avez obtenu une opinion à ce sujet à l'époque?
    … mais je n'aurais pas pensé a priori qu'il s'agissait d'un cas de refoulement, dans le sens que je donne à ce terme.

  (1615)  

    C'est intéressant, car Amnistie Internationale et Human Rights Watch, par exemple, ou les avocats qui ont témoigné ici au nom de chacun de ces organismes, sont convaincus que cette disposition s'applique dans ce cas et qu'elle confère une obligation au Canada.
    Eh bien…
    Mais c'est leur opinion. Je ne me range pas de leur côté. Je le mention simplement. Je voudrais seulement savoir ce que vous en pensez.
    Oui, du moment que nous comprenons bien qu'en droit international les opinions sont généralement nombreuses et variées.
    Comme pour toute question juridique, bien entendu.
    Human Rights Watch et Amnistie Internationale ainsi que plusieurs fonctionnaires des Affaires étrangères comme Eileen Olexiuk, ont tous déclaré qu'on était déjà au courant, en 2005 et avant cette date, des allégations selon lesquelles le DNS afghan maltraitait les prisonniers. En fait, Human Rights Watch nous a dit avoir présenté des rapports à compter de 2002, 2003 et 2004 pour alerter la communauté internationale au sujet des graves allégations portées contre les autorités afghanes.
    Étiez-vous au courant de ces allégations en 2005?
    Non, je n'étais pas au courant. Je dois dire que j'ai beaucoup de respect pour Human Rights Watch qui fait un travail extraordinaire et je ne contesterais donc pas ce qu'a dit cet organisme. Toutefois, aucun rapport concernant l'Afghanistan n'a été porté à mon attention quand j'étais ministre des Affaires étrangères ou ministre de la Défense.
    Très bien.
    C'est intéressant. L'avocat de Human Rights Watch qui a comparu devant le comité la semaine dernière nous a dit qu'à son avis, le transfert des prisonniers aux Américains, au centre de détention de Bagram, aurait sans doute été un meilleur choix.
    Que répondez-vous à cela?
    Franchement, je ne sais pas quoi vous répondre. Vous pourriez sans doute faire valoir qu'en général, les autorités américaines étaient sans doute mieux en mesure que qui que ce soit d'autre de se charger des prisonniers. Elles avaient plus de personnel et étaient plus expérimentées. Le problème, toutefois, était que nous n'aurions sans doute pas pu nous entendre avec les autorités américaines au sujet des Conventions de Genève ou de la façon dont les prisonniers auraient été… et si quelqu'un avait été transféré à Bagram puis à Guantanamo ou un autre de ces endroits, quel recours le Canada aurait-il eu?
    Voilà la situation dans laquelle nous étions. Je ne prétends pas que les Américains soient diaboliques ou quoi que ce soit, mais ils avaient alors de sérieux problèmes. Comme je l'ai dit, si je me reporte aux débats de la Chambre — si vous aviez été là, monsieur, c'était très clair — tous les partis alors à la Chambre estimaient clairement qu'il valait beaucoup mieux traiter avec les autorités afghanes qu'avec les Américains.
    Par conséquent, à votre avis, les prisonniers risquaient davantage d'être maltraités par les autorités américaines que par les autorités afghanes en 2005.
    Non, je n'ai pas dit cela.
    Très bien. D'accord.
    Non, non, je ne dirais pas cela. Ce serait très injuste. Non, je ne dirais certainement pas cela, monsieur.
    Merci. Nous en arrivons aux cinq minutes.
    Le deuxième tour est de cinq minutes.
    Monsieur Dosanjh.
    Monsieur Graham, vous avez dit que vous avez rédigé ou négocié cet accord suivant les conseils de la division du Juge-avocat général.
    Vous souvenez-vous du nom des membres du JAG qui vous ont conseillé ou qui ont rédigé l'accord?
    Le principal avis que j'ai reçu venait du Juge-avocat général en personne, qui était alors le Général Pitzul. Il était assisté de deux colonels dont l'un, m'a-t-on dit, détenait un doctorat en droit international et était un avocat international expérimenté.
    Bien entendu, comme l'a souligné le Général Pitzul, son rôle était celui de conseiller juridique du ministre de la Défense nationale et j'ai certainement suivi ses conseils. C'était un avocat très rigoureux et méticuleux.
    Vous souvenez-vous du nom du colonel?
    Non, je ne m'en souviens pas.
    Professeur Graham, si je puis vous appeler ainsi, affectueusement, diverses autorités juridiques et d'autres ont fait valoir que selon la preuve qui est maintenant du domaine public ou d'autres sources, tout détenu transféré aux autorités afghanes court un risque important d'être torturé. Certaines de ces preuves se rapportent, selon Mme Olexiuk, qui a témoigné devant le comité, à la période où vous étiez ministre.
    Certains ont fait valoir que si vous renforcez la capacité et que vous essayez seulement de remédier aux problèmes, si vous continuez à transférer des détenus malgré ce risque important de torture, vous êtes quand même à l'abri de toutes allégations d'infractions en vertu des Conventions de Genève. Partagez-vous cette opinion?

  (1620)  

    Non, je ne partage pas cette opinion. Vous suggérez, autrement dit, que si l'on renforce la capacité, on peut transférer un détenu en sachant parfaitement qu'il sera torturé.
    Non, je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas une justification suffisante.
    La responsabilité est établie par le Statut de Rome. La Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, qui fait partie de notre Code criminel, ne contient pas de disposition disant que si vous renforcez la capacité vous pouvez le faire sans souci.
    Non, je ne partage pas cet avis.
    Le simple transfert de détenus aux autorités afghanes ne nous décharge pas de nos responsabilités non plus, n'est-ce pas?
    En effet, mais cette responsabilité n'est pas absolue.
    Comment cela?
    Vous devriez demander à des avocats internationaux de vous l'expliquer, mais le transfèrement ayant eu lieu de bonne foi, étant bien entendu que les autorités afghanes exerceraient dûment leurs responsabilités… Si des abus ont lieu par la suite, les autorités canadiennes ne peuvent pas être tenues responsables un an plus tard si les autorités afghanes commettent une grosse bavure. Je veux dire qu'à ma connaissance aucun code pénal ne fonctionne de cette façon. Vous devriez faire comparaître un avocat pour vous l'expliquer.
    Nous sommes responsables si nous agissons en toute connaissance de cause. Vous ne pouvez pas être tenu responsable de ce que vous ignorez. Ce n'est pas une responsabilité absolue; cela n'existe pas.
    Les juristes font parfois valoir que si vous êtes au courant ou vous auriez dû être au courant en raison de l'obligation de vous informer qu'il y avait un risque important de torture et que vous continuez les transferts, si quelque chose arrive à un ou plusieurs prisonniers, notre pays est responsable malgré leur transfert. C'est ainsi que je comprends la loi. Le simple fait que ce soit arrivé après coup ne nous absout pas.
    Je fais valoir cet argument, car certains collègues du gouvernement ont dit que vous auriez dû être au courant étant donné que des rapports à ce sujet étaient du domaine public en 2005. Mme Olexiuk a déclaré qu'il y avait des preuves suffisantes dans les rapports sur les droits de la personne qu'elle a rédigés.
    Je le dis parce que je veux vous donner l'occasion de répondre.
    Nous passons à M. Dechert, s'il vous plaît.
    Il faut que je m'habitue à ces tours de cinq minutes au lieu de sept minutes.
    Je pense qu'il désire…
    Vous pouvez répondre très rapidement, monsieur Graham.
    Monsieur le président, je ne veux pas me lancer dans un débat juridique avec le député, mais il n'a tenu aucun compte de la différence que les avocats internationaux font entre le droit à la guerre et le droit dans la guerre.
    Les personnes qui font certaines choses dans le cadre du droit dans la guerre assument une responsabilité personnelle en vertu des Conventions de Genève. Le droit à la guerre, qui régit la responsabilité des pays, est une question différente — il définit les guerres d'agression, etc.
    Je n'accepte donc pas ce que le député a dit au sujet de la responsabilité d'un pays, car ce dont il parle à propos de la Loi sur les crimes de guerre, ce sont des crimes de guerre commis par des personnes et il faudrait donc prouver devant une cour de justice qu'elles savaient ou auraient dû savoir et n'avaient pas exercé leur responsabilité.
    Il y a des avocats internationaux plus compétents que moi qui pourraient peut-être aider la Chambre à ce sujet. Mais c'est un problème.
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Brièvement, car nous manquons de temps, je voudrais seulement préciser que je vous ai rapporté les déclarations des avocats d'Amnistie Internationale et de Human Rights Watch. Ce n'est pas ce que je crois.
    L'hon. William Graham: D'accord.
    M. Bob Dechert: Avez-vous lu, en 2005, les accords de transfert des Pays-Bas ou du Royaume-Uni pendant les négociations concernant l'accord canadien?

  (1625)  

    Non, nous n'avons pas…
    Étiez-vous au courant de ces accords?
    Nous savions seulement que d'autres accords étaient en cours de négociation.
    En fait, je me souviens que lorsque nous avons discuté de cette question à la Chambre des communes, en novembre, au cours du débat thématique, M. Blaikie a abordé le sujet des détenus. Il m'a donné une copie de l'accord danois, je crois, et je l'ai remis aux autorités en leur demandant: « Obtenons-nous autant que les Danois? »
    Très bien. L'accord britannique a été signé en avril 2005.
    Vous avez dit avoir beaucoup de respect pour Human Rights Watch. Ses représentants nous ont dit qu'à leur avis, les garanties diplomatiques selon lesquelles il n'y aurait pas d'abus sont insuffisantes — en fait, elles ne sont jamais suffisantes — et qu'il devrait y avoir une surveillance. Pourtant, l'accord canadien que vous avez approuvé en 2005 ne prévoyait pas de surveillance.
    Qu'avez-vous à répondre à Human Rights Watch?
    Je répondrai en disant que nous pensions alors que les deux dispositions figurant dans l'accord pour assurer une surveillance, à savoir par l'entremise de la Croix-Rouge, d'une part, et de la Commission des droits de l'homme d'Afghanistan, d'autre part, nous permettraient d'assumer nos responsabilités en vertu du droit international; c'est le mieux que nous allions obtenir du gouvernement d'Afghanistan et il fallait que nous obtenions cet accord.
    D'accord.
    Puis-je vous poser une autre question? Croyez-vous que certains prisonniers que nous avons transférés aux autorités afghanes ont été maltraités depuis que cet accord a été signé en 2005?
    Je ne peux pas vraiment le dire. C'est purement…
    En fait, monsieur, je dirais que si nous parlions…
    Je veux seulement savoir ce que vous croyez.
    Non, nous avons parlé de la responsabilité criminelle des personnes qui commettent certains actes et en tant qu'avocat prudent je dirais qu'il faut laisser les tribunaux créés à cette fin établir les faits.
    Très bien. Je comprends.
    Je vais céder la parole à M. Abbott.
    Vous disposez de trois minutes.
    Monsieur Graham, deux personnes ont déjà dit tout le bien qu'elles pensent de vous. Nous avons passé des bons moments à la Chambre, vous et moi, en tant qu'adversaires politiques et j'ai la plus haute estime pour vous.
    La raison pour laquelle je le mentionne est que je vais vous poser une question délicate, et ce n'est pas à la légère.
    Les députés de l'opposition et d'autres personnes qui ont comparu, ainsi que des observateurs, ont dit que le gouvernement a violé ses obligations internationales en vertu des Conventions de Genève et du droit humanitaire. En fait, ils accusent les ministres anciens — c'est-à-dire vous — et présents d'être des criminels de guerre.
    Je ne dis pas…
    C'est une remarque ridicule, monsieur le président. Aucune accusation de ce genre n'a été portée par un député de l'opposition. Je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi…
    Continuez, monsieur Abbott.
    Je crois que c'est mon tour de cinq minutes et je ne vais pas me lancer dans une discussion avec M. Rae.
    Le fait est que nous avons entendu parler de « criminels de guerre » au cours de ces audiences. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
    Personne n'a jamais utilisé cette expression. C'est vous qui l'avez fait.
    C'est une question délicate, car il faut vraiment connaître les circonstances.
    Je n'ai certainement jamais entendu des députés accuser qui que ce soit de s'être comporté en criminel de guerre ou d'avoir été de mauvaise foi. Internet étant ce qu'il est et les gens étant ce qu'ils sont, je peux toutefois vous dire que des personnes m'ont arrêté dans la rue pour me dire: « Que faites-vous? Êtes-vous un criminel de guerre? »
    C'est ainsi que les gens parlent. C'est le genre de language qui a cours aujourd'hui. Je veux dire qu'à Vancouver, un groupe de jeunes étudiants nous a accusés d'être des criminels de guerre parce que nous sommes en Afghanistan. Les gens emploient ces expressions à la légère. J'ai répondu: « Voulez-vous dire que nous devrions comparaître devant le Tribunal de Rome? Pouvez-vous me traduire devant une cour de justice? »
    Mais les gens ne vous traduisent pas devant une cour de justice; ils se contentent de ces allégations.
    En tant que membre expérimenté du gouvernement, ancien ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense, aidez-nous à comprendre la relation entre l'armée et les personnes qui exécutent les ordres du gouvernement. Y a-t-il une distance entre eux?
    Autrement dit, un général qui a comparu a déclaré, de façon très agressive: « Très bien, s'il y a un criminel de guerre ici, c'est moi, car c'est sous ma responsabilité ».
    Merci, monsieur Abbott.
    Très brièvement, je ne suis pas au courant, mais je peux vous dire qu'une chose qui m'impressionnait quand j'étais ministre de la Défense nationale était la qualité des services juridiques du ministère. Il y a là des centaines et des centaines d'avocats qui vont vraiment sur le terrain.
    Comme me l'a dit un des anciens commandants d'unité en Afghanistan, s'ils attaquent un village et que quelqu'un demande « La riposte est-elle proportionnée conformément aux obligations du Canada en vertu des Conventions de Genève et du droit international humanitaire? », les avocats leur donnent la réponse sur le terrain. Ces jeunes avocats risquent leur vie aux côtés des autres soldats pour essayer de leur donner le meilleur avis juridique possible.

  (1630)  

    Merci, monsieur Graham.
    C'est donc très difficile, mais c'est ce qu'ils essaient de faire.
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham, est-il vrai que le gouvernement libéral de 2005 craignait de soulever une controverse similaire à celle de Guantanamo Bay ou d'Abou Ghraib? En d'autres mots, vous ne vouliez pas que la situation dans les prisons afghanes devienne comme celle de Guantanamo Bay ou d'Abou Ghraib. Mon affirmation est-elle assez exacte?
     Non, je crois que... Évidemment, il y a des différences entre les deux situations. Tout ce que je peux dire, c'est que durant la période de négociation de notre accord, compte tenu qu'il y avait eu des problèmes auparavant en ce qui concerne le transfert des prisonniers aux autorités américaines, comme vous l'avez soulevé à la Chambre quand j'y étais, nous étions d'avis que, pendant notre séjour en Afghanistan, la meilleure solution à nos problèmes consistait à traiter avec les Afghans.
    Est-il vrai que vous aviez trois options: fonctionner selon le principe du take and keep, ce que vous avez écarté; remettre les détenus aux États-Unis; travailler avec les Afghans et le système local. Selon ce que vous dites, c'est cette dernière option que vous avez privilégiée. C'est bien ce que vous dites?
    Oui.
    Mais vous avez quand même envisagé l'idée du take and keep, à un moment donné. Pourquoi l'avez-vous écartée?
    Pour des raisons de capacité. On n'avait pas ce qu'il fallait pour faire cela et faire la guerre en même temps.
    D'accord. Pour ce qui est du transfert des détenus aux autorités américaines, n'avez-vous pas dit, dans le cadre de certains débats tenus avant que les deux scandales dont je viens de parler ne se produisent, être certain que les Américains allaient traiter les détenus avec humanité?
    Non, je crois, comme l'a soulevé le député... Évidemment, le dossier des Américains est impeccable, dans la plupart des cas. Le problème était qu'ils étaient déterminés à transférer des prisonniers là où ils le voulaient, à Guantanamo ou ailleurs. Pour notre part, nous ne considérions pas à l'époque que c'était une solution correcte à l'égard du gouvernement canadien. Je crois que la plupart des membres de la Chambre étaient de cet avis également.
    Pour ce qui est de Mme Olexiuk, que vous connaissez certainement...
    Non, je ne la connais pas.
    C'est une femme de grande expérience qui a été en Afghanistan pour le ministère des Affaires étrangères de 2002 à 2006, je crois. Elle a révélé avoir soulevé en 2005 la possibilité que les prisonniers transférés aux Afghans faisaient l'objet de torture. Elle prétend que le gouvernement Martin a ignoré ses préoccupations. Vous rappelez-vous avoir lu ce rapport?
    J'ai lu dans le journal un compte rendu de ce qu'elle avait dit à la télévision.
    Mais vous n'avez pas vu le rapport?
    Non, certainement pas. Monsieur Bachand, il s'agit ici du ministère des Affaires étrangères. Si cette dame avait fait un rapport, elle l'aurait remis aux autorités de ce ministère.
    Elle l'aurait remis aux Affaires étrangères, mais vous, vous étiez à la Défense nationale.
    En effet.
    Et il n'y avait pas de discussion entre la Défense nationale et les Affaires étrangères?
    Tout ce que peux vous dire, c'est que les autorités du ministère des Affaires étrangères et celles du ministère de la Défense nationale étaient d'accord sur les termes de cet accord et qu'elles avaient l'appui du gouvernement du Canada concernant sa signature. Les autorités du ministère de Mme Olexiuk avaient donc décidé, en se fondant sur leur connaissance de la situation, qu'elles allaient signer cet accord. C'est tout ce que je peux vous dire. Je ne peux pas savoir ce qui se passait dans leur tête.
    Je vais vous parler de quelqu'un que vous connaissez bien. Il s'agit d'Eugene Lang, et voici ce qu'il a dit:

[Traduction]

Nous savions que… les détenus risquaient d'être maltraités dans les prisons afghanes et entre les mains des forces de sécurité afghanes et c'est pourquoi nous avons essayé de négocier un accord.

  (1635)  

[Français]

    Je vous pose une question sur ce que M. Lang a écrit: pendant que vous étiez ministre, vous êtes-vous déjà demandé s'il y avait de la torture en Afghanistan? Êtes-vous arrivé à la conclusion que oui, il y avait de la torture en Afghanistan ou encore que oui, il y avait des risques de torture en Afghanistan? Êtes-vous arrivé à cette conclusion pendant que vous étiez ministre?
    On savait qu'il y avait des risques. C'est pour ça qu'on avait mis les dispositions dans l'accord qu'on a signé. S'il n'y avait pas de risques, on n'aurait rien mis.
    Monsieur Graham, la Convention de Genève dit que vous n'avez pas le droit de transférer des détenus s'il y a des risques de torture. Les gouvernements libéraux et conservateur nous disent tout le temps que, lorsqu'ils ont constaté la situation, ils ont changé les choses. Or, dès qu'il y a des risques de torture, vous ne pouvez pas transférer les détenus.
     Pourquoi avez-vous continué à les transférer si vous jugiez vous-même qu'il y avait des risques de torture?
    Il n'y avait pas de transferts lorsque j'étais là.
    Il n'y a pas eu de transferts lorsque vous étiez là?
    L'accord a été signé le 15 décembre. Moi, je me débattais pour les élections le 16 janvier.
    Oui, mais vous étiez là avant la signature de l'entente.
    Le seul prisonnier, c'était moi, à Rosedale, Toronto-Centre.
    Oui, mais vous étiez là comme ministre avant la signature de l'entente en 2005.
    Oui.
    Donc, vous, qui êtes un avocat qui connaît le droit international, ne pouviez pas permettre le transfert des détenus si vous jugiez qu'il y avait des risques.
    Il n'y avait pas de transferts.

[Traduction]

    Merci, monsieur Graham.
    C'est de nouveau au tour de M. Hawn, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham, vous savez que nous avons parlé des Forces canadiennes, de MAECI, etc. Peut-on dire que votre gouvernement a adopté une approche pangouvernementale pour faire face à des situations comme celle de l'Afghanistan? Est-ce l'approche logique que tout gouvernement doit prendre pour ce genre d'opération internationale compliquée et comportant de multiples aspects?
    Oui, nous avons essayé de le faire dans toute la mesure du possible. Oui, monsieur.
    Les Forces canadiennes et les Affaires étrangères ne vont pas dans des directions opposées. Elles essaient de travailler ensemble pour la mission?
    Oui.
    Peut-être pourriez-vous éclaircir une chose. Quelqu'un a mentionné, je crois, que la question a été soumise au premier ministre Martin en mai 2005. Ai-je mal compris…? Quoi qu'il en soit, quelles consultations avez-vous eues, avec vos collègues du Cabinet, dans votre gouvernement, avec le premier ministre ou juste avec vos collègues, au sujet de la situation en Afghanistan et la façon de la résoudre?
    Nous avons eu des discussions régulières au sujet de l'Afghanistan, ce qui s'est traduit par beaucoup… mais pour ce qui est des prisonniers, je ne me souviens pas de discussion précise au Cabinet à ce sujet à part le fait que, comme je l'ai dit, j'ai écrit au premier ministre pour obtenir l'autorisation de travailler sur ce dossier. Je sais qu'il y a eu des discussions interministérielles, mais je ne me souviens pas de discussions au Cabinet sur ce sujet précis.
    Les discussions portaient principalement sur le rôle de l'ACDI, notre rôle, comment nous allions financer la mission, sur ce que ferait l'EPT, si nous allions nous engager dans un rôle de combat, etc. ainsi que nos relations avec l'OTAN. La question de l'OTAN, de ce que nous allions faire, du transfert de l'autorité des Américains à l'OTAN après notre rôle, tout cela était très préoccupant, comme vous pouvez le comprendre. Nous avons eu de longues discussions.
    Il a été question de ce qu'un ministre des Affaires étrangères savait ou aurait dû savoir ou de ce qu'un ministre de la Défense savait ou aurait dû savoir.
    Compte tenu de votre expérience à ces deux postes, pouvez-vous nous décrire le genre d'activités que vous avez entreprises, comme ministre des Affaires étrangères ou ministre de la Défense, à l'égard d'une mission comme celle de l'Afghanistan? Par exemple, qui avez-vous consulté, quel genre de messages avez-vous reçu, quel volume de messages avez-vous reçu et ce genre de choses?
    Comme vous pouvez le comprendre, nous recevions un grand volume de messages sur toutes sortes de sujets différents. Nous devions voir quel était le bon équipement à envoyer. C'était un énorme projet, car c'était une mission d'envergure pour laquelle nous devions obtenir de l'argent. Nous avons dû régler tous les problèmes habituels concernant l'équipement.
    Nous avons dû nous occuper des relations entre les ministères soit l'ACDI, les Affaires étrangères et nous-mêmes. Comme cela a été mentionné au cours des discussions, les agents des Affaires étrangères n'étaient pas aussi nombreux dans le pays au départ qu'ils l'ont été par la suite. Il y a eu le rapport Manley et les choses ont changé.
    Par conséquent, ces discussions ont eu lieu pratiquement tous les jours une fois que nous sommes devenus plus actifs en Afghanistan. Je suis allé là-bas une fois comme ministre des Affaires étrangères et une fois comme ministre de la Défense. Au cours de ces voyages, j'ai rencontré M. Karzai pour discuter de ce que nous faisions.
    Nous nous sommes constamment occupés de ce dossier d'une façon ou d'une autre.

  (1640)  

    Peut-on dire que dans l'un ou l'autre de ces ministères, le ministre est inondé de renseignements et doit se fier aux personnes qui filtrent les informations pour lui et lui remettent celles qu'elles jugent les plus importantes pour qu'il s'en occupe personnellement.
    Oui, c'est ainsi que fonctionne le système. Vous recevez ce qu'on vous donne. Mais nous sommes également des membres de la classe politique et nous nous servons aussi de notre jugement.
    Comme je l'ai dit au départ, j'ai insisté sur la question des prisonniers, car j'estimais que la légitimité de la mission en dépendait et qu'il était important de la régler. Au ministère, certaines personnes se sont demandé pourquoi nous consacrions autant de temps à ce sujet, mais tout le monde a fini par en reconnaître l'importance.
    Par conséquent, notre travail de politicien est de donner notre avis politique, mais notre travail de ministre est d'écouter nos fonctionnaires et de tenir compte des bons conseils qu'ils nous donnent.
    Peut-on dire que malgré les problèmes qui continuent et qui seront sans doute toujours là, l'Afghanistan est aujourd'hui un meilleur pays qu'en 2002 ou 2005?
    En 2002, je n'aurais certainement pas voulu vivre sous le régime des Talibans.
    M. Laurie Hawn: Sous le régime post-Talibans.
    L'hon. William Graham: Bien entendu, c'est extrêmement compliqué, mais tout dépend si vous êtes de nature optimiste ou pessimiste. J'ai tendance à être optimiste. Je pense que le verre est à moitié plein et je veux croire que nous faisons des progrès.
    Pensez-vous que certaines des choses qui se passent au sein de ce comité, dans les médias et ailleurs détournent notre attention des progrès que nous faisons dans ce sens?
    Non, comme je l'ai dit au début, je crois vraiment important que le comité aille au fond des choses et que le public sache que tout est transparent. Ce sont des graves allégations et je pense que le comité fait un travail sérieux pour s'assurer que le public canadien et tout le monde puisse avoir l'assurance que nous veillons à faire respecter la primauté du droit.
    Je ne pense donc pas que le travail du comité soit problématique.
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham, il ressort clairement de vos propos qu'en 2005, nous ne nous attendions pas à la férocité de la riposte des Talibans à la mission dans laquelle nous nous étions engagés. Nous sommes partis avec les LAV et nous avons eu besoin de chars.
    Pour ce qui est du protocole d'entente entre le Canada et le gouvernement afghan, une des garanties qu'il prévoyait était contre la torture. N'est-ce pas?
    Oui. En fait, c'était la garantie que les Conventions de Genève seraient respectées et c'était certainement contenu dans l'entente avec une foule d'autres choses.
    Je voudrais savoir, monsieur Graham, si cela satisfait à l'obligation du Canada de veiller à ce que les prisonniers ne soient pas transférés à un État s'ils risquent sérieusement d'être torturés? En effet, d'après ce que vous avez dit, nous comptions sur la Commission des droits de l'homme d'Afghanistan et la Croix-Rouge… la responsabilisation, et je comprends que c'était également pour renforcer la capacité; qu'à ce moment-là, le nombre de prisonniers était encore limité, que nous ne nous attendions pas à en capturer beaucoup et que, par conséquent, l'utilisation de la Commission afghane des droits de l'homme et de la Croix-Rouge devait satisfaire à nos obligations légales à l'égard de la torture.
    Nous étions certainement convaincus que l'accord nous permettait d'assumer nos obligations. D'autre part, je crois ou je comprends, sans être entièrement au courant de tous les faits, que suite à certains événements, les autorités militaires ont décidé de ne pas transférer de prisonniers si elles estimaient que l'accord ne pouvait pas être surveillé et que les détenus n'étaient pas protégés. À une certaine occasion, elles sont restées sans faire de transferts pendant un certain temps parce qu'elles avaient des inquiétudes à cet égard.
    Donc oui, absolument.
    Comme il s'agissait d'un protocole d'entente entre le Canada et l'Afghanistan, le gouvernement afghan nous a-t-il donné par écrit l'assurance qu'il respecterait ses obligations légales à cet égard?
    Je ne sais pas si ces assurances ont été données par écrit, mais je peux vous dire que j'ai eu des conversations personnelles avec M. Abdullah Abdullah, qui était le ministre des Affaires étrangères, mon homologue, au sujet de l'importance de l'accord et du fait qu'il était important pour le public canadien de savoir que nous respections la primauté du droit et qu'en fait, le succès de la mission dépendait de l'état de droit, car c'est pour l'établir que nous étions en Afghanistan. Il était entièrement d'accord.
    Le président Karzai a accepté ces arguments lorsque nous lui avons dit pourquoi nous voulions cet accord et qu'il était important pour nous de le conclure avant de commencer nos opérations au printemps.
    Je ne peux donc pas dire si cette assurance a été donnée par écrit, mais je peux vous assurer que les autorités afghanes à qui j'ai parlé étaient d'accord.
    Je dois reconnaître que lorsque le Général Wardak a exprimé des réticences au sujet de l'accord, c'est parce qu'il n'était pas certain de pouvoir veiller à ce qu'il soit bien appliqué.

  (1645)  

    Comme le Général Wardak s'est inquiété de sa capacité à pouvoir le faire et que vous avez obtenu des garanties du ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah et du président Karzai, puis-je supposer qu'ils étaient prêts à autoriser et appuyer les activités de la Commission afghane des droits de l'homme et de la Croix-Rouge pour que ces éléments de l'accord soient effectivement respectés?
    Oui.
    Bien.
    C'est la Cour européenne des droits de l'homme qui a dit que les assurances diplomatiques au cas par cas étaient inadéquates en ce qui concerne la torture. Je voudrais seulement savoir ce à quoi nous nous attendions et les autorités afghanes s'attendaient sur le plan des transferts et comment ces transferts auraient été supervisés soit par la Commission des droits de l'homme que nous soutenions financièrement et autrement, bien entendu, soit par la Croix-Rouge. Pendant la très brève période qui a précédé les élections en 2006, la Commission indépendante des droits de l'homme d'Afghanistan ou la Croix-Rouge ont-elles fait part d'inquiétudes qu'elles avaient à l'époque?
    Non, la Commission indépendante des droits de l'homme d'Afghanistan et certaines de nos propres ONG à qui nous avons parlé, et j'ai mentionné Amnistie Internationale tout à l'heure, s'inquiétaient certainement des conditions qui régnaient dans les prisons afghanes. Ce n'est pas la même chose que la torture, mais elles s'inquiétaient de ces conditions. Je pense que c'était une préoccupation légitime. Voilà pourquoi une des choses que nous devions faire était de fournir quelques agents correctionnels et l'argent de l'ACDI pour aider à améliorer la qualité des prisons. C'est une des choses que nous faisions quand nous reconstruisions l'Afghanistan conformément à l'état de droit. Nous avons donné de l'argent pour la magistrature, pour la police et pour le système correctionnel. Tout cela faisait partie de ce qui était associé à notre présence an Afghanistan. Dans ce sens, cela en fait partie.
    Je n'ai pas vu la cause dont vous parlez devant la Commission européenne des droits de l'homme, mais nous ne nous sommes pas dit: « Nous savons qu'on torture dans les prisons afghanes, alors nous allons conclure cet accord, et nous leur transférerons les prisonniers de toute façon ». Nous ignorions qu'on torturait dans les prisons afghanes. Nous ne l'avions pas constaté.
    Quand nous avons signé l'accord, nous avions parfaitement le droit de croire sur parole le gouvernement souverain de l'Afghanistan qui s'engageait à respecter ses obligations envers le Canada aux termes de l'accord. Si nous avions pensé qu'il n'allait pas le respecter, nous n'aurions pas conclu cet accord avec lui. Mais nous avons cru qu'il le ferait.
    Merci, monsieur Graham.
    Merci, monsieur Graham.
    Nous allons revenir à M. Dechert et à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham, je vous crois quand vous dites que vous pensiez que les autorités militaires canadiennes, les agents du ministère des Affaires étrangères, les agents de votre gouvernement ont essayé de faire de leur mieux dans les circonstances, des circonstances très difficiles. Je crois que c'est toujours vrai aujourd'hui.
    Ce n'est pas ce que je pense, mais de l'autre côté de la Chambre et certains groupes comme Amnistie Internationale, Human Rights Watch et d'autres disent que nous aurions pu faire mieux. La décision de transférer les prisonniers aux autorités afghanes plutôt qu'aux autorités américaines à Bagram était peut-être mauvaise, ou peut-être que le Canada aurait dû construire ses propres prisons et se charger lui-même des prisonniers. Mais je reconnais que tout le monde a fait de son mieux.
    Vous avez conclu un accord qui présentait des lacunes comme vous l'avez vous-même reconnu. Nous savons qu'il n'était pas aussi bon que les accords britannique et néerlandais, et peut-être aussi d'autres accords qui ont été conclus. Vous avez reconnu que cet accord a été amélioré en 2007.
    S'il y a aujourd'hui des allégations de mauvais traitements, vous-même, votre gouvernement et votre parti en partagez-vous la responsabilité?
    Je ne peux pas parler pour aujourd'hui, car j'ai le grand plaisir de témoigner en tant que simple citoyen.
    D'accord, mais à titre de ministre de la Défense ou ministre de…
    Je suis à l'abri des allégations de sectarisme et autres. Je peux me comporter comme n'importe quel autre citoyen.
    En tant que Canadien qui a participé au processus décisionnel, que répondez-vous à cela?
    Je peux dire que, certainement, quand j'étais ministre… S'il était possible de retourner en arrière, je le ferais. Il y a beaucoup de choses que je pourrais faire différemment. Mais le mieux est l'ennemi du bien, comme on dit.
    Vous avez fait de votre mieux dans les circonstances.
    Nous avons fait de notre mieux dans les circonstances compte tenu des connaissances que nous avions alors. C'est le mieux que vous puissiez faire. Il est très difficile de tout prévoir, c'est certain.

  (1650)  

    Nous entendons des opinions contradictoires. Certains fonctionnaires des Affaires étrangères disent que les allégations de mauvais traitements étaient largement connues et qu'ils en ont parlé à tous les membres du gouvernement, y compris le vôtre. D'autres disent le contraire. D'autres encore disent qu'ils ne pensent pas qu'il y ait eu des mauvais traitements ou des preuves de mauvais traitements. Il semble y avoir une divergence d'opinions en fonction d'une conception différente des politiques qui auraient pu s'appliquer ou qui auraient dû s'appliquer dans cette situation.
    Que pensez-vous de ces interprétations différentes? Pourriez-vous nous situer cela dans le contexte? Que devrions-nous en conclure?
    Mon expérience, en tant que ministre, était que dans ces deux ministères disposant d'un très grand nombre de personnes très compétentes, il y a toujours eu une grande diversité d'opinions. À l'intérieur de ce groupe de fonctionnaires, on cherche à établir quelle est l'approche appropriée. Ce travail est fait au niveau de ces fonctionnaires. En tant que ministre, vous obtenez le résultat de ce travail. Vous n'allez pas faire le tour de tous les services du ministère des Affaires étrangères en cognant aux portes pour demander aux fonctionnaires quelle est leur opinion. Vous avez un sous-ministre qui vient vous voir pour vous dire: « Telle est l'opinion du ministère ».
    Quand j'étais ministre des Affaires étrangères et quand j'étais ministre de la Défense nationale, j'avais un sous-ministre, un chef d'État-major de la défense et un conseiller juridique qui tous m'ont dit: « C'est la bonne chose à faire. Cela a été coordonné avec les autres ministères. C'est l'avis que nous vous donnons ».
    J'ai cru cet avis et j'ai cru approprié de le suivre.
    Vous étiez vous-même, monsieur, parfaitement qualifié, en tant que ministre, en tant que professeur de droit international, en tant qu'expert en droit international et ayant rempli ces fonctions pendant de nombreuses années, pour accepter ces conseils et les comprendre.
    C'est aux autres d'en juger.
    Mais je suppose que vous êtes d'accord.
    Je ne me souviens pas vous avoir entendu dire cela à l'époque.
    Des voix: Oh, oh!
    Je ne pense pas avoir dit cela. Je n'étais pas là à ce moment-là.
    Non, vous n'étiez pas là, mais je pense à certains de vos collègues.
    M. Bob Dechert: J'ai un grand respect pour le professeur Graham.
    Je suis heureux que le député le dise. Il y a eu des moments où personne ne le disait.
    Je pense qu'il est clair dans notre esprit que vous étiez…
    Vous devez aimer mon témoignage, tout à coup.
    Je vous ai toujours admiré, monsieur, en tant qu'avocat international. Je crois que vous-même et toutes les autres autorités canadiennes avez fait du mieux que vous pouviez dans des circonstances difficiles. Je crois que c'est encore vrai aujourd'hui.
    Toutefois, nous entendons maintenant des opinions divergentes de gens qui étaient là à l'époque. Certains affirment très clairement que vous auriez absolument dû savoir tandis que d'autres disent qu'il n'y avait pas de preuve vraiment claire et que vous avez fait de votre mieux dans les circonstances.
    Je voudrais simplement savoir ce que vous feriez si vous étiez à ma place, si vous deviez essayer de voir ce que le Canada aurait dû faire en 2005 et ce qu'il devrait faire maintenant.
    Je pense que je ferais ce que le président fait, je crois, en essayant de recueillir les meilleurs témoignages possible. Vous allez devoir juger, grâce à votre connaissance du système politique et de son fonctionnement, de ce qui servira le mieux les intérêts du pays. Je suis certain que le comité saura le faire.
    C'est tout ce que je peux dire.
    Monsieur Dewar, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais en finir avec la question du Général Hillier.
    Le Général Hillier vous a donc informé qu'il avait signé l'accord et cela avec le Général Wardak?
    Probablement pas le lendemain, mais j'en ai certainement été informé, oui.
    Étiez-vous d'accord pour que cette responsabilité lui soit déléguée?
    Je n'y voyais pas d'objection.
    J'en parle parce que dans le livre que j'ai lu — vous en avez fait mention — il est dit que vous n'étiez pas d'accord, mais vous nous déclarez aujourd'hui que vous approuviez la délégation de ce pouvoir au Général Hillier.
    Je vais vous lire ce passage:
Le Général a signé l'accord pour le Canada même si Graham
    — c'est vous —
ne lui avait pas délégué cette responsabilité. Hillier a insisté sur le fait que le ministère des Affaires étrangères avait lu et approuvé l'accord à chaque étape et a expliqué pourquoi il s'est écarté du protocole habituel en signant l'accord:
    — en disant ce que vous avez déclaré —

« Wardak était un ami. Nous avions fait connaissance quand je commandais la FIAS et qu'il était le CEMD à Kaboul. Wardak a demandé si je pouvais signer l'accord étant donné qu'il avait beaucoup de respect pour moi ».
    Comment peut-on justifier cela?
    J'ai l'impression qu'il y a là deux questions. Il y a la question de savoir si le fait que l'accord a été signé par le Général Hillier le délégitimise. Si c'est le cas, cela se discute. Si c'est seulement une attaque contre le Général Hillier à qui l'on reproche d'avoir fait quelque chose, la situation est entièrement différente.
    Pas du tout. Je parle seulement de l'attribution des responsabilités.
    Si j'avais eu à choisir — si j'avais été là et si quelqu'un m'avait demandé ce que j'en pensais, j'aurais dit qu'il fallait le faire signer par l'ambassadeur. Mais c'est…
    C'est ce que j'aurais choisi.
    Je me reporte seulement à ce que je lis ici.
    Mais je n'étais pas là-bas et le Général Wardak ne s'est pas penché au-dessus de la table pour me dire: « Je vais le signer maintenant si Hillier le signe, mais je ne le signerai pas si… »
    Il faut se trouver dans la salle où ont lieu les négociations pour savoir ce qui se passe. Je n'étais pas là.

  (1655)  

    Et c'est là le problème. Ce qui m'inquiète, c'est…
    Je ne vois pas le problème, car je ne pense pas que cela diminue la légitimité de l'accord. C'est un protocole d'entente qui a été conclu en bonne et due forme entre… il a autant d'effet de la façon dont il a été signé que s'il avait été signé par l'ambassadeur.
    Ce n'est donc pas un problème à mes yeux.
    Mais sa teneur est importante. Je constate que la Défense nationale est le ministère qui a piloté cet accord, ce protocole d'entente. Et vous avez reconnu qu'au cours du débat… comme on l'a déjà mentionné, c'est Bill Blaikie qui a parlé du processus que les Hollandais avaient approuvé. Quand vous-même ou votre personnel avez signalé la chose aux militaires, aux Forces canadiennes, ces dernières ont dit qu'il n'était pas nécessaire d'inclure ces considérations dans notre accord. Autrement dit, elles ont dit que nous n'avions pas à suivre les modalités de surveillance néerlandaises.
    C'est exact, mais nous avons suivi le même principe en ce qui concerne l'interdiction de la peine de mort. Nous l'avons repris de cet accord.
    Oui, mais vous ne le saviez pas avant que la question ne soit soulevée à la Chambre, n'est-ce pas?
    C'est exact. M. Blaikie m'a remis l'accord.
    Quel avis avez-vous donc obtenu? De qui venait-il?
    J'ai expliqué au comité que j'ai reçu un avis du Major-Général Pitzul, qui était le…
    Pensez-vous que cet avis était suffisant compte tenu de ce que nous savons maintenant?
    Vous me demandez si le Général Pitzul aurait pu me donner cet avis compte tenu de ce que nous savons maintenant. Il ne pouvait pas le faire compte tenu de ce que nous savons maintenant. Il m'a donné un avis en fonction de ce qu'il savait alors et c'était également la façon dont nous opérions à ce moment-là. Personne ne peut prédire l'avenir. Vous ne pouvez pas demander au Général Pitzul de me donner un avis en fonction de ce que vous savez aujourd'hui.
    Toutefois, un député de l'opposition a pu se rendre compte de ce que faisaient les Hollandais. Nos fonctionnaires auraient dû vous donner cet avis et je ne pense pas que cela aurait été trop leur demander.
    Je ne vous fais pas de reproches, monsieur Graham.
    Non, je le comprends.
    Je vous demande qui a fait quoi. Et d'après moi, les responsables canadiens auraient dû examiner ce qui se passait dans le théâtre d'opérations, quelles étaient les pratiques exemplaires et vous conseiller en tant que ministre.
    Je suis content qu'ils aient proposé d'interdire la peine de mort. Cela va de soi. Toutefois, ils auraient dû examiner ce que faisaient les autres pays et vous conseiller. Mais ces dispositions ne figuraient pas dans cet accord. En fait, ils s'y sont opposées.
    Ils se sont opposées à la surveillance, parce qu'ils ne croyaient pas que c'était nécessaire dans les circonstances. Et c'était l'accord…
    Parce qu'elles pensaient…
    … et nous ne l'avons pas fait. Comme vous le savez, le gouvernement suivant a conclu une entente de surveillance.
    Ils ont dit que c'était parce que les Afghans s'y opposeraient; que c'était la raison pour laquelle ils n'ont pas inclus ces dispositions.
    Si vous avez négocié des contrats…
    M. Paul Dewar: Je l'ai fait.
    L'hon. William Graham: Vous savez alors que si vous ne pouvez pas convaincre l'autre partie d'accepter une clause, c'est une bonne raison de ne pas l'inclure dans le contrat.
    Si quelqu'un d'autre l'obtient dans son contrat, je l'obtiens toujours dans le mien.
    Vous avez raison. C'est juste.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Dewar.
    J'ai une question à vous poser, monsieur Graham. Pourriez-vous rester un peu après 17 heures?
    Je suis à l'entière disposition du comité.
    Merci.
    Des audiences plus intéressantes se déroulent de l'autre côté du couloir, savez-vous. Je ne pense pas que qui que ce soit dans cette salle préfère rester ici au lieu d'aller là-bas.
    Je ne le pense pas. La plupart d'entre nous préfèrent rester ici à vous écouter.
    Monsieur Graham, j'ai un exemplaire du livre dont vous avez parlé tout à l'heure, The Unexpected War. Dans ce livre, on tient des propos assez flatteurs… à propos de vos capacités et de ce que vous vouliez accomplir alors.
    À l'époque, je siégeais à la Chambre. En fait, je me suis heurté à quelques difficultés au cours d'une période des questions quand j'ai interrogé l'ancien ministre de la Défense au sujet du transfert des prisonniers aux Américains. Le ministre s'est montré quelque peu hésitant. J'étais un nouveau député et le Président m'a dit que je pouvais accuser le ministre d'induire le Parlement en erreur, mais non pas de l'induire délibérément en erreur. Quoi qu'il en soit, ce jour-là, le débat portait sur la question de savoir si ces transferts avaient lieu ou non.
    Je vais simplement citer quelques phrases de ce livre un peu hors contexte. Je vais prendre des phrases dans deux paragraphes différents. Voici:
Même si Bill Graham avait appuyé la mission à Kandahar, une question le préoccupait sérieusement.
    Il est question ensuite du personnel et du transfert des prisonniers afghans.
    On peut lire aussi que M. Graham était un avocat international qui s'intéressait beaucoup au droit international humanitaire. Le transfert des prisonniers l'inquiétait sérieusement. Et on ajoute ceci:
Néanmoins, pour Bill Graham, c'était une question cruciale et il a poussé ses fonctionnaires à trouver une solution répondant à ses normes.
    La question des Américains était très politisée à l'époque. Un député a piétiné une poupée représentant le président des États-Unis. D'autres ont ouvertement critiqué les Américains à la Chambre. Ce n'était pas immédiatement après 2001, mais trois ou quatre ans plus tard.
    Des élections se préparaient. A-t-on pensé qu'on ne pouvait pas transférer les prisonniers aux Américains pour des raisons politiques?
    Ce livre parle de vos inquiétudes au sujet de ce qui se passait à Guantanamo et à Cuba. Mais est-ce pour des considérations politiques ou parce que leurs droits risquaient d'être violés à Guantanamo que vous étiez convaincu qu'un accord prévoyant certaines conditions placerait les détenus dans une situation plus sûre en Afghanistan?

  (1700)  

    Si je disais qu'il n'y a eu aucune considération politique, je ne pense pas que vous me croiriez, monsieur le président et vous auriez raison. Je veux dire que la politique fait, bien entendu, partie de ce qui nous motive quand nous sommes en politique. C'est une réalité.
    Toutefois, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, ce que nous avons essayé de faire, c'est de reconnaître que nous intervenions en Afghanistan. Cela faisait longtemps que les États-Unis capturaient des prisonniers. Dans une large mesure, il s'agissait de leur guerre, si je puis dire.
    Les réunions et les discussions que nous avons eues à l'OTAN et avec M. Karzai visaient en grande partie à légitimiser la force internationale en Afghanistan et à faire d'une opération exclusivement américaine une véritable opération internationale autorisée par les Nations Unies. C'est la raison pour laquelle nous avons accepté d'aller dans le sud avec les Hollandais et les Britanniques. Tel était notre objectif. Telle était, si vous voulez, la portée géopolitique de notre action. Nous en avons longuement discuté à l'OTAN et ailleurs.
    La question des prisonniers constituait une dimension très importante. Nous l'avons examinée et nous avons conclu qu'il était préférable de transférer les prisonniers aux Afghans en exigeant certaines garanties plutôt qu'aux États-Unis en raison des enjeux géopolitiques et pour une question de légitimité en Afghanistan, de même qu'aux yeux du public canadien.
    Chacun de ces facteurs a joué un rôle et est entré en ligne de compte dans notre décision. Je pense que nous avons pris… la même décision serait prise aujourd'hui si toutes les personnes ici présentes se retrouvaient exactement dans les mêmes circonstances. C'est tout ce que je peux dire.
    Reconnaissez-vous également que l'accord supplémentaire sur le transfert qui a été conclu après pour inclure la surveillance des prisonniers était un bon ajout?
    Cela a certainement exercé des pressions supplémentaires sur le gouvernement afghan et conféré davantage d'autorité aux Canadiens. Je ne nie pas que cela ait amélioré l'accord. J'ai dit que l'accord n'était pas parfait et je reconnais qu'il aurait pu être amélioré. C'est peut-être encore le cas. Nous devrions peut-être lui apporter d'autres améliorations. Les choses évoluent constamment dans la vie et nous devrions peut-être apporter d'autres améliorations, monsieur le président. Je reconnais sans hésiter qu'un grand nombre d'améliorations pourraient être apportées à l'accord.
    J'accepte donc vos affirmations. Mais je dirais aussi, monsieur, en toute sincérité, que cela dépend beaucoup de la façon dont l'accord est appliqué. Tous ces problèmes n'ont pas disparu dès que vous avez signé votre nouvel accord de surveillance d'après ce que j'ai lu dans les journaux. Les Britanniques avaient mis ces dispositions en place longtemps avant les nôtres et si vous lisez ce qui se passe actuellement à la Chambre des communes de Grande-Bretagne, le même débat s'y déroule, avec ou sans la surveillance.
    Ce n'est donc pas seulement des dispositions de surveillance comme telles, mais de la façon dont elles sont appliquées dont il faut tenir compte. Tel est mon humble avis.
    Merci.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Plus tôt, M. Graham, vous avez dit que vous ne faisiez pas de transferts de prisonniers avant 2005. Or je me rappelle avoir vu une photo dans le Globe and Mail où des soldats de la FOI 2 semblaient être en train de transférer des prisonniers aux Américains. C'est mon premier point. Corrigez-moi, si je me trompe.
    Pour ce qui est de mon deuxième point, lorsque les gens de la British Columbia Civil Liberties Association et d'Amnistie internationale ont amené le gouvernement fédéral en cour, ils ont révélé qu'entre 2002 et 2006, plus de 40 détenus avaient été capturés par les Forces canadiennes, ce qui semble contredire ce que vous nous dites, à moins que ces 40 détenus ne soient restés sous le joug des Forces canadiennes.
    Y a-t-il eu des transferts avant l'entente? Y en a-t-il eu avec les Américains? Que faisiez-vous de ceux que vous ne transfériez pas? Les gardiez-vous sous l'autorité du gouvernement canadien dans la prison de Kaboul?

  (1705)  

    D'abord, lorsque j'ai dit qu'on ne pratiquait pas le transfert des prisonniers, je n'ai pas dit « jamais ». Car on connaît très bien l'affaire de M. Eggleton et le transfert de la FOI 2 en 2002. C'était une cause célèbre, tout le monde le sait. Donc, je ne le nie pas.
    Je crois — mais je n'ai pas de connaissance personnelle de cas par cas — qu'il y avait certains autres transferts occasionnels dans l'intérim. Lorsque nous étions à Kaboul par exemple — FIAS —, je crois qu'il y avait quelques prisonniers capturés à ce moment. J'imagine — car je n'étais pas le ministre de la Défense à l'époque — qu'ils étaient transférés aux autorités américaines. Ce qui était la pratique à cette époque, avant la signature de notre accord.
    En ce qui concerne les évènements de 2006, j'ai cessé d'exercer mes fonctions le 15 janvier 2006, alors si les 40 prisonniers avaient été capturés entre le 1er et le 15 janvier, je suis coupable, mais je doute fort que c'est ce qui est arrivé. C'était après le commencement des activités à Kandahar au mois de mai. C'est ma présomption, ce n'est pas de connaissance personnelle.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, monsieur Bachand.
    Monsieur MacKenzie, aviez-vous une brève question?
    Cela devient un peu comme un supplice chinois.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous vous débrouillez très bien.
    Ai-je les droits qui sont ceux des prisonniers?
    Nous n'allons vous transférer nulle part.
    Vous n'avez jamais été un de mes professeurs, alors nous n'avons pas à…
    Vous avez dit, je crois, à un moment donné, que vous aviez été battu en 2006. Je croyais me souvenir que vous aviez démissionné. Et je ne sais pas trop que penser de votre remplaçant, mais…
    Je suis très fier de mon remplaçant. C'est un excellent député.
    … ce n'est pas un mauvais gars.
    Voici ce que je voudrais vous demander. Il y a eu beaucoup de discussions, ici et à la Chambre, au sujet des documents caviardés. Quand vous étiez le ministre, avez-vous caviardé vous-mêmes des documents?
    Non. Parfois, je recevais des documents sur des sujets très délicats, par exemple, qui étaient classés secrets. À moins que je ne dise que je devais voir les renseignements en question, ils étaient caviardés. Ce sont les responsables de la sécurité qui les caviardaient.
    Je ne me souviens pas d'avoir contesté leur décision, car je ne pense pas m'être trouvé devant un cas où j'ai dû dire: « Je tiens à savoir ce qui s'est passé exactement ».
    Tous les renseignements qui étaient caviardés étaient généralement de nature opérationnelle et auraient pu compromettre la sécurité nationale. Bien entendu, un ministre a droit à l'information. Je suis certain que s'il insiste… Toutefois, les circonstances ne l'exigeaient pas à ce moment-là.
    Par conséquent, si je comprends bien, vous dites que le caviardage a été fait par les fonctionnaires quand vous étiez le ministre, que c'est parfaitement normal et que les choses ne seraient pas différentes aujourd'hui.
    J'ignore comment les choses se passent aujourd'hui.
    Mais ce n'est pas fait sur l'ordre du ministre; c'est fait par les fonctionnaires qui le font parce qu'ils suivent une série de politiques ou de procédures.
    Oui, je suppose que le caviardage est fait par les fonctionnaires du ministère et non pas par le personnel ministériel agissant sur les instructions du ministre. Si c'était le cas, ce ne serait absolument pas conforme à ce qui se faisait lorsque nous étions là. Tout ce qui a été caviardé l'a été par les fonctionnaires.

  (1710)  

    Merci.
    Monsieur Hawn et ensuite nous allons terminer.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons passé environ 12 minutes à parler du fait que le Général Hillier a signé un document.
    Puis-je vous poser une question bien simple, monsieur Graham? Y a-t-il le moindre doute quant au fait que l'accord de 2005 a été conclu entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l'Afghanistan?
    Non, mais je dois dire que les avocats considèrent qu'il s'agissait plus d'un accord sous la forme d'un protocole d'entente que d'un traité exécutoire. Tel n'était pas le but visé et je ne pense pas non plus que les autres accords qui ont été conclus étaient des traités internationaux.
    C'était donc un accord de gouvernement à gouvernement.
    C'était un accord de gouvernement à gouvernement, comme j'ai essayé de l'expliquer.
    Oui et vous l'avez très bien expliqué.
    Même Andrea Prasow, de Human Rights Watch a déclaré dans son témoignage, il y a une huitaine de jours, que d'après les rapports concernant les détenus transférés récemment, les conditions se sont améliorées. C'est ce que nous entendons dire.
    L'accord de 2005 a été conclu de bonne foi. Il s'est révélé moins satisfaisant que nous ne le pensions, mais des changements ont été apportés et la situation s'est améliorée.
    Peut-on dire que dans l'ensemble, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée tout à l'heure, à propos de ce que le Canada essaie de faire, que ce soit sous votre gouvernement ou celui-ci, nous essayons d'améliorer les choses dans les institutions afghanes avec lesquelles nous traitons, que ce soit l'Armée nationale afghane, la police, le système carcéral, le système judiciaire ou autre? C'est le but de tout ce que nous essayons de faire en sachant que certaines institutions fonctionneront mieux que d'autres en Afghanistan, qu'elles feront des faux pas et que nous allons leur montrer comment s'améliorer, comme votre gouvernement a essayé de le faire ainsi que notre gouvernement, les Forces canadiennes, MAECI, l'ACDI et tous les autres, depuis le début?
    Oui, monsieur, je pense qu'on peut le dire.
    Personne n'est coupable de quoi que ce soit d'autre que d'avoir fait de son mieux, dans des circonstances très difficiles, à un endroit très difficile, avec des gens très difficiles, avec les renseignements dont on disposait à l'époque.
    C'est très exagéré.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous avez répondu, la dernière fois, par l'affirmative alors je voulais seulement vous donner l'occasion de recommencer.
    Très bien.
    Je tiens à vous remercier infiniment, monsieur Graham, d'être venu ici aujourd'hui.
    Nous avons demandé à un certain nombre d'anciens ministres de venir et vous êtes, je l'espère, le premier de la série. Jusqu'ici, vous êtes le seul à avoir accepté. Nous l'apprécions.
    Nos meilleurs voeux vous accompagnent. Nous vous remercions pour les renseignements que vous nous avez donnés en tant qu'éminent parlementaire et ministre de la Défense. C'était un plaisir de vous revoir.
    Merci beaucoup.
    Nous allons nous réunir à huis clos pour les dernières 15 minutes.
    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]
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