Passer au contenu
Début du contenu

ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je viens juste de commencer, madame Duncan.
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement. Je demande que ma motion soit examinée en séance publique et non à huis clos. Je serais satisfaite si l'examen a lieu à la fin des témoignages.
    Je prends l’affaire en délibéré. Nous nous en occuperons quand nous arriverons à ce point de l'ordre du jour.
    Commençons maintenant à écouter les exposés. C’est la 35e réunion du comité. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-311.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue aujourd’hui à nos témoins. Nous avons, de l’Institut Pembina, Matthew Bramley, directeur, Changements climatiques; du Greenhouse Emissions Management Consortium, Aldyen Donnelly, présidente; de l’Institut international pour le développement durable, John Drexhage, directeur, Changement climatique et énergie; et de l’Association canadienne de l’énergie éolienne, Robert Hornung, président.
    M. Hornung était censé venir mardi, mais une affaire de famille l’a malheureusement empêché de comparaître. Je vais lui permettre de prendre la parole en premier au nom de l’Association canadienne de l’énergie éolienne.
    Nous vous serions reconnaissants de vous en tenir à moins de 10 minutes.
    Je présente mes excuses à tous les membres du comité pour mon absence à la réunion de mardi. Comme le président l’a signalé, une affaire de famille m’a empêché de venir. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
    L’Association canadienne de l’énergie éolienne est le regroupement national des entreprises de l’industrie éolienne du Canada. Elle compte parmi ses 450 membres des sociétés canadiennes, américaines et européennes de développement de projets éoliens, de fabrication d’éoliennes et de composantes d’éoliennes et de fourniture de services à l’industrie. Parmi ses membres canadiens se trouvent bon nombre de sociétés productrices d’énergie classique qui s’intéressent surtout à la génération d’électricité et à la production ou au transport par pipeline de pétrole et de gaz ainsi que des sociétés centrées exclusivement sur les énergies renouvelables.
    Nous croyons que le changement climatique est une affaire sérieuse et que le gouvernement fédéral doit adopter des objectifs légalement contraignants et des mesures de soutien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En fait, ces objectifs et ces mesures sont essentiels pour assurer à l’industrie éolienne la certitude qu’il lui faut pour prendre des décisions d’investissement informées, efficaces et conformes aux objectifs stratégiques du gouvernement. Il importe que ces objectifs et ces mesures soient transparents et que les progrès réalisés par rapport à eux soient mesurés de façon régulière. Nous notons que beaucoup de ces éléments ou thèmes figurent dans le projet de loi C-311. L’incertitude n’incite guère à investir.
    Nous croyons que l’énergie éolienne peut aider grandement le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que l’objectif que le gouvernement fédéral s’est fixé de faire passer l’électricité issue de sources non émettrices à 90 p. 100 de la production totale d’ici 2020. Il est largement admis qu’il faut réduire considérablement les émissions d’ici 2020. Dans le secteur de l’électricité, les moyens les plus prometteurs de réduire les émissions dans ce délai consistent à exploiter plus efficacement et à conserver l’énergie, à déployer des sources d’énergie renouvelable comme l’éolien et à passer du charbon au gaz naturel.
    C’est ce qu’on a compris ailleurs dans le monde. En Europe, l’éolien est la nouvelle source d’électricité la plus importante depuis deux ans et la deuxième la plus importante aux États-Unis depuis quatre ans. Bien sûr, à part ces avantages, l’énergie éolienne représente aussi une importante occasion économique pour les collectivités rurales du Canada ainsi que pour le secteur manufacturier qui cherche des moyens de se diversifier grâce à des produits et à des technologies susceptibles d’une importante croissance au XXIe siècle.
    Pour que l’éolien contribue au maximum à l’atteinte des objectifs stratégiques du Canada et pour assurer le succès de n’importe quelle stratégie de lutte contre le changement climatique, il est impératif d'attribuer un prix au carbone. C’est pourquoi CanWEA appuie les efforts déployés au niveau fédéral pour mettre en place un système d’échange de droits d’émission qui offre aux émetteurs la possibilité de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre grâce à des activités non émettrices, comme la production d’énergie éolienne. Il faut absolument que la production de cette forme d’énergie bénéficie d’un avantage économique en échange de ses bienfaits pour l’environnement.
    Il est vrai qu’il s’écoulera sans doute du temps avant que le carbone ait un prix et encore plus de temps avant que ce prix cesse d’être influencé par des « soupapes de sécurité » qui visent à atténuer l’impact économique de la réduction des émissions, mais qui empêchent aussi le marché de signaler pleinement le vrai prix du carbone. Dans cette période de transition, il importera que le gouvernement fédéral continue d’accorder des soutiens et des incitatifs qui permettent aux projets éoliens de saisir la pleine valeur économique des avantages que les énergies renouvelables comme l’éolien procurent en matière d’environnement et de réduction de carbone et ce, en plus de l’apport initial des compensations de gaz à effet de serre.
    Comme le programme fédéral écoÉNERGIE pour l’électricité renouvelable épuisera son budget cet automne, il importe de l’élargir, de le reconduire ou de le remplacer, sinon il y aura des retards et d’éventuelles annulations de projets éoliens, et les investisseurs transféreront leurs capitaux aux États-Unis. Les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada s’en trouveront fortement compromis. Nous avons la ferme intention de continuer de collaborer avec le gouvernement et tous les parlementaires pour obtenir un engagement renouvelé en faveur du déploiement de projets éoliens pendant cette période de transition.
    Même s’il est nécessaire d’attribuer un prix au carbone, cette mesure en soi ne suffira pas pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De nombreux obstacles empêcheront les intervenants de réagir aux variations de prix qui se manifesteront sur le marché. C’est pour cette raison que bien des gouvernements sont en train à la fois de chiffrer le carbone et d’adopter des objectifs et des politiques de production d’énergies renouvelables dans leur lutte contre le changement climatique.

  (1115)  

    L’Union européenne s’est non seulement dotée d’un marché du carbone, elle s’est aussi fixé des objectifs énergétiques rigoureux et légalement contraignants pour 2020. Le Congrès des États-Unis étudie de son côté la mise en œuvre d’une norme d’électricité renouvelable exécutoire dans le cadre de sa lutte contre le changement climatique. Le Canada devrait aussi, dans le cadre de cette lutte, envisager de prendre des initiatives complémentaires pour stimuler l’investissement dans les énergies renouvelables, en plus de donner un prix au carbone.
    Quant aux soutiens stratégiques qu’il faudra apporter à l’énergie renouvelable ou à d’autres options de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la lutte contre le changement climatique, rappelons que la concurrence pour les investissements dans les projets de production d’énergies renouvelables et les chaînes d’approvisionnement en technologies spécialisées se fait à l’échelle mondiale. Nos choix stratégiques doivent tenir compte de ce que font les autres pays pour attirer ces investissements et viser à assurer la compétitivité de nos possibilités d’investissement.
    La stratégie fédérale de lutte contre le changement climatique doit aussi chercher à améliorer l’efficience, sans diminuer l’efficacité, des processus fédéraux d’approbation et de délivrance de permis pour les projets de production d’énergies propres, comme l’énergie éolienne et les infrastructures de transmission nécessaires à son déploiement. Elle doit aussi sensibiliser le public à l’urgence et à l’importance des mesures à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Enfin, les gouvernements provinciaux ont un rôle extrêmement important à jouer en adoptant des politiques favorables à la production d’énergies renouvelables et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les politiques fédérales devant viser à compléter et à appuyer les grandes initiatives provinciales telles que la Loi de 2009 sur l’énergie verte et l’économie verte de l’Ontario et d’autres grandes initiatives prises un peu partout dans le pays.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Hornung.
    Monsieur Drexhage, voulez-vous présenter votre exposé?
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à vous remercier ainsi que les autres membres du comité de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous au sujet du projet de loi C-311, Loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques.
    Je voudrais tout d’abord formuler quelques observations particulières sur le projet de loi lui-même et ses répercussions sur la mise en œuvre intérieure. Je présenterai, en conclusion, un bref aperçu de la situation actuelle des négociations internationales et du rôle possible qu’un projet de loi comme celui-ci peut jouer en influant sur le profil actuel du Canada dans les négociations et en imprimant un élan vraiment nécessaire pour corriger le ton général des pourparlers internationaux.
    En ce qui concerne les détails du projet de loi lui-même, je dois dire que la cible à long terme, pour 2050, de 80 p. 100 de réduction par rapport à 1990 est tout à fait raisonnable. Elle correspond à la cible à long terme adoptée par le président Obama et est compatible avec la quasi-totalité des projections concernant ce qu’il faut faire pour éviter une élévation de température de plus de deux degrés à l’échelle planétaire. Je vous rappelle que le premier ministre a accepté cet objectif au Sommet du G8 de cette année.
    Je note aussi que cela représente l’état actuel de l’information scientifique sur les changements climatiques. Au cours des dernières années, nous avons pu constater que les études scientifiques revues par les pairs ont conclu que les changements de température sont actuellement en train de se produire à un rythme plus rapide et que les effets connexes sont plus prononcés qu’on ne l’avait supposé auparavant, particulièrement dans l’Arctique. Par conséquent, nous appuyons fortement les dispositions d’examen du projet de loi à partir de 2015, car il faut s’assurer que le Canada fait sa part dans la lutte contre les changements climatiques.
    Au sujet de la cible à court terme de 25 p. 100 au-dessous des niveaux de 1990 d’ici 2020, j’aurais les observations suivantes à formuler. Tout d’abord, on suppose couramment que c’est la cible recommandée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat pour éviter une élévation de température de deux degrés. En réalité, le GEIEC n'a fait que passer en revue ce qui a été écrit sur le sujet. À cet égard, il n’y avait que peu de choses – seulement cinq études – au moment où le Groupe a publié son rapport.
    Il existe en fait toute une gamme d’options parmi lesquelles la communauté mondiale peut choisir pour atteindre la cible globale de 80 p. 100 d’ici 2050. On peut par exemple commencer par une cible modérée pour 2020, puis augmenter progressivement les objectifs de réduction pour 2030 et après. C’est ce que les États-Unis semblent préconiser. Compte tenu du fait qu’en Amérique du Nord, nous commençons à peine à rompre le lien entre la croissance économique et la croissance des émissions de gaz à effet de serre, beaucoup de gens au Canada croient qu’il serait raisonnable de commencer par une cible modérée. C’est bien possible, mais il ne faut pas perdre de vue que cela ne serait crédible que si nous fixions les réductions à réaliser pour 2025 et par la suite. N’oublions pas non plus que plus nous mettrons de temps à réduire nos émissions, plus la transition créera de perturbations pour tout le monde à une date ultérieure. Par conséquent, non seulement nous demanderons à nos enfants d’affronter les effets des changements climatiques, mais nous leurs imposerons aussi des répercussions croissantes dues à la transition nécessaire pour freiner le changement climatique si nous ne fixons pas tout de suite des cibles assez ambitieuses.
    Pour ce qui est de la réglementation, j’aurais tendance à appuyer les éléments qui favorisent les normes de rendement et les échanges de crédits d’émissions. Au sujet de ces derniers, le mandat doit être élargi pour couvrir aussi la participation au marché international du carbone. C’est un mécanisme absolument essentiel pour le Canada s’il veut atteindre ses objectifs et persuader les pays en développement de prendre des mesures d’atténuation. Bref, il n’est simplement pas réaliste de s’attendre à ce que le Canada puisse atteindre ne serait-ce que les cibles actuelles du gouvernement en se limitant à des mesures intérieures. Le secteur privé canadien doit devenir un intervenant actif sur le marché mondial du carbone, et le gouvernement fédéral doit l’indiquer clairement à l’industrie canadienne et l’encourager à agir.
    J’appuierai aussi très fortement tout effort tendant à faire le lien avec le système américain de plafonds et d’échanges au fur et à mesure qu’il est développé. Cela implique l’adoption de plafonds absolus et d’un système d’échange couvrant une grande partie de l’économie d’ici 2016, avec un pourcentage croissant de permis vendus aux enchères sur le marché.
    J’ai une autre observation concernant les peines prévues dans le projet de loi. Nous sommes en faveur d’un système qui pénalise très lourdement ceux qui n’atteignent pas leur cible. Ainsi, le gouvernement disposerait de fonds dont il pourrait utiliser au moins une partie pour acheter des crédits et compenser les émissions excédentaires. Le reste pourrait servir à appuyer la transition à des énergies propres.
    Pour conclure, je dirai que le projet de loi C-311, telle quel ou dans une forme modifiée qui ne toucherait pas à la cible de 2050, est très opportun.

  (1120)  

    J’ai eu le privilège de suivre les négociations sur les changements climatiques pendant les dernières années. Je peux donc présenter au moins deux observations claires sur le processus tandis que nous préparons la conférence de Copenhague.
    Premièrement, les négociations sont en crise. Il est bien possible que nous ne parvenions pas à un accord global efficace d’ici décembre. Je pourrais entrer dans les détails, mais qu’il me suffise de dire qu’il y a beaucoup de méfiance entre pays développés et en développement.
    Deuxièmement, le profil du Canada dans les négociations continue d’être compromis par son statut de signataire du Protocole de Kyoto qui a clairement déclaré qu’il n’essaierait pas d’atteindre la cible prévue dans cette entente.
    Le projet de loi C-311, surtout s’il est adopté à l’unanimité au Parlement, enverrait un puissant signal à la communauté internationale indiquant que le Canada est prêt à jouer un rôle positif dans ces négociations. De plus, Canada doit être disposé à offrir une contribution appréciable pour aider les pays en développement à s’adapter à la menace actuelle et future des changements climatiques.
    Je voudrais enfin noter que cette action est vraiment essentielle compte tenu du rôle du Canada comme hôte et chef de file des prochains sommets du G8 et du G20 prévus pour l’année prochaine. Pour jouir d’une crédibilité quelconque à ces discussions, le Canada doit établir un bon plan intérieur de réduction de nos émissions qui ferait appel à tous les secteurs de notre société et ciblerait l’incroyable gaspillage qui caractérise nos pratiques de consommation en Amérique du Nord. Le plan doit également refléter les messages fermes que notre premier ministre a transmis ces dernières années pour indiquer que nous devons mettre en place des systèmes énergétiques nationaux forts, durables et propres. Comme première étape, je recommanderais de réaliser un réseau électrique national intégré et propre dans le cadre du plan de relance et des mesures de renforcement de l’infrastructure du gouvernement.
    Je ne saurais trop insister sur le manque de crédibilité dont nous souffrons au niveau multilatéral après 15 ans d’inaction qui se prolongent encore et qui sont attribuables aux deux partis qui se sont succédé au pouvoir.
    Permettez-moi de dire en conclusion qu'à mon avis, il n'y a pas de conflit gauche-droite dans cette affaire. Avec de bonnes intentions, il devrait être possible d’adopter à l’unanimité une mesure telle que le projet de loi C-311. Une lutte efficace contre les changements climatiques est une question beaucoup trop importante et trop complexe pour faire l’objet de manœuvres politiques. En fin de compte, une lutte réussie contre cette menace réelle témoignera d’une évolution de notre compréhension de ce que représente vraiment l’intérêt national et constituera une action responsable en faveur de l’environnement mondial et de nos enfants.
    Je crois que les Canadiens ont hâte d’affronter ce défi. Il est temps pour les politiciens de tous les partis de faire preuve de la même détermination.

  (1125)  

    Monsieur Bramley, êtes-vous prêt à présenter votre exposé?

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité.

[Traduction]

    Je voudrais commencer par renvoyer les membres du comité à mon témoignage de décembre 2007 sur le même projet de loi, qui s’appelait alors le C-377. J’ai mis à la disposition de la greffière des exemplaires de ce témoignage.
    Comme nous n’avons pas beaucoup de temps, je ne répéterai pas les arguments que j’avais présentés en faveur du projet de loi. Qu’il me suffise de dire que, devant l’urgence croissante qu’il y a à combattre les changements climatiques et devant l’insuffisance continue des mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada, les principales ONG environnementales canadiennes croient qu’il est plus important que jamais que le Parlement adopte le projet de loi C-311.
    Le projet de loi n’a pas été présenté comme un plan global de réduction des émissions. Il fixe plutôt un certain niveau de réduction des émissions et met en place des mécanismes de reddition de compte destinés à augmenter la probabilité que le gouvernement au pouvoir s’acquittera de sa responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre un plan permettant de réaliser ces réductions.
    Cela étant dit, je voudrais présenter les résultats d’une étude de l’Institut Pembina et de la Fondation David Suzuki dans laquelle nous avons conçu un plan, un ensemble de politiques gouvernementales permettant d’atteindre le niveau de réduction prévu par le projet de loi C-311 d’ici 2020. Nous avons ensuite traité le plan à l’aide de deux grands modèles économiques afin de déterminer ses effets probables sur l’économie canadienne.
    J’ai distribué des exemplaires du rapport intitulé Protection climatique, prospérité économique aux membres du comité. Le rapport a été rendu public ce matin.
    Notre étude a abouti à la conclusion que le Canada peut atteindre le niveau de réduction prévu dans le projet de loi C-311 pour 2020 tout en gardant une économie forte, une qualité de vie supérieure à celle que les Canadiens connaissent aujourd’hui et une création régulière d’emplois partout dans le pays. Toutefois, pour parvenir à ce résultat, le gouvernement fédéral devrait agir immédiatement pour attribuer un prix assez important à la plupart des émissions de gaz à effet de serre du Canada dans le cadre d’un système de plafonds et d’échanges ou au moyen d’une taxe. Le prix des émissions devra s’appuyer sur une forte réglementation complémentaire et, dans l’idéal, sur d’importants investissements publics.
    L’étude a également porté sur les cibles actuelles d’émissions prévues par le gouvernement fédéral pour 2020. La conclusion de cet examen est que, pour atteindre ces cibles, le gouvernement doit appliquer des politiques infiniment plus énergiques que ce qu’il a proposé jusqu’ici et, en particulier, imposer sur les émissions un prix qui devrait atteindre 100 $ la tonne d’équivalent CO2 d’ici 2020.
    À notre connaissance, il s’agit là de la première étude qui examine d’une manière globale la façon dont le Canada peut atteindre une cible de réduction allant au-delà de la cible actuelle du gouvernement pour 2020, et la première étude publiée qui montre les effets régionaux de la cible du gouvernement sur l’emploi et le PIB. Nous avons retenu les services d’une société de modélisation économique bien connue, M.K. Jaccard and Associates, pour faire les calculs. Les modèles de cette entreprise ont été largement utilisés par les gouvernements du Canada, de l’Alberta et d’autres provinces.
    Dans notre étude, nous avons appelé le niveau de réduction prévu pour 2020 dans le projet de loi C-311 « l’objectif des 2 °C » pour rappeler l’objectif visant à limiter le réchauffement moyen de la planète à 2 °C par rapport à la période préindustrielle. Le premier ministre a officiellement reconnu que la communauté scientifique appuyait cet objectif lorsqu’il a signé le communiqué du Sommet du G8 de cette année.
    D’après notre analyse, le PIB du Canada croîtrait entre 2010 et 2020 à un taux annuel moyen de 2,1 p. 100 s’il faut satisfaire l’objectif des 2 °C, par rapport à 2,2 p. 100 s’il faut atteindre la cible du gouvernement et 2,4 p. 100 si tout continue comme aujourd’hui. Les différences sont donc assez minimes.
    L’étude montre par ailleurs que la nécessité de remédier aux très fortes émissions de l’Alberta et de la Saskatchewan réduirait sensiblement les taux de croissance projetés de ces provinces. Toutefois, l’Alberta aurait quand même le plus haut taux de croissance du PIB et le plus haut PIB par habitant de toutes les provinces du Canada, tandis que le PIB par habitant de la Saskatchewan resterait proche de la moyenne canadienne.
    L’analyse montre en outre que le nombre total d’emplois au Canada croîtrait à peu près au même rythme dans les trois scénarios: objectif des 2 °C, cibles gouvernementales et statu quo. Dans les trois cas, il y aurait une augmentation nette de 1,8 à 1,9 million de nouveaux emplois entre 2010 et 2020.
    Autre aspect important, l’étude montre de quelle façon les recettes tirées de l’attribution d’un prix aux émissions — par exemple les recettes provenant de la vente aux enchères de droits d’émissions dans le cadre d’un système de plafonds et d’échanges — peuvent servir à remédier à plusieurs préoccupations couramment exprimées lorsqu’on parle de mesures ambitieuses de lutte contre les changements climatiques. Notre ensemble de politiques prévoit des paiements afin de compenser les variations régionales des hausses des prix de l’énergie pour les ménages, d’accorder des remises pour préserver la compétitivité internationale des secteurs manufacturiers les plus vulnérables, d’investir dans les transports en commun et les réseaux d’électricité, de réduire l’impôt sur le revenu des particuliers, de stimuler la croissance de l’emploi et de réaliser des réductions d’émissions à l’étranger pour être en mesure de respecter les cibles à un coût moindre.

  (1130)  

    Dans notre étude, les réductions d’émissions à l’étranger permettent de combler un cinquième de l’écart entre le statu quo et les cibles fixées. Par conséquent, nous serions en faveur d’une modification du projet de loi C-311 permettant au Canada d’acheter des réductions d’émissions de haute qualité à l’étranger afin d’atteindre les cibles prévues dans le projet de loi.
    Je voudrais, dans le temps qui me reste, revenir à l’origine de l’objectif des 2 °C pour 2020, qui représente une réduction de 25 p. 100 des émissions du Canada par rapport aux niveaux de 1990.
    Il s’agit vraiment d’une cible fondée sur des données scientifiques parce qu’elle commence par une analyse scientifique des réductions des émissions mondiales qui seraient nécessaires pour avoir une chance d’empêcher le réchauffement de la planète d’aller au-delà du seuil de danger des 2 °C. Lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a cherché des moyens raisonnables de répartir ces réductions, il est arrivé à des taux de 25 à 40 p. 100 de réduction par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2020 pour les pays industrialisés.
    Même si les pays industrialisés pouvaient en principe atteindre ensemble une cible de cet ordre, il y a plusieurs raisons pour lesquelles le Canada devrait atteindre au moins le seuil inférieur de cet intervalle, c’est-à-dire 25 p. 100. La principale raison, c’est que la cible de 25 p. 100 était appuyée par des analyses publiées de ce que devrait être la part équitable du Canada parmi les pays industrialisés. L’intervalle de 25 à 40 p. 100 pour les pays industrialisés ne correspond qu’à une probabilité d’environ 50 p. 100 de maintenir le réchauffement de la planète au-dessous de 2 °C. De plus, la communauté scientifique internationale nous dit maintenant que le problème est plus grave qu’elle ne le pensait lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental avait compilé son rapport le plus récent et que les réductions nécessaires pourraient donc avoir été sous-estimées.
    Les environnementalistes ne prétendent pas que la lutte contre les changements climatiques est facile. Il n’y a pas de doute qu’elle nécessite des décisions difficiles. Toutefois, l’étude que nous avons publiée aujourd’hui montre qu’il y a des solutions pouvant nous permettre d’atteindre des cibles fondées sur des données scientifiques et que cette voie peut nous ouvrir des perspectives intéressantes.
    Tandis que nous nous préparons en vue des négociations difficiles de Copenhague, le monde a désespérément besoin de chefs de file dans la lutte contre les changements climatiques. L’adoption de ce projet de loi à temps pour Copenhague signalerait que le Canada est disposé à assumer un rôle de leadership dans le monde.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Bramley.
    Madame Donnelly, vous pouvez maintenant présenter votre exposé.
    Je voudrais d’abord vous remercier de votre invitation.
    Comme les autres témoins, je suis persuadée que le Canada a un rôle important à jouer et que nous devons agir rapidement pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Je ne recommande cependant pas d’adopter le projet de loi C-311, qui ne représente, en fin de compte, qu’un autre exercice de fixation d’objectifs sans plan. À cet égard, j’ai trouvé très pertinent l’éditorial du Globe and Mail de ce matin.
    J’aimerais vous rappeler le processus traditionnel de ratification des traités internationaux suivi au Canada, processus dans le cadre duquel le Protocole de Kyoto représente une exception notable. En général, nous arrivons à notre propre définition des priorités intérieures à respecter pour remédier à un problème environnemental ou économique. Une fois que nous avons cerné nos objectifs et avons décidé de les poursuivre dans un partenariat international, nous avons tendance, pour des raisons de compétitivité, à présenter nos arguments dans le vocabulaire des traités. Nous trouvons d’autres parties. Nous négocions un traité et le signons. Ensuite, nous rentrons chez nous et adoptons des mesures législatives et réglementaires nationales. Le plus souvent, nous constatons que nos premiers essais de réglementation ne sont pas tout à fait au point et modifions donc les dispositions initiales. Il nous arrive même de faire un troisième essai. Après avoir mis à l’épreuve nos mesures législatives et réglementaires pendant une période assez longue pour être à peu près certains qu’elles conviennent, et après que les autres signataires du traité ont franchi les mêmes étapes, nous revenons à la table de négociation, modifions le texte initial du traité, puis passons à l’étape de la ratification. C’est ainsi que nous avons procédé dans le cas du droit de la mer. Cela explique que 11 ans se soient écoulés entre la signature du traité et sa ratification. Tout cela est normal. Ce n’est pas du tout inhabituel.
    Le Canada a signé et ratifié le Protocole de Kyoto dans une période très courte sans élaborer un quelconque plan de mise en œuvre. Aujourd’hui, le projet de loi C-311 énonce encore un autre objectif. Nous consacrons beaucoup de ressources à parler de cibles sans avoir même envisagé ce qu’implique un plan de mise en œuvre. Si nous devions nous en tenir à notre façon traditionnelle et fructueuse de procéder, nous poserions un certain nombre de questions conventionnelles: Quels règlements adopter? Qui sera touché? Qui devra changer de comportement et pourquoi? Quelles seront les répercussions de tout cela?
    Je vais vous dire une chose très différente de ce que vous aurez lu dans le rapport Pembina. Je travaille surtout pour le secteur privé, mais j’ai également parmi mes clients des ONG et trois gouvernements provinciaux. Mon travail de consultante consiste à recommander des politiques et des règlements. Je crois que je fais bien mon travail. Je m’occupe de changements climatiques depuis 15 ans. Pour moi, c’est le sujet brûlant de l’heure. Quelle est la réalité? La réalité, c’est que 80 p. 100 des émissions signalées des grands émetteurs industriels, 67 p. 100 de toutes les émissions industrielles, y compris celles qui ne sont pas signalées au niveau des établissements, et 30 p. 100 de l’ensemble des émissions nationales viennent d’usines situées dans 30 collectivités.
    J’ai à mon hôtel un rapport à vous présenter, que je transmettrai à la greffière par courriel après cette réunion.
    Nous parlons de 30 collectivités. C’est la liste de vos villes fantômes. Comment faire pour qu’elles cessent d’être des villes fantômes? Il ne s’agit pas de l’ensemble du pays. Les émissions ne sont pas gentiment réparties partout dans le Canada. Vous ne pouvez pas aller dans Sydney—Victoria ou dans la circonscription de M. Blake Richards et dire: Voilà, vos électeurs pourront conserver leurs emplois s’ils dépensent 40 $ la tonne pour construire des champs d’éoliennes en Chine. Dans la circonscription de Blake, savez-vous ce que représentent 40 $ la tonne? C’est plus de 4 000 $ par homme, femme et enfant. Or il y a 30 collectivités pour lesquelles 40 $ la tonne pour restructurer les installations ou acheter des compensations en Chine représenteraient plus de 400 $ la tonne pour chaque homme, femme et enfant de la collectivité. Je ne vous dis pas qu’il ne faut pas agir ainsi. Je vous dis que nous n’avons affaire qu’à une trentaine de collectivités.

  (1135)  

    La première recommandation consiste pour votre comité à former un sous-comité où siégeraient des représentants des 30 collectivités. Commençons à discuter de leurs compétences de base qui peuvent servir à long terme, parlons de leur avantage concurrentiel. Comment en tenir compte dans les stratégies technologiques? Beaucoup des stratégies technologiques recommandées dans ce rapport n’ont absolument aucun rapport avec les sources durables réelles d’avantage concurrentiel de ces collectivités dans un avenir exempt de carbone. Il n’y a aucun lien. Cela ne peut pas marcher. Et qu’adviendra-t-il si cela ne marche pas? Nous nous trouverons dans la même situation que l’Allemagne.
    De 1996 à 2007 — je ne tiens donc pas compte de la période de récession —, les emplois producteurs de marchandises ont diminué de 18 p. 100 tandis que les émissions de gaz à effet de serre n’ont baissé que de 16 p. 100. Les Allemands n’ont même pas réussi à obtenir un rapport de un à un. Au cours de cette période, 6,4 millions d’emplois ont été perdus, ce qui fait que je ne suis pas impressionnée quand on me dit que l’industrie éolienne a peut-être créé 250 000 emplois. Les ménages allemands paient leur électricité 41 ¢ canadiens le kilowatt-heure. Je ne parle pas du taux spécial pour l’énergie éolienne. C'est le prix que tous les Allemands paient pour leur électricité. La moitié de cette électricité vient encore de centrales au charbon. Huit nouvelles centrales au charbon ont été construites en Allemagne au cours des huit derniers mois, et la construction de 20 autres a été approuvée. À elles seules, les huit nouvelles centrales au charbon réduisent à néant les gains, en réductions d’émissions, réalisés par l’Allemagne en étant le plus grand pays producteur d’énergie éolienne dans le monde.
    Si nous ne prenons pas le temps d’examiner la liste des collectivités et des entreprises — il s’agit seulement de 30 collectivités —, si nous n’établissons pas un plan stratégique pour chacune, nous finirons par avoir de l’électricité à 40 ¢ le kilowatt-heure, nous continuerons à brûler du charbon pour produire de l’électricité, nous perdrons beaucoup d’emplois industriels et nous n’aurons même pas des réductions d’émissions comparables en pourcentage aux pertes d’emplois. En tout cas, c’est l’expérience qu’ont vécue l’Allemagne, le Danemark, la Suède. Est-ce bien la voie que nous voulons emprunter?
    Je vais m’arrêter là.

  (1140)  

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à notre tour de questions et réponses à sept minutes. Je voudrais simplement demander aux témoins de répondre d’une façon concise pour permettre une certaine équité parmi les membres du comité, afin que chacun puisse poser ses questions.
    Monsieur McGuinty, vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi les témoins d’être venus se joindre à nous.
    Je voudrais commencer par féliciter M. Bramley ainsi que l’Institut Pembina et la Fondation David Suzuki pour ce rapport. Je voudrais rappeler aux Canadiens que c’est l’une des raisons pour lesquelles il était tellement important de prolonger le délai d’examen du projet de loi, afin de pouvoir entendre de tels témoignages et de les situer dans leur contexte. Je voudrais aussi vous féliciter car, comme on dit dans le domaine du droit contractuel, celui qui écrit la première ébauche a souvent le dessus. Dans ce cas, vous avez au moins écrit une partie de l’analyse que le gouvernement a omis de faire jusqu’ici.
    Sur ce, je voudrais vous demander tous les quatre de me dire très rapidement — car vous avez tous mentionné directement ou indirectement la nécessité d’un plan cohérent — si vous détenez, après 46 mois, un plan du gouvernement sur la réaction intérieure aux changements climatiques.
    Monsieur Hornung, si vous voulez bien commencer, pouvez-vous me dire si, oui ou non, vous disposez d’un tel plan?
    Non.
    Monsieur Drexhage?
    Non.
    Madame Donnelly?
    Je suis membre du Parti libéral. Je ne crois pas que le gouvernement me le donnerait.
    D’accord.
    Monsieur Bramley?
    En fait, oui. Il s’agit du plan que le gouvernement était tenu de produire en vertu de la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, qui prévoit des mécanismes de reddition de compte très semblable à ceux qui figurent dans le projet de loi C-311. Je crois que cela montre combien il est utile d’avoir des mécanismes de ce genre qui imposent au gouvernement de présenter des documents précisant la contribution de chacune de ses mesures.
    Je dois cependant dire que ce plan ne va que jusqu’en 2012. Il ne dit pas de quelle façon le gouvernement compte atteindre sa cible de 2020.
    S’agit-il du même plan qui a été rejeté à la Cour fédérale lorsque le gouvernement a répondu à des plaignants alléguant qu’il ne respectait pas la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto? Est-ce bien cela?
    Je ne peux rien dire de...
    Je crois bien que c’est cela.
    Je vais peut-être m’adresser à M. Drexhage pour un instant. Monsieur Drexhage, pouvez-vous nous aider à mieux comprendre vos explications, que j’ai trouvées très utiles?
    Tout d’abord, au sujet de la cible de 25 p. 100, vous avez dit qu’on supposait en général que c’était la cible du GEIEC, mais qu’en fait, il n’est pas vraiment prouvé que le GEIEC a examiné... Je ne veux pas engager un débat scientifique, mais je pense que M. Bramley a dit quelque chose de différent. Selon lui, ce chiffre s’appuie sur des données scientifiques solides. Vous voudrez peut-être régler ce différend ailleurs.
    Je voudrais parler des suggestions que vous avez avancées. Quels en seraient les effets sur le Canada? Vous avez dit que le président Obama se montre modéré pour le moment, mais qu’il intensifiera les efforts plus tard. Quels en seraient les effets dans le contexte canadien?
    Je ne suis pas tout à fait sûr de ce que cela signifierait pour le Canada. Dans le contexte de notre contribution globale à l’objectif d’une réduction de 80 p. 100 des émissions d’ici 2050, ce serait probablement aux alentours de 40 p. 100 de réduction d’ici 2030, 55 à 60 p. 100 d’ici 2040 et ainsi de suite jusqu’à 80 p. 100. Il s’agit de commencer par se stabiliser à environ 5 p. 100 de réduction. C’est ce que les États-Unis se proposent de faire. Ensuite, on peut s’attendre à une intensification des baisses à partir de cet investissement initial.
    Cela ne veut pas dire que nous pouvons attendre jusqu’à 2020 ou 2025 avant de prendre des mesures sérieuses. Pour que nos efforts aient des effets quelconques, nous devons investir tout de suite. En effet, il faudra beaucoup de temps pour établir l’infrastructure nécessaire aux changements dont nous parlons.
    Monsieur Drexhage, il y a beaucoup de confusion au Canada au sujet de la cible que le Sénat américain envisage actuellement pour les États-Unis. Le gouvernement dira que c’est équivalent ou identique à ce qu’il propose. Nous ne le croyons plus. Les Canadiens ne le croient pas. En se fondant sur une série de mesures, le World Resources Institute a abouti à un pourcentage de réduction de l’ordre de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. Cela se situait en gros entre 17 et 21 p. 100.
    Que se passe-t-il maintenant à Washington pour ce qui est des engagements en vue de réductions réelles?

  (1145)  

    C’est une question très intéressante. Malheureusement, je ne peux pas donner une réponse très claire parce que je ne suis pas sûr que les Américains sont disposés à inscrire dans leurs engagements ou leurs cibles légalement exécutoires les réductions que le Sénat américain envisage ou dont parle le projet de loi Waxman-Markey. Cela a à voir avec les investissements des États-Unis destinés à prévenir la déforestation dans le monde.
    Monsieur Bramley, pouvons-nous réaliser une réduction réelle de 25 p. 100 dans la prochaine décennie sans crédits internationaux?
    Je ne dirai jamais que c’est impossible, mais notre analyse nous porte à croire qu’un scénario réalisable nécessite le recours à des réductions à l’étranger.
    Avez-vous bien dit que nous aurions à acheter à l’étranger 20 p. 100 de nos crédits?
    Dans nos modèles et nos scénarios, nous aurions recours à des réductions à l’étranger pour combler 20 p. 100 de l’écart entre le statu quo, c’est-à-dire 47 p. 100 au-dessus du niveau de 1990 en 2020, et la cible de 25 p. 100 de réduction.
    Vous dites donc que nous pouvons atteindre la cible sans crédits internationaux.
    J’ai plutôt dit que, dans les scénarios que nous jugeons réalisables, nous comblons un cinquième de l’écart en recourant à des réductions à l’étranger.
    Vous dites donc que nous ne pouvons pas atteindre les cibles de 25 p. 100 sans crédits internationaux.
    Non. Je ne dirai jamais que c’est impossible, mais, dans un scénario plausible, un scénario que nous serions disposés à proposer, nous aurions recours à des réductions à l’étranger.
    Monsieur Bramley, dans toutes les mesures législatives actuellement envisagées à Washington, je crois savoir que le prix attribué au carbone se situe entre 15 $ et 30 $ la tonne d’ici 2020. C’est une chose pour le gouvernement de dire qu’il harmonise ses projets avec ceux de Washington, mais c’est une chose très différente de parler de conformité des prix.
    Comment pouvons-nous... Par exemple, d’après le plan du gouvernement, dont vous venez de dire qu’il ne peut pas être réalisé compte tenu de la série de mesures proposées jusqu’ici... Il n’y a là rien de neuf. Je crois que cela était évident depuis un certain temps déjà. Vous avez également dit que le prix du carbone chez nous se situerait entre 100 $ et 200 $ la tonne. Comment cela serait-il possible au Canada si les Américains envisagent un prix maximum de 30 $ la tonne dans la même période?
    Plusieurs études ont été faites au sujet des effets possibles sur la compétitivité de différents prix du carbone dans différents pays. D’une façon générale, ces études ont montré que, compte tenu des économies dont nous parlons... L’économie canadienne est dominée par les services, et une bonne partie du secteur manufacturier ne produit pas de quantités particulièrement élevées de carbone. Les études tendent à conclure que les effets sur la compétitivité sont beaucoup plus petits qu’on ne le prétend souvent. Notre étude l’a confirmé. Les principaux nombres que j’ai présentés se fondent sur l’hypothèse modérée que le Canada attribuerait au carbone un prix considérablement plus élevé que le reste des pays de l’OCDE, y compris les États-Unis.
    Je vous remercie. Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Bigras, sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    D'abord, je salue les témoins dont on reconnaît tous l'expertise.
    M. Bramley, je vous remercie de votre étude présentée ce matin, car elle éclaire les parlementaires sur l'impact économique du respect de la preuve scientifique.
    Jusqu'à maintenant, on attendait du gouvernement une réduction de 25 p. 100, par rapport à 1990, d'ici à 2020. Cela aurait été le chaos économique au Canada: des pertes d'emploi considérables, une décroissance économique. C'est comme si l'on se retrouvait du jour au lendemain avec une économie canadienne terriblement affaiblie.
    Aujourd'hui, on constate — vous me direz si j'ai tort — qu'entre le scénario du gouvernement et celui des scientifiques, il n'y a pas un impact aussi considérable que ce que l'on aurait cru.
    Comment se fait-il que d'avoir des objectifs ambitieux n'affaiblit pas considérablement notre économie, au contraire? Qu'est-ce qui fait en sorte que des réductions considérables ne mènent pas au chaos économique, comme certains tentent de le faire croire?

  (1150)  

    Il y a quelques éléments de réponse.
    Premièrement, on a des technologies disponibles pour considérablement réduire les émissions. On connaît les énergies renouvelables. Par exemple, selon nos scénarios, l'énergie éolienne représenterait 18 p. 100 de la production d'électricité au Canada en 2020. On a beaucoup d'occasions dans l'efficacité énergétique, et aussi dans le captage du carbone. On n'a donc pas besoin d'inventer de nouvelles technologies; on a des solutions à portée de la main.
    Secondement, oui, on impose selon nos scénarios une tarification des émissions. Cela créerait un prix à payer élevé pour les émissions. Cela créerait aussi des revenus qui pourraient être recyclés dans l'économie pour être réinvestis dans les solutions et pour qu'on s'occupe des problèmes qui pourraient se présenter, comme les problèmes de compétitivité dans certains secteurs ciblés.
    Voici la réponse que j'ai déjà donnée: après tout, l'économie canadienne est surtout une économie de services, et de grandes parties du secteur manufacturier ne sont pas particulièrement intenses en matière de gaz à effet de serre.
    En lisant votre rapport, j'ai constaté que la mise aux enchères de crédits pourrait rapporter — sauf erreur — près de 72 milliards de dollars par année au gouvernement qui, selon vous, pourraient être réinvestis dans l'économie. C'est ce qui ferait probablement, selon votre analyse, que l'économie canadienne serait plus compétitive. Quand on parle d'innovation, de développement et de compétitivité, au bout du compte, on parle de création d'emplois. Est-ce ce que je dois comprendre?
    J'examinais les chiffres de l'Association canadienne des énergies éoliennes. Vous parlez de 18 p. 100 d'ici à 2020; l'industrie parle de 20 p. 100. En en matière de vente d'électricité, on parle de 78 milliards de dollars —, du nouvel argent dans l'économie canadienne. C'est probablement un facteur important.
    J'aimerais revenir sur l'impact par province. Quand je regarde votre tableau, je remarque que c'est en Alberta que la croissance moyenne annuelle du PIB sera encore la plus élevée: 3,3 p. 100. Pourtant, au Québec, la croissance moyenne annuelle du PIB est la plus faible au Canada: on parle de 1,3 p. 100 de croissance.
    Quelle garantie a l'Alberta du respect des engagements, qui est recommandé par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat? Qu'est-ce qui fait en sorte que l'économie albertaine pourra quand même garder sa force? Selon votre scénario, vous tenez compte de la séquestration et du captage du carbone. Or qu'est-ce qui permet à l'Alberta de garder sa croissance économique?
    Essentiellement, lorsqu'on parle des impacts sur l'Alberta, le sort des sables bitumineux est central. Lorsqu'on impose ce prix aux émissions — qui va de 100 $ à 200 $ la tonne —, selon les prédictions du modèle économique, cette industrie répond oui en limitant sa croissance. On aurait donc toujours une bonne croissance de l'industrie des sables bitumineux, mais plus lente que dans un scénario de statu quo. Et l'industrie investirait aussi massivement dans le captage du carbone.
    Ces deux facteurs — une croissance, oui, mais un peu plus raisonnable, et un investissement massif dans le captage du carbone — font en sorte qu'on a effectivement un ralentissement de l'économie en Alberta. Toutefois, il y a une croissance de 38 p. 100 entre 2010 et 2020 qui, comme vous l'avez souligné, serait la plus forte croissance de toutes les provinces.
    Ce qui me frappe aussi dans vos propositions, ce sont les propos de l'économiste en chef de la BanqueTD, M. Drummond. Il semble au fond un peu confirmer ce que Nicholas Stern disait, c'est-à-dire que si l'on prend un retard dans la lutte contre les changements climatiques et dans la réduction de gaz à effet de serre, les coûts seront considérables.
    Dois-je comprendre que si l'on ne se conforme pas à la règle des deux degrés on va perdre? L'application de la règle des deux degrés risque effectivement de nous faire perdre un peu de croissance, mais en même temps, si l'on n'applique pas cette règle, on risque de perdre encore plus à cet égard.
    Ce qui me frappe, c'est qu'entre le scénario du gouvernement et celui des deux degrés, il n'y a pas beaucoup de différence compte tenu de l'impact économique. Entre deux scénarios, dont les conséquences sont à peu près les mêmes, n'a-t-on pas intérêt à favoriser la règle des deux degrés? Car cela nous permettrait sur le plan environnemental non seulement de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de nous assurer d'avoir une économie tournée vers l'avenir. La règle des deux degrés n'est-elle pas un scénario gagnant-gagnant au bout du compte?

  (1155)  

    C'est très important de ne pas oublier, justement, que le scénario du statu quo est extrêmement coûteux à l'échelle mondiale. On ne l'a pas quantifié nous-mêmes dans notre étude. Cependant, c'est une erreur importante de ne parler que des coûts de réduction des émissions; il faut aussi parler des coûts liés au fait de laisser le réchauffement planétaire aller au-delà des deux degrés.
    Comme vous le savez sûrement, dans le rapport de l'économiste Nicholas Stern — en 2006 —, on estimait que si l'on n'agissait pas sur les changements climatiques, on aurait une perte permanente du PIB mondial dans une proportion située entre 5 et 20 p. 100. Pour nous, le choix est assez évident.
    Merci beaucoup. Votre temps de parole est terminé.

[Traduction]

    Madame Duncan, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Après les observations de M. Bigras, je note que dans le témoignage des deux... Dois-je dire docteur Drexhage?
    Non, c’est M. Drexhage.
    MM. Drexhage et Bramley, je note que vous avez dit tous deux que tout retard rendrait les réductions plus coûteuses par suite de la hausse du prix du carbone. M. Bigras a également signalé, monsieur Bramley, que l’étude que vous avez faite avec la Fondation David Suzuki ne tenait pas compte, dans le scénario du statu quo, du coût des changements climatiques.
    J’ai également noté dans votre rapport... J’ai assisté hier à une séance d’information donnée par la Fondation David Suzuki, qui m’a beaucoup aidé à comprendre le contexte de votre rapport et la façon dont l’étude a procédé. On nous a informé que le modèle ne semblait pas tenir compte des réductions d’émissions attribuables aux rénovations destinées à améliorer les rendements énergétiques parce qu’il a été difficile de les calculer. Cela ne signifie-t-il pas que le scénario basé sur les réductions prévues dans le projet de loi C-311 pourraient aboutir à la création d’encore plus d’emplois et à de plus grandes réductions des émissions de gaz à effet de serre que ne l’indique votre rapport?
    Nous n’avons pas été en mesure de modéliser toutes les politiques. L’un des domaines dans lesquels nous n’avons pas pu faire tout ce que nous souhaitions est celui de la rénovation des bâtiments. Les modèles donnent de meilleurs résultats sur les règlements et le prix du carbone que sur les subventions et contributions. Je crois que nous aurions pu en faire un tout petit peu plus dans le domaine des rendements énergétiques que nous ne l’avons fait dans le scénario.
    Il est donc vrai que votre étude montre les possibilités de création d’emplois, d’avantages économiques et de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’après deux scénarios, mais ne tient pas compte des coûts mentionnés dans le rapport Stern, selon lequel plus nous attendrons pour réduire les émissions, plus le prix à payer sera élevé.
    Si vous comparez les résultats de l’étude à ceux de la version préliminaire qui a paru il y a un an, vous constaterez que, pour une cible donnée, les coûts montent à mesure que le Canada retarde la réduction des émissions. Comme nous venons de le dire, cette étude ne tient pas compte du coût des changements climatiques eux-mêmes, qui seront dévastateurs partout dans le monde si nous ne prenons pas des mesures sérieuses pour en atténuer les effets.
    Je crois que M. Drexhage est impatient de répondre à cette question. Allez-y, je vous en prie.
    Je vous remercie.
    Je crois qu’il est vraiment important de prendre un peu de recul dans ce débat sur les changements climatiques. Il ne s’agit pas seulement de changements climatiques. Nous parlons de tout notre mode de vie, particulièrement en Amérique du Nord, qui n’est pas du tout viable. Le National Geographic publie un rapport annuel sur l’état de la planète. Je vous recommande d’y jeter un coup d’œil. Il montre d’une façon très crue de quoi le monde aurait besoin si les schémas de consommation d’Amérique du Nord étaient généralisés partout. Nous aurions besoin de cinq mondes et demi. Voilà ce que nous devons affronter. Nous avons maintenant affaire à des pays qui se développent selon les mêmes paradigmes et qui ont parfaitement le droit de dire qu’ils souhaitent poursuivre dans cette voie.
    L’évolution du climat est une manifestation du manque de viabilité de notre mode de vie. Cela touche l’eau, l’air et toutes sortes de systèmes sociaux. Ce n’est simplement pas une façon tenable d’avancer. Si nous nous attaquons au problème avec succès et nous servons de l’évolution du climat comme mécanisme de réaction, nous pouvons nous ménager un avenir drôlement plus prometteur que celui qui nous attend maintenant.
    J’espère que j’aurai le temps d’arriver à M. Hornung, mais j’ai une question de plus à poser à M. Bramley.
    Revenons à l’Alberta. Il paraît que certains médias ont dit aujourd’hui que vos prévisions étaient vraiment dévastatrices pour l’Alberta. Étant moi-même Albertaine, je trouve vos projections plutôt encourageantes. J’ai la même réaction à l’égard du témoignage de Mme Donnelly. Contrairement à ce que vous affirmez, il est possible que beaucoup des gens de l’Est qui se trouvent en Ontario et de nombreux travailleurs qui vivent dans les camps de Fort McMurray souhaitent trouver d’autres emplois, comme le propose ce deuxième scénario.
    Monsieur Bramley, je vois dans votre scénario qu’il ne semble y avoir qu’une différence de 2 p. 100 dans la création d’emplois. Avez-vous tenu compte, dans ces deux scénarios, de la qualité de vie, des genres d’emplois, des conditions de travail et ainsi de suite?

  (1200)  

    Non, nous ne l’avons pas fait. C’est une analyse macroéconomique qui considère des mesures traditionnelles telles que le PIB et l’emploi.
    Mais j’ajouterais à ce que vous dites qu’il y a des Albertains qui préconisent un rythme de développement plus raisonnable et ordonné, particulièrement dans le domaine des sables bitumineux. L’ancien premier ministre Peter Lougheed compte parmi les hautes personnalités qui font partie de ce groupe. Un scénario dans lequel l’économie albertaine croît plus rapidement que celle de n’importe quelle autre province du Canada et où les sables bitumineux restent en expansion n’est nullement dévastateur pour l’Alberta.
    Je vous remercie, monsieur Bramley. Je crois que le maire de Fort McMurray serait aussi du même avis.
    Docteur Hornung, je vous remercie de votre exposé. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les mesures monétaires ou budgétaires et les outils réglementaires susceptibles de renforcer la compétitivité de votre secteur si le gouvernement fédéral décidait de s’en servir? Où en sommes-nous actuellement dans ce scénario?
    Je vous remercie de votre question. Soit dit en passant, je n’ai pas de doctorat.
    Pour répondre à votre question, je dirais, comme je l’ai indiqué dans mon exposé, que tant qu’aucun prix réaliste n’est attribué au carbone sur le marché, nous sommes dans une situation où nous devons faire des choix dans le secteur de l’électricité sans disposer de renseignements complets concernant les prix. À cet égard, de nombreux gouvernements dans différents pays du monde, dont le Canada, s’efforcent de mettre en place des programmes pouvant signaler au marché la nécessité de renforcer la compétitivité relative des technologies de l’énergie propre.
    Au Canada, nous avons le programme écoÉNERGIE pour l’électricité renouvelable, qui a été établi en janvier 2008 dans le but d’appuyer le déploiement de 4 000 mégawatts d’énergie renouvelable d’ici mars 2011. C’est un programme très réussi qui atteindra son objectif cet automne, un an et demi avant l’échéance prévue. Encore une fois, en l’absence d’un cadre permettant d’établir un prix du carbone, l’industrie attend que le gouvernement agisse et dise plus ou moins que le soutien du déploiement des technologies énergie propres ne finira pas cet automne, mais se poursuivra à l’avenir.
    Cela est très important car, comme je l’ai noté dans mon exposé, nous sommes en concurrence avec d’autres pays pour cet investissement. Les États-Unis ont dit très clairement qu’ils voulaient compter parmi les chefs de file des technologies de l’énergie propre, comme l’énergie éolienne. Ils ont mis en place des programmes pour encourager la fabrication d’équipement et le déploiement de ces technologies. Si nous ne le faisons pas au Canada, les placements iront aux États-Unis et y créeront des emplois et des occasions que nous pourrions avoir chez nous.
    Je vous remercie. Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Woodworth, vous êtes le dernier de ce tour de questions et réponses.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins qui ont comparu devant nous aujourd’hui.
    Monsieur Bramley, savez-vous que les cibles de l’UE ont des répercussions sensiblement inférieures à 1 p. 100 du PIB d’ici 2020?
    J’ai en fait vu une analyse de l’UE qui avait été présentée à la conférence de Poznan l’année dernière. Elle indiquait que les propositions européennes auraient un impact de 2 p. 100, je crois, d’ici 2020.
    Savez-vous que les propositions des États-Unis établissent en général le coût des cibles américaines à moins de 0,5 p. 100 du PIB d’ici 2020?
    C’est peut-être vrai, mais je crois que nous parlons de cibles et de politiques différentes.
    Si j’ai bien compris en lisant votre rapport, le modèle des ONG environnementales impose au Canada un coût pouvant atteindre 3,2 p. 100 du PIB d’ici 2020. Est-ce exact?
    Je préfère présenter cela d’une façon que je trouve plus logique. Il s’agit de la croissance économique que nous aurions dans un scénario de statu quo par rapport à la croissance correspondant au scénario que nous avons présenté.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant. Quelles que soient vos préférences, je préfère, moi, que vous répondiez à ma question. Je regarde le document que vous avez distribué ce matin. À la page 4, Répercussions sur le PIB — Objectif des 2 °C, je vois dans la colonne Canada le chiffre de -3,2 p. 100. Est-ce exact ou bien y a-t-il une erreur?

  (1205)  

    Cela signifie que l’économie croîtrait de 23 p. 100 entre 2010 et 2020 et qu’à ce moment, cette croissance serait de 3,2 p. 100 inférieure à ce qu’elle serait si nous maintenions le statu quo.
    Je comprends que c’est 3,2 p. 100 de moins que le statu quo. Très bien. Nous avons donc une perte de 3,2 p. 100, est-ce exact?
    Dans ce scénario, la croissance de l’économie serait de 3,2 p. 100 inférieure en 2020 à ce qu’elle serait si nous ne faisions rien du tout.
    Est-il vrai qu’aucun autre pays développé ne s’est dit disposé à accepter un coût économique de 3,2 p. 100 du PIB par suite de la lutte contre les changements climatiques?
    Bien au contraire, je crois que ces chiffres sont petits et qu’ils correspondent tout à fait...
    Quel autre pays alors?
    Nous avons un rappel au Règlement.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Par respect pour le témoin, peut-on au moins lui laisser la chance de répondre aux questions? Quand les représentants du gouvernement se présentent devant nous, leurs réponses ne font pas toujours notre affaire, mais on les laisse répondre.
    Peut-il y avoir un échange de questions et de réponses?

[Traduction]

    Monsieur le président, puis-je répondre?
    Vous voulez répondre au rappel au Règlement?
    Oui.
    Je veux simplement dire que le témoin ne répond pas à la question. Dans ma dernière question, par exemple, j’ai demandé s’il est vrai qu’aucun autre pays développé ne s’est montré disposé à accepter un coût économique de 3,2 p. 100 du PIB. Si le témoin connaît un tel pays, j’aimerais bien qu’il le nomme, mais je ne veux pas qu’il utilise mes sept précieuses minutes en digressions. S’il essaie de le faire, je crois que j’ai le droit de l’interrompre.
    Il s’agit d’un rappel au Règlement. Il n’appartient pas aux témoins d’intervenir.
    Au sujet du rappel au Règlement, il s’agit bien du temps de parole de M. Woodworth, qu’il peut utiliser comme il le juge bon. Nous tenons cependant à ce que les témoins soient traités avec respect. En même temps, je comprends que vous essayez d’obtenir une réponse. Je demande donc aux témoins de répondre aux questions posées.
    Monsieur Woodworth, la parole est à vous.
    Je vais répéter ma question: Est-il vrai qu’aucun autre pays développé ne s’est montré disposé à accepter un coût économique de 3,2 p. 100 du PIB par suite de la lutte contre les changements climatiques?
    Je ne sais pas si cela est vrai ou non. Il se peut bien que des analyses aient été réalisées dans d’autres pays industrialisés, le Japon, par exemple. Je ne serais pas du tout surpris de voir des chiffres de cet ordre...
    Je vais être plus précis. Est-il vrai que vous ne connaissez aucun autre pays développé qui s’est montré disposé à accepter un coût économique de ce niveau?
    Je n’ai pas examiné les analyses faites par tous les pays industrialisés.
    Si vous ne connaissez aucun autre pays développé qui se soit montré disposé à accepter un tel coût, n’est-il pas ridicule de dire que des coûts canadiens tellement plus élevés que ceux de l’UE et les États-Unis sont bas ou acceptables?
    Ces répercussions sur le PIB ne sont pas tellement plus élevées que celles qui ont paru dans plusieurs analyses antérieures des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les études successives ont révélé des effets sur le PIB qui se situent dans l’intervalle de 0 à 3 p. 100. Je considère donc que ce chiffre est du même ordre que les coûts calculés ailleurs dans le monde.
    Vous avez mentionné que l’UE se situe à environ 2 p. 100. Nous savons donc que les coûts au Canada seraient d’au moins 50 p. 100 supérieurs à ceux qu’envisage l’UE. Est-ce exact?
    Une étude aboutit au chiffre de 2 p. 100. Chaque modèle part d’hypothèses différentes. Ces chiffres ne sont jamais très précis. On aboutit à des gammes différentes de résultats.
    Vous voulez dire que ces chiffres ne sont pas du tout fiables?
    Mais nous parlons d’une croissance de 23 p. 100 entre 2010 et 2020. Nous parlons d’une croissance de l’emploi qui serait essentiellement la même que dans le scénario du statu quo.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, je parle des coûts par rapport au statu quo qui figurent dans votre rapport.
    Je vais passer à un autre sujet.
    Si j’ai bien compris, le coût pour l’économie de l’Alberta pourrait atteindre 12 p. 100 du PIB. Je vois ce chiffre dans votre rapport. C’est exact?
    C’est par rapport au statu quo, qui correspondrait à une croissance de plus de 50 p. 100.
    Exact. Dans le cas de l’Alberta, l’écart négatif du PIB par rapport au statu quo serait au moins quatre fois plus élevé que la moyenne nationale, toujours par rapport au statu quo. Est-ce exact?
    Oui, par rapport au statu quo, mais la croissance de l’Alberta serait, en chiffres absolus, plus élevée que celle de n’importe quelle autre province.
    En fait, votre rapport ne révèle-t-il pas qu’en 2020, les investissements en Alberta, d’après le plan des ONG environnementales, seraient de 12 à 15 milliards de dollars moindres? Toutes les questions portent sur le plan des ONG environnementales.
    Pouvez-vous me dire à quelle page du rapport se trouvent ces chiffres?
    Non, je n’ai pas la page. Je vais donc passer à autre chose. Je n’ai pas pris note de tout ce que j’ai trouvé.
    Parlons donc de la Saskatchewan. N’est-il pas vrai que la Saskatchewan pourrait voir son PIB baisser de 7,5 p. 100 d’après le plan des ONG environnementales?

  (1210)  

    Oui, par rapport au statu quo, mais l’économie de la Saskatchewan croîtrait quand même de 16 p. 100 entre 2010 et 2020.
    J’ai la référence pour ma question suivante. Vous verrez à la page 8 du rapport final, qui se trouve sur l’un des sites Web, que 23,71 milliards de dollars des recettes du carbone, d’après le plan des ONG, viendraient de l’Alberta. En convenez-vous?
    De mémoire, je dirais que c’était 22 milliards de dollars, mais que 19 milliards seraient restitués à l’Alberta, notamment grâce à des réductions d’impôt et au remboursement aux ménages des hausses des prix de l’énergie.
    Vérifiez donc votre site Web. Vous verrez que c’est 23,71 milliards de dollars. Le chiffre du Manitoba est de 1,76 milliard. Est-ce que cela vous dit quelque chose?
    Encore une fois, si vous comparez les deux tableaux qui montrent la source et la destination de l’argent, vous constaterez que les recettes nettes sont très faibles parce qu’il y a un recours délibéré à des politiques de remboursement des hausses de prix de l’énergie aux ménages. La plus grande partie de l’argent qui vient d’une province lui est restituée.
    Je regrette, il ne me reste plus de temps.
    Je vous remercie.
    Nous abordons maintenant le tour à cinq minutes. Pour être équitable, je vais surveiller la minuterie de près, comme je l’ai fait au premier tour.
    Monsieur Scarpaleggia, vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Drexhage, à titre d’expert de ces négociations internationales, croyez-vous que les États-Unis transmettent le bon message en prévision de Copenhague?
    C’est une curieuse dynamique. Lorsque le gouvernement Obama a fait son ouverture en mars lors du lancement des négociations de Bonn, un de mes collègues et amis, Jonathan Pershing, qui est maintenant négociateur sur le terrain, a reçu une ovation debout de la communauté des ONG. Je m’étais dit que c’était la première et la dernière fois que cela se produisait. Aujourd’hui, l’orientation des États-Unis suscite énormément de mécontentement, mais je crois que le gouvernement est simplement déchiré entre ce qu’il veut faire à l’échelle internationale et l’image qu’il veut projeter dans le pays.
    Vous voulez dire, je crois, que les États-Unis ont marqué un certain recul pour ce qui est de donner le ton en prévision de Copenhague.
    Le Sénat est actuellement saisi de deux projets de loi. Le président a dit que s’ils n’étaient pas adoptés, il serait disposé à user de ses pouvoirs réglementaires en vertu de l’EPA. Même si le président de ce qui est encore probablement le pays le plus puissant du monde semble déterminé à agir dans le dossier des changements climatiques, vous dites qu’il n’a pas encore transmis les bons messages en prévision de Copenhague.
    Le message transmis n’est pas du tout le même que celui de Bush et du gouvernement précédent. Il n’y a vraiment pas de doute à cet égard. J’ai parfois l’impression que les gens ne sont pas très heureux de ce qu’offre le gouvernement Obama, en ce qui concerne tant la forme du traité que les cibles, mais les propositions sont différentes du tout au tout rapport à celles qui venaient du gouvernement Bush.
    Les États-Unis ont amorcé le mouvement. Il leur reste à trouver des moyens de rallier quelques-unes des grandes économies en développement pour que tout le monde puisse partir du bon pas. Voilà le vrai défi auquel ils sont actuellement confrontés.
    Nous avons beaucoup entendu parler de la nécessité de présenter le projet de loi à la Chambre avant la conférence de Copenhague. Autrement dit, nous ne devrions pas tenir des réunions instructives comme celle d’aujourd’hui; nous ne devrions pas donner à M. Bramley l’occasion de présenter son intéressant rapport.
    On nous dit que nous pourrions changer le ton des négociations à Copenhague en adoptant un projet de loi d’initiative parlementaire parrainé par — soit dit sans froisser Mme Duncan — le quatrième parti de la Chambre des communes. Ce projet de loi va à l’encontre des messages que transmet le gouvernement en prévision de Copenhague, à savoir qu’il ne souhaite pas signer un accord et qu’il n’a pas l’intention de modifier sa position de négociation même si la Chambre des communes adopte ce projet de loi. Et même si le projet de loi franchit l’étape de la Chambre, il faudra encore qu’il obtienne l’aval d’un Sénat qui pourrait bien avoir une majorité conservatrice.
    Revenons cependant à votre observation initiale. Je ne comprends pas de quelle façon l’adoption de ce projet de loi avant Copenhague pourrait modifier le ton des négociations. Je ne comprends vraiment pas.

  (1215)  

    Tout d’abord, l’adoption du projet de loi montrerait qu’au moins un participant nord-américain est disposé à s’engager d’une façon constructive et à proposer des objectifs précis. Mais il y a plus important. Je veux parler de la cible que le premier ministre a acceptée en pratique: une réduction de 80 p. 100 d’ici 2050. Si cela est acquis, si tout le monde est d’accord, nous devrions nous en servir comme d’une mesure de renforcement de la confiance dans les efforts déployés pour avancer. Voilà ce que j’essayais de dire.
    Pour ce qui est du Canada lui-même, je crois qu’étant signataires du Protocole de Kyoto sans satisfaire à ses conditions, nous devrions au moins essayer de tourner la page pour montrer que nous voulons agir.
    Nous ne tournons pas la page parce que nous avons un gouvernement entêté qui est poursuivi en justice parce qu’il refuse d’appliquer la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, qui est une loi libérale. Le gouvernement dit qu’il ne veut pas signer un accord et a affirmé, sans le dire aussi nettement, qu’il ne tiendrait pas compte du projet de loi C-311. De l’autre côté, nous disons que si le projet de loi n’est pas adopté par la Chambre des communes avant le 7 ou le 8 décembre, notre position à Copenhague serait vraiment compromise.
    Le gouvernement s’est déjà prononcé là-dessus. Il vaut mieux utiliser le temps pour écouter ce que vous et M. Bramley avez à nous dire.
    C’est tout pour moi.
    Je vous remercie.
    À vous, monsieur Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi tous les témoins de leur présence.
    Monsieur Bramley, avez-vous participé à l’élaboration du plan du tournant vert du Parti libéral?
    J’ai participé à des discussions. Nous avons été consultés au niveau des idées. Cela n’est pas allé plus loin.
    Très bien, je vous remercie.
    Avez-vous participé à la rédaction du projet de loi C-377?
    On nous a demandé notre avis, oui.
    Je vous remercie.
    Monsieur Drexhage, en 2006, lors de l’étude du projet de loi C-288, vous avez dit qu’il était tout simplement trop tard pour réaliser les objectifs de Kyoto. C’était le 23 novembre 2006. Êtes-vous toujours du même avis?
    Oui, tant que nous aurons une politique qui ne prévoit pas d’achats à l’étranger. C’est le seul moyen pour le Canada de satisfaire aux dispositions du Protocole de Kyoto.
    Lors de l’étude du projet de loi C-30, le 13 février 2007, vous avez dit que pour réduire les émissions au Canada, il était nécessaire d’intensifier considérablement l’appui aux grands investissements d’infrastructure, comme les projets de capture et de stockage du carbone. Êtes-vous toujours du même avis?
    Oui, je crois que c’est un important élément de la solution. Absolument.
    Vous avez dit que notre mode de vie n’est pas viable. Ma question porte sur ce qu’il adviendra du mode de vie au Canada si nous adoptons le projet de loi C-311. Quel en serait le coût?
    Monsieur Bramley, je ne vais pas vous poser des questions. Je pense que si je demandais à un chef cuisinier de critiquer sa propre création, il ne serait pas parfaitement impartial. Je vais donc adresser mes questions à Mme Donnelly et à M. Drexhage.
    Le gouvernement est responsable du développement durable. En fait, nous le sommes tous. À la Chambre, nous avons adopté le projet de loi S-216 au cours de la dernière législature. C’était une mesure concernant le développement durable tendant à assurer au Canada à la fois de bons emplois et un environnement propre. C’est la responsabilité du gouvernement et de chacun d’entre nous. Par conséquent, de quelle façon notre mode de vie changerait-il si nous adoptions des cibles?
    Parlons des cibles proposées dans le projet de loi C-311. L’Institut Pembina a constamment dit que les deux plus grands émetteurs du monde en développement, la Chine et l’Inde, n’auraient pas de cibles fermes. Elles n’auraient pas à en accepter dans un nouvel accord international. Le monde développé aurait à payer des réductions à l’étranger. Le projet de loi C-311 imposerait aussi de dépenser des milliards de dollars en fonds d’atténuation et d’adaptation dans le monde. Le gouvernement est d’avis qu’il doit y avoir une aide appréciable. Qu’adviendra-t-il du monde si nous acceptions des cibles aussi extrêmes?
    Je viens juste de rentrer de Copenhague où l’essence se vend 2,50 $ le litre.
    Les gens mouraient-ils de faim dans la rue?

  (1220)  

    Les gens circulaient à bicyclette dans un climat très différent du nôtre. Ils doivent payer une taxe de 180 p. 100 quand ils achètent une voiture. C’est un mode de vie différent.
    Monsieur Drexhage, vous avez dit que notre mode de vie, au Canada, n’est pas viable. Quel mode de vie devrions-nous donc avoir?
    Je vais commencer par Mme Donnelly.
    Au Danemark, le gouvernement dépense 55 p. 100 du PIB. Si vous avez un revenu net de 51 000 $ par an, en dollars canadiens, vous auriez à payer 63 p. 100 de votre revenu brut en impôts. Cela comprend l’impôt sur le revenu et les charges sociales, mais non les taxes de vente. Je ne dis pas que c’est mauvais, mais c’est un genre de société différent du nôtre. C’est peut-être le genre de société que nous devrions avoir. J’aimerais bien participer à ce débat.
    Encore une fois, je dis qu’il y a un dialogue à tenir. Quand nous parlons de la liste des 30 collectivités vulnérables, il y en a trois à Terre-Neuve, deux en Nouvelle-Écosse, deux au Nouveau-Brunswick et quatre au Québec. Nous avons toujours l’impression que cette affaire concerne essentiellement l’Alberta. Ce n’est pas le cas.
    Je voudrais également aborder la question complexe des échanges internationaux. Vous savez ce que je veux dire. Nous pouvons faire ce que nous voulons, mais, comme on dit, le diable est dans les détails. D’après ce rapport, l’offre de capital serait illimitée. Nous n’avons donc qu’à augmenter le prix de l’énergie pour voir arriver dans le pays tout le capital dont nous avons besoin afin de réduire notre demande d’énergie.
    Comme je l’ai dit, quand les Européens ont fait grimper le prix du capital, deux choses se sont produites: l’emploi dans le secteur manufacturier canadien a augmenté de 26 p. 100, tandis que la capacité manufacturière de l’Allemagne, du Danemark et de la Suède a chuté de 11 à 17 p. 100. Si on considère les flux d’investissements étrangers directs, ces pays européens ont investi davantage au Canada entre 1996 et 2007 qu’ils ne l’ont fait dans toute l’Asie, y compris la Chine.
    Vous dites donc que...
    Quand ils ont réalisé leurs politiques, leurs capitaux sont venus au Canada. Leurs emplois producteurs de marchandises ont diminué en gros de 15 p. 100, tandis que les nôtres montaient de 26 p. 100.
    Revenons maintenant à ce que cela signifie sur le plan des traités internationaux. Dans le monde développé, nous avons le secteur manufacturier le plus efficace parce que nous venons de le bâtir dans les 15 dernières années. Je vais vous présenter une seule comparaison. L’Europe nous demande de réduire nos émissions de 20 p. 100. Prenons un cas particulier. Les États-Unis nous disent de réduire nos émissions de 20 p. 100. Je ne dis pas que nous ne devrions pas le faire, mais les États-Unis nous demandent d’atteindre des cibles comparables en pourcentage, secteur par secteur. En Europe et aux États-Unis, l’aluminerie moyenne dégage 12 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium. Au Canada, le chiffre équivalent est de 6 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium.
    D’après le protocole de Copenhague, le protocole de Kyoto et la proposition du Congrès américain, nous devrions accepter les mêmes pourcentages de réduction. Cela revient à dire que si les États-Unis et l’Europe ramènent de 12 à 10 leurs émissions de gaz à effet de serre par tonne d’aluminium, nous devons réduire les nôtres de 6 à 5. On nous propose cela comme mesures équivalentes. Pourtant, il nous coûterait trois fois plus cher de passer de 6 à 5 qu’il ne leur en coûterait pour passer de 12 à 10.
    Le Canada doit être un chef de file. Nous devons leur dire que ce n’est pas équivalent, que leurs propositions sont liées non aux émissions de gaz à effet de serre, mais au protectionnisme commercial.
    Quelle devrait être la norme du monde développé pour les émissions liées à l’aluminium d’ici 2015? Est-ce 10...
    Madame Donnelly, je dois vous interrompre. Nous devons avoir des réponses succinctes pour être équitables envers les membres du comité et les témoins. Il faut qu’ils aient tous l’occasion de prendre la parole.
    Allez-y, monsieur Ouellet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aborderai le même sujet que M. Warawa, mais d'une différente façon.
    Je crois très sincèrement qu'il faut changer notre style de vie et que ce n'est pas en examinant le passé des autres pays d'Europe — en se demandant ce qu'ils ont fait jusqu'à maintenant ou ce qu'ils font maintenant — que l'on trouvera la solution de l'avenir. Voici ce que je trouve dommage de l'actuel gouvernement: il regarde tout le temps l'avenir dans un rétroviseur.
    Monsieur Drexhage, vous avez dit plus tôt, avec raison, que le Canada vit dans un monde « non soutenable ». Croyez-vous que le projet de loi C-311 pourrait aider un peu à faire prendre conscience qu'il faut changer? Et le projet de loi C-311 pourrait-il y contribuer? Si oui, comment?

  (1225)  

    Merci beaucoup, monsieur Ouellet.

[Traduction]

    Oui, je crois que le projet de loi peut contribuer. En même temps, je suis tout à fait d’accord avec Mme Donnelly: il faut que le projet de loi soit suivi d’un vrai plan.
    L’une de nos lacunes des 15 dernières années, c’est que nous n’avons jamais produit un vrai plan, un plan crédible. Cela est attribuable au fait que nous sommes très, très susceptibles pour tout ce qui touche à la consommation. C’est un domaine très délicat sur le plan politique, qui nous donne beaucoup de difficultés en Amérique du Nord.
    Pour revenir à la question précédente — vous m’excuserez d’intervenir ainsi quand ce n’est pas mon tour — sur la question de savoir si nous devons suivre la voie du Danemark ou de la Suède, je dirais que nous devrions le faire pour une grande part. Ne perdons pas de vue qu’un gouvernement conservateur est au pouvoir au Danemark. Ce n’est pas un gouvernement socialiste de gauche. C’est plutôt un gouvernement archi-conservateur, qui s’est allié au parti libéral. Il faut prendre « libéral » dans le sens néoclassique d’Adam Smith. Les Danois ont donc réussi à faire progresser le débat au-delà des questions de gauche et de droite. Ils ont réussi à concentrer leur attention sur la viabilité et la durabilité, comme nous devrions le faire au Canada. Je ne voudrais pas que la question soit transformée en un conflit entre la gauche et la droite. Nous ne pouvons pas nous permettre de le faire.
    Merci.

[Français]

    Je reviendrai sur la question que je vous ai posée à propos du projet de loi C-311. Vous dites que ce serait un début, mais qu'on aurait besoin d'un plan.
    Pensez-vous que ce pourrait être une étape importante si ce projet de loi pouvait contribuer à soutenir l'idée que ça nous prend un plan? Pensez-vous que cela pourrait encourager le gouvernement à établir un plan?

[Traduction]

    Oui, j’espère que le projet de loi aura globalement cet effet. Dans le passé, certains ont prétendu — je ne veux me prononcer ni pour les uns ni pour les autres — que ce n’est là qu’un moyen d’embarrasser le gouvernement actuel. J’espère vraiment que ce n’est pas le cas. J’espère que nous pourrons nous servir de ce projet de loi d’une manière constructive pour déterminer de quelle façon nous comptons atteindre l’objectif ultime de 80 p. 100 de réduction d’ici 2050. Je répète, une fois de plus, que le premier ministre s’est en pratique associé à cette cible lorsqu’il a accepté l’objectif des 2 °C au Sommet du G8.
    Je vous remercie.

[Français]

    J'aimerais poser une dernière question, s'il me reste du temps.
    Le gouvernement considère uniquement le côté économique. Pensez-vous qu'un projet de loi comme le projet de loi C-311 pourrait démontrer que l'aspect économique — lorsqu'on l'étudierait pour établir un plan — ne serait pas plus mal en point si l'on avait des objectifs réalistes et efficaces de 80 p. 100 pour 2050? Qu'en serait-il si l'on n'avait pas ce projet de loi?

[Traduction]

    Je ne crois pas que cette affaire puisse être réglée uniquement par les gouvernements et le Parlement. Nous avons besoin d’un débat national beaucoup plus étendu. Nous avons par exemple préconisé depuis quelques années déjà la tenue d’une conférence des premiers ministres sur une stratégie énergétique nationale. Nous avons besoin de discussions de ce genre et d’un engagement de bas en haut. L’affaire ne peut pas être réglée exclusivement au Parlement. Nous espérons que le projet de loi C-311 constituera un des nombreux éléments dont nous aurons besoin pour avancer.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Hornung, plus tôt, vous avez dit que le gouvernement devrait investir davantage dans les énergies renouvelables et, particulièrement, dans l'énergie éolienne.
    Pensez-vous que cela devrait être fait, comme le dit Greenpeace, en utilisant l'argent qui soutient actuellement les sables bitumineux? Si l'on perdait quelques emplois, on en créerait d'autres ailleurs. Dans mon comté, il y a une société, AAER, qui pense s'en aller aux États-Unis. On va donc la perdre parce que le gouvernement n'aide pas les compagnies qui fabriquent des éoliennes. Aux États-Unis, on les aide. Le gouvernement veut toujours suivre le plan américain, mais ne pas donner aux compagnies les mêmes subventions que donnent les Américains.
    Où pensez-vous que l'on devrait prendre l'argent pour soutenir les compagnies qui fabriquent des éoliennes?

[Traduction]

    Le temps de parole de M. Ouellet est écoulé. Je vous saurais donc gré de répondre brièvement.

  (1230)  

    Je voudrais simplement signaler qu’en fin de compte, nous sommes en concurrence pour ce capital. M. Ouellet a noté à juste titre qu’en ce moment, compte tenu du niveau de soutien et des choix qui sont faits, l’appui au déploiement des énergies renouvelables est sensiblement moindre au Canada qu’aux États-Unis, aussi bien sur le plan des encouragements directs que sur celui des normes réglementaires imposant une certaine contribution des énergies renouvelables au réseau électrique.
    Je vous remercie.
    Monsieur Braid.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d’avoir comparu devant le comité et d’avoir présenté des exposés ce matin.
    Je vais commencer par une question rapide à M. Bramley.
    Malheureusement, je n’ai reçu ce rapport qu’assez tard. Il est donc bien possible que la réponse à ma question soit déjà là.
    Vous avez mentionné, en réponse à une question précédente, que la modélisation économique se fonde sur une croissance économique globale de 23 p. 100 d’ici 2020. Est-ce exact?
    C’est une conclusion du rapport. Ce n’est pas une hypothèse.
    Pouvez-vous me dire sur quoi se fonde cette croissance de 23 p. 100?
    Le modèle comporte une base de données détaillée sur les technologies liées aux émissions de gaz à effet de serre. Nous commençons par définir le prix des émissions et les politiques en place, après quoi le modèle détermine les coûts correspondants et fait des rajustements en fonction des flux d’investissements et des endroits où les émissions seraient réduites une fois que les technologies mises en œuvre auront réagi aux politiques.
    Le modèle tient-il pleinement compte de la conjoncture économique? C’est ce que j’aimerais savoir.
    Le point de départ de l’analyse est la projection fondée sur le statu quo.
    Mais la situation actuelle ne représente pas les conditions habituelles.
    C’est le point de départ de l’analyse. Les politiques sont ensuite définies, et le modèle détermine les changements qui leur sont attribuables. Le scénario du statu quo a été rajusté pour tenir compte du ralentissement économique, notamment grâce à la modification des projections relatives à la production de combustibles fossiles, qui représente l’un des éléments les plus directement liés aux émissions.
    Madame Donnelly, il aurait été très utile d’avoir des renseignements supplémentaires sur les 30 collectivités que vous avez mentionnées.
    Je vous enverrai la liste immédiatement après la réunion.
    Pouvez-vous nous donner une idée approximative de la répartition de ces collectivités?
    Ma question a deux volets. J’aimerais d’abord connaître la répartition approximative de ces 30 collectivités par province. Ensuite, dites-nous quelles sont leurs caractéristiques particulières.
    J’espère que ma mémoire ne me trahira pas, mais je crois que, sur les 30 collectivités, moins de 15, mais presque la moitié se trouvent en Alberta et en Saskatchewan. Il n’y en a pas au Manitoba. La liste que je vous enverrai ne comprend non plus aucune collectivité de la Colombie-Britannique. Toutefois, si je mets les chiffres de côté et considère les choses d’un point de vue technique, je placerais Kitimat presque au sommet de la liste, même si elle n’y figure pas actuellement. Elle est basée sur les chiffres de 2007. J’ajouterais donc Kitimat.
    Par rapport à leur population, les provinces ayant les profils de risque les plus élevés sont le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve car, même si les émissions de gaz à effet de serre par habitant y sont inférieures aux autres provinces, la possibilité d’y générer de nouvelles recettes sont sensiblement moindres que dans les autres régions. Par conséquent, lorsque vous examinerez la liste des collectivités, ne perdez pas de vue que la situation est différente dans chaque contexte.
    Pour revenir à cette étude, elle fait deux choses en même temps. Elle suppose que le gouvernement tirera d’importantes nouvelles recettes des opérations qui devraient censément continuer à produire des émissions de gaz à effet de serre et qui auraient donc à acheter des permis pour le faire. Toutefois, ces recettes ne se matérialiseront pas si les installations en question réduisent leurs émissions. Les collectivités en cause sont souvent des villes monoindustrielles. Par conséquent, si vous retirez l’employeur unique, vous avez intérêt à savoir par quoi vous allez le remplacer. En Colombie-Britannique, où je vis, chaque fois qu’un employeur unique a disparu, c’est le gouvernement qui est devenu la principale source de revenus.
    Je vous remercie.
    Je cède le temps de parole qui me reste à M. Woodworth.
    Vous avez une minute.
    Je vous remercie.
    Dans cette minute, monsieur le président, je vais formuler une observation comme suite à une réponse donnée par M. Bramley tout à l’heure au sujet de l’argent qui serait restitué à l’Alberta et à l’Ouest. Je dirais que les Canadiens ont appris depuis l’entrée en vigueur de l’impôt sur le revenu lors de la Première Guerre mondiale, qu’ils peuvent être certains que le gouvernement tiendra sa promesse quand il dit qu’il leur prendra de l’argent, mais qu’ils doivent être très méfiants quand il dit qu’il le leur restituera.
    Monsieur le président, j’ai d’autres questions à poser, mais je n’arriverai pas à le faire en une minute. Je vais donc m’en tenir à cela.
    Je vous remercie.

  (1235)  

    Merci.
    Monsieur Malhi, vous avez la parole. Avez-vous des questions à poser?
    Très bien. M. McGuinty prendra votre temps.
    Je l’apprécie beaucoup. Merci, monsieur Malhi.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Drexhage, j’aimerais revenir aux perspectives d’avenir positives.
    Que dit le Canada? Nous n’en avons aucune idée. Les Canadiens ne savent rien. Nous demandons constamment au gouvernement de dire simplement aux Canadiens ce qu’il en est. Quelle est la position du Canada sur la scène internationale? La réponse change constamment. Je ne comprends pas. Je ne peux pas deviner ce que le gouvernement a dans la tête, mais je crois que les Canadiens ont le droit de savoir. Le gouvernement ne veut pas nous dire quelle est sa position.
    Le dialogue continue à changer. On nous dit tout d’abord que c’est un dialogue bilatéral. On affirme ensuite que le Canada a une cible nord-américaine, ce que ne peuvent pas confirmer mes interlocuteurs de Washington et de Mexico. Personne n’a jamais entendu parler d’une cible nord-américaine. Nous ne savons plus ce que dit notre gouvernement.
    Mais vous suivez les développements internationaux. Pouvez-vous donc nous parler de ce que la Canada dit sur la scène internationale en ce moment, en prévision de la conférence de Copenhague?
    Le gouvernement dit qu’il a clairement défini sa cible: 20 p. 100 de réduction par rapport aux niveaux de 2006 d’ici 2020. Autrement dit, l’année de base est établie à 2006 au lieu de 1990, année sur laquelle toutes les autres parties s’étaient entendues...
    Excusez-moi. Quels autres signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont convenu d’utiliser 1990 comme année de base?
    Les parties au Protocole de Kyoto l’ont fait...
    Oui. Sommes-nous donc le seul pays qui ne veut plus utiliser...
    Ce n’est pas clair dans le cas des États-Unis. Ils ont parlé de 2005.
    Oui.
    Ce qui se dit à titre informel dans les couloirs, c’est que cette condition ne mettra pas nécessairement fin aux négociations à Copenhague. Je ne suis pas sûr qu’elle le fasse dans le cas du Canada. Nous verrons.
    Le gouvernement du Canada a aussi dit très clairement que, pour atteindre sa cible — cela nous ramène à l’argument de Matthew sur les coûts correspondants —, il n’avait l’intention de recourir qu'à des moyens intérieurs et ne ferait donc pas d’achats à l’étranger. Nous n’avons cependant pas de détails sur la marge de manœuvre que le gouvernement laisserait à l’industrie si elle souhaite faire des achats à l’étranger pour être en mesure d’atteindre ses cibles intérieures.
    Ainsi, le gouvernement du Canada dit actuellement aux autres pays que nous réaliserons une réduction d’intensité de 20 p. 100 à partir de 2006 sans recourir à des crédits internationaux? Ai-je bien compris?
    La cible absolue de 20 p. 100 de réduction par rapport aux niveaux de 2006 ne fera pas appel aux mécanismes internationaux du carbone. C’est exact.
    C’est ce que dit le gouvernement?
    Oui. C’est ce que dit le gouvernement sur la scène internationale.
    Cela est-il possible, monsieur Drexhage?
    Je suppose qu’Aldyen répondrait bien pour moi, mais je vais me reporter à l’analyse de la Table ronde nationale. La Table ronde dit que c’est possible, mais qu’il faut alors envisager un coût de plus de 100 $ la tonne, comme Matthew l’a également dit.
    Exact.
    Il faut immédiatement envisager un prix à la tonne de 100 $ et plus si on ne recourt pas aux mécanismes internationaux.
    Hier encore, le ministre disait dans des interviews aux médias qu’il n’y aurait pas d’accord à Copenhague. Vous avez mentionné que les négociations sont en crise à cause du différend entre pays développés et en développement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus pour aider les Canadiens à comprendre? Par exemple, s’agit-il d’une épreuve de force entre les États-Unis et la Chine ou entre les États-Unis, la Chine et l’Inde? S’agit-il de transfert de richesse? De quoi s’agit-il exactement?
    Je m’excuse si tout cela semble très obscur pour tout le monde, mais la question est de savoir si nous allons suivre une ou deux pistes de négociation. Il est question d’amener les grandes économies en développement à s’engager davantage en matière d’atténuation.
    Les États-Unis essaient de s’imposer en affirmant qu’ils ne signeront pas le Protocole de Kyoto comme amendement et ne participeront donc pas aux discussions actuelles des pays développés. De leur côté, tous les pays développés disent maintenant — l’UE vient de le faire, et c’est ce qui a causé la crise à Bangkok — qu’ils ne veulent pas avoir plus d’une piste de négociation. Le G77 et la Chine considèrent que c’est une violation du mandat issu du plan d’action de Bali.
    Nous verrons ce qui se passera lundi à Barcelone, mais les choses risquent vraiment de se gâter.
    Ainsi, lorsque les Chinois ont annoncé à New York, aux Nations Unies, qu’ils envisageaient sérieusement — pour la première fois, je crois — d’accepter des cibles et même des cibles d’intensité, notre gouvernement s’en est pris à eux en public. Notre ministre les a attaqués, disant que ce n’était pas assez, que nous voulions des cibles plus ambitieuses, des réductions plus importantes et des pourcentages fixes. À votre connaissance, comment le gouvernement et les dirigeants chinois ont-ils accueilli l’attitude canadienne?

  (1240)  

    En toute franchise, je n’ai rien entendu du tout au sujet de la réaction du gouvernement chinois à ce message particulier du ministre. Je n’ai rien entendu ni d’un côté ni de l’autre. Je crois que, pour beaucoup, la situation était intéressante... Le fait qu’aucun nombre n’ait été mentionné a peut-être incité certains gouvernements à dire que les déclarations d’intention sont intéressantes, mais qu’ils préfèrent des chiffres concrets. Les gens se demandent si cela sortira au sommet de novembre avec Obama ou à la conférence de Copenhague.
    Je vous remercie. Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    Je sais qu’il manque constamment de temps pour parler aux témoins. Je serai donc très direct. J’espère qu’il restera ainsi un peu de temps à partager avec mon collègue M. Watson, pour que nous ayons tous les deux l’occasion de poser des questions.
    J’ai d’abord une observation à formuler. Témoignant devant le Comité sénatorial des banques, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a dit que dans l’ensemble, il y aurait une reprise timide, mais que ce serait quand même une reprise. Ce sont de bonnes nouvelles pour les Canadiens.
    Je voudrais demander ceci à Mme Donnelly en particulier: Croyez-vous que les Canadiens soient disposés à adopter des cibles et un plan qui, d’après ce que je peux voir, n’est qu’une variante du tournant vert qui leur avait été proposé aux dernières élections générales, et que l’économiste en chef de la Banque TD, M. Don Drummond, a qualifié de « plus grand choc financier » de l’histoire du Canada dans le Globe and Mail d’aujourd’hui?
    Mon opposition au projet de loi C-311 est due au choc qu’il provoquerait. Chaque fois que nous sautons à pieds joints pour adopter une cible qui paraît hors de portée — je ne me prononce pas sur la question de savoir si elle est ou non à notre portée —, nous acculons des collectivités entières à des tactiques fondées sur la peur. J’estime que nous connaissons ces collectivités. Il n’y a pas d’incertitude à cet égard. La chose prudente à faire est d’élaborer une stratégie pour collaborer avec les collectivités et déterminer ce qu’il est possible de faire.
    Je ne m’oppose pas à ce que la stratégie vise à atteindre des objectifs comme ceux du projet de loi C-311 ou d’autres objectifs. Je crois cependant que si vous adoptez un autre projet de loi sans passer par ce processus, vous aurez des difficultés.
    Je voudrais aussi ajouter une petite observation au sujet de toute cette affaire d’échanges internationaux. L’année dernière, en 2008, les États-Unis ont produit un peu plus d’un milliard de tonnes d’équivalent CO2 en exploitant des centrales au charbon datant de plus de 55 ans. Au Canada, notre plus vieille centrale au charbon n’a pas encore 45 ans. Par conséquent, quand nous avons ce dialogue et parlons de flux d’argent, il n’y a pas de doute qu’il sera coûteux de réduire les émissions chez nous. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais nous avons une jeune économie dans laquelle il est beaucoup plus coûteux de radier une centrale de 20 ans que de se débarrasser d’une centrale de 65 ans.
    Voilà les circonstances particulières que nous avons. L’augmentation de 26 p. 100 de nos emplois producteurs de marchandises depuis 1996 était attribuable aux capitaux venant d’Europe qui ont été investis chez nous au lieu d’aller aux États-Unis. Nous avons un défi spécial et devons donc choisir des moyens d’action différents de ceux de tous les autres.
    En septembre, le taux de chômage en Alberta était de 7,4 p. 100. Le gouvernement provincial s’attend pour cette année à un déficit de 7 milliards de dollars. Monsieur Bramley, d’après le scénario présenté dans ce rapport, la croissance de l’économie albertaine serait de 8,5 p. 100 inférieure à ce qu’elle devrait être en 2020, notre PIB diminuerait de 7 à 12 p. 100 par rapport au statu quo et nous donnerions au gouvernement fédéral 5 milliards de dollars de plus qu’il ne nous en donnerait, sans compter ce que les Albertains versent déjà au gouvernement du Canada en sus des services qu’ils reçoivent.
    Les Albertains sont des gens responsables. Je peux vous dire tout de suite que ce sont de bons intendants de l’environnement. Nous sommes prêts à faire notre part. Je crains cependant que la mise en œuvre de ces exigences ne fasse fuir les investissements de notre province et de notre pays. Les observations de Mme Donnelly confirment que la poursuite de cibles hors de portée en Europe a clairement fait fuir les investissements.
    Je vous demande donc de nous dire si, oui ou non, votre modèle tient compte de la fuite possible des capitaux en Alberta et au Canada?
    Le modèle tient certainement compte des flux de capitaux entrant au Canada. Il...
    La réponse est donc non. Le modèle ne tient pas compte des capitaux qui sortent du Canada.
    Votre modèle prend-il en considération les effets possibles de la lenteur de la reprise, d’une autre récession ou d’une seconde chute des marchés sur l’économie du Canada et de l’Alberta?
    Le modèle se base sur une projection assez modeste du statu quo en matière de croissance des émissions entre 2010 et 2020. Je crois que notre hypothèse est assez modérée.
    Vous n’avez cependant pas répondu à ma question, même si vous avez essayé de le faire.
    Ma dernière question s’adresse à qui veut y répondre. C’est une question sincère basée sur mon expérience: j’ai grandi en Alberta sous le programme énergétique national et j’ai été témoin de la promotion du tournant vert aux dernières élections. Avez-vous pensé aux répercussions de cette proposition sur l’unité nationale, si on demande aux Albertains d’assumer une part encore plus disproportionnée du fardeau?

  (1245)  

    Monsieur Drexhage, vous pouvez commencer.
    Merci beaucoup.
    Moi aussi, je suis né en Alberta. J’ai grandi à Edmonton, dans le coin de Beverly. Moi aussi, j’ai connu le programme énergétique national et j’ai pu constater à quel point il était à courte vue. Et les Eskimos et les Oilers ont toujours été mes équipes favorites.
    Je me suis toujours inquiété de l’unité nationale au cours de ces discussions. J’ai pu constater que les choses peuvent dégénérer très rapidement. Je regrette vraiment que l’héritage laissé par Pierre Trudeau semble davantage axé sur cette question que sur toute autre. C’est vraiment malheureux parce que je ne crois pas du tout que ce soit pertinent. Je pense que nous pouvons avoir une discussion très progressiste et constructive à ce sujet. J’espère que nous pourrons utiliser ceci comme un moyen d’avancer et non comme un moyen de diviser, car cela ne serait sain ni pour le pays ni pour l’environnement. Et, à long terme, ce ne serait pas sain non plus pour l’économie de l’Alberta.
    Madame Donnelly, le temps de parole de M. Calkins est écoulé, mais vous pouvez donner une réponse très brève.
    Je crois que l’unité est en danger parce que les attentes sont trop élevées. Tout le contexte de Kyoto et du Congrès des États-Unis pénalise les régions les plus efficaces et récompense celles qui font actuellement preuve de la plus faible efficacité. Par conséquent, si nous nous engageons dans la voie de Copenhague, c’est le Québec qui aura le plus de difficultés à trouver de nouveaux capitaux pour n’importe quoi. Ce n’est pas l’Alberta. Il faut produire beaucoup d’émissions pour être en mesure de les réduire.
    Je suis donc très inquiète de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le Manitoba, la Colombie-Britannique et le Québec s’attendent à être récompensés pour leur efficacité actuelle. En même temps, nous devons respecter une convention internationale qui nous demande de pénaliser ceux qui ont le mieux réussi et de donner les fonds à ceux qui sont les moins efficaces en ce moment.
    Je vous remercie.
    Monsieur Watson, vous avez la parole. Vous poserez la dernière question. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bien sûr, je remercie aussi nos témoins.
    J’ai d’abord un commentaire à formuler, monsieur le président. Nous avons reçu très récemment ce rapport qui est parrainé par la Banque TD. Cela étant, je crois qu’il serait bon d’inviter l’économiste en chef de la Banque, Don Drummond, à comparaître devant le comité pour explorer certains des aspects économiques du rapport. Monsieur le président, vous voudrez peut-être tenir compte de cette proposition à un moment donné. Je crois qu’il serait utile que M. Drummond vienne nous expliquer le rapport.
    Monsieur Bramley, vous avez dit que chaque modèle aboutit à des résultats différents. De toute évidence, vous avez choisi un modèle précis pour ce rapport. Je note, sur la face intérieure de la couverture, que la Fondation David Suzuki est d’avis que le choix de certaines politiques a été imposé par le modèle. La Fondation ajoute que les technologies et les mesures retenues ne représentent qu’une partie des solutions possibles pour atteindre les objectifs de réduction de 2020 et précise qu’elle n’appuie pas nécessairement les mesures et technologies retenues dans le rapport. À part cela, vous avez choisi là une voie assez particulière.
    Je vais vous poser des questions à ce sujet et faire aussi quelques comparaisons.
    Le printemps dernier, j’ai écrit au directeur parlementaire du budget pour lui demander d’établir le plein coût du projet de loi C-311. Nous avons eu quelques échanges avec M. Page. Il a présenté un aperçu du cadre d’étude qu'il se propose d’adopter. Au sujet des scénarios relatifs aux nouvelles politiques, il a dit ceci:
Il faudra élaborer un certain nombre de scénarios stratégiques parce qu’il est probable qu’il existe de multiples approches et combinaisons d’approches pour réaliser les réductions nécessaires des émissions. Le recours à différentes approches ou combinaisons d’approches aboutirait vraisemblablement à des répercussions économiques différentes.
    Je voudrais donc dire tout d’abord que ce n’est là qu’une seule opinion sur les répercussions économiques, fondée sur certaines hypothèses de base. Il y a des choses qui ne sont pas comprises dans ce rapport, comme différentes options qu’il serait possible de comparer les unes aux autres. Cette évaluation est-elle assez proche de la réalité?
    C’est un scénario, une option possible. On pourrait faire un choix parmi beaucoup d’autres.
    C’est exact.
    M. Page ajoute:
La définition de « répercussions économiques » peut être étendue à d’autres indicateurs économiques, à des mesures du bien-être social; de plus...

  (1250)  

    Nous avons un rappel au Règlement.
    Le rapport que M. Watson cite n’est pas connu des autres membres du comité. Pouvons-nous l’avoir?
    C’est un document public.
    Monsieur Watson, je sais que...
    Nous demandons ce rapport depuis des mois. Pouvons-nous l’avoir, s’il vous plaît?
    Mais le rapport n’a pas été demandé par le comité. La demande a été présentée au directeur parlementaire du budget par M. Watson.
    C’est exact, monsieur le président.
    Si M. Watson croit utile de mettre le rapport à la disposition du comité, je l’encourage à le faire.
    Il est en train de le citer aujourd’hui.
    Il l’a cité, mais ce n’était pas contraire au Règlement. Il peut donc continuer à poser sa question.
    Monsieur McGuinty, au sujet du même rappel au Règlement.
    Monsieur le président, si je m’en souviens bien, M. Watson avait gracieusement accepté, il y a quelques mois, de communiquer au comité ce rapport ainsi que toute lettre reçue du directeur parlementaire du budget dès qu’il l’aurait en main. Mme Duncan a parfaitement raison. Nous le demandons, M. Bigras le demande et je le demande depuis des mois.
    Si nous avons un cadre permettant de calculer le coût d’un plan canadien complet de lutte contre les changements climatiques, c’est vraiment une grande réalisation. Je crois d’ailleurs que M. Watson serait bien avisé de le transmettre à M. Prentice pour qu’il s’en serve.
    Monsieur Bigras.

[Français]

    Monsieur le président, il faut comprendre.
    Un parlementaire, membre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, a fait des demandes au directeur du budget. Nous étions tout à fait favorables à ces demandes, sauf qu'il doit agir en collégialité avec le comité. C'est-à-dire que s'il a de l'information, il doit la transmettre au comité.
    Donc, ce n'est pas un député de la Chambre des communes qui a pris une initiative ailleurs; c'est un membre du comité, et il doit assumer ses responsabilités et travailler en collégialité avec les membres du comité permanent.

[Traduction]

    Vous vous rendez sûrement compte que nous sommes tous de simples députés hors de la salle du comité. À titre de simples députés, nous pouvons agir comme bon nous semble.
    M. Watson a agi de sa propre initiative. Il n’y a jamais eu de motion, au comité, proposant de communiquer le rapport. Il l’a bien offert.
    Par conséquent, monsieur Watson, je vous laisse décider, à moins que le comité ne veuille...
    Monsieur Warawa, au sujet du même rappel au Règlement.
    M. Watson avance un très bon argument. Dans sa lettre du 20 avril 2009, il a demandé une évaluation du coût du projet de loi C-311 parce que les auteurs des projets de loi C-377 et C-311 — l’Institut Pembina et M. Layton — ont dit tous deux qu’il fallait le faire. Dans cette optique, c’est sa demande.
    Le fait que le directeur du budget réponde qu’il n’a pas les moyens de le faire, puis qu’il puisse le faire maintenant à la demande d’un député libéral soulève de sérieuses questions. Nous devons examiner cette affaire.
    D’accord. Je prends l’affaire en délibéré. J’en parlerai à M. Watson après la réunion.
    Maintenant, revenons à cette dernière question. Il vous reste deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi les membres du comité pour avoir gaspillé beaucoup de temps aujourd’hui.
    Pour calculer le coût complet, le directeur parlementaire du budget dit qu’il faut aussi poser des hypothèses de base au sujet des réactions dictées par la politique monétaire. Autrement dit, il propose un plan qui lui prendrait environ 12 mois à produire et qui serait extrêmement détaillé. Je crois que ce serait très précieux pour le comité qu’il puisse entreprendre cette étude.
    Je veux cependant noter ici en tout premier lieu que cela ne représente qu’une opinion particulière, que je trouve assez étroite. Ensuite, je pense que les hypothèses posées ici... Le Globe and Mail dit que le Canada devrait se transformer en paradis écologique du jour au lendemain. C’est un scénario basé sur des conditions parfaites qui comportent vraiment des éléments irréalistes, comme les normes d’émission de la Californie. Il y a deux ans, Buzz Hargrove, alors président des Travailleurs canadiens de l’automobile, avait dit que de telles normes seraient suicidaires pour l’industrie automobile. Ce n’est vraiment pas réaliste.
    Don Drummond lui-même dit qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les progrès technologiques fournissent une solution d’ici 2020. Pourtant, vous supposez certaines choses.
    Avez-vous proposé ce scénario irréaliste pour masquer ce que seraient les coûts réels? Ils pourraient être supérieurs aux coûts de ce qu’on appelle le grand bouleversement économique, le plus grand choc financier de l’histoire du Canada qui perturberait profondément notre économie. Avez-vous en fait sous-estimé des coûts qui pourraient être considérablement plus élevés pour notre économie?
    Tout d’abord, je proteste contre la suggestion que nous aurions fait preuve de malhonnêteté dans cette étude. Nous nous sommes efforcés de faire un examen global de réductions ambitieuses des émissions dans le domaine public afin de relever le niveau du débat et de nous écarter du genre de discussion où on cherche à concentrer toute l’attention sur les éléments négatifs plutôt que de considérer le tableau d’ensemble.
    Le modèle que nous avons choisi est un modèle courant dont le gouvernement fédéral s’est déjà servi et qu’ont également utilisé à plusieurs reprises des gouvernements provinciaux, dont celui de l’Alberta. Nous avons posé un certain nombre d’hypothèses modérées. Par exemple, nous supposons que le Canada irait sensiblement plus loin que les autres pays de l’OCDE au chapitre des politiques relatives au climat. Nous n’avons pas tenu compte de l’utilisation des forêts pour réduire les émissions parce que les modèles ne pouvaient pas le faire, mais ce serait une autre possibilité peu coûteuse.
    Il y a d’autres modèles qui produisent des coûts inférieurs à ceux-ci. Quant aux réductions internationales, nous nous sommes servis de prix beaucoup plus élevés que ceux qui sont utilisés d’habitude. Ce sont tous là des éléments modérés de notre travail.
    Très franchement, je proteste contre la suggestion que nous avons essayé de produire des nombres qui ne soient pas objectifs.

  (1255)  

    Je vous remercie. Votre temps de parole est écoulé.
    Nous devons maintenant nous occuper d’une motion.
    M. Warawa invoque le Règlement.
    M. Watson a recommandé que nous invitions M. Drummond à comparaître comme témoin devant le comité. Je crois que c’est une suggestion utile et que nous devrions inviter M. Drummond.
    Très bien, nous verrons s’il est disponible.
    Madame Duncan.
    Monsieur le président, avant d’aborder la motion, je voudrais apporter une précision au nom de M. Hyer. C’est son projet de loi. Il n’est pas ici pour le défendre parce qu’il suit des traitements pour son cancer. Je voudrais donc préciser une chose pour répondre aux commentaires désobligeants de M. Warawa, selon lesquelles le projet de loi de M. Hyer a été rédigé par l’Institut Pembina.
    Je veux qu’il soit clair que le projet de loi n’a pas été rédigé par l’Institut Pembina. Je veux également lui donner l’assurance que le Nouveau Parti démocratique, par l’entremise de M. Hyer, a tenu de vastes consultations sur le projet de loi auprès des ONG, de l’industrie et d’autres gouvernements.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement.
    Monsieur Warawa, j’espère qu’il s’agit vraiment d’un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, Mme Duncan a bien parlé dans le cadre d’un recours au Règlement, n’est-ce pas?
    Elle a simplement formulé des commentaires au sujet de vos observations antérieures concernant M. Hyer.
    Il est de notoriété publique, monsieur le président, que l’Institut Pembina s’est occupé de ce projet de loi. Cela faisait partie des témoignages concernant le projet de loi C-377 ainsi que des témoignages d’aujourd’hui. Dans les deux cas, on a parlé de réductions très importantes, ce qui figure dans le document Pembina et David Suzuki. Tout cela figure au compte rendu.
    C’est très bien. J’en tiendrai compte.
    Revenons maintenant à la motion.
    Je voudrais remercier les témoins d’avoir comparu et témoigné devant le comité aujourd’hui. Cela nous aidera à analyser le projet de loi et à formuler nos recommandations finales.
    Vous pouvez maintenant vous retirer si vous le souhaitez.
    Madame Duncan, vous avez demandé que votre motion soit examinée en séance publique et non à huis clos. Il est d’usage au comité de discuter à huis clos des travaux futurs. Comme cela s'écarte de l’usage du comité, je vais vous demander de présenter une motion proposant de procéder en public. Autrement, je crois que le consensus favorise la pratique courante.
    C’est très bien, monsieur le président.
    Je propose que ma motion ne soit pas discutée à huis clos et qu’elle fasse l’objet d’un vote public.
    C’est une motion dilatoire. Elle ne peut faire l’objet d’aucun débat parce qu’elle traite de procédure.
    Je vais donc passer au vote. Tous ceux qui sont en faveur de l’examen public? Très bien. Et ceux qui y sont opposés?
    Comme je l’ai dit, la pratique courante consiste à se réunir à huis clos. Il n’y a ni débat, ni recours au Règlement ni motion dilatoire. La motion dilatoire propose d’examiner en public la motion de Mme Duncan.
    J’aimerais avoir une précision. À titre de parlementaire, je veux savoir si nous siégeons actuellement en séance publique ou à huis clos.
    Nous siégeons actuellement en séance publique.
    Nous siégeons en public, et la motion dont nous sommes saisis propose de...
    Continuer à siéger en public.
    ... discuter en public des travaux du comité. Est-ce exact?
    C’est exact.
    Je passe de nouveau au vote.
     (La motion est rejetée.)
    Le président: La motion est rejetée. Nous allons donc poursuivre à huis clos.
    Je demande à tout le monde de quitter la salle pour que nous puissions discuter des travaux du comité.
    Je vous remercie.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU