Passer au contenu
Début du contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 décembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Il s'agit de la 43e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude du système correctionnel fédéral: santé mentale et toxicomanie.
    Aujourd'hui, nous recevons Glenn Thompson, secrétaire du Conseil à la Commission de la santé mentale du Canada.
    Bienvenue, monsieur Thompson, devant notre comité. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire.
    Habituellement, nous donnons à nos témoins la possibilité de faire des remarques préliminaires. Vous êtes le seul témoin aujourd'hui. Si vous avez besoin de plus de dix minutes, je suis certain que les membres du comité n'y verront pas d'inconvénient.
    Avez-vous un exposé?
    Oui, monsieur le président, et je suis heureux d'avoir cette occasion. Je pense que les membres du comité ont également une copie de mes remarques. S'ils souhaitent suivre le texte ou y faire référence pendant la séance d'aujourd'hui, ils pourront le faire.
    Tout d'abord, je veux souligner que vous avez été très patient avec nous, à la Commission de la santé mentale, parce que vous nous avez invités, trois d'entre nous. M. Préfontaine a travaillé très fort pour que nous puissions venir tous les trois. Le juge Ted Ormston, qui préside l'un de nos comités consultatifs, notre directeur général et moi, secrétaire du Conseil, avions tous l'intention de venir. Nous n'avons pas pu trouver de date qui vous convenait ainsi qu'à nous. Mais je dois indiquer que si vous avez l'impression, après la réunion, monsieur le président et membres du comité, que vous n'en avez pas suffisamment entendu de notre part, je suis certain que les autres seront en mesure de prendre le temps de comparaître devant vous, de façon individuelle ou collective, ou comme vous le jugez bon. Merci, donc, de nous avoir invités.
    Je vais donc poursuivre immédiatement, et j'aimerais situer mes observations sur les soins en santé mentale et en toxicomanie — comme vous vous attendez à ce que je le fasse, je pense, puisque je viens de la Commission de la santé mentale — destinés aux détenus des établissements fédéraux dans le contexte des travaux de la Commission de la santé mentale du Canada.
    La CSMC, comme je l'appelle dans sa forme abrégée, a été créée dans la foulée du dépôt, en mai 2006, du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a été produit sous la gouverne du président du comité, l'honorable Michael Kirby, et de son vice-président, Wilbert Keon.
    Intitulé judicieusement De l'ombre à la lumière, cette toute première étude globale — et c'est dur à croire pour quelqu'un qui, comme moi, a travaillé dans les services correctionnels depuis 1960 et dans le domaine de la santé mentale — sur les services en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie offerts au Canada. Bon nombre d'entre vous avez vu ce rapport. Sinon, il est épais comme cela. Il mérite d'être lu. Il comporte une section entière portant sur le groupe de délinquants incarcérés dans des prisons fédérales et le travail du Service correctionnel du Canada, ce qui est utile.
    Dans le cadre de cette étude, le comité sénatorial avait pour objectif de formuler des recommandations susceptibles de transformer les systèmes et les services offerts aux personnes souffrant d'une maladie mentale ou d'une dépendance. Certains d'entre vous savez sans doute qu'environ 60 p. 100 des gens atteints d'une maladie mentale ont aussi un problème de toxicomanie. Le taux de recoupement est donc très élevé.
    L'une des 118 recommandations du rapport proposait la création d'une commission canadienne de la santé mentale. Cet organisme national, et non fédéral, serait habilité à accélérer l'élaboration et l'application de solutions efficaces et à continuer d'assurer une dimension nationale aux questions de santé mentale. Encore une fois, si vous connaissez Michael Kirby, vous savez qu'il se fait un devoir de se concentrer sur toutes les tâches qu'on lui assigne. Dans le cadre de toutes ses activités, la commission cherche à être le catalyseur du changement. C'est donc notre devise. Dans son budget fédéral de mars 2007, le gouvernement fédéral annonçait la création et le financement d'une commission de la santé mentale présidée par Michael Kirby.
    Les tâches confiées à la commission sont les suivantes: établir une stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, mettre sur pied un centre d'échange des connaissances dans le domaine et élaborer et mettre en oeuvre un programme de lutte contre la stigmatisation échelonné sur dix ans. Par la suite, le gouvernement fédéral a demandé à la commission de lancer un projet quinquennal de recherche ou de démonstration pour les sans-abri atteints d'une maladie mentale dans cinq villes canadiennes. Vous connaissez peut-être cette activité, qui est actuellement sur sa lancée.
    La commission elle-même a une durée de vie de dix ans, de sorte qu'elle continuera d'exister après la fin des projets de démonstration concernant l'itinérance.
    La commission vient de publier son premier rapport sur la stratégie concernant la santé mentale. Ce rapport résulte d'une consultation approfondie menée partout au Canada. Je pense que tous les membres du comité l'ont reçu. Il s'agit du fruit d'une vaste consultation pancanadienne visant à déterminer quels devraient être les éléments d'une stratégie nationale.
    Intitulé Vers le rétablissement et le bien-être — Cadre pour une stratégie en santé mentale au Canada, ce rapport constitue une plate-forme complète de haut niveau en vue de la prochaine étape, soit l'élaboration de la stratégie et la consultation. Cette deuxième phase proposera les modalités — ce qui devrait être inclus dans la stratégie canadienne pour la santé mentale et la justice, par exemple, le domaine de la justice dans son ensemble. Cette deuxième phase, qui proposera les modalités de la transformation en santé mentale, devrait être achevée à la fin de 2011.
    Par exemple, le rapport fera état des opinions de nos huit comités consultatifs, comme celui présidé par le juge Ted Ormston. Le juge Ted Ormston fera état des opinions du public, d'organismes gouvernementaux, de notre personnel et des différentes autres personnes, vous-mêmes peut-être, sur le contenu du rapport. On recueillera sans aucun doute des opinions concernant la gamme la plus vaste possible de thèmes concernant la santé mentale et la justice: jeunes et enfants, aînés, personnes souffrant de dépendance et ceux qui font partie du système de justice criminelle.
    Je pense que les membres du comité recevront le rapport de la première phase. M. Préfontaine a indiqué que vous l'aviez reçu.
    Le rapport Vers le rétablissement et le bien-être pourrait aider le comité à évaluer la pertinence d'une stratégie nationale en matière de santé mentale et de toxicomanie pour le Service correctionnel du Canada. Nous croyons qu'une telle stratégie nous donnerait un cadre solide pour déterminer les priorités de financement et mettre en place des programmes et des changements au Service correctionnel du Canada. Nous espérons que ce sera le cas et que vous recommanderez qu'ils entreprennent de se doter d'une stratégie nationale concernant le service correctionnel, et que cette stratégie sera en harmonie avec celle élaborée actuellement par la Commission de la santé mentale du Canada. Il serait logique d'avoir des sous-stratégies, en quelque sorte, partout au Canada. La dernière chose dont ce pauvre domaine de la justice criminelle et de la santé mentale a besoin, c'est d'une plus grande fragmentation. Il y en a déjà suffisamment.
    Les services de santé mentale et de toxicomanie ne sont pas suffisamment intégrés et les clients ont de la difficulté à évoluer au sein de ce système — vous avez peut-être des parents, comme presque tout le monde, qui ont évolué dans le système de santé mentale. Nous savons à quel point il est fragmenté, de sorte que le système de justice pénale se heurte aussi à des problèmes similaires et souvent pires encore. La mise en place d'une stratégie en santé mentale au sein du Service correctionnel du Canada constituerait un bon point de départ.
    La stigmatisation, de même que la discrimination qui en découle, sont des obstacles qu'il faut éliminer si les Canadiens veulent optimiser les résultats des services en santé mentale et en toxicomanie. La commission vient de lancer son programme « Changer les mentalités » et la campagne de sensibilisation qui l'accompagne est absolument nécessaire pour faire comprendre à la population les conséquences de la stigmatisation. La plupart d'entre nous à la Commission de la santé mentale pensons que les changements auxquels nous participons et dont nous faisons la promotion n'iront pas très loin, à moins qu'il y ait une réduction des stigmates et de la discrimination contre les gens du système correctionnel.
    Le problème de la stigmatisation au sein de la population est non seulement très répandu, mais la stigmatisation et la peur associée aux contrevenants atteints d'une maladie mentale constituent un problème. Nous croyons que tout programme de transformation des services de santé mentale et de toxicomanie au sein du Service correctionnel du Canada devra s'accompagner d'une campagne contre la stigmatisation auprès du personnel, des autres détenus et de la population en général.
    Vous serez peut-être heureux d'apprendre que le programme contre la stigmatisation, le programme général que nous dirigeons, se concentre principalement sur la stigmatisation des jeunes et des personnes atteintes de maladies mentales dans le système de santé. Notre vice-président, le Dr David Goldbloom, est un médecin très réputé au Canada, un psychiatre; il serait le premier à dire que les patients qui vont dans les hôpitaux pour obtenir des soins généraux sont confrontés à un niveau de discrimination très élevé de la part de tous les employés du système. Nous avons tous grandi avec une certaine appréhension au sujet de ce que nous devons faire avec les personnes atteintes de maladies mentales, et c'est la même chose pour les médecins. Ils ont relativement peu de formation. Pour les omnipraticiens, lorsqu'ils doivent traiter quelqu'un atteint d'une maladie mentale, il est très difficile de savoir quoi faire, et de le faire rapidement. Ils sont beaucoup plus adroits pour soigner un bras cassé.
    Ainsi, la formation et le recyclage seront des éléments essentiels de la transformation des services de santé mentale et de toxicomanie dans le système de justice pénale. Nous croyons que pour maximiser les bienfaits de la formation, celle-ci doit être assortie d'un rigoureux programme de transfert et de diffusion des connaissances.

  (1115)  

    Grâce à mon travail dans le domaine de la santé mentale, je sais que l'agence Intégration communautaire Ontario, une très grande agence qui aide les gens qui ont des problèmes de développement, a un merveilleux site Web très concret que les employés des établissements peuvent visiter. Ils peuvent trouver des documents rédigés par d'autres employés, en langage clair, afin que les gens puissent le comprendre, que ce soit au milieu de la nuit ou pendant le jour, lorsqu'ils ont quelque chose qu'ils doivent savoir.
    Il y a littéralement des milliers de personnes qui travaillent dans les services correctionnels et le système de justice pénale au Canada. Nous devons leur donner un accès plus facile à l'information qui les aidera à faire leur travail. La commission n'est pas un organisme traditionnel de prestation de services. Sa principale mission est d'établir des projets de recherche et de démonstration dans un vaste éventail de secteurs, souvent en partenariat avec d'autres organismes, dans le but de trouver de meilleures façons de structurer le système et d'offrir les services.
    Dans le cadre de mon expérience avec les services correctionnels, j'ai vu le système évoluer au fil des ans, passant d'une série de programmes et de croyances à un système incapable de déterminer les solutions les plus efficaces, à cause d'une recherche insuffisante. J'ai observé le système pendant 20 ans lorsque je travaillais au ministère des Services correctionnels de l'Ontario, et nous sommes passés des fermes industrielles à des traitements et à des programmes d'éducation. On faisait ce qui fonctionnait le mieux selon le personnel ou le gouvernement en place, mais les recherches étaient très insuffisantes. C'est l'histoire des services correctionnels au Canada.
    L'occasion est maintenant offerte à votre comité de recommander que les projets de recherche et de démonstration deviennent un élément central de la grande transformation envisagée au sein du Service correctionnel du Canada. Les personnes sous la responsabilité du SCC atteintes d'une maladie mentale grave peuvent se faire traiter dans les centres régionaux de traitement. Je suis certain que vous les connaissez, et je pense que vous en avez visité un récemment. Il serait cependant utile d'avoir des établissements de santé mentale de niveau intermédiaire pour les personnes qui sont déjà passées par un CRT afin d'éviter qu'elles ne soient renvoyées directement au sein de la population carcérale des services correctionnels.
    Il faut qu'il y ait un niveau intermédiaire. La mise en place d'une stratégie cohérente en matière de santé mentale permettrait de mieux tirer parti, dans un cadre intermédiaire, de la transformation amorcée dans les CRT, grâce à un soutien accru et à l'accès à un traitement moins intensif. En fait, les personnes souffrant d'une maladie mentale ou gravement dépendantes de la drogue auraient peut-être avantage à passer par un établissement de niveau intermédiaire avant de réintégrer la collectivité, que ce soit après un séjour dans un centre régional de traitement ou dans un établissement de détention. Ainsi, les gens qui ont un problème de santé mentale, un problème de toxicomanie ou les deux pourraient être préparés de façon plus efficace à réintégrer le monde extérieur.
    Si l'on prend cette question du point de vue de la sécurité publique, cela pourrait très bien les rendre moins difficiles, moins dangereux et moins susceptibles de récidiver; il y aurait certainement une amélioration des soins qui leur sont fournis.
    Je pense que la mise en place d'un établissement de niveau intermédiaire devrait être considéré comme un projet pilote comportant un volet de recherche rigoureuse, de sorte que nous recommandons la création d'un tel établissement, mais seulement s'il y avait des recherches rigoureuses afin de vérifier si cela fonctionne réellement. De 2004 à 2008, en Ontario, les services de santé mentale ont vu leurs coûts grimper de 220 millions de dollars, mais ce chiffre représente néanmoins une diminution du budget consacré à des services essentiels de santé en Ontario.
    Au cours de la même période, les dépenses au titre des services offerts aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie n'ont pratiquement pas augmenté en Ontario. Malgré les études approfondies portant sur les services de santé mentale et les judicieuses recommandations formulées, les gouvernements ont généralement choisi de consacrer à d'autres priorités les fonds alloués à la santé.

  (1120)  

    Excusez-moi. Puis-je vous interrompre?
    Oui, allez-y.
    Nous avons des copies de vos remarques en main, et il ne nous reste qu'environ une heure. Peut-être que nous pourrions passer aux questions immédiatement.
    Oui, ça me va.
    Pourriez-vous conclure, en une minute, environ?
    Oui, tout à fait.
    D'accord. Vous avez déjà eu plus de 15 minutes.
    D'accord. Je conclus.
    Je pense que la dernière chose que je veux dire, alors, c'est qu'il est impératif de renforcer la capacité du secteur communautaire afin qu'il puisse traiter beaucoup plus de contrevenants mineurs aux prises avec un problème de santé mentale ou de toxicomanie, qu'ils leur soient envoyés par les tribunaux ou qu'ils soient remis en liberté après une période de détention.
    Je vous incite fortement à vous pencher non seulement sur les programmes institutionnels, mais aussi sur les programmes des services correctionnels fournis par le service fédéral dans la collectivité. Les agences comme St. Leonard's Society et Operation Springboard à Toronto, que je connais bien, sont d'excellents exemples d'agences qui peuvent aider les gens une fois qu'ils reviennent dans la collectivité.
    Nous sommes très heureux d'être ici devant vous pour représenter la commission, et je serai ravi, monsieur le président, de converser avec vous. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons passer immédiatement à l'opposition officielle. Monsieur Holland, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Thompson, de votre comparution devant le comité aujourd'hui.
    Nous avons entendu à maintes et maintes reprises, de la part de l'enquêteur correctionnel en particulier, mais également de nombreux témoins, que notre système carcéral est en fait utilisé pour entreposer les personnes atteintes de maladie mentale. Et les prisons, dans leur forme actuelle, ne sont pas un bon endroit pour qu'une personne prenne du mieux.
    Dans votre exposé, vous avez parlé de l'importance d'une intervention rapide et de la détection des problèmes avant qu'ils ne s'intensifient. Pouvez-vous me parler de deux choses? Premièrement, selon vous, comment cela fonctionne-t-il à l'heure actuelle? D'après vous, sommes-nous actuellement en mesure de détecter les gens rapidement et de veiller à ce qu'ils ne commencent pas à s'enfoncer dans une voie sombre?
    Deuxièmement, d'après vos opinions personnelles ou votre expérience au sein de l'organisation que vous représentez, quelles sont les incidences d'un séjour en prison sur quelqu'un qui est atteint d'une incapacité mentale?

  (1125)  

    Pour répondre à la deuxième partie de votre question tout d'abord, je dois dire que, pour quelqu'un souffrant d'une maladie mentale, être placé en détention aura sans doute des incidences négatives. Toutes les agences de service correctionnel dans le monde sont confrontées à un défi immense si une personne admise a une maladie mentale grave. Cette personne ne devrait pas être placée au sein de la population carcérale générale. Les agents de correction ne sont pas formés pour traiter avec ces gens. L'environnement institutionnel n'est pas le bon endroit pour les aider, non plus.
    Pendant que je travaillais pour les services correctionnels en Ontario, nous avons créé des établissements distincts pour ces personnes, comme les centres régionaux de traitement. À Brampton, l'Institut correctionnel de l'Ontario est un exemple de ce type d'établissement. Si ces gens sont dans un établissement de service correctionnel, on doit s'occuper d'eux séparément.
    La meilleure chose à faire, si c'est possible, c'est de prendre en charge ces gens lorsque les premiers signes de maladie mentale apparaissent, avant qu'ils n'aient à être envoyés dans les services correctionnels, et avant qu'ils aient enfreint la loi. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous dépensons moins aujourd'hui pour les soins de santé mentale qu'il y a plusieurs années en Ontario, et c'est aussi vrai partout au Canada. Si on ne dépense pas autant, et qu’on n’intervient pas au moment où l'on voit généralement les gens développés des maladies mentales — pendant leurs études secondaires ou au début de l'âge adulte — le temps passe, et souvent, les gens se retrouvent dans le système de justice pénale. Ensuite, les ministères comme le Service correctionnel du Canada doivent tenter de déterminer ce qu'ils peuvent bien faire et comment renverser cette détérioration importante qui s'est sans doute produite au cours de cette période. Nous devons intervenir plus tôt, et de façon plus efficace. Il existe toutes sortes de programmes qui ont été testés par certaines autorités. Ces programmes ne sont pas gratuits. Les écoles, les agences et les collectivités doivent travailler de concert pour mettre ces programmes en place.
    Les programmes de déjudiciarisation qui ont commencé à voir le jour ces cinq dernières années réussissent très bien à faire dévier les délinquants mineurs — qui, plus souvent qu'autrement, se retrouvent coincer dans des activités illégales en raison de leur maladie mentale, après avoir brisé une fenêtre, ou quelque chose d'idiot comme cela — par les policiers, les avocats de la Couronne, ou les tribunaux, vers un organisme de santé mentale. Cela arrive souvent aujourd'hui partout en Ontario, et probablement ailleurs au Canada. Nous serions très en faveur d'un tel programme.
    Le dirigeant des comités consultatifs de la Commission de la santé mentale, Steve Lurie, de l'Association canadienne de la santé mentale à Toronto, dit que ces organismes reçoivent toutes sortes de gens du système judiciaire de Toronto. Il est important de souligner qu'ils utilisent des services de secours du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto lorsque l'état de santé mentale de quelqu'un se détériore au point où ils ne peuvent plus s'en occuper. Transférer quelqu'un dans un organisme de santé mentale n'est pas suffisant; il faut qu'il y ait un système cohérent, sinon la personne se trouvera en difficulté.
    Vous avez mentionné des endroits où, selon vous, les interventions précoces sont bien réussies. Pouvez-vous nous en parler? Et plus précisément, pouvez-vous nous dire quels types d'interventions fonctionnent? À quoi ressemblent ces interventions?
    Deuxièmement, j'aimerais que vous parliez de l'approche selon laquelle il faut être strict avec quelqu'un qui commet un crime mineur; il faut lui donner une peine sévère et lui apprendre une leçon. D'après ce que vous avez dit, je crois comprendre que si c'est ce que l'on fait avec quelqu'un aux prises avec une maladie mentale, on crée un problème beaucoup plus grave qui engendre des coûts supplémentaires. La personne va finir par sortir, et commettra sans doute un crime plus grave.
    S'agit-il d'une bonne évaluation du phénomène?
    Oui, c'est ce que je dirais. Il est important de reconnaître une maladie mentale grave dès que possible et d'agir.
    Il y a quelques années, une étude a été réalisée au Canada; nous avons constaté que les personnes atteintes d'une maladie mentale qui fréquentent l'école secondaire voient généralement leur omnipraticien cinq fois dans les deux ans précédant le diagnostic. Un psychiatre pourrait nous dire — si David Goldbloom était ici — qu'on perd une chance incroyable pendant cette période d'entreprendre un traitement positif. Intervenir rapidement et procéder à une déjudiciarisation rapide sont les mesures à adopter lorsqu'on a affaire à des délinquants mineurs. Il ne faut pas les laisser passer à l'étape suivante, si possible.
    On ne peut pas toujours l'éviter. Il y aura toujours des gens souffrant de maladie mentale grave au sein du Service correctionnel du Canada et dans les services provinciaux, mais on pourrait en réduire considérablement le nombre. On commence à le faire. L'Association canadienne pour la santé mentale à Toronto et à Peel sont de bons exemples de programmes de déjudiciarisation.
    Il faut faire appel aux tribunaux, aux policiers — je sais que certains d'entre vous ont de l'expérience comme policiers —, aux juges et aux organismes communautaires pour établir des partenariats; sinon, cela ne fonctionne pas. Tout le personnel doit être formé pour traiter avec ce type de clientèle.

  (1130)  

    Très bien.
    Poursuivons maintenant avec le Bloc québécois.
    Madame Mourani.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Thompson, d'être présent parmi nous.
    J'ai deux questions à poser. La première est complémentaire à ce que vous venez de dire. Dernièrement, on a rencontré des personnes qui sont au courant des fameux tribunaux pour santé mentale et toxicomanie. J'ai constaté que ces tribunaux s'occupent essentiellement de délits mineurs. Lorsqu'on en arrive à des délits plus graves, ils sont référés aux cours habituelles. Pourtant, qu'on ait commis un délit grave ou mineur, lorsqu'on a un problème de santé mentale, on a un problème de santé mentale, point.
    Pensez-vous que ces fameux tribunaux de santé mentale ou de toxicomanie devraient également traiter les délits les plus graves et les référer à des hôpitaux spécialisés, où il y a une plus grande sécurité, plutôt qu'au système correctionnel?

[Traduction]

    Je crois qu'il serait dommage de demander aux tribunaux de santé mentale d'examiner tous les cas, y compris les plus difficiles, sitôt après leur mise sur pied. Si quelqu'un a commis un meurtre et souffre d'une maladie mentale grave, elle va devoir être traitée dans un environnement à très haute sécurité et ce, parce qu'il s'agit probablement d'une personne dangereuse. Alors pour des raisons de sécurité publique et de dissuasion, certaines personnes vont devoir se retrouver dans des installations à très haute sécurité, et on ne peut rien changer à cela. Le système de tribunaux en général doit apprendre à gérer ces gens plutôt que de s'attendre à ce que tous les tribunaux, tous les tribunaux de santé mentale, deviennent un refuge pour tous ceux qui semblent souffrir de problèmes de santé mentale. Alors non, je ne recommanderais pas aux tribunaux de santé mentale de prendre cette charge additionnelle à cette étape de leur évolution.
    Mais le système de tribunaux en général doit — et c'est une nécessité — avoir davantage la capacité de demander de l'aide psychiatrique au moment de déterminer les peines et de faire des recommandations à savoir où les personnes seront placées. Et puis, évidemment, le système provincial ou le système fédéral doit avoir le bon processus d'évaluation dès l'entrée d'une personne dans le système afin de savoir où la placer et de quel genre de soins elle a besoin.
    Je peux dire, parce que j'ai travaillé dans le système provincial pendant 20 ans, que toutes ces personnes passent par quelque part avant d'être pris en charge par le Service correctionnel du Canada. Elles ne viennent pas des tribunaux directement. Elles sont toujours dans un établissement provincial pendant un certain temps. Si ces établissements ne leur offrent pas un traitement adéquat — et c'est souvent le cas —, alors ces gens perdent beaucoup de temps avant d'arriver au Service correctionnel du Canada.
    Alors imaginez que je souffre d'une maladie mentale grave et que je suis dans une prison de Toronto. J'attends un an en prison avant que ma cause soit traitée et que je subisse mon procès. Qui sait comment évoluera ma condition de santé mentale pendant ce temps, mais elle n'est pas susceptible de s'améliorer.
    Alors il n'est pas suffisant de prévoir des services pour les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans le système fédéral. Il faut prévoir ces services dans tout le système correctionnel, et je pense que je dirais même que ce service doit en fait être un système intégré.

[Français]

    Il y a une chose que je ne comprends pas, monsieur Thompson. Vous dites qu'incarcérer une personne aux prises avec un problème de santé mentale ne permet pas d'améliorer son état. D'après ce que j'ai compris au sujet des fameux tribunaux de santé mentale, on procède à un genre de déjudiciarisation, de façon à ce que ces personnes puissent utiliser des ressources adaptées. Alors, pourquoi ne les réfère-t-on pas aux tribunaux de santé mentale? Est-ce une question d'argent?

  (1135)  

[Traduction]

    Je crois que c'est une question de nombre. Le nombre de personnes souffrant de problèmes de santé mentale qui ont commis des crimes graves est probablement assez élevé au Canada. Si c'était le cas, les tribunaux actuels seraient absolument débordés demain, et ils ne feraient pas le travail qu'ils font actuellement pour déjudiciariser les délinquants mineurs qui souffrent de problèmes de santé mentale. Ce n'est pas que nous n'avons pas besoin de services améliorés pour évaluer et aiguiller les délinquants qui ont commis une infraction grave; c'est que les tribunaux de santé mentale, dans leur forme actuelle, seraient débordés.

[Français]

    Dans un autre ordre d'idées, vous avez beaucoup parlé de stratégie nationale, plus tôt. C'est revenu à de nombreuses reprises dans votre discours. Or la santé mentale, en fait la santé en général, est du ressort des provinces et non du fédéral.
     Nous sommes allés à Oslo et au Royaume-Uni. Je pense que vous connaissez bien leurs systèmes. Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui ont commis des délits sont prises en charge par le système de santé. Bien sûr, la problématique provinciale-fédérale n'existe pas, là-bas.
    La grande question que je me pose mais à laquelle personne n'a répondu à ce jour — mais peut-être réussirez-vous à le faire — est la suivante: tout en respectant les compétences des provinces en matière de santé mentale et de gestion de la toxicomanie, comment peut-on mettre au point, ici au Canada, un système comme celui d'Oslo, par exemple, que j'ai trouvé vraiment très intéressant?

[Traduction]

    La stratégie de santé mentale que nous examinons doit être fondée sur l'appui des provinces, lesquelles financent le système de soins de santé. Notre président, Michael Kirby, et les membres de notre conseil travaillent fort pour maintenir la participation des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. C'est pourquoi nous avons cinq représentants des provinces au sein de notre conseil d'administration. Quatre sont des sous-ministres.
    Alors vous avez absolument raison: Cet appui est interactif pour nous. Nous sommes chanceux d'avoir le sous-ministre de Santé Canada au sein de notre conseil. Je ne peux pas prendre le crédit, mais grâce au travail d'autres personnes, nous avons un bon concept de travail d'équipe pour cette stratégie nationale, ce qui en fait une stratégie pancanadienne qui peut compter sur la participation de bailleurs de fonds à tous les niveaux.

[Français]

    Je suis une personne...

[Traduction]

    Nous allons devoir conclure. Très brièvement, s'il vous plaît.

[Français]

    Je suis une femme très terre à terre. Oublions les concepts de la stratégie nationale et concentrons-nous sur le quotidien des établissements carcéraux. Les pénitenciers fédéraux, par exemple, doivent actuellement gérer la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Compte tenu de chacune des lois provinciales en matière de santé, ils sont en quelque sorte assis entre deux chaises.
     Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait permettre que la loi des provinces en matière de santé soit appliquée dans les pénitenciers fédéraux et qu'il devrait rembourser les provinces par la suite? Que devrait-on faire exactement? C'est ma dernière question.

[Traduction]

    Veuillez être bref.
    Je crois que c'est un bon sujet à aborder pour la prochaine étape de la stratégie nationale. Je ne veux pas éviter la question, mais le débat dure depuis aussi longtemps que je puisse me souvenir, depuis 50 ans, à savoir comment le système de soins de santé provincial doit être présent dans les populations carcérales fédérales. À mon avis, les systèmes de soins de santé des provinces devraient jouer un plus grand rôle à l'égard de ces personnes.

  (1140)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Davies, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Thompson, de votre exposé très bien structuré.
    Ma première question est la suivante: dans votre exposé, vous avez dit qu'au fil de vos années d'expérience personnelle avec les services correctionnels, on est passé d'une série de programmes et de croyances à une autre, sans avoir fait la recherche nécessaire pour savoir ce qui fonctionnait le mieux. Pouvez-vous dire au comité s'il y a quelque chose qui se démarque, à votre avis, comme ayant eu un effet positif sur le système et qui pourrait être utilisé comme modèle et sur lequel on pourrait miser pour aider à régler les questions de santé mentale et de toxicomanie?
    Je vous dirais que de mettre tous les délinquants dans le même panier comme s'ils avaient tous la même personnalité revient à penser que les programmes de justice pénale conviennent à tous. J'ai vu ce phénomène dans les services correctionnels en Ontario. Lorsque je suis arrivé en 1960, nous avions des fermes industrielles partout et certains centres de formation d'adultes. Ensuite, nous sommes passés aux programmes d'éducation. Puis, nous sommes passés — je suis travailleur social — à des programmes de style thérapeutique. Je crois que, malheureusement, ces dernières années, à mon avis, nous sommes passés à des programmes beaucoup plus axés sur la détention, si je peux m'exprimer ainsi, et qui sont très surpeuplés, entre autres.
    Tous ces types de programmes peuvent fonctionner pour divers types de délinquants, à mon avis. Alors il n'y a pas une solution pour toute la population carcérale, pas plus qu'il y a des soins qui conviennent à tous les genres de maladie mentale, peu importe leur gravité. Une personne qui souffre de dépression mineure a besoin d'une approche complètement différente de celle que nécessite une personne qui souffre d'une condition psychiatrique grave comme la schizophrénie. Alors il faut avoir une gamme de programmes très diversifiée, et le service fédéral a tenté très fort d'y arriver au fil des ans, à mon avis. Mais c'est un défit de taille.
    Quitte à révéler mon âge, je me souviens qu'en 1969, dans un centre de formation pour adultes à Brampton, 80 p. 100 des gens qui suivaient la formation au centre n'y revenaient pas. J'ai fait ma recherche dans le cadre de mon diplôme en travail social sur ce centre. Tous les résidants que j'ai vus venaient de Hongrie comme nouveaux immigrants et avaient eu des démêlés avec la justice ici. Alors 80 p. 100 d'entre eux sortaient et ne revenaient jamais, Le taux de succès était très élevé et ce genre de programme fonctionnait pour ce groupe en particulier. Si on avait envoyé un groupe de personnes souffrant de problèmes de santé mentale qui avaient commis un meurtre suivre ce programme, il n'aurait pas fonctionné.
    L'hôpital psychiatrique où j'ai travaillé en Angleterre avait un modèle thérapeutique communautaire qui avait été inventé pendant la Seconde Guerre mondiale pour le syndrome du stress post-traumatique, appelé « traumatisme dû au bombardement » à l'époque. Ce modèle était utilisé pour cette population, composée surtout d'hommes, mais aussi de quelques femmes. Quand je suis arrivé là-bas, on traitait les gens qu'on appelait des « psychopathes délinquants ». On a fait transférer des gens d'établissements correctionnels et d'hôpitaux psychiatriques partout en Angleterre, et c'était un vrai gâchis. La recherche qui a soigneusement été menée là-bas démontrait qu'un tiers des personnes avaient fait des progrès considérables. Les gens qui s'y rendaient et le personnel estimaient que ces personnes étaient au bord du désespoir. Un tiers des personnes ont constaté une amélioration, si on peut s'exprimer ainsi, un tiers des personnes ont fait des progrès considérables, et un tiers des personnes n'ont fait aucun progrès.
    Ce programme était très intensif et très inhabituel parce que les patients participaient en grand nombre. Il n'y avait pas de médicaments. Tout se faisait en groupe. C'était très, très inhabituel. Le Service correctionnel du Canada a tenté l'expérience du programme thérapeutique communautaire à Springhill il y a quelques années. Il comportait certains avantages pour certains segments de la population. Mais il n'a pas fonctionné pour tout le monde.
    Pour résumer, vous semblez dire que notre système correctionnel fédéral a besoin d'avoir toute une gamme de programmes pour gérer les problèmes de santé mentale efficacement, depuis les programmes de formation professionnelle jusqu'aux programmes agricoles, en passant par les programmes thérapeutiques.
    Estimez-vous que c'est le cas actuellement dans le système?
    Je crois que personne ne dirait que le Service correctionnel du Canada ou les services provinciaux ont la gamme de programmes ou la capacité d'y inscrire les délinquants au bon niveau de détention, ce qui est un autre problème grave lorsqu'on gère des programmes correctionnels. Nous n'avons pas la gamme de programmes, ni la capacité d'incarcérer les gens avec le personnel nécessaire au bon moment. La formation est une exigence extraordinaire pour ces types d'établissements. On ne peut pas simplement démarrer un programme thérapeutique communautaire demain et espérer qu'il fonctionne.
    La réponse, malheureusement, est non, à mon avis.

  (1145)  

    J'aimerais revenir sur un point dont vous avez parlé, et je me demande si vous avez une opinion à ce sujet.
    Il y aura peut-être désaccord au sein du comité, mais il semble, d'après certains ici, qu'on a recours à l'isolement comme outil pour les détenus difficiles à gérer. Nous croyons peut-être tous que l'isolement a un rôle à jouer dans certains cas, mais on craint qu'à mesure que le nombre de détenus souffrant de problèmes de santé mentale augmente dans la population carcérale, que certains soient placés en isolement.
    Je me demande si vous avez des commentaires à faire pour nous aider à comprendre cette question.
    Je peux vous parler de mes expériences lorsque j'étais surintendant des services correctionnels — ou directeur d'établissement, comme le système fédéral les appelle aujourd'hui. À l'époque, je disais en riant que je pouvais avoir un service le jour même du système psychiatrique. Mon médecin envoyait une personne souffrant de problèmes de santé mentale à l'hôpital psychiatrique, et cette personne revenait le même jour, parce que l'hôpital psychiatrique disait: « Nous n'avons pas le personnel de sécurité nécessaire pour traiter ces gens. Pourquoi nous les envoyez-vous? » Cela démontre bien que le système de soins de santé à l'époque n'était pas prêt à prendre en charge les cas les plus difficiles — et, en grande partie, il ne l'est pas plus aujourd'hui.
    En fait, dans le domaine psychiatrique, certains diront certainement que nos méthodes psychiatriques ne sont pas à point pour traiter beaucoup de ces gens. Évidemment, quelque chose ne va pas, et on ne se fie pas trop à eux de nos jours.
    Alors le personnel correctionnel — les directeurs et le personnel supérieur des établissements — finit par placer des gens en isolement sans raison valable, simplement parce qu'il ne sait plus quoi faire d'eux. Je crois que c'est un problème grave. Évidemment, lorsqu'on place quelqu'un dans une telle cellule sans rien autour, la situation ne peut pas s'améliorer.
    Votre temps est écoulé. Avez-vous une brève question complémentaire?
    Avez-vous des suggestions à nous faire relativement au traitement de ces gens?
    Certainement. Je les sortirais de la population régulière pour les placer dans un centre psychiatrique géré par le SCC et doté de suffisamment de sécurité pour les maîtriser. Certaines personnes ne réagiront pas bien, mais cette situation est préférable à se retrouver sous la surveillance d'un mauvais directeur d'établissement, de personnel supérieur et d'agents de correction qui tentent de s'occuper de ces personnes en sachant très bien qu'ils n'obtiendront pas les résultats escomptés.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer au gouvernement.
    Monsieur Norlock, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur Thompson, de votre présence. Je vois déjà quelque chose de positif découler de votre présence ici, simplement parce que vous nous avez donné des instructions claires quant à savoir par où commencer. Il faut ramper avant de marcher, quoi. Je suis ravi de voir que vous utilisez l'approche progressive.
    Vers la fin de votre témoignage — et je ne trouve pas la situation drôle —, vous avez dit que vous aviez du service le jour même. J'ai travaillé dans le domaine policier en Ontario, et il nous arrivait à l'occasion d'avoir à remplir un formulaire 1. En raison de notre emplacement géographique dans le Nord, on envoyait les gens dans un établissement local pour les faire évaluer. Souvent, ils étaient de retour dans la communauté avant même notre retour. Alors nous avions du service le même jour également. Ce n'est pas une plainte; c'est simplement la réalité. Et je comprends la complexité de la situation.
    Vous avez parlé de la stigmatisation des gens qui souffrent de maladies mentales, pas seulement dans la communauté en général, mais dans les établissements mêmes où ces personnes se font traiter, et dans les services correctionnels. Puisque nous parlons ici justement des services correctionnels, pouvez-vous proposer un programme que vous connaissez — peut-être au provincial, puisque vous y avez travaillé — qui n'existe pas au Service correctionnel du Canada et que le comité pourrait recommander?

  (1150)  

    Je vous parlerais d'un programme que le Bureau of Prisons des États-Unis avait mis en place il y a un certain nombre d'années. Je ne sais pas ce qui se fait de nos jours. On réunissait toutes les nouvelles recrues — peu importe s'ils étaient psychiatres ou agents de correction — à l'une ou l'autre des deux ou trois installations qui existaient à l'époque, et on offrait un programme de formation pour tous au même endroit. Votre poste n'importait pas; ce qui comptait, c'était d'avoir l'occasion de vous montrer comment les services correctionnels là-bas, le Federal Bureau of Prisons, voulaient fonctionner.
    Pour ce qui est d'avoir un bon départ pour quiconque commence le programme, dans le domaine de travail dont il est question, je pense que c'est une bonne façon de procéder. Ainsi, vous n'êtes pas jumelé à quelqu'un qui a été engagé et qui vient d'un tout autre domaine, qui a commencé comme agent de correction hier, qui est nouveau à un établissement, qui est probablement mis en poste beaucoup trop tôt, comme c'est le cas dans la plupart des administrations, et qui n'a pas suffisamment de formation ou d'expérience. Nous pouvons beaucoup apprendre des services policiers à cet égard, qui offrent beaucoup plus de formation au début de la carrière.
    Je sais de mon expérience à l'Association canadienne pour la santé mentale que l'un des nôtres, une personne qui souffrait d'une maladie mentale grave, travaillait comme formateur avec la police de Toronto et avait, il me semble, une très bonne relation avec les agents. Il estimait que des policiers avaient sauvé sa vie à plusieurs reprises, et il avait probablement raison. Son approche n'était pas axée sur la critique; il leur disait simplement, « Voici comment on se sent quand on souffre de troubles psychotiques et qu'un groupe de policiers s'amènent vers vous parce que vous agissez de façon très étrange. Voici comment on se sent. Voici ce que j'ai vu ». Cette personne se souvenait très bien de ce qui lui était arrivé. Il était plus que reconnaissant envers la police. Ce genre de formation n'est pas offerte par la plupart des services correctionnels.
    Alors je miserais beaucoup sur la formation et le recyclage.
    Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, il faudrait que de nos jours, il y ait un outil électronique en ligne pour les services correctionnels, qui puisse être consulté à tout moment, au travail ou même à la maison, du matériel de formation disponible sur support électronique. Les gens ne se souviennent pas de tout ce qu'ils ont appris lors d'une formation de deux semaines, de trois mois, ou peu importe, et ils ont besoin de pouvoir revenir sur la matière et d'y songer à mesure qu'ils prennent de l'expérience. Aujourd'hui, ils ont peut-être eu à superviser une personne schizophrène. Ils voudront peut-être se renseigner sur le sujet et en apprendre davantage sur la marche à suivre dans ces situations.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Il y a certaines choses que j'aimerais que le comité aborde dans ses recommandations. D'abord, comment faire en sorte que ces personnes ne se retrouvent pas dans les établissements à sécurité maximale, voire même à sécurité moyenne? Et comment peut-on déjudiciariser le processus pour elles une fois qu'elles ont commis un crime?
    En réponse à l'une des questions qui vous a été posées, vous avez dit que certains ont commis un crime tellement grave qu'il faut assurer un certain niveau de sécurité qui n'existe peut-être pas actuellement. Je parle, évidemment, de notre expérience à Saskatoon, où la prison s'est littéralement transformée en hôpital. Les gens qui y sont incarcérés sont traités davantage comme des patients plutôt que des détenus. Et nous avons vu une grande diversité de cas.
    Si vous le pouvez, de façon aussi succincte que possible — et je sais qu'il peut y avoir des différences, mais veuillez simplement soulever les points principaux —, j'aimerais que vous nous disiez comment ces gens, une fois dans le système des tribunaux, peuvent être aiguillés vers le bon centre. C'est une question pratique, parce que comme pays, nous nous dirigeons vers un déficit, tout comme le reste du monde industrialisé, voire le monde entier, alors il vaudrait mieux être prêts à investir ou à réaffecter des fonds dans ce qui fonctionne; quels sont vos commentaires là-dessus? Et ensuite peut-être que vous pourriez nous dire comment traiter les gens. Vous avez déjà parlé de deux endroits, un à Toronto, Operation Springboard, et la Société St. Léonard.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu de tout cela.

  (1155)  

    Nous n'avons plus de temps, mais je vais tout de même vous donner la chance de répondre.
    Vous avez visité l'établissement de Saskatoon. Il y en a un autre près d'ici, à Brockville, que je vous recommande de visiter également. Il est géré par l'Hôpital Royal Ottawa; il s'agit d'un établissement provincial. Ce sont les agents de correction qui s'occupent de la sécurité, tandis que les thérapeutes — le personnel de l'Hôpital d'Ottawa — le gèrent. Cela fonctionne.
    Je connais quelqu'un qui, aux prises avec des troubles mentaux, a tué son enfant et a été placé dans cet établissement par les tribunaux. Il a bien réagi au traitement, et je suis entré en contact avec lui pendant que j'étais à l'Association canadienne pour la santé mentale. L'autre jour, il m'a envoyé un courriel me disant qu'il avait été relâché. Il est maintenant de retour dans sa collectivité, dans sa famille. Il est en complète liberté, sans supervision.
    Cela a fonctionné pour lui. Si on l'avait envoyé dans un établissement ordinaire, pendant 20 ans, que ce serait-il passé au bout du compte? Il est maintenant de retour au sein de sa famille; il travaille, il se refait une vie, pour lui et sa famille. J'envisagerais donc ce genre d'établissement. Vous en avez d'ailleurs visité un semblable.
    Nous avons besoin d'établissements de niveau intermédiaire. Il faut établir des liens entre ce qui existe dans les établissements — la diversité dont nous avons discuté plus tôt, dont M. Davies a parlé — et les collectivités. Les gens qui sortent des institutions ou des programmes doivent avoir accès à un type d'établissement qui leur permet de nouer un lien avec la collectivité. Il faut éviter les transitions brutales.
    La Société St-Léonard a géré divers cas complexes au fil des années, tout comme Operation Springboard. Il s'agit de deux bons exemples d'organisations qui savent ce qu'elles font, à mon avis, qui savent comment s'occuper des gens dans la collectivité qui posent problème et qui, selon certains, peuvent même être dangereux.
    Merci beaucoup.
    On passe maintenant à M. Kania. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur, je cite votre exposé:
De nombreux jeunes atteints d'un trouble mental sont laissés pour compte et, plus le temps passe, plus il devient difficile de traiter leur maladie. Devenues jeunes adultes, certaines de ces personnes finiront inévitablement par avoir des démêlés avec la justice.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous avons notamment découvert qu'une grande partie des détenus font face à ce genre de difficultés. En ce qui concerne notre rapport, à mon avis, la première partie devrait porter sur la prévention, parce que si l'on peut empêcher les gens de commettre des crimes en soignant leurs troubles mentaux ou leurs toxicomanies — et c'était l'autre aspect, mais je ne vous poserai pas de questions à ce sujet —, nous prenons de toute évidence des mesures préventives pour réduire la population carcérale et aider les gens.
    J'aimerais que vous nous fournissiez des conseils précis et concrets, si possible. J'ai lu votre dépliant, et je sais que vous avez fait du bon travail. Alors, selon vous, que devrions-nous faire, concrètement, pour prévenir ce genre de problèmes? Suffit-il d'envoyer des psychiatres ou d'autres spécialistes dans les écoles? Quelles sont vos pistes de solutions pour prévenir ce genre de problèmes dès le début?
    Ce n'est certainement pas simple, et il n'existe pas de solution miracle.
    Par exemple, hier à Toronto, j'ai participé à une réunion d'organismes qui s'occupent des communautés somaliennes, tamouls et des Caraïbes qui essaient d'adopter une approche différente, qui ne mise pas uniquement sur les soins de santé mentale et le traitement psychologique des personnes concernées. Ces organismes tentent de faire participer les collectivités, d'établir des liens entre celles-ci et les gens, par l'entremise de leurs croyances spirituelles. Nombre des nouveaux arrivants au Canada ont des relations solides avec leurs familles, de même que des liens spirituels très forts. Ils peuvent aussi avoir des démêlés avec la justice, et être atteints de troubles de santé mentale. Je pense qu'il faut donc mettre au point un programme qui tienne compte de tous ces aspects.
    C'est ce que ce groupe tente de faire. Il effectue de la recherche sur une série de programmes intéressants. Ces gens se rencontrent à mi-parcours pour évaluer le projet. J'étais là, et j'écoutais attentivement, en tant que représentant de la Commission de la santé mentale. Voilà donc des exemples de programmes préventifs.
    Je pense qu'il faudrait faire bien davantage pour aider les nouveaux arrivants au Canada qui ont échappé à des situations traumatisantes. Certaines des personnes avec qui je me trouvais hier ont vécu des choses avant d'arriver ici que je n'ose même pas imaginer. Si on ne répond pas mieux aux besoins de ces gens, certains d'entre eux vont mal finir. Ils vont se retrouver entre les mains de Service correctionnel Canada à un moment donné et ils auront de gros ennuis, comme ces Hongrois dont j'ai parlé et avec qui j'ai travaillé en 1959. Si ces jeunes hommes n'avaient pas eu accès à ce programme positif dans cet établissement, ils auraient bien pu avoir de gros ennuis plus tard. Si l'on veut miser sur la prévention, il faut mettre en oeuvre un programme cohérent qui tient compte de toutes les facettes.
    L'Association canadienne pour la santé mentale et d'autres organismes — la Mood Disorders Association et la Société de la schizophrénie — passent le plus clair de leur temps à faire de la prévention, à sensibiliser les collectivités afin qu'elles traitent les personnes atteintes de maladie mentale et les toxicomanes de façon différente. Il y a bien à apprendre des programmes que ces organisations ont mis en oeuvre et qui fonctionnent — parce qu'ils fonctionnent vraiment, dans bien des cas. Or, la plupart sont sous-financés. Nous avons tendance à attendre qu'on nous assomme avec un crime grave avant de passer à l'action.
    L'essentiel de votre question, je pense, c'est que nous devrions intervenir plus tôt, et c'est vrai. C'est ce qu'on fait dans les écoles — et pas seulement avec des psychiatres. Beaucoup de gens moins spécialisés peuvent effectuer ce genre de travail dans les écoles, et assurer une intervention précoce. Aux États-Unis, il n'est pas rare de voir un travailleur social, puis un psychologue, avant d'être renvoyé à un psychiatre. Au Canada, on s'amène avec l'artillerie lourde. Si vous êtes atteint de troubles psychiatriques, on vous aiguille souvent vers la personne la plus hautement qualifiée d'abord. Les psychologues et les travailleurs sociaux ne sont pas aussi bien financés. C'est un autre élément dont il faut tenir compte.

  (1200)  

    Allez-y brièvement, puisque vous n'avez plus de temps, monsieur Kania.
    C'est en raison de la nature de la question.
    Encore une fois, auriez-vous un plan concret — en dix points, par exemple? Pourriez-vous nous dire quelle mesure adopter, sur quoi travailler, quel problème résoudre? Vous êtes ici au Parlement du Canada: nous pouvons en faire beaucoup. C'est le genre de recommandations qui pourraient nous aider.
    Si vous ne pouvez répondre maintenant, croyez-vous que vous pourriez travailler là-dessus avec votre personnel et nous répondre plus tard?
    Absolument. J'allais tout simplement ajouter que d'autres s'y connaissent beaucoup mieux que moi en matière d'activités de promotion de la prévention, et que les nombreuses recherches à cet égard ont produit des résultats concrets sur lesquels on se base déjà en ce moment.
    Je le ferai donc volontiers, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    On passe maintenant du côté du gouvernement, à M. McColeman, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Thompson, d'être ici.
    J'aurais une observation un peu plus personnelle, puisque d'une certaine façon, vous m'avez aidé à mieux comprendre toute cette diversité dont on parlait. Jusqu'à maintenant, la perspective de devoir formuler des recommandations cohérentes à cet égard me semblait un peu décourageante. Or, vous m'avez aidé à mieux concevoir la situation, et vous avez souligné un certain nombre d'excellentes initiatives.
    L'un des éléments les plus importants est la relation avec la collectivité. La réussite dépend vraiment de l'efficacité de cette relation avec la communauté.
    Pour ce faire, il faut établir des liens au sein des communautés avec les établissements d'enseignement supérieur et postsecondaire qui offrent des programmes précis. Étant donné votre expérience et vos vastes connaissances, j'aimerais vous poser une question: selon vous, nos programmes de criminologie, ou d'autres disciplines, nous permettent-ils de produire — si l'on peut dire — des diplômés spécialisés et compétents qui s'intéressent à ces initiatives?

  (1205)  

    Pas suffisamment, c'est certain. Nous ne formons pas suffisamment de gens.
    J'insisterais moins sur la formation des gens spécialisés. Les psychiatres obtiennent une excellente formation. Les psychologues également. Quant aux travailleurs sociaux, leur formation s'améliore. Je pense qu'il faut plutôt se pencher sur le groupe inférieur suivant. Qu'en est-il des enseignants, dont on pourrait diversifier la formation, ou des autres intervenants dans les écoles qui pourraient aider dans ce genre de situation à favoriser une intervention précoce? Il n'est pas nécessaire que ce soit un psychiatre, ou même un travailleur social ou un psychologue. Beaucoup de gens pourraient obtenir une formation de base pour se rendre utile.
    La Commission de la santé mentale va probablement reprendre à son compte un programme adopté par l'Alberta, « Premiers soins en santé mentale ». Si vous n'en avez jamais entendu parler, sachez qu'il est offert un peu partout dans le monde. Il a été inventé en Australie. Il s'agit d'un programme de formation de base, un peu comme de la RCR pour la santé mentale, je dirais. C'est un peu comme l'équivalent de savoir comment aider une personne ayant des problèmes cardiaques, ou comment faire le bouche-à-bouche.
    Il faudrait que beaucoup plus de personnes obtiennent cette formation de base, sans spécialisation prétentieuse, afin de pouvoir aiguiller les gens et effectuer un certain triage. Dans les écoles secondaires, tous les adolescents sont différents. Si vous en avez, certains jours vous vous demandez probablement s'ils n'ont pas de troubles mentaux, et d'autres, tout semble bien aller. L'adolescence est traumatisante pour nous tous, et il est parfois extrêmement difficile de savoir si un jeune a véritablement des problèmes graves ou pas. Avec un minimum de formation, on peut le déterminer et ainsi faciliter la tâche aux enseignants et aux autres intervenants dans les écoles. C'est pourquoi, selon moi, ce genre de formation est primordial.
    Il faut tout de même plus de spécialistes. Je sais que Service correctionnel du Canada ne réussit pas à attirer suffisamment de psychologues, et d'autres spécialistes de ces diverses disciplines. C'est en partie parce qu'il faut que leur environnement leur donne de l'espoir en tant que thérapiste, ou aide. Dans une certaine mesure, il faut changer la culture dans les établissements pour attirer les gens, pour rendre l'environnement plus intéressant.
    Lorsque j'ai commencé à travailler au Department of Reform Institutions en 1960 en Ontario, les gens de ma faculté de travail social à l'Université de Toronto me disaient: « Le dernier endroit où j'irais travailler, c'est au Department of Reform Institutions, c'est évident. » Or, j'ai été assez fou pour y aller, et j'y suis resté pendant 20 ans. Il faut que les gens soient attirés par ce genre d'environnements difficiles. Ceux d'entre vous qui avez été policier le savez. Ce n'est pas un métier facile, et ce l'est encore moins lorsqu'il faut traiter avec des gens atteints de maladie mentale, c'est certain.
    L'un d'entre vous m'a demandé où l'on gaspille de l'argent. Ceux d'entre vous qui avez été policier savez qu'on perd énormément d'argent lorsque deux agents doivent rester au service des urgences d'un hôpital pendant des heures et des heures pour superviser une personne atteinte d'une maladie mentale grave jusqu'à ce qu'un spécialiste l'examine, et peut-être même la renvoie. Je vois que vous acquiescez. Voilà un terrible gaspillage de ressources. Nous devons changer les choses, puisqu'on peut véritablement faire mieux.
    Des témoins sont venus nous parler de la toxicomanie — des tribunaux de traitement de la toxicomanie et de traitement de la santé mentale —, qui mettent au point... Je pense que nous devrions nous attaquer de façon proactive à la question de l'orientation au stade initial. Croyez-vous que ces établissements pourraient jouer un rôle beaucoup plus important à l'avenir en se chargeant d'orienter les gens vers les bons traitements?
    Prenez le temps de répondre brièvement.
    Allez-y.
    Vous parlez des établissements dans la collectivité qui font affaire avec ce genre de clientèle?

  (1210)  

    Pas vraiment. On donne au délinquant primaire le choix d'avoir recours à ces tribunaux afin d'être orientés vers les bons programmes, évitant ainsi de se retrouver en mauvaise situation.
    Absolument. Le tribunal de Scarborough, à Toronto, est un bon exemple de ce genre de triage. Vous devriez donc discuter avec celui qui, maintenant titulaire d'un doctorat, travaille pour ce tribunal, ainsi que pour l'Association canadienne pour la santé mentale. Il est un expert de l'orientation précoce des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ou les deux, et il aide le tribunal, les policiers et d'autres intervenants à décider qui devrait être aiguillé vers des organismes communautaires.
    On en sait donc plus long sur la question, et on met ces principes en pratique.
    Merci.
    Madame Mourani, je vous prie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Thompson, j'aimerais que vous me parliez un peu des établissements de santé mentale de niveau intermédiaire. Que voulez-vous dire concrètement par le mot « intermédiaire »? S'agit-il d'établissements sous l'autorité du Service correctionnel du Canada, d'un service communautaire, des provinces?

[Traduction]

    Selon moi, il devrait s'agir d'un établissement du Service correctionnel du Canada qui offrirait des soins moins intensifs que le centre régional de traitement que vous avez visité, ou que l'établissement de Brockville dont je vous ai parlé, qui est géré par la province. Il s'agirait d'un établissement intermédiaire, puisqu'il est très difficile de passer d'un hôpital psychiatrique — et imaginez des services correctionnels — à la collectivité, sans aucun appui. Imaginez que vous êtes au Centre for Addiction and Mental Health à Toronto, que vous bénéficiez d'un programme de traitement avancé, et que, soudainement, vous vous retrouvez dans la collectivité, sans aucun soutien. Les gens qui passent du centre régional de traitement à un pénitencier ordinaire ont probablement l'impression d'avoir frappé un mur. Leur état pourrait bien se détériorer, et il pourrait décompenser très rapidement dans ce genre d'environnement. Ils pourraient être beaucoup mieux traités dans une maison de transition, si vous préférez cette expression. Il s'agirait d'un établissement du Service correctionnel, mais offrant des soins moins intensifs et qui permettrait une transition à la vie dans la collectivité.
    Je pense qu'il est difficile pour les gens atteints de troubles mentaux graves de passer d'un CRT directement à la collectivité. En outre, c'est un gaspillage de ressources que de garder dans les CRT des gens qui pourraient bénéficier de soins moins intensifs. Si l'on créait ce genre d'établissement, je suis certain que bien des gens pourraient y séjourner, plutôt qu'au CRT, et bénéficier d'un programme un peu moins intensif.

[Français]

    Quand vous dites « intermédiaire » voulez-vous parler concrètement d'un nouveau genre d'établissement ou des maisons de transition? Par exemple, il existe déjà au Service correctionnel du Canada des maisons de transition, des CCC, créés spécifiquement pour des personnes atteintes de maladie mentale, comme le CCC Martineau à Montréal.
    Est-là ce ce que vous entendez par « intermédiaire »? Sinon, y a-t-il un autre genre de structure que le Service correctionnel du Canada devrait bâtir, qui ressemblerait plus à un hôpital? Je ne comprends pas le mot « intermédiaire », je suis désolée.

[Traduction]

    Ce serait plutôt la deuxième option. Il s'agirait d'un établissement, puisqu'il existe déjà des installations communautaires. Il s'agirait de gens qui ne sont pas encore prêts à vivre dans la collectivité, mais qui se retrouvent, en matière de santé mentale, à quelque part entre le commun des mortels et la psychose grave, par exemple. Si vous êtes en proie à une schizophrénie grave, vous devriez être au CRT. Lorsque vous commencez à répondre au traitement, que vous soyez déprimés ou que vous ayez d'autres troubles psychiatriques, vous pouvez alors être transféré à un programme moins intensif.
    Ce serait à peu près l'équivalent, j'imagine, d'un centre de ressources communautaires, comme celui dont vous avez parlé au Québec, mais ce serait dans un établissement. Je suis convaincu que de nombreuses personnes qui ne sont pas prêtes à se réinsérer dans la collectivité pourraient bénéficier de ce genre d'établissement de niveau intermédiaire. Toutefois, comme je l'ai dit dans mon exposé, j'en ferais sans aucun doute un projet pilote de recherche. Je ne me contenterais pas de construire un établissement et d'espérer que cela fonctionne. J'effectuerais des recherches minutieuses et j'essaierais différentes méthodes.

  (1215)  

[Français]

    Enverrait-on ces gens dans ces centres intermédiaires en fin de mandat, en milieu de mandat ou quand le risque de dangerosité serait diminué? En vertu de quels critères irait-on dans un centre intermédiaire?

[Traduction]

    D'abord, je recommanderais que ces établissements offrent des soins moins intensifs que ceux prodigués dans un CRT. On y retrouverait des gens qui ont déjà séjourné dans un centre régional de traitement, qui ont été atteints de troubles mentaux graves, et qui sont maintenant prêts à effectuer la transition vers un établissement offrant des soins moins intensifs, sans toutefois pouvoir intégrer directement la collectivité. Certaines de ces personnes, si elles ont purgé presque toute leur peine ou peuvent être libérées sous condition, peuvent très bien passer directement de l'établissement d'un niveau intermédiaire à la collectivité. Si ces gens ont encore des troubles mentaux ou des problèmes de toxicomanie, alors ils doivent probablement être envoyés dans le genre d'établissement comme celui de Montréal dont vous avez parlé.

[Français]

    C'est fini? D'accord. Merci.

[Traduction]

    Oui, désolé. Merci.
    On passe maintenant au parti ministériel, avec Mme Glover, puis à M. Oliphant.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, ainsi qu'un Joyeux Noël.
    J'avais bien hâte de voir ce que vous alliez dire au sujet du gaspillage de temps et d'argent dans les services de police. Je suis contente que vous le reconnaissiez, parce que j'ai passé de nombreuses années dans ce domaine, comme mes collègues de ce côté-ci de la Chambre. La situation que vous avez décrite est très décourageante: deux agents de police attendent — comme je l'ai fait — de cinq à dix heures, parfois plus, dans un hôpital, pour qu'au bout du compte, le patient, qui montre des signes clairs de maladie mentale, soit relâché parce que le seul critère que doit respecter le psychiatre, c'est si la personne pose un danger immédiat pour elle-même ou pour d'autres. J'ai l'impression qu'on manque alors à notre devoir envers ces gens. Je suis convaincue que c'est là que la prévention dont parlait M. Kania prend toute son importance. C'est là qu'il faut miser sur la prévention. Il faudra travailler en étroite collaboration avec les provinces pour les encourager à mettre un frein à ce gaspillage de temps et d'argent.
    J'ai également aimé ce que vous avez dit dans votre exposé au début, lorsque vous parliez d'élaborer un programme semblable à celui qu'on offre aux professionnels de la santé. J'ai remarqué que vous aviez distribué certains dépliants qui énumèrent les projets et programmes essentiels que la Commission de la santé mentale s'engage à offrir. J’aimerais que vous nous expliquiez comment Service correctionnel pourrait reprendre ces programmes à son compte.
    J'ai bien compris lorsque vous avez parlé du programme de lutte contre la stigmatisation. Votre programme « Changer les mentalités » est très bien expliqué dans votre dépliant, donc je comprends l'aspect de la sensibilisation. Toutefois, je ne comprends pas bien comment fonctionneraient les projets pilotes de recherche, celui pour les professionnels de la santé et celui financé par le gouvernement du Canada, dans le cadre duquel vous offrez un logement à certains sans-abri pour déterminer si cela aura ou non des répercussions positives sur leurs relations ou leur traitement, par opposition à un groupe témoin qui ne se verra offrir aucun logement. Vous dites vouloir étudier comment ces gens vont effectuer la transition vers les traitements. Comment adopter ce modèle dans les établissements correctionnels? Comment mener des recherches et des projets pilotes comme vous le proposez dans un établissement sécurisé?
    Je ne sais pas trop comment on s'y prendrait, et c'est pourquoi j'aimerais entendre vos suggestions.
    Revenons à l'idée des établissements de niveau intermédiaire, par exemple, puisque pour l'instant, de nombreuses personnes au sein du système correctionnel passent directement des CRT à la collectivité. Prenez un groupe de 300 personnes devant réintégrer la société, choisissez-en 150 au hasard qui séjourneront dans un établissement de niveau intermédiaire, et voyez quelle solution fonctionne le mieux. Ce serait une façon d'effectuer des recherches.

  (1220)  

    Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a pas nécessairement dans un établissement 300 personnes toutes au même stade de leur traitement ou de leur guérison. Il faudra donc aller chercher des gens un peu partout au pays pour les faires participer à ce projet pilote de recherche. Je pense que cela poserait problème, parce qu'ils voudraient tout de même avoir accès à leur famille et à leurs réseaux d'aide déjà établis. Voilà pourquoi je me demande un peu comment on fonctionnerait, tout en tenant compte des besoins en matière de soutien de ces gens.
    Je suis prêt à parier que si le commissaire du Service correctionnel était ici, il pourrait vous trouvez 300 personnes en moins d'une demi-heure au sein de la société qui pourraient bénéficier d'un séjour dans un établissement de niveau intermédiaire, sans compter les gens qui sortent du CRT. Je pense que ces deux groupes pourraient profiter de ce genre d'établissement.
    Il est évident que de nombreuses personnes prises en charge par le Service correctionnel du Canada sont atteintes de troubles mentaux modérés. Selon moi, le problème ne relève pas du nombre de gens qu'il faudrait trouver, mais plutôt de la complexité de ce genre de recherche. En ce qui concerne les recherches sur les sans-abri que nous avons entrepris, ceux qui s'y connaissent — et je ne prétends pas être l'un d'eux — nous disent que c'est le plus important projet de recherche opérationnelle sur les sans-abri a jamais avoir été mené dans le monde. Il s'agit d'un effort tout à fait louable.
    Or, c'est également très coûteux. Ce n'est pas le genre d'initiatives qu'on peut réaliser sans un appui financier considérable. Ce programme, sur cinq ans, coûte 110 millions de dollars. J'ai été sous-ministre du Logement en Ontario, et je sais ce qu'il en coûte. Si l'on divise 110 millions de dollars par cinq, on se rend compte que cela représente très peu si on veut offrir aux gens un loyer proportionnel à leurs revenus. Les logements ne sont pas donnés de nos jours. Si on y ajoute des traitements, cela devient très onéreux.
    Il serait très coûteux d'effectuer de la recherche et d'offrir du logement et des traitements, mais cela en vaudrait vraiment la peine. Cela pourrait régler nombre des problèmes au sein des établissements correctionnels fédéraux qui sont causés, en quelque sorte, par les gens atteints de troubles mentaux graves — les gens qui rendent la vie des agents correctionnels et de leurs codétenus insoutenable, parce qu'ils ne savent pas comment traiter ces cas extrêmement complexes.
    Je pense que ce genre de projet de recherche est réalisable. Nous avons des experts en matière de recherche qui pourraient aider le Service correctionnel du Canada. Nous avons environ 25 projets de recherche en cours, en plus de ceux sur les sans-abri.
    Merci. Nous allons nous arrêter là pour l'instant.
    Monsieur Oliphant, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur Thompson. Je voudrais faire trois choses, pendant que vous êtes ici.
    La première, c'est vous remercier pour votre remarquable service à la population, qui à vrai dire s'est poursuivi bien longtemps après ce que l'on attendait. Vous représentez ce qu'il y a de mieux dans la fonction publique de notre pays. Tout comme Bob Carman et les gens avec qui je travaille, je suis content que vous poursuiviez votre travail. C'est formidable.
    Deuxièmement, je voudrais vous renvoyer la balle. C'est ce que je fais lorsque les gens viennent me rencontrer à mon bureau pour défendre une cause. Je leur renvoie la balle et je défends ma cause auprès d'eux. Je voudrais prendre un instant pour demander à la commission de se concentrer sur les personnes incarcérées, car elle ne s'en est pas occupée jusqu'à présent.
    Dans notre travail, nous constatons que ce segment de la population est laissé pour compte. J'estime que la commission a le devoir d'élargir la portée de son travail de façon à inclure les personnes souffrant de maladie mentale qui suscitent le plus de réticence, car elles ont commis des crimes terribles. Notre société a besoin de l'aide de la commission pour cela.
     Ce n'est qu'un petit plaidoyer. Je profite toujours de l'occasion.
    Troisièmement, l'un de nos témoins a déclaré que les prisons sont devenues un facteur de risque de toxicomanie et de maladie mentale. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous avez longtemps travaillé auprès des détenus et des malades mentaux, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette observation.

  (1225)  

    Je suppose que toute incarcération pose un risque pour une personne qui souffre de maladie mentale. Si cette personne est placée dans un milieu fermé mais qui ne répond pas à ses besoins en santé mentale, cela pose un risque certain. C'est peut-être cela que votre témoin vous disait. Le milieu carcéral est rarement avantageux pour les personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Par contre, il faut protéger la société, et il faut décourager la population de commettre des infractions.
    On est toujours confronté à ce conflit dans le cas des délinquants. On cherche à dissuader. Le pauvre juge qui doit statuer poursuit un objectif général de dissuasion tout en cherchant à répondre aux besoins de la personne. Il est bien difficile de gérer ces exigences antagonistes. Cela ne veut pas dire pour autant que ce soit impossible. Nous devons modifier le milieu carcéral à cette fin. Je prends note de votre remarque voulant qu'il faut que la Commission de la santé mentale se préoccupe des personnes en détention.
    J'ai lu hier, dans un document de l'Association canadienne de justice pénale, qu'il y avait récemment environ 38 000 détenus au Canada. C'est beaucoup de gens, surtout si l'on tient compte de ceux qui font de courts séjours dans les établissements provinciaux. Je ne me souviens plus combien de milliers de personnes faisaient un séjour à la prison de Toronto, à l'époque où c'était le seul établissement carcéral de cette ville. Des milliers de personnes y étaient incarcérées chaque année.
    Il est certain que nous pouvons influer sur leur sort, en bien ou en mal.
    Comprenez-moi bien, la sécurité publique est ma priorité. C'est pour protéger la population que nous incarcérons les gens. La sécurité a préséance sur la dissuasion et la punition. Avez-vous découvert au cours de votre carrière des moyens ou des mesures qui pourraient corriger ce problème?
    Nous avons visité le centre de traitement du Pénitencier de Kingston. Le bâtiment lui-même se prêtait mal à un climat de guérison. Nous avons toutefois visité d'autres bâtiments qui s'y prêtaient davantage. L'architecture des bâtiments peut effectivement favoriser la guérison. Y a-t-il autre chose que vous pourriez nous dire à la lumière de votre expérience?
    Il est certain qu'un bon environnement a ses avantages. L'autre jour, quelqu'un a demandé à la commission comment il fallait concevoir un nouveau bureau de grande surface, pensant que nous pourrions répondre à sa question. Il voulait savoir comment concevoir les locaux afin de favoriser la santé mentale de ses travailleurs. Nous avons donc fait un peu de recherche sur le sujet.
    Récemment, j'ai entendu à la radio de la CBC un médecin qui décrivait comment elle avait découvert, durant sa propre maladie, le climat favorable à la guérison de l'endroit où elle était soignée. Elle en a fait une carrière et elle a écrit des livres à ce sujet. Je peux vous communiquer cette information si vous le souhaitez. Mais ce que vous dites ne fait aucun doute.
    Voici une anecdote pour vous. En 1966, j'étais le directeur de la maison de correction pour femmes Andrew Mercer. Vous imaginez un homme occupant ce poste? On n'avait pas trouvé de femme pour faire ce travail. J'y ai donc été directeur pendant trois ou quatre ans. On a fermé cet établissement et on a construit le Centre Vanier pour les femmes, à Brampton. À la maison de correction pour femmes Mercer, les femmes se mutilaient le corps de toutes sortes de façons. Il s'agissait principalement d'adolescentes qui se coupaient, comme pour s'ouvrir les poignets. Elles n'essayaient pas vraiment de se suicider, mais elles s'estropiaient et troublaient terriblement l'ordre. Le nouvel établissement de Brampton avait une configuration entièrement différente. Quand nous y avons déménagés, ce comportement a totalement cessé. Il n'y a pas eu d'autres cas. C'est comme si on avait fermé un commutateur. De ce changement, cela a été l'élément le plus étonnant. Dans le nouvel établissement, nous offrions toutes sortes d'autres bonnes mesures — des programmes de thérapie, des ateliers et des thérapies de groupe. Mais c'est le changement d'environnement qui a été le plus marquant. Cela a beaucoup aidé.

  (1230)  

    Merci, monsieur.
    Nous allons conclure notre réunion.
    Permettez-moi de vous remercier, monsieur Thompson. De toute évidence, vous connaissez très bien ce dossier, et vous avez beaucoup contribué à notre analyse. Nous vous en remercions.
    Merci, monsieur le président.
    Avant que nous commencions à siéger à huis clos, je tiens à remercier M. Roger Préfontaine, notre greffier, qui a fait un excellent travail. Nous allons bientôt entamer le congé de Noël. Il va probablement travailler avec ardeur durant tout le congé, afin de préparer le travail pour notre retour. Merci également à nos deux analystes, Lyne Casavant et Tanya Dupuis, qui font de l'excellent travail. Merci beaucoup. Je remercie en outre tous les membres du comité. Il ne fait aucun doute que c'est notre comité qui fonctionne le mieux au Parlement, et c'est grâce à vous. Merci beaucoup. Nous avons bien travaillé ensemble, et je l'apprécie beaucoup.
    Pour conclure, je vous souhaite à tous un très joyeux Noël et une très heureuse année. Nous nous revoyons en janvier.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Davies.
    Nous n'allons pas lever la séance, n'est-ce pas?
    Nous suspendons nos travaux un instant, puis nous siégerons à huis clos.
    La séance est suspendue.
    [La réunion se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU