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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 034 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Traduction]

[Français]

    Nous entreprenons la 34e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Nous poursuivons notre étude des droits de la personne en Iran.
    Mais avant de céder la parole à notre témoin, je signale que plusieurs personnes figuraient sur la liste des témoins proposés. Notre greffier a consciencieusement communiqué avec eux et ils nous ont fait savoir qu'ils ne voulaient pas comparaître. Le greffier n'a pas réussi à communiquer avec l'un des témoins proposés, en dépit de ses tentatives répétées.
    Cela veut dire que M. Akhavan sera notre dernier témoin dans le cadre de ces audiences. En conséquence, nous passerons mardi à l'étude des chapitres du rapport qui ont été rédigés. Je demanderais à tous les membres du comité de faire part de leurs suggestions en fait de changements et d'améliorations à nos attachés de recherche, qui les prendront en considération durant la semaine de relâche, de même que toute la documentation sur les élections et les retombées de ces élections, et qui nous reviendront à la première réunion après la relâche.
    Cela nous laisse donc une journée de libre, soit jeudi dans une semaine. Je propose que nous siégions alors à huis clos pour discuter des travaux futurs. Notre greffier a rédigé une liste de toutes les propositions qui ont été faites quant à de futurs sujets d'étude.
    Cela dit, je cède maintenant la parole à notre témoin. Nous accueillons aujourd'hui un témoin fort distingué. Payam Akhavan est professeur de droit international à l'Université McGill.
    Monsieur, votre nom a été proposé par des députés de tous les partis. Pour ma part, je trouve que cela tombe fort bien que vous soyez notre dernier témoin et que vous puissiez ainsi mettre la touche finale à nos audiences.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, chers collègues et chers amis, je vous remercie de m'avoir invité. C'est un très grand plaisir et privilège de partager avec vous certaines idées relatives à la situation des droits de l'homme en Iran.

[Traduction]

    Je suis sincèrement très reconnaissant que votre sous-comité ait choisi de se pencher sur la situation en Iran dans cette conjoncture cruciale. J'ai eu bien des fois le privilège de comparaître devant cette instance et j'estime que jamais cette question n'a-t-elle été plus cruciale, car le Canada s'efforce de déterminer comment il peut contribuer à résoudre l'un des dossiers des affaires étrangères les plus épineux de notre temps.
    Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis plusieurs années, moi-même et un certain nombre d'autres défenseurs des droits de la personne disons publiquement que la société civile et la démocratisation constituent la seule solution aux problèmes auxquels l'Iran est actuellement confronté. Il se trouve que juste avant les événements fatidiques de cet été, beaucoup de gens, au nom du réalisme politique, étaient d'avis que le président Ahmadinejad et les partisans de la ligne dure sont installés durablement au pouvoir, qu'il faut être réaliste et tendre la main à ce gouvernement.
    Les scènes inoubliables qui se sont déroulées dans les rues de Téhéran et d'autres villes cet été, dans ce que beaucoup d'entre nous appelons « l'épisode gandhien » de l'Iran, ne doivent laisser aucun doute sur le fait que le président Ahmadinejad ne parle pas au nom du peuple d'Iran, que sa voix ne doit pas être la seule écoutée par la communauté internationale et que les futurs dirigeants de l'Iran ne sont pas ceux qui s'accrochent aujourd'hui péniblement au pouvoir.
    Ce ne sont pas là les élucubrations d'un professeur de droit de McGill naïf et idéaliste. C'est la dure réalité qui s'est manifestée crûment dans les rues de l'Iran, qui a été momentanément repoussée par une répression brutale, mais qui, je vous en donne l'assurance, n'est que le début de la lutte du peuple de l'Iran pour rétablir la démocratie.
    Je suis fier de dire que, dans la communauté internationale, le Canada est le pays qui, de loin, a eu l'approche la plus fidèle à ses principes dans ce dossier, alors que les gouvernements des États-Unis et des pays d'Europe adoptent une politique qui est nuisible à la lutte pour défendre les droits de la personne et la démocratie en Iran.
    Premièrement, je pense qu'il faut bien se rendre compte que l'on n'a pas encore pris pleinement conscience de l'ampleur et de la gravité des violations des droits de la personne qui ont eu lieu en Iran au cours des derniers mois dans la foulée de la répression des manifestations. Je suis fier que le ministère des Affaires étrangères ait donné une petite subvention au Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran, qui a été chargé de faire une enquête et de rédiger un rapport sur la question, lequel sera, espérons-le, présenté au Conseil des droits de l'homme de l'ONU quand celui-ci se penchera sur le bilan de l'Iran en matière de droits de la personne dans le cadre de l'examen périodique universel, à Genève au début de l'année prochaine.
    Je voudrais vous faire part de quelques exemples tirés des rapports que nous avons reçus, parfois de gens que je connais personnellement, qui sont mes amis et mes collègues. Nous avons tous assisté à cette scène épouvantable dans laquelle Neda Agha-Soltan, cette jeune femme de 27 ans dont le seul crime était de se promener dans la rue au moment de la manifestation, a reçu en pleine poitrine une balle tirée par un membre de la milice Basij, et s'est vidée de son sang alors que le monde entier regardait grâce à cette révolution du Twitter, cette utilisation sans précédent de la technologie de pointe par ces courageux jeunes gens qui veulent tellement désespérément des changements qu'ils sont prêts à risquer de se faire tuer, torturer ou violer pour provoquer le changement.
    Neda Agha-Soltan n'est que l'une des victimes, elle dont le meurtre a été filmé et diffusé. Comme il nous est impossible de documenter ce qu'il est advenu de tous les autres, nous n'avons pas la moindre idée du nombre de personnes, peut-être des centaines, qui ont été assassinées dans des circonstances encore pires. Amir Javadifar est un jeune homme de 24 ans qui a lui aussi été arrêté pour avoir été présent lors des manifestations; son cadavre a été remis à sa mère avec le crâne fracturé et un oeil enfoncé, et tous ses ongles de pieds et d'orteils avaient été arrachés. Un jeune garçon de 15 ans qui avait été arrêté pour avoir porté un bracelet vert — c'était son crime — a été détenu en isolement solitaire pendant 20 jours et a été victime d'un brutal viol collectif perpétré par la milice Basij.

  (1315)  

    Je pourrais poursuivre, mais je pense qu'il est important de ne pas réduire cette histoire à des abstractions et à des statistiques, afin de comprendre l'horrible brutalité avec laquelle le gouvernement iranien a réprimé ce qui était essentiellement un mouvement pacifique et non violent en faveur des droits fondamentaux de la personne et de la démocratie.
    Nous devons nous rappeler que la série de personnages qui sont impliqués dans les simulacres de procès et les actes de torture sont les mêmes qui jouissent de l'impunité depuis 30 ans dans la République islamique, y compris Saeed Mortazavi, qui est maintenant bien connu des membres du comité pour son implication dans le meurtre de Zahra Kazemi. Il a participé à l'interrogatoire de ces manifestants. Leurs aveux ont été extorqués sous la torture et par d'innombrables actes de violence systématique.
    La position du gouvernement iranien est que de 20 à 30 personnes, tout au plus, ont été tuées durant ces manifestations. Nous sommes en train d'essayer de déterminer l'ampleur de la tuerie, alors même que des journalistes se font jeter en prison. Nous connaissons le cas de Maziar Bahari, journaliste canadien qui travaille pour Newsweek, et l'on sait le sort que l'on réserve maintenant aux journalistes, dont beaucoup craignent pour leur vie.
    Dans une telle atmosphère, il est difficile d'établir le nombre exact des meurtres. Ce que nous savons, c'est que beaucoup de familles se sont fait dire que le corps de leurs enfants leur sera remis seulement s'ils signent un document indiquant qu'ils sont morts de cause naturelle. Nous savons que beaucoup de gens n'ont pas encore reçu les corps de leurs enfants, parce que ceux-ci ont été enterrés à la hâte dans des tombes anonymes.
    Nous connaissons un endroit dans le secteur sud-ouest de Téhéran. C'est un entrepôt frigorifique servant à stocker des fruits et légumes. D'après deux témoins — une mère qui était allé chercher le corps de son enfant et qui a dû feuilleter un album de photos pour identifier son fils, et une femme qui était chargée de laver les cadavres au cimetière situé au sud de Téhéran — il y avait au moins 300 corps dans cet entrepôt frigorifique au sud-ouest de Téhéran. Cela donne une petite idée de l'ampleur des crimes contre l'humanité qui ont été perpétrés à l'encontre du peuple iranien.
    J'en arrive maintenant à mon argument principal: quelle est la position de la communauté internationale, et que peut-elle faire pour favoriser la transition vers la démocratie en Iran?
    Je dois vous dire, à mon grand regret, que le gouvernement des États-Unis a récemment annoncé qu'il a coupé tous les fonds au Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran. Un certain nombre d'autres initiatives de défense des droits de la personne et de la démocratie sont dans le même cas, notamment Gozaar, qui est un site Web financé par Freedom House à Washington D.C., et qui se donne simplement pour tâche de renseigner la population iranienne sur la démocratie et les droits de la personne.
    Le message que l'on transmet aujourd'hui est que, pourvu que l'Iran continue de coopérer dans le dossier nucléaire, tout le reste est balayé du revers de la main. Il ne faut pas s'étonner que quelques jours à peine après la réunion du P5-plus-un à Genève, le président Ahmadinejad a subitement déclaré qu'il était disposé à collaborer pour que l'on procède à l'enrichissement de l'uranium à l'étranger. Quant à savoir si l'on peut croire en de telles promesses, cela reste à voir, mais quelques jours à peine après cette réunion, la première de plusieurs peines de mort contre les dirigeants des manifestations a été prononcée par les tribunaux en Iran.
    Le gouvernement iranien observe la situation et calcule jusqu'où il peut aller impunément. Si le message de la communauté internationale est que cette coopération dans le dossier nucléaire entraîne comme corollaire que l'on va fermer les yeux sur toutes sortes d'atrocités, alors les partisans de la ligne dure, qui s'efforcent de consolider leur pouvoir, vont exécuter et torturer autant de gens que possible, dans la mesure où ils peuvent s'en tirer.
    Nous ne devons nous faire aucune illusion quant à leur capacité de le faire. Ceux qui, comme moi, sont au courant de l'exécution de masse d'environ 5 000 prisonniers politiques en 1988 ne se font aucune illusion et savent parfaitement que le régime fera n'importe quoi pour survivre et s'accrocher au pouvoir.

  (1320)  

    À part le fait qu'il est impératif sur le plan moral d'appuyer un peuple qui lutte pour le respect de la démocratie et des droits de la personne, c'est le comble de la naïveté de s'imaginer qu'il y aura la moindre stabilité régionale au Moyen-Orient tant et aussi longtemps qu'un régime militarisé qui est en guerre avec sa propre population restera au pouvoir. Les slogans scandés par la foule dans les rues de Téhéran et d'autres villes sont la meilleure indication de ce que représente ce mouvement non violent et démocratique.
    Récemment, lors des défilés annuels anti-Israël qui ont lieu en Iran — on appelle cela les fêtes de la journée de Quds, le mot « Quds » désignant Jérusalem — quand les représentants du gouvernement ont scandé « Mort à l'Amérique » et « Mort à Israël » au microphone, les centaines de milliers de gens qui étaient assemblés ont scandé en réponse « Mort à la Russie » et « Mort à la Chine », pays qui, aux yeux des Iraniens, soutiennent le régime du président Ahmadinejad contre la volonté du peuple iranien.
    L'un des slogans que l'on entend ces jours-ci dans la rue est: « Ni Gaza ni le Liban; je vais sacrifier ma vie seulement pour l'Iran ». Que disent-ils? Ils disent qu'ils sont écoeurés de la propagande haineuse et du recours à des ennemis extérieurs imaginaires comme méthode pour écraser la dissension interne, et ils disent qu'ils veulent vivre en paix avec leurs voisins.
    Pour ce qui est des quelques concessions temporaires qu'a pu faire ce régime militarisé -- je dis bien régime militarisé parce que tous les membres clés du cabinet sont maintenant membres de Sepah-e, c'est-à-dire les gardiens de la révolution. C'est maintenant un régime militaire. On peut aisément imaginer qu'un régime qui applique une violence aussi effroyable contre sa propre population n'hésitera pas à projeter son pouvoir à l'extérieur, également par la violence.
    En terminant, je voudrais tout d'abord exprimer ma profonde gratitude envers le gouvernement canadien qui a une fois de plus été un chef de file à l'Assemblée générale pour l'adoption d'une résolution sur l'Iran.
    Je voudrais aussi en appeler au gouvernement du Canada pour qu'il envisage de prendre le relais du gouvernement des États-Unis qui a coupé les fonds au Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran et qu'il envisage, en appuyant la documentation de ces abus, d'obliger ces gens-là à rendre des comptes, d'envoyer le message clair que notre gouvernement continuera sans relâche d'appliquer cette approche fondée sur des principes, même si, momentanément, l'humeur est à la conciliation.
    Merci beaucoup.

  (1325)  

    Merci, monsieur Akhavan.
    Nous avons 35 minutes. Cela nous permet de faire un tour de questions et réponses de sept minutes, suivi d'un tour de cinq minutes. Nous allons commencer par les libéraux et je suppose que cela veut dire que nous entendrons en premier M. Cotler.
    Je veux d'abord remercier notre témoin, M. le professeur Akhavan, pour son excellent exposé. Je veux reprendre vos propos, monsieur le président, quand vous avez dit que nous sommes chanceux qu'il soit ici pour nous aider à conclure nos audiences et à conceptualiser la situation, alors que nous nous apprêtons à rédiger notre rapport sur la situation des droits de la personne en Iran aujourd'hui et le rôle que le gouvernement canadien peut jouer en montrant la voie et à s'en tenant aux principes.
    Sur ce point, je voudrais poser des questions au professeur Akhavan. Le Canada, encore une fois, va coparrainer une résolution sur les droits de la personne à l'Assemblée générale de l'ONU. À votre avis, la résolution devrait-elle cette année faire explicitement mention des événements que vous avez évoqués? Par ailleurs, devrait-elle être accompagnée d'une recommandation en vue de sanctions?
    Je trouve quelque peu étonnant que les seules sanctions qui aient été votées jusqu'à maintenant s'inscrivent dans des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU relativement au dossier nucléaire. Encore une fois, c'est un autre exemple de la normalisation des violations des droits de la personne alors que nous focalisons sur l'aspect nucléaire. En fait, je ne veux nullement laisser entendre que l'on ne devrait pas attacher de l'importance au nucléaire; je dis que quand nous focalisons exclusivement sur le nucléaire, le résultat est d'enhardir le gouvernement, de marginaliser l'opposition et de normaliser, en quelque sorte, les violations des droits de la personne.
    Donc, premièrement, comment la résolution pourrait-elle être raffinée et améliorée?
    Deuxièmement, le Canada devrait-il, par exemple, inscrire la garde révolutionnaire islamique sur la liste des entités terroristes ou adopter des sanctions ciblant expressément ces gardiens de la révolution, étant donné qu'ils sont impliqués aujourd'hui en Iran?
    Troisièmement, avez-vous des suggestions quant à la manière dont le Canada pourrait s'y prendre pour cibler l'infrastructure énergétique iranienne et les compagnies qui pourraient avoir leur siège social au Canada et qui font des affaires avec cette infrastructure, afin, encore une fois, de respecter le principe de la responsabilité et d'obliger les responsables à rendre compte de leurs actes?
    Merci, monsieur Cotler.
    Si vous le voulez bien, éminents collègues, je vais répondre à ces trois questions dans l'ordre.
    Premièrement, si je peux me permettre une brève digression, la question de la capacité nucléaire n'est pas en cause; le problème tient plutôt à la nature même du régime.
    Le Japon, le Brésil, la Corée et l'Argentine sont tous des pays qui ont une capacité nucléaire, mais nous ne nous en inquiétons pas parce qu'ils ont des gouvernements démocratiques et responsables. Tôt ou tard, l'Iran va acquérir la technologie nucléaire. La technologie devient toujours plus accessible et, à long terme, c'est la nature du régime qui va résoudre le problème nucléaire.
    À cet égard, comme vous le signalez, le Conseil de sécurité de l'ONU, dans sa résolution 1747, a imposé des sanctions ciblées contre les personnes et les compagnies qui sont impliquées dans le programme nucléaire iranien, mais n'a pas adopté de telles sanctions ciblées à l'encontre de ceux qui sont responsables de crimes contre l'humanité.
    Le seul levier dont dispose le président Ahmadinejad pour amener le peuple iranien à s'unir et à l'appuyer est le dossier nucléaire. Cela fait de lui le champion de la souveraineté iranienne contre ce qu'il décrit comme la domination occidentale. Nous devons amener la communauté internationale à se joindre à l'opposition démocratique en Iran en disant que notre priorité est de défendre la démocratie et les droits de la personne, sachant que la résolution de ce problème résoudra du même coup le problème de l'éventuelle menace que l'Iran représente dans la région.
    Cela m'amène à la question du Sepah-e, la Garde révolutionnaire, et de la milice Basij qui sont responsables des atrocités dont nous avons été témoins dans les rues. L'Iran est maintenant un État verrouillé par les organes de sécurité, un État dans lequel les milliards de dollars des richesses pétrolières iraniennes et d'autres centres du pouvoir économique sont monopolisés par ces forces de sécurité et utilisés essentiellement pour maintenir au pouvoir les tenants de la ligne dure.
    Je suggère par exemple que les membres de Sepah-e et de Basij soient déclarés inadmissibles au Canada en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Il n'y a aucune raison de permettre à un membre quelconque de ces forces de sécurité d'entrer au Canada, puisqu'ils sont coupables de si nombreux crimes. Nous devons aussi songer aux répercussions pour la sécurité du Canada si l'on laisse ces réseaux opérer librement.
    Pour ce qui est des compagnies énergétiques, la question des sanctions est très délicate. Nous ne voulons pas rendre la vie des Iraniens ordinaires plus difficile qu'elle ne l'est déjà. En principe, des sanctions ciblées s'appliquent aux personnes responsables des violations et aident à renforcer l'opposition démocratique. Le mouvement démocratique en Iran a besoin de savoir que le monde est à ses côtés et cet encouragement moral est l'une des choses les plus importantes que nous puissions faire.
    On pourrait au moins récompenser certaines compagnies, que je ne nommerai pas, mais des compagnies qui se sont retirées de l'Iran à cause de leur opposition au climat qui y règne actuellement. À tout le moins, on pourrait récompenser leur bon comportement dans la mesure où le gouvernement canadien a la latitude de le faire.

  (1330)  

    Merci.
    Madame Thi Lac.

[Français]

    Merci, professeur, d'être ici avec nous aujourd'hui.
    Vous avez répondu partiellement à certaines de mes interrogations, mais je veux quand même vous poser des questions pour obtenir des informations supplémentaires.
    On sait que le Canada n'est pas membre du groupe « P5+1 » et qu'il n'est pas situé dans la même région que l'Iran. On n'entretient pas de relations commerciales importantes avec ce pays. Dans les circonstances, quelle influence le Canada pourrait-il exercer sur l'Iran?
    Lorsque vous êtes venu témoigner en mars 2007 devant le sous-comité, vous avez dit ceci:

L'Iranien moyen, lorsqu'il se réveille le matin, ne pense pas à la capacité nucléaire de son pays ou à la façon de détruire Israël. C'est plutôt la préoccupation du président Ahmadinejad, parce que c'est la seule chose qu'il peut offrir au peuple iranien au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans le désespoir, dans le déclin économique et social.
    Vous avez également dit que le focus de notre politique envers l'Iran devrait être directement sur les droits de la personne, à l'intérieur du pays, et non seulement sur la politique étrangère de l'Iran.
    Votre pensée a-t-elle évolué ou est-elle restée la même par rapport à votre témoignage de mars 2007 et à ce qui s'est passé en Iran au cours des deux dernières années?
    Dans un article du Maclean's, vous dites que mettre le focus sur la question du nucléaire avec l'Iran était une erreur. Vous nous avez pas mal dit pourquoi, mais avez-vous quelque chose à ajouter?
    Vous avez également parlé, dans votre témoignage, des déclarations d'hier du président sur son ouverture à l'égard de la coopération. Je voulais savoir si vous aviez autre chose à ajouter.
    Ce sont mes quatre questions. Je vous laisse le reste du temps pour exposer vos points de vue.
    Je vous remercie.
    Je vais d'abord répondre à la question concernant le programme nucléaire.

  (1335)  

[Traduction]

    Comme je l'ai expliqué, la question nucléaire est très complexe et je ne suis pas expert en la matière. Mais c'est un fait qu'un régime dont le pouvoir n'est pas légitime est plus vulnérable qu'un régime qui a un mandat démocratique. Un régime qui se sent vulnérable a plus de chance de recourir aux opérations militaires pour préserver ses intérêts, autant dans les limites de son territoire qu'à l'étranger. On pourrait faire un long historique des nombreux régimes qui ont projeté leur politique étrangère à l'étranger par des opérations militaires, en raison de leur dynamique politique intérieure.
    Si des millions de gens descendent dans la rue en Iran, c'est parce que la population de ce pays est désespérée. Le taux de chômage est actuellement autour de 25 p. 100 en Iran. Si l'on y ajoute le sous-emploi, on obtient un taux d'environ 40 p. 100, dans un pays où 70 p. 100 de la population a 30 ans et moins. Les Iraniens ne se satisfont plus des débats idéologiques et des slogans révolutionnaires du régime. Ils sont instruits. Ils ont la télévision par satellite et l'Internet. Ils savent ce que le monde a à offrir et ils veulent de l'espoir pour l'avenir.
    Quand des jeunes gens sont prêts à risquer de se faire assassiner dans les rues, ce n'est pas parce qu'ils sont fanatiques; c'est parce qu'ils n'ont plus d'espoir. Ils sont désespérés. Ils préfèrent se faire tuer que de garder le silence. Telle est la réalité, dans un pays où des milliards de pétro-dollars servent à financer cet échafaudage de sécurité très élaboré qui soutient le régime. Lancer des missiles, mener un programme nucléaire et payer les membres de Basij et de Sepah-e et de toutes les forces de sécurité, tout cela coûte des milliards de dollars. L'Iran est le deuxième exportateur pétrolier du monde, mais la moitié de la population vit maintenant sous le seuil de la pauvreté.
    Voilà le lien inextricable entre la question nucléaire et l'absence de démocratie, dans un pays où personne n'a de compte à rendre, un pays rongé par les violations des droits de la personne, la corruption, la mauvaise gestion de l'économie et un capitalisme de copinage. La question nucléaire est le seul levier dont dispose le régime pour rassembler les masses populaires contre un ennemi qui, nous le savons bien, est la première chose dont un chef autoritaire a impérativement besoin.
    C'est dans ce contexte que j'évoque les slogans scandés dans la rue pour expliquer que le peuple s'est réveillé et qu'il ne croit plus dans ces mensonges et tromperies. Les gens disent qu'ils veulent des emplois et de l'instruction. Ils disent qu'ils veulent que la police sorte de leurs universités et de leurs écoles. « Nous voulons la liberté », disent-ils, « et nous voulons l'espoir ». Ils disent qu'ils se fichent du Hamas et du Hezbollah et de tous ces autres croque-mitaines que l'on présente sans relâche au peuple iranien.
    Enfin, la question des liens commerciaux, comme je l'ai dit, est très délicate, car on ne veut surtout pas rendre la vie plus difficile au peuple iranien. Évidemment, si par exemple nous vendons des denrées agricoles à l'Iran, je ne proposerais pas que l'on tente de s'opposer à de tels échanges commerciaux. Il faut réfléchir soigneusement à l'incidence qu'auraient des sanctions sur ceux à qui nous voulons faire payer le prix des violations.
    Mais il y a clairement d'autres domaines. Je suis allé récemment à Berlin et j'ai constaté que, par exemple, un fabricant d'armes allemand avait vendu beaucoup d'armes qui ont été utilisées pour tuer des gens lors des récentes manifestations. Siemens et Nokia ont vendu au ministère du renseignement du matériel de surveillance permettant d'écouter les appels téléphoniques des gens et d'intercepter leurs courriels pour ensuite pouvoir les arrêter et éventuellement les torturer. Voilà le type de commerce auquel nous devons absolument mettre fin. Je dirais même qu'il y a maintenant dans la société civile iranienne des gens qui envisagent de boycotter les compagnies qui se sont livrées à un tel commerce.
    Cet échange a duré exactement sept minutes pile.
    Nous escomptons une égale précision de votre part, monsieur Marston.
    Ne comptez pas sur moi, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes très heureux de vous accueillir.
    Vous me rendez la tâche terriblement difficile, parce que je suis d'accord avec quasiment tout ce que vous avez dit, de sorte qu'il est un peu difficile de vous poser des questions exploratoires. Je sais que le peuple iranien a une histoire qui remonte à 5 000 ans et je sais que les Iraniens sont attachés à la démocratie. J'ai discuté à Hamilton avec des Iraniens, dont certains sont au Canada depuis maintenant 20 ans, et j'assiste à l'occasion à leurs activités culturelles et je vois toute la richesse de leur culture.
    M. Cotler a dit quelque chose de très important au sujet du dossier nucléaire. Il n'y a pas d'autre mot que l'apaisement pour décrire ce qui se passe. Tant et aussi longtemps que nous adoptons cette attitude, nous fermons les yeux. Ce point de vue a été répandu aux États-Unis pendant très longtemps en ce qui a trait à l'Amérique du Sud et aux régimes qui y étaient implantés. Cela me rappelle quand mon père m'a appris à ramasser un serpent: si on le prend par la queue, il ne faut jamais perdre la tête de vue, sinon on se fait mordre. Voilà la situation dans laquelle nous sommes.
    Je suis également d'accord avec vous au sujet des sanctions ciblées pour attirer l'attention sur les droits de la personne et pour mettre à l'ordre du jour les violations des droits de la personne dans ce pays. J'espère que vous pourrez nous donner d'autres exemples de la manière dont nous pourrions nous y prendre.
    Nous attendons maintenant depuis deux ans le dépôt à la Chambre du document sur la responsabilité sociale des entreprises. Cela s'applique surtout aux compagnies minières, mais savez-vous si des compagnies pétrolières canadiennes traitent avec le régime iranien? Cela m'intéresse.
    Une autre question que j'ai posée plusieurs fois déjà, c'est de savoir si les manifestations en Iran étaient menées conjointement par des Sunnites et des Chiites. Ou bien y avait-il des divisions selon cette ligne de fracture dans la population? D'après ce que j'ai entendu, je m'inquiète beaucoup du potentiel d'explosion entre les fidèles de ces deux facettes de la religion.
    Je pense que je vous ai donné suffisamment de matière pour me répondre.

  (1340)  

    Merci, monsieur, pour vos aimables paroles.
    Je ne suis pas disposé, pour le moment, à dire quoi que ce soit sur les compagnies canadiennes qui investissent en Iran, parce que je ne voudrais pas faire une suggestion quelconque sans avoir fait une recherche approfondie sur la question, ce que je n'ai pas fait. Mais encore une fois, je pense qu'il faut adopter une approche nuancée. Il y a dans cette économie certains secteurs ou certains types d'échanges qui sont problématiques, mais d'autres ne le sont pas.
    Ce que je peux dire, c'est que le Canada est extrêmement important pour la communauté iranienne, autant les démocrates et les défenseurs des droits de la personne qui ont fait du Canada leur pays d'adoption et qui sont membres de notre nation et fiers de l'être que les élites du régime qui envoient leurs enfants à l'école chez nous, qui ont fait d'importants investissements ici et qui font également des démarches auprès des membres de la Chambre des communes pour faire valoir leurs propres intérêts d'affaires et autres. Nous savons que le vice-président de M. Ahmadinejad, nommément M. Mashaei, est venu au Canada en mars dernier et a rencontré les dirigeants du monde des affaires à Toronto et dans d'autres villes.
    Notre pays est donc important pour l'Iran et c'est également pourquoi il y a tellement d'informateurs et d'agents qui grouillent dans notre pays, et j'ai fait la connaissance de beaucoup d'entre eux. Tout cela pour dire que nous devons prendre très au sérieux le levier dont dispose le Canada.
    J'ai découvert que le fils de l'ayatollah Mesbah-Yazdi, le guide spirituel du président Ahmadinejad, un ecclésiastique que l'on ne peut faire autrement que de décrire comme un fanatique absolu, un homme auprès de qui le guide suprême semble modéré en comparaison, que le fils de cet homme, donc, a fait son doctorat à l'Université McGill. Cette université a été qualifiée de centre du sionisme et du baha'isme dans un article publié dans un journal du gouvernement dans lequel on m'attaquait. Mais c'est une bonne chose que l'ayatollah envoie son fils étudier dans un centre du sionisme et du baha'isme.
    Il y a à Toronto et à Vancouver un très grand nombre de gens très riches qui tirent profit de cette relation et nous devons réfléchir et reconsidérer la manière dont notre nation d'immigrants doit, d'une part, bénéficier des gens qui amènent avec eux compétences et capitaux, mais, d'autre part, sans pour autant devenir un refuge pour les criminels.
    Un dernier point au sujet des divisions entre Sunnites et Chiites. On trouve en Iran une majorité écrasante de Chiites. Je crois qu'il y a seulement entre 15 et 20 p. 100 de la population qui est sunnite. Mais le problème, quand on envisage le monde à travers le prisme de la division entre Chiites et Sunnites, c'est de supposer que tous les Iraniens ont la même identité. Les Iraniens sont chiites, mais ils sont aussi séculiers et une partie des Chiites sont des Turcs Azeri et d'autres sont des Iraniens qui ont pour langue le farsi. Il y a aussi la communauté juive d'Iran qui est vieille de 4 000 ans. L'Iran est une société extraordinairement diverse et complexe et, tout au long de ses deux millénaires et demi de civilisation, elle a été florissante quand elle respectait cette diversité.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que c'est la politisation de l'identité qui crée ces problèmes. Un Iran démocratique ne politiserait pas l'identité. Les Kurdes, qui sont sunnites, veulent un Iran démocratique. Les Balouches, qui vivent à la frontière avec le Pakistan et qui sont également sunnites, veulent un Iran démocratique.
    Dès que l'on établira cette séparation entre l'État et la religion et que l'on mettra fin au régime autoritaire et à l'utilisation de la propagande haineuse comme instrument du pouvoir, beaucoup de ces problèmes seront résolus. Cette vision simplificatrice selon laquelle la population est intrinsèquement chiite ou sunnite, qu'il y a seulement ces deux catégories, est mise de l'avant par les forces du pouvoir et ne fait que déguiser en réalité ce qui est un mythe.

  (1345)  

    Merci.
    Il vous reste une minute si vous voulez vous en prévaloir, monsieur Marston.
    C'était tellement complet. Je pense que vous avez vraiment abordé la question dans son ensemble.
    J'en reviens quand même à la question des compagnies canadiennes. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette à ce propos, mais c'est préoccupant.
    Je vous ai entendu laisser entendre très subtilement que le Canada est un refuge pour certains criminels. Il serait très intéressant de savoir qui sont ces gens. Je sais que ce n'est ni le lieu ni le moment, mais si nous sommes en train de devenir un refuge pour des gens répugnants qui pratiquent la torture, il faut le dire haut et fort aux Canadiens, qui s'offusqueraient énormément de voir un gouvernement de notre pays permettre ou favoriser une telle situation.
    Les renseignements que vous nous avez communiqués aujourd'hui ont probablement déjà été rendu publics d'une manière ou d'une autre, mais je trouve très troublant de vous entendre dire que le Canada est un refuge pour de tels éléments criminels. Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ce point.
    Je voudrais apporter une précision là-dessus. On prononcera aujourd'hui la sentence de Désiré Munyaneza, ce Rwandais qui a été reconnu coupable de génocide. Mon éminent collègue Irwin Cotler était procureur général quand ce procès a commencé. Je pense que ce qu'il faut, c'est accorder davantage de ressources à la GRC et au ministère de la Justice pour qu'ils puissent faire enquête dans de telles affaires. C'est fondamentalement une question de ressources.
    Je ne veux pas laisser entendre que l'on ne fait rien. Je sais que l'Agence des services frontaliers du Canada prend des mesures pour empêcher de tels personnages d'entrer au Canada, mais en bout de ligne, compte tenu du climat actuel, l'Iran n'a peut-être pas la même importance que beaucoup d'autres pays, qu'il s'agisse du Guatemala ou de la Yougoslavie, ou de beaucoup d'autres personnes qui peuvent être soupçonnées de telles activités. En l'occurrence, il ne s'agit pas seulement d'intenter des poursuites contre des gens ou de les déclarer inadmissibles pour des raisons strictement humanitaires. Il y a aussi des conséquences en matière de sécurité.
    C'était très important que le vice-président puisse venir et s'entretenir avec des dirigeants du monde des affaires et que ces derniers comprennent clairement à qui ils avaient affaire.
    C'était des gens d'affaires iraniens qui, bien sûr, savaient exactement à qui ils avaient affaire.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    M. Sweet est le prochain et il sera suivi de M. Silva.
    Monsieur Akhavan, je vous remercie encore une fois d'être venu aujourd'hui. J'aurais deux ou trois questions rapides.
    Premièrement, au sujet du Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran, êtes-vous convaincu que la principale raison pour laquelle le Département d'État des États-Unis a coupé les fonds à cet organisme était la volonté de faire un geste d'apaisement envers le régime d'Ahmadinejad pour obtenir des concessions dans le dossier nucléaire?
    Il est difficile de ne pas en arriver à cette conclusion et je serais très heureux si l'on me prouvait que j'avais tort, mais ce n'est pas seulement notre organisation — c'est toute une série d'autres organisations qui ne sont pas centrées en Iran. Elles ne se livrent pas à des activités subversives. Elles font des activités tout à fait inoffensives et raisonnables ayant pour but d'informer la population. Le fait qu'on leur ait maintenant coupé les vivres a toutes les apparences d'un changement de politique. Officiellement, la politique de soutien de la société civile et des droits de la personne demeure, mais il semble bien que la pratique ait changé.
    Bien sûr, il peut y avoir de petits jeux politiques en cause, en ce sens qu'il y a peut-être des initiatives qui ont été lancées sous le gouvernement précédent et qui sont maintenant vues avec méfiance d'une manière ou d'une autre, mais dans le cas du Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran, nous avons reçu un soutien bipartisan. De plus, le message qu'on transmet aux défenseurs des droits de la personne et aux démocrates en Iran, comme l'un d'eux me l'a dit, est celui-ci: on nous ferme la porte en pleine face et l'on nous dit que le monde appuie Ahmadinejad et non pas nous. C'est très démoralisant.
    J'espère que le gouvernement canadien qui, à mon avis, a la meilleure politique à cet égard, pourrait tout au moins, à titre de message symbolique, intervenir et dire que nous sommes maintenant disposés à appuyer cette initiative. Peut-être pourrions-nous ouvrir un bureau au Canada. Tel pourrait être le message envoyé par ce gouvernement au peuple iranien.

  (1350)  

    Merci.
    Vous avez mentionné Siemens et Nokia, et j'ai trouvé cela très troublant. Vous n'avez pas nommé le fabricant d'armes allemand, mais il s'agissait manifestement de vente de matériel de surveillance pour espionner un peuple qui est déjà assujetti à un régime tyrannique. Est-ce que d'autres compagnies qui ont des activités internationales et qui sont présentes au Canada ont également fait des ventes de ce genre?
    Comme je l'ai dit, et je le répète, je fais très attention de ne faire aucune déclaration avant d'avoir vérifié tous les faits. Je vais être très franc avec vous: je n'ai pas vérifié tous les faits et je ne ferai donc pas de conjecture.
    Je sais par contre que le tiers du commerce de l'Iran se fait avec l'Union européenne. L'Allemagne a été pendant très longtemps le principal partenaire commercial de l'Iran, mais aujourd'hui, ce sont les Émirats arabes unis, surtout parce qu'ils sont un point de transit. Tout ce qu'ils ne peuvent obtenir à cause des sanctions, ils l'obtiennent maintenant en passant par les Émirats arabes unis. Il y a des échanges commerciaux d'une valeur de 30 milliards d'euros entre l'Union européenne et l'Iran.
    On sait par exemple que durant les années 1980 et 1990, 260 dissidents iraniens ont été assassinés à Berlin, Vienne, Paris et dans toutes les capitales européennes. Il n'y a presque jamais eu de poursuites engagées. Tel est l'héritage des relations de l'Europe avec l'Iran. Je suis allé récemment en Europe et je me suis entretenu avec des membres du Parlement européen qui m'ont dit ouvertement que le soi-disant dialogue avec l'Iran sur les droits de la personne était un échec. C'était une manière de permettre à la fois à l'Iran et à l'Europe de prétendre qu'il y avait un dialogue, alors même que la situation des droits de la personne se détériorait.
    Certains intervenants en Europe, notamment le gouvernement français, sont maintenant disposés à adopter une position plus décisive, mais malheureusement, cela arrive au moment où les États-Unis estiment, à cause des excès en sens contraire du gouvernement Bush, qu'ils vont maintenant trop loin dans l'autre sens, ce qui est également problématique.
    C'est pourquoi je pense que le Canada a un rôle tellement important à jouer sur la scène internationale en faisant savoir à ses partenaires européens et américains que telle est la meilleure approche face à l'Iran. C'est l'approche du juste milieu entre la confrontation militaire et l'apaisement, qui sont toutes les deux mauvaises.
    Nous verrons si la position des États-Unis change après la déclaration faite il y a deux heures par Ahmadinejad qui a évoqué le besoin de conclure une nouvelle entente à propos des préoccupations des Nations Unies dans le dossier nucléaire.
    Enfin, vous avez dit que le Basij était impliqué dans la répression du soulèvement de la population. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur cette force, le Basij? Ces gens-là obéissent-ils entièrement au guide suprême? S'agit-il d'une force rebelle? Pourriez-vous nous donner davantage de renseignements là-dessus?
    Il est clair que le Basij n'est pas une force rebelle. Je les comparerais aux chemises brunes du régime nazi. C'est une force de sécurité composée de voyous en civil. Les membres du régime sont très malins. Ils savent que si l'on envoie l'armée pour tirer dans la foule lors d'une manifestation pacifique, on a un massacre et le régime s'effondrerait à la suite d'une confrontation ouverte.
    Leur stratégie consiste donc à infiltrer ces foules en y mêlant des gens en civil qui, au moment opportun, commencent à poignarder ou matraquer au hasard. Des innocents se font passer à tabac et même poignarder. Le message est très clair; le but est de semer la terreur. Ils veulent envoyer le message que quiconque descend dans la rue pour protester sera accueilli tellement brutalement qu'il n'en vaut pas la peine de sortir de chez soi pour participer aux manifestations.
    Le Basij est une unité paramilitaire qui relève de la Garde révolutionnaire. La Garde révolutionnaire est placée directement sous les ordres du guide suprême. Juste après les récents événements, la Garde révolutionnaire a fait l'acquisition de la compagnie des télécommunications en Iran et a acheté les plus grandes mines de fer au Moyen-Orient. On se dirige donc vers un État militaire qui domine toutes les ressources du pays et les exploite à ses propres fins. Ils ont tout un réseau de favoritisme, ce qui fait que les gens sont contents.
    Les membres du Basij ne s'en vont pas matraquer les gens spontanément et bénévolement; ils sont payés. Il semblerait qu'ils sont payés environ 200 $ par jour pour aller matraquer et poignarder des gens. Quand on donne 200 $ par jour, ce qui est beaucoup d'argent, à des jeunes chômeurs pour aller battre sauvagement des gens et qu'on leur donne même parfois en prime la permission de violer leurs victimes, on peut voir comment ce régime de terreur se maintien et comment la structure de l'économie est utilisée pour soutenir un tel régime autoritaire au moyen de la terreur.

  (1355)  

    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Non, malheureusement. C'est tout.
    Monsieur Silva.
    J'ai deux questions. La première porte sur les retombées des dernières élections, qui constituent à certains égards un point tournant. Je pense que beaucoup d'Iraniens ont pris conscience que le guide suprême n'était pas neutre dans ces élections. Il a vraiment pris parti pour le régime en place. Cela a-t-il provoqué de bien des manières une perte de crédibilité parmi ceux qui demeurent loyaux au guide suprême, mais qui en même temps, ne sont pas nécessairement loyaux envers Ahmadinejad?
    Y a-t-il eu perte de confiance envers le guide suprême? Il n'est plus une sorte de guide spirituel neutre. Il appartient en réalité à une faction politique qui actionne les leviers de commande, ce qui, à certains égards, enlève presque toute pertinence au processus électoral.
    Mon autre question est celle-ci. Dernièrement, on entend parler de ce qui se passe au Baloutchistan et parmi les Baloutches. Je me demande si les communautés minoritaires en Iran sont actuellement tellement frustrées qu'elles ont le sentiment que la lutte armée est le seul moyen de se sortir de cette situation et d'échapper à la répression.
    Merci, monsieur Silva, pour ces questions très judicieuses.
    La question des élections comporte diverses dimensions. Premièrement, je fais observer qu'il ne s'agissait pas d'une élection, mais bien d'une sélection. Les quatre candidats avaient été choisis par le guide suprême. M. Mousavi, qui mérite à bien des égards des félicitations, était un ancien premier ministre. M. Karoubi, qu'il faut aussi féliciter pour avoir été le premier leader iranien à reconnaître publiquement qu'il y avait eu viols et tortures systématiques dans les prisons iraniennes, était l'ancien président de la chambre d'assemblée. La structure est telle que le guide suprême décide qui peut se présenter aux élections à la présidence ou au Parlement; telle est la façade démocratique que le régime a créée pour se donner une légitimité sans avoir aucune démocratie réelle.
    Ce qu'il faut retenir, c'est qu'après les récents actes de violence, beaucoup de réformistes qui croyaient pouvoir changer la République islamique de l'intérieur ont maintenant pris conscience que ce n'est peut-être pas possible. En même temps, le guide suprême qui, depuis de nombreuses années, était au-dessus de la mêlée et des divisions politiques, est maintenant considéré comme le représentant d'une faction politique parmi d'autres. Le bureau du guide suprême a perdu sa légitimité de manière irréparable. Il est impossible pour cette institution de recouvrer jamais le pouvoir qu'elle a déjà détenu.
    Il y a bien sûr également des dissensions parmi les tenants de la ligne dure, entre Khamenei et le président Ahmadinejad. Ce monsieur Mashai, dont j'ai dit qu'il est venu au Canada, était justement l'un des points de discorde. Le guide suprême a fait pression sur le président Ahmadinejad pour qu'il soit limogé d'un poste qu'il occupait. Ahmadinejad a défié le guide en le nommant à un autre poste tout aussi important.
    Le régime se lézarde de partout et cela tient en grande partie au pillage des ressources, à la question de savoir qui est aux commandes de quel secteur de l'économie. Vous savez que le gouvernement du Royaume-Uni a récemment invoqué la loi pour bloquer un compte en banque en rapport avec le programme nucléaire et, d'après de nombreux rapports, ce compte en banque contenait un milliard de dollars au nom du fils de l'Ayatollah Khamenei, qui s'appelle Mojtaba. Tel est le lien, encore une fois, entre les ressources et les luttes de pouvoir à l'intérieur du pays.
    Sur la question des minorités, j'imagine que vous évoquez en particulier le récent attentat terroriste au Baloutchistan. On craint vivement, au sein du mouvement démocratique non violent, que les membres de certaines minorités deviennent de plus en plus désespérés et recourent à la violence. Il y a également eu deux représentants du gouvernement qui ont été assassinés dans la région du Kurdistan iranien.
    Personnellement, j'espère sincèrement que ce mouvement démocratique va demeurer discipliné et réussir par la non-violence, mais il faut aussi envisager la possibilité que plus longtemps cette situation va perdurer, plus la communauté internationale va aider à maintenir ce régime en place, plus grande est la probabilité que certains, découragés par la non-violence, vont commencer à se tourner vers des méthodes violentes. Je crois que ce serait tout à fait regrettable pour l'avenir de l'Iran, compte tenu du régime face auquel nous nous retrouverions.

  (1400)  

    Nous avons le temps pour un autre tour de questions. Pour ce faire, je vais considérer qu'il est actuellement 13 h 55.
    Monsieur Hiebert, vous avez la parole.
    Je vous remercie d'être venu. J'ai deux questions.
    Vous avez dit que l'approche américaine était nuisible pour les droits de la personne en Iran, surtout parce qu'on avait coupé les fonds à ce groupe qui suit attentivement l'évolution de la démocratie en Iran et qui publie des documents à ce sujet. Y a-t-il autre chose que les États-Unis font ou ne font pas et qui est également nuisible pour les droits de la personne en Iran? C'est ma première question.
    Voici ma deuxième question. Vous avez dit il y a un instant que vous ou d'autres personnes en sont arrivées à la conclusion qu'il n'est pas possible de changer le gouvernement iranien de l'intérieur. Si l'on ne peut pas le changer de l'intérieur parce que le pouvoir est tellement concentré entre les mains du guide suprême, alors comment pourra-t-il changer le moindrement, autrement qu'en étant complètement renversé au moyen d'un coup d'État?
    Merci, monsieur.
    Sur la question de la politique américaine, je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Encore une fois, je ne suis pas un expert en matière de politique étrangère des États-Unis. Je pense que, dans les deux partis, on ressent encore une certaine sympathie relativement à la question des droits de la personne, mais certaines décisions ont été prises de cesser de financer certains projets. Quant à savoir comment la politique américaine évoluera à l'avenir, cela reste à voir.
    En dépit des regrets que j'ai exprimés quant aux décisions relatives au financement, je pense qu'une fois qu'ils auront pris conscience que toute concession sur la question nucléaire ne peut être que temporaire et ne résoudra pas le problème fondamental, on pourra revenir à une compréhension plus éclairée du rôle que l'Occident peut jouer à l'appui du mouvement démocratique.
    Je pense que les conseillers qui travaillent maintenant dans l'administration Obama sont les mêmes qui, durant le gouvernement Bush, se prononçaient contre ce qu'ils qualifiaient de diplomatie de cow-boy, consistant à proférer des menaces militaires, ce qui ne faisait qu'aider Ahmadinejad à unir le peuple iranien contre l'impérialisme américain, avec tout le discours révolutionnaire habituel.
    Ils s'orientent maintenant dans la direction opposée, mais beaucoup d'entre eux ferment complètement les yeux sur ce qui s'est passé durant l'été. Ils sont d'avis qu'Ahmadinejad est bien en selle, que nous devons être réalistes et lui tendre la main, que nous ne devons pas faire de menaces militaires. Mais ils écartent complètement cette explosion qui a eu lieu pendant l'été, ce qui devrait pourtant les amener fondamentalement à refaire tous leurs calculs sur l'Iran et le pouvoir que possède réellement Ahmadinejad.
    Pour ce qui est de changer le pays de l'intérieur, je vais peser soigneusement mes mots. Cette notion du changement de l'intérieur était fondée sur l'idée que, grâce aux élections, on pourrait faire adopter un programme réformiste. Quand on parle de changer de régime, il ne s'agit pas, comme je l'ai dit à maintes reprises, de remplacer un groupe de tyrans par un autre groupe de tyrans. Bien sûr, chacun se targue de respecter les droits de la personne et la démocratie et s'empresse de recourir aux mêmes méthodes une fois au pouvoir.
    S'il y a promesse de jours meilleurs en Iran, c'est parce qu'il y a aujourd'hui un mouvement social de la base qui réclame la démocratie. Ce ne sont plus seulement des factions politiques. Les protestataires, les millions qui sont descendus dans la rue, ont peut-être utilisé les élections comme prétexte pour manifester dans les rues, mais ce sont des groupes de femmes, des défenseurs des droits de la personne, des dirigeants étudiants, des chômeurs, et tout simplement des grands-mères et des grands-pères et des enfants qui veulent la liberté. Ils veulent l'espoir.
    C'est la raison pour laquelle je pense que ce pays a un brillant avenir. Tout leader qui arrive au pouvoir aujourd'hui doit désormais rendre des comptes à ces gens-là. Nous savons qu'en dernière analyse, c'est là que réside le fondement de la démocratie, au lieu de tenir quelques élections dans un système où les gens n'ont en réalité aucun véritable pouvoir et n'ont pas leur mot à dire.
    Il suffit de gratter le vernis de cette image très regrettable de l'Iran pour trouver en dessous une génération nouvelle, pragmatique, post-idéologique, hautement idéaliste, formée de gens très compétents qui sont véritablement des champions des droits de la personne. Pourvu qu'ils maintiennent leur discipline et s'en tiennent à leur doctrine de la non-violence, tôt ou tard, les dirigeants actuels seront écartés. Heureusement, l'Iran n'est pas comme la Corée du Nord: ce pays ne peut pas être gouverné indéfiniment par la terreur et l'intimidation.

  (1405)  

    Merci beaucoup, monsieur Akhavan.
    Ce fut un plaisir de vous accueillir comme témoin devant le comité. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Merci, monsieur.
    La séance est levée...
    Non, pas encore. Je retire ce que j'ai dit.
    Madame Thi Lac.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais faire une suggestion au comité.
    On a reçu le rapport qu'on doit étudier mardi prochain. Toutefois, on a reçu de nouveaux témoins au cours des dernières semaines, et il s'agit du même rapport que vous nous aviez envoyé avant de recevoir les nouveaux témoins.
    Plutôt que de l'étudier mardi prochain, il serait peut-être plus à propos de laisser les analystes puiser l'information et la recueillir. Sinon, ça n'aura servi à rien d'avoir accueilli de nouveaux témoins et de les avoir entendus. Je pense qu'il serait plus à propos de reporter l'étude jusqu'à ce que les analystes aient eu le temps d'incorporer les informations qu'on a recueillies auprès de ces témoins. De plus, comme on leur a demandé de comparaître, ne pas tenir compte de leurs témoignages dans notre futur rapport serait insulter ces gens.

[Traduction]

    Si je comprends bien, vous proposez que nous n'ayons pas de réunion mardi prochain. Est-ce que cela résume bien ce que vous venez de dire?

[Français]

    On pourrait se rencontrer. Je pense qu'on peut se rencontrer mardi prochain justement pour élaborer le calendrier des futures réunions, mais pas au sujet du rapport.
    Je veux justement donner le temps aux analystes de compiler les informations fournies par les témoins entendus dernièrement. Aujourd'hui, on a tous été très heureux d'entendre les propos du professeur. Puis, si l'on étudie cela mardi, je peux vous dire que M. le professeur va être venu ici pour absolument rien parce qu'aucune de ces données ne sera incluse dans le rapport.
    Je ne voudrais pas non plus qu'on oblige les analystes à faire des contorsions. Il faut leur donner le temps d'incorporer les informations fournies par les derniers témoins, de travailler à un autre rapport qui pourrait être remis peut-être un peu plus tard. Cela pourrait même se faire au retour, après la semaine de relâche, afin de pouvoir étudier le rapport en profondeur.
    Je tiens à ce que les propos des témoins se retrouvent aussi dans le rapport, sinon cela n'aura servi à rien de les faire venir.

[Traduction]

    Monsieur Sweet.
    Je voudrais faire une brève intervention.
    Est-ce que les témoignages de nos derniers témoins sur l'état de la situation en Iran après le soulèvement ont été incorporés dans ce rapport? Si ce n'est pas le cas, alors je suis d'accord avec Mme Thi Lac pour mettre cela de côté jusqu'à notre semaine de travail dans nos circonscriptions, parce qu'ils auront besoin de temps pour assimiler tous ces témoignages et rédiger le rapport et cela ne pourra pas se faire en deux jours.
    Est-on d'accord avec cela?
    Des voix: Oui.
    Le président: Très bien, c'est ce que nous allons faire.
    Mardi, nous discuterons des travaux futurs.
    Merci beaucoup. Maintenant, la séance est vraiment levée.
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