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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 034 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bienvenue à cette 34e séance du Comité sénatorial permanent des anciens combattants. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous effectuons l'étude sur le stress lié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des vétérans et leur famille.
    Au cours de la première heure, nous entendrons le témoignage de Denis Beaudin, fondateur de Veterans UN-NATO Canada.
    Monsieur Beaudin, pourriez-vous faire votre exposé, je vous prie? Tentez le plus possible de vous en tenir à 10 minutes, même si vous pouvez parler un peu plus longtemps. Au cours de la période de questions qui suivra, je suis certain que vous aurez l'occasion d'aborder les questions dont vous voulez traiter.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je m'appelle Denis Beaudin. Je suis caporal-chef à la retraite, retraité des Forces armées canadiennes pour raison médicale. J'ai servi de 1977 à 1993: en Allemagne de 1978 à 1981 pour l'OTAN; et à Chypre en 1985, de mars à septembre, pour les Nations Unies.
    Je suis le fondateur du regroupement Vétérans UN-NATO Canada, un regroupement privé que j'ai fondé le 4 janvier 2008. Je représente à peu près 2 000 vétérans, actifs et retraités, qui ont pour la plupart des problèmes de stress post-traumatique. J'en suis moi-même atteint, j'ai été diagnostiqué en 2005.
    Je suis venu ici aujourd'hui pour vous expliquer un peu les problèmes qu'un vétéran des Forces armées canadiennes atteint de stress post-traumatique doit affronter pour se faire soigner dans les cliniques d'Anciens Combattants Canada.
    Tout d'abord, le problème est différent si la personne vit dans une région plus ou moins éloignée. Je suis moi-même de Saint-Jean-sur-Richelieu. La clinique de l'Hôpital Sainte-Anne est très proche, à 70 km. J'ai une auto, c'est facile de m'y rendre. Par contre, pour la personne qui habite Rivière-du-Loup ou une région éloignée du Québec ou qui habite toute autre province du Canada — car le regroupement s'étend à tout le Canada, d'est en ouest —, ça devient beaucoup plus difficile.
    La mission du regroupement est de sauver des vies. C'est d'aller chercher les gars dans la rue, et de les amener à se faire soigner parce que ces gens-là abandonnent, tellement le système est difficile, tellement il est compliqué, lorsque vient le besoin de se faire soigner. Simplement de faire reconnaître sa maladie devient un combat et occasionne une perte d'énergie incroyable. Je prends neuf pilules par jour. Ça vous donne une idée des sacrifices que je dois faire tous les jours. Parmi ces pilules, il y a celles appelées « pilules de panique ». Aujourd'hui, je vais essayer d'être le plus calme possible.
    Je vais vous poser une question: est-ce que c'est normal qu'un gars, un vétéran comme moi, qui part à l'âge de 17 ans ou 18 ans se battre pour son pays, doive se battre contre son pays pour se faire soigner, quand il revient malade, avec des problèmes, et qu'il essaie d'obtenir un diagnostic?
    Selon moi, c'est aberrant. Lorsqu'un gars reçoit un diagnostic de stress post-traumatique, deux ans se sont déjà écoulés simplement pour que sa condition soit reconnue. Parfois, c'est trois ans parce qu'on ne sait pas qu'on est malade.
    On a de gros problèmes de santé, on a des problèmes d'agressivité, d'intolérance, et on demande à voir un psychiatre ou un médecin de famille parce qu'on ne sait même pas que l'armée peut nous aider. On est dirigés vers des psychiatres, des cabinets privés de psychologues, qui nous évaluent. Ce sont des civils qui n'ont aucune connaissance du système militaire et de ce que nous avons vécu. C'est très difficile pour nous d'aller se confier à des civils parce qu'ils ne comprennent pas; on ne parle pas le même langage.
    Un de mes gros problèmes liés au stress post-traumatique est que je n'ai aucun ami dans la société civile. Je n'en aurai jamais parce que je ne suis pas capable de m'entendre avec eux. Il y a une grosse lacune même au sein de ma famille proche parce que je suis incapable d'avoir aucune relation. Quand il y a un party, une soirée, je m'en vais laver la vaisselle, je m'isole, parce que les propos et les faits évoqués pendant la soirée ne m'intéressent pas et ne me touchent pas; je suis dans un autre monde. Il n'y a pas que moi qui vive cette situation: c'est le cas de l'ensemble des vétérans qui font partie du regroupement, et à qui j'ai parlé.
    On se sent abandonnés par le système parce que les étapes qu'on doit franchir sont vraiment aberrantes. Je vois ma psychiatre une fois tous les deux mois pour renouveler ma prescription et faire une évaluation de mon cheminement dans la vie civile de tous les jours. Dans le passé, toutes les fois que je rencontrais ma psychiatre, j'avais une heure avec elle. Maintenant, je suis contraint de la voir durant une demi-heure à cause des budgets administratifs de la clinique de l'Hôpital Sainte-Anne. Cela fait en sorte que les docteurs qui nous soignent à l'Hôpital Sainte-Anne en viennent à un désaccord avec la clinique, et décident même de la quitter.
(1535)
    Les docteurs ne sont pas remplacés alors, lorsque nous retournons à la clinique, nos médecins ne sont plus là. C'est un perpétuel recommencement avec un autre psychologue ou un autre médecin. C'est très difficile de changer de médecin quand on s'est déjà confié à quelqu'un d'autre et qu'on a pu enfin dire ce qu'on ressentait et ce qui se passait à l'intérieur de soi. Cela mène à l'isolement, au refus de demander de l'aide, à une rupture sociale, à une grande dépression et, dans certains cas, à l'alcoolisme et à la prise de drogues. Ce n'est pas mon cas, je n'ai jamais pris aucune drogue. Dieu m'en garde, j'aurais pu m'abandonner à la drogue. Je ne serais probablement pas ici aujourd'hui si ça avait été le cas. Par contre, j'ai connu toutes les autres conditions. Qu'est-ce qu'il nous reste? La dernière solution est le suicide ou, si on est chanceux, on rencontre un frère d'armes qui a servi avec nous et, s'il a fait le cheminement avant nous, il peut nous guider et essayer de nous faire rencontrer des gens dans les cliniques ou au ministère des Anciens combattants. Cependant, les gens d'Anciens Combattants Canada sont habitués à soigner les vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Je ne parle pas de la Première Guerre mondiale, parce qu'on sait tous que les vétérans sont assez âgés. Il n'y en a plus, je crois, Dieu ait leur âme.
    C'est très difficile pour les fonctionnaires d'Anciens Combattants Canada d'avoir une perspective de la nouvelle génération, parce qu'ils ont été habitués à prendre cela à la légère avec les gens plus âgés. Nous, on est âgés de 35 ans, 40 ans, 45 ans, 50 ans et on est des vétérans. « Vétérans », c'est un grand mot, parce que même de l'avis de la clinique ou de l'avis des fonctionnaires, on n'est pas des vétérans. Selon eux, un vétéran a 80 ans et se déplace avec une marchette. Je ne sais pas quelle est leur vision, mais on a fait des missions, on y a mis tout notre coeur, certains ont donné leur vie. Plusieurs de mes amis, de mes frères d'armes, sont partis. Je pense qu'ils méritent autant que nos frères d'armes qui ont fait la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. On s'attend au même traitement de la part d'Anciens Combattants Canada.
    Lors de mon entrée à la clinique de l'Hôpital Sainte-Anne, j'ai dû signer de nombreux formulaires. Je devais m'engager à ne pas être violent, impoli, à ne pas dépasser le cadre établi. Dans ces conditions, tous les cas lourds, la clinique de l'Hôpital Sainte-Anne et les autres cliniques au Canada s'en débarrassent. C'est pourquoi il n'y a pas de cas lourds dans les cliniques; il n'y a que des cas légers, des gars comme moi qui y vont une fois tous les deux mois ou toutes les trois semaines. Tous les cas lourds, ils ne peuvent pas les soigner, il n'y a pas de chambres, il n'y a pas assez de lits pour les soigner. Lorsqu'il y en a, aussitôt que le gars dépasse le cadre établi et qu'il est un peu intolérant, ils le « foutent » à la porte pour des raisons de violence ou de perturbation. C'est le système provincial qui s'en occupe. Au Québec, c'est l'assurance-maladie du Québec qui s'occupe des gars, cela n'entre pas dans vos statistiques. Le nombre de vétérans qui sont soignés au sein du système médical civil n'est pas répertorié par le ministère des Anciens Combattants, alors les données sont faussées, ce ne sont pas les bonnes.
    Personnellement, j'aurais pu rester à la clinique, mon cas était assez lourd. Cependant, je me suis senti tellement mal dans ma peau, avec tout l'encadrement que j'étais obligé de respecter, que j'ai décidé de retourner chez moi, parce que j'avais peur de ne plus être soigné. C'est le cas de plusieurs de mes frères d'armes qui ne restent pas à l'hôpital parce qu'ils se disent que si jamais ils perdent le contrôle de leurs émotions, ils vont être mis dehors et éliminés du système, qu'ils n'auront plus droit aux soins. Alors on s'en retourne chez soi avec nos petits problèmes et on espère qu'ils vont continuer de nous soigner.
(1540)
    Quand quelqu'un reçoit un diagnostic de PTSD — le syndrome de stress post-traumatique — le docteur qui suit cette personne depuis un an, à la clinique, ou aux cliniques du Canada, envoie un rapport à Anciens Combattants Canada à Charlottetown. Le docteur qui pratique en cabinet privé vous dira, par exemple, qu'il évalue l'invalidité due au syndrome de stress post-traumatique à 50 p. 100 et qu'il est catégorique, que cela découle du service militaire. Puis, il envoie le dossier aux fonctionnaires de Charlottetown. Qui sont ces fonctionnaires? Je ne le sais pas. Sont-ils médecins? Je ne le sais pas. Ça prend six mois, un an ou un an et demi avant que les rapports soient renvoyés. Dans plus de 95 p. 100 des cas, ils sont négatifs, les fonctionnaires ne jugent pas que le docteur a raison. Est-ce que cela veut dire que la personne a été soignée pour rien, qu'elle a pris des pilules pendant un an et demi, que le docteur est incompétent et qu'il a posé un mauvais diagnostic? Qui sont ces gens, à Charlottetown, qui changent le diagnostic des professionnels de la santé du ministère des Anciens Combattants, en qui on avait confiance, pour la première fois?
    Ils nous disent de porter la cause en appel. Dans 95 p. 100 des cas, on doit interjeter appel. Dans plusieurs cas, on doit demander une deuxième évaluation médicale. Essayez donc de trouver un médecin aujourd'hui! Ça prend six ou huit mois avant de trouver un médecin. À partir du moment où il est décidé que le diagnostic de syndrome de stress post-traumatique n'est pas admissible et que la personne interjette appel, elle n'est plus soignée. C'est l'un des gros problèmes. Le dossier est renvoyé à Charlottetown et la personne interjette appel.
    Quand on interjette appel, on est reçu dans une salle à peu près grande comme celle-ci, devant deux personnes qu'on ne connaît pas du tout et qui ne se présentent pratiquement pas. Elles disent qu'elles sont là pour prendre une décision. On raconte de nouveau toute notre histoire, parce qu'il faut recommencer à zéro. Ça fait trois ou quatre ans que l'on se bat et on est brûlé, vidé. On doit prendre sept ou huit pilules par jour et on doit encore prouver que l'on est malade. Ces gens-là prennent un décision.
    Dans 70 p. 100 des cas, la décision est favorable. C'est curieux, on gagne. Toutefois, au lieu d'établir l'invalidité à 50 p. 100, ils l'établissent à 10 p. 100, ce qui fait 40 p. 100 de différence. C'est un exemple. Certains ont eu, à l'origine, une évaluation d'invalidité de 70 p. 100 ou de 80 p. 100 et, à la fin, elle est établie à 15 p. 100. Il y a un autre « hic », c'est que le pourcentage est fractionné. C'est nouveau. Durant les 20 dernières années, ça ne se faisait pas. J'ai reçu une pension pour mon dos en raison d'une invalidité de 25 p. 100. Dans les années 1995, il n'y avait pas cette fraction. Maintenant, ils fonctionnent avec des fractions. Ils fractionnent le 10 p. 100. Ils reconnaissent que les deux cinquièmes des 10 p. 100 sont la responsabilité du système. Alors, ils donnent 4 p. 100 de la pension à la personne. Elle se retrouve chez elle, avec 4 p. 100 de la pension. Maintenant, avec la charte de 2006, ils accordent aussi un petit montant en argent. En fait, 4 p. 100 de la pension équivaut à peu près à 10 000 $. Merci beaucoup, bonsoir, ils viennent de se débarrasser de vous.
    Le vétéran va donc se retrouver avec d'autres itinérants à la Maison du Père et à d'autres endroits du Canada où il y a des soupes populaires. Cela m'apparaît inacceptable et c'est ce que je suis venu vous dire aujourd'hui. C'est le problème de 99,9 p. 100 des vétérans qui demandent présentement une pension ou qui font une demande d'indemnité à Anciens Combattants Canada.
    Ai-je encore du temps?
(1545)

[Traduction]

    Soyez très bref, je vous prie.

[Français]

    Je vous parle seulement des blessures post-traumatiques et psychologiques. Dans le cas de blessures physiques, c'est pire. Les délais sont plus longs et c'est aux militaires que revient la responsabilité de voir les médecins. Dans le passé, le ministère nous faisait voir un de ses médecins. Au moins, ils trouvaient quelqu'un pour nous alors que, maintenant, on doit chercher soi-même un médecin.
    Les médecins ne veulent plus faire affaire avec les anciens combattants, car il y a trop de formulaires à remplir et ils perdent trop de temps. Oubliez ça, les gens abandonnent et se suicident. C'est pour ça que beaucoup de frères d'armes se suicident partout au Canada. Ce que je suis venu vous dire aujourd'hui, c'est qu'on n'est plus capables de se battre contre le système.

[Traduction]

    Mme Sgro posera la première question.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Beaudin, merci beaucoup de prendre le temps de venir témoigner aujourd'hui. Je crois que si au début de notre étude, nous pensions que cet aspect était peu important, nous révisons notre opinion à mesure que les semaines passent.
    Vous avez indiqué que votre organisation, Veterans Canada, compte environ 2 000 anciens combattants. Auriez-vous une idée du nombre de personnes — qu'elles soient membres de votre organisation ou non — qui ont tenté de se suicider? Selon l'information que vous avons reçue avant d'entamer notre étude, ce n'était pas un problème grave et peu d'anciens combattants s'enlevaient la vie. C'est probablement parce qu'une partie de ces hommes et de ces femmes ont été traités comme des civils et non comme des anciens combattants, victimes de la frustrations que vous avez évoquée. Avez-vous une idée du chiffre dont il est question ici?

[Français]

    Selon moi, sur un total de 100 frères d'armes, au moins 15 ont fait une tentative de suicide. Ça ne compte pas ceux dont on n'a pas de nouvelles et que nous sommes incapables de retracer. Il arrive que 3, 4 ou 5 ans plus tard, on apprenne qu'ils se sont suicidés. Uniquement pendant l'année dernière, quatre de mes proches connaissances se sont enlevé la vie. C'est beaucoup. Je dirais que sur les 2 000 membres, il y en a facilement entre 10 et 15 par tranche de 100 qui font une tentative de suicide.

[Traduction]

    Ces chiffres sont très alarmants.
    En ce qui concerne les démarches et le processus d'appel que les anciens combattants doivent entreprendre, il est déjà assez difficile d'obtenir un diagnostic initial de syndrome de stress post-traumatique; mais vous nous dites que la plupart d'entre eux, même à 50 ou 70 p. 100, voient leurs demandes rejetées et doivent présenter un autre appel et se soumettre une fois à plus à ce très long processus. Est-ce le cas pour la plupart des 2 000 anciens combattants de votre organisation?

[Français]

    Oui. Au départ, le diagnostic est rendu par le médecin qui nous traite et qui nous a été assigné dans une des cliniques au Canada. Il nous suit pendant une période pouvant aller de six mois à un an et détermine qu'on doit être indemnisé ou soigné — pour une évaluation de plus de 50, 60 ou 70 p. 100. Après tout ça, il envoie le tout à Charlottetown, et on reçoit par la suite une réponse négative. Je peux vous dire que sur les 2 000 vétérans de mon regroupement, près de la moitié ont reçu ce genre de réponse. En plus, je n'ai pas posé la question à tout le monde. Quoi qu'il en soit, c'est un problème majeur.
    On en entend parler tous les jours. Je suis toujours en contact avec les vétérans. Je vis jour et nuit avec eux. Je ne dors pratiquement qu'une demi-heure par jour. Mon regroupement est actif. Nous sommes partout. Cette année, j'ai fait revivre des gens qui allaient se suicider. Je les ai ramassés et je les ai fait revivre. Je les ai emmenés à des cérémonies d'ouverture, par exemple quand les Alouettes de Montréal jouaient au Centre Bell, à Montréal. Ils y ont représenté les anciens combattants. Ces gens-là n'avaient jamais reçu de reconnaissance, et ils étaient malades. Si ces gestes n'avaient pas été posés, ils ne seraient peut-être plus avec nous à Noël, cette année.
(1550)

[Traduction]

    C'est vraiment alarmant de continuer d'entendre des faits comme ceux que vous nous exposez, et je vous sais gré de prendre le temps de témoigner aujourd'hui.
    J'aimerais m'adresser à M. Drapeau, que nous connaissons, puisqu'il était ici la semaine dernière et le comité l'a déjà entendu auparavant. Comme je l'ai indiqué à M. Beaudin, j'ignorais complètement qu'il y ait autant de suicides, et les chiffres... pouvez-vous formuler quelques commentaires à ce sujet?
    Dans mon cas, que j'utiliserai comme exemple, j'ai essayé à deux reprises. Je ne me suis pas rendu à l'hôpital. Je considérais que si je me jetais devant une voiture, il s'agirait d'un accident, ma famille aurait l'argent et je ne serais plus un fardeau pour elle. J'ai manqué mon coup... deux fois. J'ai tenté de me suicider parce que ma famille vivrait après... Veuillez m'excuser. Ce n'est pas un sujet dont je parle.
    Au moins, maintenant, je peux appeler un psychologue civil ou mes amis d'UN-NATO avant de poser un geste stupide. Nous nous rencontrons chaque semaine pour atténuer la pression... Je suis désolé. Le problème, c'est que le SSPT nous empêche de maîtriser nos émotions.
    L'un des gros problèmes, c'est que l'on vit un enfer quotidien, parce que l'on retourne là où nos amis sont... Pardonnez-moi... Certains jours, je suis plus solide. Ce n'est pas une de mes bonnes journées. Un mauvais souvenir a refait surface la nuit dernière. Veuillez m'excuser. Voilà ce que c'est que de vivre avec le syndrome du stress post-traumatique. Habituellement, je suis un clown, comme toujours. Mais aujourd'hui, il m'est difficile d'en être un, car mes souvenirs me hantent.
    Vous savez, l'un des problèmes, c'est que pendant un instant, on a eu le choix. On pleure et on s'écroule quand un ami perd la vie, ou on fait un homme de soi, on agit conformément à son entraînement et on bloque ses émotions. Par après, on peut voir des gens mourir avec indifférence. Mais 26 ans plus tard, après la mort de mon ami, mes souvenirs ont refait surface. J'ai eu deux accidents vasculaires cérébraux pour cette raison.
    Et dans les faits, un grand nombre de soldats reviendront d'Afghanistan. Quand je me suis rendu là-bas en 2005, j'étais accompagné par un frère d'arme. Il a fait une demande lui aussi, car quand on prend de l'âge, on voit s'écrouler les murs que l'on a édifiés pour se protéger des souvenirs. C'est ce qui arrive aux anciens combattants actuellement.
    J'ai été une tête de mule pendant 26 ans. Souffrant du syndrome de stress post-traumatique, j'étais colérique et ma famille a dû composer avec mon caractère. C'était infernal. Au moins, maintenant, je comprends certaines de mes réactions. C'était des émotions vraiment terribles. Mais quand on est aux prises avec ces sentiments, on ne s'en rend pas compte jusqu'à ce qu'on nous dise exactement ce dont on souffre — même si on n'y croit pas.
     C'est un fait pur et simple. Quand on est un homme, on est fier. Quand nos amis meurent, on ne pleure pas. On n'a pas le temps de pleurer. Si on verse une larme, on fait figure de trouillard et on se fait mettre à la porte. C'était comme cela dans les années 1970. Aujourd'hui, au moins, les jeunes ont la possibilité de faire baisser la pression. Quand ils reviennent d'Afghanistan, des spécialistes les rencontrent. Dans mon temps, ce service n'existait pas. Si on consultait un psychologue, on se faisait mettre à la porte des Forces le lendemain. Aujourd'hui, au moins, l'armée prend des mesures pour réduire la pression.
     Dans mon cas, c'est un peu trop tard — deux accidents vasculaires cérébraux trop tard —, mais au moins, je ne me suis pas suicidé. Trois de mes amis l'ont fait l'an dernier. Ils étaient avec moi. Ils ignorent pourquoi ils sont morts: ils sont simplement passés à l'acte. Aucune statistique ne montrera qu'ils ont agit à cause du service: ils se sont suicidés, c'est aussi simple que cela. Ils ont probablement fait comme moi. On n'en parle à personne. On essaie de le faire en espérant réussir son coup pour que la famille reçoive de l'argent par la suite.
    Dans mon cas, cela n'a pas marché, Dieu merci. En me voyant, les conducteurs se disent que je suis trop massif pour une voiture et ils m'évitent.
    Des voix: Oh, oh!
    Je vous remercie, monsieur Drapeau.
    Merci. Je crois que Dieu a encore des projets pour vous deux.
    Merci.
    J'accorde la parole à M. Vincent.
(1555)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue. Il est intéressant de savoir ce qui se passe du côté des anciens combattants. D'autres témoins qui ont comparu semblaient dire qu'il n'y avait aucun problème. Quand j'ai demandé combien de fois le diagnostic de stress post-traumatique rendu par un médecin était contesté, on m'a répondu qu'il ne l'était jamais, qu'il était automatiquement accepté et qu'il n'était pas nécessaire de se battre pendant des années. Or vous nous dites complètement le contraire, à savoir que dans la vraie vie, 99,9 p. 100 ou  95 p. 100 des diagnostics sont contestés.
    Notre première demande est toujours contestée, que ce soit pour une blessure psychologique ou physique. On croirait que pour ces gens, donner une réponse négative est devenue une routine. Nous devons alors en appeler de leur décision. Tous les frères d'armes qui gravitent autour de moi ont reçu la même réponse. Ils sont si nombreux à se réjouir que je sois ici aujourd'hui pour vous parler de tout ça! Ils m'ont demandé de vous dire ce qui se passe vraiment. En réalité, le taux de contestation est pratiquement toujours de 90 p. 100. Je suis le seul dont le diagnostic de stress post-traumatique n'ait pas été contesté. Je ne comprends pas pourquoi. C'est peut-être à cause de la gravité de mon cas. Pour l'entièreté des demandes d'indemnité, tous les dossiers qui sont là, j'ai été obligé d'en appeler de la décision. Pour ma part, on m'a refusé l'indemnisation pour les missions, mais on me l'a accordée pour la Force régulière. Ce n'est pas la même chose.
    Vous dites que les anciens combattants passent par le système civil. Je comprends, de votre affirmation, qu'il n'y a pas de médecin et que personne n'est affecté aux anciens combattants, même à l'Hôpital Sainte-Anne. Il faut aller à l'extérieur pour recevoir des traitements et se faire soigner.
    Les cliniques ne sont pas équipées pour garder des cas lourds. Ils peuvent garder les cas légers, comme c'est le cas pour moi, puisque j'y vais tous les deux mois. J'ai un rendez-vous, j'y vais et je passe une demi-heure avec mon médecin. Elle renouvelle mon ordonnance et elle me demande comment ça va. Même mon médecin va partir. Mme Lévesque partira de la clinique à l'Hôpital Sainte-Anne, elle ne retournera plus s'occuper des anciens combattants. Elle m'a même offert de me suivre à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, un hôpital civil. Ça vous donne une idée. Quand je retournerai à la clinique après les Fêtes, je n'aurai pas de médecin.
    Vous avez dit qu'il était difficile de voir un médecin et qu'il faut avoir recours au système civil. Pour une personne qui n'avait pas déjà de médecin, c'est encore plus long. J'aimerais que vous m'en disiez plus sur cet aspect des choses parce que selon les gens qui travaillent au ministère des Anciens Combattants, il est simple de se faire soigner et tout le monde est disponible. Si je comprends bien votre témoignage, si on n'est pas capable de se faire soigner, il faut passer par un établissement civil et, par ce chemin, on peut y arriver parce qu'on a obtenu une expertise.
    Ce n'est même pas exact. Prenons le cas d'une personne qui se rend à la clinique Sainte-Anne ou à une autre clinique. Je parle toujours de la clinique Sainte-Anne, car c'est mon choix puisque je réside près de cette clinique. Si j'habitais dans un village éloigné, je n'aurais pas accès à la clinique Sainte-Anne, ça serait trop loin.
    Rendue à la clinique, si la personne représente un cas lourd, elle est refusée pour quelque motif que ce soit et elle est obligée de se faire soigner dans un établissement civil. Si elle souffre d'une blessure physique, elle n'a pas le choix, il faut qu'elle consulte un médecin civil, il faut qu'elle en trouve un. Pour ma part, je n'ai pas de médecin de famille. Par conséquent, trouver quelqu'un constitue déjà un combat.
    Lors de la rencontre, quand la personne dit qu'elle veut faire une demande d'indemnité ou une demande pour être indemnisée par le ministère des Anciens Combattants, le médecin ne veut pas s'embarquer là-dedans, car l'administration est trop lourde. C'est pratiquement impossible de trouver quelqu'un qui veut nous soigner.
     En ce qui a trait à l'aspect psychologique, si une personne a la chance d'avoir un psychologue, elle ne l'aura pas longtemps, car ils sont tous contractuels. Le ministère des Anciens Combattants n'engage que des contractuels et quand leur contrat se termine, ils partent. Seront-ils remplacés? On ne le sait pas.
(1600)
    Me reste-il du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Vous disposez d'une minute.

[Français]

    Vous avez un peu parlé du suicide de vos confrères, du suicide d'anciens combattants. Toujours d'après d'autres témoins, le suicide ne serait pas très répandu. Le suicide ne semble pas intéresser vraiment les Forces armées canadiennes. Elles ne cherchent pas à découvrir ceux qui se suicident et ne sont pas intéressées à diffuser ces données. Pouvez-vous nous parler de ce côté obscur dont on n'entend pas parler?
    Il faut faire la différence entre les militaires actifs et les militaires retraités. Les militaires actifs font partie du système du ministère de la Défense nationale, celui-ci s'en occupe. Nous, on ne fait plus partie de ça. On est complètement sorti du système. Par conséquent, le ministère des Anciens Combattants s'occupe de nos soins. Si un militaire actif pense ou veut se suicider, les Forces armées canadiennes, qui ont mis sur pied un programme, font passer certains tests.
     Pour ma part, je ne fais plus partie de ce système depuis trop longtemps, mais je connais des membres encore actifs qui me donnent des nouvelles. Les suicides sont fréquents, ça peut arriver n'importe quand. J'ai quitté depuis plus de 15 ans. Certains hommes qui ont quitté les Forces armées canadiennes en même temps que moi n'ont rien, n'ont aucun symptôme. Cependant, cela ne veut pas dire que, nécessairement, d'ici un an, les symptômes ne se développeront pas et qu'ils ne se suicideront pas. Les suicides sont fréquents, il y en a tout le temps.
    Le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants ne font pas de recensement à cet égard. De toute façon, souvent, il s'agira d'un accident. Ça arrive sous toutes sortes de formes. Souvent, nous le savons et nous le disons quand une personne est à bout de nerfs. Elle n'était pas capable d'obtenir des soins, elle a essayé, elle a été brimée, elle était découragée et elle s'est enlevée la vie.
    Merci, monsieur Beaudin.
     Merci, monsieur Drapeau.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Donnely, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remplace Peter Stoffer, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui.
    Messieurs Beaudin et Drapeau, je vous remercie beaucoup de témoigner aujourd'hui. C'est un honneur de vous accueillir parmi nous. Je suis heureux d'entendre votre témoignage.
    Avant de vous poser quelques questions, j'aurais besoin de quelques éclaircissements. Vous nous avez indiqué, monsieur Beaudin, que votre syndrome de stress post-traumatique est évalué à 50 p. 100. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là? Quels sont les manifestations d'un symptôme de stress post-traumatique à 50 p. 100? Comment un médecin établit-il un tel diagnostic? Comment procède-t-on? Ce diagnostic rend-il bien compte de la réalité?

[Français]

    Voici la façon dont ça fonctionne. Ils nous demandent d'écrire une partie de notre histoire militaire, et d'indiquer le moment où on pense que les symptômes ont commencé. Pour ma part, j'en avais tellement à écrire que je ne savais plus quoi écrire. J'ai écrit 50 pages, je les ai soumises au psychologue, et ce dernier les a étudiées. Ensuite, il m'a rencontré trois fois, puis il m'a recommandé le psychiatre de l'Hôpital Sainte-Anne. Une fois arrivé là, j'ai passé pratiquement huit mois avec la psychiatre, qui en est venue à la conclusion que c'était ça.
    Toutefois, pour répondre à votre question, je n'en ai aucune idée. Je lui ai dit ce qui m'avait fait mal, ce qui m'avait touché et ce qui faisait que toutes les nuits, je me réveillais avec une hypervigilance et des tremblements. C'est encore fréquent aujourd'hui. Je ne peux pas me coucher avec ma femme, parce que j'ai peur de l'étrangler, de l'étouffer, de la frapper. On a peur de soi-même, on devient hypervigilant. N'oubliez pas qu'on est tous, la plupart du temps, des bombes à retardement, après avoir vécu ce qu'on a vécu.
    Comment l'évaluent-ils? Je ne le sais pas. Ils en viennent à la conclusion qu'on présente des symptômes de stress post-traumatique à un niveau donné. Ce sont des résultats médicaux. Dans mon cas, après m'avoir fait essayer 35 sortes de pilules différentes, qui n'ont pas toujours été les bonnes, je dois vous le dire, ils en sont venus à déterminer que je subissais le syndrome de stress post-traumatique à 50 p. 100. À mon avis, je le subis peut-être à 90 p. 100. Qui sait?
(1605)

[Traduction]

    Oui, je ne peux comprendre comment on peut déterminer que vous subissez un syndrome de stress post-traumatique à 50 p. 100, mais...
    Compte tenu de ce que vous nous avez indiqué, que conseilleriez-vous à la Défense nationale ou à Anciens Combattants Canada de faire pour améliorer l'exécution de leurs programmes et pour mieux comprendre le suicide?

[Français]

    Je suis content qu'on me pose cette question. J'ai rencontré Mme Tining au mois de juin. De plus, j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Blackburn. Ce n'était pas dans des circonstances officielles, mais on a pu jaser un peu lors de la Cérémonie du crépuscule. Je lui ai dit qu'il y avait effectivement eu des changements à certains égards, surtout pour les nouveaux jeunes qui reviennent d'Afghanistan. Ces derniers reçoivent plus d'attention, et on fait un peu plus d'efforts pour les diriger. Cependant, ça ne change rien au fait qu'ils doivent passer par toutes les étapes du processus. On a beau aller chercher le jeune, l'amener dès le début et commencer à lui fournir des soins, si on l'abandonne au bout de six ou huit mois, ou si on pose un diagnostic négatif, tout ça aura été fait pour rien.
    Je suggère qu'on fasse exactement ce que j'ai fait, soit créer un mouvement de frères d'armes. Il manque un maillon à la chaîne. Entre les gens de la clinique et les anciens combattants, il manque quelqu'un. Le frère d'armes n'aura pas besoin d'aller directement à la clinique. Il pourra dire que ça ne fonctionne pas, que c'est tout croche, qu'on rit de lui, qu'au fond, ces gens ne veulent rien savoir de lui, et qu'ils traînent son dossier en longueur pour qu'il abandonne, pour ne pas avoir à l'indemniser, pour ne pas avoir à lui fournir de soins, diminuant ainsi les coûts défrayés par le système.
    De mon côté, j'ai créé un maillon grâce auquel les jeunes hommes peuvent venir me voir. Puisque j'ai déjà franchi toutes les étapes requises par le système, je peux mieux les accompagner. Au moins, je peux les sauver pour un, deux, trois ou quatre ans, en attendant qu'on essaie de trouver la solution à leur problème. Je suggère qu'on ajoute un maillon entre les deux paliers.
    De plus, il faudrait que le travail des fonctionnaires à Charlottetown soit démystifié. On a l'impression que c'est un château en fer forgé dans lequel se trouvent des gens qu'on ne connaît pas. On se demande qui sont ces gens qui prennent ces décisions sur nous, qui avons servi notre pays dans des missions partout dans le monde. Ce sont des civils — il faut les nommer ainsi —, et je n'ai rien contre les civils. Cependant, ce sont des civils qui ne comprennent rien au système, qui nous jugent, et qui décident de notre futur, de notre maladie. Ça n'a pas de sens.

[Traduction]

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Kerr.
    Je vous remercie, messieurs Drapeau et Beaudin, d'avoir bien voulu témoigner aujourd'hui.
    Je veux simplement éclaircir un point avant de poser mes questions. Êtes-vous affiliés à l'association des casques bleus des Nations Unies, celle qui existe depuis longtemps? L'autre, bien sûr, concerne l'OTAN. Entretenez-vous des liens avec les autres groupes?

[Français]

    Non, mon regroupement est privé. Par contre je connais les autres groupes. Je connais beaucoup de frères d'armes qui ont servi avec moi et qui font partie de ces associations. C'est un peu compliqué parce que nous formons la nouvelle génération. On dit qu'on a entre 35 et 65 ans. Les autres ont d'autres valeurs.
     Juste pour vous donner une idée, la première préoccupation d'un gars qui fait partie de la Légion et qui a servi en Corée est que l'Hôpital Sainte-Anne ne ferme pas ses portes pour qu'il puisse continuer à recevoir des soins. Je suis un ancien combattant de la nouvelle génération, je n'ai même pas accès à cet hôpital, monsieur. Il sera vendu pour un dollar au gouvernement provincial et je n'aurai jamais le droit de me faire soigner à cet endroit. La seule petite place qu'on a est une petite aile à l'arrière qui a été créée au montant de 1,2 million de dollars. La Légion royale canadienne a donné 200 000 $ et le reste a été financé par le ministère des Anciens Combattants. Je crois qu'il y a huit lits. En 2002, il y avait 800 patients. Maintenant, il ne reste que 202 patients. Ils ne résident pas là car ce sont des cas légers.
     N'oubliez pas que les gars de ma génération et du regroupement sont entrés un peu partout dans ces organisations. Trois individus de mon organisation travaillent comme pairs à l'Hôpital Sainte-Anne, dans les cliniques. Ils font un très bon travail car ce sont des frères d'armes qui parlent à des frères d'armes.
(1610)

[Traduction]

    Merci de m'avoir apporté ces précisions.
    Certains témoins que nous avons déjà entendus nous ont parlé du soutien offert par les pairs, et c'est ce dont vous nous parlez, en fin de compte, quand vous nous dites que ceux qui ont affronté une situation semblable et composé avec l'horreur et les répercussions qui en découlent aident leurs amis et leurs collègues. Il semble que l'on tende de plus en plus dans cette direction.
    Apparemment, l'un des gros problèmes qui se posent, c'est que nombreuses initiatives sont maintenant offertes aux anciens combattants qui reviennent d'Afghanistan, mais il existe un écart important par rapport à ce qui a été fait concernant les anciens combattants traditionnels jusqu'à présent. D'après vous, faudrait-il envisager de mettre l'accent sur les groupes de pairs, qui sont passés par là, car ils ont été en service et ont vécu la même expérience, afin d'assurer le lien entre eux et les soldats qui reviennent chez eux? Est-ce vers cette solution que nous devrions nous diriger?

[Français]

    Déjà, un fossé s'installe. Les gars revenant de l'Afghanistan ont une toute autre vision de ce qu'ils ont vécu. Ils reviennent avec une expérience de l'Afghanistan, ils ont des problèmes beaucoup plus pointus. Je pense qu'il est bon que quelqu'un puisse leur parler, mais il faut qu'il s'agisse de frères d'armes qui ont vécu l'Afghanistan comme eux. Il ne faut pas que ce soit un homme comme moi, qui ai servi à Chypre ou en Allemagne, parce que je ne connais pas leur réalité. Il faut un pair qui a vécu la même chose en Afghanistan.
    N'oubliez pas que ces hommes constituent des cas problèmes pour le futur. Ils reviendront à 23 ou 24 ans ayant fait quatre, cinq ou six missions, en plus de toute la préparation faite avant chacune d'elles. Ils se préparent pendant huit mois et ils partent pendant sept mois. Ils reviennent et ils se préparent à nouveau. Ils font cela quatre fois et à partir du moment où ils ne pourront plus retourner là-bas, ils ressentiront un manque. Plusieurs quitteront les Forces armées canadiennes parce qu'ils ont besoin d'adrénaline, comme nous en avions besoin quand nous revenions de mission. Nous étions incapables de nous réinsérer dans la vie civile. Avant de reprendre le cours normal de la vie, il fallait de quatre à six mois, et plusieurs n'ont pas réussi à le faire.
     Je fais partie de ceux-là. J'ai eu beaucoup de problèmes. Ces petits gars deviendront des bombes en puissance, ils développeront un syndrome de stress post-traumatique dans les années 2018 à 2022. Plusieurs personnes qui sont allées en Afghanistan à l'âge de 21 ans souffriront du syndrome de stress post-traumatique vers l'âge de 35 ans, en 2020 à 2025. Vous aurez alors un grave problème sur le dos. Le ministère des Anciens Combattants aura un gros problème. Il serait bon de créer un système de pairs, comme je l'ai mentionné, pour intervenir tout de suite, leur fournir des soins, amplifier ces soins et ne pas penser au budget. De toute façon vous dépasserez le budget avec ce qui va arriver.
     Je ne sais pas si vous comprenez où je veux en venir, je m'exprime peut-être mal.

[Traduction]

    Me reste-t-il du temps?
    Oui.
    Que pensez-vous du processus de clinique de soutien social aux victimes de stress opérationnel? On a déployé bien des efforts à ce chapitre, et la Défense nationale ou les Forces canadiennes collaborent avec Anciens Combattants Canada afin d'instaurer un processus de transition. L'une des raisons, comme vous l'avez indiqué avec justesse, c'est que les premières années, on ignore si on est touché par le syndrome. Son apparition peut prendre du temps. Il semble que l'implantation de ces cliniques et que le suivi ultérieur après des anciens combattants constituent un aspect crucial de la solution.
    Ces cliniques ont-elles joué un rôle important? Avez-vous eu le temps de vous attarder à la question?
(1615)

[Français]

    Je suis moi-même un patient de ces cliniques.
    Les cliniques ont un rôle à jouer, en autant qu'elles soient fonctionnelles. Si un administrateur responsable des budgets coupe le nombre de docteurs et le temps alloué aux patients...
    Plusieurs médecins font des burn-out, parce que leurs propres décisions sont toujours remises en question par les fonctionnaires d'Anciens Combattants Canada à Charlottetown. Les cliniques perdent leur raison d'être. On ne veut plus y aller, parce qu'on a l'impression d'y aller pour rien, puisque notre médecin ne sera plus là.
    Après les Fêtes, je vais perdre la psychiatre qui me suit depuis 5 ans. Où vais-je aller? J'aurai un nouveau psychiatre et je devrai recommencer à raconter mon histoire au complet. La clinique remplit son rôle à partir du moment où le suivi est bon et régulier et que les administrateurs veulent de nous comme clients. S'ils ne veulent pas de nous, s'il y a des problèmes de budgets...
    Personnellement, je fréquente la clinique de l'Hôpital Sainte-Anne et je m'aperçois que le temps qui m'est alloué avec le médecin a diminué et que beaucoup de médecins s'en vont. Il y a quelque chose qui se passe du côté de l'administration.
    Quant aux patients qui sont alités, ce sont des cas lourds. je pense qu'il y en a présentement quatre, c'est tout.

[Traduction]

    Je crois qu'il est peut-être question de deux cliniques ici: les nouvelles cliniques de stress professionnel qui collaborent avec la Défense nationale et Anciens Combattants Canada, et les cliniques dont vous parlez, celles que vous fréquentez.
    Mais c'est parfait. Je voulais simplement apporter une petite précision à ce sujet. C'est bien.
    Je laisse maintenant la parole à Mme Duncan.
    Oh, monsieur Drapeau, avez-vous...?
    Je vais vous donner un exemple concernant les centres intégrés de soutien du personnel, qui accomplissent un excellent travail, dans la mesure où l'on connaît leur existence.
    Il y a environ deux mois, j'ai vu un jeune qui a nourri sa famille à crédit pendant deux mois parce qu'il n'avait aucun revenu. Il est revenu d'Afghanistan avec le syndrome de stress post-traumatique, et on ne lui a offert aucun soutien. Il a communiqué avec la réserve, qui lui a répondu que ses papiers avaient été envoyé. Or, quand il a appelé le CSIP, on lui a dit qu'on n'avait rien reçu. J'ai appris ce qu'il en était vendredi et j'ai dirigé ce jeune vers les personnes compétentes. La semaine suivante, son problème était résolu.
    Le gros problème, c'est que ces jeunes ne savent où aller. Même si le système est là pour les aider, ils ignorent complètement qu'ils devraient s'y adresser.
    Je vous remercie de cette précision. Je voulais justement faire valoir que les ressources existent. Il faudrait peut-être affecter plus de fonds et revoir l'orientation, mais souvent, ce sont les communications qui manquent pour diriger les anciens combattants vers les services dont ils ont besoin.
    Les nouveaux anciens combattants, pas nous.
    Merci.
    Merci.
    Vous avez la parole, madame Duncan.
    Merci, monsieur le président. Aie-je cinq minutes?
    Oui.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup tous les deux de comparaître et d'avoir le courage de nous faire part de la situation. Pendant que je vous fais part de deux histoires, je vous demanderai de réfléchir à ce qui pourrait vous aider.
    Faudrait-il que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) dispose du personnel médical nécessaire pour comprendre la situation quand les anciens combattants interjettent appel? Faudrait-il réduire le recourt aux employés contractuels? J'ai entendu dire qu'en Colombie-Britannique, certaines personnes ont rencontré cinq employés différents en autant de semaine parce qu'il s'agissait de contractuels. Devrait-on accorder le bénéfice du doute aux anciens combattants? Faudrait-il offrir des programmes destinés aux conjoints et aux enfants? Conviendrait-il de revoir la fréquence et la durée des consultations avec un psychologue ou un psychiatre? Je vous demanderais d'y réfléchir pendant que je vous relate les histoires suivantes.
    Pour faire suite au point que vous avez soulevé, j'ai reçu dimanche un courriel fort troublant d'un ancien combattant que j'aide depuis quelques mois. J'ai dû communiquer avec la ligne d'écoute téléphonique des anciens combattants. Dans son courriel, il indiquait qu'on lui avait dit qu'il devrait attendre trois mois avant de recevoir de l'aide, et on nous informe maintenant que c'est trois semaines dans une ville, quatre semaines dans une autre. Comme M. Beaudin l'a mentionné, ces délais s'applique si on demeure dans une grande ville. Mais que se passe-t-il si on vit en région éloignée?
    Cet homme, aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique depuis dix ans, s'est fait répondre qu'il devrait attendre trois mois. J'ai appelé la ligne d'aide pour indiquer qu'il avait besoin d'aide immédiate et qu'il fallait lui offrir une consultation. Je lui ai ensuite envoyé un courriel pour lui donner le numéro de téléphone qu'il devrait composer, en précisant qu'il devrait me rappeler s'il n'obtenait pas d'aide. Hier soir, il m'a répondu: « Pourquoi a-t-il fallu votre intervention pour que j'aie de l'aide? »
    Vous avez également parlé du syndrome de stress post-traumatique, des problèmes de colère et de l'incapacité qu'ont les anciens combattants d'obtenir de l'aide parce que les intervenants ne veulent pas s'occuper de la question. Il y a un autre cas dont nous occupons, et vous avez vraiment soulevé des problèmes importants.
    Maintenant, peut-être pourriez-vous me dire quelles sont les cinq mesures que nous pourrions prendre pour vous faciliter la vie et ce que le gouvernement pourrait changer pour vous aider.
(1620)

[Français]

    C'est difficile pour moi de cibler des priorités. Par contre, je sais très bien qu'à partir du moment où on a une première rencontre avec les psychologues et les psychiatres, il faudrait être reçu comme un vétéran, comme quelqu'un dont ils veulent prendre soin et non pas comme quelqu'un qui doit prouver qu'il est malade. On se sent mal de toujours devoir prouver sa condition. C'est une chose. Beaucoup de gars vont changer d'idée. Ils vont s'y rendre mais, en raison de la façon dont ils sont traités à leur arrivée par certaines personnes, cela cause un problème. Je ne parle pas de tous. Il y a des gens très professionnels. Je ne sais pas si c'est dû à la frustration parce qu'ils sont fonctionnaires et que nous, nous allons peut-être avoir droit à une pension. Je ne sais pas si cela cause un problème, mais j'ai vécu cette situation durant le processus que j'ai suivi. Il y a des gens qui ne savent pas vraiment comment nous recevoir.
    De plus, je pense que les cliniques ne sont pas adaptées aux besoins. Je crois personnellement que la clinique de l'Hôpital Ste-Anne est très belle. Il y a la salle de télévision et le reste, mais on y a institué un système où c'est comme si le patient redevenait un enfant. Il faut pratiquement demander la permission pour aller à la toilette. Je ne pense pas qu'un gars de 50 ans, qui a été sergent durant sa vie, a envie d'aller voir une demoiselle de 20 ans pour lui dire qu'il doit aller à la toilette. La semaine dernière, je suis allé à l'Hôpital Ste-Anne et j'ai vu un de mes frères d'armes quitter la clinique. Il a refusé les soins. Sa femme était venue le visiter. Il a voulu lui parler et l'intervenante lui a dit qu'elle l'avait déjà prié de monter à bord de l'autobus. Il a répondu qu'il allait partir parce qu'à son âge, il pouvait bien être malade mais il n'acceptait plus la façon dont il était traité. Je l'ai vu de mes propres yeux. J'étais là.
    Également, il y a les fonctionnaires à Charlottetown. Il faut démystifier la question des anciens...

[Traduction]

    Je vous demanderais de répondre plus brièvement, car nous devons passer à la prochaine question.

[Français]

    Charlottetown, il faut que ce soit démystifié. Tout le monde parle de Charlottetown et personne ne sait ce que c'est. Il faut savoir si ce sont vraiment des médecins qui sont là et qui changent les décisions prises précédemment. À partir de là, je pense qu'on va avoir un gros pas de fait. Finalement, j'ai nommé trois priorités.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Lobb, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur Schellenberger.
    Ma première question s'adresse à M. Beaudin. Vous avez fait un exposé, mais je me demandais si vous aviez couché des suggestions sur papier ou si votre organisation avait des recommandations, peu importe le nombre, pour indiquer comment elle envisageait l'avenir. Peut-être nous avez-vous transmis des documents qui n'ont pas encore été traduits. Auriez-vous quelque chose que nous pourrions joindre au rapport?

[Français]

    J'ai été invité à comparaître il y a une semaine. Je n'ai pas eu le temps de préparer un mémoire et d'en faire des copies. Cependant, on va rédiger un mémoire qu'on va vous faire parvenir, avec des suggestions. Le comité administratif va s'asseoir avec beaucoup de vétérans et on va vous faire parvenir un mémoire avec des suggestions. On va faire cela professionnellement. Je suis ici pratiquement au pied levé, à une semaine d'avis, et je n'ai pas pu le faire. Vous comprendrez que c'est même difficile de simplement me préparer pour venir ici. Le voyage en voiture à partir de Saint-Jean-sur-Richelieu a duré cinq heures, dans une tempête de neige. Ça vous indique que je voulais vraiment vous dire ce que j'avais sur le coeur. Je l'ai dit au nom de tous les vétérans. Pour ce qui est du mémoire, je vais rédiger un document de manière professionnelle.

[Traduction]

    Je vous en remercie. Cela nous sera fort utile, car jusqu'à présent, nous avons discuté de la question, mais ce n'est en grande partie qu'une conversation à bâtons rompus. Le fait de pouvoir inclure des suggestions et des recommandations précises améliorera certainement la qualité de notre rapport.
    Je me demandais également si votre organisation a commencé à compiler des données sur certaines des questions que vous avez soulevées concernant les délais ou le temps qu'il faut pour rencontrer un médecin. Avez-vous une méthode de collecte de données qui nous serait également utile?
(1625)

[Français]

    J'ai commencé à demander à plusieurs de mes frères d'armes de me donner des copies de dossiers en attente et d'indiquer jusqu'à maintenant le délai à partir de la date où ils ont fait leur demande d'indemnisation et de soins. Plusieurs sont en attente depuis 3, 4 ou 5 ans. J'ai commencé à compiler les données, sauf qu'il faut que tout ces gars me donnent l'information, qu'ils photocopient les dossiers. La plupart ne les ont pas en main, parce qu'on les a en main après que les décisions sont rendues. J'essaie d'avoir le plus possible de renseignements. C'est très difficile d'obtenir tout cela dans des délais assez courts. Effectivement, on a commencé à monter des dossiers.
    Au départ, ce n'était pas le but de l'organisation. On ne voulait pas se rendre aussi loin mais on s'est aperçus qu'il y avait une lacune terrible. On en est maintenant rendus là. On avait créé le mouvement Vétérans UN-NATO Canada pour aider nos frères d'armes et, à présent, on doit venir témoigner à Ottawa parce qu'on constate une lacune et que plus personne ne nous représente.

[Traduction]

    Oui. J'ai été notamment stupéfié quand vous nous avez indiqué que 99 p. 100 des demandes — relatives aux prestations d'invalidité, je crois — étaient rejetées. Si vous pouvez recueillir des données à ce sujet auprès de vos membres, vous nous donneriez un coup de main.
    J'aimerais également revenir à un autre point. Dans votre exposé, vous avez fait mention d'une pension de 4 p. 100 et d'un montant forfaitaire de 4 p. 100 pour un problème dont vous avez été informé — une blessure au dos ou un problème de ce genre. Je ne suis pas certain si vous parliez de vous-même ou de façon générale. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je crois que vous avez divisé 25 p. 100 par 10, puis multiplié le résultat par cinq, pour en arriver à 4 p. 100.

[Français]

    En 1993, on m'a diagnostiqué une hernie cervicale. Pour cela, j'ai reçu une indemnisation de 25 p. 100. À cette époque, il n'y avait aucun fractionnement de la pension.
    Cependant, lorsque je faisais partie du Royal 22e Régiment de l'infanterie, l'utilisation particulière de mes genoux faisait partie de mon travail. Or, mes genoux ont commencé à être très souffrants. Après avoir fait une demande d'indemnisation et être allé deux fois en appel, j'ai reçu une pension. Toutefois, à ma grande surprise, lorsque j'ai eu ma grosse pension de 5 p. 100, j'ai vu qu'on l'avait fractionnée et qu'on ne m'en avait donné que les quatre cinquièmes. Je me suis demandé ce qu'était ce nouveau fractionnement. Je me demandais quel était ce nouveau calcul et pourquoi on nous en enlevait encore par rapport au peu d'indemnités auxquelles on avait droit.
    J'ai tous les documents avec moi, mais je ne les ai pas photocopiés. J'ai tout ça ici. Je ne comprends pas d'où viennent ces quatre cinquièmes ou ces deux cinquièmes. On nous donne 25 p. 100, ou 15 p. 100, mais on fractionne ce montant en cinquièmes. On n'a donc pas 25 p. 100, mais plutôt les deux cinquièmes ou les trois cinquièmes des 10 p. 100 ou des 15 p. 100 auxquels on a droit. C'est nouveau.

[Traduction]

    Monsieur André, vous pouvez poser la dernière question.

[Français]

    Merci, monsieur Beaudin et monsieur Drapeau, d'être ici. Je sais qu'il faut beaucoup de courage pour venir témoigner ici devant nous. Vous le faites d'une façon impeccable.
    J'aimerais vous parler rapidement de deux choses. Vous avez parlé d'un maillon entre les militaires ou les vétérans et les fonctionnaires. J'ai entendu ça deux fois en deux semaines en ce qui a trait à la relation avec les fonctionnaires lorsqu'il s'agit de recevoir des services. La semaine dernière, on donnait l'exemple d'un vétéran qui s'était fait traiter de « BS », de quêteux ou de je ne sais trop quoi.
    Honnêtement, avez-vous vécu, vous ou d'autres vétérans, des situations où des fonctionnaires ont manqué de respect envers vous?
(1630)
    Oui. Ça m'est arrivé avant de faire ma demande d'indemnisation pour le syndrome de stress post-traumatique, en 2005. De toute façon, ce n'est pas moi qui ai fait ma demande. C'est quelqu'un qui m'a suggéré de la faire. Il m'a fait comprendre que j'étais atteint, que je devais me faire soigner. Il disait que ça n'avait pas de bon sens et que ça finirait mal. Je ne savais même pas que j'étais atteint du syndrome de stress post-traumatique. Je savais tout de même que mon expérience militaire était le problème.
    Effectivement, certains fonctionnaires sont très impolis avec nous, surtout lorsqu'on appelle au numéro indiqué sur la carte qui est remise aux anciens combattants. Souvent, on se fait dire que si on n'est pas contents, on peut aller ailleurs. Parfois, on se fait même mettre en attente. Dans ces cas, il faut abandonner, car il n'y a plus personne au bout de la ligne. On ne sait jamais où on appelle au Canada. On peut parler à quelqu'un du Nouveau-Brunswick ou à quelqu'un de Winnipeg. On ne sait jamais à qui on parle. Aussi, il faut renoncer à rappeler la personne à qui on a parlé. Ce n'est jamais la même personne qui nous répond. C'est arrivé à quelques reprises.
    Un frère d'armes m'a même dit que dernièrement, alors qu'il était dans le bureau d'un psychiatre, ce dernier l'avait accusé de les avoir bien manipulés, lui disant qu'il devait être content de recevoir la pension qu'il avait parce que certains travaillaient pendant 40 ans et ne recevaient pas ce montant à la fin de leur vie. C'est le genre de propos qu'une autre personne m'a rapporté dernièrement.
    Lorsqu'un fonctionnaire émet des propos désobligeants envers un militaire ou un vétéran, pouvez-vous porter plainte? Avez-vous un comité de gestion des plaintes qui soit neutre et auprès duquel vous pouvez porter plainte? Par exemple, dans les établissements de santé, lorsque le service est mauvais, il y a un comité qui recueille les plaintes, que ce soit dans un hôpital ou un CLSC.
    Est-ce qu'il y a un comité auprès duquel vous pouvez porter plainte contre ce fonctionnaire?
    Je n'en ai aucune idée.
    Vous n'en êtes pas informé?
    Vous pouvez être chez vous et appeler et la personne qui est au bout du fil — elle peut être francophone ou anglophone, peu importe — ne vous donne pas la bonne réponse.
    Il y a aussi la façon dont vous lui parlez. Si vous êtes malade, vous ne lui parlerez pas calmement, avec un doux sourire. Il se peut que vous soyez plus anxieux. Si la personne au bout du fil l'interprète comme une menace ou quoi que ce soit d'autre, elle va carrément vous raccrocher la ligne au nez. Dans ce cas, vous n'aurez aucun recours car vous ne connaissez pas son nom. J'ai déjà demandé le nom de la personne à qui je parlais et elle n'a jamais voulu me le donner.
    Vous n'avez pas le nom de cette personne?
    Non.
    Même si vous le lui demandez, elle ne vous le donne pas?
    Elle me donne son prénom. Si elle me donne un renseignement dont j'ai besoin et que je veux la rappeler, c'est pratiquement impossible. Je ne peux même pas appeler directement mon agent. Je dois passer par le système d'aide. La personne à qui je parle alors appelle mon agent et ce dernier me rappelle.
    Vous avez parlé de groupes d'entraide et de soutien mutuel que vous avez créés entre vétérans. Combien de personnes font partie de ces groupes? Tenez-vous des rencontres hebdomadaires?
    Il y en a chaque semaine dans toutes les régions du Canada. Au Québec, nous sommes environ 700 ou 800 personnes. Chaque semaine, il y a un rendez-vous à Saint-Jean, un à Gatineau — qui va avoir lieu demain soir —, un à Québec et un en Estrie. Tous les soirs de la semaine, des frères d'armes différents se rencontrent.
    Ce sont des groupes d'entraide et de soutien?
    Ce sont tous des frères d'armes. La plupart d'entre nous avons servi ensemble. Nous nous sommes tous connus au cours des 30 dernières années. Nous sommes très liés. Ce lien est très fort.
    Ce sont des groupes de partage et de soutien?
    On se réunit parce qu'on n'est pas capables d'entretenir des contacts avec les civils. Le seul moyen d'avoir une vie normale, c'est de se rencontrer une fois par semaine. C'est la raison pour laquelle on a mis ça sur pied. Je l'ai créé à une petite échelle, mais c'est devenu un monstre. Maintenant, il y a des groupes partout au Canada. Si vous visitez mon site, vous allez voir qu'il y en a partout.
    Je vous félicite, monsieur Beaudin, de cette initiative. Je pense que vous rendez service à un bon nombre de vétérans.
    J'en avais besoin et les autres en avaient besoin également.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous vous sommes gré de témoigner aujourd'hui.
    Je vous remercie de nouveau de nous avoir aidé.
    Nous prendrons une courte pause, après quoi nous reprendrons la séance à huis clos pour effectuer l'examen de questions relatives aux travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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