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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 février 2008

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bon après-midi, chers collègues. Je déclare ouverte la 17e séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Nous avons à l'ordre du jour l'étude de l'entente Mulroney-Airbus.
    Monsieur Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Avant que nous commencions, je voudrais donner avis d'une motion. Je sais que le préavis de 24 heures n'a pas été donné pour cette motion et je comprends donc qu'il n'y aura pas de débat et je ne prendrai pas beaucoup de temps. Je veux seulement en lire le texte et en remettre des exemplaires à mes collègues, si vous le permettez. Cela ne prendra qu'un instant. Elle ne compte qu'un seul paragraphe.
    Monsieur Hiebert, je suis en train de présenter un témoin.
    C'est pourquoi je voudrais régler cela tout de suite, avant qu'elle commence son témoignage.
    Non, je pense que nous allons le faire à la fin de la réunion, surtout que l'on n'a pas donné le préavis requis. D'accord? Merci.
    Notre témoin aujourd'hui est Mme Stevie Cameron, qui est journaliste, écrivain et blogueuse, et qui a beaucoup écrit sur le règlement conclu dans l'affaire Mulroney-Airbus et autres questions connexes. Ses livres intitulés On the Take et The Last Amigo, ce dernier coécrit avec Harvey Cashore, ont été cités à profusion dans les médias et dans d'autres comptes rendus de l'affaire qui ont donné lieu à l'étude de notre comité. Elle est actuellement collaboratrice spéciale au journal The Globe and Mail, collaboratrice à la rédaction au magazine Maclean's et chroniqueuse mensuelle au magazine Elm Street, qu'elle a contribué à fonder.
    Bon après-midi, madame Cameron.
    Bon après-midi, monsieur Szabo.
    Le 15 décembre 2007, le comité m'a remis une liste de témoins à convoquer en priorité. Votre nom était initialement sur la liste, après quoi il en a été retranché pour y être réinscrit par la suite et nous avons eu une petite discussion à ce propos avec le greffier — je pense que vous êtes au courant, mais vous êtes ici aujourd'hui et nous vous remercions chaleureusement d'avoir accepté notre invitation à témoigner.
    Je demanderais au greffier adjoint de vous faire prêter serment.
    Le témoignage que je vais donner dans le cadre de cet examen sera la vérité, toute la vérité et rien d'autre que la vérité, que Dieu me vienne en aide.
    Merci.
    Madame Cameron, l'affaire qui nous occupe est très grave, comme vous le savez, et nous espérons que vous pourrez nous aider à tirer au clair ou à mieux comprendre certaines questions qui ont été portées à l'attention de notre comité. Le refus de répondre à une question n'est pas une option. Cependant, si vous croyez qu'il y a une raison valable de ne pas répondre à une question, j'entendrai vos motifs et rendrai une décision. Je vous rappelle par ailleurs que tout ce que vous direz devant notre comité est protégé par le privilège parlementaire et ne pourra pas être utilisé contre vous dans toute autre procédure, judiciaire ou autre.
    Par courtoisie envers nos interprètes, je vous demanderais de ne pas parler trop vite. Je vais vous donner le temps de faire une déclaration complète et de répondre en long et en large aux questions que vous poseront les membres du comité.
    Avez-vous des questions sur ce que j'ai dit jusqu'à maintenant?
    Non, monsieur.
    Merci.
    Je crois savoir que vous avez une brève déclaration d'ouverture et je vous invite à la faire maintenant.
    Merci, monsieur Szabo.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, comme vous le savez, je comparais aujourd'hui à la demande du comité et je ne suis pas certaine de pouvoir vous aider dans vos délibérations. Vous avez reçu copie de mon curriculum vitae, mais on n'y décrit pas le travail que j'ai effectué dans l'affaire Schreiber-Mulroney-Airbus que vous examinez actuellement. Je pense qu'il serait utile de vous résumer brièvement ce que j'ai fait à cet égard et les raisons qui m'ont poussée à le faire.
    J'ai commencé à couvrir la politique fédérale au milieu des années 1980, quand le Ottawa Citizen, où j'ai travaillé pendant six ans, a créé une petite unité d'enquête et que Paddy Sherman, qui était l'éditeur du journal à l'époque, m'a demandé d'en faire partie. C'était parce que j'avais publié en exclusivité l'histoire des nominations de favoritisme faites à la dernière minute par John Turner après que M. Pierre Trudeau ait quitté le pouvoir en 1984.
    J'ai donc couvert le nouveau gouvernement conservateur pour le Citizen jusqu'en 1986, date à laquelle je suis passée au journal The Globe and Mail de Toronto à titre de chroniqueuse et de journaliste sur la scène nationale.
    Après avoir vécu à Ottawa pendant plusieurs années, je connaissais beaucoup de gens ici dans tous les milieux, et Phyllis Bruce, qui est originaire d'Ottawa et qui était alors éditrice chez Key Porter Books de Toronto, m'a demandé d'écrire un guide de la vie politique à Ottawa vue de l'intérieur. Le résultat a été Ottawa Inside Out publié en 1989, livre qui documente entre autres choses la montée des cabinets de lobbyistes de la ville, en particulier celui de Frank Moores, appelé Government Consultants International et connu sous le sigle GCI.
    À cette époque — enfin, pas en 1989, bien avant cela — je commençais à entendre de nombreuses rumeurs selon lesquelles Moores, qui était membre du conseil d'Air Canada, faisait du lobbying au nom d'Airbus en vue de l'achat par Air Canada de nouveaux appareils de transport de voyageurs.
    J'ai également écrit un grand article sur ce cabinet pour le Report on Business Magazine du journal The Global and Mail, mais je n'ai pas réussi, à ce moment-là, à confirmer que Moores et ses associés travaillaient pour Airbus. Après la publication de l'article, j'ai reçu une intéressante lettre dans laquelle on disait que Moores s'apprêtait à faire une fortune grâce à ce contrat. Je n'ai toujours pas la moindre idée de l'identité de l'auteur de cette lettre. Ce tuyau est reproduit sur mon site Web.
    Au cours des années suivantes, comme vous le verrez en lisant mon CV, j'ai travaillé pour l'émission The Fifth Estate du réseau CBC, pour le journal The Globe and Mail et pour le magazine Maclean's. Toutes ces publications m'ont demandé des articles sur la politique et le gouvernement conservateur, bien que j'aie également écrit beaucoup d'autres articles sur d'autres sujets.
    En 1992, j'ai travaillé pour la maison d'édition Macfarlane Walter and Ross à la rédaction de l'ouvrage On the Take, après quoi je suis retournée chez Maclean's, où j'étais collaboratrice à la rédaction.
    En 1994, je continuais d'entendre des rumeurs selon lesquelles d'importantes sommes et des commissions secrètes avaient été payées par des entreprises allemandes pour obtenir des contrats fédéraux au Canada. Parmi les compagnies visées par ces rumeurs, il y avait évidemment Thyssen, Airbus Industrie, et aussi MBB, Messerschmitt-Bölkow-Blohm. Le nom associé à ces transactions et rumeurs était celui de Karlheinz Schreiber. J'ai décidé d'essayer d'établir si des commissions secrètes avaient bel et bien été versées et, dans l'affirmative, qui avait reçu l'argent.
    Mon éditeur, Macfarlane Walter and Ross, était intéressé à publier un livre sur ce sujet et j'ai décidé que les réponses à nos questions se trouvaient peut-être en Europe. Mes recherches m'ont conduit à Giorgio Pelossi et plusieurs autres personnes en Allemagne et en Suisse en 1995. Je réfléchis à cette date de 1995... Je m'excuse, je n'ai pas vérifié avant de venir, mais c'était peut-être en 1996.
    Cela m'a également amenée à l'histoire de Bruce Verchere, l'avocat fiscaliste de Brian Mulroney et l'homme qui a géré sa fiducie sans droit de regard quand M. Mulroney était au Parlement.
    Le résultat de tout cela a été une histoire de fraude, de mariage et de célébrités internationales. Macfarlane Walter and Ross a publié le livre en 1998. Il était intitulé Blue Trust.
    Mes éditeurs et moi-même avions l'impression que j'étais de plus en plus proche de résoudre le mystère Airbus et, en 1999, nous avons décidé de faire un livre sur le sujet. Après l'arrestation de Karlheinz Schreiber à Toronto plus tard cette année-là, j'ai commencé à travailler à ce projet à plein temps. J'ai invité Harvey Cashore, qui était producteur à l'émission The Fifth Estate, à partager le projet avec moi, parce qu'il s'intéressait à l'histoire tout autant que moi. Plusieurs mois après que j'aie commencé à y travailler, il s'est joint à moi à titre de partenaire officiel dans la rédaction du livre.
    Macfarlane Walter and Ross étaient de nouveau mes éditeurs et j'ai travaillé à ce livre jusqu'en 2001. Il a été publié au printemps de cette année-là. Il était intitulé The Last Amigo. On peut trouver en ligne, sur le site Web du réseau CBC, certains éléments de recherche que nous avons réunis pour ce livre, ainsi qu'une excellente chronologie des événements. On trouvera aussi sur mon propre site Web quelques renseignements sur The Last Amigo.
    Rien de ce qui a été écrit dans ces livres n'a jamais été contesté devant les tribunaux.
     En conclusion, j'ajoute que je n'ai eu aucune nouvelle information depuis la publication de ces livres. Je travaille assidûment à deux livres sur l'affaire des meurtres en série commis par Robert Pickton en Colombie-Britannique. Je dépose ici les quatre livres que j'ai mentionnés aujourd'hui, ainsi que la transcription des entrevues que j'ai réalisées avec François Martin pour On the Take, de même que les notes manuscrites que j'ai prises à cette occasion.

