Passer au contenu
;

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 027 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 27e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. D'après l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du 22 avril 2009, nous examinerons le projet de loi C-291, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (entrée en vigueur des articles 110, 111 et 171).
    Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, pour notre première séance, les témoins suivants: Lorne Waldman, qui, comme chacun sait, est avocat spécialisé en droit de l'immigration, Julie Taub, avocate spécialisée en droit de l'immigration et des réfugiés et ancienne membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, et Raoul Boulakia, avocat lui aussi.
    Certains d'entre vous ont déjà comparu devant le comité et connaissent donc la procédure. Vous disposez de quelques minutes pour faire une déclaration préliminaire. Par la suite, nous passerons à une période de questions et réponses.
    Nous allons commencer avec M. Waldman. Bienvenue.
    J'ai eu une petite discussion avec M. Boulakia, mais je n'ai pas eu l'occasion de parler avec Mme Taub avant son arrivée. Je commencerai par faire un survol de la question, et M. Boulakia entrera ensuite dans les détails.
    La question de la mise en place d'un système équitable de reconnaissance du statut de réfugié a fait l'objet de bien des débats, auxquels je participe depuis 1977, pour autant que je me souvienne. J'imagine que cela vous donne une petite idée de mon âge.
    J'estime qu'il est important de revenir aux principes de base. L'un d'entre eux est le suivant: pour faire en sorte que tout système de reconnaissance de statut de réfugié mis en place au Canada soit équitable, les décisions rendues à cet égard doivent être prises par les membres d'un organisme indépendant. Si j'attire votre attention là-dessus, c'est qu'on a évoqué la possibilité d'installer des agents d'immigration à la frontière pour rendre des décisions rapidement. Une telle pratique respecterait-elle les dispositions de la Charte? J'ai de très graves préoccupations à cet égard. Chose certaine, une telle pratique contreviendrait aux principes fondamentaux de l'équité.
    Le système doit être équitable. Il doit y avoir un certain type d'examen indépendant, et il doit être efficient. Nous savons que l'efficience du système actuel de reconnaissance du statut de réfugié a été sérieusement critiquée. Je me pencherai sur cette question dans quelques instants, et je crois que M. Boulakia aura des observations supplémentaires à faire sur ce sujet.
    La mise en place de la Section d'appel des réfugiés a été inscrite dans les mesures législatives en raison des plaintes qui ont été formulées pendant de nombreuses années selon lesquelles le mécanisme d'examen de la Cour fédérale n'était pas satisfaisant. La Cour fédérale est le tribunal qui procède aux contrôles judiciaires, et quiconque connaît le droit administratif comprendra la notion de retenue, une notion juridique à propos de laquelle la Cour suprême du Canada s'est exprimée à maintes et maintes reprises. D'après cette notion, un tribunal qui procède à un examen judiciaire doit faire preuve de retenue à l'égard de la décision rendue par le tribunal d'instance inférieure et ne peut intervenir que si celui-ci a commis des erreurs très évidentes au chapitre des constatations de fait ou s'il a clairement erré en droit.
    Ceux qui, comme moi, oeuvrent au sein du système de reconnaissance du statut de réfugié, sont convaincus que la Cour fédérale ne constitue pas un mécanisme de contrôle adéquat, et c'est la raison pour laquelle nous avons vigoureusement fait campagne en faveur de la création de la Section d'appel des réfugiés. La Section d'appel — et j'ai eu de longues discussions avec Peter Showler, qui était le président au moment où la LIPR est entrée en vigueur — peut effectuer des contrôles efficients et adéquats en quelques mois. Par conséquent, il n'est pas justifié, à mon avis, de craindre que l'ajout d'un autre niveau d'appel aurait pour effet de prolonger déraisonnablement le processus.
    En outre, comme nous l'avions mentionné à l'époque, si la Section d'appel des réfugiés était en place, nous pourrions réévaluer la pratique selon laquelle il est automatiquement sursis à une mesure d'expulsion pendant que la Cour fédérale procède au contrôle judiciaire de la décision. En effet, du moment où un deuxième tribunal de révision, à savoir la Section d'appel des réfugiés, effectue un contrôle judiciaire sur le fond, on pourrait faire valoir que rien ne justifie qu'un sursis soit accordé automatiquement à une personne dont la décision a déjà fait l'objet de deux contrôles judiciaires distincts. Il demeurerait loisible à la Cour fédérale d'accorder un sursis si elle estime que cela est nécessaire, mais lorsque la création de la Section d'appel des réfugiés a été envisagée, la suppression du sursis automatique faisait partie des mesures qui allaient être prises.
    Ainsi, pour l'essentiel, le fait de supprimer le sursis automatique pendant un contrôle judiciaire de la Cour fédérale et en mettant sur pied la Section d'appel des réfugiés n'aurait pas pour résultat de prolonger le processus. Selon moi, à ce jour, les problèmes posés par la LIPR et l'arriéré sont en grande partie attribuables au fait que la Commission manque de personnel.
    Pour conclure ma déclaration préliminaire, je tiens à souligner que, à mon avis, la mise sur pied de la Section d'appel des réfugiés ne prolongerait pas indûment le processus et contribuerait à la création d'un système de reconnaissance du statut de réfugié plus équitable.
    Il est important de mentionner que d'autres mesures qui permettraient de rendre le processus plus équitable peuvent être prises sans que des modifications de grande envergure soient apportées à la loi. Si le gouvernement actuel est préoccupé par l'efficience, il peut tirer profit des suggestions que de nombreuses personnes ont faites au fil du temps en vue de rendre le système plus équitable. M. Boulakia en mentionnera quelques-unes.
(0910)
    Simplement pour vous donner un exemple, à l'heure actuelle, il existe un processus, l'ERAR, l'examen des risques avant renvoi, qui exige un temps et des ressources considérables. Dans un rapport récent, on a laissé entendre que la mise sur pied de la Section d'appel des réfugiés, la SAR, permettrait de combler le manque créé par la suppression de l'ERAR. L'ERAR a été instauré parce qu'il s'écoule souvent une ou deux années entre un rejet et l'exécution d'une mesure de renvoi, et parce que les mesures de renvoi doivent faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Toutefois, si la SAR a le pouvoir de rouvrir un appel et de rendre une décision en se fondant sur de nouveaux éléments de preuve, on peut se débarrasser de l'ERAR, épargner beaucoup d'argent et accroître l'efficience à long terme du processus de reconnaissance du statut de réfugié.
    Merci, monsieur Waldman.
    Madame Taub.
    Je croyais que M. Boulakla allait prendre la parole. Je pensais que son exposé était lié à celui de M. Waldman.
    Tout le monde a intérêt à ce que la Commission de l'immigration du statut de réfugié soit efficiente. Certaines personnes croient, à tort, que le système de reconnaissance du statut de réfugié est le lieu d'une lutte entre les personnes qui défendent la cause des réfugiés et celles qui souhaitent qu'on leur fasse la vie dure, ou, si vous préférez, une lutte entre la gauche et la droite. En fait, en ce qui concerne la question des réfugiés, il n'y a ni gauche ni droite. Je représente des capitalistes, des communistes, nommez ce que vous voudrez, et ces gens reçoivent tôt ou tard l'appui de personnes de toutes les tendances politiques.
    Personne n'apprécie le manque d'efficience. Une personne qui est blessée parce qu'elle a subi de la torture et dont la famille est coincée dans un camp de réfugiés à quelque part veut que sa cause soit entendue rapidement. Il déteste le manque d'efficience, comme tout le monde. Tout ce que nous voulons, c'est vous aider à faire en sorte que le système fonctionne mieux et qu'il fasse preuve d'intégrité.
    Pour de nombreuses raisons, il est important qu'un tribunal soit indépendant. Les commissaires occupent un poste équivalent à celui d'un juge, et un juge doit bénéficier de l'indépendance et de l'inamovibilité. Pour renforcer l'inamovibilité des commissaires, il suffit de prolonger la durée de leur mandat. Cette mesure, qui n'exigerait aucune modification de la LIPR, éviterait aux commissaires d'avoir à passer par tous ces processus de renouvellement. Le ministre Kenney a affirmé que chaque modification du processus de nomination entraîne de longs délais parce qu'il faut doter en personnel la Commission; cela n'est pas nécessairement toujours de notre faute.
    Prolongez la durée des mandats, nommez des commissaires et gardez-les en place. Cela évitera tous les chamboulements qui accompagnent chaque fois la tenue d'une élection et l'arrivée d'un nouveau gouvernement. La Commission est une institution qui a besoin de stabilité.
    En ce qui concerne l'efficience du processus, dans un rapport intitulé « The Quality of Mercy », rédigé en 1994 par Davis et Waldman à la demande du gouvernement de l'époque, il est recommandé que les agents qui s'occupent des réfugiés, que l'on appelle à présent les agents de protection des réfugiés, soient en mesure de rendre une décision favorable.
    S'il y a 50 000 dossiers à examiner, ces agents pourraient les éplucher et retenir les plus évidents, ceux qui tombent sous le sens. Ces dossiers pourraient être retirés du système et ainsi permettre aux commissaires de se concentrer sur les cas qui exigent une enquête plus poussée. On retire du système les dossiers évidents, ceux qui concernent des personnes à qui le gouvernement reconnaîtra le statut de réfugié. Vous retirez ces dossiers du système et faites ainsi en sorte que les commissaires, qui touchent un salaire deux fois plus élevé que les agents de protection des réfugiés, se concentrent sur les cas qui semblent exiger la tenue d'une audience. Cela permettra de réduire l'arriéré. Lorsque M. Fleury était à la tête de la Commission, il a demandé aux agents de protection des réfugiés d'éliminer complètement l'arriéré, ce qui a été fait. Toutefois, il s'agissait d'employés à court terme, et non pas de fonctionnaires permanents, et beaucoup d'entre eux ont été mis à pied une fois que l'arriéré a été éliminé. Alors, que s'est-il passé? Nous avons mis la main sur des courriels qu'ont reçus des agents de protection des réfugiés de Toronto, où des agents de Montréal leur conseillaient de ne pas supprimer l'arriéré, s'il y en a un, parce qu'ils seront congédiés par la suite.
    C'est comme si vous trouviez une mine et que, dès que vous en aviez extrait de l'or, vous vous faisiez tuer. C'est stupide. Nous avons besoin que les postes d'agent de protection des réfugiés soient occupés par des fonctionnaires permanents qui bénéficient de l'inamovibilité, et il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour cela. De cette manière, les agents pourront prendre en charge une bonne partie du travail. Ainsi, les dossiers qui concernent des personnes provenant d'un pays soulevant des préoccupations particulières pourront être traités plus rapidement, vu que le système aura été désengorgé.
    Pour faire cela, il n'est pas nécessaire de modifier la loi. Sous le régime de la LIPR, un président peut donner une directive — on les appelle les directives du président. Une directive pourrait être donnée selon laquelle les agents de protection des réfugiés ont le pouvoir d'examiner un dossier et de faire une recommandation à son égard. Ensuite, automatiquement, une décision favorable aux réfugiés sera rendue au nom du président. Cela n'exige aucune modification de la loi.
    Cela instaurerait une sorte de système automatisé. Si un agent de protection des réfugiés indique que tel ou tel dossier ne présente aucun problème particulier, on le retire du système et on fait en sorte que l'affaire soit instruite plus rapidement dans le cadre d'une audience.
    Passons à l'importance de mettre en place la Section d'appel des réfugiés. Il doit s'agir d'un processus d'appel en bonne et due forme, d'un processus d'appel complet. Il ne peut pas s'agir simplement d'une procédure technique, puisque les deux parties doivent avoir l'occasion de plaider leur cause en appel. Si le gouvernement estime qu'un demandeur est un menteur qui essaie de lui en passer une petite vite, ou s'il se révèle qu'un demandeur a été désavantagé du fait qu'il a été représenté par un très mauvais avocat, qu'il s'est représenté lui-même ou qu'il était atteint d'incapacité mentale, il faut pouvoir soumettre des éléments de preuve dans le cadre d'une audience d'appel. Il doit s'agir d'un processus d'appel en bonne et due forme.
(0915)
    Un processus d'appel complet permet d'éviter beaucoup de problèmes d'ordre politique. Chaque jour, nous entendons des histoires dont les médias ne font pas toujours état. Seules les histoires véritablement spectaculaires parviennent à faire les manchettes. Mais la Cour fédérale est sans cesse appelée à se pencher sur des décisions qui, en fait, ne sont rien d'autre que des décisions stupides. Les juges ne sont pas appelés à instruire un appel fondé sur une obscure question d'ordre philosophique ou portant sur le droit des réfugiés ou quoi que ce soit d'autre. Il s'agit simplement d'examiner une décision entachée d'erreurs rendue par un commissaire qui a fait totalement fausse route. La SAR permettrait à la Commission de réparer ses propres erreurs. Ainsi, les affaires dont serait saisie la Cour fédérale seraient représentatives du bon travail effectué par la Commission, plutôt que d'être gênantes pour elle. En outre, cela réduirait énormément le nombre de litiges présentés à la Cour fédérale.
    De surcroît, avec un tel système, la probabilité que les médias aient des histoires aberrantes à se mettre sous la dent serait réduite de façon draconienne. S'il arrive encore qu'un commissaire puisse accueillir une demande que 99 p. 100 des commissaires auraient rejetée, c'est parce qu'il n'y a pas de section d'appel des réfugiés. S'il arrive encore qu'un réfugié voie sa demande rejetée, par exemple un réfugié de la Birmanie — je sais que le ministre Kenney s'intéresse particulièrement aux gens de ce pays — et que nous devons faire appel aux médias pour faire bouger les choses, c'est parce qu'il n'y a pas de section d'appel des réfugiés. Si la SAR était en place, vous recevriez moins d'appels téléphoniques et vous feriez moins souvent les manchettes.
    Désolé, j'ai fait erreur sur la personne. Je voulais parler non pas de vous, mais de la Commission. C'est le genre de problème qui survient lorsqu'on s'exprime à l'improviste. C'est la raison pour laquelle je ne serai jamais un politicien.
    Nous ne voulons pas que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié soit un éternel sujet de débat. Nous voulons qu'elle soit une institution saine et capable de se représenter elle-même. Les décisions rendues par la Commission doivent être représentatives de la véritable philosophie de la Commission et des vues de la majorité des commissaires. La SAR permettrait à la Commission de régler ses propres problèmes.
    Il est très important que la Commission soit également indépendante par rapport au gouvernement, c'est-à-dire qu'elle ait la capacité de préserver l'intégrité de son système et de faire en sorte qu'elle ne fasse l'objet d'aucune pression politique de quelque nature que ce soit. Nous entretenons des relations commerciales avec la plupart des pays du monde, y compris des pays dont les antécédents en matière de droits de la personne sont sujets à caution. La Commission ne peut fonctionner à l'intérieur d'un système où un gouvernement peut remettre en question l'admission au pays de tels ou tels réfugiés — voulons-nous compromettre nos relations commerciales avec le pays dont ils proviennent? Le pays d'aujourd'hui sera très différent de celui de demain.
    Tous les gouvernements se croient exceptionnels. Ainsi, un système où des personnes sont tenues de rendre des comptes directement à un ministre, ou alors un système où les personnes ne sont pas indépendantes et se voient confier uniquement un mandat à court terme est un système qui n'est pas vraiment judicieux et qui ne bénéficie pas véritablement du pouvoir qu'offre l'indépendance. Cela pose un problème, car un pays qui vous semble aujourd'hui raisonnable au chapitre du respect des droits de la personne vous paraîtra peut-être demain éminemment contestable. Mais alors, que faire? Que dire à ces pays? Comment doit réagir le ministre des Affaires étrangères?
    Je dirai simplement qu'en mettant sur pied la SAR et en diffusant une directive du président, nous pourrions rendre le système beaucoup plus efficace sans avoir à modifier la loi de fond en comble.
    Merci.
(0920)
    N'excluez pas la possibilité d'une vie politique — c'est moins pire qu'on le pense.
    C'est la vie politique qui pourrait m'exclure.
    Je représente le point de vue opposé. D'après moi, dans son état actuel, depuis son instauration en 2002, l'ensemble du système de reconnaissance du statut de réfugié est complètement dysfonctionnel et s'en va à la dérive. Cela a pavé la voie à des abus et a servi de point d'entrée à de nombreux groupes terroristes bien établis au Canada.
    À mon avis, tout le système doit être réformé de fond en comble. Le fait d'ajouter la Section d'appel des réfugiés à un système dysfonctionnel ne fera qu'empirer les choses.
    Je vois certains d'entre vous hocher la tête. Je souligne au passage que je consacre la moitié de ma pratique à représenter des demandeurs d'asile. En outre, j'estime que la Cour fédérale traite les appels dont elle est saisie de façon plus que satisfaisante. Mon dossier devant la Cour fédérale est assez reluisant, comme vous pouvez le constater dans mon curriculum vitae, qui vous a été distribué.
    La solution que je propose consiste tout d'abord à nommer à la Cour fédérale un plus grand nombre de juges spécialisés dans les affaires d'immigration. Je fais davantage confiance à un juge de la Cour fédérale, dont l'expérience et l'expertise ont été examinées soigneusement, qu'à une personne désignée à un autre palier d'appel par suite d'une nomination partisane.
    Comme il est indiqué à la page 4 de mon exposé, il existe déjà un nombre suffisant de recours pour les demandeurs d'asile déboutés qui souhaitent interjeter appel. Un demandeur d'asile débouté peut interjeter appel devant la Cour fédérale, et, s'il décide de ne pas le faire, il fera l'objet d'un examen des risques avant renvoi. S'il échoue à cet examen, il a de nouveau l'occasion d'interjeter appel devant la Cour fédérale.
    Durant tout ce processus, un demandeur d'asile peut, à tout moment, présenter une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d'ordre humanitaire depuis le Canada. Si cette demande est rejetée, il peut encore une fois interjeter appel devant la Cour fédérale.
    Ce processus peut s'étaler sur plusieurs années, comme cela s'est vu dans de nombreux cas très médiatisés où des demandeurs d'asile n'ont pas quitté le Canada après avoir été déboutés. Mentionnons, par exemple, le cas de Leon Mugusera. En 2005, la Cour suprême du Canada a conclu que Leon Mugusera, l'implacable leader hutu en exil, était un criminel de guerre, et elle a pris une mesure d'expulsion contre lui parce qu'il avait contribué à la perpétration du génocide qui a ravagé le Rwanda. Sa demande d'asile a été rejetée en 1995, et devinez où il se trouve toujours aujourd'hui? Au Canada.
    Je possède une liste de cas semblables. Je ne vais pas vous la lire; vous pouvez vérifier par vous-même. Cette liste comprend de nombreux cas de demandeurs d'asile qui sont soit des criminels de guerre, des terroristes ou des criminels et qui se trouvent toujours au pays des années après avoir soumis leur première demande d'asile.
    L'une des principales réformes que j'aurais à proposer consisterait à dresser une liste de pays d'origine sûrs dont les citoyens ne seraient tout simplement pas autorisés à présenter une demande d'asile au Canada, par exemple les pays faisant partie de l'Union européenne; cette dernière compte 27 pays et ressemble beaucoup aux États-Unis. Tous les citoyens de l'un de ces 27 pays ont le droit de travailler et de vivre dans l'un ou l'autre des pays faisant partie de l'Union.
    Par exemple, prenons le cas des Roms tchèques. S'ils éprouvent des difficultés à vivre en République tchèque, ils peuvent aller vivre ou travailler dans l'un des 26 autres pays de l'Union européenne. Le Canada n'a pas à admettre la moindre demande d'asile provenant de l'Union européenne — et par « admettre », j'entends non pas le fait de rendre une décision favorable à leur égard, mais le simple fait de les traiter. Cela vaut également pour la Suisse. Et pour les États-Unis. Il devrait y avoir une liste de pays d'origine sûrs.
    Allez-vous continuer à faire cela, monsieur? C'est plutôt impoli.
    Je propose également qu'un agent de protection des réfugiés soit présent à chaque audience pour passer au préalable chaque cas au peigne fin. J'estime que cela est important. Par ailleurs, s'il y a un problème au chapitre de l'équité et de la cohérence des décisions rendues par les commissaires de la CISR, le gouvernement devrait peut-être envisager de nommer des fonctionnaires aux postes de commissaire plutôt que de procéder à des nominations partisanes, qui ne permettent pas toujours de garantir que les personnes les plus compétentes sont nommées aux postes de commissaire.
    C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Merci.
(0925)
    Merci infiniment, madame Taub.
    Merci à tous.
    Nous allons maintenant passer à un tour de questions et réponses. Habituellement, il s'agit d'un tour de sept minutes. Je vais devoir faire preuve de souplesse.
    Nous allons commencer avec M. Karygiannis.
    Merci à tous d'être ici.
    Madame Taub, vous parlez sans cesse de nominations partisanes, et j'ai remarqué que vous étiez une ancienne commissaire.
    C'est exact, et lorsque j'ai été nommée à la Commission...
    Permettez-moi de terminer de poser ma question, s'il vous plaît.
    D'accord.
    C'est comme ça que les choses se passent au tribunal, n'est-ce pas? Lorsque quelqu'un pose une question, on le laisse finir... Enfin, vous êtes avocate.
    Quand avez-vous été nommée?
    J'ai été nommée en 1997.
    Je ne crois pas que la Commission procède encore à des nominations partisanes.
    Oui, cela se fait encore.
    Je vois le secrétaire parlementaire qui exprime son désaccord. J'aurais tendance à le croire sur parole. Je le crois sur parole. Ainsi, la Commission ne procède plus à des nominations partisanes.
    Vous avez dit que les personnes qui présentent une demande d'asile au pays sont des terroristes. C'est ce que vous avez dit. Je peux me tromper.
    Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que le Canada était un point d'entrée pour des groupes terroristes. Je n'ai certainement pas dit que tous les demandeurs d'asile étaient des terroristes.
    Vous auriez peut-être eu avantage à m'écouter plutôt que de faire ces gestes impolis...
    Madame, je vous écoutais très attentivement, et, en tant que personne qui a trouvé refuge au Canada, en tant que personne qui a présenté une demande d'asile à son arrivée au pays, j'ai certainement été choqué par vos propos.
    Je suis désolée. Je suis arrivée au Canada en 1949, mes parents sont des survivants de l'Holocauste, et je ne suis certainement pas choquée...
    Vous avez donc vous aussi trouvé refuge au Canada.
    Non, nous n'avons pas trouvé refuge au Canada. Un tel recours n'existait pas en 1949. Nous avons été admis au pays à titre d'immigrants indépendants.
    Sous la protection du Canada. Vous avez été choisis...
    Nous n'avons reçu aucune protection. Nous avons été admis à titre d'immigrants indépendants en raison du bien-fondé de notre cause.
    Tout comme Mugusera. Mugusera a été choisi pour venir dans notre pays. Je n'ai certainement pas apprécié votre commentaire qui insinuait qu'à peu près toutes les personnes qui présentent une demande d'asile au Canada entretiennent des liens avec un groupe terroriste.
    Mais je n'ai pas dit cela.
    Et vos propos déplairont également à beaucoup de gens qui présentent une demande d'asile au Canada parce qu'ils fuient les conditions difficiles qui règnent dans leur pays d'origine.
    Je n'ai assurément pas tenu les propos que vous m'attribuez.
    Cela dit, j'ai une question à poser à M. Waldman.
    Je n'ai pas terminé. Je n'ai pas dit que tous les demandeurs d'asile entretenaient des liens avec des groupes terroristes.
    Je ne vous ai pas posé une question, madame. J'ai fait une affirmation, et je vous remercie. Je ne voudrais pas créer de l'animosité.
    Et votre affirmation était fausse.
    Excusez-moi. Un peu de silence, s'il vous plaît.
    Je pense que vous avez fait valoir votre point de vue. J'estime qu'on a fait le tour de la question.
    Je crois que vous avez dit ce que vous aviez à dire. Les gens ont compris votre point de vue.
    Nous allons maintenant passer à M. Waldman et à M. Karygiannis.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Des gens ont sacrifié leur temps personnel pour venir témoigner aujourd'hui, et ils ne sont pas venus ici pour se faire réprimander ou se faire faire la leçon par les gens d'en face.
    Si le membre peut se contenter de poser ses questions dans le respect des règles, nous réussirons sûrement à mener à bien la séance.
    Monsieur Young, cela n'est pas un rappel un Règlement. Je préside la réunion et j'agirai en conséquence.
    Monsieur Karygiannis.
    Monsieur Waldman, pouvez-vous nous dire pourquoi un tribunal de deuxième instance serait utile? Nous avons entendu dire que le processus de contrôle judiciaire par la Cour fédérale était adéquat, et que les gens peuvent, pendant que cette procédure suit son cours, présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. On peut attendre jusqu'à quatre ans avant qu'une décision soit rendue à l'égard d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, et après, les demandeurs déboutés peuvent interjeter appel auprès de la Cour fédérale.
    Qu'est-ce qui est le plus faisable, recourir aux services d'un avocat et interjeter appel auprès de la Cour fédérale, ou bien interjeter appel auprès de la SAR, à un deuxième palier, ce qui coûterait moins cher à l'appelant ou au demandeur d'asile, par exemple au chapitre des frais de justice?
    Le fait que la SAR puisse créer un autre palier préoccupe les gens, mais je crois que la SAR pourrait être mise en place rapidement, et qu'elle pourrait être efficiente.
    La différence entre la SAR et la Cour fédérale, c'est que les juges de la Cour fédérale procèdent à ce que l'on appelle un contrôle judiciaire. Dans le cadre d'une telle procédure, le juge n'a pas le pouvoir de faire de nouvelles constatations de fait. Il n'a pas le pouvoir d'accueillir ou de rejeter une demande. Le seul pouvoir d'un juge qui effectue un contrôle judiciaire consiste à indiquer si la Commission a commis une erreur ou pas. Du point de vue du demandeur d'asile, la meilleure chose qui peut arriver, c'est que le juge conclut que la décision qui a été rendue est erronée et que l'affaire doit être examinée de nouveau. Le processus de contrôle judiciaire entraîne donc déjà la nécessité d'un deuxième palier.
    Il n'est arrivé qu'une ou deux fois que la Cour fédérale a conclu effectivement qu'une demande d'asile devait, sans aucune équivoque, être accueillie. Une proportion d'environ 99 p. 100 des affaires sont renvoyées aux fins d'une deuxième audience, et cela entraîne inutilement la nécessité d'un deuxième palier. Les juges de la Cour fédérale ne peuvent examiner les constatations de fait. Même s'ils estiment que la décision est erronée, ils ne peuvent la casser que s'ils croient qu'elle est manifestement erronée, en raison de ce dont je vous ai parlé plus tôt, à savoir la retenue.
    Je tiens à souligner que c'est la première fois que quiconque mentionne le rapport que j'ai rédigé il y a 15 ans. Je croyais qu'il avait été tout à fait oublié sur une tablette quelconque. Je suis content que quelqu'un ait fait allusion à cette idée.
    La mise en place de la SAR aurait un double avantage. D'une part, la SAR peut corriger les erreurs de fait commises par le tribunal de première instance. D'autre part, si elle conclut qu'une erreur a été commise, la SAR peut y remédier en rendant une décision positive, de manière à ce qu'il ne soit pas nécessaire de tenir une nouvelle audience. Il s'agit là de deux différences fondamentales entre le rôle que jouerait la SAR et celui que serait appelée à jouer la Cour fédérale.
    Comme je l'ai mentionné, on pourrait rendre le système beaucoup plus efficient en réalisant d'autres économies. Par exemple, des mécanismes de contrôle pourraient être mis en place au sein de la Commission de manière à déceler les demandes qui ne posent aucun problème et faire en sorte qu'elles soient accueillies rapidement. Quant aux cas qui présentent des faiblesses évidentes, ils pourraient être traités de façon accélérée et faire l'objet d'une audience dans les plus brefs délais de manière à ce que la Commission puisse concentrer ses énergies sur les cas qui restent, ceux qui soulèvent des difficultés. Il y a beaucoup de choses que l'on pourrait faire. Comme je l'ai dit précédemment, à mes yeux, l'existence de la SAR rendrait obsolète le processus d'examen des risques avant renvoi. On pourrait s'en débarrasser.
    Admettons que votre demande d'asile a été rejetée en 2005, mais qu'une mesure d'expulsion n'a été prise contre vous qu'en 2009. Quelque chose a pu se produire dans votre pays dans l'intervalle, et c'est la raison pour laquelle il faut procéder à un examen des risques avant renvoi. Quelqu'un doit examiner la situation qui règne dans votre pays, parce qu'elle a peut-être changé. Si le processus se déroule plus rapidement, il serait toujours possible pour vous d'interjeter appel auprès de la SAR et de demander que votre cas soit réexaminé en faisant valoir que bien des choses ont changé dans votre pays en un an et demi. La SAR devrait avoir le pouvoir de rouvrir une affaire. À la place de demander un ERAR, le demandeur d'asile présenterait une demande écrite, mais tout serait traité à un seul et même endroit.
    Il est possible de rendre le système plus efficient tout en mettant en place la SAR.
(0930)
    Permettez-moi d'être la deuxième personne à vous remercier pour votre rapport.
    Monsieur St-Cyr. vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'entrée de jeu, je voudrais faire deux commentaires sur votre témoignage, madame Taub. Ne craignez rien, je suis...
    Je peux répondre en français. Allez-y.
    Je suis quelqu'un de très modéré, mais je voudrais quand même revenir sur le malaise que M. Karygiannis a souligné. Je ne vois pas en quoi le fait qu'un terroriste ait utilisé un système judiciaire constitue un argument. Les terroristes utilisent aussi les cours régulières. Au Québec, Mom Boucher est allé devant la cour et a fait toute une histoire. Fondamentalement, ce n'est pas une raison. C'est pour ça qu'on a des cours, pour séparer le bon grain de l'ivraie. Donc, je ne perçois vraiment pas cela comme un argument.
    Est-ce que je peux répliquer à cela?
    Vous pouvez y aller, mais c'était juste un commentaire.
    Je voulais simplement souligner par là qu'on a déjà tellement de niveaux d'appel que cela peut prolonger une déportation ou éviter une déportation pendant 10 ans ou 20 ans. Tout ce que je me demande, c'est pourquoi ajouter un autre niveau d'appel sans avoir d'abord...
    Je comprends votre argument, qui est d'ailleurs l'argument du gouvernement. Je ne suis pas d'accord sur cet argument; ça n'a aucun rapport avec les terroristes. On ne va pas sacrifier...
(0935)
    C'est juste un exemple.
    Je vous ai laissée parler, alors laissez-moi finir.
    On ne va pas sacrifier un principe qu'on considère juste parce que des gens pourraient en abuser. C'était un commentaire que je voulais faire.
    Ma question s'adresse à M. Waldman et à M. Boulakia, qui soutiennent la mise sur pied d'une section d'appel. Étant donné qu'une section d'appel créerait une certaine jurisprudence, croyez-vous que cela aiderait à l'uniformisation des décisions?
    Beaucoup d'avocats en droit de l'immigration au Québec ne le disent pas publiquement, mais ils me disent que c'est carrément la « loto-commissaire ». Lorsqu'un client se présente devant eux et qu'il leur demande s'il a des chances de gagner, ils leur répondent que cela dépend du commissaire, et ce, dans un sens ou dans l'autre. Certains juges refusent pratiquement tout le monde. Quand le juge Laurier Thibault a rendu une décision sur Abdelkader Belaouni, un citoyen de ma circonscription, il refusait 98 p. 100 des gens qui se présentaient devant lui. Je mets au défi n'importe qui dans cette salle de se présenter devant un juge en sachant que ce dernier condamne 98 p. 100 des gens qui se présentent devant lui. Tout le monde dirait que c'est une mascarade. Il y a aussi l'autre extrême: certains commissaires acceptent tout le monde sans problème.
    Finalement, aucune jurisprudence ne se crée sur le fond. Je ne parle pas des questions techniques, qui peuvent faire l'objet d'un appel en Cour fédérale. La création d'une section d'appel permettrait-elle de corriger ce problème?
    J'ai essayé d'y faire allusion, mais c'est bien difficile, en quelques minutes, de parler de quelque chose qui est vraiment la tragédie de toute ma carrière.
    Je suis avocat depuis presque 20 ans, et ma vocation est de défendre la loi. J'ai honte, quand un de mes clients arrive de l'étranger, de devoir lui dire franchement que l'acceptation de sa demande dépend du hasard et du commissaire. Il ne devrait pas en être ainsi. C'est ce que j'ai déjà essayé de dire.
    Les gens disent souvent qu'ils ne peuvent pas faire appel auprès de la Cour fédérale ni présenter de nouvelles preuves. L'absence d'un tribunal d'appel joue aussi contre le gouvernement. Par exemple, si, lors d'une audience, une personne a fait des manoeuvres, le gouvernement pourrait faire le preuve, en Cour fédérale, qu'elle n'a pas dit la vérité.
    Je dis aux gens qu'ils ne peuvent pas faire appel. Une section d'appel des réfugiés serait le seul mécanisme d'appel. Comme vous le dites, une telle section assurerait l'uniformité des décisions du tribunal. En fin de compte, les décisions d'un tribunal reflètent ce qu'il veut dire et représenter.
    Il y a aussi d'autres façons de créer un tribunal plus efficace. On s'est plaint que certains demandeurs viennent de pays où il est évident qu'il n'y a pas de problèmes. Des gens du Portugal ont présenté une demande d'asile parce qu'une firme de consultants en avait fait la promotion. Comme avocat, je fais du travail d'aide juridique. Croyez-vous que je vais aller dans un autre pays faire la promotion de mon bureau? Je suis déjà tanné d'essayer de survivre en ne recevant que le tarif de l'aide juridique. Les avocats ne font pas une telle promotion. Si vous ne laissez pas les consultants comparaître devant le tribunal, ce genre de promotion n'aura pas lieu.
    Il y a moyen de régler des problèmes communs de façon efficace. Comment une section d'appel des réfugiés fonctionnerait-elle? Les décisions d'un tribunal d'appel sont déterminantes. Si 500 personnes venaient du Portugal, le tribunal d'appel prendrait une décision concernant ce pays, peu importe que la personne dise la vérité ou non. Il déciderait qu'il y a pas de problèmes au Portugal, puisque l'État offre une protection. La question serait réglée. Vous pouvez faire des choses, si vous comprenez la loi.
    Mon premier devoir est de défendre la loi et je n'aime pas avoir honte de ce que je sers.
    Monsieur Waldman, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je m'excuse de devoir parler en anglais. Je comprends le français, mais c'est difficile pour moi de le parler.

[Traduction]

    Je tiens simplement à répondre à ce qui a été dit en ce qui concerne cette idée selon laquelle il existe de nombreux paliers d'appel et d'autres recours du genre. Pour l'essentiel, on a affirmé que beaucoup d'options s'offrent à un demandeur d'asile débouté.
    Il est vrai que l'ERAR existe. Toutefois, dans les faits, ce mécanisme d'examen n'est pas efficient. Si je ne m'abuse, le taux d'acceptation s'élève à 2 p. 100 ou 3 p. 100. Une quantité astronomique de ressources sont affectées à un processus qui, au bout du compte, ne donne vraiment aucun résultat utile. C'est pourquoi je ne cesse de répéter que, selon moi, la réaffectation de ces ressources à la SAR et la suppression de l'ERAR rendrait le processus plus équitable.
    Quant aux demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire, cela remonte à... c'est drôle, mais j'avais totalement oublié ce rapport, et voilà que M. Bevilacqua me le rappelle. Je crois que, en principe, il est possible de présenter 20 ou 30 demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire — il est vrai que, juridiquement, il est possible de le faire. Le gouvernement aurait peut-être intérêt à se pencher là-dessus, car dans les faits, dans la grande majorité des cas, après une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, le demandeur sait à quoi s'en tenir. À moins que le demandeur ait omis de signaler des points importants, il est peu probable qu'un deuxième agent qui examine le même ensemble de faits rende une décision différente de celle qui a été rendue à l'origine. J'estime que des mesures pourraient être prises pour mettre un frein à ce type d'abus de la procédure de demandes pour des motifs d'ordre humanitaire.
(0940)
    Puis-je...
    Il était trop tard pour poser votre question, madame Taub.
    Merci, monsieur le président.
    Si j'ai bien compris, M. Boulakia et M. Waldman, pour que notre processus de reconnaissance du statut de réfugié soit efficace et cohérent, nous devons nous débarrasser des consultants sans scrupule, mettre en place une section d'appel, supprimer l'ERAR et la procédure de sursis pendant le contrôle judiciaire par la Cour fédérale et accorder aux agents de protection des réfugiés le pouvoir d'accueillir les demandes qui ne posent aucun problème, et cela, sans modification législative, sans modifier la LIPR et sans vote du Parlement, mais simplement par le truchement d'une directive du président.
    Il s'agit là de cinq éléments clairs de votre solution, et bien sûr, il y en a un sixième, à savoir le fait de s'assurer que les agents sont dûment formés et qu'ils ont la qualité d'employés permanents — en ajoutant des ressources, on pourrait supprimer l'arriéré et mettre un frein aux demandes d'asile bidon. Cela permettrait à la Cour fédérale de réaliser des économies, et l'arriéré serait assurément supprimé.
    Ai-je bien entendu ce que vous avez dit, ou un des éléments m'a-t-il échappé?
    Permettez-moi d'apporter quelques éclaircissements.
    On pourrait accomplir à peu près tout ce que vous avez mentionné sans modifier la LIPR. Tout d'abord, le pouvoir de réouverture pourrait être accordé à la SAR; il suffit de modifier le règlement d'application de la LIPR. Supposons qu'une décision a été rendue, et que, par la suite, de nouveaux éléments de preuve sont présentés ou qu'il s'est écoulé, disons, un an, entre la décision et l'exécution de la mesure de renvoi. L'intéressé aurait le droit de présenter une demande écrite à la SAR. Cela serait la même chose qu'une demande d'ERAR, non?
    Ainsi, on pourrait modifier le règlement d'application de la LIPR de façon à accorder à la SAR le pouvoir d'effectuer un contrôle et de rouvrir une affaire. La difficulté consisterait à supprimer l'ERAR sans modifier la loi. On pourrait probablement le faire en ajoutant une disposition réglementaire qui énoncerait essentiellement qu'une personne qui a présenté une demande à la SAR ne peut faire l'objet d'un ERAR.
    Je crois savoir comment vous pouvez régler la question de l'ERAR sans rouvrir tout le débat parlementaire qui concerne la LIPR. Vous devriez baliser l'ERAR et en charger la SAR. L'agent chargé de l'ERAR serait un délégué, c'est bien ça? C'est tout ce qu'il est. Aucune loi n'indique que le bureau du 6080, chemin McLeod à Niagara Falls doit servir aux ERAR.
    Il vous suffit de déléguer. Vous pouvez dire qu'il y a quand même une ERAR, mais elle a été déléguée à la SAR. Ensuite, vous fusionnez les choses parce qu'alors, vous ne pouvez procéder à l'ERAR que s'il y a des faits nouveaux. Vous fusionnez tout cela. Vous retournez devant la SAR, mais seulement si vous avez de nouveaux éléments de preuve.
    Vous pouvez incorporer deux tout petits points techniques. Le ministre Kenney se préoccupe du fait que les gens seront renvoyés d'un endroit à un autre; vous pourriez imposer une limite de temps. Pour rouvrir un dossier, il faudra donc, soit qu'il y ait de nouveaux éléments de preuve à présenter, soit qu'une longue période se soit écoulée; il sera impossible de se contenter de multiplier les demandes.
    On pourrait aussi donner aux commissaires un mandat plus long. Je sais que, en ce qui concerne la transparence, le gouvernement a fait des efforts pour dépolitiliser le processus de nomination, et les anciens commissaires continuent à dire que cela n'a pas changé. Assurer une plus grande transparence. L'améliorer afin de pouvoir clore le débat, mais prévoir des mandats plus longs. Des mandats plus longs donnent plus d'indépendance.
(0945)
    Je voudrais que ça soit clair dans mon esprit; je veux savoir si j'ai bien saisi. Si j'ai bien compris, monsieur Waldman, vous pouvez présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et être quand même menacé d'expulsion. Ça n'empêche rien. Il y a deux jours, le ministre a déclaré que vous pouvez présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire à plusieurs reprises. Je sais qu'il est arrivé très souvent qu'une personne qui a présenté une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et qui a eu des enfants nés au Canada sera quand même expulsée. Est-ce que j'ai bien compris?
    Oui. C'est sûr que les motifs d'ordre humanitaire n'empêchent pas l'expulsion. Ça pourrait se passer de la même façon quand un dossier est rouvert par la SAR, comme Raoul l'a expliqué.
    La raison pour laquelle il faut qu'il soit possible de procéder à un nouvel examen, c'est qu'il s'écoule souvent beaucoup de temps entre la décision et le renvoi, et que les choses peuvent changer. On pourrait par exemple adopter un règlement selon lequel vous pouvez demander à la SAR de rouvrir votre dossier ou demander à la SAR qu'elle procède à une ERAR et, s'il s'est écoulé moins de un an depuis la décision, qu'il n'y a pas automatiquement sursis au renvoi, ou quelque chose du genre. Il est possible de faire certaines choses de façon à empêcher le type d'abus dont se préoccupe le ministre, n'est-ce pas?
    En ce qui concerne les motifs d'ordre humanitaire, comme vous l'avez dit, il n'y a pas automatiquement sursis. Un demandeur peut demander un sursis à la Cour fédérale, mais ses chances sont très minces; la Cour fédérale n'accorde un sursis que dans des circonstances tout à fait inhabituelles lorsqu'elle estime que cela est approprié. Dans la grande majorité des cas, le seul fait de présenter une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'entraîne pas le report de la mesure de renvoi.
    Qui seraient les membres de la Section d'appel des réfugiés?
    Des membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cependant, j'espère de tout coeur que le processus de nomination des membres de la SAR viserait des mandats à long terme et serait le plus transparent possible, de façon à résister à l'examen du public, et que nous puissions clore le débat et que tout le monde reconnaisse que ces nominations relèvent d'un processus de qualité, qu'elles n'ont rien à voir avec la politique, sont de toute évidence fondées sur le mérite, et j'aimerais que tout le monde le reconnaisse, y compris les personnes qui sont passées par ce processus et qui n'apprécient pas du tout la façon dont elles estiment avoir été traitées.
    Pour le moment, ces gens se prêtent à une entrevue et sont jugés qualifiés. Disons que 40 candidats sont qualifiés. Leurs noms sont soumis au cabinet du ministre. Sur ces 40 personnes, le ministre en choisit cinq ou dix, par exemple. Si le ministre en choisit dix, on dira qu'il s'agit de nominations à saveur politique. On lui demandera pourquoi il n'a pas choisi les autres candidats qualifiés. Alors, il faudrait...
    Donnez-lui le temps de répondre à la question.
    Une courte liste, c'est une courte liste.
    J'invoque le Règlement.
    Mme Chow n'explique vraiment pas de la façon correcte la façon dont les décisions sont prises en ce qui concerne les nominations.
    Je ne commenterai pas ce point de vue, je vais simplement commenter un aspect technique.
    Si l'on veut que cela semble plus clair, il ne faut jamais faire une courte liste qui suppose que l'on choisit une personne sur quatre. Il faut une liste beaucoup plus courte qui suppose que l'on choisit une personne sur deux, ou une liste encore plus courte; ainsi, personne ne pourra ergoter sur le fait de savoir pourquoi le ministre a choisi une personne plutôt qu'une autre.
    La Cour de l'Ontario a mis au point un processus de nomination de première qualité. Je dois ajouter que, malgré tout, le procureur général a un choix à faire, mais personne ne discute de ces choix.
    Merci.
    Nous allons laisser la parole à Mme Wong.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions à poser à Mme Taub.
    En premier lieu, je tiens à dire que je suis contente que vous soyez ici. Vous êtes la seule femme du groupe. Merci beaucoup de vous être déplacée.
    Voici ce que vous avez dit un peu plus tôt:
Le système canadien d'aide aux réfugiés est le plus généreux du monde entier et, malheureusement, il permet en même temps à des personnes qui n'y ont pas droit, par exemple les immigrants économiques, les criminels, voire les terroristes, d'immigrer au Canada. Il est urgent de revoir de fond en comble le système de détermination du statut de réfugié afin de répondre à l'intérêt supérieur des véritables demandeurs d'asile et des Canadiens en général.
    Pourquoi pensez-vous que le système attire tant de personnes qui ne sont pas des demandeurs d'asile?
    Il est très facile avec ce système de prolonger son séjour au Canada; c'est aussi simple que ça. Vous présentez une demande d'asile, par exemple si vous êtes un diplomate, un étudiant étranger ou un visiteur, et que vous ne voulez pas retourner dans votre pays ou ne pouvez pas faire renouveler votre visa. Certains clients m'ont déjà demandé s'il n'était pas possible pour eux de présenter une demande d'asile afin de pouvoir demeurer au Canada. C'est cela, la réputation du Canada.
    Nous avons le taux d'acceptation le plus élevé; il se situe autour des 50 p. 100; dans l'Union européenne, c'est plutôt en moyenne 12 p. 100. Est-ce que les responsables des pays de l'Union européenne sont tous stupides, ou sommes-nous si incroyablement brillants que nous savons des choses qu'ils ne savent pas? C'est trop facile. Les taux d'acceptation sont les plus élevés, et ça se sait dans tous les pays. Nous devons vraiment revoir le système. Essentiellement, les commentaires que j'ai entendus visaient en fait une réforme du système.
    Je dois revenir à l'année 2002, quand nous devions mettre la SAR sur pied au moment de l'adoption de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Pour une raison ou pour une autre, le gouvernement libéral a refusé de créer cette Section. Il avait le temps. Il aurait pu le faire en 2002, mais il a choisi de s'abstenir parce que, à son avis, cela équivalait à introduire une nouvelle instance d'appel. Le gouvernement actuel n'est donc pas le seul à dire qu'il s'agirait d'une instance d'appel supplémentaire.
    Si vous voulez introduire une entité comme la SAR, il faut repenser le système dans son entier.
    J'ai également une correction à apporter: la Cour fédérale peut renverser une décision si elle estime que la constatation des faits est manifestement déraisonnable. Il m'est arrivé à une ou deux reprises de voir la décision cassée et le dossier, renvoyé pour cette raison.
    Ce que nous cherchons à faire, aujourd'hui, c'est de mettre la SAR sur pied de la façon prévue en 2002. Il ne s'agit pas de la mettre sur pied parallèlement à tous ces changements (élimination de l'ERAR, nomination de différentes personnes, augmentation des qualifications des commissaires). Ce qui était valable en 2002 est dans la loi aujourd'hui. C'est de cela seulement que l'on doit s'occuper: créer la SAR et garder tout le reste. C'est de cela dont il est question, pas des changements que tout le monde suggère.
(0950)
    Merci de cette précision.
    Le projet de loi C-291, que nous étudions aujourd'hui, semble prendre une direction tout à fait opposée, compte tenu de certains des avertissements que vous venez de faire. À votre avis, qu'est-ce que cela changerait au nombre des faux demandeurs d'asile et aux problèmes que nous avons à les renvoyer? Il y a eu tant de cas. Pourriez-vous faire un commentaire.
    Si vous ajoutez la SAR sans revoir de fond en comble le système des réfugiés, les faux demandeurs d'asile pourront rester ici indéfiniment, pendant des décennies.
    Prenez le cas de Mahmoud Mohammad Issa Mohammad. C'est un terroriste. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 17 ans par un tribunal de la Grèce pour piratage d'un avion d'El-Al en 1968. Il est arrivé au Canada comme immigrant, d'abord, et a ensuite présenté une demande d'asile, qui a été rejetée. Une mesure d'expulsion a été prise en 1988, mais il est toujours ici. C'est un des cas les plus révoltants qui figure dans mon mémoire, qui vous a été distribué.
    Ajoutez une instance d'appel; attendez un an, comme ils le suggèrent, après la date de présentation de la première demande d'asile; attendez une autre année avant l'audience d'appel devant la SAR...
    Ce n'est pas ce que nous avons dit. Vous changez mes propos.
    Vous avez dit qu'il faudrait environ un an.
    Si la décision de la SAR ne vous satisfait pas, vous pouvez toujours interjeter appel devant la Cour fédérale. Ce n'est pas parce que vous ajoutez la SAR que la Cour fédérale disparaît. Si vous éliminez la Cour fédérale et que vous donnez le dernier mot à la Section d'appel des réfugiés, c'est une autre histoire, mais la Cour fédérale est toujours là, peu importe l'instance.
    J'accorderais plus facilement ma confiance aux juges de la Cour fédérale qu'aux commissaires nommés à la SAR. Nommez tout simplement plus de juges à la Cour fédérale, qui s'occuperont strictement des questions d'immigration. Et réformez le système des réfugiés.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute.
    Merci encore.
    Je crois qu'il y a des cas, aujourd'hui, où la raison pour laquelle des gens ont réussi à rester est que leurs appels ontpris beaucoup de temps. Dans certains cas, ça dure 10 ans, et même parfois plus de 12 ans. C'est deux fois plus long qu'avant. Après 20 ans, la seconde génération est déjà en train de grandir au Canada.
    Est-ce vraiment ce système que nous envisageons, actuellement, madame Taub?
(0955)
    Eh bien, dans certains cas, c'est bien ce système que nous envisageons, tout à fait.
    Merci.
    Je vous remercie énormément, madame Wong.
    Nous n'avons pas le temps de faire le tour complet de la table, mais je vais innover et je vais procéder à un tour rapide. Vous posez une toute petite question et vous permettez ensuite à quelqu'un d'autre de poser sa question; les témoins répondront ensuite.
    Alexandra Mendes, pouvez-vous poser une question en moins d'une minute?
    J'ai une déclaration à faire puis j'ai une question.
    En premier lieu, Mugesera n'est pas venu au Canada comme demandeur d'asile; il est arrivé au Canada comme réfugié sélectionné à l'étranger et il s'est établi comme résident permanent, après avoir obtenu son autorisation.
    Ensuite, à l'intention de M. Waldman et de M. Boulakia...

[Français]

je pense que le problème fondamental est que nous n'avons pas de système d'appel. C'est ce qu'on essaie de corriger en proposant ce projet de loi.
    Pouvez-vous nous décrire très simplement le processus proposé?

[Traduction]

    Monsieur Calandra, soyez bref.
    Monsieur Waldman, vous êtes un avocat spécialiste de l'immigration. Je profite de votre présence ici pour vous demander de répondre à quelques questions au sujet de la façon dont les avocats spécialistes de l'immigration établissent leurs factures. J'ai entendu le témoignage de M. St-Cyr sur cette question et j'ai relu les témoignages de précédents ministres libéraux et conservateurs en ce qui concerne une éventuelle section d'appel; j'ai déjà entendu tous ces commentaires et je veux aborder un autre sujet.
    Je veux savoir combien coûte un appel interjeté devant une section d'appel. Je voudrais que vous m'expliquiez, brièvement si vous le pouvez, la façon dont vous établissez vos factures. Est-ce que vous facturez à l'heure? Ou demandez-vous une avance? Combien est-ce que ça coûterait à un appelant d'interjeter appel devant une section d'appel?
    Je crois — et vous pouvez commenter mon opinion — que l'ajout d'une section d'appel représenterait de toute évidence une nouvelle source de revenu très attirante pour certains avocats qui exercent dans le domaine de l'immigration. J'espère que vous allez me donner votre avis.
    Merci, monsieur Calandra.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    J'ai demandé plus tôt si la section d'appel pourrait uniformiser les décisions. J'aimerais aussi savoir s'il serait possible de suivre le rendement des commissaires. Si 90 p. 100 des décisions d'un juge sont annulées en appel, le juge en chef va lui faire savoir, à un moment donné, que les choses ne se passent pas comme elles devraient se passer. Or, il semble que dans le cas présent, ces gens peuvent prendre n'importe quelle décision, compte tenu qu'il n'y a ni imputabilité ni contrôle ultérieur.

[Traduction]

    Pour répondre à ce que l'on vient d'entendre, il est important de souligner que nous tous, les avocats, sommes frustrés par les retards et l'inefficacité du système et que nous désirons tous contribuer de façon positive afin que le système fonctionne plus équitablement. C'est pourquoi, lorsque M. Boulakia et moi-même avons parlé de la SAR, c'était dans le contexte général. Contrairement à ce que l'on vient de laisser entendre, nous ne voulons pas uniquement mettre sur pied une SAR sans rien changer d'autre. Si l'on veut instituer une SAR, il faut aussi apporter d'autres changements, dont nous avons parlé, ce qui, au bout du compte, déboucherait sur un système plus équitable et plus efficient, un système qui ne donnerait pas lieu au grand nombre de plaintes que le gouvernement reçoit actuellement.
    Alors, si vous me demandez de décrire le système... Eh bien, on pourrait avoir un système différent si l'on modifiait les lois. Mais s'il n'y a pas de modifications des lois, une personne pourrait présenter une demande, l'agent d'audience examinerait tous les dossiers et choisirait les demandes qui sont de toute évidence fondées et pour lesquelles il n'y aurait pas lieu de tenir audience, et on pourrait ainsi, probablement, régler rapidement 20 p. 100 des demandes. Cela permettrait d'éliminer une bonne partie de l'arriéré. L'agent pourrait aussi cerner les demandes qui, manifestement, ne sont pas fondées et les renvoyer rapidement pour audience. Il y aurait donc une audience devant la section des réfugiés. Si la demande est acceptée et que le ministre n'interjette pas appel, c'est terminé. Si la demande est rejetée, il y aura audience devant la SAR, et celle-ci, si l'on se fie à ce qui est proposé, consisterait en un contrôle rapide débouchant normalement sur un compte rendu écrit — il serait aussi possible qu'il y ait une audience, et celle-ci doit se tenir dans les deux ou trois mois. Si la SAR ne veut pas d'audience, on pourrait toujours recourir à un contrôle judiciaire; ce qui fait la différence, c'est que, alors qu'aujourd'hui il est automatiquement sursis à la mesure d'expulsion pendant que la Cour fédérale examine le dossier, s'il y avait une SAR, cela ne serait plus nécessaire parce qu'il y aurait déjà eu deux contrôles. La Cour fédérale pourrait toujours surseoir à la mesure d'expulsion, mais cela ne se ferait pas automatiquement.
    Si le système fonctionnait plus rapidement, on n'aurait pas besoin de l'ERAR. Si l'expulsion était retardée pendant un certain temps ou s'il y avait de nouveaux éléments de preuve, l'ERAR pourrait être faite par la SAR, comme nous l'avons déjà dit. On éliminerait ainsi tous les coûts d'une ERAR faite isolément de la SAR.
    Je dirais donc qu'on peut fonctionner aussi rapidement qu'avant, ou peut-être plus rapidement, et qu'en même temps, une SAR éliminerait une partie du processus. Je crois que l'on peut dire que l'on cherche ici à tenir compte de la volonté du gouvernement de mettre sur pied un système plus efficace, mais aussi des préoccupations concernant la nécessité du contrôle.
(1000)
    Pour répondre à la question du député, je dirais que l'un des problèmes, c'est que cette idée, qui concerne la LIPR, était pleine de bon sens, mais pour la mettre en oeuvre d'une façon efficace sans créer d'autres problèmes, vous aviez besoin de meilleurs conseils techniques. C'est ce que nous essayons de vous donner. Je dis souvent aux gens que, s'ils ont besoin d'un bon conseil, ils devraient aller voir un bon avocat.
    En réponse à la question sur les avocats qui désireraient facturer encore plus, sachez que je ne suis pas payé pour être ici. Vous pouvez avoir une foule de conseils qui vous aideront à mettre tout cela en place, à faire en sorte que cela fonctionne, et que cela fonctionne à la satisfaction de tout le monde, y compris ceux qui craignent les abus, et vous pouvez avoir gratuitement les conseils d'avocats qui veulent faire partie du système. Engagez-nous. Nous voulons aider. Nous voulons que le système fonctionne. Aucun d'entre nous ne voudrait que le système échoue. N'allez pas penser que, quand on veut faire adopter une loi, on peut se contenter des gens de l'intérieur. Faites appel aux gens de l'extérieur. Nous voulons tous travailler ensemble.
    Si quelqu'un pense qu'il existe des avocats qui veulent travailler davantage pour les services d'aide juridique au Québec et en Ontario, laissez-moi vous dire que je suis au courant des tarifs de l'aide juridique. Je sais que certains avocats spécialisés en droit criminel, en Ontario, prennent part à un boycott partiel. Voyons donc, les conseillers facturent beaucoup plus que les avocats. Il n'y a aucun contrôle. Vraiment, soyons sérieux. De qui parlez-vous?
    Sur la question des frais; peu importent les frais qu'exigerait la SAR, ils seraient beaucoup moins élevés que si la demande était présentée à la Cour fédérale, puisque ce processus est beaucoup plus complexe et qu'il dure beaucoup plus longtemps. À mon avis, un demandeur profiterait plus d'une SAR puisqu'il aurait ainsi accès à un processus d'appel moins coûteux.
    Est-ce que je peux faire un commentaire sur cela, s'il vous plaît?
    Oui, et ce sera ensuite le tour de M. Calandra.
    J'aimerais revenir sur la question des frais. Ce n'est pas parce qu'on s'adresse à la SAR que l'on n'aurait plus besoin de recourir par la suite à la Cour fédérale. C'était mon premier point.
    Je crois que nous voulons tous la même chose. Nous voulons un système plus efficace. À mon avis, un système plus efficace supposerait de repenser en entier le système des réfugiés plutôt que de se contenter d'ajouter une SAR à un système qui fonctionne mal. Au bout du compte, nos objectifs sont les mêmes. Au bout du compte, nous désirons tous un système plus efficient, moins vulnérable aux fausses revendications, et nous voulons que les demandes authentiques soient traitées plus rapidement. Nous voulons tous la même chose. Nous avons tous le même objectif, mais nous avons pris des chemins différents.
    Monsieur Calandra, une dernière question.
    Ce qui me frappe dans tout ce qui se dit ici, c'est qu'il semble tout à fait insensé de mettre sur pied une SAR sans d'abord apporter d'importants changements. C'est un peu comme si l'on mettait la charrue devant les boeufs.
    De plus, en ce qui concerne les coûts de l'aide juridique, je crois que les contribuables de l'Ontario et du Québec auraient peut-être quelque chose à dire au sujet des coûts que suppose une section d'appel.
    Vous avez raison, madame Taub: ça n'empêchera personne d'interjeter appel devant la Cour fédérale. Je ne sais pas si vous n'avez pas justement le devoir, comme avocate, de conseiller aux gens, de façon automatique, d'interjeter appel d'une décision qui ne leur est pas favorable ou de trouver d'autres moyens pour contester cette décision. Cela coûterait en fait encore plus d'argent aux contribuables.
    Nous sommes au courant du fait que certaines personnes se trouvent ici depuis 15 ou 20 ans. Dans un cas particulier, un pirate de l'air, qui a tiré sur ses otages, est ici depuis 20 ans. Je crois que vous le connaissez. Si je ne me trompe pas, il s'agit de Parminder Singh Saini, qui a fait un stage dans votre cabinet. Les tribunaux canadiens pensent qu'il devrait quitter le pays, qu'il représente un danger, mais pourtant, 15 ans plus tard, il est toujours ici.
    Je crois que les contribuables ont le droit d'avoir des institutions auxquelles ils peuvent faire confiance, comme vous l'avez laissé entendre, et qu'ils ont le droit à un gouvernement qui selon toute apparence travaille dans leur intérêt. Nous avons aussi la responsabilité de faire en sorte que notre pays soit sûr et nos collectivités, en sécurité.
    Je termine là-dessus, monsieur le président. Merci de m'avoir donné un peu plus de temps. J'espère que nous aurons l'occasion d'entendre encore une fois ces témoins.
    Vous n'avez pas à me répondre. Je voulais tout simplement dire ce que j'ai sur le coeur.
    Nous avons parlé ici de toutes sortes de choses que l'on peut réaliser sans changements législatifs. C'est pourquoi nous avons suggéré tout cela. De toute évidence, avec des changements législatifs, on peut en faire beaucoup plus, mais on peut aussi mettre en place un système équitable et efficient et mettre sur pied la SAR sans apporter quelque changement législatif que ce soit.
(1005)
    Pour commencer, j'aimerais remercier tous les gens qui se sont exprimés. Nous, les parlementaires, nous dépendons beaucoup des opinions parfois diversifiées que viennent nous présenter des particuliers et des experts; mais c'est pourtant cela qui fait que, dans notre Parlement, le débat public est si exceptionnel. C'est pourquoi je tiens à exprimer ma plus sincère gratitude au nom de tous les membres du comité.
    Je vous remercie.
    La séance est suspendue pour cinq minutes.
(1005)

(1010)
    Nous reprenons nos travaux. Nous en sommes à la deuxième session. Comme tout le monde le sait, notre ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 22 avril 2009, consiste à étudier le projet de loi C-291 Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et l'entrée en vigueur des articles 110, 111 et 172.
    Nous comptons ici, dans le second groupe, la directrice du Conseil canadien pour les réfugiés, Mme Janet Dench. Bienvenue. Nous accueillons aussi M. James Bissett, qui vient témoigner à titre personnel; il est un ancien ambassadeur et l'ancien directeur du Canadian Immigration Service. Nous accueillerons aussi Rivka Augenfeld, représentante de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.
    Nous allons d'abord donner la parole à Mme Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. Merci beaucoup d'être venue. Vous avez de sept à dix minutes environ — mais tenez-vous-en plutôt à sept minutes, je vous en prie.
    Merci.
    Merci de m'avoir invitée à vous parler ce matin du projet de loi C-291, qui rendrait obligatoire la mise sur pied de la section d'appel des réfugiés.

[Français]

    Le Conseil canadien pour les réfugiés encourage le comité à compléter son étude très rapidement, étant donné que le projet de loi a déjà été étudié, tant par la Chambre que par le Sénat, lors de la dernière législature. Il est très important d'adopter rapidement ce projet de loi, et ce, pour trois raisons.
    La première est que le projet de loi est important. Offrir aux demandeurs d'asile le droit d'appel peut sauver des vies. La conséquence de mauvaises décisions sur la reconnaissance du statut de réfugié peut être le renvoi des réfugiés vers la persécution, la torture, voire la mort. Contrairement à une opinion assez largement répandue dans le public, il n'y a actuellement aucun droit d'appel sur le fond pour les demandeurs d'asile. Les recours très limités qui sont disponibles ne peuvent pas corriger plusieurs erreurs faites pendant le processus de reconnaissance du statut de réfugié.
    La deuxième raison est que le projet de loi doit être rapidement adopté. Plus de six ans se sont déjà écoulés depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, sans le droit d'appel pourtant prévu par la loi. Par conséquent, depuis six ans, les demandeurs d'asile voient leur sort déterminé par un seul décideur, dans le cadre d'un processus qui n'a jamais été approuvé par le Parlement. Il y a déjà trop longtemps que les réfugiés attendent que cette injustice soit corrigée.
    La troisième raison est que le projet de loi était sur le point d'être adopté. Tout ce qui restait était le vote par la Chambre des communes sur les amendements du Sénat. L'adoption du même texte par la Chambre et le Sénat devrait donc être une affaire simple.
(1015)

[Traduction]

    Pendant que vous discutez de ce projet de loi et de la question plus générale touchant la modification possible du système de détermination du statut de réfugié, nous aimerions que vous gardiez à l'esprit les points suivants.
    Premièrement, la protection des réfugiés est une question qui relève des droits de la personne. Un système de détermination du statut des réfugiés doit d'abord et avant tout garantir que les droits fondamentaux des personnes qui demandent notre protection soient respectés. Évidemment, vous avez la responsabilité de veiller à ce que le système fonctionne de manière efficiente et qu'il ne soit pas ralenti, par exemple, par le grand nombre de demandes présentées par des personnes qui n'ont pas besoin de la protection du Canada. Notre grande préoccupation devrait toujours être de s'assurer que le système ne renvoie pas dans son pays, où elle sera persécutée ou torturée, une personne qui a besoin de la protection du Canada. Ce qui nous inquiète, c'est donc que l'on semble consacrer plus de temps et d'énergie à s'occuper des demandes non fondées qu'à s'inquiéter au sujet des demandeurs qui ont été refusés par erreur et qui risquent d'être persécutés ou torturés à leur retour, tout cela parce qu'il n'y a pas dans le système canadien d'appel sur le fond.
    Deuxièmement, le processus de détermination du statut de réfugié a pour objectif de protéger des êtres humains qui ont besoin de protection. L'efficacité de ce processus sera établie s'il nous permet de reconnaître les personnes qui ont besoin de protection. Il ne s'agit pas de savoir si le taux d'acceptation général est élevé ou faible. Aux yeux d'une personne qui a besoin de protection et qui vient d'être refusée, peu importe que le taux d'acceptation au Canada soit élevé. Nous voulons souligner les répercussions dramatiques de l'absence d'un processus d'appel sur la vie des gens.
    Je vous invite à lire l'histoire de Juan Manuel, dans le document qui a été distribué, à la page 3, dans l'encadré latéral. Juan Manuel a présenté une demande d'asile au Canada, et sa demande a été rejetée. Peu après son retour au Mexique, il a été brutalement attaqué par les personnes qu'il fuyait au départ. Il est resté aux soins intensifs pendant 12 jours. Il a eu de la chance, il a survécu. Si des passants n'étaient pas intervenus, il aurait été tué.
    Il y a aussi l'histoire d'une autre personne qui risquait d'être torturée; c'est le Comité contre la torture des Nations Unies qui est intervenu pour empêcher que le Canada ne l'expulse.
(1020)

[Français]

    C'était en décembre 2004. Le Comité contre la torture a alors conclu que le Canada avait manqué à son devoir de protection à l'égard d'Enrique Falcon Rios, une victime de torture. Le comité a également évoqué certaines faiblesses du système de détermination du statut de réfugié canadien, notamment le manque de tout recours ou d'un appel efficace pour corriger les erreurs décisionnelles de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

[Traduction]

    Il y a un troisième point que je vous encouragerais à garder à l'esprit. Le système des réfugiés suscite beaucoup de malentendus. Malheureusement, ce système, qui est très complexe, est souvent mal compris ou mal expliqué. Pendant que vous examinez les problèmes du système et que vous envisagez des changements, nous vous recommandons fortement de vérifier que vos informations sur ce système sont exactes. Par exemple, les gens pensent souvent que tous les retards observés dans le système des réfugiés sont liés aux demandes pour motifs d'ordre humanitaire, qu'on appelle couramment les demandes CH. Nous en avons parlé plus tôt. Mais il semble que tout le monde ne sait pas qu'il n'y a pas sursis à la mesure de renvoi quand on attend une décision sur une demande CH. Donc, ce n'est pas vrai qu'une personne peut retarder son expulsion tout simplement en présentant une demande CH.
    Voici un autre exemple de malentendu: on suppose généralement que c'est la loi qui pose problème s'il faut tant de temps pour expulser un demandeur débouté. En fait, le problème tient plus souvent aux processus et priorités bureaucratiques. Malgré l'augmentation de l'arriéré, à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, de nombreux demandeurs mexicains ont pu obtenir rapidement une audience parce que leurs demandes ont été jugées prioritaires par la Commission. Pourtant, en ce qui concerne ceux dont la demande a été refusée, rien n'aurait été fait pour les expulser, pendant des mois ou des années, parce qu'ils ne sont pas considérés comme une priorité par un autre secteur du gouvernement.
    Le Conseil canadien pour les réfugiés et ses organismes affiliés ont une très longue expérience de ce système. Nous savons ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous vous supplions de recommander au ministre de consulter les ONG qui s'occupent des réfugiés avant de rédiger une loi quelconque.
    Il y a un quatrième et dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention.

[Français]

    Les discussions sur les enjeux liés aux réfugiés doivent être respectueuses et bien informées. On a entendu de nombreuses et de graves inexactitudes dans les commentaires publics récents sur le système d'asile canadien, visiblement souvent engendrées par une hostilité à l'égard des demandeurs d'asile. Ceci ne favorise pas une discussion pondérée sur les grands enjeux en matière de politiques. Les réfugiés sont parmi les personnes les plus vulnérables d'une société et sont les cibles d'attaques faciles, en tant que non-citoyens dans un pays étranger.

[Traduction]

    Nous aimerions que, pendant que vous débattez de ces questions, vous vous rappeliez toujours que nous parlons ici d'êtres humains qui méritent d'être traités avec respect.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Dench, de votre exposé.
    Nous cédons maintenant la parole à M. James Bissett. Bienvenue.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Notre système d'octroi de l'asile est en réalité sens dessus dessous. Il ne répond pas aux besoins des véritables demandeurs d'asile, il coûte des sommes énormes, il encourage et récompense les clandestins, il représente un risque grave pour la sécurité de notre pays, il sape notre programme d'immigration et il a entraîné la dégradation de nos relations avec de nombreux pays amis. Il met en péril le commerce et l'industrie du tourisme; c'est la principale raison pour laquelle notre frontière, au sud, est, en fait, militarisée et pour laquelle les biens, les services et les résidents du Canada ne peuvent plus traverser si rapidement et si librement la frontière.
    Je ne connais aucun autre pays du monde où il est même possible de penser à accueillir quelqu'un simplement parce qu'il prétend être persécuté. Pourtant, au cours des 25 dernières années, nous avons permis à plus de 700 000 personnes qui prétendaient être persécutées d'entrer au pays. L'an dernier, 37 000 demandeurs sont venus au Canada, et environ 3 000 autres se présentent chaque mois.
    Encore aujourd'hui, ces personnes qu'on laisse entrer n'ont pas à remplir les exigences en matière d'immigration. Il n'y a pas d'examen médical avant leur entrée; il n'y a pas de vérification judiciaire avant leur entrée; il n'y a pas non plus de contrôle de sécurité avant leur entrée; il leur suffit de prétendre qu'ils sont persécutés. Alors, nous les accueillons, nous les installons dans des hôtels, nous leur indiquons à quel bureau ils peuvent se présenter pour obtenir des prestations d'aide sociale. Ils ont le droit de travailler, ils peuvent obtenir gratuitement des soins médicaux et ils peuvent aller là où ils veulent dès qu'ils ont quitté l'aéroport. Nous n'avons pas la moindre idée de leurs allées et venues ni de ce qu'ils font.
    Ces gens viennent de nombreux pays. En 2002, des citoyens de 152 pays ont demandé l'asile au Canada. Il y avait des Allemands, des Suédois et des Suisses, c'est-à-dire des gens qui venaient de pays démocratiques qui reconnaissent la primauté du droit, des pays ont signé la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et qui ont l'obligation de s'occuper des demandeurs d'asile, tout comme nous en avons l'obligation.
    Il y a donc une énorme brèche dans notre politique, et elle est là depuis de nombreuses années — je dirais depuis 25 ans. Chaque fois que nous avons tenté de revoir le système, même pour apporter des modifications modestes de façon que notre politique sur les demandeurs d'asile soit harmonisée avec celle de la plupart des autres pays de l'Occident, nous avons vu les groupes d'intérêts spéciaux résister avec acharnement.
    En 1989, le Parlement a adopté une nouvelle loi sur l'octroi de l'asile. Elle avait été conçue dans le but de créer un système juste et équitable pour les demandeurs d'asile, tout en étant réaliste, compte tenu du fait qu'un organisme quasi judiciaire quelconque, qu'il s'agisse d'un tribunal ou de la CISR — la Commission de l'immigration et du statut de réfugié — ne peut fonctionner si son accès est universel. Sans une forme quelconque de sélection initiale, tout organisme quasi judiciaire s'effondrera en raison du seul volume de demandes.
    M. Edward Ratushny — la plupart d'entre vous avez probablement déjà entendu parler de ce professeur distingué de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa — a été nommé par Lloyd Axworthy et chargé d'étudier les lois sur les demandeurs d'asile et de recommander de nouvelles dispositions. Dans son rapport, M. Ratushny recommande entre autres d'abord que l'accès à un nouveau système soit limité et que l'on écarte d'abord toutes les demandes clairement non fondées ou farfelues, sans quoi le système serait paralysé par toutes les personnes qui demandent l'asile simplement pour entrer au Canada.
    M. Ratushny a expliqué comment le très généreux système d'octroi de l'asile de l'Allemagne a été exploité et utilisé frauduleusement. En 1980, l'Allemagne a reçu 108 000 demandes d'asile et a dépensé 250 millions de dollars en prestations d'aide sociale pour les demandeurs qui attendaient une décision. Ce montant, comme l'a souligné le professeur Ratushny, aurait été d'une incroyable utilité s'il avait pu aider le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à prendre en charge les véritables demandeurs d'asile qui se trouvent dans des camps partout dans le monde. Il a ajouté, dans son rapport, que le Canada était privilégié parce qu'il pouvait s'attaquer à des problèmes potentiels de ce type avant qu'ils ne se présentent dans la réalité. Cependant, prévient-il, il n'y a vraiment pas de raison de se reposer sur ses lauriers.
(1025)
    En 1980, le Canada a reçu 1 600 demandes d'asile.
    Les Allemands ont resserré le système, mais ils ne l'ont pas resserré assez, car, en 1993, ils ont reçu 438 000 demandes d'asile. Le gouvernement allemand a été si alarmé qu'il a dû modifier sa constitution, qui permettait à n'importe quelle personne provenant de n'importe quel pays de venir présenter une demande en Allemagne. Les Allemands ont modifié leur constitution en 1993, et leurs lois sont maintenant très rigides. Et c'est difficile, parce qu'ils bloquent l'accès à des gens qui proviennent de pays qui sont tenus, en leur qualité de signataires de la Convention des Nations Unies, de protéger les demandeurs d'asile, qui ont adopté un régime démocratique et respectent la règle de droit.
    En 1989, les lois adoptées s'appuyaient solidement sur les recommandations de M. Ratushny et permettaient aux auteurs de la loi de concevoir un système d'asile qui serait un modèle international. Le tribunal serait indépendant, et la procédure, non accusatoire. Et c'est très important, car cela signifie que, en fait, le tribunal devrait essentiellement accepter le récit du demandeur d'asile. Il ne pourrait pas y avoir de contre-interrogatoire.
    On a envisagé un tribunal de deux commissaires, et, dans le cas d'une décision négative, les deux commissaires devaient être du même avis. Le refus devait être unanime, autrement dit. De plus, les commissaires n'étaient pas obligés de rédiger des motifs écrits lorsque la décision était positive, mais, s'ils déboutaient un demandeur, ils devaient rédiger leurs motifs. Et un demandeur débouté pouvait interjeter appel avec la permission de la Cour fédérale.
    Toutefois, un système aussi généreux ne pouvait exister si on ne limitait pas l'accès au tribunal, et la solution qu'on a adoptée à ce moment-là consistait à habiliter le gouvernement à dresser la liste des pays considérés comme sécuritaires pour les réfugiés. Encore une fois, tous les pays de l'Union européenne ont mis cette solution en œuvre il y a longtemps. Une personne provenant d'un pays démocratique qui respecte la règle de droit et a signé la Convention des Nations Unies ne peut pas demander le statut de réfugié dans un pays européen.
    Alors cette loi était sur le point d'être adoptée. Trois jours avant sa promulgation, la ministre de l'Immigration de l'époque a déclaré qu'elle entrerait en vigueur, mais que les dispositions relatives au « pays sûr » ne serait pas mises en place. Par conséquent, bien sûr, tout le système s'est effondré, et il est toujours dans cet état aujourd'hui. Alors, le défaut d'utiliser les dispositions relatives au « pays sûr » est très grave.
    Quant à la question à l'étude aujourd'hui, il n'est absolument pas raisonnable d'ajouter une autre instance d'appel dans le système déjà en vigueur — pas à cette étape, puisque le ministre a déposé un projet de loi à la Chambre et que nous avons un arriéré de 62 000 demandes. Si on ajoute cette deuxième instance d'appel, on verra que l'arriéré se chiffrera à 80 000, 90 000 et 100 000 demandes et que la période d'attente, qui s'étend de trois à cinq ans à l'heure actuelle, sera probablement de cinq, six ou huit ans. Ce n'est tout simplement pas raisonnable.
    J'en ai encore beaucoup à dire à ce sujet, mais je vais conclure en disant que quiconque suggère au comité d'accepter ce projet est... Comme le diraient mes petits-enfants, c'est simple comme bonjour.
    Merci.
(1030)
    Merci, monsieur Bissett.
    Madame Augenfeld, je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

     Brièvement, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes est un regroupement, une coalition de 137 organismes membres de partout au Québec. Collectivement, nous avons plus de 35 ans d'expérience, de services sur le terrain et de connaissance des problèmes, des lois, des amendements, des règlements, des politiques, des opérations et, comme un fonctionnaire nous a dit, des façons de faire, parfois. J'y reviendrai plus tard.
    Nous appuyons individuellement et collectivement la position du Conseil canadien pour les réfugiés. Je ne veux donc pas répéter tout ce que Mme Dench a dit. Toutefois, je peux vous dire qu'au cours de mes années d'expérience, j'ai parlé à presque tous les ministres de l'immigration, c'est à dire plus de 20 depuis 30 ans. Trop souvent, c'est le même vocabulaire — pas tout le temps — qui revient depuis des années: la porte d'en avant et la porte d'en arrière, les faux réfugiés, les faux demandeurs, les faux revendicateurs, tout ce qui discrédite les demandeurs d'asile.

[Traduction]

    L'expression « faux demandeurs » est très malheureuse, car une personne peut croire sincèrement que sa cause est solide et être déboutée. Vous pouvez être victime de violence et être exclu de la définition. Certaines personnes arrivent ici avant la médiatisation. Nous avons vu ce phénomène, si on remonte à l'époque où M. Bissett travaillait au ministère, avec les Salvadoriens et les Guatémaltèques. Les Sri-Lankais sont arrivés avant la médiatisation. Lorsque les Tamouls sri-lankais ont vraiment été victimes de persécution et sont venus dans les années 1980, nous ne comprenions pas pourquoi ils venaient, car nous croyions que le Sri Lanka était un pays démocratique et était signataire du plan de Colombo. Eh bien, nous avons appris. Alors, parfois, ce sont les réfugiés qui nous font connaître l'histoire.
    Je vais seulement dire que la convention de 1951, que le Canada a seulement ratifiée il y a 40 ans — mais nous en sommes fiers et nous célébrons le 40e anniversaire —, a notamment été motivée par l'absence totale de protection pour les Juifs et les Roms et bien d'autres peuples pendant la Deuxième Guerre mondiale et l'Holocauste. La convention a été créée pour tenter d'éviter qu'une telle catastrophe se reproduise. Malheureusement, ça ne fonctionne pas toujours.
    Nous devons bien choisir nos mots. Nous nous dirigeons vers une impasse si nous tentons d'accélérer un processus en fonction des ressources disponibles plutôt que de concentrer nos efforts sur les ressources et les places nécessaires, le type de ressources, le moment et l'analyse de ce qui se passe, contrairement aux types et aux nombres de processus qui sont sans cesse renvoyés de Caïphe à Pilate. Ces choses varient selon le conférencier et le ministre. Je ne jette pas le blâme sur les ministres; on leur donne l'information.
    Je ferais valoir, comme l'a dit un conférencier à l'autre séance, qu'on a besoin de bonnes statistiques. Il faut déterminer le nombre de gens qui se soumettent vraiment à des processus, et à combien — l'état réel des choses. Il faut voir pourquoi le processus accéléré, expéditif est si rarement adopté par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Seulement environ 10 p. 100 des cas sont accueillis par cette instance. Seulement 65 p. 100 des gens obtiennent réellement la permission d'interjeter appel. De cela, combien poursuivent leurs démarches et déposent une demande pour motifs d'ordre humanitaire? J'espère que vous avez les chiffres; ce serait une bonne idée de les avoir.

[Français]

    Les ressources et la mise en oeuvre de certains processus ne sont pas inclus dans la loi et ne le seront jamais. La question est donc la suivante. Pourquoi, cela traîne-t-il, à certains moments? C'est une question de ressources et de volonté, parfois une question de bureaucratie. Il n'y a pas d'appel.

[Traduction]

    Il n'y a pas d'appel. À l'instant même, si quelqu'un vous dit qu'il y a une possibilité d'interjeter appel sur le fond, sachez que ce n'est pas le cas. C'est faux. Une portion minime, comme l'a dit notre conférencier précédent, est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cette pratique est coûteuse et elle n'est pas efficace. On ne pourrait l'éviter en mettant en place une instance d'appel.
    Aucun système n'est infaillible, et on ne le répétera jamais assez. Même les experts font des erreurs, et c'est pourquoi une instance d'appel est en place même pour les contraventions au code de la route, les impôts et la conduite en état d'ébriété.
(1035)

[Français]

    Ce n'est pas banal de répéter que c'est une question de vie ou de mort.

[Traduction]

    L'approximation n'est pas suffisante. Le fait que nous ayons aidé un nombre x de gens ne justifiera jamais le renvoi d'une seule personne dans un pays où elle sera torturée, mise à mort ou incarcérée. Je crois que nous devons aussi nous rappeler que les ressources ont été échangées sous le régime de la LIPR. Nous avons réduit — et l'ensemble des ONG ont convenu de ramener le nombre de commissaires du tribunal de deux à un seul, car nous nous souciions des ressources : il y aurait donc un membre à la première instance, à condition qu'il y ait une possibilité d'appel. Nous avons donc réduit le tribunal à un commissaire, mais le système d'appel n'a jamais été établi. On a oublié. Maintenant, on en parle comme si rien n'avait été sacrifié pour le processus d'appel, alors qu'il y a eu un sacrifice. Maintenant, il n'y a qu'un seul commissaire, et aucune possibilité d'interjeter appel.
    La mémoire institutionnelle, qui tient le registre de tout ce qui est arrivé, malheureusement, relève parfois des organismes communautaires, et ce n'est la faute de personne.

[Français]

    Des députés font partie du comité, mais ils partent. Vous avez beaucoup de bonne volonté, vous possédez une expertise, mais l'année prochaine, vous ne serez peut-être plus là. Certaines personnes qui étaient là n'y sont plus. C'est la même chose au ministère: la plupart des gens qui sont là n'y étaient pas il y a 10 ans. Par conséquent, nous seuls avons cette expertise.

[Traduction]

    Je crois qu'il aurait été beaucoup plus équitable et rentable d'investir dans l'audience et l'instance d'appel en 1989, lorsque mon savant collègue était le directeur de l'immigration. Il faut se rappeler que, en 1989, il y avait deux instances. Il fallait prouver l'existence d'un minimum de fondement pour qu'une affaire soit instruite, mesure qui détectait supposément les causes non fondées. Plus de 90 p. 100 de ces causes étaient portées à une deuxième instance pour une instruction approfondie. Alors, ce n'est pas efficient.
    Loin de moi l'idée de vous dire qu'il faut revenir aux bons vieux jours, mais, même à cette époque, nous aurions pu mettre en place un système à deux paliers, qui aurait été beaucoup plus rentable, il y a 20 ans. L'ERAR n'empêche pas le renvoi Comme nous l'avons dit, l'ERAR n'est pas un appel. On l'a conçue pour qu'elle soit réalisée après l'appel. L'ERAR...

[Français]

l'ERAR, était après l'appel.

[Traduction]

    Pour conclure, je veux faire valoir deux choses. Tout le monde se plaint du fait que seulement 10 p. 100 des Mexicains sont accueillis. Eh bien, rappelons-nous que 10 p. 100 de plusieurs milliers de personnes correspondent à des centaines de personnes. Des centaines de personnes ont besoin de notre protection contre un pays comme le Mexique, que certains perçoivent comme un endroit où il n'y a pas de problème. Nous affirmons qu'il y en a.
    Je terminerai en faisant valoir ceci, monsieur le président. Le personnel des ONG a beaucoup d'expérience et d'expertise. Nous avons vu ce qui fonctionne. Nous avons vu ce qui ne fonctionne pas. Nous voulons tous la même chose. Nous voulons que les réfugiés soient rapidement protégés. Nous voulons que ceux qui n'ont pas besoin de notre protection fassent l'objet d'une décision rapide, mais nous ne sacrifierons pas les garanties nécessaires pour que personne soit refusé à tort. À mon avis, nous devons nous rappeler que, selon le livret de l'HCNUR, que vous pouvez obtenir du représentant ici présent, il n'existe pas de pays sûr. Un réfugié peut provenir de n'importe quel pays. Il faut éviter de décider qu'il est impossible d'être réfugié de certains pays.
    Je vous implore de mentionner, dans vos recommandations, que le milieu des ONG devrait participer à la discussion préalable à l'adoption de la loi, pour que nous puissions mettre notre expertise à contribution. Une fois que la loi est adoptée, c'est un peu trop tard. Nous avons beaucoup à offrir. Nous vous offrons, gratuitement, pour l'essentiel, nos conseils et notre expertise et tout ce qui nous a donné des cheveux gris en raison de notre travail de si longue date à ce chapitre.
    Merci beaucoup de votre exposé.
    J'aimerais qu'on passe à la période de questions, mais je vais demander aux membres du comité ainsi qu'aux témoins d'être brefs, précis et d'aller droit au but. Ainsi, nous pourrons obtenir beaucoup plus d'information et votre précieux point de vue. Nous devons aller voter dans une demi-heure, mais cela n'aura pas d'incidence sur le comité, car nous pouvons nous rendre à la Chambre en moins de 10 minutes.
    Monsieur Karygiannis, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Merci au groupe de témoins d'être venus.
    Je dois faire valoir une chose. Certains des témoins disent que les faux demandeurs d'asile qui viennent ici sont des terroristes. La majorité des gens qui demandent l'asile au Canada sont des personnes sincères qui tentent d'échapper à la persécution dans leur propre pays. Si on prend l'exemple de personnes qui sont ici depuis 20 ans, un très faible pourcentage, 1 ou 2 p. 100 des gens, ne doivent pas faire l'objet du débat, car le Canada est un pays qui présente aux gens qui viennent ici pour demander l'asile une occasion de prospérer. Le fait que certains de mes collègues ici tentent à toute force d'assimiler les réfugiés aux terroristes est déplorable.
    J'ai une question à poser aux témoins. À chaque échelon de délibérations — le Régime de pensions du Canada, l'assurance-emploi ou le POSPH, les prestations de soutien aux personnes handicapées ou la CSPAAT ou peu importe à quel organisme vous déposez une demande — il existe plusieurs instances d'appel internes. Si vous présentez une demande au Régime de pensions du Canada, vous vous adressez tout d'abord à la première instance, puis, si on n'accède pas à votre demande, vous vous adressez à la Commission. Et, si on n'accueille toujours pas votre demande, vous pouvez vous adresser à l'ombudsman. Lorsque quelqu'un dépose une demande pour obtenir quelque chose dans le domaine non juridique, indépendant des procédures judiciaires, en leur qualité de citoyens canadiens, ils ont la possibilité de s'adresser à une seconde et à une troisième instances, alors pourquoi refusons-nous d'accorder la même occasion aux gens qui viennent au Canada? Pourquoi les excluons-nous en déclarant que, s'ils demandent l'asile, leur cause a été entendue et que, s'ils contestent la décision, ils devraient aller à la Cour fédérale? Les gens qui présentent une demande au Régime de pensions du Canada peuvent faire entendre leur cause par trois instances avant de devoir aller à la Cour fédérale. Pourquoi les traite-t-on différemment? Pouvez-vous, s'il vous plaît...
(1040)
    Merci, monsieur Karygiannis.
    Madame Dench.
    Je soulignerais votre propos en faisant remarquer que la décision que doit rendre la Commission de l'immigration et du statut de réfugié lorsqu'un demandeur se présente devant elle est probablement la seule occasion où un tribunal canadien décide peut-être de la vie ou de la mort de la personne, car les conséquences d'une mauvaise décision peuvent se traduire par la mort du demandeur débouté — ce qui s'avère dans certains cas. Alors c'est une décision incroyablement importante.
    On peut se demander pourquoi nous acceptons que cette décision soit prise par une seule personne sans qu'il y ait de possibilité d'interjeter appel sur le fond, alors que des questions futiles peuvent être portées en appel sur le fond au Canada? La seule conclusion que nombre d'entre nous peuvent tirer, c'est que cette réalité dénote un manque de respect pour la vie de ces réfugiés, ces personnes qui demandent notre protection.
    Madame Augenfeld.
    J'aimerais souligner encore, parce que, j'ignore pourquoi, il y a une tendance à croire... Nous pourrions sensibiliser le public dans l'autre direction. Tous les humains sont humains, comme le disait le général Dallaire. Si nous croyons sincèrement que tous les humains sont humains, leur statut est subordonné à leur besoin de protection et leur besoin d'être entendus.
    Si une personne vient dans notre pays... Je suis désolée de contester les propos de mon savant collègue ici présents, mais nous ne sommes pas le seul pays au monde qui permet aux gens de traverser ses frontières tout simplement parce qu'ils revendiquent la protection. C'est la convention. Voilà l'objet de la convention...

[Français]

non-refoulement jusqu'à ce que l'on décide si la personne a besoin de notre protection ou non.

[Traduction]

    Des centaines de milliers de personnes traversent les frontières en masse dans des pays très pauvres et demandent la protection. Nous assurons un contrôle sécuritaire à la frontière. Avant qu'une personne entreprenne le processus, il y a un contrôle sécuritaire. Alors, la rengaine usée au sujet des terroristes est une tactique de peur pour inspirer la crainte aux gens. Il est faux dédire que nous ne contrôlons pas les gens. Nous les contrôlons dès qu'ils arrivent.
    Monsieur Bissett.
    Pour ce qui est de la sécurité, j'aurais tendance à me ranger à votre avis: très peu de demandeurs d'asile s'avèrent être des terroristes. Mais c'est arrivé, et l'un d'eux, évidemment, le célèbre « Poseur de bombe du millénaire », Ahmed Ressam, est venu ici pour demander l'asile d'Algérie. Il ne s'est même pas donné la peine de comparaître devant la Commission. Il a fini par tenter de faire explorer l'aéroport de Los Angeles.
    C'est la perception qui compose la majeure partie de la réalité. Si vous parlez aux gens du Département de la sécurité intérieure aux États-Unis, ils vous diront que la raison pour laquelle ils renforcent la sécurité à la frontière, c'est parce qu'ils savent que nous laissons tout le monde entrer sans les soumettre à un contrôle sécuritaire. Le processus de contrôle sécuritaire commence une fois que la personne est entrée au pays, et il peut s'étendre sur plusieurs mois. Alors, voilà la perception. C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet.
    Quant à l'autre question, je conviens du fait qu'il devrait y avoir des instances d'appel. Il y a des instances de contrôle, toutefois. Vous êtes autorisé à porter la cause en appel devant la Cour fédérale. Ensuite, le ministère effectuera un examen pour des raisons d'ordre humanitaire, et la demande d'une grande quantité de personnes est accueillie par ce moyen. Ensuite, si vous êtes visé par une mesure d'expulsion, vous profitez d'un examen des risques avant renvoi et d'une audience de vive voix et, si la décision n'est pas favorable, vous pouvez encore demander la permission d'interjeter appel à la Cour fédérale.
    Si on regarde les renvois, très peu de demandeurs d'asile déboutés sont renvoyés — il y en a peut-être 5 000 par année.
    Merci, monsieur Bissett.
    Monsieur St-Cyr.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    ... peut-être que vous pourriez dire au comité à quelle heure vous voulez qu'on lève la séance pour se rendre à la Chambre.
    Nous allons terminer notre entretien avec les témoins, et la séance sera levée à 11 heures.
    Cela ne nous laisse que sept minutes pour nous rendre à la Chambre. Nous n'aurons pas assez de temps.
    Voulez-vous que l'on parte dans dix minutes?
    Ce serait parfait, selon moi. J'aimerais proposer que l'on divise également le reste du temps entre les trois partis.
    Je ne comptabiliserai pas votre intervention dans votre temps, toutefois.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bissett, je ne vous poserai pas de question. J'ai été un peu surpris par votre témoignage. J'ai l'impression que vous avez porté beaucoup d'accusations gratuites et lancé en l'air des messages qui ne correspondent pas à ce que l'on observe sur le terrain. Cela me semble un peu facile.
    Avant le référendum sur la souveraineté de 1995, on a accordé la citoyenneté à des milliers de Canadiens, et ce, à toute vitesse. Dans le lot, il y avait un terroriste. Aucun souverainiste ne dira que le fédéralisme encourage le terrorisme. Cela n'a rien à voir. Il y a des processus, mais des terroristes réussiront à passer à travers les grilles. Ce n'est pas une raison pour foutre en l'air notre système.
    Je m'adresserai maintenant à Mme Dench et à Mme Augenfeld. Le gouvernement nous dit qu'il y aura une réforme en profondeur. On va refaire le système au complet, ce n'est donc pas le moment d'ajouter une nouvelle section d'appel des réfugiés. Selon la loi, le gouvernement a un an pour faire cette réforme, dont on parle depuis huit ans.
    Pensez-vous que l'on devrait attendre de voir s'il y aura finalement une réforme et si elle sera bonne, ou devrait-on plutôt créer immédiatement la section d'appel des réfugiés et adopter le projet de loi? L'année suivante, si le gouvernement nous amène quelque chose d'intéressant, on l'analysera à ce moment-là.
(1045)
    La loi actuelle a été mise en vigueur en 2002. Or, l'une des raisons que le gouvernement invoque quand il parle de l'impossibilité de mettre en oeuvre une section d'appel est qu'il prévoit modifier la loi. Ça fait déjà sept ans, soit depuis 2002, qu'on entend ce raisonnement. Ce n'est pas nouveau. On avait prévu un système, et celui-ci a été approuvé par le Parlement. Alors, pourquoi ne le mettrions-nous pas en oeuvre? Si on doit faire des changements par la suite, on saura au moins si ce système fonctionne ou non. On aura plus d'information pour une réforme éventuelle.
    J'abonde dans le même sens, et en plus, je pense qu'il faudrait le faire maintenant. Par contre, il ne faut pas le faire sans ressources. Il faut absolument que celles-ci soient adéquates. Le projet de loi comporte déjà un délai pour ce qui est de l'obtention des ressources. En 2002, un projet de règlement était déjà à l'étude. On n'a même pas à recommencer à zéro. Il faut passer à l'action. Comme le disait Mme Dench, on parle de réforme depuis des années. Plusieurs ministres, des deux gouvernements, en ont parlé.
    Je pense que c'est simple et que ça résoudrait beaucoup de problèmes. L'utilisation des ressources va être plus efficace, et non l'inverse. De plus, ce sera plus juste. Comment pourrait-on décider de ne pas le faire? Pour nous, c'est un mystère. Ça aurait dû être fait il y a longtemps. Quoi qu'il en soit, vous avez maintenant l'occasion d'en faire la recommandation à vos formations respectives.
    Dans la loi actuelle, on parle beaucoup de la possibilité qu'ont les demandeurs déboutés de faire appel, mais on parle aussi du fait que le ministre peut en appeler d'une décision d'un commissaire qui, à son avis, a été trop laxiste. Le gouvernement parle de tous ces gens qui passent à travers les mailles du filet, des faux demandeurs et des gens sans statut de réfugié, au sens de la convention, qui réussissent à rester au Canada. Il est donc un peu contradictoire que le ministre s'oppose à la possibilité d'en appeler des mauvaises décisions des commissaires.

[Traduction]

    Monsieur Bissett.
    Je me demande si je pourrais faire un commentaire au sujet de la question de M. St-Cyr.
    Certainement, allez-y.
    Je crois qu'il est important de comprendre que l'entrée en vigueur de la nouvelle section d'appel se traduirait plus simplement par un examen sur dossier. Il ne s'agirait pas d'une audience de novo. Il ne serait pas possible de présenter de nouveaux faits et de nouveaux éléments de preuve. Quelqu'un examinerait la décision par écrit qui a été rendue par la Commission. C'est tout. L'établissement d'un tel processus n'en vaut pas la peine à l'heure actuelle. Surtout lorsque l'arriéré grossit; on ne ferait qu'ajouter aux retards. Ce genre d'appel ne tient pas compte du fond. Si on établit un mécanisme d'appel, cela devrait être un vrai appel, une audience de novo.
    Merci, monsieur St-Cyr.
    Madame Chow, vous avez cinq minutes.
    Je n'en prendrai que deux. J'ai une question à poser à Mme Augenfeld et à Mme Dench.
    Trois avocats ont témoigné ici plus tôt, et j'ai proposé différentes mesures: éliminer les consultants sans scrupule; mettre en oeuvre la section d'appel des réfugiés, qui serait habilitée à rouvrir et à examiner des cas; supprimer l'examen des risques avant renvoi; éliminer le sursis automatique de la mesure de renvoi de la Cour fédérale; embaucher davantage d'agents de protection des réfugiés permanents et les habiliter à accorder le statut de réfugié dans des cas évidents — c'est fondé sur les lignes directrices et les instructions du président — et établir un processus de nomination des membres du tribunal de détermination du statut de réfugié indépendant du favoritisme politique.
    Voilà les recommandations en vue d'établir un processus de détermination du statut de réfugié efficace, équitable, uniforme et rapide. Auriez-vous tendance à appuyer ces recommandations, qui s'ajouteraient à celles de la SAR?
(1050)
    Au nom du Conseil canadien pour les réfugiés, nous n'appuierions pas toutes ces recommandations, et il y a d'autres mesures que nous estimons cruciales.
    J'aimerais faire valoir que la mise en oeuvre de la section d'appel des réfugiés est une demande urgente de la part des groupes de défense des réfugiés depuis que le système actuel a été établi, dans les années 1980. Vous, en votre qualité de parlementaires, avez la responsabilité de vous assurer que les gens qui ont besoin de la protection du Canada ne sont pas renvoyés dans leur pays de persécution. Par conséquent, vous devriez vous sentir personnellement responsables de vous assurer que le système est à la hauteur de ses obligations et que le Canada honore ses obligations qui consistent à ne pas refouler les réfugiés. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous demander instamment de faire de cet enjeu une priorité.
    Il y a d'autres problèmes dans le système. La nomination de commissaires à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est aussi une priorité. Avant que tout autre projet de loi ne soit déposé en vue de nouvelles réformes, nous aimerions beaucoup discuter de ce sujet avec le gouvernement. Nous avons de nombreuses suggestions, et nous sommes étonnés, stupéfaits, que le gouvernement ait échoué et le ministre ait refusé de s'entretenir avec les groupes de défense des réfugiés. Nous ne comprenons pas comment vous pouvez vous imaginer que vous adopterez de bonnes lois alors que vous ne faites pas appel à l'expertise qui est à votre disposition.
    Merci, madame Dench.
    Puis-je répondre?
    J'approuve tout ce qu'a dit Janet Dench, mais j'ajouterais qu'on ne peut pas réparer le système tout d'abord, puis établir le mécanisme d'appel par la suite. Le mécanisme d'appel fait partie de la solution pour réparer le système. On instaure un mécanisme d'appel, on attribue les ressources nécessaires, puis on regarde simultanément certaines des autres choses qui peuvent être accomplies.
    Je vous rappelle que, pour en revenir à ce que je disais — et parce que je suis assise à côté de Joe Bissett — que, en 1989, au moment où l'arriéré comptait plus de 100 000 personnes, lorsque la nouvelle CISR été implantée, le milieu des OGN, les avocats et d'autres avaient des recommandations sur la manière d'éliminer l'arriéré de façon plus équitable et plus efficiente. Le gouvernement a annoncé un programme qui devait s'étendre sur deux ans et coûter 200 millions de dollars. Enfin, il a duré plus de cinq ans et a coûté 500 millions de dollars. Qui est passé en dernier dans toute cette histoire? Les réfugiés qui avaient besoin de protection. Il y a des façons de régler le problème, mais tout d'abord, il faut instaurer la SAR, rendre le processus plus équitable, puis les choses s'enchaîneront.
    Vous êtes en train de dire que la SAR devrait avoir le droit de rouvrir et d'examiner des cas pour qu'ils fassent l'objet d'une audience, n'est-ce pas?
    Si c'est nécessaire.
    J'ignorais que c'était un montant de 500 millions de dollars qui avait été gaspillé au moment de l'arriéré de 100 000 personnes.
    Quel est donc le pourcentage — vous l'avez dit si vite que ça m'a échappé — de personnes qui vont effectivement à la Cour d'appel actuellement, comparativement à tous les demandeurs déboutés?
    Puis-je répondre?
    Oui, vous le pouvez.
    Dans le cadre d'une réunion avec la Commission de l'immigration et du statut de réfugié la semaine dernière, on a dit qu'environ 65 p. 100 des cas rejetés s'adressent à la Cour fédérale pour demander la permission d'interjeter appel. De ces personnes, très peu se voient accorder la permission. Des personnes qui obtiennent la permission, très peu ont l'occasion de faire instruire leur appel.
    Comme vous l'entendez probablement, une cloche a commencé à sonner. Le vote aura lieu vers 11 h 08. Certains députés qui siègent au comité partiront. C'est la raison pour laquelle ils partiront. En leur nom, je tiens à vous remercier chaleureusement de vos commentaires.
    Nous entendrons maintenant M. Young.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Dench, vous avez dit que le ministre n'avait peut-être pas consulté la collectivité. Le processus en marche aujourd'hui constitue la plus haute forme de consultation. Deux adjoints parlementaires du ministre siègent aujourd'hui au comité pour entendre votre témoignage. Il fera l'objet d'un examen minutieux par le personnel du cabinet. Les fonctionnaires et le ministre l'examineront de près. Je tiens à vous assurer de cela.
    Ma question s'adresse à M. Bissett. Vous avez déclaré, monsieur Bissett, que nous étions le seul pays occidental à ne pas avoir une forme de procédure de contrôle préalable pour détecter les demandes d'asile dont le caractère frauduleux ou non fondé est évident. À quoi ressemblerait une telle procédure?
    La principale, c'est celle que nous avions sous le régime de la loi de 1989. Selon cette procédure, certains pays sont considérés comme sûrs pour les réfugiés; ce sont des pays d'origine sûrs. Si vous venez d'un pays qui, comme je l'ai dit, a adopté un régime démocratique, respecte la règle de droit et a ratifié la convention des Nations Unies, alors vous n'avez pas le droit de présenter une demande. Peut-être que vous ferez l'objet d'un contrôle par un agent de protection des réfugiés au point d'entrée, qui vous posera des questions, mais, en règle générale, vous n'avez pas accès au système de réfugiés.
    Certains pays en Europe et ailleurs ont ce qu'ils appellent des « demandes manifestement non fondées ». C'est-à-dire que, si quelqu'un présente une demande qui est évidemment non fondée, que l'agent de protection des réfugiés le questionne et croit que la demande n'est pas fondée et qu'elle n'a aucune substance, on peut l'interrompre à ce moment-là et ne pas la laisser entrer dans le système. Il y a différentes façons de procéder.
(1055)
    Merci.
    Pouvez-vous expliquer le rôle de ce que vous avez décrit comme des escrocs étrangers dans l'orientation frauduleuse de migrants économiques vers le système de réfugiés du Canada?
    Bien sûr, nous sommes la cible de choix des passeurs de clandestins, car ceux-ci savent qu'il s'agit simplement de monter dans un avion à destination du Canada. Ils procurent aux gens de faux documents qui leur permettent de monter dans l'avion. Une fois que la personne est dans l'avion, le passeur lui garantit de cinq à dix ans au Canada, même si la Commission détermine que son identité n'est pas authentique.
    Et ils font beaucoup d'argent avec cette manoeuvre.
    Bien sûr, ils le peuvent. Nous savons que, dans certains cas, on paie 50 000 $ américains pour monter dans un avion à destination du Canada. Notre pays est la meilleure cible pour l'introduction de clandestins.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais donner le reste de mon temps à Mme Grewal.
    Par le passé, vous avez déclaré que le système de réfugiés canadien devait être réformé. Que proposez-vous pour l'efficience ou l'économie? Pourrez-vous préciser?
    Oui.
    Nous nous penchons beaucoup sur les possibilités d'améliorer l'efficience du système. Beaucoup d'éléments du système ne fonctionnent pas très bien. L'un des problèmes, c'est qu'il y a de plus en plus de catégories de personnes qui n'ont pas le droit de demander le statut de réfugié, alors elles n'ont jamais l'occasion de plaider leur cause devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Mais, beaucoup de ces personnes ont peut-être besoin de protection, alors il faut mettre en place un autre type de mécanisme qui déterminera si elles ont besoin de protection. L'examen des risques avant renvoi permet de le faire. Si vous parlez aux gens qui connaissent l'ERAR, l'examen des risques avant renvoi, la majorité vous dira que ce n'est pas une grande réussite. Nous croyons fermement qu'il faudrait essayer de consolider nos processus pour garantir un processus beaucoup plus simple à toutes les personnes qui réclament la protection du Canada, qui devrait relever de la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés.
    Par exemple, nous avions recommandé, entre autres, au moment de l'adoption de la loi, que, plutôt que de mettre en oeuvre un examen des risques avant renvoi pour déterminer si de nouveaux renseignements doivent être pris en compte, ce qui signifie qu'il faut ouvrir un tout nouveau dossier et créer une toute nouvelle fonction, on accorderait simplement l'occasion à la personne de rouvrir son dossier à la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés. Le dossier existe déjà. Dans le cas d'un demandeur débouté qui s'est fait dire qu'il n'avait pas besoin de protection, on pourrait prendre la demande et examiner les nouveaux éléments de preuve; la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés pourrait alors simplement voir si ces éléments ont assez de poids pour qu'elle réexamine la demande. Cette démarche serait beaucoup plus efficiente.
    Nous pourrions faire des suggestions toute la journée. Malheureusement, nous n'avons pas le temps de toutes les aborder ce matin, mais nous serions certainement heureux d'avoir l'occasion de discuter de toutes ces choses avec des représentants du ministre ou du gouvernement, pour entrer dans les détails des suggestions que nous avons à présenter, dans le but de rendre le système plus efficient et plus équitable afin de s'assurer que le Canada honore ses obligations internationales.
    Monsieur le président, j'aimerais seulement revenir sur ce que j'ai dit, si vous le permettez. Je crois que j'ai parlé d'« adjoints parlementaires ». Je voulais dire « secrétaires parlementaires ». « Adjoint » est un terme qui date de l'époque où j'étais à Queen's Park. Pourrais-je corriger cette erreur, s'il vous plaît?
    J'aimerais vous remercier au nom du comité pour vos commentaires. Comme vous le savez, nous accordons beaucoup d'importance à vos exposés et sommes à l'affût des connaissances que vous avez partagées avec nous aujourd'hui.
    Merci beaucoup. Maintenant, nous pouvons aller voter.
    Portez-vous bien.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU