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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 026 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 juin 2009

[Enregistrement électronique]

  (1235)  

[Français]

     Il s'agit de la 26e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

     Nous entreprenons aujourd'hui une étude sur les commissions des droits de la personne. Nous avons deux groupes de témoins. Premièrement, nous accueillons David Langtry, vice-président de la Commission canadienne des droits de la personne. Il est accompagné de Sébastien Sigouin, directeur de la Division des politiques et des relations internationales, et de Monette Maillet, directrice et avocate principale au Service de consultation juridique. Nous accueillerons ensuite Alan Borovoy de l'Association canadienne des libertés civiles.
    Je veux simplement informer les membres du comité de tous les partis que ce créneau d'une heure et demie nous restreint dans le temps. Je serai assez impitoyable en ce qui concerne le temps accordé pour les questions et réponses, de sorte que nous pourrons entendre intégralement les témoignages des deux groupes de témoins. Au lieu des deux séries de questions habituelles, je vous propose de nous limiter à une seule après chaque groupe de témoins. Et malgré cela, les choses seront corsées. Je demande donc la collaboration de tous.
    Cela étant dit, je souhaite la bienvenue à nos témoins.
     Je demanderai à M. Langtry s'il est disposé à commencer. Merci.
    Bonjour. Je tiens à remercier Ie sous-comité d'avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à participer à son examen des politiques et pratiques des commissions des droits de la personne, au Canada et dans Ie monde.

[Français]

    Je m'appelle David Langtry et je suis le vice-président de la Commission canadienne des droits de la personne, ou CCDP. Je suis accompagné de Mme Monette Maillet, avocate principale et directrice des Services de consultation juridique, et de M. Sébastien Sigouin, directeur de la Division des politiques et des relations internationales.
    Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous donner un aperçu du rôle et du mandat de la commission, et de vous exposer nos pratiques et notre travail au Canada et sur la scène internationale.

[Traduction]

    La meilleure façon sans doute de vous expliquer Ie rôle et Ie mandat de la commission est de vous lire un extrait de l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne : « La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet [...} au principe suivant: Ie droit de tous les individus [...} à I'égalité des chances d'épanouissement [...} sans discrimination. Tel est la base du mandat que la commission s'efforce d'accomplir dans tout son travail: contribuer à créer un Canada où la dignité, Ie respect et l'égalité sont des réalités pour tous.
    La commission compte deux commissaires à temps plein, moi-même, et la présidente de la commission, Jennifer Lynch, c.r., ainsi que quatre commissaires à temps partiel et 190 employés. Un aspect important de notre travail consiste à traiter des plaintes de discrimination. La plupart des plaintes que nous traitons touchent Ie milieu de l'emploi, et près du tiers concernent la discrimination fondée sur Ie handicap.
    L'expérience montre que souvent Ie meilleur moyen de résoudre les différends en matière de droits de la personne — et la plupart de ces différends ont cours au niveau local, à l'usine ou au bureau — est de réunir les parties pour qu'elles trouvent ensemble une façon d'aplanir leurs dissensions. C'est pourquoi la CCDP met à la disposition des parties un système robuste de règlement alternatif des différends (RAD). Offert à tous les stades du processus, ce système donne souvent de bons résultats.
    Bien sûr, nous ne pouvons pas résoudre tous les différends de cette manière. Certains cas doivent être traités conformément au processus d'enquête prévu par la loi et être tranchés par la commission. Dans 86 p. 100 des cas environ, les plaintes sont résolues ou les dossiers sont fermés par la commission. Les autres cas sont renvoyés au Tribunal canadien des droits de la personne, qui est un organisme d'audience complètement indépendant.
    Bien que mieux connue sans doute comme organisme d'examen préliminaire des plaintes, la commission remplit une autre fonction extrêmement importante: celle de servir de catalyseur dans la promotion des droits de la personne. Nous assumons des fonctions d'éducation et de sensibilisation. Nous travaillons avec les employeurs pour les aider à intégrer au quotidien les considérations liées aux droits de la personne et à prévenir la discrimination avant qu'elle ne survienne. Nous poursuivons des recherches, élaborons des politiques et créons des outils. Nous donnons des conseils au Parlement.
    Depuis sa création, il y a plus de 30 ans, la commission a contribué à induire des changements positifs au sein de la société canadienne. Bon nombre d'entre vous connaissent déjà certains dossiers jurisprudentiels qui ont énormément aidé différentes communautés qui aspirent à l'égalité: Via Rail, qui a permis aux personnes handicapées d'avoir accès aux services de transport par train; Sangha, qui a confirmé que la discrimination fondée sur la surqualification peut être assimilée à la discrimination fondée sur la race; Vaid, qui a confirmé que la législation sur les droits de la personne s'applique à la Chambre des communes; Multani, qui a clarifié les liens entre les droits de la personne et la sécurité.
    À mesure que la société et la loi évoluent, de nouvelles questions concernant les droits de la personne surgissent, et la CCDP contribue à les résoudre.

  (1240)  

[Français]

    À plusieurs reprises, des modifications ont été apportées à notre loi pour prendre en compte les besoins changeants de la société, comme inclure l'orientation sexuelle au nombre des motifs de distinction illicite, et pour établir l'obligation qu'ont les employeurs de prendre des mesures d'adaptation, à moins d'une contrainte excessive, pour répondre aux besoins spéciaux qu'ont certains employés, par exemple en raison d'exigences religieuses ou d'une incapacité.

[Traduction]

    Un fait saillant de l'année 2008 a été l'abrogation de l'article 67 de la loi, qui excluait les questions relevant de la Loi sur les Indiens. L'adoption du projet de loi C-21 a marqué un tournant important dans l'évolution des droits de la personne au Canada, et la commission se réjouit de l'esprit de collaboration dont les parlementaires ont fait preuve dans leurs efforts pour parvenir à un consensus sur Ie texte législatif proposé, grâce auquel les peuples des premières nations du Canada ont finalement droit au même niveau de protection des droits fondamentaux de la personne que la majorité des Canadiennes et Canadiens et que ces derniers tiennent pour acquis.
    L'abrogation de cet article n'était qu'une première étape. La commission travaille maintenant en collaboration étroite avec les organisations autochtones afin de créer un système des droits de la personne qui reflète et respecte les cultures et les lois traditionnelles des peuples autochtones.
    Récemment, une question particulièrement controversée a été observée au sujet de l'article 13 de la loi. En réponse aux préoccupations soulevées par l'article 13, la commission a entrepris un vaste examen stratégique. Les résultats de cet examen sont décrits en détail dans Ie rapport spécial au Parlement qui a été déposé devant les deux chambres du Parlement jeudi dernier. Comme vous Ie savez, vos collègues du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont accepté de mener une étude sur l'article 13. Nous sommes heureux de l'occasion de prendre part à ce débat éclairé de la part de cette instance, et I'attendons avec impatience.
    J'aimerais maintenant vous parler du volet international de notre travail et de quelques faits récents à cet égard.
    Au début des années 1990, la CCDP a présidé une initiative internationale qui a conduit en 1993 à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies d'un ensemble de normes à l'intention des institutions nationales, normes qui sont connues comme étant les « Principes de Paris ». Les Principes de Paris servent de repères reconnus internationalement pour évaluer la composition, Ie mandat et le rendement des institutions nationales des droits de l'homme. Depuis leur adoption, les Principes de Paris guident les gouvernements partout dans le monde dans leurs efforts pour mettre en place des institutions nationales des droits de l'homme indépendantes et pluralistes.
    Un processus d'accréditation indépendant, rigoureux et transparent permet d'assurer que les institutions nationales accréditées contribuent de façon significative et crédible à l'avancement des droits de la personne. Mondialement, 88 institutions nationales des droits de l'Homme sont maintenant accréditées conformément aux Principes de Paris, et 65 d'entre elles, dont la Commission canadienne des droits de la personne, ont une accréditation de niveau A. Toutes ces institutions sont membres du Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme.
     La CCDP a été élue à la présidence du CIC en 2007 pour un mandat de trois ans. Sous notre direction, le CIC a évolué sensiblement comme organisation. Le CIC met en oeuvre actuellement un projet visant à faire en sorte que les institutions nationales aient un rôle à jouer dans le secteur de la responsabilité des entreprises, et il est parvenu avec beaucoup d'efficacité à promouvoir le rôle des institutions nationales des droits de l'homme auprès des Nations Unies.
    À l'échelon régional, la CCDP a joué un rôle de premier plan dans la création du Réseau des institutions nationales des droits de l'homme des Amériques. Depuis sa création, le réseau a offert à ses membres une vaste gamme de services de renforcement des capacités et de mise en commun de l'information, qui vont du rôle des INDH dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones ou des droits des personnes handicapées, aux questions relatives aux droits de l'homme et aux mesures de sécurité, ainsi qu'au droit à l'éducation et à la prévention de la torture. Et plus récemment, la CCDP a réussi à défendre auprès de l'Organisation des États américains l'attribution aux INDH d'un rôle similaire à celui qu'elles ont auprès des Nations Unies.
    En guise de reflet au travail international de la commission sur la scène nationale, cette dernière a participé à l'Examen périodique universel du Canada: elle a présenté une soumission au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en vue de la première partie de l'examen, qui a eu lieu en février 2009, et est intervenue auprès du conseil à la fin de l'examen, en juin 2009.
    Cela met fin à mes observations. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

  (1245)  

    Merci beaucoup.
    Les membres du Parti libéral entameront la série de questions.
    Je crois que M. Silva sera le premier à prendre la parole.
    Nous nous demandions simplement qui assumait la présidence, car Jennifer Lynch n'a pu comparaître aujourd'hui, ce qui est malheureux. Premièrement, je vous félicite de l'élection de la commission à la présidence du CIC. J'estime que cela rejaillit également sur notre pays.
    Je voudrais vous poser deux questions par rapport à votre rôle sur la scène internationale. La première porte sur l’Examen périodique universel dont le Canada vient de faire l'objet. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires à cet égard et sur le rôle que la commission serait susceptible de jouer dans la mise en oeuvre des recommandations de cet examen?
    Deuxièmement, vous avez également fait allusion à l'Organisation des États américains. La Commission interaméricaine des droits de l'homme est très bien connue, et des personnes très éminentes qui en sont membres ont soulevé de graves questions en matière de droits de la personne. Elles ont également présenté des rapports judicieux. Je songe notamment à celui sur les disparitions forcées. Effectuez-vous du travail analogue à celui de l'Organisation des États américains, rédigez-vous, comme elle, un rapport sur les droits de la personne et ce rapport éventuel est-il publié? Les rapports de l'OEA sont très bien diffusés, et ils sont réputés sur le plan international.
    Pourriez-vous répondre à ces deux questions, s'il vous plaît?
    Oui. Merci.
    Je vais d'abord répondre à la question sur l'examen périodique universel, puis je demanderai à M Sigouin de répondre à celle sur l'Organisation des États américains, étant donné que c'est lui qui collabore le plus avec l'OEA.
     La Commission canadienne des droits de la personne est favorable à l'examen périodique universel et, assumant la présidence du CIC, elle a tenu des ateliers régionaux dans différents pays pour aider les institutions des droits de la personne à participer à cet examen.
    Nous sommes heureux que tous les États membres fassent l'objet de cet examen. Le Canada, vous le savez, a appuyé d'emblée ce processus. Comme je l'ai indiqué, nous avons présenté une soumission de cinq pages en février. Nous ne l'avons pas rédigée seuls, car nous avons consulté toutes les commissions provinciales par l'intermédiaire de l'Association canadienne des commissions et conseils des droits de la personne. Nous avons donc élaboré notre soumission de concert avec les dix provinces, les trois territoires et 60 ONG. Nous avons donc passé par Droits et Démocratie. Nous avons donc présenté cette soumission. Comme je l'ai souligné, nous nous sommes naturellement intervenus la semaine dernière.
    Nous estimons que ce processus d'examen est judicieux, et je crois certainement que notre expérience à cet égard favorisera le dialogue et la collaboration entre la société civile et le gouvernement sur le travail de suivi qu'il nous incombera. Nous avons certes offert d'assurer ce suivi sur les obligations du Canada et les mesures qu'il prendra à la suite des recommandations formulées, si le Parlement décidait, bien sûr, de nous confier un tel mandat.
    Sébastien répondra à la question sur l'OEA.
    Vous avez raison de dire que la Commission interaméricaine des droits de l'homme est très réputée. D'ailleurs, nous accueillerons la semaine prochaine deux de ses cadres supérieurs qui viendront nous visiter pendant trois jours pour tirer profit de l'expérience et des compétences que nous avons acquises, notamment en ce qui concerne le traitement des plaintes. C'est dans le cadre d'un projet financé par l'ACDI.
    Le renforcement du régime interaméricain des droits de la personne est, vous le savez, une priorité du gouvernement canadien. On a estimé que la commission canadienne pourrait, à ce titre, collaborer avec la commission interaméricaine.
    Notre organisation est naturellement distincte de la commission interaméricaine, mais nous présentons des rapports sur l'état des droits de la personne au Canada. M. Langtry a abordé l'EPU, l'examen périodique universel. Dans le cadre du processus relatifs aux traités sur les droits de la personne des Nations Unies, nous présentons également des rapports indépendants, c'est-à-dire que le Canada, qui est signataire de ces traités, doit préparer des rapports périodiques. Nous adressons également aux Nations Unies des rapports sur des questions ponctuelles, notamment la discrimination contre les femmes, la discrimination raciale ou tout autre droit de la personne protégé par un traité auquel le Canada a adhéré.

  (1250)  

    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute et 45 secondes.
    J'aurais dû préciser préalablement que chacun dispose de sept minutes pour ses questions et les réponses des témoins à celles-ci.
    Sur la question des modalités opérationnelles entre la commission et le tribunal, lequel des deux traite davantage des affaires difficiles? Pour présenter une requête, faut-il l'adresser d'abord à la commission? Je ne crois pas que vous puissiez la soumettre directement au tribunal.
    Vous avez raison. Le tribunal entend les affaires dont le saisit la Commission canadienne des droits de la personne. Nous ne rendons aucune décision sur le bien-fondé de ces affaires. Nous sommes un organisme d'examen dont le rôle consiste à analyser les plaintes. Nous pouvons alors déterminer que nous ne nous occuperons pas de la plainte parce qu'elle ne relève pas de nos compétences, qu'il y a prescription ou qu'il existe un autre recours. Par contre, nous pouvons décider de nous en occuper. Il s'agit alors de rejeter la plainte ou d'en saisir le tribunal.
    Il ne nous appartient pas de déterminer s'il y a eu discrimination. Cette tâche incombe au Tribunal canadien des droits de la personne, un organisme entièrement distinct.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Dorion.

[Français]

    Monsieur Langtry, félicitations pour votre exposé. C'est intéressant. Vous mentionnez le fait que votre commission a eu une accréditation de niveau A en vertu des Principes de Paris.
    Y a-t-il des accréditations de niveau B? En fait, concrètement, quels sont les critères qu'on utilise pour juger du travail, de la performance, de la composition et autres des diverses commissions?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Comme je l'ai indiqué, l'accréditation de niveau A est la plus élevée. Quatre-vingt-huit institutions nationales sont accréditées. Le CIC a également accordé des accréditations de niveau B à des institutions qui répondent presque aux critères des Principes de Paris. L'accréditation de niveau B ne donne pas le droit de participer à part entière au Conseil des droits de l'homme. L'institution qui a reçu l'accréditation de niveau A peut se prévaloir de ce droit et intervenir sur chaque question examinée par le Conseil des droits de l'homme. Il existe également une accréditation de niveau C qui, essentiellement, est accordée aux institutions qui ne répondent absolument pas aux critères des Principes de Paris.
    Donc, l'institution nationale présente une demande d'accréditation au sous-comité de l'accréditation du CIC. La demande est examinée par l’Unité des institutions nationales du Haut Commissariat aux droits de l’homme à Genève. Dans la demande, il faut justifier ses rapports annuels, ses budgets et ses activités. Les fonctionnaires itinérants onusiens formulent également leurs commentaires. Le sous-comité de l'accréditation se réunit deux fois par année pour examiner les demandes et recommander au CIC de les approuver ou de les rejeter.
    Le sous-comité se compose d'un représentant de chacune des quatre régions du CIC, soit les Amériques, l'Asie-Pacifique, l'Afrique et l'Europe. Le Canada est l'un des quatre membres siégeant à ce sous-comité.

  (1255)  

[Français]

    Pouvez-vous donner des exemples concrets de la sorte de critères qu'on emploie pour juger les commissions?

[Traduction]

    Essentiellement, les Principes de Paris, que nous pourrons certainement vous transmettre par écrit, établissent une série de critères pour vérifier si une commission ne relève pas d'un gouvernement et peut donc agir en toute indépendance. La commission doit être nationale. C'est donc dire que les commissions territoriales et provinciales ne pourraient obtenir une accréditation. Seule la commission nationale canadienne le peut. Elle doit cependant être doté d'un mandat exhaustif et non pas restreint. Son budget doit lui assurer l'autonomie et les moyens financiers nécessaires. Le processus de nomination doit être transparent, complètement indépendant et ouvert à tous. Plusieurs règles ont été établies pour vérifier si le mandat est suffisamment vaste.
    Avant tout, il faut que la commission ait été créée en vertu d'une loi ou d'une constitution. Il faut donc un cadre juridique pertinent. Il ne s'agit pas d'un comité simplement créé en vertu d'une motion. Elle doit avoir été établie en vertu d'un texte législatif.

[Français]

    Vous avez encore trois minutes.
    Alors, je serai bref, parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps.
    Tout un débat tend à opposer — chez les gens qui s'intéressent à la question des droits de la personne — les droits économiques et sociaux, d'une part, et, d'autre part, les autres formes de droit, telle la liberté individuelle.
     Pouvez-vous nous entretenir un peu de votre propre conception des choses? Pouvez-vous nous résumer votre pensée sur ce sujet?

[Traduction]

     Oui. Ce qui est intéressant et ce que vous savez peut-être déjà, c'est que les provinces et les territoires ont établi des normes sociales exhaustives ou élémentaires. La Loi canadienne sur les droits de la personne n'a aucune disposition à cet égard. Dans notre rapport annuel de 2003, nous avons recommandé avec insistance que cela soit ajouté à notre mandat, qui relève naturellement du Parlement.
    L'an dernier, nous avons effectué une étude assez détaillée sur la question des normes sociales. Pour ce faire, nous avons eu recours à Wayne MacKay, un universitaire. Dans son rapport exhaustif et pertinemment étayé, il a comparé la situation dans les provinces et territoires canadiens pour recommander que les normes sociales soient ajoutées au mandat de la commission.
     Actuellement, nous nous penchons sur cette étude, que nous avons affichée sur Internet et au sujet de laquelle nous invitons le public à nous faire part de ses commentaires. Par la suite, nous envisagerons les recommandations éventuelles que nous pourrions formuler au Parlement.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Dorion.

[Traduction]

    Monsieur Marston, vous avez la parole.
    Comme d'habitude, dès que les premières questions sont posées, il m'en vient une dizaine à l'esprit.
    Premièrement, je tiens à vous féliciter du travail que vous accomplissez. C'est un travail important.
    Abordons la question de l'EPU. À la lecture de l'EPU dont le Canada a fait l'objet, on constate que plusieurs pays s'inquiètent de notre réticence à adopter le Protocole facultatif de la Convention contre la torture, le PFCCT. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. J'aimerais également avoir un exemplaire de votre soumission à propos de l'EPU. Je pense que c'est très important.
    Ma première question porte sur l'EPU dont le Canada a fait l'objet. Quel est l'essentiel de cet examen périodique universel, selon vous?
    C'est une question intéressante. Je dois dire que, dans notre soumission, nous avons souligné les divers aspects en matière d'égalité et de normes sociales, mais nous avons également abordé précisément la question autochtone, si je peux m'exprimer ainsi.
    À propos, nous serons ravis de vous faire parvenir un exemplaire de notre soumission.
     Nous avons constaté avec regret que le Canada n'a pas approuvé ni signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En outre, nous avons également souligné la position de notre pays sur la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.
    La déclaration revêt une importance particulière pour nous. Je peux vous l'affirmer, étant donné que l'abrogation de l'article 67 constitue la priorité absolue de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous avons créé un bureau national des affaires autochtones qui, à Winnipeg, travaille à ce dossier.
    Comme vous le savez sans aucun doute, le projet de loi C-21, qui abrogeait l'article 67, prévoyait une période de transition de trois ans. Le projet de loi a été adopté en juin 2008. Il s'écoulera donc encore deux autres années avant que les autorités autochtones ne soient investies des pouvoirs à cet égard, mais dans l'immédiat cette modification législative a des effets sur le gouvernement du Canada. Nous sommes donc déjà saisis de plaintes et, naturellement, nous en recevrons de nombreuses autres au cours des deux prochaines années. C'est ce sur quoi nous concentrons nos efforts.

  (1300)  

    Je voudrais continuer dans la même veine. Au cours des derniers jours, les médias ont abondamment parlé des collectivités autochtones du Manitoba qui sont durement touchées par la grippe porcine. Lorsqu'il s'agira d'en établir les causes, je suppose qu'on pointera du doigt le surpeuplement et certains problèmes relevés dans l'EPU.
    Je suis heureux d'entendre que M. McKay a recommandé que la commission se penche sur les normes sociales. Nous estimons naturellement qu'en vertu des droits de la personne, personne ne doit vivre dans la pauvreté notamment; notre système crée presque les conditions conduisant à la pauvreté. Il faudra se pencher plus exhaustivement sur ce problème. J'aurais cependant une question susceptible d'être explosive.
    J'ai parlé à un de mes employés aujourd'hui. C'est un Américain d'origine qui a émigré au Canada, ce qui prouve que son jugement s'améliore. Nous avons abordé la liberté d'expression absolue aux États-Unis; au Canada, la commission et le tribunal se sont penchés sur l'affaire Maclean's notamment. Que pensez-vous de l'équilibre auquel vous essayez de parvenir entre les droits individuels en matière de littérature haineuse ou de propagande haineuse dans les médias et la liberté d'expression absolue?
    Merci. C'est certes la position adoptée par la commission.
    Comme vous le savez, nous avons présenté, jeudi dernier, un rapport spécial au Parlement, et nous sommes heureux de vous le remettre également. Il y est question de l'équilibre auquel sont parvenus presque toutes les provinces et territoires. Il existe un droit fondamental à la liberté d'expression qui ne l'emporte pas sur les autres droits fondamentaux. Autrement dit, les droits sont tous sur le même pied d'égalité. Dans leur interprétation, les tribunaux précisent souvent la nécessité d'établir un équilibre entre les droits contradictoires.
    Comme vous le savez peut-être, nous avons eu recours à M. Moon, un universitaire, pour effectuer une étude sur l'article 13. Dans notre rapport spécial présenté au Parlement, nous avons certes recommandé que celui de M. Moon soit examiné également. Tout compte fait, après avoir examiné la recommandation de M. Moon, avoir consulté abondamment les intéressés et avoir tenu compte des décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Taylor et Keegstra en 1990, ainsi que de la modification de notre loi en 2001 pour ajouter à notre mandat la propagande haineuse sur Internet lorsque la Loi antiterroriste a été adoptée, nous avons recommandé, dans notre rapport présenté au Parlement, que les deux régimes soient maintenus mais que la définition de « haine » soit précisée. La commission a toujours estimé que seuls les cas extrêmes devraient être soumis aux instances supérieures, d'où la décision dans l'affaire Maclean's. Comme vous le savez, notre commission a rejeté cette plainte et n'en a pas saisi le tribunal. Depuis la création de la commission, seulement 17 plaintes ont été entendues par le Tribunal canadien des droits de la personne parmi toutes celles que nous avons reçues.
    Nous appliquons donc les critères établis dans l'arrêt Taylor lorsque nous analysons les plaintes et nous ne saisissons le tribunal que des cas extrêmes. Pour enlever toute ambiguïté, nous avons également recommandé que le Parlement modifie notre loi pour bien préciser que notre mandat ne devrait porter que sur des cas très restreints et extrêmes. Par conséquent, nous devrions pouvoir rejeter la plainte dont nous sommes saisis lorsqu'elle ne respecte pas les critères minimums de l'article 41 de notre loi, qui nous permet de prendre assez rapidement une décision en statuant que la plainte ne relève pas de notre compétence, au lieu d'être tenus d'effectuer une enquête exhaustive.

  (1305)  

    Merci beaucoup, monsieur Marston.
    Je cède maintenant la parole à M. Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Langtry, je vous suis reconnaissant de comparaître aujourd'hui pour nous faire part des forces et des faiblesses de la Commission canadienne des droits de la personne. Étant donné le peu de temps dont les témoins disposent aujourd'hui, accepteriez-vous de nous transmettre par écrit les réponses que nous vous poserons après la séance?
    Oui.
    Magnifique! J'ai également beaucoup de questions à poser et j'ai peu de temps pour le faire. Je vous demanderais donc de répondre le plus brièvement possible. Merci.
    Je constate que, au cours des dernières années, la commission et le tribunal ont tenu des auditions secrètes de façon notamment à ne pas divulguer la preuve aux défendeurs, à dissimuler l'identité des accusés et même à exclure un défendeur de l'audition.
    Je suis avocat, et vous savez sans doute que de telles pratiques sont interdites dans les tribunaux judiciaires, car elles jetteraient le discrédit sur l'administration de la justice. Voici donc ma première question: Qui approuve ce genre de tactique juridique? Ma deuxième question est la suivante: La commission ou le tribunal possède-t-il un manuel de procédure régissant le déroulement de ces auditions ou les règles sont-elles établies au fur et à mesure?
    Merci de votre question. Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de vous décrire nos pratiques administratives, ce que je dois faire brièvement néanmoins.
    Vous savez sans doute que nous sommes un tribunal administratif et que, à ce titre, nous nous sommes assujettis à la règle de l'équité procédurale. Toutes nos décisions peuvent faire l'objet d'une révision judiciaire.
    Disposez-vous d'un document de procédure juridique?
     Nous suivons effectivement des règles procédurales qui régissent surtout les délais relatifs aux plaintes et aux décisions, entre autres choses.
    Un tel document aurait pourtant son utilité.
     Qui approuve les tactiques juridiques que vous employez?
     Les tactiques juridiques, comme vous dites, s'appliquent au déroulement de presque toutes les affaires dont est saisi le tribunal. Les circonstances particulières doivent être soumises préalablement au tribunal. Comme vous le savez, la commission ne tient aucune audition.
    Un avocat peut donc décider de la tenue d'une audition prétendue secrète dans des circonstances particulières. Cette décision n'incombe pas à la commission ou à une autre instance.
    Un avocat a déjà demandé au Tribunal canadien des droits de la personne d'accorder une exception pour l'audition d'un des témoins. Il avait justifié sa demande par des considérations liées à la sécurité. Par contre, il appartient au tribunal d'accueillir ou de rejeter la demande. C'est arrivé à une seule occasion. C'est la seule dont je suis au courant.
    Passons à autre chose. Les parlementaires ont remarqué que certains enquêteurs de la commission ont enfreint la loi, affichant sur Internet des parties importantes de propagande haineuse et volant un service Internet récemment. Je remarque également que la commission a embauché des personnes louches, notamment un policier qui avait été congédié pour corruption.
    La vérification interne tenue en 2003 n'a pas accordé la note de passage à la CCDP sur le plan de l'éthique. La commission n'avait alors aucun manuel ni aucun code d'éthique. S'en est-elle dotée depuis? Dans l'affirmative, celui-ci s'appliquerait-il à la vérification des employés éventuels? Aurait-il permis d'éviter l'embauche d'une personne corrompue?

  (1310)  

    Vous me permettrez peut-être d'aborder votre préambule avant de répondre à votre question.
    Le fait est que des renseignements dont ont fait état les médias et les descriptions de certaines de nos mesures sont, d'après nous, non fondés. Dans notre rapport spécial, nous avons exposé en détail nos pratiques. Par exemple, les accusations de vol d'un service Internet étaient fausses. Les enquêtes respectives de la GRC et de la commissaire à la protection de la vie privée ont révélé l'absence ou l'insuffisance de preuves permettant d'intenter des poursuites.
     Sur le plan de l'éthique, nos employés sont naturellement assujettis aux codes de conduite, aux codes d'éthique et à toutes les lois du gouvernement canadien.
    Nous n'affichons aucun message haineux. Je peux vous assurer que la commission ne tolérerait pas qu'un de ses employés le fasse.
    Merci.
    D'après votre site Web, 2 p. 100 de toutes les plaintes reçues annuellement par la commission sont fondées sur l'article 13. Ces plaintes de prétendue propagande haineuse ne constituent qu'une faible proportion de l'ensemble des plaintes traitées par la commission. Ce qui est encore plus intéressant, c'est que la même personne est à l'origine de presque toutes les plaintes qui sont fondées sur l'article 13 et dont le tribunal a été saisi au cours des huit dernières années. Vous connaissez sans doute Richard Warman. Depuis 2001, 14 plaintes ont débouché sur une décision de la part du tribunal, et 12 de celles-ci ont été déposées par Richard Warman. On peut donc en conclure que, sans M. Warman, très peu de plaintes auraient été présentées en vertu des dispositions de la loi.
    Est-il vrai que le tribunal a attribué plus de 50 000 $ à Richard Warman au fil des ans? Est-il vrai également que la commission lui a accordé des milliers de dollars supplémentaires pour le remboursement des frais qu'il a engagés pour témoigner à l'audition des plaintes qu'il a déposées?
    En toute franchise, je vous dirai que j'ignore les montants attribués à Richard Warman par le tribunal. Comme vous le savez, nous ne sommes pas le tribunal. Je n'en suis pas au courant, mais je pourrai certes me renseigner.
    J'ignore également les montants que la commission a accordés à Richard Warman. Je peux par contre effectuer les recherches nécessaires et vous transmettre ces renseignements.
    Je vous en serais reconnaissants Merci infiniment.
    Il serait sans aucun doute louche qu'un ancien employé reçoive un remboursement des dépenses qu'il a engagées pour témoigner lors de l'audition des plaintes qu'il a déposées.
     Dans le document que vous avez présenté au Parlement la semaine dernière, vous avez évoqué, comme vous l'avez fait aujourd'hui, qu'il n'y a aucune hiérarchie des droits, qu'il n'existe pas un ensemble de droits qui sont tous égaux. Par contre, la liberté d'expression est un droit fondamental dans notre Charte et notre déclaration des droits. C'est un droit qui l'emporte sur les autres valeurs de la société. Pourquoi la CCDP n'est-elle pas de cet avis?
    Mon autre question est la suivante: Dans votre rapport, vous signalez que le droit à la protection contre la haine est aussi important que la liberté d'expression. L'expression « droit à la protection contre la haine » figure dans le titre de ce document. Pourriez-vous m'indiquer dans quelle partie de la Charte, d'une loi canadienne ou de tout autre document cette expression se trouve-t-elle?
     Ce sont là mes deux questions.
    Je ne peux vous donner l'origine de cette notion, mais je peux vous dire qu'elle constitue un des aspects du mandat que nous a confié le Parlement en matière de haine sur Internet. Ce mandat découle de l'article 13 de notre loi.
     Vous n'êtes pas sans savoir que la question de l'équilibre et de la restriction des droits au regard de la Charte a été tranchée par la Cour suprême dans l'arrêt Taylor en 1990. Dans les décisions qu'elle a rendues la même journée pour les affaires Taylor et Keegstra, la Cour suprême avait confirmé la constitutionnalité de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ainsi que celle des articles 318 et 319 du Code criminel. Cette notion est fondée sur ces décisions.
     Et je le répète, la modification que le Parlement a apportée à notre loi en 2001 dans le cadre de la Loi antiterroriste traite explicitement de la haine sur Internet, conformément aux décisions judiciaires.
    Par conséquent, notre mandat émane du Parlement, et les décisions judiciaires ont établi les critères en matière d'équilibre et de restriction de la liberté d'expression. Ces décisions n'ont pas été rendues par la commission. Nous relevons du Parlement, qui nous donne ou nous enlève nos mandats.

  (1315)  

    Ainsi prend fin la série de questions.
    Voici quelque chose que je ne fais pas habituellement, mais je vais poser une question très brève.
    Monsieur Sweet.
    Je tiens simplement à signaler que c'est une question très importante, qui a fait l'objet d'un débat très animé. Je suis heureux que M. Langtry ait répondu à mon collègue, M. Hiebert, qu'il nous fera parvenir par écrit les réponses à nos questions ultérieures. Cependant, la séance a débuté en retard. Nous siégeons depuis 39 minutes. Selon la tradition parlementaire, chacun doit avoir l'occasion d'intervenir. J'ignore si M. Rae est de mon avis, mais je sais que les présidents de tous les comités s'étaient entendus sur ce point lors d'une réunion tenue plus tôt cette année. J'espère que, la prochaine fois, on prévoira suffisamment de temps, particulièrement s'il s'agit d'une question aussi importante, afin que tous aient l'occasion de poser leurs questions aux témoins.
    Votre point est judicieux. J'allais poser moi-même une question. Nous pourrions peut-être réinviter les témoins ultérieurement pour leur poser d'autres questions, à condition qu'ils soient disposés à revenir.
    J'aimerais poser une dernière question très brièvement à M. Langtry.
    Dans votre dernière réponse, ai-je bien compris que vous vous fondez essentiellement sur les précédents des tribunaux judiciaires plutôt que sur ceux du Tribunal canadien des droits de la personne? Est-ce bien le cas?
    Tout à fait. Nous sommes liés par les décisions du tribunal, absolument. Les tribunaux nous guident beaucoup, évidemment, mais c'est sur les décisions du tribunal que nous nous fondons quand nous sommes saisis d'une affaire. Ce peut être sur une question d'obligation d'adaptation, par exemple. Le tribunal rend une décision, puis nous nous fondons sur les décisions du tribunal et des cours supérieures — la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada — dans nos enquêtes et notre étude du dossier. Les décisions des cours provinciales ne sont pas aussi contraignantes pour nous.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Nous allons devoir suspendre la séance un moment, le temps que notre prochain témoin s'installe. Nous vous remercions d'être venu.
    Merci de m'en avoir donné l'occasion.

    


    

  (1320)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Notre prochain témoin est Alan Borovoy, avocat général de l'Association canadienne des libertés civiles.
    Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur Borovoy. Nous sommes désolés de ne pas pouvoir vous laisser autant de temps que vous et les intervenants le méritez pour la période de questions. Quoi qu'il en soit, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Dans mon cas, le problème est accentué par le fait que j'ai tendance à parler lentement.
    Je pense qu'étant donné la polémique qui a précédé ces audiences, il serait approprié que je commence par vous indiquer les points sur lesquels mon organisation s'entend avec les défenseurs de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il y en a trois.
    Premièrement, nous sommes d'accord sur le fait que la liberté d'expression n'est pas et ne peut être absolue. Deuxièmement, en ce qui concerne la hiérarchie des libertés, de façon abstraite, une liberté n'a pas nécessairement priorité sur une autre. Les priorités sont définies intelligemment dans des situations concrètes, et non en fonction d'un principe abstrait. Troisièmement, nous nous entendons sur le fait que nous devons conserver l'ensemble de nos lois en matière de droits de la personne et que nous devons encourager les organismes créés pour les appliquer à continuer de le faire, parce que la plupart de ces mesures législatives sont très utiles et très importantes.
    Voilà les points d'entente. Parlons maintenant des points de désaccord.
    La liberté d'expression n'est peut-être pas absolue, mais elle est néanmoins l'élément vital du système démocratique. C'est le moyen qui nous permet de mobiliser ou de tenter de mobiliser l'opinion publique pour redresser les torts qu'on nous a causés. Mon philosophe préféré a dit un jour qu'il s'agissait d'une liberté stratégique, d'une liberté dont dépendent d'autres libertés.
    Il y a essentiellement deux problèmes concernant les dispositions contre les comportements haineux dans les lois en matière de droits de la personne. Premièrement, elles sont trop vagues, et deuxièmement, trop générales.
    Lorsqu'on parle d'exposer des personnes à la haine ou au mépris, j'estime que même avec toutes les définitions du monde, le problème est que cela reste vague. Nous savons que la liberté d'expression est souvent très importante pour exprimer un profond désaccord, mais où s'arrête le profond désaccord et où commence la haine? Si l'on mettait l'accent sur la violence, comme le professeur Moon l'a recommandé, le problème ne se poserait probablement pas, mais la haine est forcément un terme vague.
    Il y a aussi l'étendue, l'ampleur des dispositions. On cible des énoncés comme « susceptible d'exposer » des personnes pour divers motifs, divers principes, à la haine ou au mépris. On dit « susceptible »; donc, il n'est pas obligatoire qu'il y ait une intention de fomenter la haine, et il n'y a pas de défense ni de motif raisonnable fondé sur la vérité.
    J'aimerais vous parler d'une controverse récente, car je crois qu'il y a en quelque sorte une discussion simpliste qui l'entoure. Je parle de la plainte déposée contre le magazine Maclean's concernant l'article rédigé par Mark Steyn. Certaines personnes ont dit: « Cela n'équivalait pas à de la haine », comme s'il était parfaitement évident que ce n'en était pas. J'estime qu'il est loin d'être évident que l'article de M. Steyn n'était pas haineux.

  (1325)  

    Je vais vous lire une phrase de son article. Il a dit: « Bien entendu, tous les musulmans ne sont pas des terroristes — même s'il y en a suffisamment qui s'intéressent au djihad pour qu'il y ait un réseau d'appui impressionnant... ». Qu'est-ce que cette phrase veut dire, en réalité? Qu'un nombre important de musulmans « appuient » — appuient quoi? Le terrorisme, y compris l'enlèvement, la torture et la décapitation de personnes innocentes? Que peut-on dire de pire à propos des gens, ces temps-ci, que de dire qu'ils appuient de telles activités? Il n'est pas du tout évident qu'un nouveau groupe de la Commission des droits de la personne ou le tribunal, s'il est saisi de l'affaire, va arriver à la même conclusion que le groupe précédent.
    Nous avons fait un peu de recherche à propos des récentes controverses, et j'aimerais vous lire de courts extraits de quelques articles. Voici l'extrait d'un article tiré de la respectable revue américaine The New Republic à propos du conflit au Kosovo:
Le raisonnement classique... est que nous n'avons aucun différend avec le peuple serbe. C'est leur dirigeant, Slobodan Milosevic, et ses hommes de main qui l'ont manipulé pour lui faire mener des guerres brutales... Mais si c'était faux? Si les Serbes... appuyaient en fait le nettoyage ethnique...? Dans ce cas, nous avons un différend avec le peuple serbe.

Auparavant, je croyais que les Serbes ordinaires avaient été trompés et obligés d'accepter les atrocités faites en leur nom. Mais maintenant, après cinq ans... après avoir tenté en vain de voir les centaines de Serbes que j'ai rencontrés exprimer des remords, je suis convaincu que la dernière hypothèse est la vraie. Peu importe ce que nous ferons au Kosovo, nous devons nous rendre à l'évidence qu'à toutes fins pratiques, bien des Serbes ordinaires sont — pour paraphraser Daniel Jonah Goldhagen — les bourreaux consentants de Milosevic.
    Cet article n'est-il pas susceptible d'exposer les Serbes à la haine ou au mépris?
    Voici ce que dit, dans son livre, Daniel Goldhagen à propos de l'état d'esprit du peuple allemand à l'époque de l'Holocauste:
... les auteurs, « des Allemands ordinaires », étaient animés d'un sentiment antisémite, d'un type particulier d'antisémitisme qui les a menés à conclure que les Juifs devaient mourir. ... En somme, les auteurs, s'étant accrochés à leurs propres convictions... et ayant jugé que l'extermination des Juifs était juste, n'ont pas voulu dire « non ».
    Cela n'est-il pas susceptible d'exposer toute une génération d'Allemands à la haine ou au mépris?
    Je sais que Daniel Goldhagen est un historien controversé, mais personne ne remet en question ses compétences en histoire. Dans certains documents, on a tenté de prouver que les nazis avaient pu compter sur la collaboration des populations locales dans certains pays qu'ils ont occupés. Cela nous mène à une question très intéressante: dans quelle mesure l'article 13 pourrait-il ériger en infraction de dire la vérité à propos de l'Holocauste? C'est l'un des problèmes que pose cette disposition.

  (1330)  

    Par conséquent, l'Association canadienne des libertés civiles estime que Richard Moon a tout à fait raison de dire que l'on ne devrait pas mettre l'accent sur les manifestations de haine, mais sur la prévention de la violence. Nous avons peut-être des différends au sujet de certains détails, mais l'orientation du rapport Moon, à notre avis, est la bonne.
    Nous vous soumettons cela bien respectueusement, comme toujours, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Borovoy.
    Cette fois-ci, je pense que nous allons commencer par M. Rae. La parole est à vous.
    Merci, monsieur Borovoy. Permettez-moi de vous dire que je suis heureux de vous revoir. Notre association remonte à bien des années, et je suis ravi d'être ici de nouveau avec vous.
    J'aimerais simplement vous poser une question. Vous nous avez parlé tout à l'heure des trois principes. Vous avez dit que la liberté d'expression ne peut pas être absolue. Pourriez-vous nous dire quelles sont, d'après vous, les limites à la liberté d'expression? Quels sont les instruments de politique publique qui devraient être utilisés pour faire respecter ces limites?
    Je ne peux pas vous le dire de façon abstraite parce que cela fait intervenir mon deuxième principe, mais je peux vous dire quelles sont les limites à la liberté d'expression. Je peux vous en donner quelques exemples.
    Vous connaissez tous, bien entendu, la célèbre phrase de Oliver Wendell Holmes selon laquelle la liberté d'expression n'est pas la liberté de crier faussement « au feu » dans une salle bondée. C'est un exemple, et il y en a bien d'autres.
    Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que vous n'avez pas répondu à la deuxième partie de ma question. Est-ce à dire que vous recommandez, comme je le suppose, que l'article 13 soit tout simplement supprimé de la Loi sur les droits de la personne?
    Je crois que le mieux serait de le supprimer et de laisser la Commission des droits de la personne s'occuper des questions habituelles de discrimination, pour lesquelles elle a été créée à l'origine.
    Qu'en est-il du Code criminel?
    Dans le Code criminel, en ce qui nous concerne, si l'article clé se limitait à la prévention de la violence, en particulier dans les situations de danger imminent, il serait beaucoup plus près de la position que nous préconisons.
    Ce qu'il est convenu d'appeler le rapport Cohen de 1970, que vous connaissez très bien parce que l'on a beaucoup tenu compte de votre opinion dans les débats au Parlement à cette époque ainsi que du débat qui en a résulté... Donc, vous supprimeriez l'article 18, ce qui interdirait l'incitation au génocide?
    Non. Nous nous intéressons plutôt à l'article 319, qui porte sur la haine. C'est le principal problème.
    En ce qui concerne l'incitation à la haine et la fomentation volontaire de la haine, le feriez-vous? Supprimeriez-vous cet article? Modifieriez-vous cet article?
    Je le remplacerais ou je le modifierais pour mettre l'accent sur l'incitation à la violence dans les situations de danger imminent.
    Alors vous diriez uniquement: quiconque, par des déclarations en un endroit public, incite à la haine contre un groupe identifiable, « lorsqu'une telle incitation est susceptible d'entraîner une violation de la paix ». C'est la disposition actuelle.
    Non. La difficulté ici, c'est que cette disposition est si vaste qu'elle pourrait inclure des situations où la personne provoque une attaque contre elle-même. Il pourrait s'agir d'une situation que nous appelons en général une « nuisance temporaire ». On ne veut pas pénaliser l'orateur à cause de la violence de son auditoire. On peut le pénaliser s'il pousse ses supporteurs à utiliser la violence contre d'autres personnes, mais pas si ce qu'il dit est si mal accueilli qu'il s'attire lui-même la violence.

  (1335)  

    Qu'en est-il de l'argument, monsieur Borovoy, selon lequel si on se limite simplement au Code criminel, ce qui, vous devez l'admettre, est une solution très peu fréquente, on dit en fait que les pouvoirs moins radicaux du Tribunal des droits de la personne, qui n'a pas le pouvoir d'emprisonner les gens ni de leur retirer la liberté de circulation en les incarcérant, mais a uniquement la capacité de condamner les gens à une amende, qui va décourager, nous l'espérons, ce comportement, n'ont jamais été contestés au motif qu'il s'agit de mesures législatives à caractère criminel... Qu'en est-il de l'argument selon lequel vous forcez peut-être les autorités à utiliser le Code criminel plus fréquemment qu'elles le feraient autrement, au lieu de faire appel à un tribunal administratif?
    Je ne peux prétendre m'exprimer en termes aussi clairs que vous, Alan, mais aidez-moi. Vous savez ce que j'essaie de dire: que vous allez finir par utiliser des sanctions plus rigoureuses, en raison de...
    En plus de tout le reste, vous m'attribuez des dons de clairvoyance.
    Des voix: Oh, oh!
    Êtes-vous ventriloque?
    Je comprends où vous voulez en venir. Je dirais que cela peut être indûment influencé par un élément trompeur important, soit que nous utilisons des sanctions pénales ou que nous ne faisons rien contre les discours haineux. Je pense que les citoyens peuvent faire bien des choses dans une démocratie pour réduire l'influence ou le nombre de discours haineux sans nécessairement imposer des sanctions pénales.
    Toutefois, vous serez d'accord avec moi pour dire que pour trouver des moyens — il y en a beaucoup, et nous en utilisons tous plusieurs — de dénoncer, de démontrer, de contester et de rejeter toute manifestation de haine dans des situations qui n'exigent ni l'intervention du Tribunal des droits de la personne, ni l'application du Code criminel... Vous avez donc raison à cet égard. Toutefois, il me semble que le risque, si l'on élimine simplement l'article 13 plutôt que de le réviser et de le modifier, ce que bien des personnes ont proposé comme solution de rechange — y compris le professeur Moon, qui a présenté une solution de façon impartiale—, c'est de perdre l'avantage d'avoir, comme nous l'avons tous convenu, un article 13 plus ciblé, mais qui donne néanmoins une certaine autorité au Tribunal des droits de la personne pour faire son travail. C'est là où, je crois, il y aura des divergences d'opinions au sein du comité et au Parlement.
    Si nous perdons cet avantage, nous nous retrouvons avec un éventail de possibilités, en effet; le Code criminel peut s'appliquer, et c'est une voie très difficile à suivre dans ces circonstances. Je crois que la jurisprudence relevant du Code criminel va prouver que j'ai raison sur cette question.
    À cet égard, même s'il y a de nombreux cas qui n'ont pas mené à des accusations ou à des condamnations, mais à des situations de harcèlement très déplaisantes à cause de propos haineux exprimés légitimement selon l'article du Code criminel portant sur la propagande haineuse, il y a d'autres dispositions qui prescrivent des mesures moins draconiennes l'instrument de poursuite normal. Richard Moon lui-même a recommandé que l'on prenne certaines mesures contre des sites Web dans lesquels on peut trouver du contenu contraire à la loi. Des accusations ne seraient pas nécessairement la solution ici, mais elles seraient utiles pour retirer une partie de ce contenu du marché, en supposant qu'il contrevient à ce qui doit être un obstacle.

  (1340)  

    Merci.
    Cela met fin à cette série de questions.

[Français]

    Monsieur Dorion, vous avez la parole.
    Je vais vous poser une question sur un sujet qui est vraiment très proche de celui que vous abordez. Il s'agit de la question du négationnisme. Les gens qui, par exemple...
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    M. Jean Dorion: Est-ce que la traduction se fait bien?

[Traduction]

    Je n'ai pas bien entendu. Vous avez parlé d'une question sur un sujet, mais je n'ai pas compris de quoi il s'agit.

[Français]

    Il s'agit de négationnisme. Ça va?
    Finalement, il y a deux théories qui s'affrontent dans ce genre de débat. Il y a les défenseurs de la liberté d'expression, qui disent que l'on ne peut pas imposer une vérité historique officielle. Par ailleurs, il y a d'autres personnes qui choisissent la part de la victime.
    Par exemple, admettons que des voyous me battent, m'attaquent ou me violent. Par la suite, je vais devant les tribunaux et je les fais condamner. Ensuite, ces mêmes voyous ou des amis de ceux-ci commencent à dire que j'ai inventé toute l'histoire, que ce qui m'est arrivé ne s'est jamais produit. Ce faisant, ces personnes vont accroître considérablement ma souffrance et ma douleur. Car la première exigence d'une personne qui a subi une si grande douleur ou une si grande injustice est la reconnaissance du fait qu'on lui a causé un tort.
    C'est ce débat entre les gens qui disent que l'on ne peut pas imposer une vérité historique officielle — les gens ont le droit de croire à l'histoire à laquelle ils veulent bien croire — et les autres qui défendent les victimes.
    Quelle est votre position? Comment voyez-vous cette question, personnellement?

[Traduction]

    Je ne suis pas de ceux qui croient qu'une société démocratique a le droit de déterminer ce que ses citoyens devraient croire et utiliser des sanctions juridiques pour l'imposer. Cela dit, je serais tout à fait en faveur de l'utilisation d'autres sanctions dans le cas de remarques raciales. À titre d'exemple, lorsque la preuve a été révélée au sujet de Keegstra et de ce qu'il avait fait dans sa classe, on l'a retiré de l'école, il a été évincé de son poste d'enseignant et les électeurs de sa communauté l'ont destitué de son poste de maire. Je crois que c'était tout à fait approprié. Il s'agissait de sanctions, qui n'étaient pas illégales, bien entendu; il ne s'agissait pas de sanctions juridiques, mais de sanctions d'opinion publique, exprimées de façon très constructive, à mon avis, et il n'y avait aucun intérêt à le poursuivre en justice. Il était justifié de le laisser s'apitoyer sur son propre sort, comme il le méritait tant.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Marston.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie vivement la présence du témoin aujourd'hui.
    Monsieur, vous avez parlé de Canadiens qui luttent contre l'intolérance ou la haine. On pourrait presque inclure dans ce groupe toutes les personnes réunies dans la salle. Une des raisons pour lesquelles de nombreux élus se retrouvent ici vient du fait que nous nous sommes portés à la défense des droits de la personne en différentes capacités au fil du temps, ce qui nous acquiert une certaine reconnaissance.
    À Hamilton, nous avons lancé une initiative visant à renforcer les liens au sein de la communauté après l'incendie qui a ravagé le temple hindou Samaj dans la foulée des attaques du 11 septembre, un crime haineux grave. Les perpétrateurs étaient incapables de faire la différence entre un temple hindou et une mosquée. Donc, nous avons mis sur pied le Community Coalition Against Racism. Il arrivait que cet organisme ou d'autres soulèvent des questions qui mettaient les gens mal à l'aise et, dans une certaine mesure, vous l'avez fait vous aussi aujourd'hui quand vous avez parlé de la complicité des peuples serbe et allemand et jusqu'où cela pouvait mener.
    J'ai légèrement tiqué lorsque vous avez dit que la commission s'en sortirait peut-être mieux si elle se limitait aux cas d'incitation à la violence imminente. La violence, selon moi, est un phénomène qui se produit dans le feu de l'action, de sorte qu'elle n'agirait qu'une fois que la police a fait enquête ou je ne sais trop quoi.
    Quand des messages haineux sont transmis sur Internet ou dans les médias notamment, la commission serait l'endroit idéal pour en traiter, car les forces policières n'ont peut-être pas d'aussi bons moyens d'action sur le terrain, par manque d'expérience.
    Je me suis senti interpelé par ce rapport que la commission a présenté au Parlement — et je ne suis pas sûr que vous en ayez reçu un exemplaire. Elle y fait certaines recommandations très frappantes, comme d'ajouter une définition du mot « haine » dans la loi. Il est difficile de faire la différence entre ce qui est de la haine et ce qui ne l'est pas, et les auteurs parlent aussi de « mépris ». Ce qui me semble important, c'est qu'on nous renvoie aux arrêts de la Cour suprême du Canada qui établissent des balises pour décider de la manière dont nous allons appliquer la définition législative de ce qu'est censée faire la commission.
    Les auteurs poursuivent en discutant de dépens et d'autres choses de cette nature, mais le rapport semble apporter une solution à certaines préoccupations exprimées récemment. Je crois qu'on a fait un réel effort.
    Comme vous pouvez le constater, mes propos se rapprochent davantage d'une déclaration. Je ne vous pose pas vraiment une question, mais sentez-vous libre d'y réagir.
    Je crains que des personnes au Canada qui cherchent à minimiser ou à limiter la capacité d'agir de la Commission canadienne des droits de la personne et des tribunaux chargés de faire ce qu'il y a de plus difficile au pays n'en compromettent l'avenir en raison d'un ou deux problèmes très graves ou d'un ou deux jugements. Donc, pour en revenir à mon propos, si ces organismes ont perdu de vue leur objectif — et c'est une supposition très hypothétique —, à la lumière des opinions de la cour et des droits qui pourraient fort bien résulter de la décision prise quant à la façon de régler le problème, l'important est de ne pas minimiser leur capacité de faire un travail fort sérieux et très important.
    Si l'on se fie à ce qui est survenu en Allemagne nazie, au Kosovo et ailleurs, s'il y avait eu une commission des droits de la personne dans les années qui ont précédé, des personnes comme Hitler n'auraient peut-être pas eu le pouvoir d'agir comme ils l'ont fait.
    Je viens d'aborder une question au sujet de laquelle vous aurez beaucoup à dire, j'en suis sûr.

  (1345)  

    C'est le moins qu'on puisse dire!
    Je me contenterai simplement d'une remarque au sujet de l'Allemagne. Dans l'Allemagne pré-Hitler, il existait une loi contre les crimes haineux très similaire à celle du Canada actuellement et, durant les 15 années qui ont précédé l'accession au pouvoir de Hitler, on y a mené plus de 200 poursuites pour discours antisémite. En fait, de l'opinion du principal organisme juif d'alors, ces poursuites étaient bien faites 90 p. 100 du temps. Donc, elle n'a été d'aucune utilité au moment où l'on en avait le plus besoin.
    Lorsque vous dites, au sujet de la Commission des droits de la personne, que les mesures que je prône pourraient peut-être lui enlever les moyens d'agir, c'est tout le contraire. J'ai commencé par faire valoir que je suis très favorable au reste de ce que font les commissions de droits de la personne, et j'estime que ces programmes devraient être renforcés.
    Par contre, selon moi, l'ajout dans la Loi sur les droits de la personne d'une définition du mot « haine » ne serait pas très utile. En fait, je serais plutôt étonné que cela ait une quelconque influence. Pour illustrer mon propos, je précise que la définition parle de « vive détestation ». Je vous pose la question: est-ce que l'expression est plus claire que le mot « haine »? Voilà le problème posé par ces définitions, qui ne sont pas à blâmer par ailleurs, ni les juges qui ont rédigé la loi. C'est le problème qui se pose quand on utilise de pareils mots dans une loi pour décrire une infraction. Il existe inévitablement une certaine imprécision inhérente.
    Les commissions des droits de la personne pourraient malgré tout avoir une fonction utile quand des manifestations de haine sont concernées. Elles ont un mandat éducatif et elles pourraient s'en servir de manière plus créative afin de faire de la promotion, de publier des réponses et de mettre en place des programmes de prévention. Ce sont là le genre de choses que pourraient faire des commissions des droits de la personne.
    En toute justice, je ne suis pas vraiment ce que font les commissions actuellement. J'ai dérivé vers d'autres champs de spécialité. Mais j'ai tout de même, durant une certaine période, travaillé de très près avec M. Daniel G. Hill, premier directeur d'une commission des droits de la personne au Canada, celle de l'Ontario, et il avait mis en place beaucoup de programmes éducatifs innovateurs. J'estime que les commissions pourraient beaucoup faire à cet égard.
    C'est pourquoi j'affirme vouloir revenir à la réponse que j'ai donnée à M. Rae tout à l'heure. Ce n'est pas une question de tout ou rien. Notre seul choix ne se résume pas à sévir ou à ne rien faire.

  (1350)  

    J'aurais tendance à souscrire à votre manière de réagir au racisme. Beaucoup de propos haineux que nous entendons sont du racisme flagrant et la seule façon d'y faire face est d'informer. L'expérience m'a appris que le racisme est un comportement acquis.
    J'ai eu beaucoup de chance. J'ai grandi dans le Nord du Nouveau-Brunswick, de sorte que je n'ai jamais été exposé à des gens différents de moi. Il y avait bien des frictions entre les anglophones et les francophones, mais... C'est quand je suis arrivé en Ontario, à Hamilton, que j'ai été confronté pour la première fois à des manifestations de haine, particulièrement vers le début des années 1970...
    Monsieur Marston, nous venons tout juste de dépasser le temps alloué, de sorte que j'espère que vous allez poser votre question.
    J'y arrive.
    J'ai été scandalisé de voir le racisme dont faisait ouvertement l'objet les sikhs à Hamilton durant les années 1970. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles j'accorde la plus vive importance au travail effectué par les commissions — et comme vous l'avez vous-même affirmé, vous y accordez la même valeur.
    Je vais m'arrêter là, afin de laisser plus de temps au parti ministériel.
    Je vous remercie.
    Monsieur Sweet, je crois que c'est votre tour.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais laisser mon collègue, M. Hiebert, utiliser la plus grande partie du temps qui m'est alloué, mais je tenais tout de même à faire valoir certains points.
    Tout d'abord, monsieur Borovoy, je conviens avec vous de l'excellence d'une grande partie du travail fait par la Commission canadienne des droits de la personne. Selon moi, le problème de la commission, c'est qu'elle... Il existe un principe en droit jurisprudentiel aux États-Unis, soit que le système de justice ne doit pas seulement être juste, mais également donner l'impression de l'être. Je crois que la commission a actuellement un problème de crédibilité qu'elle va devoir régler. Un témoin a parlé du problème posé par les médias, et j'en suis conscient; nous sommes constamment en train d'essayer de rétablir les faits dans les médias.
    Vous avez mentionné un problème au sujet de la portée et de l'étendue de l'article 13, je crois, qui échappe également à la commission. Je le dis en ce sens que la Loi canadienne sur les droits de la personne n'a pas été conçue pour punir, mais bien pour corriger des situations, parce qu'un simple recours aux tribunaux nuirait au nom de quelqu'un au-delà de sa capacité de le blanchir. Quiconque fait l'objet d'une plainte, ce qui pourrait facilement se produire en raison de l'étendue de l'article, doit se faire représenter par un avocat parce qu'il serait terrifié à l'idée de se présenter seul devant un tribunal et d'être mis en cause et jugé coupable, naturellement, d'avoir tenu des propos haineux.
    C'est là une de mes principales sources de préoccupation. Vous pouvez commenter, mais je tiens à laisser mon collègue, M. Hiebert, poser des questions.
    Je peux peut-être y réagir lorsque je répondrai aux questions de M. Hiebert, pour sauver du temps.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Borovoy, de ce geste et d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui.
    La Commission canadienne des droits de la personne, dans son rapport spécial au Parlement de la semaine dernière, a laissé entendre qu'il existe aussi un droit à la protection contre la haine. À votre avis, un pareil droit existe-t-il ou faut-il s'attendre dans une société où règne la liberté d'expression à ce que certains soient parfois offensés par des propos?

  (1355)  

    Bien sûr, s'il n'y a pas de risque que des propos choquent, la liberté de parole est inutile. S'il n'y avait pas de liberté de parole, la question ne se même poserait pas. Mais, en ce qui concerne la question, si vous me passez l'expression, métaphysique que vous posez, à savoir si l'on a le droit d'être protégé contre la haine, tout dépend en réalité des principes fondamentaux de chacun, et j'ignore à quel point vous souhaitez porter le débat à ce niveau.
    En ce qui me concerne, les droits dont nous jouissons ne doivent leur existence qu'à des lois. Autrement, j'ignore de quoi il est question. Donc, si vous créez une liberté de protection contre quelque chose, alors vous avez ce droit. Si vous ne le faites pas, vous n'en avez pas le droit. De pareilles notions de l'esprit n'existent pas dans la nature. Donc, si les questions que vous me posez se situent à ce niveau, je vous prie de m'excuser, mais ce n'est pas mon domaine d'expertise.
    Bref, dans le droit canadien, existe-t-il un droit à la protection contre la haine?
    Désolé, mais...?
    Je vous ai demandé si, oui ou non, le droit canadien reconnaît un droit à la protection contre la haine?
    Oui, naturellement. C'est la partie du Code criminel qui parle de crime haineux qui a engendré ce droit.
    Et avez-vous la conviction qu'un pareil droit a sa place dans les lois canadiennes?
    Non, pour toutes les raisons que j'ai énoncées tout à l'heure. Non, parce que la loi est trop vague et qu'elle imposera des restrictions injustifiées à la liberté d'expression.
    Je vous remercie.
    Dans le même rapport, la commissaire en chef elle-même recommande que le tribunal puisse ordonner qu'en cas d'abus, une allocation de dépens est infligée au plaignant en vue d'indemniser le mis en cause de ses frais d'avocat. Il me semble que... Dans la vraie vie, nous savons que les tribunaux peuvent ordonner au plaignant de rembourser le mis en cause ses frais d'avocat non seulement si la poursuite est frivole ou vexatoire, mais également lorsque la personne est innocente et que le juge estime convenable que la partie plaignante les assume, que ce soit excessif ou non.
    Êtes-vous d'accord pour dire que les dépens dans de pareilles situations devraient être récupérés par les personnes qui sont en fait innocentes, compte tenu du fait qu'elles n'ont pas accès à des conseils juridiques comme c'est le cas de ceux qui portent plainte. Le système est très biaisé contre la personne qui tente de défendre sa réputation, et il me semble que le fait d'avoir un processus régulier dans le cadre duquel la partie plaignante sait d'avance qu'elle pourrait avoir à rembourser les dépens de la personne mise en cause serait un bon moyen de décourager les poursuites frivoles ou vexatoires.
    Ce serait probablement aussi un moyen très efficace de décourager le recours à la Loi sur les droits de la personne, et à mon avis, c'est là justement le problème. Ce n'est pas la même chose de dire qu'on pourrait indemniser quelqu'un de ses dépens et affirmer que les dépens seraient payés après coup, comme c'est souvent le cas, et cela ne veut pas forcément dire que le plaignant serait forcément celui qui les assume. Je crois que ce genre de situation est beaucoup plus complexe.
    J'ignore si c'était voulu, monsieur Hiebert, et si ce n'était pas le cas, vous m'interromprez, mais quand vous avez parlé d'un véritable tribunal, je me suis senti légèrement mal à l'aise. La raison, c'est que la véritable justice est dispensée par de nombreux tribunaux différents au sein de notre société et que le port d'une robe de juge ne la rend plus authentique.
    L'allusion que je faisais concernait le fait que, dans un système judiciaire régulier, les règles concernant la preuve sont différentes. Les règles pour traiter ce genre de plaintes sont différentes et ne s'appliquent pas, que je sache, au tribunal des droits de la personne actuel. C'est la distinction que je tente d'établir.
    Enfin, et je crois que ce sera ma dernière question, vous nous avez invités à poser plus de questions au sujet d'autres sanctions juridiques.

  (1400)  

    Au sujet d'autres sanctions.
    D'autres sanctions, mais pas forcément juridiques.
    Il s'agit là d'un raisonnement fallacieux, soit les sanctions juridiques ou rien. Vous avez laissé entendre qu'il existe d'autres sanctions. Vous avez cité comme exemple l'affaire Keegstra. Pouvez-vous nous en fournir d'autres qui renseigneraient notre comité sur la façon de traiter ces plaintes en l'absence de la loi?
    À certains égards, cela se fait déjà. Il existe peut-être des cas où il faudrait le faire plus souvent, mais très souvent, lorsqu'une personne qui jouit d'un certain prestige dans la communauté tient des propos racistes, on assiste à une surenchère. On se met à la dénoncer sur toutes les tribunes. Je crois qu'il s'agit là d'une réaction très saine qu'il faudrait encourager.
    Les commissions des droits de la personne pourraient même rendre publics des documents en réponse à certaines polémiques qui ont cours au sein de la collectivité. C'est également une bonne idée.
     Il y a aussi toutes les retombées indirectes. Quand les sanctions juridiques contre la discrimination sont utilisées avec rigueur et imagination, elles aident à créer un climat favorable au respect des droits de la personne et défavorable à la haine. Plus il y en a, plus c'est utile, et j'encouragerais ce phénomène.
    Ce sont là certains des moyens que nous utilisons pour faire face à ces phénomènes. Quand ces jeunes étudiants de Keswick ont manifesté dans la rue, même si l'auteur était puni, ils ont réagi d'une façon qui aide à renforcer la désapprobation de pareils actes dans la société.
    Monsieur Borovoy, je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais attirer l'attention des membres du sous-comité sur une importante question de calendrier. Jeudi prochain, nous siégerons à midi plutôt qu'à l'heure habituelle de 12 h 30. Cela nous permettra de dégager une heure pour poser des questions au professeur Martin, qui sera notre témoin invité, puis une autre heure à huis clos en vue de donner aux analystes des instructions sur la rédaction de notre rapport sur les droits de la personne en Iran. Vu que nous n'aurons peut-être pas assez de temps durant cette heure pour tout couvrir, étant donné les multiples audiences consacrées à la question, j'ai également convoqué une seconde réunion — qui pourra au besoin être contremandée si nous n'en avons pas besoin et qui est prévue pour 15 h 30, jeudi —, de sorte que nous puissions finir de donner nos instructions. Avec un peu de chance, il ne sera pas nécessaire de siéger une seconde fois, mais dans le cas contraire, nous pourrons le faire. Il est plus facile de contremander une réunion que de refaire toutes les démarches pour obtenir une salle.
    Je vous demanderais donc de dégager vos emplois du temps en conséquence. Et n'hésitez pas à profiter des deux journées dont nous disposons pour nous préparer pour poser des questions à nos analystes, de manière à être fin prêts quand nous en discuterons.
    Je vous remercie tous vivement.
    La séance est levée.
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