  (1535)  

    Si vous me permettez une observation personnelle, j'aime beaucoup François Martin. Je le tiens en grande estime et je suis très mal à l'aise de vous remettre les notes de nos entrevues. Mais je pense que vous comprendrez tous pourquoi je me suis sentie obligée de le faire et pourquoi je me suis sentie obligée de vous remettre aussi les notes manuscrites, pour que vous puissiez voir d'où est tiré le compte rendu.
    Merci.

  (1540)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer aux questions des membres du comité et l'on verra où cela va nous mener.
    Je donne d'abord la parole à M. Dhaliwal.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, madame Cameron, et je vous souhaite une joyeuse Saint-Valentin.
    Vous avez dit que vous avez commencé au milieu des années 1980. Quand avez-vous rencontré Karlheinz Schreiber pour la première fois? En quelle année était-ce?
    Monsieur Dhaliwal, je ne l'ai jamais rencontré, sauf à l'extérieur d'une salle de tribunal quand il a été arrêté en... Enfin, c'était peut-être à l'occasion de son audience de cautionnement. Je ne l'ai rencontré qu'une seule fois à l'extérieur d'une salle de tribunal.
     Bien.
    Vous avez affirmé qu'un collecteur de fonds conservateur s'est vu offrir un siège au Sénat par M. Guy Charbonneau en échange d'un don de 100 000 $ versés au compte numéro 830 au Montreal Trust et que ce collecteur de fonds a décliné l'offre. De qui s'agissait-il?
    Vous voulez parler du collecteur de fonds à qui l'on avait demandé de payer pour obtenir un siège au Sénat?
    Oui, c'est exact.
    Il m'a donné son...
    Madame Cameron, cette question me pose également quelques difficultés. Je vais demander à M. Dhaliwal, avant d'aller plus loin, de bien vouloir m'expliquer brièvement en quoi sa question est pertinente à l'affaire qui nous occupe.
    Monsieur le président, je vais tenter d'établir par mes prochaines questions si cet argent a été transféré au Fonds PC du Canada. J'essaie d'établir un lien avec ce compte.
    Je déclare cette question irrecevable.
    Pouvez-vous passer à votre question suivante, s'il vous plaît?
    Je vais le faire. Merci monsieur le président.
    Vous jugez donc irrecevable le nom de cette personne?
    Pourriez-vous changer de sujet?
    Avez-vous déjà entendu parler du compte 830?
    Oui, monsieur Dhaliwal. J'en ai beaucoup entendu parler de la part d'un collecteur de fonds du Parti conservateur en Nouvelle-Écosse.
    Ce compte avait-il un lien direct avec le Fonds PC du Canada ou avec l'ancien premier ministre Mulroney?
    Non. D'après ce que je sais de ce compte, il n'avait rien à voir avec le Fonds PC du Canada. C'était un compte personnel pour M. Mulroney.
    Dans votre livre Blue Trust, que vous avez déjà mentionné, vous évoquez feu M. Verchere, l'ancien avocat fiscaliste du premier ministre Mulroney, qui s'est tragiquement suicidé. M. Verchere a travaillé comme avocat pour la Société de banque suisse, la même banque où M. Schreiber et M. Moores avaient des comptes connexes, et il a également été membre de son conseil d'administration.
    Dans ce livre intitulé Blue Trust, vous lassez entendre que M. Verchere, Bernard Roy, David Angus et Fred Doucet étaient tous très au courant du complément salarial versé comptant à l'ancien premier ministre Mulroney. Est-ce que vous maintenez cette version?
    Je dirais que oui, avec une réserve. Je n'ai pas vérifié ce renseignement dans Blue Trust. Il me faudrait vraiment vérifier pour confirmer ce que vous dites, parce que je ne suis pas certaine de bien comprendre ce que vous me demandez.
    Vous avez dit ou avez laissé entendre cela.
    Je vais passer à la question suivante.
    Savez-vous si M. Verchere a déjà conseillé M. Schreiber pour l'établissement de l'un ou l'autre de ses comptes en banque suisses?
    Non, je l'ignore, monsieur Dhaliwal.
    Je vais maintenant vous demander si vous savez si M. Verchere a déjà conseillé Frank Moores sur l'ouverture des comptes en banque suisses.

  (1545)  

    Non, je ne le sais pas.
    M. Verchere était l'administrateur de la banque suisse. Le compte établi par l'ancien premier ministre Mulroney s'est retrouvé à la même banque où M. Schreiber et M. Moores avaient fait ces transferts. Pensez-vous qu'ils étaient associés?
    Vous avez raison de dire que M. Verchere était membre du conseil de la Société de banque suisse. Et vous avez raison de dire qu'il était le fiscaliste de M. Mulroney et qu'il s'occupait de sa fiducie sans droit de regard. Les transactions bancaires personnelles de M. Verchere et l'argent dont il s'occupait étaient généralement confiés à Pictet ou Darier Hench, deux autres banques situées à Genève.
    Savez-vous si la Société de banque suisse a déjà demandé à GCI, à Frank Moores ou à Fred Doucet de faire des démarches au sujet de possibles transactions d'affaires au Canada?
    Non, monsieur.
    Savez-vous si M. Verchere l'a fait?
    Non, je ne le sais pas. C'est-à-dire, voudriez-vous me reposer la question?
    Est-ce que M. Verchere a déjà demandé à GCI, à Frank Moores ou à Fred Doucet de faire des démarches au sujet de possibles transactions d'affaires au Canada?
    Je n'ai jamais entendu cela.
    Merci.
    Durant les années qui se sont écoulées depuis la publication de Blue Trust, avez-vous obtenu d'autres informations? Vous avez dit que non, mais je songe précisément à des renseignements relatifs à M. Verchere qui seraient pertinents au mandat de notre comité.
    Ma réponse sera brève: c'est non.
    Merci.

[Français]

    Madame Lavallée, vous avez la parole.
    Merci, madame Cameron, d'avoir accepté notre invitation.
    Dans l'introduction de votre livre intitulé The Last Amigo, vous dites que la question centrale est de savoir où est allé l'argent.

[Traduction]

    Où l'argent est-il allé?

[Français]

    Vous dites que c'est la question centrale, en parlant des commissions secrètes d'Airbus. On sait que 10 millions de dollars sont allés à des Européens et que les autres 10 millions de dollars seraient venus de politiciens canadiens. Avez-vous répondu à cette question? Savez-vous où est allé l'argent?

[Traduction]

    Oui, madame Lavallée, je sais où est allé une grande partie de l'argent. Je n'essaie pas de jouer au plus fin, mais tout est dans ce livre. J'ai suivi l'argent à la trace. Je pense que c'était un peu plus de 10 millions de dollars de chaque côté. Mais c'était la somme au complet pour ces paiements, ces commissions secrètes, pour toute la période pour laquelle Harvey Cashore et moi avons recuelli l'information. Cela a pris fin vers... Vous savez, il faudrait que je vérifie la date.

[Français]

    Votre livre n'est pas facile à trouver en librairie. À l'intention des gens qui nous écoutent actuellement, pourriez-vous dire ici où est allé l'argent? Quels sont les politiciens canadiens qui ont reçu de l'argent? Combien? Et pourquoi?

[Traduction]

    L'argent a suivi un cheminement compliqué, il n'y a aucun doute là-dessus. Il me faudrait probablement tout le reste de la réunion pour vous l'expliquer. Il n'y avait aucun politicien en exercice, que je sache. M. Moores avait été en politique et il dirait qu'il était payé pour ce travail. Fred Doucet a reçu beaucoup d'argent, mais après avoir quitté son emploi au cabinet du premier ministre Mulroney, il travaillait pour un cabinet de lobbying.
    L'argent a été divisé entre Européens et Canadiens. Les Canadiens qui en ont reçu étaient Gerry Doucet, Fred Doucet, Gary Ouellet et Frank Moores. Si ma mémoire est bonne, quelques autres personnes en ont reçu également. Une partie de l'argent — je crois que M. Pelossi vous l'a peut-être dit ce matin — est allé à ces gens-là.

  (1550)  

[Français]

    D'après vos recherches, Brian Mulroney a-t-il reçu de l'argent directement ou indirectement?

[Traduction]

    Eh bien, après qu'Harvey et moi-même avons terminé ce livre et qu'il a été publié en 2001, tout ce que nous savions, c'était ce que votre comité sait maintenant. Nous savions que les notes de M. Schreiber et les comptes en banque que nous avions montraient que de l'argent avait été versé au compte Britan, au montant de 500 000 $. Et nos documents indiquaient les réunions qui avaient été organisées entre les hommes, et dont vous êtes tous au courant, et les retraits totalisant 300 000 $ en quatre parties: 100 000 $, 100 000 $, 50 000 $, 50 000 $, et ensuite il restait encore 200 000 $ dans le compte. Nous avons suivi cette histoire jusqu'en 2001.

[Français]

    Je vous pose la question à nouveau. Avant 1993, croyez-vous que Brian Mulroney ait reçu de l'argent de façon directe ou indirecte?

[Traduction]

    Madame Lavallée, je ne le savais pas. J'avais entendu les rumeurs. Mon travail était d'essayer de découvrir ce qu'il était advenu de l'argent, pas nécessairement l'argent qui avait été versé à M. Mulroney en particulier, mais ce qu'il était advenu de l'argent. Comme je l'ai dit, j'ai suivi l'histoire jusqu'à ce moment-là. Nous avions ces renseignements sur les 500 000 $, les 300 000 $, etc., mais à part cela, je n'ai aucun élément de preuve.

[Français]

    Croyez-vous que l'argent qu'a reçu Brian Mulroney, les 300 000 $, les 225 000 $ ou les 250 000 $ — on ne sait plus exactement quel était le montant —, avait pour but de le remercier des services rendus auparavant, ou si M. Schreiber a vraiment donné à M. Mulroney un mandat de représentation de Thyssen sur la scène internationale?

[Traduction]

    Madame Lavallée, je ne peux pas vous le dire. Je ne connais pas la réponse à cette question.

[Français]

    Vous avez quand même fait beaucoup de recherches. Vous êtes l'une des personnes au Canada qui ont réuni le plus d'informations. Vous êtes une spécialiste de l'affaire Airbus-Mulroney. Je comprends que vous n'ayez pas tellement envie de partager avec nous toutes vos réflexions. Il est tout de même impossible que vous n'ayez pas d'idée à ce sujet. Vous devez y avoir pensé. Pouvez-vous partager vos réflexions avec nous?

[Traduction]

    Madame Lavallée, j'y ai réfléchi. J'ai vécu cela pendant de nombreuses années. Je suis très heureuse de travailler au dossier d'un tueur en série.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Stevie Cameron: Je vous le dirais si je le savais, si j'avais une certitude absolue, mais je suis journaliste et je compose avec les faits. Comme vous l'ai dit dans mon introduction, mes travaux n'ont pas été contestés et il est donc important pour moi de vous dire que je n'ai rien de plus que ce que je vous ai dit. J'ai ce que j'ai. Je n'ai pas travaillé à ce dossier depuis 2001.
    L'équipe de CBC a fait du brillant travail pour vous donner de plus amples renseignements. C'est tout ce que je peux dire. Quant à l'argent que j'ai vu M. Schreiber... L'argent qui, nous le savons maintenant, a été donné à M. Mulroney, j'ai vu les retraits de ces comptes. J'ai vu les arrangements pour la rencontre avec M. Doucet. J'ai vu qu'il y a eu beaucoup de rencontres avec M. Doucet au fil des années — beaucoup. J'ai beaucoup d'information là-dessus, mais quant à ce que vous voulez vraiment savoir, au sujet de l'argent, j'ai ce que j'ai et rien d'autre.

[Français]

    Plusieurs personnes ont nié les informations que vous avez publiées dans vos livres. Quelqu'un vous a-t-il déjà poursuivie?

  (1555)  

[Traduction]

    Non, personne ne m'a jamais poursuivie. Personne n'a jamais intenté de poursuite contre moi.

[Français]

    Croyez-vous que tout ce que vous avez écrit est vrai et exact?

[Traduction]

    Oui, madame Lavallée, oui.

[Français]

    Croyez-vous que François Martin a deux personnalités: celle que vous avez connue et celle que nous avons connue?

[Traduction]

    Si vous lisez le compte rendu, vous verrez qu'à un moment donné, il est très troublé parce qu'il n'arrive pas à trouver du travail. Il a eu beaucoup de difficulté à trouver du travail après s'être confié publiquement. Quand il m'a donné des renseignements pour l'ouvrage On the Take, ce n'était pas la première fois que je l'interviewais. J'ai inclus dans la trousse que je vous ai remise un article que j'ai écrit pour le Globe and Mail en 1990, et il disait alors passablement la même chose.
    C'est un homme brillant, très talentueux. Je l'aime beaucoup. Je l'aime encore. Je pense que c'est un homme de bien. Je pense qu'il était terrorisé.
    Monsieur Martin, vous avez la parole.
    Merci, madame Cameron, d'être venue.
    Je voudrais d'abord vous remercier pour votre contribution à nos travaux dans l'affaire qui nous occupe. Je sais que nous avons tous lu vos livres et nous les avons tous trouvés très utiles, tout au moins comme base d'information, comme point de départ valable.
    Je sais aussi que tout cela a été très difficile pour vous au fil des années. Il existe aujourd'hui un site Web dirigé par le cabinet de relations publiques que Brian Mulroney a embauché. Quasiment en même temps que nous posons des questions, on y publie des réfutations pour essayer de vous discréditer et de vous attaquer de diverses manières. Je comprends que cela doit être stressant.
    Brian Mulroney a dit très clairement qu'il n'avait absolument rien à voir avec l'achat d'appareils Airbus ou avec le choix d'Air Canada d'acheter des produits Airbus. En dépit du fait que vous n'avez pas de preuve probante, croyez-vous, au plus profond de vous-même, qu'il y a eu ingérence politique dans le choix d'acheter des appareils Airbus plutôt que les autres avions que l'on tentait alors de vendre à Air Canada?
    Oui, monsieur Martin.
    Croyez-vous que le gouvernement du Canada aurait dû verser les 2,1 millions de dollars pour régler dans l'affaire de la poursuite pour libelle diffamatoire intentée par Brian Mulroney? Encore une fois, je vous demande votre opinion personnelle, madame Cameron, vous qui faites en quelque sorte autorité sur ce sujet.
    Je suis journaliste. Vous me demandez de rendre un jugement. À la lumière de ce que nous savons tous maintenant, je crois que ce n'était pas une décision brillante.
    Dans votre livre On The Take, vous décrivez le témoignage de l'ancienne ministre conservatrice Suzanne Blais-Grenier devant un juge de paix, relativement à une série d'allégations qui avaient été faites par Glen Kealey.
    J'ai ici la transcription des propos de Glen Kealey et votre document. Cette ancienne membre du cabinet conservateur a témoigné de l'existence d'un fonds PC secret qui venait de la ristourne clandestine et obligatoire de 5 p. 100 que l'on extorquait des entreprises qui décrochaient des contrats fédéraux. Elle a dit qu'elle avait la conviction que l'argent était acheminé vers un compte à l'étranger et elle a mentionné le Luxembourg. Je pense que l'on peut probablement supposer sans risque de se tromper qu'elle voulait dire le Liechtenstein.
    Avez-vous une opinion là-dessus?
    Je l'ai interviewée et elle était très troublée. Sa carrière politique était ruinée, comme nous le savons. Je n'ai aucune information. C'est ce qu'elle m'a dit. Je n'ai pas été en mesure de le prouver, sauf que nous savions que l'on faisait payer une ristourne sur beaucoup de contrats durant ces années-là.
    Vous avez mentionné Glen Kealy. Il en a été l'un des premiers exemples. On lui a demandé un pot-de-vin de 5 p. 100 sur un contrat qu'il avait espéré obtenir auprès du gouvernement.
    J'ai rencontré un certain nombre de personnes qui ont parlé de ce 5 p. 100, ou d'un pourcentage quelconque, sur les contrats gouvernementaux. J'ai entendu cela à maintes et maintes reprises.

  (1600)  

    Vous documentez aussi dans votre livre que dans son témoignage devant ce juge de paix de l'Ontario, elle a affirmé que l'argent, le pot-de-vin de 5 p. 100, était destiné à un fonds de retraite pour Brian Mulroney. Vous rappelez-vous qu'elle vous ait dit cela?
    Je me rappelle qu'elle m'ait dit cela, mais je ne me rappelle de rien d'autre.
    Merci.
    Au sujet de la GRC, madame Cameron, je sais que vous estimiez devoir intenter des poursuites et déposer une plainte officielle contre la GRC parce que vous estimiez avoir été menacée par un officier supérieur. Vous avez dit qu'il avait fait des déclarations dommageables à votre sujet et avait entaché votre réputation, puis, tout à coup, vous avez fait volte-face et retiré l'une des principales accusations, à savoir que vous aviez rencontré 686 fois des gens de la GRC, alors qu'en réalité, ce n'était qu'une poignée de fois. Manifestement, vous avez beaucoup réfléchi à tout cela, mais à quoi attribuez-vous cette désinformation? Pourquoi la GRC a-t-elle causé tellement de tort à votre réputation et à votre carrière?
    C'est une question intéressante et difficile. Je pense qu'ils étaient inquiets en constatant que tout ce qu'il leur restait, dans leur dossier sur les commissions secrètes dans l'affaire Airbus-Thyssen-MBB, c'était de porter des accusations contre MBB. Aucune accusation n'a été portée contre Thyssen ni contre Airbus ni contre aucun Canadien. Des accusations ont été portées contre deux Allemands qui étaient des employés de MBB, et aussi contre la compagnie, mais c'était la dernière miette qui restait de cette gigantesque enquête. Et un mandat de perquisition obtenu grâce à un informateur. Je pense qu'ils s'imaginaient que si l'informateur...
    Je ne le savais pas. J'ai appris des années plus tard que c'était moi l'informateur et, dès que je l'ai appris, j'ai rejeté officiellement le petit cadeau qu'ils m'avaient donné...
    Le statut d'informateur.
    ... le statut d'informateur.
    Il m'a menacé — le surintendant Allan Matthews, qui était chargé de cette enquête — parce qu'il a vu que leur preuve s'effondrerait si l'informateur disait que ce n'était pas vrai, et ce qu'il a dit à mon sujet n'était pas vrai.
    Croyez-vous que la GRC a laissé tomber l'affaire trop soudainement? Croyez-vous que cela avait quelque chose à voir avec l'obligation de présenter des excuses à Brian Mulroney? Croyez-vous que la GRC devrait rouvrir l'enquête pour aller au fond de l'affaire, au nom des Canadiens?
    Je dois vous dire la vérité, monsieur Martin: je ne crois pas que la GRC pourrait aller au fond des choses.
    Qu'est-ce qui le pourrait — une enquête publique, une commission royale?
    Ce n'est pas à moi de le dire. J'en reviens à ma déclaration: je suis journaliste. Mais je sais que, à mes propres fins, pour mon propre... Je ne m'y connais pas beaucoup quand il s'agit de camoufler et de blanchir de l'argent, et je m'adresse donc aux experts. Or j'ai un expert remarquable qui m'a aidé durant la rédaction de ce livre, et j'avais un merveilleux expert qui m'a aussi aidé, dans une certaine mesure, pour On the Take. Ce sont des gens qui, eux, comprennent comment l'argent circule et quel chemin détourné il parcourt. Je ne crois pas que la GRC avait l'avantage de pouvoir compter sur un expert du même calibre que celui qui me conseillait. L'homme qui m'a aidé dans cette affaire...
    Vous dites que la GRC, après huit ans d'enquête, n'avait pas la capacité, les compétences ou l'expertise voulues pour mener à bien cette enquête?
    Je ne le crois pas.
    C'est troublant.
    Je n'ai aucune objection à vous dire qui m'a aidé à démêler tout cela. Je l'ai remercié dans l'introduction. C'est un Canadien appelé Hans Marschdorf. M. Marschdorf est un juricomptable. Il avait son propre cabinet en Allemagne. Il est allemand. Il a quitté ce cabinet pour devenir associé directeur chez Price Waterhouse à Zurich. Il a travaillé à Zurich avec mon très vieil ami Bob Lindquist, l'homme qui est généralement reconnu comme l'inventeur de la profession de juricomptable. Bob Lindquist a fondé son propre cabinet à Toronto et m'a aidée à un certain nombre de reprises dans divers dossiers. Il était amusant. Nous avons toujours eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble, et...
    Merci. Je vais devoir vous interrompre.
    Nous passons maintenant à M. Hiebert.
    Merci, monsieur le président; et merci à vous, madame Cameron, de témoigner devant nous aujourd'hui.
    Je voudrais nous ramener au sujet de notre étude. Pour commencer, je voudrais m'attarder à votre participation dans l'envoi de la lettre rogatoire aux autorités suisses qui a débouché sur le règlement de 2,1 millions de dollars que les Canadiens ont été obligés de payer.
    Vous savez sans nul doute que le 25 février 2004, un journaliste nommé Kirk Makin a écrit un article dans le Globe and Mail, dans lequel on vous identifiait comme l'informatrice de la GRC. Vous avez fait quelques observations au sujet de votre statut d'informateur. Je ne veux vraiment pas lancer un débat sur la question de savoir si vous étiez un informateur en bonne et due forme ou bien une source occasionnelle. Je veux seulement savoir si vous avez fourni des renseignements à la GRC.

  (1605)  

    Oui, je l'ai fait.
    Très bien. Quand cela a-t-il commencé?
    La GRC est venue me voir en janvier 1995. Ils ont communiqué avec tous les journalistes qui ont travaillé à l'affaire Airbus et j'étais l'une des personnes qu'ils sont allés voir.
    Combien de fois avez-vous rencontré quelqu'un de la GRC durant les années qui se sont écoulées depuis 1995?
    Trois ou quatre fois.
    Je dois vous dire, monsieur Hiebert, que l'homme qui était chargé de l'enquête de la GRC était également, à cette époque, l'agent de presse de la GRC, la personne chargée de traiter avec les médias au sujet de cette affaire. Nous passions donc tous par lui parce que l'on nous avait dit de nous adresser à lui.
    Donc, au cours des 13 dernières années, vous avez rencontré environ trois ou quatre fois quelqu'un de la GRC.
    Je ne peux pas vous dire le chiffre exact, mais cela peut se compter sur les doigts d'une main.
    Était-ce plus de six fois?
    Je ne peux pas vous le dire. Ce ne peut être plus que six fois, je ne crois pas.
    Qui avez-vous rencontré?
    J'ai rencontré Fraser Fiegenwald. Je ne me rappelle pas avec qui il était. Il était accompagné d'un autre agent. Je crois que c'était en janvier 1995.
    Il est la seule personne que vous ayez rencontrée en ces cinq ou six occasions?
    Non. Sur un sujet légèrement différent, mais associé à cet homme, j'ai rencontré deux agents de la GRC quand il y a eu une enquête sur l'éthique des agissements de M. Fiegenwald.
    D'accord, mais pour tout ce qui touche à Airbus, au scandale n'ayant pas à voir avec la GRC, vous n'avez rencontré que M. Fiegenwald?
    Non, il était habituellement accompagné d'un autre agent. Ils se déplaçaient en équipe pour venir nous rencontrer tous. Et je ne me rappelle pas du nom de l'homme qui l'accompagnait.
    Bien, ce sont donc les deux seuls.
    Je veux savoir ce qui vous a poussée à le faire. Pourquoi avez-vous décidé de fournir des renseignements à la GRC?
    Je voulais des renseignements de la GRC. Quand on est journaliste et que l'on croit que quelqu'un détient les clés d'une histoire, on va à la source. Il était le porte-parole pour les médias et nous le harcelions tous constamment. Les renseignements que je lui ai transmis étaient du domaine public.
    C'était donc donnant-donnant. Vous me donnez des renseignements et je vous en donne en retour.
    C'est un point intéressant que vous soulevez. C'est ce que la GRC m'avait invitée à faire et je leur avait répondu que je ne travaillais pas de cette manière. Il n'était pas question de donnant-donnant.
    Vous leur fournissiez donc l'information de votre propre gré, sans rien obtenir en retour.
    Eh bien, je les interrogeais moi aussi. Ce n'était pas à sens unique. Mais je précise que ce que je leur donnais, c'était des articles de journaux, des coupures de journaux.
    D'accord.
    Quelle preuve précise d'acte répréhensible avez-vous remise à la GRC?
    Je ne pense pas leur avoir donné la moindre preuve d'acte répréhensible.
    Quels renseignements leur avez-vous donnés?
    Eh bien, c'était en 1995, cela fait longtemps. Quand ils sont venus me voir, je n'avais absolument aucun dossier. Je n'avais même pas la moindre coupure de journal. Je les avais donnés à un autre journaliste qui travaillait à cette histoire parce que je travaillais à ce moment-là à quelque chose d'autre.
    Mais que leur avez-vous dit? Vous avez eu quatre ou cinq, peut-être six rencontres. Combien de temps duraient ces rencontres?
    Je pense qu'elles duraient probablement entre une demi-heure et une heure.
    Bon, alors vous leur avez donc parlé pendant quatre à six heures. Que leur avez-vous dit?
    Je leur ai dit qu'il y avait un article intéressant dans le magazine Alberta Report. J'ai oublié le nom du journaliste qui l'a écrit, mais il avait publié un article fort intéressant sur toutes les compagnies de l'Alberta que M. Schreiber dirigeait au nom de Franz Josef Strauss, et je pense lui avoir probablement dit qu'il devrait jeter un coup d'oeil de ce côté-là. C'est un exemple d'une question dont nous avons parlé brièvement. Je vous le répète, monsieur Hiebert, tout cela était du domaine public; c'était dans un magazine.

  (1610)  

    J'essaie de comprendre quels renseignements vous avez communiqués à la GRC. À part les compagnies de l'Alberta, de quoi d'autre avez-vous parlé durant ces rencontres?
    Je pense que je leur ai donné des coupures de journaux allemands, parce que je suivais ce dossier.
    Aviez-vous d'autres renseignements indirects non tirés des médias, à part l'Alberta Report ou des sources journalistiques?
    Je ne le pense pas, monsieur Hiebert.
    Vous n'aviez donc aucune information, à part ce qui était du domaine public?
    Je faisais très attention dans cette démarche. Je suivais les instructions de mes patrons à la rédaction et de mon avocat. Je ne faisais pas cela à la légère.
    Je repose ma question: vous n'avez communiqué à la GRC aucun renseignement qui n'était pas du domaine public?
    Pas que je me rappelle. N'oubliez pas que c'était il y a longtemps, et je n'ai pas beaucoup réfléchi à tout cela. Non, pas que je me souvienne.
    Donc, tout ce qu'ils auraient appris de vous, ils auraient pu l'apprendre en lisant ces journaux allemands ou en lisant des périodiques ici au Canada?
    Oui, monsieur.
    Une fois, je me rappelle que — c'était très drôle — Fraser Fiegenwald m'a téléphoné et m'a demandé si je connaissais la date de naissance de M. Mulroney. Je lui ai dit qu'il n'avait qu'à vérifier dans le Guide parlementaire canadien.
    Avez-vous déjà rencontré un fonctionnaire du ministère de la Justice?
    Non.
    Connaissez-vous le nom « Ingrid Hutton »?
    Oui. Non. Oui... Est-elle de l'Alberta?
    Elle est avocate au ministère de la Justice, ou du moins elle l'était à l'époque. Apparemment, d'après un affidavit de la GRC, vous l'avez rencontrée, je crois que c'était le 20 mars 2001.
    Non, je n'ai jamais rencontré Ingrid Hutton.
    Vous ne l'avez jamais rencontrée. Donc l'affidavit est inexact.
    Si l'on dit dans l'affidavit que j'ai rencontré Ingrid Hutton... L'affidavit est absolument exact, mais je vous ai déjà dit que l'affidavit est rempli d'erreurs.
    Très bien.
    Merci, monsieur Hiebert.
    Nous avons terminé un premier tour et nous en ferons un deuxième.
    Je trouve un peu préoccupant que les députés vous demandent votre opinion générale, au lieu de vous interroger sur votre connaissance des faits ou des propos attribués à des gens. Je pense que nous devrions tous poser des questions plus pointues pour essayer de découvrir des faits nouveaux. Nous allons prendre pour acquis que les livres... Ils sont du domaine public.
    Je pourrais peut-être vous demander simplement si, depuis le début de nos audiences et depuis que votre nom est associé à cette affaire et que vous êtes désignée comme l'un des témoins potentiels — en fait, vous êtes l'un des dix témoins autres que les deux principaux intéressés — si quelqu'un a communiqué avec vous et vous a offert des renseignements ou vous a fait une déclaration quelconque susceptible d'influencer votre témoignage devant notre comité.
    Non, monsieur.
    Très bien.
    Je donne la parole à M. Hubbard.
    Merci, monsieur le président.
    Madame, nous savons que vous avez écrit des livres. Vous avez accusé des gens d'avoir quelque chose à voir avec de l'argent, beaucoup d'argent, de l'argent qui est allé quelque part, et vous dites qu'à ce jour, personne n'a jamais intenté la moindre poursuite juridique contre vous relativement à vos déclarations ou à vos écrits. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Nous avons des noms comme Verchere, les deux Doucet, Ouellet, Alford. Ce sont tous là des gens que vous connaissez parce que leur nom revenait souvent dans votre travail d'enquête.
    Oui, monsieur.
    Durant votre enquête, avez-vous eu connaissance d'un projet dans les Caraïbes appelé le projet Lord ou Lady Grey's?
    Je n'ai jamais entendu ce nom, monsieur.
    Vous n'avez jamais entendu ce nom ni entendu parler d'argent qui était acheminé là-bas.
    Nous avons été étonnés par le témoignage de certaines personnes que nous avons entendues devant le comité. Je pense que vous avez constaté durant votre enquête que certains d'entre eux étaient très évasifs au sujet de l'argent. Prenons par exemple Sam Wakim. C'est quelqu'un qui était en cause, qui a été interrogé à titre d'associé de Mulroney, et il semble nier bien des choses quant à la destination de l'argent et à la création de fonds spéciaux. D'autres, apparemment, se sont montrés tout aussi évasifs. Mais de plus en plus, nous apprenons qu'il y avait de l'argent ici et là.
    Les témoignages que vous avez vus à notre comité jusqu'à maintenant, avez-vous eu de la difficulté à les trouver véridiques et francs, à la lumière des enquêtes que vous avez faites?

  (1615)  

    J'espère que vous comprendrez que je n'ai pas été en mesure de suivre toutes vos audiences. Je n'ai pas entendu... J'ai essayé de les suivre, mais j'en ai raté quelques-unes, parce que je travaillais en Colombie-Britannique à un autre livre, comme vous le savez. Je m'étonne des souvenirs de certaines personnes, mais il faut dire que moi non plus, je ne me rappelle pas de tout, comme vous pouvez le constater.
    Vous diriez donc que certains témoins, par défaut de mémoire ou quoi que ce soit, étaient évasifs ou quelque peu trompeurs dans leur témoignage devant notre comité.
    Je ne crois pas que je vais exprimer une opinion là-dessus, monsieur. Je pense que les membres du comité ici présents seraient probablement mieux placés pour répondre à cette question.
    Vous avez parlé tout à l'heure de 300 000 $ répartis en des montants différents de ceux que nous avons entendus devant le comité. Vous avez parlé de 100 000 $, 100 000 $, 50 000 $ et 50 000 $. Avez-vous de plus amples renseignements là-dessus? Était-ce tiré du compte Bear Head?
    En fait, cela se trouve dans l'un des livres que je dépose. Je prenais des notes ce matin et hier pour essayer de me rappeler de tout, mais je n'y suis pas parvenue. Les 500 000 $ ont été transférés par M. Schreiber dans le compte Britan. Je pense que vous le savez.
    Quand M. Doucet et M. Schreiber se sont mis d'accord et ont organisé des rencontres entre M. Schreiber et M. Mulroney, nous avons constaté que 100 000 $ ont été retirés en une occasion — je suppose que c'était la rencontre à Mirabel — et l'autre 100 000 $ a été retiré. Je ne me rappelle pas si les deux retraits de 50 000 $ ont été additionnés pour donner le troisième montant de 100 000 $ ou comment s'établit la chronologie. Mais c'est ce que nous avons constaté.
    Avez-vous des renseignements sur la rencontre tenue au lac Harrington qui, d'après M. Schreiber, a été organisée par Fred Doucet? Avez-vous quelque chose à nous dire là-dessus?
    Apparemment, M. Doucet nie avoir arrangé cette rencontre.
    Si je reviens à ce que Harvey et moi-même avions à ce moment-là, nous n'avions pas la confirmation par M. Mulroney que ces rencontres avaient bel et bien eu lieu. Ce que nous avons dit à cette époque, en 2001, c'est que les entrées dans le journal témoignaient de la présence de M. Doucet à cette date, puis on y voyait le retrait de l'argent — vous savez, je parle du journal de M. Schreiber — et ensuite on a établi une correspondance chronologique avec ces rencontres qui ont été organisées.
    Nous avons donc supposé que le compte Britan avait été établi et qu'on y avait versé 500 000 $ et, en ces occasions, quand tout donnait à penser que M. Doucet organisait des rencontres avec M. Mulroney, l'argent a été transféré. Mais en 2001, nous n'avions pas obtenu confirmation de M. Schreiber ni de M. Mulroney que tel était bien ce qui s'était passé.
    Merci.
    Monsieur Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Cameron, sprechen sie Deutsch?
    Nein.
    Lisez-vous l'allemand?
    C'est intéressant; j'ai déjà parlé allemand et j'ai déjà lu l'allemand, parce que je suis allée à l'école à Zurich quand j'étais jeune et j'ai vécu à Zurich. Mais pour éplucher les documents allemands, j'ai eu recours aux services d'un traducteur. Mais c'était extraordinaire: après un bout de temps, j'ai constaté que je parvenais à m'y retrouver dans ces documents.
    Vous avez donc obtenu l'aide de quelqu'un pour trouver ces documents allemands?
    Nous avons demandé à quelqu'un de nous aider à traduire ces documents allemands.
    Je trouve fascinant que vous ayez rencontré des gens de la GRC pendant quatre à six heures et que tout ce dont vous ayez parlé, c'était des coupures de journaux.
    Eh bien, monsieur Hiebert, ce n'est pas aussi intéressant et fascinant que vous le croyez. C'était en 1995 et aucun d'entre nous ne savait quoi que ce soit au sujet de cette affaire. C'est seulement quand j'ai rencontré M. Pelossi... qui a été très utile. Je suis allée le voir, je suis allée voir des gens en Allemagne.
    C'était longtemps après que j'ai eu ces brèves rencontres avec la GRC.
    D'accord.
    Vous nous avez dit que vous avez commencé à rencontrer quelqu'un de la GRC, plus précisément M. Fiegenwald, en janvier 1995; je crois que c'est ce que vous avez dit.
    C'est bien cela.
    Nous savons aussi que M. Fiegenwald est l'auteur de plusieurs ébauches de la lettre rogatoire envoyée aux autorités suisses par Kimberly Prost, avocate au ministère de la Justice. Avez-vous vu une copie de cette lettre avant qu'elle soit envoyée?

  (1620)  

    Je ne pense pas l'avoir vue depuis qu'elle a été envoyée. Je ne pense pas l'avoir jamais vue.
    M. Fiegenwald ne vous l'a jamais montrée?
    Absolument pas.
    Est-ce que des renseignements que vous lui avez communiqués se sont retrouvés dans cette lettre?
    Non, monsieur.
    D'accord.
    Savez-vous qui, à part M. Fiegenwald, a participé à la rédaction de cette lettre?
    Je pensais que Mme Prost avait rédigé la lettre, mais en fait je n'en sais rien.
    Savez-vous qui a provoqué la fuite de la lettre?
    Je pense avoir écrit à ce sujet, monsieur Hiebert.
    Peut-être pourriez-vous me le dire. Je n'ai pas lu vos livres.
    Vous allez vous régaler.
    Je crois que j'ai dit — probablement dans celui-ci — que c'est l'équipe de M. Mulroney qui a communiqué la teneur de la lettre à Philip Mathias.
    J'espérais obtenir copie de la lettre. J'espérais la publier en exclusivité pour Maclean's. J'ai travaillé très très fort. Je me rappelle comme si c'était hier des réunions dans la salle de rédaction de Maclean's avec les avocats et le rédacteur en chef Bob Lewis et les autres qui disaient: « Allez-y, téléphonez encore à M. Fiegenwald et demandez-lui de confirmer ».
    L'affaire avait déjà éclaté au grand jour. Vous savez que cela avait déjà été rendu public à Berne, en Suisse. Un journaliste suisse avait publié l'histoire. Mais les Canadiens avaient tellement peur de l'imprimer, à moins que nous n'obtenions des preuves.
    L'histoire était que M. Mulroney faisait l'objet d'une enquête. Il n'y avait rien de plus.
    Avez-vous des preuves sur l'identité de...? Vous avez dit que l'« équipe » de Brian Mulroney a provoqué la fuite de la lettre. En avez-vous des preuves?
    M. Lavoie a pris la parole à une activité de relations publiques et il a parlé des stratégies utilisées pour les dossiers difficiles, des mauvaises nouvelles, etc. Sa stratégie consiste toujours à prendre de l'avance sur ce qui est publié — je pense que c'est probablement une stratégie éprouvée en relations publiques. Je ne sais pas.
    Vous avez donc une preuve de ces rencontres.
    Eh bien, il a prononcé un discours là-dessus et j'ai fait un article sur la question.
    Avez-vous jamais reçu copie de la lettre rogatoire?
    Non.
    Eh bien, je crois savoir que par la suite, M. Fiegenwald a été congédié pour vous avoir transmis une copie de la lettre.
    Ce n'est pas vrai.
    Pourquoi a-t-il été congédié?
    Je ne crois pas qu'il ait été congédié.
    Chose certaine, je crois que sa position était devenue inconfortable, mais il a fait l'objet de deux enquêtes de déontologie et il a été blanchi les deux fois.
    Et avez-vous eu quelque chose à voir avec ces enquêtes sur sa conduite?
    Oui, monsieur, c'est un fait. Quand vous m'avez demandé combien de fois j'avais rencontré la GRC et que j'ai dit que j'avais vu M. Fiegenwald accompagné d'un autre agent à quelques reprises, les deux autres fois, il était accompagné des gens qui enquêtaient sur sa conduite — j'ai d'ailleurs écrit à ce sujet.
    Son infraction au code de conduite avait-elle quelque chose à voir avec ses rencontres avec vous?
    Non...
    En fait, il estimait qu'il avait été indiscret avec moi. Je crains qu'il n'ait pas été assez indiscret. S'il avait été un peu plus indiscret, c'est moi qui aurais publié l'histoire et pas Philip Mathias. Mais je n'avais pas suffisamment de matière pour publier.
    M. Fiegenwald est un homme honnête et je pense qu'il estimait avoir été indiscret, mais les rédacteurs chez Maclean's vous diront que ce n'était pas suffisant pour nous, que nous ne pouvions rien publier. Il a fait l'objet de deux enquêtes sur sa conduite par rapport au code de déontologie. À chaque fois, j'ai parlé à un représentant de la GRC, en présence de mon avocat, et il a été établi qu'il ne m'avait rien dit qui justifierait qu'il puisse être sanctionné ou congédié.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à monsieur Ménard, s'il vous plaît

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Cameron, avez-vous parlé à M. Martin depuis qu'il a rendu son témoignage ici?

[Traduction]

    Non, monsieur Ménard, je ne lui ai pas parlé.

[Français]

    J'ai connaissance que plusieurs journalistes, quand ils font du journalisme d'enquête, enregistrent les conversations pour s'assurer que les gens qui leur donnent des informations ne les contrediront pas plus tard.
    L'avez-vous fait, dans le cas de certaines personnes que vous avez interrogées?

[Traduction]

    J'ai enregistré toutes les interviews... J'ai demandé à tout le monde si nous pouvions les enregistrer. Dans le cas de M. Martin, il avait tellement peur qu'il ne voulait pas le faire. J'ai donc fait l'entrevue à deux avec mon adjoint de recherche, Rod Macdonell, et nous avons tous les deux pris des notes. J'essayais de faire cela en de telles occasions. Comme vous le savez, parce que je l'ai dit sur mon blog, Rod m'a également accompagnée pour interviewer David Angus, et nous l'avons tous les deux enregistré. M. Angus l'a enregistré et son avocat était présent.
    Rod Macdonell a également un diplôme en droit et il a enseigné le droit médiatique à Concordia. Je savais qu'il était la bonne personne à qui demander de m'aider à interviewer François Martin, qui refusait de se faire enregistrer.

  (1625)  

[Français]

    Alors, c'est Rod Macdonell qui était avec vous quand vous avez interrogé M. Martin?

[Traduction]

    Oui, monsieur.

[Français]

    Il a pris lui-même des notes?

[Traduction]

    Oui, il l'a fait.

[Français]

    Avez-vous pris ces notes devant M. Martin?

[Traduction]

    Oui, bien sûr.

[Français]

    Vous n'êtes pas sténographe. Je suppose donc que vous deviez résumer. Avez-vous montré ces notes à M. Martin, à la fin de l'entrevue?

[Traduction]

    Non, normalement, je ne fais pas cela. Je pense que la seule personne avec qui j'ai jamais fait cela, c'était David Angus.

[Français]

    Les notes que vous nous avez envoyées comprennent-elles uniquement vos notes ou contiennent-elles également celles de M. Macdonell?

[Traduction]

    C'est vrai, vous n'avez pas ses notes. Elles sont entreposées à Montréal et nous n'avons pas pu les obtenir assez rapidement. Par contre, il a fait le résumé que vous avez en main; c'est le premier bref résumé de toutes les observations que M. Martin a faites, mais ce que vous avez maintenant, c'est la transcription intégrale.

[Français]

    Madame Cameron, vous avez enquêté sur cette affaire pendant des années. Vous avez rencontré des dizaines de personnes à ce sujet. Avez-vous rencontré une personne corroborant les propos de M. Mulroney, qui soutient avoir fait du lobbying pour Bear Head?

[Traduction]

    L'observation de M. Mulroney selon laquelle il se faisait du lobbying pour Bear Head?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Nous avons rencontré beaucoup de gens qui ont dit qu'il se faisait du lobbying pour Bear Head, oui.

[Français]

    On me parlait en même temps. Qu'avez-vous dit?

[Traduction]

    Je pense que je vais devoir vous demander de répéter, monsieur Ménard. Est-ce que vous me demandez si...

[Français]

    Avez-vous rencontré une seule personne qui ait corroboré la prétention de M. Mulroney qu'il faisait du lobbying pour Bear Head?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Aucune, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Avez-vous regardé le témoignage de M. Pelossi ce matin?
    Non, je suis désolée. It was not on television.
    M. Pelossi reconnaît qu'IAL, qu'Airbus ne pouvait évidemment pas officiellement payer des pots-de-vin à des hommes politiques ou à d'autres personnes. Donc, elle payait une commission à IAL. M. Schreiber prenait l'argent d'IAL et le distribuait aux personnes concernées: une moitié en Allemagne et une autre au Canada. En somme, M. Schreiber donnait les pots-de-vin à la place d'Airbus, pour obtenir les contrats canadiens.
     Êtes-vous d'accord avec M. Pelossi là-dessus?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    M. Schreiber est donc un corrupteur, s'il a fait cela.

[Traduction]

    Je suis désolée, quelle est votre question?

[Français]

    Si c'était son rôle, M. Schreiber était un corrupteur.

[Traduction]

    C'est vous qui le dites, monsieur Ménard, pas moi.
    Bien, merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Cameron, il me semble vous avoir entendu dire tout à l'heure, en réponse à une question de Carole Lavallée, qu'aucun politicien en exercice n'a reçu de l'argent d'Airbus. Est-ce exact? Avez-vous fait cette déclaration?
    J'ai dit que je ne croyais pas qu'un politicien en exercice ait reçu de l'argent d'Airbus. Je ne me rappelle pas très exactement de la question que vous m'aviez posée.

  (1630)  

    En fait, c'est Mme Lavallée qui vous a posé la question.
    Croyez-vous qu'un ou des politiciens qui étaient alors en politique active ont reçu de l'argent de Bear Head?
    À ma connaissance, ceux qui ont reçu l'argent sont les gens que j'ai mentionnés. La seule personne à l'extérieur de ce groupe, si l'on parle des Canadiens, était Gayle Christie, qui était membre du conseil d'Air Canada. Les dossiers de M. Schreiber montrent qu'elle a reçu 60 000 $. Je ne lui ai pas posé la question, mais Harvey Cashore l'a fait et elle croyait que c'était pour une campagne de financement.
    Madame Cameron, notre comité est chargé d'examiner s'il y a eu de quelconques irrégularités de la part de titulaires de charges publiques dans les dossiers d'Airbus et de Bear Head. Depuis trois semaines, nous avons entendu des témoins et jusqu'à maintenant pas un seul d'entre eux n'a fourni le moindre élément de preuve indiquant qu'il y aurait eu malversation de la part d'un quelconque titulaire de charge publique.
    Nous savons que la GRC a fait enquête dans cette affaire pendant huit ans et a conclu qu'aucun titulaire de charge publique ne s'était rendu coupable de quoi que ce soit. Je vous demande maintenant si vous avez une preuve quelconque qu'un titulaire de charge publique s'est rendu coupable de quoi que ce soit dans les dossiers Bear Head ou Airbus.
    Monsieur Hiebert, je dois vous dire que je suis journaliste. Je ne suis pas juge; je ne suis pas procureure; je ne suis pas avocate. Je mets par écrit ce que je sais, et ce que je sais se trouve dans ce livre. C'est tout ce que je peux vous dire.
    Vous me dites que vous n'avez aucune preuve à offrir à notre comité d'un quelconque acte répréhensible, aucun renseignement qui n'était pas à la disposition de la GRC à l'époque.
    Monsieur Hiebert, non, ce n'est pas ce que je vous dis. Je pense que ce livre est...
    Je ne suis pas intéressé à acheter votre livre, madame Cameron.
    Vous ne pouvez pas l'acheter, de toute façon, monsieur Hiebert. Le livre n'a pas eu de succès et je pense que les invendus ont été pilonnés il y a des années. Je n'essaie pas de mousser la vente de mon livre. Je vous dis que c'est un dossier très complet jusqu'à 2001 des activités de M. Schreiber.
    The Last Amigo renvoie à M. Schreiber, et non pas à M. Mulroney. Le mot « amigo » signifie qu'il était l'un des copains de Franz Josef Strauss.
    Une personne que vous avez dit n'avoir rencontrée qu'une seule fois à l'extérieur d'une salle de tribunal.
    Oui, mais n'oubliez pas que j'ai travaillé à ce livre avec Harvey Cashore, qui a longuement interrogé M. Schreiber.
    Pour résumer, que ce soit dans votre livre ou fondé sur vos propres recherches, avez-vous un élément de preuve quelconque attestant d'un quelconque acte répréhensible par un quelconque titulaire de charge publique?
    Je dois vous dire encore une fois...
    Oui ou non.
    Ce n'est pas une question à laquelle on peut répondre par oui ou par non, monsieur Hiebert. La question est de savoir en quoi consiste mon travail. Mon travail n'est pas celui d'un juge, d'un juré, ou d'un avocat. Je suis journaliste. Je vous dis ce que j'ai trouvé.
    Je ne vous demande pas de juger qui que ce soit. Je vous demande de nous dire si vous avez des preuves de malversation.
    Je pense que mon travail se passe de commentaires. Je pense que c'est un exposé complet montrant où l'argent est allé, qui l'a reçu, combien chacun a reçu. Tout est là.
    Je conclus que la réponse est non.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mulcair.

[Français]

    Monsieur le président, je tiens à dire à Mme Cameron que tout le monde ne partage pas le point de vue plutôt sceptique que vient d'exprimer mon collègue du Parti conservateur au sujet de la valeur de son oeuvre. En effet, dans son rapport récent, David Johnston nous dit que toute la question des faits entourant l'affaire Airbus constitue du terrain déjà bien labouré. C'est son expression.
    Pour prouver que les faits concernant l'affaire Airbus sont de notoriété publique et expliquer pourquoi il va les exclure du mandat d'une éventuelle commission d'enquête, il cite les livres de Stevie Cameron. Alors, l'autorité choisie par les conservateurs pour établir le soi-disant cadre de référence d'une éventuelle commission d'enquête cite, en note infrapaginale no 4, les deux livres de Mme Cameron et les deux livres de William Kaplan en guise de preuve qu'il pour dire qu'il n'est pas nécessaire de se pencher sur l'affaire Airbus. C'est plutôt étonnant et je tenais à partager cette information avec mon collègue M. Hiebert, qui de toute évidence n'a pas encore eu l'occasion de lire le rapport de M. Johnston.
    Monsieur le président, j'adresse ma question à Mme Cameron. Y a-t-il quoi que ce soit dans ces livres qui, selon elle, peut logiquement mener à la conclusion qu'on n'a plus besoin de faire enquête dans l'affaire Airbus-Mulroney-Schreiber?

  (1635)  

[Traduction]

    Non, monsieur Mulcair.

[Français]

    C'est bien notre avis aussi, monsieur le président.
    Elle nous a expliqué tout à l'heure avoir travaillé avec Rod Macdonell, un journaliste que j'ai eu le plaisir de connaître et qui est, tout comme Mme Cameron, considéré comme un journaliste d'enquête extraordinaire. J'ai été surpris d'apprendre — parce que je ne le savais pas avant de venir ici aujourd'hui — que les notes qu'elle a déposées devant ce comité — qui devront sans doute être traduites avant d'être distribuées — contiennent non seulement ses propres notes de ses conversations avec François Martin, mais aussi les notes et la description de M. Macdonell. Cela me rassure beaucoup, car contrairement à ce que notre témoin pouvait penser, certaines personnes ont attaqué son travail très récemment à la suite de la comparution de M. Martin devant ce comité il y a une semaine exactement.
    En terminant, monsieur le président, je tiens à dire que Mme Cameron fait preuve d'un courage rare et d'une droiture exemplaire. Les quelques journalistes que j'ai pu entendre exprimer des critiques parfois virulentes à l'égard de son travail étaient des gens qui ne faisaient pas l'essentiel de ce que nous tentons de faire depuis le début, c'est-à-dire entendre les deux côtés et arriver à la meilleure décision possible en fonction de la preuve dont nous disposons.
    C'est ce qu'elle a tenté de faire comme journaliste, et je considère qu'il est important de la remercier pour ce qu'elle a fait. Tout ce que nous tentons de faire comme groupe est d'être la première ligne de défense de nos institutions parlementaires.
    Merci, madame Cameron.

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.
    Je voudrais simplement ajouter que Mme Cameron est trop modeste quand elle dit que son livre The Last Amigo se retrouve peut-être dans les bacs à aubaines. On the Take, livre que j'ai trouvé très utile, est en fait le livre politique qui a eu le plus grand succès dans l'histoire de l'édition canadienne. Il s'est vendu à 200 000 exemplaires au cours des deux premières années et a donné le goût à un très grand nombre de Canadiens d'en savoir plus sur ce scandale. Nous, de ce côté-ci de la table du comité, ne sommes pas satisfaits des conclusions de M. Johnston, qui dit qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre l'enquête, opinion que vous partagez peut-être, monsieur Hiebert.
    Je voudrais utiliser le temps qui nous reste pour vous demander de nous en dire un peu plus long sur vos problèmes avec la Police montée. Où en est la plainte que vous avez déposée en 2005?
    Je pense que cette plainte est classée et je ne pense pas qu'il me reste assez d'énergie pour revenir à la charge. Nous avons tous beaucoup entendu parler de la commission des plaintes du public. Je me rends compte que, tout au moins dans mon cas personnel, tout ce que j'ai entendu est corroboré par ce qui m'est arrivé.
    Merci beaucoup.
    Notre dernier intervenant serra M. Dhaliwal.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Thibault.
    Premièrement, madame Cameron, je vais reformuler la question que M. Hiebert a posée et permettre aux Canadiens de porter leur propre jugement, parce que vous n'êtes ni juge ni avocate.
    À votre connaissance, y a-t-il quelqu'un, dans le monde politique ou à la société d'État, qui a reçu de l'argent par l'entremise de M. Schreiber?
    De M. Schreiber?
    Ou de ses associés.
    Je m'excuse. Il me faudrait vérifier dans mes livres. Je ne peux pas répondre à cette question tout de suite. Je n'en suis vraiment pas certaine. Je pense qu'il me faudrait vérifier.
    Et si je vous disais quelqu'un qui siège au conseil de la société d'État, au conseil d'Air Canada? Êtes-vous au courant qu'une telle personne ait reçu de l'argent?
    M. Moores, bien sûr, a reçu des millions de dollars. Il était membre du conseil d'Air Canada. Mais il a dû démissionner du conseil d'Air Canada, comme nous le savons. S'il a démissionné, c'est grâce à un article de mon ancien collègue M. Fife.
    Il y en a probablement d'autres, mais ici, dans cette salle, dans la situation présente, je me sentirais beaucoup plus à l'aise si je pouvais vérifier avant de vous répondre.

  (1640)  

    Très bien.
    Avez-vous été en mesure de compter les sommes en chiffres ronds? Il était question de quelque 20 millions de dollars ou 30 millions de dollars de pots-de-vin ou de frais de conclusion de transactions, peu importe comment on veut appeler cela. En êtes-vous arrivée à un certain chiffre en dollars?
    Oui, nous avons compté l'argent. C'est une somme d'environ 25 millions de dollars. M. Schreiber l'a divisée exactement en deux parties égales, au sou près, d'après les relevés bancaires que nous avons vus, entre les Européens et les Canadiens. Je pense que M. Pelossi vous a dit ce matin, sauf erreur, que M. Schreiber lui a dit — c'est quelqu'un qui a dit cela à quelqu'un d'autre, alors prenez cela avec un grain de sel — qu'un quart était pour M. Strauss, un quart pour M. Mulroney, un quart pour les lobbyistes canadiens et un quart pour les Européens qui s'occupaient du dossier.
    Je vais céder la parole à M. Thibault.
    Merci.
    J'aurais quelques questions brèves, madame Cameron. Je vous remercie d'être venue, et ne vous en faites pas trop si vous n'êtes pas poursuivie pour votre travail. Ce n'est pas une partie de plaisir.
    Je songeais un petit peu à vous.
    Vous avez parlé du compte 830 de la Banque de Montréal qui était géré par M. Charbonneau, ou enfin c'était lui qui amassait les fonds.
    Excusez-moi, monsieur Thibault, ce n'était pas la Banque de Montréal. Je pense que c'était le Montreal Trust.
    Le Montreal Trust, désolé.
    Vous avez dit que cet argent était destiné à M. Mulroney.
    Oui, il l'était. J'ai décrit cela en long et en large dans On the Take.
    Savez-vous combien d'argent a été déposé dans ce compte?
    Non, je ne le sais pas. Tout a commencé quand M. Mulroney était candidat à la direction du parti. Ce sont des collecteurs de fonds de Nouvelle-Écosse qui ont été les premiers à m'en parler, et ensuite un autre de l'Ontario.
    Quand vous avez parlé au chef de cuisine Martin...
    Oui.
    ... il vous a dit qu'il est allé voir Fred Doucet à de nombreuses reprises pour chercher de l'argent?
    Oui, il me l'a dit.
    Savez-vous si c'était plus que cinq fois, plus de dix fois?
    Il m'a dit que ce n'était pas toujours lui qui y allait et je pense que vous trouverez cela dans la transcription des entretiens que je vous ai remise aujourd'hui. Il a dit que c'était parfois Bonnie Brownlee qui y allait. J'ai téléphoné à Bonnie Brownlee, qui était l'adjointe de Mme Mulroney, et elle a dit oui... J'ai participé à une émission de télévision avec Robby McRobb, qui était en quelque sorte chargé de s'occuper de tâches domestiques et de faire des commissions...
    Je sais qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, mais avez-vous déjà entendu dire au sujet de Fred Doucet qu'il était le « bailleur de fonds » de Brian Mulroney?
    Je n'ai pas entendu cette expression.
    Ou bien le « guichet bancaire de Mulroney »?
    Le guichet bancaire? Non, je n'ai pas entendu cette expression.
    Merci beaucoup.
    Très rapidement, madame Cameron, connaissez-vous le moindrement Pierre Jeanniot?
    Eh bien, je sais qui est Pierre Jeanniot.
    Il était président et chef de la direction d'Air Canada entre 1984 et 1990.
    Savez-vous où il est maintenant?
    J'ai fait beaucoup d'efforts pour le trouver durant les années où je travaillais à ce livre, et nous pensions à cette époque qu'il se trouvait peut-être en France. Nous avions entendu dire qu'il était peut-être quelque part dans le sud de la France, mais...
    À Toulouse?
    Non, je n'ai pas entendu dire qu'il était à Toulouse. Mais j'ai réussi à parler à Claude Taylor, et je n'ai pas réussi à parler à M. Jeanniot.
    À titre de président, je reçois souvent des bribes d'information de gens un peu partout au Canada, et certains m'ont dit qu'il était à Toulouse, en France; or il se trouve que c'est dans cette ville que sont fabriqués les avions Airbus.
    Quand vous avez constaté que 13 des 15 membres du conseil d'administration d'Air Canada avaient été remplacés par M. Mulroney, cela a-t-il suscité quelque inquiétude chez vous?
    J'en ai parlé dans un article à l'époque. Je pense que je travaillais à ce moment-là pour le Ottawa Citizen et j'ai fait un article là-dessus.
    Nous pourrions approfondir la question, mais je pense que cela prendrait beaucoup plus de temps que ce que nous avons.
    Je tiens à vous remercier au nom du comité. Je sais que, depuis le début de nos audiences, on m'a remis quelque 10 000 pages de documents. Je suis sûr que vous en avez des boîtes et des boîtes.
    C'est une affaire compliquée. Elle est multidimensionnelle. Je suis certain que cela vous empêche de dormir, c'est en tout cas l'effet que cela me fait.
    Je vous remercie d'avoir témoigné et aussi de nous avoir fourni les bases sur lesquelles nous essayons de travailler, et de fournir la meilleure information possible compte tenu des ressources et des outils dont nous disposons, pour que la prochaine étape, quelle qu'elle soit, devienne le dernier chapitre de ce livre.

  (1645)  

    Merci.
    Merci beaucoup. Vous pouvez disposer.
    Chers collègues, je vais suspendre la séance pendant cinq minutes.
    Le comité va passer à huis clos et nous devons donc vider la salle.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos]