Passer au contenu
Début du contenu

CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 007 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 mars 2009

[Enregistrement électronique]

  (1125)  

[Traduction]

    Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à la délégation.
    Monsieur Guardans Cambó, pourriez-vous nous présenter les membres de la délégation?
    M. Guardans Cambó est le vice-président de la Commission du commerce international du Parlement européen.
    Tout le monde sait se servir des appareils pour l'interprétation?
    Non, ce n'est pas une question d'interprétation. J'entendrai mieux avec mon propre appareil, car...
    D'accord. Ces appareils vous permettront de suivre dans la langue de votre choix.
    Nous allons commencer. Merci d'être venus. Vous aurez l'occasion de présenter les membres de votre délégation et de nous expliquer brièvement la raison de votre visite ainsi que les activités de la Commission du commerce international. Nous pourrons ensuite discuter à titre informel jusqu'à midi, heure à laquelle nous monterons au restaurant parlementaire pour casser la croûte ensemble.
    Monsieur Cambó.
    Merci beaucoup. C'est un grand honneur que de représenter la Commission du commerce international du Parlement européen ici.
    Nous devions être deux, mais mon collègue a dû décommander. Vous comprendrez sa décision puisque vous aussi, vous êtes parlementaires. Nous aurons des élections en juin. Parfois le Parlement est tenu d'envoyer un seul représentant aux réunions. Notre délégation a comme objectif de tenir des rencontres concernant le commerce avec des décideurs et des gens d'affaires.
    Nous en sommes à notre première rencontre et une deuxième est prévue pour plus tard aujourd'hui. Demain, nous irons à Montréal, et ensuite à Toronto. Nous souhaitons obtenir un maximum d'information afin de mieux comprendre, d'une part, les enjeux commerciaux bilatéraux entre l'Union européenne et le Canada et, d'autre part, la position du Canada dans un contexte multilatéral, notamment dans le contexte du cycle de Doha.
    La Commission du commerce international du Parlement européen existe depuis cinq ans déjà. Elle faisait autrefois partie d'une grande commission chargée des questions économiques et des affaires étrangères. On a ensuite décidé de mettre sur pied la Commission du commerce international qui s'occuperait des ententes conclues par l'UE. Notre commission surveille également la Commission européenne lorsque celle-ci négocie au nom de l'Union européenne dans un contexte international, notamment avec ses partenaires de l'OMC.
    Je ne sais pas dans quelle mesure vous connaissez la scène politique et les structures européennes, mais vous savez sans doute que la commission est pleinement habilitée à négocier en matière de commerce international. Il s'agit de pouvoirs « fédéraux » européens, même si nous n'utilisons pas ce terme. La commission détient tous les pouvoirs. Les États membres n'y jouent aucun rôle. Cependant, les intérêts économiques défendus sont intimement liés à la réalité économique et au bilan commercial des divers États membres.
    Le Parlement doit surveiller la commission lorsqu'elle établit ses priorités et participe aux diverses négociations, par exemple, avec le Canada. On pourra en parler plus longuement plus tard. Le Parlement surveille également les activités de la commission dans le contexte complexe du cycle de Doha.
    Par ailleurs, lorsque le traité de Lisbonne aura été approuvé, moyennant le « oui » des Irlandais lors du référendum qui aura probablement lieu en octobre, le Parlement aura non seulement des pouvoirs politiques visant le commerce international, mais il sera également habilité à conclure des ententes commerciales au nom de l'UE. Aucune mesure visant le commerce international ne sera adoptée en Europe sans l'aval du Parlement européen. Il y aura d'abord un vote au niveau de la Commission du commerce international et ensuite un vote des députés européens réunis en séance plénière.
    Je crois que politiquement, c'est très important. Déjà, mes collègues et moi-même sommes tenus de suivre les négociations de près et d'écouter davantage le Parlement afin d'éviter des problèmes démocratiques.
    Il y a également la question des pouvoirs accrus de la Commission du commerce international que nous entendons — soyons plus modestes — que nous prétendons utiliser afin d'exprimer, lors des négociations commerciales, les opinions des citoyens, de la société civile et des ONG. Lorsque nous négocions avec les pays en développement, dans le cas d'ententes économiques ou autres avec les pays d'Afrique, par exemple, il n'y a pas que des préoccupations purement économiques en jeu, mais également des préoccupations d'ordre démocratique, et il faut les revendiquer. Le Parlement joue un rôle particulier pour exprimer l'opinion de la société à la table de négociation.

  (1130)  

    C'est la raison pour laquelle le Parlement accroît ses pouvoirs dans le domaine du commerce international. Notre visite se situe plus ou moins dans ce contexte. Nous savons que s'il y a un décalage énorme entre nos deux sociétés, c'est-à-dire entre la société européenne et la société canadienne, que ce soit au chapitre de l'opinion publique, de la réalité politique ou des affaires... Nous pourrions également nous rapprocher sur le plan économique et commercial et encourager les investissements directs. Il y a maintes possibilités. Nous pourrions créer des liens beaucoup plus forts.
    Notre Parlement en est très conscient. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'envoyer une délégation: tout d'abord, pour transmettre ce message, et ensuite, pour échanger sur les questions les plus importantes liées aux négociations qui vont bientôt commencer. Une fois que nous aurons tâté le terrain et que nous aurons une bonne idée des orientations, je crois que nous recevrons un mandat clair des dirigeants européens et canadiens afin d'entamer de véritables négociations qui mèneront à une entente. Comme je l'ai dit plus tôt, il incombe au Parlement européen de suivre les négociations et de les appuyer et, au besoin, d'adopter des projets de loi. C'est essentiellement la raison pour laquelle nous sommes ici .
    Je terminerai sur le point suivant. Par ailleurs, nous avons premièrement les mêmes préoccupations que le Canada en ce qui concerne l'aspect multilatéral du commerce — que j’aborderai d’abord — et deuxièmement l'avenir du cycle de Doha. Notre commission suit de très près le cycle de Doha. Certains de nos membres étaient à la conférence ministérielle qui a eu lieu en juillet et ont assisté à son échec. Nous appuyons la commission exerçons indirectement des pressions politiques sur les États membres afin de faire avancer le cycle de Doha dans la mesure du possible. Nous savons que nos homologues canadiens ont les mêmes préoccupations. Nous savons que le Canada a consenti des efforts énormes au cycle de Doha. Nous reconnaissons aussi que nous ne nous entendons pas toujours sur certaines questions et nous souhaitions, avec ce voyage, en apprendre sur vos préoccupations principales, peu importe notre attitude à l'égard du cycle de Doha, qu'elle soit positive ou négative, optimiste ou pessimiste, et ce qui allait en découler.
    Sur ce, je m'arrête, monsieur le président.

  (1135)  

    Merci. Quel bon début pour nos discussions.
    Je constate l'heure et pour être juste à l'égard du comité, nous passerons immédiatement aux séries de questions. Chaque parti disposera de sept minutes pour poser ses questions, et vous pourrez décider comment vous vous partagerez ces sept minutes.
    Nous allons commencer par le vice-président et représentant du Parti libéral, M. Cannis.
    Monsieur Cannis, vous avez sept minutes pour poser des questions et obtenir des réponses.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec mes collègues.
    Tout d'abord, je vous souhaite la bienvenue au Canada. Il est toujours bien, à la fois pour nous et pour vous et vos États membres, de tenir des rencontres, de discuter des questions qui nous préoccupent et de trouver un terrain d'entente pour le bien-être de nos sociétés.
    Il était intéressant, monsieur Campbell, de vous entendre dire que la commission est pleinement habilitée en matière de commerce international. Comme vous le savez, notre pays entame la négociation d'une entente de libre-échange avec quatre pays européens. J'ai une question pour vous, compte tenu de ce que vous venez de dire. Si nous négocions avec l'Italie, la Grèce ou l'Espagne, par exemple, la commission peut-elle intervenir et dire: « Hop, sachez, le Canada et la Croatie, que c'est la commission qui est habilitée à négocier et qu'il faut procéder autrement? » Avec qui faut-il traiter? Notre pays doit-il négocier avec la commission? Notre entente avec l'AELE est-elle bien fondée, par exemple? Nous avons voté l'autre jour à la Chambre un projet de loi à ce sujet et notre comité en sera bientôt saisi. Pourriez-vous m'aider à mieux comprendre?
    Volontiers.
    Je vais vous l'expliquer en termes clairs. Vous ne pouvez pas négocier dans le domaine du commerce international avec nos États membres. Vous ne pouvez pas entamer des négociations pour que la commission intervienne par la suite. Aucun État membre n'est habilité à négocier dans le domaine commercial. Ils ne peuvent même pas commencer des négociations.
    Bien sûr, il y a des chevauchements entre le commerce et d'autres domaines comme l'éducation, où certains échanges pourraient être assimilés à des services, et dans certains cas on se retrouve alors en zone grise. Il en va de même pour l'environnement et l'agriculture. Dans pareils cas, la commission et les États membres collaborent étroitement. En ce qui concerne le commerce et les ententes commerciales, les États membres ne peuvent jamais agir de façon indépendante. Seule la commission est habilitée, et tout engagement pris par un État membre téméraire, si vous me permettez cette expression, sera déclaré invalide. C'est bien simple, les États membres n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour négocier.
    La commission, cependant, n'agit pas de façon tout à fait indépendante. Elle tient son mandat des États membres, et tout un jeu politique l'entoure. Nous sommes tous des élus. Le mandat de négociation de la commission est teinté de motivations politiques et, au sein de la commission, il y a des discussions en ce qui concerne le dépassement éventuel du mandat.
    C'est d'ailleurs ce qu'ont dit certains États membres lors du cycle de Doha. Ce sont des tiraillements politiques internes. Je serai franc. Certains États membres ont dit que la commission avait outrepassé son mandat et était allée au-delà de ses pouvoirs.
    Si tel avait été le cas, il y aurait eu des problèmes sur le plan politique et juridique. À mon avis, cependant, ce n'était pas le cas. C'était plutôt de la politique.

  (1140)  

    Lorsque les négociations ont été entamées avec ces quatre pays... quoi que je ne pense pas qu'ils étaient alors membres de la Communauté européenne. Maintenant ces pays suivent les lignes directrices de la commission, et j'espère qu'ils seront autorisés à négocier. Sinon, Dieu sait dans quel pétrin nous nous trouverons, monsieur le président!
    Je veux céder la parole à mon collègue, M. Silva.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais moi aussi remercier nos invités du Parlement européen d'être venus.
    Je connais un peu le Parlement et le système européen, non seulement parce que je suis citoyen européen, mais également parce que j'ai étudié le droit international. Je comprends donc le travail de la commission et les enjeux politiques.
    L'Europe est notre deuxième partenaire commercial. Nous sommes le quatrième partenaire de l'Union européenne. Nos échanges pourraient être intensifiés, car seulement 8 p. 100 des exportations canadiennes sont destinées à l'Union européenne. Bon nombre des secteurs canadiens craignent, dans le contexte des négociations avec les États membres européens, que certains secteurs européens ne leur soient complètement fermés ou qu'ils soient protégés par des politiques fortement protectionnistes.
    Je suis en faveur du libre-échange avec l'Union européenne, mais nous craignons que trop de vos secteurs ne soient protégés et que les entreprises canadiennes ne s'en trouvent désavantagées.
    Pourriez-vous nous expliquer, dans un contexte politique européen, s'il y a des intentions protectionnistes quant aux négociations commerciales.
    Non, je ne pense pas que vous puissiez nous taxer de protectionnisme. À mon avis, s'il y a un endroit où l'on croit au commerce international et à l'ouverture des marchés, c'est au sein de l'Union européenne.
    Dans certains domaines bien précis, nous pourrions peut-être faire preuve de plus d'ouverture, et je comprends qu'on puisse nous critiquer, surtout dans le domaine de l'agriculture. Je pense que c'est bel et bien le cas dans certains secteurs de l'agriculture, et nous essayons d'améliorer la situation. C'est davantage en raison de notre histoire et de la façon dont notre politique agricole commune a été élaborée. C'est difficile à changer. Si nous pouvions tout recommencer aujourd'hui, les choses seraient complètement différentes, mais ça ne saurait se faire du jour au lendemain.
    Mais je ne dirais pas que l'Europe est protectionniste, absolument pas. Il n'y a pas de loi favorisant l'achat de produits européens. Ça ne serait pas possible; ça serait inimaginable.

  (1145)  

    Mon temps de parole est écoulé.
    Monsieur Guimond.

[Français]

    Vous avez parlé d'agriculture et du Cycle de Doha. On connaît votre intérêt pour l'agriculture, de même que celui de certains États membres de l'Union européenne et le nôtre. Vous nous avez demandé si nous étions réalistes par rapport au Cycle de Doha. La réalité, c'est que le Cycle de Doha ne fonctionne pas depuis 2001.
    Un courant de pensée est de plus en plus présent au Canada, particulièrement au Québec. On parle de plus en plus de souveraineté alimentaire, d'autonomie des peuples, de sécurité alimentaire et de subventions à l'agriculture. Dans le cadre des futures négociations, y aurait-il moyen de trouver des pistes de solution qui seraient gagnantes pour nous, producteurs agricoles canadiens dont je suis, et pour nos collègues agriculteurs de l'Union européenne?
    Les négociations sur l'agriculture dans le cadre de l'OMC ne fonctionnent pas; le Cycle de Doha le prouve. Ne pourrait-on pas exclure l'agriculture des négociations de l'OMC?
    Je répondrai tout d'abord à votre dernière question. Je crois qu'il n'est pas possible d'en exclure l'agriculture, car cela changerait tout à fait le panorama et la réalité. Ce ne serait plus l'Organisation mondiale du commerce, mais seulement un accord entre certains pays développés. On ne peut parler de commerce mondial sans parler d'agriculture. On peut, bien sûr, faire une différence entre l'agriculture et le reste. On peut et on doit ajouter la dimension du développement à celle du commerce, ce qu'on a un peu oublié au cours des négociations de Doha.
    Au début, l'intention était que ce soit un development ground. Ça n'a peut-être pas été assez soulevé à la table de négociations. C'est une vue qui est assez partagée par la plupart des Parlements. Cependant, on ne pourrait pas soutenir qu'on exclue l'agriculture.
    Je ne suis pas plus expert que vous ne pouvez l'être; je parle au nom de la Commission du commerce international, et non d'une autre. Ce n'est pas plus vous que nous qui avons créé les problèmes dans le domaine de l'agriculture qui ont fait échoué le Cycle de Doha. À la fin, c'était entre les États-Unis et l'Inde.
    L'OMC a su dépasser des situations très difficiles. En juillet, le bâtiment s'est plus ou moins écroulé. On peut en faire deux lectures: je ne sais pas si le bâtiment s'est écroulé, ou si l'on a simplement arrêté de construire. Quoi qu'il en soit, on a arrêté le chantier à ce moment-là, alors qu'on était très près de conclure un accord qui aurait touché particulièrement l'agriculture.
    D'après toutes les informations que nous avons eues, je ne serais pas aussi pessimiste que vous l'êtes au sujet des intérêts du Canada. Le problème était surtout entre l'Inde et les États-Unis. Si l'on avait su régler le problème de la protection minimale des compagnies indiennes, peut-être aurait-on eu à faire face à un autre problème, celui du coton. On ne sait pas exactement ce qui serait arrivé dans le cas du coton américain parce qu'on n'a pas eu l'occasion d'en discuter.
    Cependant, dans l'ensemble, je ne crois pas qu'on puisse être si négatif pour ce qui est des négociations sur l'agriculture dans le cadre du Cycle de Doha. Il y a déjà des accords. Si on arrive à négocier à nouveau avec force, comme certains d'entre nous le voudraient, tout ce qui a été négocié devrait être maintenu. Ce sont des acquis très positifs.
    Je ne crois pas qu'on soit négatifs; on est simplement réalistes.
    Vous avez parlé du développement de l'agriculture, de l'Inde et des campagnards. Quelle est votre vision de l'agriculture par rapport à celle des producteurs agricoles canadiens, afin que tout le monde en sorte gagnant, tant les agriculteurs européens que les agriculteurs canadiens, tant le peuple européen que le peuple canadien?
    Que pensez-vous de l'avenir de l'agriculture dans le contexte de la mondialisation?

  (1150)  

    Vous me posez une question qui permettrait la tenue d'une longue conférence que je n'ai pas rédigée avant de venir. Je vous dirai d'abord que l'agriculture a une portée très différente dans un pays et dans un autre. D'un côté, il faut une approche globale à l'agriculture, comme ce qu'on est en train d'essayer de faire à Genève. D'un autre côté, les politiques inhérentes à la situation agricole de chaque pays sont tout à fait différentes.
    Dans une grande partie du monde, l'agriculture sert à se nourrir. Dans un contexte de crise alimentaire spectaculaire, c'est du développement. Parler de l'agriculture dans un tel contexte, c'est parler de la politique de la subsistance. Il s'agit de vivre ou mourir. Voilà ce que représente l'agriculture dans certains endroits du monde: c'est du développement pur. Dans ce cas, il faut donner à ces pays des instruments qui leur permettent d'avoir une protection qui touche aux bases, voire à la sécurité même du pays.
    Dans d'autres pays, comme dans notre cas, la situation n'est pas telle. Dans le cas européen — et je parle en mon nom et non en celui du Parlement européen —, je ne crois pas à l'idée que l'Europe doive atteindre une suffisance alimentaire. Je crois que nous n'avons pas besoin d'avoir une politique agricole dirigée vers la pensée selon laquelle nous devrons être capables un jour de nous nourrir nous-mêmes de ce que nous produisons. C'est absurde. Je ne crois pas que nous devions dessiner une politique agricole pour une situation d'autocratie théorique. Je n'y crois pas. Certains défendent cette position, mais pas moi. Je suis en faveur de quelque chose de très ouvert.
    En même temps, chez nous, à l'intérieur de l'Union européenne, l'agriculture est surtout une question de territoire. Elle a moins à voir avec la subsistance, le développement et la pauvreté, mais beaucoup à voir avec l'aménagement du territoire. Pour nous, la politique agricole est presque une politique environnementale. Dans certains autres pays, on parle même de combiner les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement. L'agriculture devient question d'environnement. Dans un territoire comme celui européen, le soutien à l'agriculture n'est pas un soutien à la production agricole en tant que telle, mais un soutien entre jardins, si vous me permettez l'expression.
    Évidemment, ce n'est pas à moi de vous dire sous quel angle vous devez envisager la question dans un territoire comme le vôtre. Je comprends bien qu'il existe des nuances très différentes par rapport à l'équilibre que vous avez entre la population et le territoire.
    Il faut tenir compte de tout cela lorsqu'on s'assoit autour d'une table. À Genève, il faut essayer de dégager les légitimes intérêts et besoins de chacun, surtout dans des États démocratiques où tout se traduit en vote. Chacun d'entre nous devra arriver à une situation de gain-gain, comme vous le dites vous-mêmes.
     En même temps, du point de vue européen, je défends que nous puissions apporter dans cet ensemble des éléments de qualité que d'autres ne peuvent peut-être pas apporter, de même que des éléments d'appellation d'origine. C'est pour cette raison que, dans ce contexte, l'Union européenne donne une énorme importance aux dénominations géographiques. Évidemment, nous ne pouvons peut-être pas être compétitifs en fait de grande quantité, présentement et encore moins dans le futur, mais nous pouvons l'être en fait de qualité. Cela nécessite le soutien et la défense très importante des appellations géographiques.

[Traduction]

    Merci. Je suis désolé. Ça fait neuf minutes.
    Je cède la parole à M. Julian.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Votre présentation était très intéressante, monsieur Cambó. Je suis certain que vous avez suivi le débat qui se déroule actuellement en Amérique du Nord. On l'a vu lors des élections au Mexique et lors des récentes élections aux États-Unis. On a tenu ce débat entre le libre commerce défini et inculqué par MM. Bush et McCain, et la plate-forme de commerce équitable défendue par M. Obama.
    Le même débat se tient ici, au Canada, mais je constate que l'approche est différente en Europe. Effectivement, on parle d'une politique commerciale équilibrée par rapport aux valeurs européennes. On entend souvent parler d'une économie sociale de marché, de la protection de l'environnement, des droits des travailleurs, de l'égalité entre les hommes et les femmes, de la protection des droits des enfants, du combat contre l'exclusion sociale, de la promotion du progrès scientifique, du renforcement des services publics, d'une agriculture multifonctionnelle — vous venez d'en parler — et de la diversité culturelle. Tous ces éléments font partie des discussions autour des politiques de commerce extérieur.
    Comment ces valeurs sont-elles inculquées dans vos approches lors de la négociation de nouvelles ententes en matière de commerce équitable avec des pays développés?

  (1155)  

    Tout d'abord, le seul fait que vous posiez cette question démontre combien nous sommes proches. Le type de questions que l'on pose indique le genre de préoccupations que l'on a. Votre question aurait pu être formulée par un parlementaire européen, alors que des politiciens d'autres endroits du monde ne la poseraient tout simplement pas. Je dis cela pour souligner jusqu'à quel point la Weltanschauung, comme disent les Allemands, c'est-à-dire la vision du monde, de ce Parlement est semblable à celle du Parlement européen.
    Comment essaie-t-on de concilier tous ces éléments? C'est justement le rôle des différentes voix du Parlement. Le multilatéralisme demande que l'on fasse en sorte que tous ces points que vous avez mentionnés soient à l'ordre du jour. Après, on le suit. C'est le rôle des parlementaires chaque fois que l'Union européenne signe un accord.
    Par exemple, nous sommes présentement en plein coeur d'un débat politique qui devient parfois violent sur le plan verbal. L'Union européenne doit se pencher sur cette liste de sujets qui doivent être sur la table, soit le développement durable, le rôle de la femme, les droits de l'homme, le multiculturalisme, etc., alors qu'elle travaille à conclure un accord de partenariat économique, ou APE, avec l'Afrique.
     C'est une impasse. Il y a différentes visions à l'intérieur de notre Parlement, et même parfois entre le comité du développement et le comité du commerce international. Il y a différents angles lorsqu'on recherche l'équilibre au moment des négociations. Il est évident que l'on ne doit pas sacrifier nos principes, mais on ne peut pas non plus mettre tout en même temps au premier rang. Quelles sont les différentes notes qui rendent une musique plus ou moins correcte? Voilà quel est notre rôle, et cela fait partie de notre but.
    Je vous donne un exemple très clair. Dans les textes qui sont sur la table et par le truchement des amendements que le Parlement européen présente, nous essayons de renforcer la question multiculturelle, par exemple. Je vous donne l'exemple de la Corée du Sud. Nous sommes en pleine négociation d'un accord de libre-échange avec la Corée du Sud. Une partie du Parlement européen, avec à sa tête certains députés très respectés, s'oppose à cet accord à cause de la question de la diversité culturelle. Nous croyons — et je sais que nous avons une alliance; le Canada aussi — que la culture n'est pas un élément qui doit faire partie du commerce aux mêmes conditions que les chaussures ou l'acier. Pour cette raison, c'est rédigé d'une façon différente même dans les traités d'union.
    Certains d'entre nous, au Parlement, ont l'impression que lors de la négociation commerciale entre l'Union européenne et la Corée du Sud, la culture et l'audiovisuel sont traités exactement de la même façon que les autres questions à l'ordre du jour. Il y a une réaction très forte du Parlement, et on verra où cela nous mènera. Dans le cas de l'Afrique, ce n'est pas la culture mais d'autres sujets qui sont sur la table.

  (1200)  

    Cela veut dire qu'il y a un déséquilibre entre les divers mécanismes du Parlement européen lorsqu'il y a une discussion autour d'une nouvelle entente de libre-échange.
    Ma deuxième question porte sur la réglementation. Par exemple, les normes européennes pour les aliments génétiquement modifiés sont beaucoup plus sévères que celles du Canada et de l'Amérique du Nord. Lorsque le Canada a approché l'Union européenne, quel type de discussions y a-t-il eu? L'Union européenne a-t-elle tendance à vouloir abaisser ses normes ou exige-t-elle plutôt que ses partenaires commerciaux maintiennent ou augmentent leurs normes pour se conformer aux normes européennes?
    En général, la pression ou l'intention de l'Union européenne veut que ses partenaires commerciaux s'adaptent à ses normes. La raison est très simple. En tant que député européen élu en Espagne, j'ai vu ce problème à d'autres endroits. Par exemple, ça n'a aucun sens de fixer des normes relatives à la protection des consommateurs dans le cas de la production interne de l'Union européenne et de permettre par la suite l'entrée dans le marché européen de produits faisant l'objet d'une norme inférieure.
    Je vais vous donner l'exemple très concret des produits chimiques utilisés dans les teintures pour les vêtements. À l'intérieur de l'Union européenne, les normes sont très élevées quand il s'agit de déterminer quels produits peuvent être appliqués aux vêtements et être commercialisés. En général, nos normes en matière de protection des consommateurs sont très élevées pour ce qui est des produits chimiques. Par contre, on a eu l'impression, et parfois même plus que l'impression, que la Commission européenne permettait l'entrée dans le marché européen de produits textiles provenant de la Chine qui faisaient l'objet de normes inférieures. Les industries européennes ne pouvaient ni produire ni vendre aux consommateurs européens alors que les Chinois pouvaient le faire. Ça n'avait aucun sens.
    Il ne faut pas confondre le multilatéralisme, qui consiste à essayer de fixer ce genre de normes de sorte qu'elles soient le plus larges possible, avec le protectionnisme. En général, nous avons tendance — et je crois que c'est un peu ce que nous faisons valoir au Parlement, du moins autant que possible, étant donné que ce n'est pas toujours évident — à nous assurer que nos normes sont les mêmes que celles appliquées aux produits qui entrent dans le marché européen. Évidemment, ce n'est pas si clair lorsqu'on parle d'autres produits ou de certains sujets.

[Traduction]

    Merci.
    La parole est à vous, monsieur Harris. Ce sera le dernier tour.
    Je crois comprendre que vous partagerez votre temps de parole avec M. Holder.
    Effectivement. J'essaierai d'être bref.
    Je vous remercie, monsieur. Je vous sais gré de votre participation.
    Mes questions vont dans le même sens que celles de M. Cannis, car je voudrais obtenir des précisions. Vous avez signalé qu'aucun État membre ne pouvait naturellement négocier un accord commercial avec un autre pays. Cette tâche incombe à la Commission du commerce international du Parlement européen.
    Quelle serait la procédure à suivre si des États membres souhaitaient négocier un accord de libre-échange avec le Canada, par exemple? Est-ce qu'ils pourraient s'adresser au Parlement européen et lui indiquer qu'ils veulent négocier un accord commercial particulier qui ne s'appliquerait pas à l'ensemble des autres États membres? Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce qu'un accord commercial souhaité par deux États membres qui se seraient adressés au Parlement devrait s'appliquer à tous les autres États membres pour être adopté?
    Je vais essayer de vous clarifier les choses. C'est la commission qui négocie et non le Parlement. Lorsque le traité de Lisbonne entrera en vigueur, nous nous prononcerons à la fin de la période des négociations sur le résultat de celles-ci. Le Sénat américain doit également volter sur ce que son gouvernement a négocié. C'est ce qui se produira après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
    C'est à la commission européenne qu'il appartient de négocier. Elle le fait en vertu d'un mandat du Conseil des ministres. Aucun État membre ni aucun groupe d'États membres ne peut négocier un accord commercial. C'est impossible. C'est illégal. Il serait frappé de nullité.
    Par contre, un État membre ou un groupe d'États membres peut demander au Conseil des ministres d'accorder un mandat à la commission à cette fin. Naturellement, il doit y avoir une volonté politique. Un État membre pourrait vouloir lancer des négociations dans un secteur qui n'en a pas encore fait l'objet ou vouloir modifier le mandat de négociation.
    La décision appartiendra au Conseil des ministres. La commission accepte le mandat si celui-ci a été approuvé par la majorité nécessaire. L'unanimité n'est pas nécessaire. Si le Conseil des ministres décide d'accorder un tel mandat, la commission entreprendra les négociations avec le Canada ou un autre pays.
    Aucun État membre ni aucun groupe d'États membres ne peut absolument pas négocier. Autrement dit, lorsque les négociations sont terminées et que l'accord a été approuvé, celui-ci s'applique à l'ensemble de l'Union européenne. De par sa nature, l'Union européenne constitue un seul marché. Nous améliorons les modalités. Nous apportons des modifications. Nous ajoutons de nouvelles attributions.
    Depuis le tout début, nous sommes un marché commun, un marché unique. Lorsqu'un produit est exporté dans l'Union européenne, il peut circuler librement dans l'ensemble de ses États membres. C'est un principe élémentaire du droit de l'Union européenne: le produit mis en marché dans un des pays les plus éloignés de l'Union européenne doit pouvoir circuler dans l'ensemble de ses États sans aucun obstacle. Nous n'avons aucun obstacle commercial.
    J'ignore si vous voulez ajouter quelque chose. Un représentant de la commission européenne est parmi nous.

  (1205)  

    Je suis très heureux de constater qu'un représentant du Parlement explique si bien la compétence de la commission. Je ne peux qu'ajouter qu'il n'arrive pas souvent que nous venions au Canada pour entendre une telle unanimité d'opinion.
    C'est certes ce qui se passe. Ce serait tout à fait contraire aux principes, au fondement de la Communauté européenne, qui est devenue l'Union européenne.
    Le président: Monsieur Holder.
    Je voudrais vous remercier. Vous nous avez fait l'honneur de venir discuter avec nous aujourd'hui'hui.
    Certains de vos propos m'encouragent. Vous avez dit notamment que l'Union européenne souhaite affermir considérablement ses relations économiques avec le Canada. Vous avez ajouté que l'Europe n'est pas protectionniste. C'est à mon avis très important.
    Par contre, nous savons également que la situation économique actuelle pose de graves problèmes à tous les pays du monde. Les pays européens et le Canada ne font pas exception, avec la croissance très restreinte de leurs PIB respectifs et de ceux des autres pays.
    J'aimerais savoir si vous êtes optimiste quant à notre capacité de négocier un accord de libre-échange Canada-Union européenne.
    Suis-je optimiste? Je le répète, c'est la commission qui mène les négociations. Elle serait mieux en mesure de répondre. Il y a un engagement politique. Je ne vois absolument aucun obstacle politique.
    Il est vrai, et c'est quelquefois difficile à expliquer, que nous devons étayer cet engagement politique et qu'il faut parallèlement que l'accord approuvé porte sur tous les aspects susceptibles de se révéler délicats dans certains domaines sensibles, dans le domaine des achats notamment. Il ne suffit pas de dire que nous le voulons, que nous sommes de bons amis et que nous voulons collaborer, si nous ne pouvons pas parvenir à un accord sur des questions très précises susceptibles d'être très délicates.
    Un problème préoccupe l'Union européenne — je sais qu'il est en train d'être réglé et nous avons été informés des détails à cet égard. Ce problème, c'est la dualité des pouvoirs constitutionnels au Canada, si je peux m'exprimer ainsi. Ce que l'on négocie doit s'appliquer à l'ensemble du Canada, indépendamment de la répartition de vos pouvoirs. Sinon, l'exercice se révélerait difficile. C'est exactement ce qui s'appliquera à l'autre partie.
    Je le répète, si un accord est négocié avec l'Union européenne, la République tchèque ne viendra pas dire qu'elle en est exclue. L'accord négocié et signé par la commission s'appliquera à la République tchèque, au gouvernement régional de la Catalogne espagnole et aux autres. C'est ainsi que nous fonctionnons.
    Chez vous, c'est différent. Vous avez votre constitution. Naturellement, aucun autre État ne veut s'immiscer dans vos affaires constitutionnelles. Par contre, il faut faire en sorte que tout ce qui a été négocié s'applique au Canada, quel que soit l'interlocuteur, et à l'autre partie. Vous voyez très bien où je veux en venir. Cette difficulté doit être aplanie. Si le tout est réglé correctement, je pense qu'il y a lieu d'être très optimistes.

  (1210)  

    Vous avez été très délicat dans vos explications. Je vous en sais gré.
    Vous avez évoqué les achats. Existe-t-il, selon vous, un secteur particulier dans lequel il serait difficile à certains membres de l'Union européenne de négocier avec le Canada?
    Il vous suffit de consulter les statistiques pour connaître les États membres qui sont les plus grands partenaires commerciaux du Canada, ceux qui sont les moins importants et ceux avec lesquels le Canada a éprouvé des difficultés par le passé. Comme nous le disons en Europe, il faut savoir à qui on a affaire. Toutefois, il n'en demeure pas moins qu'un accord négocié s'applique à tous. C'est pourquoi il importe de préciser le mandat de la commission. A posteriori, aucun pays européen, qu'il soit du Nord ou du Sud, ne peut faire valoir qu'il n'aime pas tellement ce qui a été négocié dans le domaine des pêches ou dans un autre domaine. Il n'y a pas d'exception.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Je pense que la séance a été très instructive. Nous sommes ravis des questions que nous avons posées et des réponses que nous avons obtenues.
    La séance tire à sa fin.
    J'aimerais convier nos invités et les membres du comité à m'accompagner au restaurant parlementaire où nous pourrons continuer à discuter spontanément. La salle est libre. Je pense que c'est la 602, au sixième étage. Il y aura au menu du vin de l'Ontario et du boeuf de l'Alberta. Je pense qu'on servira également du vin de la Colombie Britannique. Je pense que c'est une initiative de M. Cannan. Le plus important, c'est naturellement le boeuf de l'Alberta. Et je crois qu'il y aura un dessert québécois, de la tarte au sucre ou quelque chose du genre.
    Quoi qu'il en soit, je vous donne quelques minutes pour vous y rendre. Notre greffier pourra vous y escorter.
    Le tout débute à l'instant même, chers collègues. Venez quand vous pouvez. Le repas sera servi précisément à 12 h 30.
    Merci encore une fois.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU