Passer au contenu
;

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 037 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

(1115)

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président. Bonjour à tous les membres du comité.
    C'est un honneur pour moi de pouvoir vous parler aujourd'hui des services en santé mentale et en toxicomanie dans le milieu correctionnel. Je m'appelle James Livingston. Je suis chercheur à la Forensic Psychiatric Services Commission, des Mental Health and Addiction Services de la Colombie-Britannique. La Forensic Psychiatric Services Commission, un organisme de santé provincial, compte plusieurs établissements en Colombie-Britannique, où l'on offre des services d'évaluation, de traitement et de gestion de cas cliniques en milieu hospitalier et communautaire, destinés aux adultes atteints de maladies mentales ayant des démêlées avec la justice. Je suis aussi doctorant à l'École de criminologie de l'Université Simon Fraser.
    Lorsque des personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont détenues, emprisonnées ou sous supervision dans la collectivité, il est possible de détecter des maladies non traitées, de réduire leurs souffrances et d'améliorer leur qualité de vie. Or nous passons trop souvent à côté de cette possibilité.
    Plus tôt cette année, le Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale m'a demandé de mener une recherche sur les pratiques exemplaires et les normes minimales internationales dans le domaine de la prestation de services en santé mentale et en toxicomanie dans les milieux correctionnels: prisons, pénitenciers, services correctionnels communautaires, etc. Ce centre international indépendant situé à Vancouver, en Colombie-Britannique, a pour mandat de promouvoir la primauté du droit, la démocratie, les droits de la personne et la bonne gouvernance dans les domaines du droit pénal et de l'administration de la justice pénale à l'échelle nationale, régionale et internationale.
    La recherche que j'ai menée a nécessité une analyse documentaire exhaustive des textes publiés ou non publiés sur le sujet, ainsi qu'une synthèse des normes et directives contenues dans plus de 200 documents pertinents. Les résultats préliminaires de cette analyse ont été validés lors d'une consultation menée auprès d'un petit groupe d'éminents spécialistes en santé mentale et en toxicomanie dans le contexte judiciaire.
    Je souhaite profiter du temps qui m'est accordé pour vous présenter un aperçu de nos résultats, qui sont expliqués en détail dans le rapport intitulé Mental Health and Substance Use Services in Correctional Settings: A Review of Minimum Standards and Best Practices. Ce rapport, qui a été publié, peut être consulté sur le site Web du Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale.
    Notre analyse a révélé que les normes et les pratiques exemplaires publiées concernant les services en santé mentale et en toxicomanie offerts dans le contexte judiciaire se partagent généralement dans cinq catégories: dépistage et évaluation, traitement, gestion et prévention du suicide, aide et services de transition et aide et services communautaires. Dans notre rapport, nous présentons les pratiques exemplaires et les normes minimales relatives à chacune de ces catégories.
    Aujourd'hui, je m'attarderai aux normes minimales ciblées au cours de la recherche. Les normes minimales sont des politiques, des procédures et des pratiques considérées essentielles pour s'attaquer aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans les milieux correctionnels. Généralement, ces normes sont formulées à partir de considérations légales et éthiques, particulièrement en ce qui concerne les droits de la personne.
    La première catégorie de services qui ressort dans le rapport concerne le dépistage et l'évaluation. Le point de vue défendu dans les directives et les normes publiées est unanime: il est essentiel de procéder au dépistage et à l'évaluation systématiques des problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans les prisons et les pénitenciers. Notre étude a défini cinq normes minimales, dont la formation de tous les employés qui travaillent avec les détenus afin qu'ils puissent reconnaître les problèmes de santé mentale et de toxicomanie et y réagir et le dépistage des problèmes de santé mentale et de toxicomanie émergents et urgents chez tous les détenus à leur arrivée dans les établissements correctionnels.
    La deuxième catégorie, à savoir les traitements, implique d'offrir de l'aide et des services aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans le but de réduire leurs déficiences, de réduire la souffrance humaine, de maximiser leur capacité à participer à des programmes correctionnels ainsi que d'offrir un milieu sécuritaire aux détenus, aux employés et aux visiteurs des prisons et des pénitenciers. En ce qui a trait aux traitements, huit normes minimales ressortent de notre étude, notamment offrir aux détenus ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie la même qualité de soins qu'aux autres citoyens et s'assurer que l'on rédige des plans de traitement individualisés pour ces détenus et que leurs plans soient revus périodiquement.
    La troisième catégorie de services est la gestion et la prévention du suicide. En raison du nombre élevé de suicides dans les prisons et les pénitenciers, des organismes ont fait des efforts considérables en vue d'élaborer des directives, des normes et des programmes complets de prévention et de gestion du suicide chez les détenus.
    Toutes les prisons et tous les pénitenciers, sans égard à la taille et au caractère de l'établissement, doivent mettre en place un programme adéquat de gestion et de prévention du suicide. Notre étude a dégagé six normes minimales dans ce domaine, notamment former tous les employés qui travaillent auprès des détenus afin qu'ils reconnaissent les indices verbaux et comportementaux qui indiquent un risque de suicide et qu'ils sachent comment intervenir et loger les détenus potentiellement suicidaires dans un environnement sécuritaire où les interactions, notamment avec le personnel, sont maximales et l'isolement minimal.
    La quatrième catégorie concerne l'aide et les services de transition. Pour les détenus ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, la transition entre la détention et la vie en société peut être une source importance de stress et de détresse psychologique et nuire à leur traitement et à leur rétablissement. Au cours de notre étude, nous avons défini trois normes minimales dans ce domaine, dont fournir à ces détenus des plans de transition écrits dans lesquels on leur indique, avant leur libération ou leur transfèrement, les ressources appropriées offertes dans la collectivité et veiller à ce que les détenus qui ont besoin de traitements pharmacologiques reçoivent suffisamment de médicaments pour répondre à leurs besoins jusqu'à ce qu'ils rencontrent un fournisseur de services de soins de santé communautaires.
    La dernière catégorie concerne l'aide et les services communautaires. Le système correctionnel communautaire a un rôle important à jouer pour faire en sorte que les probationnaires et les détenus en liberté conditionnelle aient accès aux services appropriés en santé mentale et en toxicomanie. Cinq normes minimales ressortent de notre étude, dont le dépistage des problèmes de santé mentale et de toxicomanie émergents et urgents, y compris le risque de suicide, chez les probationnaires et les détenus en liberté conditionnelle et l'assurance qu'ils aient accès à la même qualité de soins que les citoyens qui ne sont pas passés par le système de justice pénale.
    Pour conclure, nous reconnaissons qu'il n'existe pas de solution unique pour la création d'un service en santé mentale et en toxicomanie en milieu correctionnel. La mise en place des normes minimales et des pratiques exemplaires doit être flexible et pouvoir s'adapter au type d'établissement, à la population carcérale et à des facteurs tels que la géographie et les ressources. Toutefois, le cadre conceptuel, les normes minimales et les pratiques exemplaires présentées dans notre rapport sont un outil utile pour prendre des décisions éclairées en ce qui a trait aux services en santé mentale et en toxicomanie dans les milieux correctionnels. Partout au Canada, les autorités correctionnelles envisagent d'adopter les normes minimales décrites dans notre rapport dans le but d'évaluer les forces et les faiblesses de leur système actuel de prestation de services en santé mentale et en toxicomanie.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de partager notre travail avec vous, Je serai heureux d'expliquer plus en détail notre démarche si les membres du comité souhaitent en savoir plus sur les pratiques exemplaires et les normes minimales décrites dans notre rapport.
    Je suis disponible pour répondre à vos questions. Bonne chance pour la poursuite de vos travaux.
    Merci.
(1120)
    Merci beaucoup. J'apprécie cette description de vos recherches sur les services offerts en milieu correctionnel relativement à la santé mentale et à la toxicomanie.
    Le témoin suivant est M. Frank Sirotich, de l'Association canadienne pour la santé mentale. Allez-y, monsieur.
    Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et je voudrais vous remercier tous de m'avoir invité à parler avec vous du très important sujet des maladies mentales et de la toxicomanie dans le système correctionnel fédéral.
    Je vais commencer par vous fournir brièvement quelques renseignements généraux au sujet de l'Association canadienne pour la santé mentale. Je vous donnerai ensuite un aperçu général des services communautaires de santé mentale qui ont été financés en Ontario pour répondre aux besoins des personnes qui se trouvent dans le système de justice pénale et le système correctionnel de la province. Ces initiatives pourraient s'appliquer dans le contexte correctionnel fédéral. Je conclurai par des recommandations générales concernant des stratégies de réinsertion pour les contrevenants malades mentaux qui font appel à des services particuliers ainsi qu'à une planification et une coordination transsectorielles.
    L'Association canadienne pour la santé mentale est un organisme bénévole oeuvrant à l'échelle nationale dans le but de promouvoir la santé mentale de tous et de favoriser la résilience et le rétablissement des personnes atteintes de maladies mentales. Elle cherche à atteindre cet objectif grâce à la recherche, en donnant des conseils de politique publique au gouvernement, grâce à des campagnes de sensibilisation du public et de promotion de la santé mentale s'adressant à la collectivité et aussi grâce à des services de soutien communautaires pour les hommes et les femmes souffrant de maladies mentales graves. Chaque année, notre association fournit des services directs à plus de 100 000 personnes grâce aux efforts conjoints de plus de 10 000 employés et bénévoles, dans 135 collectivités réparties dans l'ensemble du pays.
    L'ACMS a mis en place, dans notre division de Toronto et dans un grand nombre de nos divisions des diverses régions du pays, un ensemble de services qui travaillent en conjonction avec les systèmes de santé mentale et la justice pénale. Je dois ajouter que de nombreux autres organismes communautaires de santé mentale fournissent également des services s'adressant aux personnes souffrant de troubles mentaux qui ont maille à partir avec la justice.
    En Ontario, ces services de santé mentale offerts dans le contexte judiciaire sont organisés aux points de jonction avec la justice pénale, les services correctionnels et les services de psychiatrie judiciaire. Ils ont pour but de réduire le taux d'incarcération des personnes souffrant de maladies mentales graves.
    Les premiers de ces services sont les programmes de prévention ou de déjudiciarisation avant la mise en accusation vers lesquels la police peut diriger une personne quand elle croit qu'elle souffre de troubles mentaux et qu'elle risque d'entrer en conflit avec le système de justice pénale ou si elle a commis une nuisance publique mineure. La personne en question peut être dirigée vers les services de soins psychiatriques au lieu d'être arrêtée.
    Deuxièmement, il y a les initiatives de déjudiciarisation, y compris les tribunaux de santé mentale qui dirigent les accusés malades mentaux vers des services de traitement. La poursuite pénale est suspendue lorsque ces personnes sont reliées à des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie. Ces programmes aident également à mettre en place des plans de libération sous caution et des plans de soins qui peuvent être intégrés dans les ordonnances de probation des détenus.
    Troisièmement, nous offrons des programmes de mise en liberté dans le cadre desquels les travailleurs de la santé mentale des centres de détention établissent des plans d'élargissement pour les détenus en attendant leur libération afin de faciliter leur réinsertion dans la société.
    Quatrièmement, nous fournissons aussi des services intensifs de gestion de cas pour les personnes qui ont maille à partir avec la justice. Ces services de gestion de cas comprennent des programmes spécialisés s'adressant aux personnes qui présentent à la fois une maladie mentale et une toxicomanie ou qui font l'objet d'un double diagnostic, soit de troubles mentaux et de déficience développementale.
    Cet ensemble de services communautaires spécialisés fait appel à des équipes de suivi intensif dans le milieu qui sont des équipes multidisciplinaires mobiles incluant des psychiatres, des infirmières, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des intervenants en toxicomanie et des gestionnaires de cas. Ces équipes travaillent à la réinsertion des détenus malades mentaux qui sont sous la supervision de la Commission ontarienne d'examen après avoir été jugés non criminellement responsables en raison de troubles mentaux.
    En plus de ces programmes de soutien communautaire et des services offerts au niveau des tribunaux et des services correctionnels, un ensemble de services résidentiels a également été mis sur pied. Il s'agit notamment d'un hébergement de courte durée qui offre un soutien sur place, 24 heures sur 24, pendant une période maximum de 30 jours et un logement provisoire en attendant l'obtention d'un logement à plus long terme. Il y a également un service de logement supervisé à long terme qui offre différents niveaux de soutien allant de l'autonomie à un soutien sur place 24 heures sur 24. Il y a aussi des programmes transitoires de réinsertion qui fournissent un logement avec d'importants services de soutien et assurent la gestion des soins pour les personnes dont la responsabilité passe de la Commission ontarienne d'examen aux services communautaires de santé mentale.
    Pour coordonner ces services entre les différents programmes et secteurs, des comités locaux et régionaux ainsi qu'un comité provincial de coordination des services sociaux et de justice ont été mis sur pied. Ces comités de coordination ont été créés parce qu'on a reconnu la nécessité de coordonner les ressources et les services et de faire une meilleure planification pour les personnes souffrant de troubles mentaux graves, d'une déficience développementale, d'une lésion cérébrale acquise ou de problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme, qui entrent en conflit avec la loi ou qui risquent fort d'avoir des démêlés avec la justice.
(1125)
    Ces comités sont le fruit d'une collaboration conjointe entre les ministères du Procureur général, des Services sociaux et communautaires, des Services à l'enfance et à la jeunesse, de la Santé et des soins de longue durée, de la Sécurité communautaires et des services correctionnels, ainsi que divers organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie
    Certains éléments de cet ensemble de services tels que les équipes de suivi intensif dans le milieu, les programmes de logement de transition et à long terme et les services spécialisés de gestion de cas peuvent intéresser directement le système correctionnel fédéral. De plus, ces comités de coordination peuvent assurer la planification intergouvernementale et la coordination des services pour faciliter la transition des détenus du système correctionnel fédéral aux services communautaires. Il devrait être possible de les reproduire dans les autres provinces. Il est nécessaire d'augmenter la collaboration entre le système correctionnel fédéral et les systèmes provinciaux de santé et de justice pour assurer la continuité des soins.
    Toutefois, même si ces services peuvent être offerts à la population du service correctionnel fédéral, il ne faut pas oublier qu'ils ne suffisent peut-être pas à eux seuls. À l'heure actuelle, nous n'avons pas d'infrastructure adéquate pour répondre aux besoins complexes de cette population. De plus, la capacité des services existants de répondre aux besoins de la population carcérale fédérale est limitée. Il faut faire des nouveaux investissements pour construire la capacité communautaire qui permettra de fournir des services adéquats aux détenus sous responsabilité fédérale qui souffrent de troubles mentaux graves. De plus, il faudrait que ces services soient fondés sur des preuves et ciblent les facteurs criminogènes qui prédisposent une personne à la récidive tels que la toxicomanie, les attitudes antisociales et les problèmes de gestion de la colère. Ils doivent également cibler les déterminants sociaux de la santé comme le fait d'avoir un logement adéquat et des possibilités d'emploi.
    En outre, nous recommandons que le financement de l'évaluation des nouveaux programmes soit inclus dans tout investissement dans le développement des services. Il est nécessaire de construire une infrastructure de recherche et développement pour trouver des solutions plus efficaces et assurer une reddition de comptes à l'égard des investissements financiers.
    Pour résumer, l'amélioration de la capacité communautaire grâce au développement d'une infrastructure spécialisée, de programmes fondés sur l'expérience clinique répondant aux besoins complexes des délinquants qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie et la coordination avec les fournisseurs provinciaux et locaux de services sociaux et judiciaires pour améliorer la continuité des services auront pour effet de réduire le risque de récidive, d'augmenter la sécurité publique et d'améliorer la qualité de vie des malades mentaux qui réintègrent la société après leur incarcération dans le système correctionnel fédéral.
    Je vous remercie de m'avoir permis de vous parler de certains des efforts déployés par les organismes communautaires de santé mentale pour répondre aux besoins des délinquants qui souffrent de troubles mentaux et pour décrire les stratégies que le comité pourrait envisager dans ses délibérations.
    Merci beaucoup, monsieur, pour cet exposé. Je l'ai apprécié.
    Nous passons maintenant à Mme Gail Czukar, du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Bienvenue à notre comité. Vous pouvez faire votre exposé.
    Merci. Je voudrais, moi aussi, vous remercier infiniment de m'avoir invitée à comparaître devant le comité.
    Le CAMH, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, est le plus grand hôpital d'enseignement dans les domaines de la toxicomanie et de la santé mentale au Canada. Nous sommes affiliés à l'Université de Toronto ainsi qu'à des cliniques et à des centres de recherche. Nous avons également 26 filiales réparties dans la province. Nous desservons chaque année 20 000 personnes et nous comptons environ 2 700 employés dont 200 psychiatres à plein temps.
    Le CAMH a un établissement hospitalier au centre-ville de Toronto. Environ 30 p. 100 de nos lits — 170 au total — sont des lits de psychiatrie judiciaire. Dans le cadre de notre programme de psychiatrie judiciaire, nous recevons des patients qui ont été renvoyés au CAMH pour une évaluation psychiatrique ou qui sont sous le coup d'une ordonnance de traitement avant le procès. Les tribunaux ont déclaré la majorité de ces clients non criminellement responsables en raison de leur maladie mentale ou inapte à subir un procès en vertu de la partie XX.1 du Code criminel.
    Ces clients sont sous la responsabilité de la Commission ontarienne d'examen. La plupart des clients de la commission d'examen de la CAMH vivent dans la collectivité, et nous sommes chargés de les surveiller et de les traiter conformément aux ordonnances de la commission d'examen.
    La stigmatisation constitue un important obstacle au traitement et au soutien. La majorité des personnes incarcérées qui présentent une maladie mentale ou une toxicomanie sont dans des établissements correctionnels fédéraux ou provinciaux et non pas dans le système psychiatrique judiciaire. Votre comité a déjà entendu des témoignages au sujet de l'incidence des maladies mentales et de la toxicomanie dans les établissements correctionnels fédéraux ainsi que des estimations quant à la proportion de ces personnes qui ont ou qui n'ont pas accès à des soins.
    Je ne répéterai pas ces chiffres, mais il est important que le comité sache que, dans l'ensemble du pays, une forte proportion des personnes qui ont besoin de soins et de soutien pour surmonter leurs problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, que ce soit dans les prisons, les écoles, les lieux de travail et les rues de nos villes, n'obtiennent pas l'aide dont elles ont besoin.
    Comme c'est le cas dans les établissements correctionnels fédéraux, cette lacune est due à plusieurs facteurs. Nous savons que souvent les gens ne demandent pas de l'aide ou n'acceptent pas l'aide qui leur est offerte, mais nous savons aussi que la capacité du système est insuffisante. Les deux autres témoins en ont parlé aujourd'hui.
    Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie représentent environ 13 p. 100 des décès, des invalidités et des maladies, mais ils ne reçoivent que 5 p. 100 des fonds consacrés à la santé publique au Canada. Cette situation est due aux préjugés. Nous continuons à juger effrayants, menaçants et honteux les problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
    La CAMH s'est adressée aux préjugés de divers façons, mais la Commission de la santé mentale du Canada est tout à fait déterminée à s'y attaquer. La Commission a fait des recherches intensives sur la meilleure façon de lutter contre la stigmatisation et ses recherches l'on menée à lancer des initiatives très ciblées s'adressant à des auditoires et des contextes particuliers.
    Des initiatives anti-stigmatisation ont été évaluées et ont démontré leur efficacité. L'une d'elles est offerte par mon propre organisme. J'invite votre comité à s'informer sur les travaux de la Commission de la santé mentale et à explorer les moyens les plus efficaces de s'attaquer aux préjugés dans le contexte correctionnel, à la fois chez les membres du personnel et chez les détenus.
    Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont complexes. Ils sont dus à toutes sortes de facteurs et les voies de la guérison sont diverses. Ces problèmes sont avant tout des problèmes de santé. Nous devons surtout chercher à trouver les formes de traitement et de soutien les plus efficaces possible pour aider les personnes à guérir, à mieux prendre leur vie en main et, finalement, à intégrer ou réintégrer la société.
    Le rapport marquant du Sénat, de 2006, intitulé De l'ombre à la lumière recommandait de relever les normes des soins psychiatriques dispensés dans les établissements correctionnels afin qu'elle soient équivalentes à celles qui s'appliquent aux services offerts à la population générale. C'est un objectif louable et auquel votre comité pourrait souscrire.
    Les meilleurs traitements offerts dans les établissements correctionnels doivent tenir compte de la vie et des antécédents de l'intéressé. Pour CAMH et de nombreux autres fournisseurs de services aux toxicomanes, cela veut dire que nous offrons des services de santé et un appui aux toxicomanes qui continuent de consommer de la drogue, y compris des drogues illégales.
    Les interventions médicales qui n'exigent pas la cessation de la consommation comme condition préalable sont parfois désignées comme des mesures de réduction des préjudices et ces interventions sont souvent extrêmement controversées. Je dirais toutefois que le principal critère auquel les mesures de réduction des préjudices doivent répondre est qu'elles doivent améliorer la santé des gens.
(1130)
    Des initiatives comme les programmes d'échange de seringues ont été évaluées et il a été démontré qu'elles réduisaient la transmission des maladies infectieuses. Je crois que la décision concernant ces programmes devrait se fonder sur les meilleures données probantes et les répercussions de ce programme sur la santé de la population carcérale.
    Il est également important de relier les ressources communautaires disponibles après l'incarcération. Quel que soit le type de traitement, il peut être difficile de diriger le délinquant vers les ressources communautaires à sa libération de prison. Les détenus des établissements fédéraux qui bénéficient d'une libération conditionnelle continuent de recevoir des services financés par Service correctionnel Canada et cela souvent par l'entremise d'un organisme communautaire qui fournit des services contractuels. CAMH a un petit programme de ce genre qui est financé par SCC.
    Il ne fait aucun doute que la continuité des soins représente un défi, surtout après l'expiration du mandat. Comme tout le monde, les personnes qui sont libérées de prison doivent trouver leur chemin dans un système de soins qui peut être assez complexe et qui est souvent mal coordonné et elles sont en plus défavorisées du fait de leur situation particulière. L'Ontario, comme sans doute d'autres provinces et territoires, s'efforce de mettre au point la façon la plus efficace de relier les gens aux services. Nous savons qu'une gestion des soins efficace peut aider à résoudre le problème. Toutefois, la gestion des soins exige que le système ait la capacité voulue. Autrement dit, vous devez avoir des services auxquels le gestionnaire du cas peut faire appel.
    Dans son ébauche de stratégie nationale, la Commission de la santé mentale mentionne que seulement le tiers des personnes qui souffrent de troubles mentaux ont accès à des services et à de l'aide et que la situation est pire pour la population des communautés rurales et éloignées. La Commission recommande notamment qu'il y ait une surveillance énergique et bien coordonnée de l'état de santé mentale et une mesure du rendement. Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient travailler ensemble pour s'assurer que ceux qui quittent les établissements correctionnels puissent avoir accès aux traitements et au soutien dont ils ont besoin.
    Pour conclure, je dirais que la Commission de la santé mentale élabore une stratégie nationale sur la santé mentale. Un groupe important, qui a été réuni par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, dont j'ai fait partie en tant que membre du Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies et auquel le CAMH a participé, a élaboré des recommandations en vue d'une stratégie nationale sur la toxicomanie. Les deux plans soulignent la nécessité d'une intégration des services dans les différents secteurs, institutions et contextes pour répondre aux besoins des intéressés.
    C'est un gros défi pour tous ceux d'entre nous qui travaillons dans le domaine des soins aux malades mentaux et aux toxicomanes. Bien entendu, c'est particulièrement difficile pour les personnes qui sortent des établissements correctionnels et qui risquent fort d'avoir de sérieux problèmes et des contacts insuffisants avec les collectivités et les services qu'elles offrent.
    Nous avons beaucoup de travail à faire pour développer, dans les établissements correctionnels, des services qui répondent aux besoins des détenus et qui offrent les soins dont nous connaissons l'efficacité. Les Canadiens de tous les secteurs doivent trouver des moyens de répondre aux besoins grandissants des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. La demande croissante de services psychiatriques et de désintoxication témoigne sans doute de la diminution des préjugés et d'une bien meilleure prise de conscience de l'impact de ces problèmes. Pour répondre à cette demande il faudra investir davantage et mieux intégrer l'aide et les services offerts aux malades mentaux et aux toxicomanes dans l'ensemble des services de santé.
    Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1135)
    Merci beaucoup. J'a apprécié vos exposés.
    Nous allons passer immédiatement au Parti libéral. Monsieur Holland.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Je pourrais peut-être commencer par parler de l'état actuel de notre système correctionnel et de la trajectoire qu'il est en train de suivre.
    J'ai eu l'occasion de visiter l'établissement de Grand Valley et la cellule dans laquelle Ashley Smith est morte après avoir passé plus de 11 mois en isolement cellulaire. Elle n'avait jamais été diagnostiquée comme souffrant de troubles mentaux alors qu'elle en souffrait de toute évidence.
    L'enquêteur correctionnel a fait à cet égard un rapport que je trouve inquiétant, non pas tant parce qu'Ashley a été traitée si mal, ou parce que c'était une terrible tragédie, que parce qu'il déclare dans ce rapport que c'est symptomatique de ce qui se passe en général. L'histoire d'Ashley se déroule quotidiennement dans de nombreuses prisons du pays et nous ne savons pas comment faire face aux problèmes de santé mentale dans nos établissements carcéraux.
    Il y a deux jours, Craig Jones, qui est le directeur exécutif de la Société John Howard du Canada, a comparu devant le comité. Il a déclaré que l'approche que le gouvernement adopte actuellement est contraire à l'évidence, à la logique, à l'efficacité, à l'histoire, à la justice et à l'humanité.
    Je me demande ce que vous pensez de la situation actuelle. Êtes-vous d'accord pour dire que l'approche actuelle des services correctionnels est inefficace et même inhumaine?
    Je ne travaille pas dans les prisons et je ne peux donc pas vraiment en parler. Nous savons, je crois, que les gens qui sont en prison et chez qui on a diagnostiqué des troubles mentaux ou un problème de toxicomanie ne reçoivent pas tous l'aide dont ils ont besoin. D'après ce que j'ai lu des témoignages que le comité a reçus et certains rapports, il semble qu'environ la moitié des personnes chez qui des troubles mentaux sont diagnostiqués — et ce sont généralement des maladies mentales assez graves — obtiennent l'aide dont elles ont besoin. De toute évidence, il faudrait pouvoir offrir beaucoup plus de services.
    Je crois qu'un problème se pose également au niveau de la rémunération du personnel et qu'il est donc difficile de retenir le personnel compétent. Nous connaissons tous ce problème dans le domaine de la santé. Si vous payez 40 p. 100 de moins que la concurrence, vous aurez beaucoup de difficulté à avoir un personnel compétent dans ces établissements. Nous savons qu'il y a un manque de bons services et que, particulièrement du côté de la toxicomanie, la plupart des investissements récents ont été faits du côté de la répression pour essayer d'empêcher la drogue d'entrer dans les prisons plutôt que du côté de la demande, pour traiter la toxicomanie. C'est une politique assez fréquente actuellement à l'égard de la drogue, mais à long terme, ce n'est pas une stratégie efficace. Tôt ou tard, il faudra s'attaquer au problème de la demande et aider les gens à se sortir de leur toxicomanie.
(1140)
    Une des préoccupations qui ont été soulevées est que l'isolement cellulaire est la principale solution adoptée face aux détenus qui ont les problèmes de santé mentale les plus graves parce qu'on n'a pas les ressources nécessaires pour pouvoir s'en occuper autrement. Premièrement, êtes-vous d'accord pour dire que l'isolement cellulaire d'une personne qui souffre de troubles mentaux a pour effet d'exacerber le problème? C'est sans doute une des pires façons de faire face à la situation. Deuxièmement, étant donné que bien souvent, ces personnes passent directement de l'isolement cellulaire au retour dans la collectivité, c'est non seulement mauvais pour elles, mais mauvais pour la société, car leurs chances de réinsertion sont minces.
    Je ne connais pas très bien la situation actuelle de notre système correctionnel et ce qui se passe sur le terrain et je peux donc seulement parler de ce qui ressort des études et des écrits sur le sujet.
    Pour répondre à votre question au sujet de l'inefficacité et du caractère inhumain de ces mesures, il ressort clairement des écrits que si l'on ne fournit pas aux malades mentaux et aux toxicomanes les services dont ils ont besoin, on ne respecte pas les normes minimales approuvées par l'Organisation mondiale de la santé, les Nations Unies et de nombreuses organisations correctionnelles internationales et nationales. Je vous demanderais donc de vous reporter à ces documents, mais je ne peux pas faire la comparaison avec notre système actuel.
    Je pense qu'on reconnaît de plus en plus que les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont reliés. Souvent, ils sont indissociables et ne peuvent pas être traités isolément. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord sur ce point et ce que vous en pensez.
    Étant donné que nous sommes le Centre de toxicomanie et de santé mentale je dirais qu'ils sont effectivement reliés. Nous traitons beaucoup de gens qui présentent ces deux problèmes en même temps. Ce n'est pas toujours le cas. La solution est d'offrir les services les plus appropriés afin de pouvoir évaluer si la personne souffre seulement de troubles mentaux, seulement d'un problème de toxicomanie ou les deux. Lorsqu'il s'agit des deux, ils doivent être traités ensemble. Comme ce n'est pas une chose que nous faisons toujours dans notre système de santé, je ne m'attends pas à ce que ce soit vraiment différent dans les établissements correctionnels.
    Dans nos programmes de psychiatrie judiciaire, nous constatons que la proportion de personnes présentant des troubles concomitants est plus forte que dans la population normale de gens qui utilisent les services de santé mentale. D'après les témoignages antérieurs, je crois comprendre que la toxicomanie touche environ 80 p. 100 de la population carcérale et il est donc très probable que le pourcentage de détenus qui présentent les deux problèmes est très élevé.
    Selon un témoignage que nous avons entendu, environ 12 p. 100 de la population carcérale a un grave problème de santé mentale, mais M. Jones nous a dit, il y a deux jours, que ce pourcentage est sans doute en dessous de la vérité et qu'il pourrait être beaucoup plus élevé. Êtes-vous d'accord?
(1145)
    Je crois qu'un diagnostic de maladie mentale grave est fait pour 12 à 20 p. 100 des détenus à leur arrivée dans un établissement et que cela ne tient pas compte de ceux qui ont un problème modéré ou qui tombent malades pendant leur incarcération. Étant donné la situation dans laquelle les détenus se trouvent, séparés de leur famille, de leurs amis, dans un environnement très différent avec une discipline rigoureuse, etc., ils sont sans doute vulnérables et risquent probablement de connaître des problèmes de santé mentale. Ce chiffre est sans doute sous-estimé, en effet.
    Je vais devoir vous arrêter là pour passer maintenant au Bloc québécois.
    Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

[Français]

    L'un d'entre vous a-t-il déjà visité une prison ou a-t-il déjà été en prison pour rendre des services professionnels?

[Traduction]

    Je peux répondre. Je ne l'ai pas fait dans un pénitencier, mais dans un centre de détention local, effectivement.
    Non. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis un chercheur et je ne fournis donc pas de services cliniques.

[Français]

    Croyez-vous que l'atmosphère d'une prison soit propice au traitement d'une maladie mentale?

[Traduction]

    Cela dépend de la nature de la maladie. Pour ce qui est du traitement, il y a des établissements qui ont des unités spéciales, mais qui semblent manquer sérieusement de ressources, du moins au niveau provincial. Encore une fois, je ne peux pas dire ce qu'il en est au niveau fédéral.
    À mon avis, la solution serait d'avoir les ressources voulues dans la communauté, en plus de ce dont M. Livingston a parlé, afin de pouvoir offrir des services adéquats de traitement de la toxicomanie et des services psychiatriques pour une intervention psychopharmacologique, mais un des problèmes que connaissent les centres de détention locaux c'est que souvent ces services ne sont pas disponibles.
    On parle souvent de « temps mort » dans ce contexte, parce que ces services ne sont pas disponibles.

[Français]

    Est-ce que je me trompe en pensant que le type de ressources dont vous parlez est à peu près inexistant dans les prisons canadiennes?
    Par exemple, que pensez-vous du fait que l'on ait demandé au commissaire général des pénitenciers quel était le coût annuel d'entretien d'un prisonnier dans les prisons canadiennes? Le coût est de 101 000 $, dont seulement 2 p. 100 sont consacrés au programme, le reste étant consacré à l'hébergement et à la sécurité.
    Croyez-vous que le système carcéral canadien possède actuellement les ressources nécessaires pour traiter les malades mentaux?

[Traduction]

    Je ne pourrais pas citer de chiffres. Encore une fois, je connais seulement la situation dans les centres de détention locaux qui, d'après ce que j'ai constaté, manquent gravement de ressources.

[Français]

    Si on les comparait à des institutions ou à des organismes qui traitent la toxicomanie, mais pas dans un milieu carcéral, bien que cela puisse être un milieu de pensionnat...
    Connaissez-vous l'organisme Portage, au Québec? C'est un organisme d'État, qui est inspiré du modèle de New York?

[Traduction]

    Désolé, monsieur, je ne connais pas ce modèle.

[Français]

    Peut-être que d'autres...

[Traduction]

    Oui, je le connais.
    Quelle était la question? Désolé.

[Français]

    La première question visait à savoir si vous les connaissiez.
    Croyez-vous que c'est une bonne méthode pour traiter la toxicomanie?

[Traduction]

    Les écrits sur le sujet la décrive comme une pratique exemplaire.

[Français]

    Oui, d'accord.
    On met en opposition l'expérience de Portage et l'expérience de Matsqui, que vous connaissez sûrement.
    Pouvez-vous élaborer sur la comparaison entre les deux et nous aider à décider si l'on doit favoriser l'une plutôt que l'autre?
(1150)

[Traduction]

    Je connais Matsqui et Portage, mais je ne suis pas au courant de la comparaison dont vous parlez.

[Français]

    D'accord.
    Connaissez-vous le pénitencier de Joliette pour les femmes?
    Vous me faites signe que oui.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Quand cela a été construit, on a gagné des prix pour l'architecture. Cela avait été justement conçu pour faire de ce milieu un milieu plus humain, permettant aux détenues d'être réhabilitées.
     Pouvez-vous nous parler de cette atmosphère? Croyez-vous effectivement que l'on a obtenu les résultats recherchés quant au traitement des détenues, ou avez-vous des informations dans la documentation à ce sujet?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Je crois que Mme Czukar...

[Traduction]

    Je ne connais pas non plus les études sur ce sujet, mais je pense que vous essayez de nous faire dire si le genre d'environnement offert dans un établissement correctionnel permet d'aider les gens à résoudre leurs problèmes de santé mentale et de toxicomanie ou si c'est l'endroit où ces personnes devraient se trouver plutôt que dans des hôpitaux ou d'autres centres de traitement. C'est bien cela?

[Français]

    D'ailleurs, dans la documentation, fait-on état, oui ou non, du fait que les grandes prisons permettent de donner ces services parce qu'ils sont peut-être plus spécialisés, ou, au contraire, les prisons devraient-elles être gardées à un plus petit niveau?

[Traduction]

    À ce propos, je sais seulement ce qu'en disent les études sur le sujet. Je ne pense pas que cela réponde directement à votre question, mais ces études reconnaissent que les services de santé mentale et de toxicomanie sont offerts différemment selon la taille de la prison. Les services que vous fournissez à une population carcérale dont la période d'incarcération est plus courte et dont la date de libération est parfois imprévisible ne sont pas les mêmes que ceux qui s'adressent aux détenus d'un établissement correctionnel fédéral dont la date de libération est plus prévisible et qui sont souvent incarcérés pendant une période plus longue. Par conséquent, leur attachement aux services communautaires, aux membres de leur famille et aux réseaux sociaux est souvent limité en raison du temps qu'ils passent en détention.
    Je ne sais pas si cela répond directement à votre question.

[Français]

    De toute façon, c'est très difficile de répondre à quelque question que l'on se pose dans ce domaine, directement.
    La formation du personnel est très importante. Quelle devrait être la formation des candidats qui soumettent une demande pour travailler dans les pénitenciers?

[Traduction]

    Je crois que le Service correctionnel emploie déjà un certain nombre de psychologues et de personnes ayant une formation en psychologie, mais il n'y a pas beaucoup de formateurs en évaluation et examen pour aider les gens en leur offrant du counseling et d'autres genres de programmes; de psychiatres pour évaluer les besoins de médicaments et de traitement et ce genre de choses et de travailleurs sociaux, ce genre de personnel, pour aider les clients dans ces domaines. Il a été question, je crois, des gestionnaires de cas qui sont certainement très utiles pour faciliter la transition entre l'établissement et la collectivité, mais comme je l'ai dit, s'il n'y a pas de services dans la communauté pour aider les gens, il ne sert pas à grand-chose d'avoir des gestionnaires de cas.
    Pour ce qui est des services à fournir dans les établissements correctionnels, voilà certaines des personnes dont on a besoin sur le plan de la santé mentale, en plus de conseillers en toxicomanie pour aider les toxicomanes.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vais laisser la chance à d'autres d'intervenir.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au NPD. M. Davies dispose de sept minutes.
    Merci pour votre présence ici aujourd'hui. C'est très intéressant.
    Quelles sont les maladies mentales les plus fréquentes que vous trouvez dans une prison fédérale? Je vous demanderais également de faire la distinction entre hommes et femmes.
(1155)
    Je crois qu'en fait cela soulève deux questions. Il faut voir d'abord quelles sont les maladies mentales qui sont les plus souvent décelées. Il y a ensuite les maladies mentales sous-jacentes qui restent souvent non diagnostiquées. Les études que j'ai lues sur le sujet ne me permettent pas de faire la distinction entre hommes et femmes, mais leurs profils sont sans doute très différents.
    Le système correctionnel a tendance à centrer son attention sur les formes les plus sévères de maladie mentale, soit la schizophrénie et d'autres troubles psychotiques. Les dépressions moins sévères et les troubles anxieux risquent de ne pas être décelés au moment de l'admission et de l'évaluation, peut-être à cause de l'absence de services pour la prise en charge de ces problèmes sous-jacents. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts en ce qui concerne cette question. Je suis désolé.
    D'après ce que j'ai lu, la toxicomanie figure dans la liste du DSM-IV et constitue en soi une maladie mentale. Lorsqu'on sépare la toxicomanie des autres formes de maladie mentale, cela ne veut pas dire que ce n'est pas également une maladie mentale. Il est toutefois utile de faire cette distinction, car les plans de traitement sont différents et je suppose que ces maladies se présentent différemment.
    Croyez-vous qu'il y a un lien entre ces maladies mentales, qu'elles soient décelées ou non, et les actes criminels pour lesquels ces personnes sont en prison?
    En ce qui concerne la toxicomanie, il ressort de la documentation que ce lien existe. C'est un facteur de risque criminogène en ce qui concerne la récidive. Les études sur les psychoses et les symptômes psychotiques sont équivoques à ce sujet.
    Une méta-analyse récente laisse entendre que lorsqu'une personne présente des symptômes psychotiques comme la perception de « menace ou de neutralisation des mécanismes de contrôle » lorsqu'elle est convaincue que quelqu'un va lui faire du mal ou que son esprit ou son corps est contrôlé par un être ou une force extérieure, cela peut augmenter le risque, mais pas de façon importante.
    Nous avons certainement la preuve que les gens qui souffrent de troubles mentaux ne sont pas plus violents que le reste de la population. Il est important de ne pas l'oublier, car même si nous parlons du grand besoin de services dans le système correctionnel, pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, il me paraît dangereux de dire qu'elles sont là à cause de ces problèmes. Nous confondons deux choses différentes.
    Je pense qu'il faut vraiment distinguer les maladies mentales de la toxicomanie. Bien des gens se trouvent dans le système correctionnel pour avoir consommé de la drogue ou de l'alcool, qu'ils aient ou non un problème de toxicomanie. Nous savons que l'alcool joue un rôle dans de nombreux actes criminels en ce sens qu'il a tendance à engendrer la violence. L'alcool cause d'énormes problèmes sociaux et c'est une raison pour lesquelles le CAMH s'intéresse beaucoup à la politique à l'égard de l'alcool, à l'abaissement des taux d'alcoolémie et ce genre de choses.
    Nous savons qu'il y a un lien très serré entre l'alcool, la violence et l'incarcération. Il y a d'autres gens qui sont en prison pour avoir consommé de la drogue. Ce n'est donc pas nécessairement une question de violence. Ce sont généralement des gens qui consomment des drogues dures et qui ont volé pour pouvoir s'en procurer. Ces cas ne sont pas aussi nombreux que les cas reliés à l'alcool. Pour ce qui est des maladies mentales, je ne dirais pas qu'elles poussent les gens à la criminalité.
    Ne vous méprenez pas. Je ne voulais pas dire que la maladie mentale est une cause. Vous avez fait le lien avec la violence. Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire.
    J'essaie d'établir s'il y a un lien entre les troubles mentaux sous-jacents comme l'anxiété, la dépression, la paranoïa, le sentiment d'insécurité ou même le syndrome de stress post-traumatique dont il y a une véritable épidémie dans les prisons pour femmes, ou encore l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale qui, je le sais, ne constituent pas une maladie mentale mais qui diminuent, je pense, le contrôle des impulsions. S'agit-il souvent de facteurs qui ont mené la personne en prison?
    Je pose la question, car si nous ne diagnostiquons pas et ne traitons pas ces problèmes dans le système correctionnel, faisons-nous ce que nous pouvons pour réduire le risque que ces personnes récidivent à leur sortie? S'il n'y a pas de lien, je suppose que nous n'avons pas à les diagnostiquer ou les traiter en prison. Mais je crois qu'il y en a un.
    Voilà où je voulais en venir. Je ne sais pas si vous comprenez mieux ma question, mais je vous invite à y répondre.
(1200)
    En tant qu'étudiant en criminologie et sociologie, je dirais que votre question est très complexe et qu'elle porte sur les déterminants sociaux des maladies mentales et de la criminalité, qui sont intimement reliés. La pauvreté, la marginalisation, le fait de vivre dans les quartiers pauvres et ce genre de facteurs sont reliés à ces deux problèmes.
    Mais pour en revenir à votre question au sujet de l'augmentation de la récidive résultant de l'absence de services de santé mentale dans les établissements correctionnels — si vous me permettez de vous paraphraser — lorsqu'on ne fournit pas aux gens un traitement pour leur problème de santé mentale et de toxicomanie, on les empêche de participer à des programmes correctionnels qui visent à réduire les risques dont vous parlez.
    Nous savons qu'en fournissant des soins aux personnes qui souffrent de troubles mentaux, on leur permet de mieux participer aux programmes qui sont spécialement conçus pour réduire la récidive dans les établissements correctionnels.
    Très bien. J'ai deux brèves questions dont les réponses devront être brèves.
    Avez-vous bien dit, madame Czukar, que le système correctionnel paie les professionnels de la santé 40 p. 100 de moins que ce qu'ils obtiennent généralement sur le marché?
    J'ai lu des témoignages antérieurs citant l'exemple de quelqu'un qui touchait un salaire de 88 000 $, je pense, et qui a été embauché par un autre organisme qui le payait 118 000 $. Je ne sais pas si mes chiffres sont exacts, mais c'est à peu près cela.
    Cela semble exact, car en août et en septembre, j'ai visité neuf établissements de la Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser. Il y avait beaucoup de postes vacants pour des psychologues, des ergothérapeutes et des conseillers en toxicomanie parce que ces établissements n'arrivent pas à en recruter.
    Ma dernière question porte sur les programmes en 12 étapes. J'ai constaté leur absence dans tous les établissements où je suis allé. Il semble qu'il y ait certains obstacles, car les détenus ne sont pas nécessairement la meilleure clientèle pour ce genre de programmes.
    Auriez-vous des suggestions pour amener la communauté à intervenir dans nos prisons pour familiariser ces détenus avec les programmes en 12 étapes qui semblent avoir beaucoup de succès?
    Non, pas particulièrement en ce qui concerne les programmes en 12 étapes, mais il y a des modèles à l'égard des services de santé mentale.
    Quand des gens font l'objet d'une ordonnance de la Commission ontarienne d'examen ou sont en transition dans la communauté, les fournisseurs de services de la collectivité vont dans les hôpitaux psychiatriques judiciaires et travaillent en collaboration avec le personnel hospitalier afin d'assurer une meilleure continuité quand la personne réintègre la société.
    En principe, il pourrait y avoir un service parallèle. Cela s'applique à la santé mentale. Je pourrais certainement envisager la même chose dans le contexte de la toxicomanie.
    Nous passons maintenant à M. Rathgeber, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs exposés intéressants.
    Madame Czukar, en réponse à une question de M. Holland, avez-vous bien dit que selon vos estimations ou vos recherches, seulement 12 p. 100 des détenus des prisons canadiennes souffrent d'une forme de maladie mentale?
    Non, ce ne sont pas mes chiffres. Ce sont les chiffres qui ont été présentés, je crois, par des témoins précédents. Je n'ai donc pas de source à ce sujet, mais c'est ce que j'ai lu dans certains témoignages antérieurs.
    Ce chiffe me paraît bas. J'ai entendu des estimations aussi élevées que 30 p. 100, mais cela dépend, je suppose, de la façon dont vous définissez les maladies mentales.
    Quelqu'un sait-il exactement ce que comprend ce chiffre de 12 p. 100? Cela comprend-il les cas de dépression traitables ou seulement les maladies qui entraînent des comportements antisociaux graves?
    Selon la population et le pays que vous considérez, ainsi que la définition des maladies mentales ou des troubles mentaux, les études citent des chiffres allant de 5 p. 100 à 70 p. 100. Et ce n'est pas seulement dans le contexte canadien.
    La méta-analyse des études internationales établit généralement ce chiffre entre 8 et 12 p. 100. Je ne peux pas vous dire quels sont les critères qui ont servi à définir les maladies mentales pour les inclure dans ces 8 à 12 p. 100, mais je pourrais certainement vous fournir des références bibliographiques.
(1205)
    Pour que ce soit bien clair, est-ce 8 p. 100 à 12 p. 100 de ceux qui ont participé à des activités criminelles ou de la population en général?
    C'est la proportion de la population carcérale. Cela dépend également de la façon dont vous définissez la population carcérale, car cela varie beaucoup d'un pays à l'autre.
    Ce n'est pas beaucoup plus élevé que pour la population en général. J'ai lu des études selon lesquelles près de 10 p. 100 de la population souffre d'une forme de dépression.
    Je pense que l'incidence des maladies mentales graves, des psychoses dans l'ensemble de la population est de 1 p. 100 à 3 p. 100. Le pourcentage est beaucoup plus élevé pour la dépression.
    On estime généralement qu'un Canadien sur cinq souffrira d'une maladie mentale ou d'un problème de toxicomanie au cours de sa vie. C'est un chiffre assez bien accepté. En Ontario, je crois que c'est une personne sur quatre.
    C'est entre 3 p. 100 et 20 p. 100. Nous ne sommes probablement pas en mesure de vous dire selon quels critères le Service correctionnel décide qui souffre d'une maladie mentale grave. Cette fourchette de 12 p. 100 à 20 p. 100 est celle que les responsables des services correctionnels vous ont donné
    Merci. Cela souligne, je pense, l'importance de savoir comment on définit la maladie mentale quand on cite ces chiffres.
    Monsieur Livingston, pour ce qui est de votre modèle et des pratiques exemplaires, à quel point est-il réaliste de croire qu'on peut traiter les problèmes de santé mentale dans le système carcéral? Comme vous le savez, les prisons sont très régimentées, très réglementées et imposent toutes sortes de règles. De façon générale, la société n'a pas particulièrement réussi à traiter les maladies mentales alors à quel point ces pratiques exemplaires et le cadre conceptuel dont vous parlez sont-ils réalistes? Quelles sont leurs chances de succès dans le système correctionnel qui est structuré de façon très rigide?
    Je comprends certainement ce que vous voulez dire. L'environnement correctionnel présente sans aucun doute des difficultés pour ce qui est d'offrir des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie en raison des tensions inhérentes qui existent dans cet environnement.
    Cela dit, d'autres l'ont fait et il y a des modèles novateurs. Ces dernières années, le Royaume-Uni a mis au point un modèle différent pour fournir des services aux populations carcérales. Cette responsabilité a été enlevée aux autorités correctionnelles et c'est maintenant le Service national de la santé qui fournit les services de santé mentale dans les prisons.
    Il y a des modèles novateurs pour offrir ces services et cela se fait dans d'autres pays.
    Il nous reste deux minutes. Pourriez-vous me parler de certains de ces modèles novateurs? Qu'a-t-on fait dans le système correctionnel britannique pour réussir à traiter les maladies mentales à l'intérieur des prisons?
    Il y a également des modèles novateurs aux États-Unis et pas seulement au Royaume-Uni. Il y a des équipes psychiatriques constituées de fournisseurs de services de santé mentale qui vont dans les prisons offrir leurs services.
    Il y a les gens qu'on appelle des coordonnateurs trans-agences. Ils sont chargés de la coordination et du financement des services entre les établissements correctionnels et les services psychiatriques. Ils font le lien administratif entre les deux.
    Il y a aussi des programmes de formation réciproque entre le personnel correctionnel et le personnel psychiatrique afin qu'ils puissent apprendre à se respecter mutuellement et acquérir des compétences différentes dans des environnements différents.
    Tout cela est expliqué en détail dans le rapport que j'ai mentionné. Il y a des modèles novateurs un peu partout aux États-Unis ainsi que dans d'autres pays.
    Merci. Je vais le lire.
    Pour ce qui est de ma dernière question, est-il possible de traiter en même temps la toxicomanie et les troubles mentaux ou faut-il résoudre les problèmes de toxicomanie avant de pouvoir traiter les troubles mentaux?
(1210)
    Je vais répondre brièvement.
    Comme je ne suis pas clinicien, je ne peux pas vous répondre du point de vue clinique. Selon les études, un traitement concomitant intégré est une pratique exemplaire et les deux problèmes doivent être traités en même temps. Je ne sais pas dans quel ordre c'est fait en pratique au niveau clinique, mais c'est certainement une pratique exemplaire et la stratégie nationale de traitement dont ma collègue a parlé approuve certainement cette approche pour les personnes qui ont ces deux problèmes.
    Docteure Czukar, avez-vous quelque chose à ajouter pendant les 30 secondes qu'il me reste?
    Je suis très honorée, mais je ne suis pas médecin. Je tiens à ce que ce soit clair. Je suis avocate et psychologue.
    Je dirais qu'il est très important de traiter la toxicomanie et la maladie mentale en même temps. La toxicomanie est souvent un symptôme de la maladie et on ne peut donc pas s'attendre à ce que quelqu'un se débarrasse de sa toxicomanie sans soigner ses troubles mentaux ou à un traumatisme sous-jacent ou sans répondre à ce genre de besoins.
    Merci beaucoup à vous tous.
    Merci.
    Notre attaché de recherche vient de me signaler que dans le rapport Sampson de 2007, il est dit que 12 p. 100 des hommes et 26 p. 100 des femmes qui vont devant la justice souffrent de troubles psychiatriques graves.
    C'est de nouveau au tour du Parti libéral. Monsieur Oliphant, s'il vous plaît, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous trois et surtout à Mme Czukar pour votre présence ici. Je pense que c'est aujourd'hui un jour très important pour votre organisation compte tenu de la fermeture du campus 1001, un campus dans lequel j'ai passé de nombreuses heures. C'est formidable que vous soyez ici aujourd'hui. J'espère que vous rentrerez à temps. Vous ne pourrez pas le faire, mais c'est un grand jour dans la vie de votre organisation.
    Je tiens également à vous remercier, monsieur Sirotich, pour le travail que vous faites dans votre organisation. Souvent, la population carcérale est oubliée dans les études qui portent sur les différents sujets, que ce soit la sécurité du revenu, l'éducation ou autre chose. Votre organisme a veillé à ce que le domaine de la santé mentale n'oublie pas la population carcérale et nous l'apprécions vivement.
    Je ne connais pas le travail de M. Livingston, mais maintenant que j'en entends parler, je pense que le système fédéral peut s'inspirer de certains modèles intéressants de la Colombie-Britannique.
    Je tiens à être sûr d'avoir bien compris certaines choses, car mon temps est limité.
    Voici ce que j'ai compris. D'après ce que vous avez écrit par le passé et ce que vous avez déclaré aujourd'hui, il faut faire six choses: insister sur la réduction de la criminalité en se concentrant sur les déterminants sociaux de la santé et de la criminalité; adopter un modèle d'évaluation et de diagnostic approprié pour toutes les personnes qui se trouvent dans le système de justice pénale; mettre en place des processus de déjudiciarisation, y compris au niveau des tribunaux, pour que les gens sortent du système pénitentiaire plus tôt; assurer la continuité des soins à compter de l'arrestation et de l'incarcération jusqu'à la condamnation et la libération; il faut renforcer la capacité tant au niveau de l'infrastructure et des programmes qu'au niveau des professionnels de la santé et des fournisseurs de soins; il faut mettre en place des modèles de réduction des risques pour la population carcérale et quand le détenu est libéré, il faut lui offrir des programmes communautaires, une intégration et des soins continus.
    C'est ce que j'ai entendu. Premièrement, ai-je raté un élément important de ce dont vous nous avez parlé aujourd'hui?
    Je ne vous ai pas entendu mentionner le traitement dans les établissements…
    J'ai parlé d'un continuum de soins. J'aurais dû l'ajouter au traitement.
    Très bien. Je pense que c'est extrêmement important.
    Vous avez mentionné la déjudiciarisation, mais nous n'en avons pas vraiment beaucoup parlé. Bien entendu, ce qui nous intéresse surtout c'est la déjudiciarisation avant que les gens n'entrent dans le système de justice pénale. En effet, dès que quelqu'un y entre — que ce soit au niveau provincial, dans le contexte du travail auquel Frank a beaucoup participé au niveau des tribunaux, comme d'autres — l'intéressé se retrouve avec un tas de problèmes supplémentaires et le système avec des coûts importants. Par conséquent, c'est un ensemble de services bien équipés pour traiter les problèmes de santé mentale et de toxicomanie qui aidera à résoudre tous les aspects du problème dont vous avez parlé: l'évaluation, le diagnostic, le continuum des soins, le renforcement de la capacité et la réduction des risques. C'est vraiment la meilleure solution pour un certain nombre de ces problèmes.
(1215)
    C'est un point de vue différent de celui du rapport Sampson. Une de ses observations concernant la santé mentale est que nous avons un système de récompenses et de punitions pour les gens qui se trouvent dans un système déjà à la limite de sa capacité et dans lequel nous n'avons pas les ressources ou les professionnels de la santé voulus. Nous ne savons pas non plus comment évaluer et soigner les gens.
    Je voudrais savoir ce que vous pensez d'un système de récompenses et de punitions pour les gens qui suivent un traitement, par opposition aux programmes obligatoires et ce que vous pensez des questions qui s'y rapportent en ce qui touche aux droits de la personne.
    Vous avez une minute pour répondre brièvement.
    M. Robert Oliphant: Nous allons devoir aller déjeuner à un moment donné.
    Oh!
    Je pourrais peut-être commencer, mais je suis sûre que mes collègues ont quelque chose à dire à ce sujet.
    Vous comparez un système de récompenses et de punitions avec des programmes obligatoires…?
    Oui, obligatoires ou une troisième possibilité qu'il faudrait peut-être que le comité puisse comprendre. Je crois que le CMAH a mis en doute certaines conclusions concernant les récompenses et les punitions, mais je ne sais pas quels sont les théories, quelles sont les recherches à l'égard des options de traitement.
    Vous parlez d'un traitement obligatoire?
    Oui, du traitement obligatoire.
    Le président: Répondez en 30 secondes.
    Il n'est pas facile de répondre à cela. Nous savons que le traitement qui n'est pas imposé est généralement plus efficace, qu'il est préférable que les gens reconnaissent qu'ils ont un problème et qu'ils veuillent le résoudre.
    Cela dit, la loi prévoit, bien sûr, des dispositions pour traiter une personne sans son consentement dans des circonstances très limitées. C'est pour qu'une personne soit apte à subir son procès et en Ontario, c'est la seule circonstance dans laquelle la loi permet de traiter quelqu'un sans son consentement. Il s'agit d'un droit humain fondamental.
    Mais la santé est-elle également un droit humain?
    Vous avez largement dépassé votre temps. Je suis désolé. C'est maintenant au tour de M. McColeman. Vous auriez dû commencer par cette question.
    Monsieur McColeman, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Nous apprenons beaucoup à entendre des experts comme vous. Je compte bien lire le rapport que vous avez préparé, monsieur Livingston.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné les tendances suicidaires des personnes souffrant de troubles mentaux. Y a-t-il des statistiques précises au sujet du taux de tentatives de suicide ou de suicides dans nos établissements correctionnels?
    Il y en a certainement, mais ces chiffres ne me viennent pas à l'esprit pour le moment. Les études reconnaissent généralement le risque élevé de suicide et de tentative de suicide chez les détenus, et ce sont des comportements dont je parle également dans mon rapport. Toutefois, je n'ai pas de chiffres en tête pour le moment.
    Très bien, mais ils figurent dans votre rapport?
    Les études dont je parle et qui font état d'un risque élevé sont mentionnées dans le rapport.
    Très bien.
    D'après ce que vous avez dit, madame Czukar, au sujet des programmes communautaires et des préjugés qui entourent les maladies mentales, j'ai l'impression que la société en général a un rôle beaucoup plus important à jouer dans le traitement et la déstigmatisation des personnes souffrant de troubles mentaux, et également de celles qui en plus ont été condamnées pour des activités criminelles.
    Avez-vous des moyens d'aider ces personnes au niveau communautaire dans le cadre de votre travail? Je suppose que cela permet peut-être d'éviter, d'une certaine façon, que quelqu'un ne plonge dans la criminalité.
    Je ne voudrais pas associer les malades mentales à la criminalité de cette façon.
    Je crois toutefois important de faire la distinction entre les préjugés du public et ceux du personnel des hôpitaux, des établissements, etc. Malheureusement, les études démontrent que les personnes qui travaillent dans le système, les travailleurs de la santé, comptent parmi celles qui ont le plus de préjugés. Nous avons des programmes, dont un qui s'appelle « Beyond the Label » à l'intention des personnes qui travaillent dans le système.
    La situation est bien pire dans les établissements correctionnels. D'énormes préjugés empêchent les agents correctionnels de parler de leur propre santé mentale, de leurs propres troubles mentaux et des difficultés qu'ils peuvent éprouver ou de leur attitude vis-à-vis des détenus. Quand nous parlons des préjugés, il est important de commencer par nous-mêmes et les personnes dont nous essayons de prendre soin, car les préjugés des personnes qui travaillent dans le système, que ce soit le système correctionnel ou le système de santé, entraînent assez directement la stigmatisation des personnes qui ont besoin d'aide ou qui sont en prison.
    Je ne veux pas m'attarder plus longtemps sur ce sujet, mais je ne saurais suffisamment insister sur l'importance de s'attaquer aux préjugés tant chez les autorités et le personnel pénitentiaires que chez les détenus. Il serait très important de commencer par là.
(1220)
    En ce qui concerne la pénurie de professionnels de la santé dans le système correctionnel, pensez-vous qu'il y a suffisamment de gens désireux d'y travailler? Si la rémunération était comparable à celle qui est offerte ailleurs, pensez-vous que ces emplois seraient pris ou qu'il faut offrir des salaires plus élevés à ceux qui travaillent dans le système carcéral?
    Je vais également me contenter d'en parler de façon générale. C'est aussi relié aux préjugés et les personnels de la santé ressentent ces préjugés. Je travaille à la Forensic Psychiatric Services Commission, en Colombie-Britannique et les préjugés qui règnent chez les psychologues et les infirmières qui s'occupent de ces populations particulières rendent leur recrutement et leur embauche très difficiles.
    Je ne peux pas être plus précis à ce sujet, mais si le comité désire en savoir un peu plus, j'ai fait des recherches sur la stigmatisation, depuis quatre ans, pour les personnes qui suivent un traitement communautaire obligatoire en Colombie-Britannique et dans le système de psychiatrie judiciaire. Je peux dire que c'est certainement un gros problème également chez les professionnels de la santé.
    Je trouve tout simplement frappant qu'il y ait des postes vacants et qu'on ne puisse pas les combler pour une raison ou une autre. Cette raison est-elle l'argent ou un autre facteur? La stigmatisation est peut-être un facteur beaucoup plus important que nous ne le pensons.
    Je ne peux pas l'affirmer, mais je peux vous dire qu'il est plus facile de soigner les gens qui veulent être soignés que ceux qui s'y opposent. C'est sans doute un facteur.
    J'apprécie ces observations. Ce sont des choses auxquelles nous allons devoir faire attention pour voir comment augmenter les effectifs et recruter du personnel compétent. Il sera intéressant de parler aux autorités compétentes quand nous visiterons les établissements.
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Madame Mourani, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Merci à tous les témoins présents. J'aurais quelques petites questions.
    On a abordé beaucoup de points très théoriques aujourd'hui. Or je suis quelqu'un de très terre à terre, donc je voudrais qu'on redescende cela au niveau du commun des mortels.
    Monsieur Livingston, vous avez parlé d'environnement sécuritaire avec isolement minimal. Je vous avoue, pour avoir travaillé dans les pénitenciers, que j'essaie de voir comment on pourrait faire cela. Si vous aviez une suggestion, elle serait la bienvenue.

[Traduction]

    En général, les directives laissent entendre qu'il ne faut pas isoler quelqu'un sans contact avec qui que ce soit lorsqu'on essaie de prévenir le suicide. Par conséquent, si vous parlez du suicide, le niveau de risque devrait indiquer le niveau de supervision à exercer sur le détenu.
    Les études montrent très clairement que si l'on isole une personne qui risque de se suicider on l'aide à se suicider effectivement. Par conséquent, l'interaction du personnel toutes les 15 minutes ou toutes les cinq minutes au lieu de se servir de la technologie, par exemple par de caméras, ou d'autres détenus qui souvent servent de compagnons…

[Français]

    Avez-vous constaté cela dans les pénitenciers?

[Traduction]

    Non, je ne l'ai pas constaté moi-même. C'est ce qui ressort de la documentation, qui est très riche. Beaucoup de travaux ont été faits pour élaborer des normes minimums dans ce domaine et étudier l'efficacité des méthodes qui donnent des bons résultats. C'est ce qui ressort des études et toute une série de normes internationales en tiennent compte.
(1225)

[Français]

    Sauf erreur, ce sont des normes minimales, mais cela ne veut pas dire qu'elles sont déjà appliquées. Il se peut fort bien qu'elles soient déjà appliquées dans nos pénitenciers à l'heure où l'on se parle. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Oui, c'est possible. Mon rapport se contente de les décrire. Elles sont peut-être déjà appliquées.
    Il intéressera peut-être le comité de savoir qu'un récent comité fédéral-territorial-provincial sur les prisons et la santé mentale a examiné mon rapport et s'en est servi pour établir un guide d'autoévaluation afin de mesurer et évaluer le système dans l'ensemble du pays. Il pourrait être intéressant de suivre un peu ce projet.

[Français]

    Actuellement, le Service correctionnel du Canada a une gestion très précise des cas qui sont mis en isolement. À partir du moment où une personne est mise en isolement non seulement elle est dans une cellule qui lui est propre — ils ne sont pas deux dans la même cellule —, mais en plus, un gardien est là qui fait des rotations presque toutes les 10 minutes. De plus, un agent de libération doit aller quotidiennement voir l'évaluation de cas du détenu.
    Je me disais donc que vous parliez peut-être de choses théoriques, mais il se peut que cela s'applique actuellement dans les pénitenciers au Canada. Voilà ce que je comprends. C'est l'idéal quant à ce qu'on devrait faire, mais vous ne pouvez pas nous dire que ce n'est pas actuellement déjà appliqué dans certains pénitenciers fédéraux.

[Traduction]

    Non. Comme je l'ai dit, je suis un novice en ce qui concerne ce qui se passe sur le terrain et je ne suis pas un expert. Je suis un expert dans très peu de domaines, surtout pour ce qui est du fonctionnement des services correctionnels.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Czukar. On parle de mener un diagnostic auprès des détenus. Connaissez-vous le Centre régional de réception, au Québec?

[Traduction]

    Non, je ne connais pas les centres régionaux de réception. Je sais qu'il y en a cinq, je crois, au Canada, mais je ne les connais pas précisément.

[Français]

    La plupart des pénitenciers fédéraux reçoivent les détenus. On fait une évaluation de ces détenus et on les achemine dans différents pénitenciers selon leur code de sécurité et leurs besoins en matière de programme.
    Connaissez-vous le Centre régional de santé mentale, au Québec?
    Mme Gail Czukar: Non.
    J'ai écouté ce que vous disiez, et j'ai l'impression que rien ne se fait — ou presque rien — actuellement au Service correctionnel du Canada. J'ai parlé du Centre régional de santé mentale. Le même centre existe à Kingston. Cela concerne vraiment la santé mentale. On y retrouve psychologues, psychiatres, travailleurs sociaux, agents de libération, agents de sécurité, toutes ces équipes multidisciplinaires.
    Vous êtes-vous informée un peu auprès des pénitenciers fédéraux pour voir si l'on offrait ces services, ou pas?

[Traduction]

    Je crois qu'on fournit déjà beaucoup de services, mais que c'est insuffisant.

[Français]

    Insuffisant, d'accord.

[Traduction]

    Il n'y a pas suffisamment de services de ce genre et je crois que selon les témoignages que le comité a entendus, la moitié des personnes qui ont sérieusement besoin de services ne les reçoivent pas. Je ne dirais donc pas qu'on ne fait rien, mais que, d'après ce que d'autres personnes qui connaissent le système vous ont dit, il semble que beaucoup de gens n'obtiennent pas ce dont ils ont besoin.

[Français]

    J'aurais une autre question.

[Traduction]

    Vous avez dépassé votre temps, mais allez-y.

[Français]

    Je serai brève.
    Tout à l'heure, vous parliez d'un point très important: le lien entre santé mentale et violence. Dans votre pratique, croyez-vous qu'il existe des personnes atteintes de problèmes de santé mentale qui peuvent commettre des crimes à cause de moments de psychose hallucinatoire, et qui sont violents? Que fait-on d'eux?

[Traduction]

    Oui, cela arrive. Je pense qu'il s'agit, dans un grand nombre de cas, des personnes dont nous parlons et qui sont en prison. Nous avons dit, je pense, que cela peut très bien être à l'origine de l'incarcération d'une personne. Ce n'est pas toujours le cas et certain détenus sont dans cette situation tandis que d'autres non.
    Merci.
    Nous passons maintenant du côté ministériel. Madame Glover, s'il vous plaît, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins qui sont ici aujourd'hui. C'est une sujet qui m'intéresse énormément et j'ai quelques questions à poser, mais je voudrais commencer par ce qu'a dit M. Livingston. Vous avez déclaré à peu près en ces termes qu'il est plus facile de soigner ceux qui veulent être soignés que ceux qui s'y opposent.
    Si cette déclaration m'intéresse tellement c'est parce que dans ma province, nous avons eu la terrible tragédie qui s'est produite dans un autobus Greyhound où M. Li a assassiné et décapité Tim McLean, ainsi que d'autres incidents qui se sont produits après son décès. Dans ce cas précis, M. Li n'a pas été tenu criminellement responsable. Nous savons tous, cependant, que c'est lui qui a commis ce terrible crime.
    À propos de votre déclaration, je me demande si vous ne pensez pas parfois que l'incarcération de ceux qui refusent le traitement est essentielle dans leur propre intérêt et celui du public. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
(1230)
    Oui, et je pourrais peut-être vous donner le contexte de mes propos. Comme je l'ai dit, j'ai fait des recherches sur la stigmatisation des personnes sous le coup d'une ordonnance qui les oblige à suivre un traitement dans la collectivité, en Colombie-Britannique et plus précisément à Vancouver, y compris dans le quartier est du centre-ville.
    Lorsqu'on veut amener des gens à recevoir des soins psychiatriques dont ils ne veulent pas, quand on ne respecte pas leur choix au sujet du traitement et quand ils doivent se rendre à des rendez-vous où ils ne veulent pas aller, il est malheureusement très difficile d'établir un programme de traitement pour eux.
    Par-dessus le marché, ils n'ont pas une expérience positive du système de santé mentale — et c'est là-dessus que portent mes recherches — à cause des méthodes coercitives qui sont utilisées pour qu'ils suivent leur traitement. Les résultats cliniques sont peut-être excellents, mais ce n'est pas du tout la même chose en ce qui concerne leur expérience du système. Cela compromet leur traitement futur et leur désir d'y participer.
    Parlez-vous de la population en général ou de la population carcérale?
    Je suis deux groupes de gens. L'un d'eux est composé de membres de la population générale. Il s'agit de patients des services psychiatriques civils qui font l'objet de ce que certains appellent une ordonnance de traitement en milieu communautaire. En Colombie-Britannique, c'est sur autorisation. Ils font l'objet d'un internement civil à l'hôpital et ils sont libérés dans la collectivité, mais ils doivent continuer à suivre un traitement.
    L'autre moitié de mon échantillon est constituée de clients des services de psychiatrie judiciaire. Il ne s'agit pas de détenus ni de contrevenants souffrant de troubles mentaux. Ce sont des accusés qui présentent des troubles mentaux. Tous ont été tenus non criminellement responsables pour cause de maladie mentale. Ils ont passé un certain temps dans notre hôpital psychiatrique, ils ont été libérés et ils reçoivent maintenant des soins psychiatriques obligatoires en milieu communautaire en vertu des dispositions de l'article 672 du Code criminel. C'est une libération conditionnelle.
    Un grand nombre de ces personnes ont déjà été incarcérées par le passé, mais je ne suis pas une population de détenus.
    Pensez-vous que certains de vos clients représenteront une grave menace pour le public, et peut-être aussi pour eux-mêmes, s'ils ne reçoivent pas leur traitement et que parfois l'incarcération est un autre moyen d'assurer la sécurité du public et de l'intéressé?
    Je ne dirais pas vraiment cela au sujet de ces clients, car je le répète, ce n'est pas une population de délinquants. Toutefois, la solution est-elle d'incarcérer les gens? Oui, dans certains cas. Il y a également d'autres possibilités. Je ne pense pas que ce soit la seule solution.
    Je suis d'accord. Je vous demande seulement si vous croyez qu'il est parfois essentiel de le faire.
    Oui, certainement. L'incarcération et le système correctionnel existent pour protéger le public, de même que pour protéger les droits de la personne et aux fins de dissuasion. De nombreux principes entrent en jeu pour la détermination de la peine. L'un d'eux est que cette solution doit exister pour les personnes qui commettent de graves actes de violence.
    Très bien. Merci.
    En fait, ce dont vous parlez fait l'objet de la Loi sur la santé mentale, de l'Ontario. C'est cette loi qui permet d'obliger les gens à suivre un traitement psychiatrique s'ils représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui. Nous incarcérons les gens dans des établissements correctionnels lorsqu'ils ont été reconnus coupables d'un acte criminel et c'est donc une autre question. Nous ne les condamnons pas et incarcérons pas pour pouvoir les soigner contre leur volonté.
    Je suis d'accord. Nous ne les mettons pas toujours en prison non plus. Il y a d'autres types d'établissements où ils sont détenus pour protéger leur sécurité et celle du public.
    Je voudrais m'adresser à vous, monsieur Sirotich. J'ai beaucoup de respect pour un dénommé Jonathan Garwood, qui travaille, dans ma province, pour le même organisme que celui où vous travaillez actuellement. Nous avons parlé plusieurs fois des enseignements traditionnels. Ma mère est Métisse. Je suis Métisse également. Elle a travaillé à la prison pour adolescents du Manitoba et a apporté un grand nombre des enseignements traditionnels dans cette prison.
    Je suis curieuse de savoir si vous pensez que les enseignements traditionnels sont utiles. Y a-t-il des cas documentés dans lesquels ils se sont révélés utiles et efficaces pour traiter des détenus chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale ou une toxicomanie? Si c'est le cas, quels sont leurs effets?
(1235)
    Malheureusement, je ne les connais pas.
    De façon plus générale, les études sur le sujet recommandent notamment d'adapter les services au contexte culturel de l'intéressé, quel qu'il soit. Il s'agit d'adapter le service à ce contexte culturel. En fait, cela se rapporte au principe de réceptivité. Quel que soit le traitement, il doit être adapté aux besoins de la personne pour être efficace, mais mes connaissances s'arrêtent là. Je ne peux pas vraiment…
    Quelqu'un d'autre a-t-il une expérience des enseignements traditionnels et de leurs effets sur le traitement?
    Nous offrons des services aux Autochtones. Nous travaillons beaucoup dans ce domaine et je suis d'accord avec ce qu'a dit mon collègue, M. Sirotich, à savoir qu'il est important de tenir compte de la sensibilité culturelle. Les enseignements traditionnels permettent de communiquer avec des gens que nous ne pouvons pas rejoindre autrement et ils sont donc importants. Mais je ne suis pas certaine du sens de votre question.
    Je vais répondre à cela très rapidement.
    Soyez très brève.
    J'ai travaillé comme enseignante pour la Fraternité des Autochtones, au pénitencier Stony Mountain, à la fin des années 1980. J'ai constaté que si l'on commençait les cours par les enseignements traditionnels et ce genre de choses, cela avait un effet. J'ai également passé 19 ans dans la police et j'ai pu voir que les enseignements traditionnels avaient parfois un effet sur le comportement des gens. Voilà pourquoi j'ai soulevé la question.
    Merci.
    Monsieur Kania, s'il vous plaît.
    Monsieur Livingston, vous avez mentionné le Royaume-Uni, mais je veux d'abord citer un passage de la page 23 de votre rapport. Vous dites:
L'Angleterre et le pays de Galles ont récemment adopté un modèle novateur pour s'assurer que les autorités sanitaires s'acquitteraient de leur responsabilité de fournir des services de traitement et un soutien aux détenus qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie… Des preuves limitées laissent entendre que cette approche améliore les normes de soins.
    Vous savez peut-être que nous irons à Londres dans deux semaines. Pour la gouverne du comité, pourriez-vous nous dire ce que vous savez précisément à l'égard de ce système, ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné et quels autres suggestions vous pourriez faire pour le modifier?
    Je vous remercie pour cette question.
    Le problème que pose cette « solution » est que cela crée des services de santé mentale correctionnels parallèlement aux autres services offerts dans la collectivité. Qui va payer? Qui en assumera la responsabilité? Cette solution confère aux services de santé l'obligation et la responsabilité de s'occuper des problèmes de santé mentale et de toxicomanie des détenus.
    Les maladies mentales et la toxicomanie des détenus sont des problèmes de santé communautaire. C'est un problème de santé publique et je pense donc que ce modèle novateur réoriente la gestion, l'autorité et les responsabilités vers ceux qui sont parfaitement capables de fournir les services en plus de permettre à ceux qui gèrent le reste du système d'élargir la continuité des soins. C'est donc une innovation au niveau du système en ce qui concerne la gestion et le financement des services de santé mentale dans les prisons.
    Je ne sais pas exactement ce que vous allez voir, mais je suis très content d'apprendre que vous allez là-bas pour vous informer de ce qui a été fait. Je sais que c'est une expérience assez récente et qu'il y a sans doute encore des choses à mettre au point. J'ai hâte de lire le rapport de vos constatations.
    Êtes-vous au courant de problèmes que pose ce système ou y a-t-il certaines choses dans ce système qui sont meilleures que dans le nôtre, à part ce que vous avez déjà dit?
    Non.
    Très bien.
    Madame Czukar, voulez-vous répondre?
    J'ai eu l'occasion de visiter une prison, non pas à Londres, mais à Birmingham où le service de santé mentale local gérait une unité de soins. Les responsables ont eu beaucoup de difficulté à fournir des bons services parce que l'unité de soins était située dans une nouvelle aile de la prison qui était accessible aux personnes handicapées. Par conséquent, au moins la moitié des 34 lits de ce qui était censé être une unité de soins psychiatriques étaient occupés par des personnes ayant des problèmes de santé physique. Le personnel n'était pas vraiment qualifié pour les soigner, mais c'était le seul endroit où elles pouvaient obtenir des soins ou une aide quelconque. La culture carcérale ne leur permettait pas d'offrir leurs services comme il aurait fallu le faire et ce n'était donc pas très efficace.
    De plus, c'était une prison pour environ 1 400 hommes, surtout des jeunes. L'unité de soins comptait 34 lits dont seulement la moitié environ étaient occupés par des personnes souffrant de troubles mentaux, ce qui était bien trop peu pour cette population. La situation était donc très problématique.
(1240)
    Madame Czukar, vous avez parlé des problèmes de santé mentale qui naissent en prison. Comment se produisent-ils et que faudrait-il faire pour les éviter?
    J'ai bien précisé que je ne possédais pas autant d'expérience pratique que certains membres de votre comité. Les conditions de vie en prison où vous avez beaucoup de gens qui cohabitent, où vous êtes isolé des systèmes de soutien, etc. — les caractéristiques des grands établissements — ainsi que la culture correctionnelle sont autant de facteurs susceptibles de causer des problèmes de santé mentale. Ce genre de conditions génèrent ce type de problèmes chez bien des gens et exacerbent les troubles qu'une personne peut déjà présenter à son arrivée si elle est déprimée ou anxieuse ou si elle a déjà souffert d'un traumatisme ou d'une psychose. Ce sont des conditions qui risquent fort de créer des problèmes de santé mentale.
    Très bien, alors que devrions-nous faire?
    Il faudrait notamment, dans la mesure du possible, modifier la culture, s'attaquer aux préjugés des agents correctionnels et des autres détenus à propos des troubles mentaux. Je pense que nous commençons à nous attaquer à ce problème dans l'ensemble de la société. Il serait bon d'en faire autant dans les établissements correctionnels. Il serait bon de pouvoir offrir des soins aux personnes qui en ont besoin et de les aider à surmonter leurs difficultés.
    Nous sommes à court de temps, alors soyez très bref. Il est 17 h 35.
    M. Jones a dit qu'environ 80 . 100 de la population carcérale présente une forme quelconque de maladie mentale ou de problèmes concomitants. Êtes-vous d'accord avec ce chiffre?
    J'ai entendu dire que 80 p. 100 des détenus avaient un problème de toxicomanie et qu'ils souffraient peut-être de troubles mentaux sous-jacents. Je ne suis pas d'accord pour dire que les deux vont toujours de pair, mais un fort pourcentage de détenus ont un problème de toxicomanie.
    Monsieur Norlock, s'il vous plaît, vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie infiniment les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Nous avons beaucoup appris jusqu'ici, mais comme toujours, cela incite à poser davantage de questions.
    J'ai trouvé très intéressantes les questions de M. Kania et vos réponses concernant la stigmatisation. Vous avez parfaitement raison. Il y a des préjugés à l'égard des maladies mentales. Vous n'ignorez pas que le gouvernement a financé un organisme national et qu'une partie de ce financement a servi à augmenter la publicité à la télévision où nous voyons des personnalités assez célèbres parler des maladies mentales en disant qu'il n'y a pas de honte à souffrir de ce type de maladie. Chacun de nous ici dans cette salle a sans doute un parent ou un ami proche qui s'est fait soigner pour une maladie mentale ou qui est encore sous traitement. Je pense que c'est le cas pour nous tous.
    Comme je viens du contexte policier, en Ontario, je me suis beaucoup intéressé à la Loi sur la santé mentale, aux motifs d'arrestation, etc. Je crois que vous avez mentionné la formation. Ne diriez-vous pas, tous les trois, qu'avant que le comité ne formule des recommandations, il faudrait que nous sachions quelle formation les agents correctionnels reçoivent pour reconnaître les personnes souffrant d'une maladie mentale? J'aimerais savoir si vous êtes au courant du genre de formation qu'ils reçoivent.
(1245)
    Je ne sais pas quelle formation ils reçoivent actuellement, mais ce serait certainement une bonne idée d'améliorer leur capacité à faire face aux personnes qui souffrent de troubles mentaux et à gérer leur comportement d'une façon qui soit positive pour l'intéressé plutôt que négative.
    Je suis d'accord. Il me semble également logique d'établir en quoi consiste actuellement la formation sur le terrain, quelles sont les lacunes et quel est le meilleur moyen de les combler.
    Merci.
    Diriez-vous qu'avant que le comité ne formule des recommandations, nous devrions demander au Service correctionnel du Canada quelle est la formation offerte.
    Je pense que nous devrions consulter une organisation qui pourrait faire des recommandations.
    Connaissez-vous des organismes qui seraient prêts à assister aux audiences du comité et que nous pourrions citer à comparaître comme témoins? Nous pourrions leur remettre un manuel de formation ou leur indiquer le nombre d'heures et le contenu de la formation afin qu'ils nous adressent certaines recommandations.
    Il y a deux sources de formation. Une formation est offerte aux agents correctionnels, mais le personnel clinique offre également des services de santé mentale.
    Sans vouloir vous offenser, quand vous suggérez de ne rien faire avant d'en savoir plus sur la formation des agents correctionnels, le problème n'est pas là. Vous pouvez continuer à mettre en place des services de santé mentale spécialisés assurés par des personnes légalement et professionnellement compétentes pour assurer ces services pendant que vous apprenez à vos agents correctionnels comment déceler les tendances suicidaires et les maladies mentales. Vos agents correctionnels ne vont pas nécessairement fournir vos services de santé mentale. Ce rôle revient à des gens qui ont des diplômes universitaires et qui ont été formés pour cela.
    Pour répondre à votre autre question au sujet des organismes que cela pourrait intéresser, le rapport que j'ai écrit a été commandé par un centre appelé le Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale. C'est un organisme indépendant. Je sais qu'il souhaite pousser ses recherches dans ce domaine. Il est établi à Vancouver, mais il travaille au niveau international. Je pense qu'il est affilié aux Nations Unies. Je pourrais vous fournir ses coordonnées et je suis sûr que cela l'intéresserait.
    Merci. Pourriez-vous fournir ces renseignements au greffier, s'il vous plaît?
    Oui, pas de problème.
    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute.
    Quand j'ai mentionné la formation, je ne parlais pas de former les agents du Service correctionnel pour traiter les maladies mentales. Je suggérais plutôt de leur faire mieux prendre conscience de leurs préjugés, autrement dit, de la tendance à cataloguer les gens et en même temps, de les aider à reconnaître certains indices de troubles mentaux ou de tendances suicidaires ou les signes indiquant que quelqu'un est sous l'effet d'une drogue quelconque. Autrement dit, vous ne vous attendez pas vraiment à voir de la drogue en prison — même si nous savons qu'il y en a — mais la meilleure solution est d'intervenir, de voir qu'une personne est à risque ou qu'elle consomme peut-être de la drogue afin d'être là pour l'aider. C'est ce que je voulais dire.
    Je pense que nous devons établir quelle est la formation dispensée et la comparer avec celle qui est donnée ailleurs. Voilà ce que j'envisageais.
    Je pense que c'est vraiment important. Il est toujours important de donner aux gens des meilleurs outils pour faire leur travail et cette formation en serait un, tant en ce qui concerne la stigmatisation, la prise de conscience dont vous parlez, que la perception des problèmes. Il ne fait aucun doute qu'il serait souhaitable d'améliorer la capacité de tous les agents du Service correctionnel à déceler les problèmes et leur inculquer quelques compétences élémentaires pour y faire face.
    Nous travaillons au renforcement des capacités dans de nombreux pays du monde auprès des fournisseurs de soins de santé primaire et d'autres personnes. Il est possible de fournir des cours accélérés, même en thérapie. Par conséquent, il faut des gens qui ont reçu la formation voulue pour cela, mais nous pouvons aussi accroître la capacité du personnel en première ligne. C'est très important.
    Merci.
    Très bien. Tout le monde a eu son tour et M. Oliphant a signalé qu'il lui reste une question supplémentaire.
    Quelqu'un d'autre désire-t-il poser des questions après M. Oliphant? Voulez-vous le faire, monsieur Davies? Le Bloc aura la priorité, mais si vous désirez… Très bien.
    Monsieur Oliphant, s'il vous plaît.
(1250)
    Merci.
    Pour reprendre là où j'en suis resté, je voudrais que nous imaginions un instant que nous avons l'infrastructure matérielle voulue, que le gouvernement a du coeur, que nous avons tous les professionnels compétents dont nous avons besoin ainsi qu'un centre d'excellence, au Canada, dans le domaine des maladies mentales et des toxicomanies de la population carcérale.
    Je pense qu'il y aurait encore des obstacles s'opposant au traitement. Je voudrais savoir si vous avez une idée de la nature de ces obstacles. Ils sont peut-être législatifs; ils sont peut-être liés à la nature même des maladies mentales et de la toxicomanie, ou il se peut qu'ils soient d'ordre socioculturel ou d'une autre nature dont je ne sais rien. Si tout était parfait dans ces établissements, quels obstacles resterait-il et avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions les surmonter?
    Au risque de me répéter, je dirais que le principal obstacle est encore la stigmatisation. Tout dépend si les gens veulent ou non se soigner et s'il y a autour d'eux des personnes qui sont prêtes à reconnaître également leurs problèmes. Par conséquent, vous émettez l'hypothèse que tous les moyens seraient en place, mais pas nécessairement la réceptivité requise.
    D'autre part, je dirais que les déterminants sociaux dressent aussi des obstacles. Nous le constatons constamment dans les hôpitaux. Même si nous réussissons à soigner une personne et à stabiliser sa maladie, si elle retourne vers des conditions de vie déplorables ou reste sans emploi… Bien entendu, nous savons que les personnes qui ont séjourné dans des institutions psychiatriques ont un taux de chômage beaucoup plus élevé. Je suis certaine qu'il est aussi très élevé pour ceux qui sortent des établissements correctionnels. Si nous n'améliorons pas les déterminants sociaux, c'est-à-dire les liens que les gens ont avec leur communauté, un logement décent, le revenu et ce genre de facteurs — les effets du traitement s'estomperont très rapidement.
    J'ajouterais que si la communauté ne dispose pas de ressources adéquates permettant aux personnes qui sont libérées… Si vous avez une unité de soins cinq étoiles dans la prison, mais qu'il n'y a pas la capacité ou les ressources nécessaires dans la collectivité quand les détenus sont libérés, pour ce qui est de la transition et de la réussite du traitement, certains progrès qui ont été faits risquent d'être perdus.
    Pour compléter votre situation utopique, j'aimerais aussi que les gens soient mieux éduqués sur le plan de la santé, car ils ne savent peut-être pas qu'ils présentent les symptômes d'une maladie mentale. C'est un problème différent de celui de la stigmatisation. Il faudrait que les gens, la population carcérale, soient plus au courant des traitements qui existent pour guérir les maladies mentales, car il y a des bons traitements, et qu'ils sachent reconnaître les symptômes.
    Pour eux, c'est leur état « normal ». En fait, ils se sont normalisés.
    Mme Glover a dit quelque chose de très intéressant, car nous avons une population autochtone disproportionnée dans nos prisons. Je ne crois pas que ce soit une question de moralité. C'est plutôt socioculturel et je pense que c'est le résultat de nombreuses formes d'oppression et de nombreux problèmes socioculturels. Je pense que c'est également un obstacle. Vous êtes le témoin, pas moi, mais j'ai l'impression que Mme Glover a souligné quelque chose de très important.
    Que ce soit le Centre de traitement de Poundmaker's Lodge, en Alberta, ou autre chose, je pense que nous allons avoir besoin de plus d'aide des experts comme vous pour savoir comment faire, si vous êtes prêts à faire ce travail dans le cadre de vos organismes.
    J'abonderais dans le même sens. Nous nous intéressons principalement aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie et c'est ce que fait mon rapport, mais c'est dans un contexte global dans lequel les gens ont le VIH/sida et d'autres formes de maladie, des maladies dentaires et autres. Il est donc très utile de considérer les problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans le contexte de l'ensemble des problèmes de santé pour s'attaquer au problème.
    Les liens entre l'état de santé et les déterminants sociaux comme le logement et les autres formes de marginalisation ainsi que la diversité sous ses différentes formes, que ce soit le sexe, la culture, la sexualité, etc., sont extrêmement importants.
    Merci.
    Monsieur Davies, s'il vous plaît.
    Je trouve très intéressant ce qu'on a dit au sujet de la stigmatisation. Il en a été beaucoup question au cours de cette discussion et je pense que cela joue un rôle, surtout dans l'ensemble de la population.
    Mais je voudrais m'éloigner un peu de ce sujet, car lorsque j'ai parlé à beaucoup de détenus ces derniers mois, j'avoue ne pas avoir décelé de problèmes reliés à la stigmatisation, pas plus que quand j'ai parlé avec les professionnels de la santé qui travaillent dans les prisons. Ce que les détenus m'ont dit, c'est qu'ils reconnaissaient avoir des problèmes et qu'ils voulaient avoir accès à un traitement, mais qu'ils ne pouvaient pas l'obtenir.
    Ce que les professionnels de la santé me répètent constamment, quel que soit l'établissement que j'ai visité, c'est que le diagnostic est inadéquat. Ce qu'il faudrait, disent-ils, c'est qu'à l'arrivée des gens dans le système correctionnel fédéral, un diagnostic détaillé et complet soit fait en première ligne pour permettre le dépistage des problèmes et offrir un traitement.
    Par conséquent, ce n'est pas nécessairement que les gens ne reconnaissent pas qu'ils ont un problème, même si cela doit arriver aussi, je ne dis pas le contraire. Je me demande toutefois ce que vous pensez des ressources disponibles dans notre système pour le diagnostic et s'il ne faudrait pas les développer davantage.
(1255)
    Je peux certainement en parler compte tenu de mes recherches sur la stigmatisation. Vous soulevez, je crois, une question vraiment importante. Le fait qu'une personne ait une maladie mentale ne veut pas dire qu'elle soit stigmatisée. On a peut-être diagnostiqué chez elle une condition stigmatisante, mais les études révèlent toute une gamme de réactions: qui vont du sentiment d'avoir la situation en main à un sentiment d'indifférence.
    Le fait qu'une personne ait recours à des services de santé mentale ou soit diagnostiquée comme souffrant de troubles mentaux ne veut pas dire qu'elle se sente stigmatisée. Selon mes recherches, comme je l'ai déjà dit, à mon grand étonnement, 11 p. 100 seulement de ma population ressent fortement une stigmatisation internalisée que l'on peut mesurer quantitativement. Les expériences sont donc très diverses à cet égard.
    Souvent, quand nous parlons de stigmatisation, c'est de façon très théorique sans tenir compte de la complexité du problème et du vaste éventail des expériences personnelles. Je suis donc d'accord avec vous en ce qui concerne la variabilité de ces expériences. C'est certainement ce que reflètent les études sur la stigmatisation, de même que mes propres recherches et ma propre expérience.
    Vous avez aussi demandé, je crois, si nous avons besoin de ressources suffisantes pour l'évaluation, le diagnostic et l'identification des gens qui peuvent avoir accès aux services, car si vos besoins ne sont pas décelés, vous n'aurez pas accès à ces services.
    Il est donc essentiel de faire une bonne évaluation. Nous passons beaucoup de temps à mettre au point des outils d'évaluation pour la toxicomanie et les maladies mentales et il est donc essentiel d'avoir ces outils. Je ne sais pas quelles sont les ressources dont le système dispose actuellement à cet égard, mais si c'est ce que les détenus vous disent, il vaudrait certainement la peine de voir cela de plus près.
    Très bien, merci beaucoup.
    Madame Glover, pouvez-vous conclure?
    Ce sera une question très brève qui s'adresse d'ailleurs à vous, madame Czukar.
    Nous avons beaucoup parlé des effets de la stigmatisation chez les professionnels de la santé. Je voudrais donc seulement poser une question au sujet de la disponibilité de ce personnel, car comme on l'a dit, certains postes sont vacants. Selon une explication qui a été fournie, c'est peut-être à cause de l'échelle salariale et selon une autre, c'est à cause d'une certaine stigmatisation. Nous avons toutefois un problème national en ce qui concerne la pénurie d'infirmières pour prendre la relève, par exemple.
    Cela joue-t-il un rôle? Y a-t-il un nombre insuffisant de professionnels de la santé mentale ou de la psychiatrie judiciaire pour combler ces postes, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils sont vacants?
    Je crois avoir dit qu'il y a une pénurie de ressources humaines dans le système de santé en général et que nous savons qu'elle va s'aggraver au cours des cinq à 10 prochaines années en raison de nombreux départs à la retraite. Ou peut-être que moins de gens prendront une retraite anticipée. En tout cas, il est prioritaire de renforcer la capacité du système et la formation du personnel qui travaille dans les hôpitaux, les services en milieu communautaire et auprès de la population carcérale. Il faut le faire. Une formation spécialisée pour répondre aux besoins criminogènes ainsi qu'aux besoins médicaux des personnes incarcérées est également grandement nécessaire.
    Merci.
    Et je tiens à vous remercier, monsieur Livingston. J'ai trouvé vos travaux très intéressants. J'ai fait une annonce dans ma circonscription de Saint-Boniface au sujet du financement d'études ou de recherches, au Centre de recherche de l'Hôpital général de Saint-Boniface, sur le lien entre la santé mentale et la toxicomanie, etc.
    Je vous félicite tous pour votre travail et je vous encourage à continuer et à travailler avec nous pour résoudre ces problèmes.
(1300)
    Merci beaucoup. Nous terminons juste à temps.
    Je tiens à remercier les témoins. C'était une excellente séance. Vous avez vraiment beaucoup élargi nos connaissances et nous l'apprécions infiniment. Merci encore.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU