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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 4 février 2008

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités. Merci beaucoup d'avoir accepté de témoigner.
    J'aimerais rappeler aux membres du comité qu'il s'agit d'un groupe d'environnementalistes et que nous examinons la portée du projet de loi, les réductions des gaz à effet de serre et les objectifs. Nos questions et nos exposés devraient donc se concentrer là-dessus afin de traiter des aspects environnementaux du projet de loi C-377.
     J'aimerais vous souhaiter la bienvenue. Nous allons suivre l'ordre dans lequel vous figurez à l'ordre du jour. Je vous demande de limiter vos exposés à environ dix minutes; les députés auront ainsi le maximum de temps pour poser leurs questions.
    J'aimerais également signaler aux députés que MM. Johnson et Morton ont accepté de comparaître le 27 février pour nous présenter une autre perspective sur la conférence de Bali. Comme Mme Simon se trouve en Finlande et Mme Dowdeswell à Vienne, elles ne seront pas disponibles à cette date. Je propose que l'on procède quand même. Nous avons deux personnes, et je crois que nous aurons constamment des problèmes d'horaire. Si vous le permettez, nous leur ferons parvenir une lettre de confirmation et nous leur demanderons de témoigner le 27 février.
    Nous allons commencer par M. Marshall. Vous avez dix minutes.
    Merci, monsieur le président, et je remercie le comité de m'avoir invité. Je m'appelle Dale Marshall. Je travaille pour la Fondation David Suzuki.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier, encore une fois, de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Je suis ici pour exprimer mon appui au projet de loi C-377. Il s'agit d'un projet de loi important qui vise à inscrire dans la loi les cibles fondées sur la science qui sont nécessaires pour s'assurer que le Canada prend l'entière responsabilité d'éviter les changements climatiques dangereux.
    Si vous me le permettez, j'aimerais revenir en arrière en 1992, quand le Canada et des pays du monde entier ont signé la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. L'objectif premier de cette convention était d'éviter les changements climatiques dangereux. Évidemment, on est en droit de se demander ce qu'on entend par « dangereux ».
    Il y a plus de dix ans, l'UE a établi un seuil de deux degrés pour les changements climatiques dangereux: un réchauffement planétaire moyen de deux degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels. Cette limite est maintenant largement appuyée par des pays et des scientifiques, y compris plus récemment la Déclaration des scientifiques sur le climat à l'occasion de la conférence de Bali.
    Le Canada semble s'intéresser à la question des deux degrés Celsius après l'avoir, franchement, laissée de côté pendant longtemps. Un document diffusé par Affaires étrangères Canada a conclu que l'établissement de la limite des deux degrés Celsius a été avantageux pour l'UE parce que cela a permis à ses 27 États membres de, et je cite: « faire converger l'élaboration de politiques ». À la Chambre des communes en décembre 2007, le ministre de l'Environnement du Canada, John Baird, a indiqué qu'une hausse de deux degrés Celsius est inacceptable.
    Donc, si l'on applique la logique de l'opinion du ministre, le Canada doit maintenant fixer des limites pour s'assurer que les émissions de gaz à effet de serre ne dépassent pas les deux degrés Celsius et doit faire sa juste part pour garder la planète dans cette limite de réchauffement. C'est ce que prévoit le projet de loi.
    Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a constaté que pour avoir une chance raisonnable de limiter le réchauffement à deux degrés Celsius, les pays développés devraient réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 p. 100 par rapport à leurs niveaux de 1990 d'ici 2020 et de 80 à 95 p. 100 par rapport à leurs niveaux de 1990 d'ici 2050. Je vous fais remarquer que les cibles fixées dans le projet de loi C-377 se trouvent dans ces intervalles, mais dans les fourchettes inférieures.
    Ces cibles correspondent également à celles proposées par la Fondation David Suzuki et l'Institut Pembina dans notre rapport d'il y a deux ans, intitulé: « Réduire radicalement les gaz à effet de serre », à la lumière des connaissances scientifiques sur les deux degrés Celsius et d'après la juste part du Canada pour éviter de dépasser cette limite.
    Bien sûr, ces cibles permettraient aussi au Canada de s'aligner sur le processus de l'ONU et de la communauté internationale. La fourchette de 25 à 40 p. 100 visée par le GIEC représente également celle que les parties au Protocole de Kyoto, dont le Canada et environ 160 autres pays, ont convenu d'examiner, aussi bien à Vienne qu'à Bali.
    Il semble donc y avoir une convergence, tant au Canada qu'à l'échelle internationale, sur les mesures prévues dans ce projet de loi, qu'il s'agisse de la limite des deux degrés Celsius ou des cibles de réduction des gaz à effet de serre.
    La prochaine question est de savoir comment le Canada atteint ces cibles. Tout porte à croire que le Canada peut les atteindre avec très peu de perturbation économique, voire aucune. Le travail de modélisation économique effectué par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie montre que le Canada peut réduire ses émissions de 65 p. 100 dans les 43 prochaines années en se privant d'environ une année de croissance économique. Donc, même avec la technologie en place, nous pourrions sacrifier une année de notre croissance future au cours des 43 prochaines années afin d'atteindre les cibles du gouvernement.
    Maintenant, les cibles du gouvernement ne sont pas celles énoncées dans ce projet de loi. Le travail de la TRNEE n'a pas tenu compte de la réduction de 80 p. 100 et n'a pas utilisé l'année de référence de 1990. Elle s'est servie des cibles établies par le gouvernement. Mais dans son rapport, la TRNEE indique bel et bien qu'il est possible de réduire davantage les émissions à des coûts économiques légèrement supérieurs et constate, encore une fois, à la lumière des conclusions du GIEC, que nous pourrions rester dans la limite des deux degrés Celsius à l'échelle mondiale, avec une perte d'environ deux ans de croissance économique au cours des 50 prochaines années.
    La Fondation David Suzuki a également commandé une modélisation économique pour examiner la cible à moyen terme de 2020. Malheureusement, ce rapport n'a pas encore été rendu public. Il le sera dans trois semaines. Mais permettez-moi de vous faire part de quelques-unes des constatations.

  (1540)  

    Le rapport a révélé que le Canada pourrait atteindre la cible de 2020 à 80 p. 100, qui est prévue dans le projet de loi, en imposant tout simplement un prix du carbone suffisamment élevé, sous forme d'une taxe ou d'un système de quotas et d'échange. Évidemment, c'est sans compter les mesures supplémentaires qui pourraient être prises, comme des règlements sur l'efficacité énergétique pour le matériel et les appareils ménagers, des règlements sur l'efficacité énergétique des véhicules automobiles et des codes de construction plus rigoureux pour l'efficacité énergétique.
    Quel en serait donc le prix macroéconomique? Le Canada perdrait 1 p. 100 du PIB — environ six mois de croissance — d'ici 2020 et se joindrait à la lutte mondiale contre les changements climatiques. En d'autres termes, d'ici 2020, l'économie canadienne afficherait une croissance de 26 p. 100 au lieu de 27 p. 100, tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre à un niveau bien inférieur à ce que le gouvernement avait énoncé dans sa cible de 2020.
    En passant, toutes ces constatations correspondent parfaitement à celles des études internationales qui ont révélé que dans les cas où des réductions d'émissions se sont produites, elles l'ont été à un très faible coût économique et conformément aux prévisions économiques de réductions d'émissions futures. Des pays comme la Norvège ou le Royaume-Uni et des États comme la Californie ont tous établi des modèles de réductions d'émissions du même genre que ceux que l'on retrouve ici: des réductions de 80 p. 100. Autrement dit, la Norvège, pour sa part, s'est fixé une cible de réductions d'émissions de 100 p. 100 d'ici 2030. La Norvège prévoit avoir une production de carbone neutre d'ici une génération. La Norvège représente un exemple intéressant parce qu'il s'agit d'un pays qui affiche les mêmes caractéristiques que le nôtre, et ces caractéristiques sont, semble-t-il, des obstacles qui empêchent le Canada à s'attaquer sérieusement aux changements climatiques. La Norvège, tout comme le Canada, est un pays nordique. Elle compte une très faible population comparativement à son territoire. Elle exporte du pétrole et du gaz et, pourtant, elle prévoit devenir neutre en carbone d'ici 2030.
    Là où je veux en venir, c'est que s'attaquer de front aux changements climatiques entraîne certes des coûts importants, mais ne pas agir du tout ou ne pas agir assez rapidement pour limiter le réchauffement à deux degrés Celsius ou moins est tout aussi coûteux. Dépasser le seuil des deux degrés Celsius coûtera beaucoup trop cher à la planète — le prix va atteindre un niveau inacceptable pour les gens, pour nos économies et pour les écosystèmes naturels dont nous dépendons.
    Le rapport économique le plus détaillé sur les changements climatiques, soit l'étude de Stern, a montré que, si nous n'agissons pas, les incidences des changements climatiques seront de cinq à vingt fois pires que si nous agissons. Stern désigne les efforts sérieux contre les changements climatiques par l'expression de « stratégie pro-croissance » pour l'avenir. Le monde doit donc agir pour remédier aux changements climatiques, et le Canada doit faire sa juste part. Ce projet de loi marque un important pas pour s'assurer que le Canada fait exactement cela.
    Je vous remercie de votre attention. Merci bien.

  (1545)  

    Merci beaucoup, monsieur Marshall.
    Monsieur Ogilvie, allez-y.
    Je vais essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit et me concentrer un peu plus sur les solutions, mais sans trop entrer dans les détails.
    Dale a très bien expliqué ce que je voulais dire à propos de la menace réelle posée par les changements climatiques mondiaux et du coût énorme de l'inaction. Nous avons de bonnes sources de référence pour justifier toutes ces affirmations. J'ai préparé une communication à cet effet et j'ai fourni des références, donc je ne veux pas vraiment m'y attarder.
    La raison pour laquelle nous devons songer à appuyer un projet de loi tel que le projet de loi C-377, c'est que le Canada a échoué dans l'adoption de mesures stratégiques rigoureuses pour maîtriser les gaz à effet de serre à l'instar de certains des chefs de file mondiaux. Nous savons tous que l'Union européenne est en train d'établir des cibles audacieuses. Nous savons que certains États comme la Californie vont de l'avant, tout comme certaines provinces au Canada. Nous devons être des chefs de file dans ce dossier, selon moi.
    De plus, l'industrie réclame des directives stables. Différents chiffres sont évoqués dans l'esprit de différentes personnes, mais nous parlons du Conseil canadien des chefs d'entreprises ou, à l'échelle internationale, d'un groupe appelé le Groupe 3C: Combattre les changements climatiques. Quatre entreprises multinationales canadiennes y sont représentées. Leur message: nous devons fixer des cibles.
    Le Groupe 3C, en particulier, a endossé la cible de 80 p. 100 d'ici 2050. Ils sont moins résolus quant à ce qu'on peut accomplir d'ici 2020 ou 2030, mais ils croient que nous devons suivre la science, établir des cibles à long terme, puis fixer des buts à court terme pour y arriver. L'industrie demande donc des directives stables.
    Et le public est inquiet. Nous avons vu les résultats de divers sondages d'opinion publique sur la position du public face à ce sujet.
    Je crois que l'argument en faveur d'un projet de loi qui nous oblige à aller de l'avant est assez clair, car en son absence, nous n'avancerons pas. Nous ne ferons que continuer à nous disputer sur ce que nous pouvons faire et ne pas faire. Je crois donc que sa raison d'être est solide.
    La question qui se pose alors est la suivante: comment pouvons-nous y arriver et que devons-nous faire? Nous disposons d'une abondance d'études qui montrent les différentes façons dont nous pourrions y arriver. Je sais qu'il a plus été question d'équité et de justice sur la façon d'y arriver que du fait qu'on a les technologies et les moyens pour y arriver.
    J'aimerais diviser les choses en trois catégories très simples: l'infrastructure, la technologie et les prix qui, selon moi, constituent les trois grands moteurs du progrès. Si nous n'investissons pas dans l'infrastructure, et la bonne infrastructure, le problème durera longtemps. Nous devons le faire. Si nous n'obligeons pas les technologies à se conformer aux objectifs de changement climatique et à cette infrastructure, alors nous appliquerons les mauvaises technologies. Bien sûr, nous savons tous que les prix, surtout dans une économie de marché, poussent les gens et les entreprises à bouger.
    Sur le plan de l'infrastructure, il est très clair que nous devons penser à grande échelle concernant les routes, les lignes ferroviaires, le transport aérien, le transport public, l'eau potable et le traitement des eaux usées, l'électricité, les pipelines. Tout cela forme l'infrastructure, dont une bonne partie est financée par des fonds publics, d'une façon ou d'une autre. Les politiciens exercent donc une très grande influence par le biais des processus de planification, des processus budgétaires, etc., pour paver la voie à suivre. Nous avons besoin d'une vision de ce qu'il faut avoir accompli en 2050, et cette vision doit englober une certaine notion des objectifs quantifiés que nous devons atteindre.
    En ce qui concerne la technologie, là encore, les gouvernements exercent une très grande influence, à la fois par le biais de l'infrastructure mise en place et des technologies qui doivent s'y rattacher, mais aussi par l'établissement de règlements et d'autres incitatifs. Largement axée sur la conception de technologies, l'industrie doit trouver des moyens d'avoir un rendement du capital investi. Nous avons besoin de la technologie. C'est un effort qui doit venir de l'ensemble de la société, avec la pleine participation de l'industrie pour mettre au point les technologies dont nous avons besoin. Nous avons également besoin de prix pour faire en sorte que le tout s'imbrique.
    Ces trois facteurs sont interreliés. Comme on l'a dit à la Table ronde nationale, sans des indices de prix à l'échelle de l'économie, nous aurons de la difficulté à convaincre les consommateurs de prendre part à la solution. Sans des indices, par le biais de mécanismes d'échange ou de taxes sur les émissions ou d'autres moyens, nous aurons beaucoup de mal à convaincre les entreprises.
    Je crois que c'est un tout dont les parties ne peuvent être examinées séparément. Je ne pense pas qu'on puisse y arriver simplement en imposant un prix au système. Je ne pense pas qu'on puisse y arriver simplement en encourageant des technologies et en espérant qu'elles soient appliquées. Je ne pense pas qu'on puisse y arriver simplement en bâtissant une forme d'infrastructure et en laissant les autres morceaux du système se mettre en place.
    Tout cela exige beaucoup de vision — idéalement, beaucoup de coopération. Ce serait la meilleure voie à suivre, particulièrement dans un pays comme le Canada avec ses diverses économies et ses circonstances différentes. Nous devons nous inspirer de l'action et de la détermination des chefs de file du monde entier.
    Nous avons besoin d'une vision nationale.

  (1550)  

    J'ai lu dans le Globe and Mail un article concernant le rapport sur la capture et le stockage de carbone qui vient d'être publié. Un montant de 2 milliards de dollars est demandé pour entreprendre les travaux initiaux afférents. Pour ce qui est de la suite, on n'en connaît même pas le montant, mais ce pourrait être bien plus élevé. Alors, pourquoi ne consacrons-nous pas autant, ou plus, à l'efficacité énergétique des ressources renouvelables? Nous avons besoin de fonds de cette ampleur, et bien plus, pour le développement urbain et l'infrastructure de même que la réfection du réseau de distribution d'électricité pour mettre à profit les deux technologies qui nous permettront d'atteindre la cible de réductions de 80 p. 100.
    Pourquoi ne sommes-nous pas en train de réformer notre secteur de l'automobile pour qu'il soit plus dynamique et qu'il construise les bons types de véhicules éconergétiques, au lieu d'essayer de s'en tenir à la construction de mauvais types de véhicules automobiles qui, au bout du compte, connaîtront le même sort que les dinosaures, entraînant avec eux notre économie si nous ne faisons pas attention?
    Pour conclure, je crois que nous avons besoin d'un projet de loi qui montre très clairement à l'industrie, au public et à tout le monde que nous avons une cible à long terme et que nous allons exiger des plans pour y arriver. Nous avons besoin d'une vision de ce que nous allons faire avec ces grands leviers stratégiques que sont l'infrastructure, la technologie et les prix, dans une foule de domaines. Nous avons besoin d'investissements tous azimuts dans une sorte de restructuration de l'économie et des structures sociales canadiennes pour nous assurer le type d'avenir qui, selon moi, nous attend. De nombreuses embûches se dressent à l'horizon, mais je crois que cet avenir est possible si nous nous y mettons. Je vous encourage à en tenir compte dans vos délibérations.
    Merci.
    Bien. Merci beaucoup, monsieur Ogilvie.
    Madame Langer.
    Merci, monsieur le président et membres du comité. Merci de m'avoir invitée.
    Je m'appelle Julia Langer. Je suis directrice du programme des changements climatiques au Fonds mondial pour la nature au Canada.
    Le Fonds mondial pour la nature a pour mission de préparer un avenir qui permettra à tous les êtres humains de vivre en harmonie avec la nature. Nous travaillons à préserver la diversité biologique, à assurer l'utilisation durable de nos ressources renouvelables et à promouvoir la réduction de la pollution et de la surconsommation. Mais tout le travail que nous faisons depuis 40 ans au Canada pour protéger, gérer et restaurer la biodiversité pourrait bien s'avérer vain si nous ne controns pas la grande menace posée par le réchauffement planétaire et le chaos climatique. C'est dans cette perspective que le WWF se prononce en faveur du projet de loi C-377.
    Nous estimons que le projet de loi C-377 est le reflet des avis des scientifiques qui préconisent une action immédiate pour réduire considérablement les émissions. Les objectifs de réduction fixés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ne sont pas arbitraires; ils tiennent compte des travaux de milliers de scientifiques au fil de nombreuses années. Nous devons réduire la pollution responsable du réchauffement de la planète d'au moins 25 p. 100 d'ici 2020 et de 80 p. 100 d'ici le milieu du siècle par rapport aux données de référence internationales de 1990. Je répète et j'appuie les propos de M. Marshall. C'est notre point de référence. Il n'y a pas d'autre moyen d'envisager la question. J'aimerais également faire remarquer que cela représente un minimum, parce qu'il s'agit des réductions minimales jugées appropriées pour des pays industrialisés comme le Canada.
    Qualifier le réchauffement planétaire d'« hypothèse », comme l'a fait le premier ministre il y a moins de quatre ans, est maintenant considéré comme absurde. Partout dans le monde, les gouvernements de toutes les allégeances politiques, y compris le nôtre, tiennent compte de la climatologie dans l'élaboration de leurs politiques. Mais reconnaître le point de vue des scientifiques n'est que le premier pas. Il est absolument nécessaire et approprié, à ce stade-ci, d'enchâsser dans la loi des cibles et des exigences de mise en oeuvre, parce que l'approche du gouvernement actuel n'est qu'un stratagème de relations publiques. Il faut l'intégrer dans un système de gestion.
    Je parle d'un stratagème parce que cette approche est déconnectée sur le plan scientifique, le point de référence étant déplacé. Cette approche est inefficace parce que les émissions continueront leur hausse fulgurante -- et on parle plus qu'on agit -- et elle provoque des querelles entre les gouvernements fédéral et provinciaux, ce qui n'aide pas à progresser vers la solution.
    Pour ce qui est des cibles dont nous avons besoin, j'aimerais mettre l'accent sur les sables bitumineux qui illustrent bien comment les règles proposées par le gouvernement à l'intention des grands émetteurs finaux pour la réduction des gaz à effet de serre constitueraient un permis de polluer et perpétueraient la plus grande source d'émissions au Canada.
    Lorsqu'on fixe des objectifs, il importe de se demander qui sera touché. N'oubliez pas que les émissions des principales sources constituent 47 p. 100 du total national. Les cibles proposées exigent que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites de 23 p. 100 par unité de production d'ici 2020, avec une exemption de 6 p. 100 pour les émissions liées à des procédés fixes. Voilà qui ressemble à une réduction, sans en être une.
    Je ne vais pas donner un exposé en PowerPoint, mais vous pouvez peut-être suivre les graphiques. Ce graphique illustre les projections de l'ONE concernant la croissance des sables bitumineux, dont les émissions non atténuées affichent une hausse très prononcée. C'est la ligne bleue. L'industrie a déjà signalé son intention de continuer à réduire les émissions par baril et, de fait, a établi certaines cibles à cet égard. Cela diminue la croissance, mais ne la réduit pas dans son ensemble. C'est ce que représente la ligne verte. Les règles proposées pour les grands émetteurs finaux, représentées par la ligne rouge, correspondent plus ou moins aux engagements existants et à des options d'atténuation faisables sur le plan technique. Il s'agit d'un permis de polluer. De plus, certaines compagnies visent des améliorations plus radicales. C'est ce que représente la ligne mauve.
    L'écart ici, c'est-à-dire la réduction supplémentaire, peut être transformé en crédits et vendu dans le cadre du système d'échange de droits des GEF. Lorsqu'on multiplie cela par 15 $ la tonne, on obtient des millions de dollars de bénéfices pour une industrie déjà rentable. Au bout du compte, les émissions doubleront ou tripleront d'ici 2020. On ne peut fermer les yeux devant ce problème criant qui doit être pris en compte dans l'établissement de nos cibles.

  (1555)  

    Il sera impossible d'agir conformément aux impératifs scientifiques et à l'objet proposé du projet de loi C-377 ou d'en arriver aux réductions escomptées, énoncées dans le projet de loi, sans s'attaquer à la hausse fulgurante des émissions liées à l'exploitation des sables bitumineux. Si elles ne sont pas contrôlées, elles mineront les mesures prises par d'autres instances et d'autres secteurs et terniront la réputation du Canada sur la scène internationale. En quoi la cible de l'Alberta, soit une réduction de 14 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005, est-elle conforme ou justifiée?
    Le Parlement doit établir des règles très claires qui fonctionneront dans le contexte réel de la fédération canadienne. Les soi-disant accords d'équivalence, sans aucun plafond national ferme, qu'il faut établir dans ce projet de loi, nuiront davantage à l'objectif.
    Pendant qu'un grand nombre de provinces ont pris des engagements et vont de l'avant, nous devons nous assurer que les efforts des principales provinces ne s'annuleront pas. Exiger du ministre qu'il fasse la preuve que les mesures prises permettront d'atteindre les cibles fixées, notamment grâce à des ententes ou à la collaboration avec certains gouvernements nationaux, risque de ne pas être un mandat assez clair ou suffisamment large pour répartir les réductions prévues entre les régions ou les secteurs.
    Pour aider à résoudre ce dilemme — et je ne dis pas qu'il s'agit d'une tâche facile — il faut tirer des leçons de l'Europe en ce qui concerne l'équité dans un plan d'action national pour les changements climatiques. En tant que fédération, l'approche de l'UE consiste à établir des cibles claires qui lient les parties aux accords et à répartir la responsabilité de façon transparente — les Européens appellent cela le partage du fardeau. Ce n'est pas facile, mais ils y sont arrivés. Ils ont créé des outils fiscaux, de réglementation et de marché pour faciliter la mise en oeuvre. Ils exigent également une reddition de comptes —par exemple, la capacité d'approuver ou de refuser des plans, avec des répercussions en cas de non-conformité.
    On se plaint beaucoup à propos des difficultés auxquelles fait face le Canada. Personne ne peut prétendre vraiment que la route sera facile. Mais comme l'ont souligné de nombreux analystes, l'inaction coûtera cher. Le Canada accuse de plus en plus de retard au chapitre de la productivité énergétique et souffrira à cause des coûts élevés des combustibles fossiles. Avec l'augmentation du coût du baril de pétrole à 100 $ et plus et le refus du gouvernement d'aller de l'avant dans le domaine de l'énergie durable, notre économie, nos entreprises et les consommateurs seront laissés pour compte, sans oublier les risques associés aux températures extrêmes et au réchauffement.
    L'Europe, pour sa part, avance à grand pas avec une économie faible en carbone comme point central. La semaine dernière, l'UE a adopté un nouvel ensemble de mesures concernant le climat et l'énergie, notamment une cible de 20 p. 100. L'UE a indiqué qu'elle irait jusqu'à 30 p. 100 si d'autres pays se joignaient à elle. Quel avantage ce serait si nous établissions une cible correspondant aux 25 ou 30 p. 100. Je crois que cela inciterait l'Europe à aller encore plus loin.
    Leur projet de loi comprend un engagement envers l'électricité renouvelable et les biocarburants ainsi qu'un nouveau système d'échange de droits d'émission et des exigences très rigoureuses en matière d'efficacité énergétique, comme l'a expliqué Ken.
    Les gens aiment se plaindre de la Chine et de l'Inde, mais ces pays sont remarquables, car ils connaissent une croissance dans un contexte où l'énergie est limitée, ce qui les force à être super efficaces, une affirmation que le Canada ne peut faire, car nous affichons la plus forte consommation d'énergie par habitant et occupons le deuxième rang pour ce qui est de la consommation d'énergie par PIB.
    En conclusion, le WWF exhorte le Parlement à passer à l'action pour relever le défi du changement climatique. Il est essentiel d'adopter une loi nationale qui englobe les impératifs scientifiques, qui confère au Canada une position d'acteur de bonne foi sur la scène internationale et qui reflète les attentes du public pour prévenir les changements climatiques dangereux. Le gouvernement a reconnu le point de vue des scientifiques et est désormais partie aux ententes de l'ONU relatives au climat; pourtant, les cibles et les mesures proposées sont inadéquates. Les émissions iront en augmentant, faute de cibles et d'exigences appropriées liant les parties pour la mise en oeuvre des réductions.
    Nous voici à la première phase de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, et avant de passer à l'étape suivante de collaboration multilatérale, il faudra établir des directives et des attentes claires. Le projet de loi C-377 fait l'affaire et c'est pourquoi nous l'appuyons. Nous exhortons toutes les parties à souscrire aux cibles et au calendrier de réduction des gaz à effet de serre et aux obligations du gouvernement, énoncées dans le projet de loi, dans l'optique de créer une société faible en carbone. Nous ne pouvons pas nous permettre des excuses et des retards. Passons à l'action.
    Merci.

  (1600)  

    Bien. Merci beaucoup.
    Nous allons passer directement au premier tour de dix minutes.
    Monsieur McGuinty.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous me le permettez, j'aimerais revenir à l'essentiel de la question, pour le bénéfice des Canadiens qui nous écoutent ou qui lisent ces délibérations. Très rapidement, madame Langer, combien de membre le WWF compte-t-il dans l'ensemble du Canada?
    Le Fonds mondial pour la nature compte approximativement 80 000 membres au Canada, et à l'échelle mondiale, nous avons environ cinq millions de membres.
    Combien d'employés comptez-vous au Canada?
    Nous avons probablement 120 employés au Canada.
    Le gouvernement vous a-t-il consulté lorsqu'il a élaboré son plan sur les changements climatiques?
    Il y a environ un an, nous avons publié un avis concernant le projet de loi C-288, dont votre comité a probablement été saisi. Je n'ai toutefois pas comparu devant vous. Nous avons aussi mené des actions de terrain, et 12 000 personnes ont signé une pétition pour que des cibles soient incorporées dans la loi.
    Appuyez-vous le plan du gouvernement sur les changements climatiques?
    Tel qu'il est actuellement, le plan du gouvernement sur les changements climatiques nous préoccupe grandement, principalement pour certaines des raisons que j'ai fait valoir. Il ne tient pas compte des faits scientifiques énoncés par le GIEC.
    Lorsque nous avons procédé aux calculs et aux études de cas, dont celle que j'ai présentée concernant l'exploitation des sables bitumineux, nous avons constaté que les mesures proposées ne permettront pas d'atteindre ne serait-ce que l'objectif visé. Il y a donc une incohérence entre les actions et les faits scientifiques et même entre les actions et les cibles.

  (1605)  

    Pouvez-vous nommer un organisme indépendant au Canada qui approuve les chiffres du gouvernement et le fait que nous parviendrons à réduire les émissions de 20 p. 100 d'ici 2020, comme il le prétend? Pouvez-vous nommer un seul organisme au Canada qui appuie le plan du gouvernement?
    Je n'en connais pas, mais je dois dire que je ne me suis pas penchée sur tous les organismes.
    Monsieur Ogilvie, combien de membres compte Enquête pollution?
    Environ 7 500.
    Avez-vous participé à l'élaboration du plan du gouvernement sur les changements climatiques?
    Nous n'avons pas pris part à l'élaboration du plan en soi. On nous a consultés pour certains éléments de la politique, mais pas au sujet du plan en tant que tel.
    Est-ce que votre organisme estime que le plan du gouvernement sur les changements climatiques est réalisable?
    Oui, il l'est, mais je crois que nous pouvons aller beaucoup plus loin.
    Pouvez-vous nommer un seul organisme au Canada qui ait passé en revue le plan du gouvernement, qui approuve les chiffres qu'il contient et qui appuie l'analyse? Avez-vous pris connaissance d'une analyse qui vient étayer les affirmations du gouvernement?
    Je n'en ai vu aucune.
    Monsieur Marshall, la fondation que vous représentez compte combien de membres?
    Je ne suis pas entièrement certain, mais je crois que nous avons 60 000 membres.
    Combien d'employés comptez-vous?
    Entre 55 et 60.
    De plus en plus, la fondation... Quel est votre budget pour l'année?
    Je n'en ai aucune idée, monsieur.
    Vous faites beaucoup d'analyses, y compris des analyses économiques. La fondation investit de plus en plus dans sa capacité d'effectuer des analyses détaillées. Est-ce exact?
    Oui, tout à fait.
    D'accord. Est-ce que la fondation appuie le plan du gouvernement sur les changements climatiques?
    Non, nous croyons qu'il est beaucoup trop faible. Les cibles ne sont pas appropriées. Comme je l'ai dit plus tôt, elles doivent être plus élevées. Je crois qu'il est suffisamment clair, d'après toutes les analyses qui ont été effectuées, y compris les nôtres, que les politiques en place ne permettront pas d'atteindre les faibles cibles qui ont été fixées.
    Pouvez-vous nommer un seul organisme au Canada — de l'industrie, du gouvernement, du secteur privé, international ou national — qui ait examiné le plan du gouvernement et affirmé qu'il permettra d'atteindre les objectifs qu'il est censé permettre d'atteindre?
    Non, je ne peux pas. Les quatre analyses indépendantes que j'ai lues démontrent toutes que les politiques qui ont été mises en place ne permettront pas d'atteindre les cibles fixées.
    Vous connaissez tous le projet de loi C-30. La Chambre en a été saisie avant la prorogation. Tous les partis ont appuyé ce projet de loi, y compris le Parti vert, qui constitue une stratégie visant à contrer les répercussions des changements climatiques auxquelles nous sommes confrontés au pays. Si on compare le projet de loi de M. Layton au projet de loi C-30, diriez-vous que le projet de loi C-30 constitue la mesure législative complète dont nous avons besoin au Canada?
    À qui vous adressez-vous?
    À vous trois.
    Le projet de loi C-30 était plus complet en ce qui concerne les politiques.
    Je parle du projet de loi tel qu'il a été modifié, et non pas de la première version.
    Oui, bien entendu, le projet de loi C-30 tel qu'il a été modifié. Je dirais que les projets de loi C-288, C-377 et C-30 se complètent. Il faut fixer des cibles, mais il faut aussi des politiques qui permettent d'atteindre ces cibles. C'est ce que je dirais aussi pour le présent projet de loi. C'est très bien de fixer des cibles, mais il faut évidemment mettre en place les politiques qui nous permettront de les atteindre.
    Monsieur Ogilvie.
    Je suis d'accord avec Dale. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
    Je n'ai pas fait une comparaison en tant que telle, mais je peux dire que le projet de loi C-30 comportait certaines petites améliorations en ce qui a trait à l'efficacité énergétique. Nous avons beaucoup insisté là-dessus et nous voudrions qu'on accorde davantage d'importance aux cibles en matière d'efficacité énergétique. Bien des choses peuvent être faites dès maintenant, mais il était intéressant de constater qu'on y accordait davantage d'importance.
    Vous avez tous les trois pris part à la réalisation d'analyses détaillées sur les changements climatiques au Canada; c'est ce que vous avez fait pendant un certain temps. Avez-vous obtenu des analyses du gouvernement fédéral visant à étayer les chiffres qui figurent dans le plan intitulé Prendre le virage? Avez-vous pris connaissance de certaines recherches ou analyses commandées par le gouvernement qui appuient ce plan en question?

  (1610)  

    Le plan Prendre le virage présente lui-même une certaine analyse, mais elle n'est pas suffisamment détaillée pour nous permettre de comprendre comment on en arrive aux cibles fixées à partir des données mentionnées. Comme je l'ai dit, les analyses qui ont été effectuées par ailleurs et qui sont beaucoup plus détaillées que celle présentée dans le plan Prendre le virage viennent contredire ce qu'on affirme dans ce plan à propos des cibles visées.
    Je vous rappelle que nous sommes saisis du projet de loi C-377. J'essaie de donner à chacun autant de latitude que possible, mais veuillez vous en tenir à ce projet de loi, car c'est au sujet de cette mesure que nos témoins comparaissent aujourd'hui.
    J'essaie de démontrer, comme un des témoins l'a souligné, que, malgré qu'il soit très bien de fixer des cibles, il n'existe aucune analyse qui appuie ce projet de loi et le plan du gouvernement, qui a dû dépenser plusieurs millions de dollars pour le faire connaître aux Canadiens.
    J'aimerais poser une autre question aux témoins, au sujet des analyses, qui porte sur le projet de loi dont nous sommes saisis. M. Stern a mené une analyse mondiale, précisément une analyse économétrique, et comme vous le mentionnez dans votre mémoire, monsieur Ogilvie, il parle d'un coût correspondant à 1 p. 100 du PIB.
    Je crois que nous nous souvenons tous de la campagne de choc et de stupeur lancée par le gouvernement à propos du projet de loi C-288. On prétendait que le ciel allait nous tomber sur la tête si cette mesure législative était adoptée. Est-ce que l'un d'entre vous a pris connaissance d'une analyse présentée par le gouvernement au sujet du projet de loi C-288?
    Non. D'autres analyses ont été menées, mais...
    Merci, monsieur Ogilvie.
    Monsieur Warawa.
    Pardonnez-moi d'interrompre les témoins, mais comme vous l'avez signalé et comme on l'a porté à votre attention, monsieur le président, nous parlons du projet de loi C-377. M. McGuinty s'éloigne du sujet. Nous sommes censés interroger les témoins au sujet du projet de loi C-377. S'agit-il d'une bonne mesure législative? Comment peut-on l'améliorer? Cela nous mène à rien de nous éloigner constamment du sujet. Je voudrais qu'on s'en tienne à des questions à propos du projet de loi C-377, car c'est de cette mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui.
    Merci, monsieur Warawa.
    Oui.
    Je tiens à dire qu'afin de pouvoir déterminer si un projet de loi est bon ou non, il faut le comparer à une autre mesure législative. Il est tout à fait approprié de le comparer au projet de loi C-30 ou C-288 pour déterminer si le gouvernement a fait ou non des progrès. Je crois qu'il est juste de poser une question à cet égard.
    Lorsqu'on est saisi d'une mesure législative, il faut se demander à quelle autre mesure nous pouvons la comparer. Je crois que les questions de M. McGuinty sont liées au sujet d'aujourd'hui.
    Monsieur Stoffer, c'est pourquoi j'essaie de laisser aller la discussion aussi loin que possible. J'aimerais au bout du compte obtenir une analyse du projet de loi C-377 de la part de nos témoins, car nous aurons à procéder à l'étude article par article; il faudra décider si nous l'adoptons ou non. J'aimerais rappeler aux membres d'essayer de garder cela en tête, car c'est ainsi que nous pouvons progresser.
    Nous ne disposons pas de beaucoup de temps pour discuter avec ces témoins. Il en était de même la dernière fois. Nous allons recevoir également des économistes, alors il n'est pas nécessaire de poser des questions d'ordre économique maintenant. Essayons plutôt d'évaluer le projet de loi C-377 et de déterminer s'il est meilleur que les autres qui ont été présentés antérieurement. Je crois que tout le monde est d'accord là-dessus.
    Monsieur McGuinty, veuillez continuer. Je vais ajouter quelques minutes à votre temps de parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais revenir immédiatement à mes questions, si je puis me permettre. Je m'adresse à l'ensemble des témoins. Pensez-vous qu'il faudrait effectuer pour le Canada une analyse détaillée similaire à celle réalisée par M. Stern? Par exemple, le premier ministre devrait-il, ayant transféré la responsabilité de sa propre table ronde nationale à un ministère hiérarchique et au ministre de l'Environnement, donner à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, ou à un autre groupe de réflexion apte à l'exécuter, le mandat d'effectuer une analyse similaire à celle qu'a menée M. Stern, qu'il pourrait ensuite utiliser pour atteindre les cibles proposées dans ce projet de loi? Le temps n'est-il pas venu de cesser de faire peur aux Canadiens et de leur parler plutôt des possibilités économiques et du vrai prix que nous risquons d'avoir à payer si nous n'agissons pas maintenant? N'est-ce pas ce que nous devrions faire?
    Madame Langer.

  (1615)  

    Peut-être puis-je parler des solutions. Nous avons pris connaissance de l'analyse faite par M. Stern et nous nous sommes rendu compte que la table ronde nationale a fait passablement les mêmes constatations que M. Stern. En effet, nous devons nous pencher sur le coût de l'inaction. Il serait intéressant d'obtenir une perspective canadienne, mais je ne crois pas que cela changerait quoi que ce soit. Par contre, les diverses études qui ont été effectuées dans le monde poussent à l'action, et c'est ce dont les Canadiens ont besoin.
    Il est possible d'atteindre les cibles, et il existe quatre ou cinq mesures que nous pouvons prendre pour y arriver.
    Limitons le carbone, et les mégatonnes chuteront. Voilà ce que nous devons faire en premier lieu.
    Nous devons fixer des objectifs à court, à moyen et à long terme, ce qui exercera une pression sur les prix et favorisera l'innovation. Ainsi, tous les secteurs seront touchés.
    Déclenchons une révolution de l'efficacité énergétique. C'est grâce à l'amélioration de l'efficacité énergétique que nous parviendrons le mieux à réduire les coûts pour les consommateurs et le gouvernement. C'est la seule façon de nous protéger d'une récession. C'est là-dessus que nous devons mener des études. Pourquoi nous ne le faisons pas?
    Il en est de même pour les sources d'énergie renouvelable. Il faut ouvrir les vannes. Les entreprises de technologies propres n'attendent que cela. Si vous voulez mener une étude, faites-en une sur ce domaine afin de montrer où se trouvent les possibilités.
    Il ne devrait y avoir dans l'avenir aucune source majeure de gaz à effet de serre non atténuée.
    Voilà le genre de mesures que nous devrions prendre. Si vous voulez mener une autre étude, faites-le, mais je pense que nous avons déjà toute l'information en main. Ce qu'il nous faut, ce sont des objectifs et des mesures qui nous permettront de les atteindre.
    M. Ogilvie et M. Marshall, veuillez répondre très brièvement.
    Je vais offrir un autre point de vue. Je pense qu'il y a de nombreuses mesures que nous pouvons adopter maintenant, dont certaines auraient des retombées positives. Il s'agit d'un coût net négatif. Il nous faut en effet une analyse détaillée parce que nous devons dresser un plan d'action. Nous devons savoir combien il existe de centrales électriques, de pipelines, etc. Il faut éliminer les obstacles. Nous devons renseigner le public afin qu'il sache ce qui se passe. C'est de ce genre d'analyses détaillées dont nous avons besoin, et c'est un peu ce qu'on est en train de réaliser dans une certaine mesure.
    Je suis d'avis que si nous fixons un prix raisonnable pour le carbone et que nous effectuons de bonnes analyses, nous allons constater que nous pouvons prendre un grand nombre de mesures tout à fait réalisables. Les chiffres révélés par M. Stern seront sans doute similaires à ceux qui ressortiront de cette analyse. Il faut le faire; il faut que cette analyse soit transparente, pour que le public puisse bien comprendre, et il faut qu'elle soit indépendante, pour que nous constations qu'il est dans l'intérêt de notre pays d'agir. Enfin, il nous faudra du courage pour décider de passer à l'action, car il y aura une forte résistance.
    Je crois que c'est tout à fait faisable. Je crois que l'analyse le prouvera et démontrera qu'il existe de nombreuses mesures rentables que nous pouvons prendre si on attribue un coût environnemental aux effets néfastes de la pollution. Nous disposons déjà de certaines technologies, et d'autres seront mises au point si nous nous engageons dans cette voie.
    Monsieur Marshall, soyez très bref, s'il vous plaît.
    Je crois qu'une analyse pour le Canada similaire à celle menée par M.Stern serait utile, mais je pense comme bien d'autres que ce qui nous manque, ce n'est pas de l'information, c'est plutôt la volonté politique. Nous savons ce qui doit être fait. Nous connaissons les faits scientifiques. Nous savons aussi quelles politiques fonctionnent et quelles technologies doivent être mises en place. Je préférerais que le premier ministre déclare que nous allons sérieusement nous attaquer aux changements climatiques en mettant en place des politiques plutôt qu'il annonce que nous allons procéder à une analyse similaire à celle de M. Stern.
    Merci, monsieur Marshall.
    Monsieur Bigras, allez-y.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aurai deux questions à poser, une pour M. Marshall et une autre pour Julia Langer.
    Je pense qu'aujourd'hui, le meilleur argument et la démonstration la plus forte viennent de Dale Marshall de la Fondation David Suzuki. Je cite un des paragraphes de son court mémoire:
[...] nos études démontrent que le Canada pourrait atteindre 80 % des réductions ciblées dans le projet de loi pour l'année 2020 simplement en instaurant une taxe sur le carbone ou en mettant sur pied un système de plafond et d'échange de droit d'émission.
     Je pense qu'on a là l'argument le plus fort en faveur du projet de loi qui nous est présenté, particulièrement en ce qui a trait aux objectifs de 2020. Cela s'ajoute à l'opinion assez consensuelle chez tous les témoins qu'il faut fixer un prix sur le carbone et utiliser les instruments de marché qui sont à notre disposition. La Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie l'a dit et, si je ne me trompe pas, il y a quelques jours, le Conference Board du Canada l'a aussi confirmé.
    Compte tenu du fait qu'on aura probablement le rapport officiel dans trois semaines, comme l'indique le mémoire, et qu'on aura probablement à procéder à l'étude du projet de loi article par article avant le dépôt du rapport, M. Marshall pourrait-il nous dire quel type de modélisation il a appliqué pour parvenir à ces conclusions? Je suppose qu'il a établi un système de quota. Quel genre de répartition a été établi? Par exemple, les entreprises qui ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre ont-elles obtenu des crédits supplémentaires leur permettant de vendre des crédits d'émission sur le marché? Quel type de modélisation, sans nécessairement entrer dans les détails, avez-vous appliqué pour en venir à cette conclusion?

  (1620)  

    Il s'agit de la recherche menée par le Dr Jaccard de l'Université Simon Fraser, un expert des changements climatiques et de l'énergie. Cette recherche a été utilisée par le gouvernement actuel et le gouvernement libéral précédent. Cette modélisation met un prix sur le carbone. Elle ne dit pas qu'il faut une taxe, un plafond ou un système d'échange pour le carbone, mais tout cela en même temps. En anglais, on dit un shadow price. Le modèle vérifie les changements d'utilisation de l'énergie.
     Il n'y a que l'application d'un prix sur le carbone qui nous permettrait d'atteindre les 80 p. 100 ou plus en 2020.
    Arrivez-vous à la conclusion qu'on pourrait même dépasser l'objectif de 2020 si on appliquait d'autres réglementations sur l'efficacité énergétique? Vous nous dites qu'en ajoutant une réglementation sur l'efficacité énergétique des véhicules, on pourrait obtenir des réductions encore plus importantes.
    Est-ce à dire qu'au fond, si on mettait en place des mécanismes de marché avec une réglementation sur les éléments que vous nommez, l'objectif de 25 p. 100 pourrait être dépassé?
    C'est ce dont la prochaine partie de l'étude va traiter. Je ne peux pas dire avec certitude qu'on peut effectivement dépasser l'objectif proposé pour 2020. Les experts en la matière avec qui j'ai discuté ont dit que les objectifs de 2020 étaient atteignables, mais je ne sais pas s'ils peuvent être dépassés.
    D'accord. Vous arrivez donc à la conclusion que si le gouvernement décidait d'utiliser les instruments à sa disposition, l'objectif serait réaliste et atteignable.
    C'est exactement ce que j'ai essayé de démontrer dans mon discours.
    Ma question s'adresse au Fonds mondial pour la nature.
    À la page 7 de votre mémoire, un passage dans le deuxième encadré dit ceci:
Alors qu'un grand nombre de provinces ont pris des engagements et vont de l'avant, nous devons nous assurer que les efforts des principales provinces ne s'annuleront pas.
     Plus haut, vous dites:
Il faut adopter des règles claires qui fonctionneront dans le contexte réel de la fédération canadienne. La négociation d'accords d'équivalence nuira davantage au système.
    Il faut se rappeler les débats que le comité a eus sur les projets de loi C-30 et C-288. On avait atteint un consensus acceptant les accords d'équivalence à la condition qu'ils soient axés sur les résultats, pas nécessairement sur la réglementation.
    Si les accords d'équivalence sont fondés sur les résultats et que certaines provinces présentaient des plans permettant d'atteindre les objectifs fixés par le projet de loi C-377, cela serait-il correct, réalisable et plus équitable?

  (1625)  

[Traduction]

    Ce qui me préoccupe à propos des accords d'équivalence dont on parle maintenant, c'est l'absence d'un objectif. Autrement dit, nous tenons des discussions bilatérales sans parler d'un objectif global, et c'est une lacune à laquelle le projet de loi dont vous êtes saisis peut remédier.
    Si l'objectif est fixé, on peut alors discuter des divers détails de la solution, et cela peut se faire dans le cadre d'accords d'équivalence ou de coopération. Comme je l'ai dit, les membres de l'Union européenne considèrent qu'il s'agit d'un partage des obligations.
    Sans cet objectif, ces discussions seraient assez futiles et pourraient peut-être nuire aux mesures que veulent prendre les provinces qui passent à l'action.

[Français]

    Je n'ai plus de questions.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Lussier, vous pouvez utiliser les trois minutes qu'il reste.

[Français]

    Monsieur Ogilvie, au troisième paragraphe de votre document, vous mentionnez que:
Le gouvernement fédéral s’est heurté à une opposition féroce de l’industrie et des gouvernements provinciaux concernant la mise en oeuvre de mesures vigoureuses d’atténuation des gaz [...]
    Selon moi, les gouvernements provinciaux ont très bien collaboré, si on exclut l'Alberta, qui a un programme de réduction très faible. Grâce à la collaboration des industries depuis 1990, les taux de réduction des gaz à effet de serre sont considérables.
    Je ne comprends pas votre texte. Pourriez-vous le clarifier?

[Traduction]

    Parlez-vous de la différence avec le gouvernement fédéral?

[Français]

    Non. Vous dites qu'il y a une résistance de la part de l'industrie et des provinces. Je pense que la résistance vient de la bureaucratie fédérale.

[Traduction]

    Je comprends. Je crois que la résistance provient des trois, tout dépend de qui est visé par une mesure.
    Je travaille en ce moment très activement au dossier de l'efficacité énergétique des véhicules automobiles. Je peux vous dire que l'industrie s'oppose ardemment à une norme, particulièrement à une norme plus élevée que celle proposée par l'administration Bush, qui est inacceptable. Il y a donc de la résistance de la part de l'industrie.
    Il y a toujours eu des querelles internes. Bien entendu, au niveau fédéral, elles ont lieu entre les ministères à propos notamment de certaines mesures, et nous le savons tous. À l'échelon provincial, nous savons que les provinces n'ont pas toutes les mêmes aspirations.
    Il y a beaucoup de mésententes, et c'est l'une des raisons pour lesquelles ce projet de loi, ou une mesure de la sorte, est nécessaire. Il permettrait d'établir clairement que nous allons passer à l'action et que nous devons envisager des solutions plutôt que de perdre notre temps à nous quereller.

[Français]

    Vous mentionnez aussi qu'il faut s'attaquer à trois fronts: les infrastructures, la technologie et les prix. Les investissements au chapitre des routes et des ponts sont-ils trop considérables par rapport à l'aide qu'on pourrait accorder au transport en commun? Ne devrait-on pas déplacer de très gros montants pour favoriser le transport en commun, qui représente la solution en termes de réduction des gaz à effet de serre?

[Traduction]

    Oui, je suis totalement d'accord avec vous. Je pense qu'il faut miser sur des transports en commun à infrastructure compacte et d'utilisations multiples pour réduire autant les émissions. Par expérience, si l'on construit une route et un système de transport en commun juste à côté, il est difficile d'optimiser l'utilisation du transport en commun. Il faut le subventionner, et les gens prennent chacun leur voiture sur les routes.
    Il faut concevoir des centres urbains beaucoup moins énergivores et franchement, plus sûrs et plus propres aussi. C'est là où vit 80 p. 100 de la population. Nous pourrions ainsi économiser de l'argent, préserver l'environnement et probablement créer des collectivités où il ferait mieux vivre. Je suis d'accord qu'il faut investir encore bien plus dans le transport en commun.
    Merci beaucoup, monsieur Lussier.
    Monsieur Cullen.

  (1630)  

    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Dieu merci, j'ai déjà lu la plupart de ces documents, donc même si j'ai manqué vos allocutions, et je suis sûr qu'elles étaient excellentes... Mon avion est arrivé un peu tard et je m'en excuse.
    J'aimerais aborder pour commencer les conséquences économiques auxquelles nous nous exposons si nous ne faisons pas ce que prescrit le projet de loi C-377. Le rapport Stern et d'autres avis ont fait les manchettes au cours de la dernière année, pour que nous comprenions les incidences de l'inaction, parce que bien souvent, les gouvernements comme le nôtre actuellement rechignent à prendre des mesures telles que celles prescrites ici sous prétexte qu'elles coûtent cher et mettent l'accent sur les prévisions les plus sombres.
    À votre avis, le gouvernement fédéral conservateur comprend-il les incidences de l'inaction? L'un de vous est-il au courant d'une étude, d'un groupe spécial ou d'autres mesures du gouvernement fédéral pour évaluer les incidences du changement climatique sur notre économie?
    Il y a une étude sur les incidences du changement climatique et l'adaptation qui n'est pas encore sortie, et nous avons bien hâte de la voir. Mon chercheur principal, M. Quentin Chiotti, a codirigé le chapitre d'évaluation de l'Ontario, donc j'ai une petite idée de ce que l'étude pourrait contenir, mais tant qu'elle n'aura pas été rendue publique...
    Je pense qu'elle va nous aider, en partie, à nous représenter le coût de l'inaction. Ce n'est pas une analyse économique en tant que telle, mais elle va nous donner une idée concrète de ce qui pourrait se produire dans l'environnement.
    Nous entendions déjà parler de ce rapport et de cette étude avant la conférence de Bali, en Indonésie. Je suis un peu confus. Même si de nombreux grands dirigeants et penseurs du monde voient le changement climatique comme l'une des grandes menaces qui pèsent sur l'économie... Ce rapport n'est-il pas terminé? Est-ce que la situation pose problème? Je présume que c'est une question à poser au gouvernement.
    J'essaie de comprendre une chose. Si le gouvernement rechigne à appuyer un projet de loi comme celui de M. Layton, comment se fait-il qu'il ne présente pas de contre-argument pour montrer qu'il n'y a aucune menace qui pèse sur l'économie et que nous pouvons continuer de faire nos affaires comme d'habitude? Je suis un peu confus, d'un point de vue économique, et j'ai entendu la même impression de Tom d'Aquino, entre autres. Pourquoi ne publie-t-il pas ce rapport s'il est prêt?
    Le Réseau action climat Canada et la Fondation David Suzuki demandent la publication de ce rapport. D'après nos informations, il était prêt avant la conférence de Bali, et nous espérions qu'il sorte à ce moment-là parce que je pense qu'il aurait fort probablement été très utile pour nous aider à élaborer la politique gouvernementale dans nos positions internationales. Nous l'attendons toujours.
    Je sais qu'il sera bientôt au tour de mes collègues du gouvernement de poser des questions, donc peut-être pourront-ils nous éclairer, nous et le public canadien, sur l'utilisation de l'argent des contribuables pour rédiger un rapport aussi discutable que celui-ci et nous dire pourquoi nous ne l'avons pas en main aujourd'hui pour orienter nos jugements.
    N'est-il pas essentiel que cette réflexion donne lieu à un projet de loi plutôt qu'à de simples prescriptions sur l'utilisation de permis et le reste? Ce n'est pas la première fois qu'on entend dire que sans loi, il est assez facile d'éliminer des programmes, des objectifs et des ambitions pour le pays. Cela change-t-il quelque chose qu'une mesure fasse l'objet d'une loi plutôt que d'un simple règlement, comme jusqu'à maintenant?
    Monsieur Ogilvie.
    J'aimerais répondre à cette question.
    J'ai travaillé pour trois gouvernements: l'Ontario, le Manitoba et le gouvernement fédéral. Il est terriblement difficile de se battre pour la mise en place de nouvelles politiques et de nouveaux programmes. Les dirigeants peuvent les laisser tomber à leur guise. Il nous faut des moyens de mettre de tels programmes en place et il doit être difficile de les laisser tomber. Il doit y avoir de bonnes raisons pour les laisser tomber, tout comme il doit y avoir de bonnes raisons pour les mettre en place.
    Je pense que cette loi contribuerait beaucoup au maintien des programmes qui fonctionnent. Il devrait toujours y avoir des évaluations et des façons d'éliminer les programmes qui ne fonctionnent pas ou de les modifier. Je suis tout à fait d'accord avec cela aussi. Je pense que cette loi nous habiliterait davantage à garder les programmes qui fonctionnent, c'est d'ailleurs une autre raison pour laquelle j'appuie ce projet de loi.
    À mon avis, le fait d'enchâsser les objectifs dans une loi montre le degré d'ambition. On peut ensuite concevoir des programmes d'une année à l'autre ou dans une optique de 3 ans, de 10 ans, aussi longtemps qu'ils fonctionnent.
    Pour ce qui est des effets du changement climatique, l'idéal pour le Canada n'est peut-être pas nécessairement d'investir dans un rapport comme le rapport Stern, parce que ce rapport découle d'une analyse mondiale. Évidemment, il ne s'agit pas d'une micro-analyse de la situation exacte du Canada, mais il donne une bonne idée à n'importe quel pays des risques et des débouchés: les risques que pose l'inaction et les débouchés qu'offre l'action. Il lie très clairement les programmes que nous avons au Canada aux coûts des combustibles fossiles, qui ne vont aller qu'en augmentant. Il y a des façons d'améliorer notre efficacité. Nous avons l'occasion de nous épargner des douleurs et de réaliser des gains. Sinon, nous allons reculer davantage et nous imposer le coût de l'inaction. L'inaction génère des coûts pour le public, les entreprises, le gouvernement. Le calcul est très simple, il se fonde sur le cours de base des combustibles fossiles. Nous payons déjà, vous payez, et il serait véritablement néfaste pour le public et les entreprises du Canada, dans toutes les sphères de l'économie, de ne pas nous attaquer au carbone.

  (1635)  

    Prenons un exemple. Dans l'avion, en me rendant ici aujourd'hui, j'ai répondu à des cartes de mes électeurs, qui m'interrogeaient sur le changement climatique. Il y a de la frustration depuis quelques années parce que les gens se demandent pourquoi nous n'agissons pas tout simplement. Je pense à une carte en particulier, que j'ai reçue d'un électeur conservateur, rien de moins.
    J'ai une question sur le degré de certitude dans le milieu des affaires. J'ai reçu dans mon bureau beaucoup de directeurs et de présidents des grands pollueurs du pays. Ils affirment que dès qu'ils ont entendu le signal du gouvernement, ils ont commencé à agir et ont fait les investissements nécessaires. Ensuite, tout est tombé à l'eau et il y a eu un autre plan, un autre appel à l'action. Les gens d'affaires commencent à s'énerver un peu, ils retiennent des leçons de leur expérience.
    En ce moment, les gens d'affaires sont tellement frustrés qu'ils ne sont plus prêts à agir tant qu'il n'y aura pas de règles claires, écrites noir sur blanc, sans remise en question, sur les objectifs dont vous venez de parler, pour qu'ils soient prescrits par la loi. Je sais bien que vous consultez tous, à divers degrés, ces acteurs de l'économie canadienne.
    Récemment, un rapport a montré que bon nombre des grands pollueurs du Canada investissent moins dans ces coûts d'infrastructure pour cette raison. Sentez-vous cette frustration chez les gens d'affaires et leur récalcitrance à ce qu'on appuie encore une fois sur le bouton d'alarme? La réponse n'est tout simplement plus la même.
    Le Fonds mondial pour la nature travaille avec des entreprises que nous estimons prêtes au changement et à la fine pointe de la technologie. En fait, nous constatons une grande volonté d'agir chez les gens d'affaires avec qui nous parlons, mais ils s'entendent pour dire que s'il y avait des règles enchâssées dans la loi, ce serait beaucoup plus facile et beaucoup plus motivant pour leurs concurrents de les suivre, et les règles du jeu seraient les mêmes pour tous.
    Ces entreprises restent toujours à la fine pointe, ce qui est fantastique parce qu'elles veulent figurer parmi les meilleurs, mais cela les épuise à la longue et il devient très difficile pour les leaders de rester devant trop longtemps. Même si l'on mise sur la transformation du marché, il faut être à l'écoute des leaders. Parmi les entreprises qui protègent le climat avec lesquelles le Fonds mondial pour la nature travaille, il y a Sony, en passant par IBM jusqu'à Johnson & Johnson et le producteur de papier Catalyst. Elles réduisent énormément leurs émissions de gaz à effet de serre dans leurs activités. Catalyst les a réduites de 70 p. 100. Vous les connaissez peut-être. Il faut leur emboîter le pas et inclure des mesures dans la loi.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Vous avez une minute.
    Récemment, l'Alberta a avancé l'idée d'un programme de capture et de séquestration du carbone pour le secteur pétrolier et gazier, à condition que le public assume une partie des coûts ou même tous, qui s'élèvent à quelques milliards de dollars. Selon un plan comme celui que propose le projet de loi C-377, quelle serait l'alternative pour tirer avantage de ce type de projet et réduire la quantité de carbone? Sommes-nous prêts à aller de l'avant ou y a-t-il une autre solution dans le cadre de notre programme de plafond et d'échange de crédits qui nous permettrait de créer le même mécanisme pour les sables bitumineux et le secteur pétrolier en général?

  (1640)  

    On peut mettre en place n'importe quel système qui confère un prix au carbone et incite les entreprises pétrolières et gazières à investir elles-mêmes dans la capture et la séquestration du carbone, si elles en ont envie. C'est la solution que nous privilégions, qu'il y ait des objectifs, un prix pour le carbone, ainsi qu'une taxe sur le carbone ou un plafond et un système d'échange de crédits (en fait, il y a des solutions hybrides qui seraient probablement plus efficaces), mais en bout de ligne, je ne vois pas pourquoi le public devrait payer la facture pour que les entreprises pétrolières et gazières assument la responsabilité de la pollution qu'elles produisent.
    Merci.
    Monsieur Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. Je vais concentrer mes questions sur le projet de loi C-377 et les solutions. Votre perspective est environnementale, et j'aimerais entendre vos bons conseils sur l'avenir que vous entrevoyez au Canada si nous acceptons ces objectifs.
    Vous proposez que nous établissions ces objectifs, que nous les inscrivions dans la loi et que nous les atteignions. De quoi le Canada pourrait-il avoir l'air en 2050 et en 2020, d'après vous? Comment cette transition se répercuterait-elle sur chaque Canadien? Je me demande donc comment nous allons y arriver, mais aussi quel sera le résultat.
    J'aimerais d'abord vous parler, comme j'en ai parlé avec les autres témoins, de l'importance d'évaluer les coûts de ce projet de loi. J'ai demandé à M. Layton s'il l'avait fait, parce que pour assurer un développement durable, il faut certes protéger l'environnement, mais on ne peut pas détruire l'économie. Chaque témoin en a parlé brièvement. Mercredi, nous allons entendre des économistes.
    M. Layton a donc dit qu'en effet, il n'avait pas évalué les coûts et qu'il aimerait que le gouvernement le fasse. J'ai demandé à M. Bramley s'il avait évalué les coûts. Il m'a répondu que non, qu'il s'attendait lui aussi à ce qu'on le fasse. J'ai posé la question à M. Stone il y a une semaine et il a dit qu'en effet, il pensait qu'il fallait les évaluer.
    Madame Langer, vous avez dit avoir fait vos calculs, comme on peut le lire dans le mémoire que vous nous avez distribué. L'un de vous trois a-t-il évalué les coûts du projet de loi C-377?
    Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire par évaluation de coûts. Voulez-vous surtout savoir ce qu'il en coûterait pour réaliser les objectifs prescrits par le projet de loi?
    Je m'excuse, je...
    Voulez-vous savoir ce qu'il en coûterait pour mettre en oeuvre les objectifs décrits dans le projet de loi?
    Le projet de loi C-377 établit des objectifs très ambitieux. Ils viennent du rapport du GIEC. L'institut Pembina et la Fondation David Suzuki militent eux aussi pour de grandes réductions.
    On a mentionné le projet de loi du gouvernement, Prendre le virage, qui s'assortissait d'une évaluation de coûts. Il y a eu des débats sur le réalisme des objectifs et les coûts de ce plan pour le PIB, pour les Canadiens, et peut-être quelques questions sur l'atteinte des objectifs.
    Je pense qu'on a dit que ces objectifs n'étaient pas assez rigoureux d'un point de vue environnemental, mais que pour l'industrie, ils l'étaient trop. C'est aussi ce que nous entendons de certaines provinces. Nous sommes donc un peu au milieu.
    En termes de coûts, qu'en coûtera-t-il à l'économie canadienne? Cela semble être un paramètre repère pour comparer les perspectives et les plans. Le gouvernement a un plan clair, de réduction absolue d'ici 2020 et de réduction importante de 60 à 70 p. 100 d'ici 2050. Il a évalué les coûts.
    A-t-on évalué les coûts du projet de loi C-377? Comme je l'ai dit, M. Layton a répondu par la négative, tout comme M. Bramley et M. Stone, mais chacun d'eux a dit qu'il fallait non pas établir des chiffres arbitraires, mais estimer les coûts de manière à dresser un portrait complet de ce qu'ils signifient pour le Canada.
    C'est mon entrée en matière: de quoi le Canada aura-t-il l'air? De quoi aura l'air le développement urbain? Quel genre de voitures conduirons-nous? D'où l'énergie vient-elle? Quels sont les coûts? Il y a un équilibre, mais quels sont les coûts du projet de loi C-377?

  (1645)  

    Allez-y, monsieur Marshall. Je pense que vous êtes le premier.
    J'ai cité des études sur les moyens de réaliser ces grandes réductions à peu de coûts économiques. Le GIEC a mené une étude mondiale. Nous avons fait des modèles pour 2020 et 2050.
    Tout cela montre que nous pouvons réduire considérablement nos émissions pratiquement sans répercussion sur l'économie. J'ai cité l'étude que nous avons menée et selon laquelle la croissance économique du Canada serait de 26 p. 100 plutôt que de 27 p. 100 d'ici 2020.
    On peut se poser la question dans l'autre sens et se demander quels seront les coûts de l'inaction et l'on commence...
    Malheureusement, je n'ai pas le temps d'entrer dans ce débat.
    Je pense que c'est un argument important.
    Je comprends et je suis désolé de devoir vous interrompre, mais mon temps est limité. Vous laissez entendre que les coûts sont évalués de façon très générale dans votre rapport.
     Monsieur Ogilvie, pouvez-vous préciser votre pensée?
    Je n'ai jamais vu de plan assorti d'une analyse de coûts intégrée et à grande échelle.
    J'ai exprimé l'opinion que quand nous allions faire cette analyse, nous verrions beaucoup de possibilités. Il y a beaucoup de petites analyses. Les ministres de l'énergie ont préparé une modélisation de l'efficacité énergétique et ont pris une entente à cet égard. Nous savons que nous pouvons économiser sur les édifices. Il y a un modèle prêt à être déployé pour le secteur du transport, afin d'améliorer l'efficacité du carburant dans les véhicules, entre autres. Je suis très favorable à ce type d'analyse.
    Je pense que nous savons ce que nous devons réaliser d'ici 2050, et nous savons que nous devrons procéder par étapes. Nous avons également un indice de ce que nous devrions probablement viser pour 2020. À mon avis, il faut évaluer les coûts et trouver les solutions les plus productives, les moins chères et les plus favorables pour atteindre ces objectifs.
    Je suis donc d'accord qu'il faut faire des analyses. Enquête Pollution n'a pas encore fait sa propre analyse, mais nous avons participé à des exercices où l'on en a faite une.
    Très bien; merci.
    Je crois également que nous devrions établir les coûts de tout cela pour que le Canada sache où nous allons. Je pense que les cibles sont ambitieuses, mais il faut vraiment que nous examinions les impacts.
    Lorsqu'on a interrogé M. Layton sur les coûts et qu'on lui a demandé d'où les cibles étaient tirées, il a reconnu qu'elles venaient de la Fondation David Suzuki et de l'Institut Pembina, puis il a fait une analogie très intéressante avec un chemin de fer. Je le cite:
Je pense aux gens qui ont voulu construire un chemin de fer pour relier une extrémité du pays à l'autre. Croyez-vous qu'ils savaient exactement comment ils allaient faire? Croyez-vous qu'ils savaient comment ils allaient pouvoir défrayer tous les coûts? Ont-ils agi parfaitement? La réponse à toutes ces questions est non, mais ils avaient un rêve pour le pays, et ils ont décidé de réaliser l'impossible et y ont mis tous leurs efforts.
    Il a un rêve. Il a fixé ces cibles selon les recommandations de la Fondation David Suzuki, un organisme très respecté, et de l'Institut Pembina. Nous vous remercions de les encourager.
    Pourriez-vous me dire à quoi devrait ressembler le Canada, selon vous? J'aimerais préciser tout d'abord que je conduis un véhicule hybride. Il s'agit d'une technologie de transition. J'attends avec impatience le jour où il y aura des voitures électriques qu'on pourra brancher à l'aéroport, puis rebrancher une fois rendu chez soi. Je crois que l'arrivée de cette technologie n'est pas si lointaine.
    Où en sera le Canada en 2020 et en 2050, selon vous? Croyez-vous qu'il y aura des centrales au charbon comme celles que nous avons en Ontario, pour la fermeture desquelles le fédéral a fourni 583 millions de dollars, mais qui n'ont pas encore été mises hors service? En 2020, croyez-vous que ce type de technologies sera mis au rencart et que nous passerons à un Canada plus vert et des technologies plus écologiques, comme les voitures électriques, l'énergie solaire, l'énergie marémotrice et des maisons plus performantes, construites sur de plus petits terrains?
    Pensez-vous qu'il y aura aussi une taxe sur le carbone? J'espère que non. J'estime que les Canadiens sont surimposés, et notre gouvernement n'appuie pas une telle taxe. Mais pensez-vous qu'il y aura une taxe sur le carbone en 2020?
    Jusqu'à ce que vous vous disiez opposé à une taxe sur le carbone, vous sembliez avoir une vision.
    J'en ai une.
    Car c'est de cela qu'il est question. Il s'agit d'utiliser moins d'énergie et de consommer de l'énergie plus propre. De nous éloigner des industries polluantes pour nous tourner vers des industries qui nous fournissent les services dont nous avons besoin, sans pour autant perturber le climat.
    Cela n'ira pas sans une taxe sur le carbone — ou un prix du carbone sous une forme quelconque —, qu'il s'agisse d'une taxe ou d'un système de plafonnement et d'échanges. Ce sera nécessaire. On n'arrivera pas à une réduction des émissions sans un règlement à cette fin ou sans un coût obligeant les pollueurs à réduire leurs émissions.
    On peut créer une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d'échanges de bien des manières et, si on le souhaite, faire en sorte que cela n'ait aucune incidence sur les revenus du gouvernement. On réduira les autres taxes. On peut également investir une partie de cet argent dans d'autres mesures de réduction des émissions, par exemple en améliorant le rendement énergétique des édifices ou en affectant davantage de fonds aux transports en commun, ce qui doit faire l'objet d'un consensus.

  (1650)  

    Ces mesures font toutes partie de notre plan, alors je le conçois.
    Votre temps est écoulé. Merci.
    Monsieur Godfrey.
    Tout d'abord, j'aimerais tous vous remercier de votre présence. Il a été utile que vous nous présentiez différents moyens d'en arriver à une solution. Tout cela pointe dans la même direction, mais les divers exposés ont été très riches; je tiens donc à donc vous remercier.
    J'aimerais m'adresser à Dale Marshall. Bien entendu, la difficulté provient du fait qu'il nous a montré un aperçu de cette future étude qui doit être publiée dans trois semaines. Mais certaines questions exigent des réponses. Reste à savoir s'il arrivera à me répondre.
    Le Canada pourrait faire plus de 80 p. 100 du chemin vers l'atteinte des cibles de 2020 en appliquant un prix du carbone suffisamment élevé. Quel serait ce prix?
    Nous le publierons dans trois semaines.
    Ce montant sera-t-il de l'ordre de 15 ou 20 $, tel que proposé par...
    Non, il serait beaucoup plus élevé.
    J'aimerais également comprendre comment vous avez établi ces calculs, qui laissent croire que la totalité, ou 80 p. 100 de notre cible pour 2020, ne s'applique pas aux autres gains réalisés du côté de l'efficacité énergétique des véhicules, des électroménagers et des édifices. J'en déduis que vous parlez des grands émetteurs finaux qui, selon votre méthode de calcul, représentent une proportion de 47 p. 100, comme l'a dit Julia Langer, ou encore de 53 p. 100, mais nous savons de quelles catégories il est question. Prétendez-vous qu'en mettant de côté les 47 p. 100 restants, ou peu importe le pourcentage — appelons-les les 50 p. 100 manquants — il serait possible d'atteindre 80 p. 100 de l'objectif global du Canada, à partir du seul secteur des grands émetteurs finaux?
    Non; un prix sur le carbone généralisé, lorsque appliqué au seul secteur des grands émetteurs finaux, s'appliquerait à toute consommation d'énergie impliquant l'utilisation de combustibles fossiles, alors on ne parle pas seulement de 50 p. 100. En fait, cette proportion ressemble davantage à 80 p. 100 des secteurs qui émettent du dioxyde de carbone.
    Les taxes sur le carbone n'arrivent pas très bien à atteindre certaines choses, ou ont une faible incidence sur elles; c'est là où j'estime qu'il y a un réel besoin d'une réglementation en ce qui concerne des mesures comme l'amélioration du rendement énergétique des véhicules et des édifices et l'établissement de normes d'efficacité plus élevées pour les électroménagers. Nous savons comment fabriquer des générateurs d'air chaud à gaz naturel efficaces à 96 p. 100. Pourquoi en trouve-t-on sur le marché qui sont efficaces à 78 p. 100? Cela n'a aucun sens d'avoir des règlements dans divers cas où le prix du carbone en soi n'aura aucun impact pour ce qui est du type de changement de comportement nécessaire pour réduire les émissions à ces niveaux.
    Pour ce qui est des 50 p. 100 restants, ils correspondent en fait à trois secteurs: premièrement, celui des transports; deuxièmement, celui des édifices et des électroménagers — que je mets ensemble —, et troisièmement, celui qu'on ne mentionne pas ici, le secteur biologique, qui comprend l'agriculture, la foresterie et les déchets urbains. D'un point de vue réaliste, en étant conscients que dans le troisième secteur particulièrement, la source des émissions n'est pas toujours la production d'énergie mais a quelque chose à voir avec l'oxyde nitreux, le méthane ou d'autres types de gaz à effet de serre, croyez-vous tous les trois qu'il est possible, sans s'arracher les cheveux, d'en arriver à ce genre d'efficacité dans les trois secteurs que je viens de nommer?Où sera la plus grande difficulté d'ici 2020?

  (1655)  

    Du point de vue de l'efficacité, il n'existe aucune étude portant sur la réduction des gaz à effet de serre qui ne place pas l'efficacité énergétique en tête de liste.
    Premièrement, l'efficacité énergétique est un moyen rapide. Les échéanciers assortis à ces cibles semblent équivoques. Pour protéger le climat, on doit avant tout s'attaquer aux réductions des émissions. C'est ce que les scientifiques montrent avec toutes leurs courbes — votre groupe de témoins a dû vous en présenter beaucoup la semaine dernière. Nous devons commencer par consacrer beaucoup d'efforts aux réductions, et les réductions les plus rapides, économiques et durables viendront d'une diminution de la demande globale en énergie.
    On peut affirmer sans risquer de se tromper que dans notre économie canadienne, nous pourrions consommer 40 p. 100 moins d'énergie pour faire exactement ce que nous faisons maintenant. Mais dans les faits, nous devrions agir autrement, et consommer moins. Il faudrait recourir davantage aux transports en commun qu'aux automobiles. On atteindrait alors cette réduction additionnelle de 40 p. 100 de la demande d'énergie. Ainsi, au chapitre du logement, des transports, de l'agriculture et des opérations forestières — la scierie, pas les fertilisants — nous pourrions réaliser sans regrets des gains considérables. Nous en sommes là. Nous gaspillons de l'énergie, et si nous n'agissons pas, nous serons désavantagés à mesure que les prix de l'énergie augmenteront. Donc, il existe un fort potentiel.
    Monsieur Vellacott.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons déjà abordé brièvement le sujet d'une taxe sur le carbone, qui a fait l'objet de beaucoup de discussions. Nous ne sommes pas certains de l'opinion des libéraux là-dessus. Un jour, leur chef adjoint est pour la création d'une taxe sur le carbone; le lendemain, Stéphane Dion est contre. Il y a quelques semaines, M. McGuinty a rejeté cette idée, puis son collègue, M. Godfrey, a dit ne pas l'écarter.
    Donc, nous ne connaissons pas vraiment la position des libéraux dans ce dossier. Dale a donné sa réponse là-dessus, mais Julia et Ken pourraient peut-être nous dire quel genre de taxe sur le carbone serait nécessaire pour atteindre la cible établie dans ce projet de loi. Quelle forme prendrait-t-elle?
    Julia ou Ken?
    Tout d'abord, nous ne parlons pas nécessairement d'une taxe, mais d'un prix. On peut créer un prix grâce à diverses méthodes, soit au moyen d'une taxe, soit par la contrainte. Si on limite les émissions de carbone grâce à un système de plafonnement et d'échanges, le prix sera à la hausse parce que le carbone deviendra un produit. Donc, on n'a pas nécessairement à taxer le carbone pour en augmenter le prix.
    Certaines des études réalisées, qui proposent un prix de 30 $ la tonne, montrent qu'à ce tarif-là, on aurait toute une série de mesures favorisant l'efficacité énergétique et la réduction des émissions industrielles. En augmentant le prix, peu importe par quel moyen, on crée des mesures additionnelles de réduction des émissions qui sont plus rentables et plus viables.
    Il me semble que cela reste une taxe. Mais on pourrait arriver à me convaincre.
    Dans certains domaines, nous savons que nous pourrions appliquer une taxe ou un prix rapidement, comme dans le cas des carburants. L'infrastructure pour la collecte des taxes sur le carburant est facile à utiliser. On aurait à peine à recruter davantage de personnel pour percevoir et gérer cet argent.
    La table ronde nationale passe à la partie suivante de son analyse — l'examen de l'établissement des coûts. Je crois que cela nécessite une bonne part de création.
    Il est clair que si l'on applique une norme d'efficacité énergétique, le public utilisera simplement la technologie concernée. Mais il faut concevoir une manière d'aller dans le sens inverse. Si on laisse les gens décider s'ils utiliseront plus ou moins de mazout de chauffage que ce dont ils ont besoin, le prix aura une influence.
    Donc, le mot « taxe » est inapproprié, dans un sens, mais au bout du compte, c'est ce que c'est. Il ne s'agit pas tant d'établir s'il faut taxer que de déterminer comment. On doit s'assurer de réserver un traitement équitable aux gens qui n'ont pas les moyens d'assumer des coûts supplémentaires. Mais c'est évident: ils consommeront moins s'ils paient davantage, et consommeront plus s'ils n'ont rien à payer. Si nous ne transmettons pas ce message important dans l'économie, nous aurons de réels problèmes. Je suis donc en faveur d'une certaine forme de prix, qu'il s'agisse d'une taxe, d'une note de gaz ou d'autre chose.
    On a fait de bonnes analyses de la question aux États-Unis et dans certaines parties du Canada, en examinant quel montant supplémentaire on se retrouve réellement à payer si ce prix additionnel est exigé. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais sachez que la Commission de l'énergie de l'Ontario et le mécanisme de partage des économies sont des moyens qui passent par les services publics, et les consommateurs peuvent payer plus cher tout en économisant sur le plan du carburant grâce à une utilisation moindre. Il y a donc des façons de le faire, mais cela nécessite une bonne dose de création.

  (1700)  

    J'ai une autre brève question, et j'apprécierais que vous me répondiez rapidement par oui ou non, tous les trois, puisque je vais manquer de temps. Comme vous le savez, le gouvernement passe des accords de conformité signés sur une base volontaire à de rigoureux règlements imposés aux gros pollueurs, comme en témoigne cette annonce faite en Indonésie, selon laquelle on irait de l'avant avec l'article 71 de la LCPE. Rapidement, pourriez-vous me dire si, oui ou non, vous appuyez ce geste, ce durcissement de ton quant à l'application de l'article 71, au lieu de la prise de mesures sur un base volontaire?
    En principe, nous devrions absolument avoir des exigences réglementaires.
    Pardon; qu'en est-il de l'article 71? Je n'ai pas compris.
    En ce qui a trait aux véritables règlements, et pas seulement à l'observation sur une base volontaire, nous devrions appliquer des règlements sévères à l'égard des grands pollueurs, conformément à l'article 71 de la loi.
    Une réduction absolue des émissions serait à privilégier en matière de réglementation, mais nous sommes en faveur des règlements.
    En fait, je n'ai pas eu l'occasion de répondre à votre question de tout à l'heure. Je vous dirais qu'un des moyens de créer un système consiste à mettre en place un régime de plafonnement et d'échange, ce qui bien sûr implique une réglementation visant les grands émetteurs finaux; une taxe sur le carbone qui aura un impact pour le consommateur; et des règlements applicables aux secteurs que j'ai déjà mentionnés, et qui ne sont pas vraiment bien visés par un prix sur le carbone.
    Merci.
    Monsieur Regan, je vous prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Laissez-moi vous interroger sur ce que nous venons d'entendre à propos d'une taxe sur le carbone, qui bien sûr diffère d'un budget carbone ou d'un système de plafonnement et d'échange, bien que mes collègues du Parti conservateur semblent incapables de saisir la différence, d'après ce que je déduis de leurs propos.
    Je me permets de vous poser la question suivante: compte tenu de la hausse des prix du pétrole à laquelle nous avons assisté, surtout au cours de la dernière année, à quel point le comportement des consommateurs a-t-il changé? En ce qui a trait à cette proposition, quel montant de taxe — taxe que nous n'appuyons pas, d'ailleurs — serait nécessaire pour créer l'impact voulu au chapitre du changement de comportement?
    Je crois que les prix plus élevés de l'essence ont entraîné un changement de comportement en ce qui a trait aux types de véhicules que les gens achètent, par exemple. C'est pourquoi je soutiens que la meilleure façon de véritablement régler le problème des émissions provenant des véhicules personnels est de mettre en place des règlements qui nous obligent à accroître très rapidement l'efficacité énergétique des véhicules offerts sur le marché. Les normes californiennes pourraient constituer la meilleure proposition par rapport aux normes en vigueur en Amérique du Nord, mais lorsqu'on les compare à celles de l'Europe, de la Chine et du Japon — ou de n'importe où ailleurs —, elles sont incroyablement faibles du point de vue du rendement énergétique des véhicules.
    Voilà donc la meilleure façon de capter ces émissions. On met en place des normes relatives à l'efficacité énergétique des véhicules, qui améliorent...
    Votre réponse n'a pas grand-chose à voir avec le sujet d'une taxe sur le carbone. Vous ne répondez pas à la question. J'accepte ce que vous dites quant au fait qu'imposer des règlements rigoureux aux fabricants de véhicules, notamment, est incontestablement un moyen important de limiter les émissions. Mais si vous proposez également l'application d'une taxe sur le pétrole, je vous demanderais de quel montant elle serait, et quel effet elle aurait, selon vous. Je pense que nous avons constaté certains changements. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai acheté une Prius, en plus du fait que c'est davantage écologique, ce qui, de nos jours, nous importe à tous de plus en plus, espérons-le, mais pas encore assez. Beaucoup de gens continuent à acheter des VUS, des camions, etc.
    Comme quelqu'un l'a déjà dit, nous ne sommes pas économistes, donc nous consultons les analyses d'autres personnes pour cela. William Nordhaus, un économiste très respecté de l'Université Yale, a calculé que le prix optimal du carbone ou d'une taxe aurait été d'environ 27 $US par tonne métrique en 2005, ce qui équivaudrait à 90 $US en 2050. Bref, d'une manière ou d'une autre, nous parlons d'une taxe sur le carbone de 30 à 90 $ la tonne, selon certaines analyses économiques. Je ne sais pas quels sont les chiffres pour le Canada, mais cela semble raisonnable pour commencer. Bien sûr, les prix pourraient augmenter beaucoup après, selon les pressions qu'il faudra exercer pour réduire encore davantage les émissions, mais c'est le genre de chiffres qu'on lance. Je ne sais pas ce que mes collègues vont nous dire à ce propos prochainement.

  (1705)  

    Votre question porte en partie sur ce qu'on appelle l'élasticité. On ne choisit pas vraiment combien d'énergie on utilise pour chauffer sa maison, tout dépend du froid. On n'a pas vraiment le choix s'il n'y a pas de système de transport en commun qui nous permet de se rendre au travail. C'est là où je suis inquiète, je crains que le Canada et les Canadiens voient les prix de l'énergie augmenter.
    Ce type d'utilisation ne répond pas bien aux signaux des prix, et c'est pourquoi il faut deux formules. Les prix régiront les utilisations qu'on peut éviter, quand les usines peuvent accroître leur efficacité ou que les utilisateurs jouissent d'une certaine marge de manoeuvre. Ils n'auront pas d'incidence sur les comportements et les utilisations inévitables, d'où le besoin d'un règlement complémentaire. Si nous ne fixons pas d'objectifs ni ne déployons de mesures appropriées pour chacun, nous ne les atteindrons pas.
    J'aimerais savoir si vous avez vu un article écrit par Gwyn Morgan dans le Globe and Mail d'aujourd'hui. C'est un bon ami du premier ministre, je suppose, et le président d'EnCana. En gros, il appuie ce que fait le gouvernement, il affirme que nous devrions nous concentrer sur les pays en développement et les pousser à participer aux réductions plutôt que de réduire nous-mêmes nos émissions.
    Si vous l'avez lu, pouvez-vous me dire ce que vous en pensez? J'aimerais également connaître votre point de vue à cet égard en général.
    Il parlait d'établir des normes ou quelque chose du genre, ce qui est vraiment essentiel, il faudrait établir des normes d'intensité pour l'industrie et les imposer aux pays en développement. Cela ne nous permettra pas d'atteindre les cibles dont il est question ici, et il ne le prétend pas non plus, si ma mémoire est bonne. La grande question est de savoir si nous allons nous fonder sur la science et essayer d'éviter les pires effets du changement climatique ou non. Dans l'affirmative, nous devrons tenir compte de la science, du temps et des chiffres.
    L'objectif est d'y arriver au moindre coût et de la façon la plus optimale et favorable possible sur le plan économique plutôt que de dire: « Concentrons-nous sur l'intensité » ou « Établissons quelques normes et laissons les choses aller jusqu'à ce que les pays en développement embarquent ». Nous devons nous reporter aux données scientifiques et trouver le meilleur moyen de parvenir à nos fins au moindre coût possible, c'est dans notre intérêt.
    Je pense qu'il envisage un scénario totalement différent, qu'il ne tient pas compte des données scientifiques. Il analyse la perspective économique d'un point de vue de l'industrie et de ce qu'elle peut assumer. Je peux comprendre, mais cela ne réglera pas le problème.
    Monsieur Harvey, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie d'être ici. Compte tenu du fait que je n'ai que cinq minutes, je vais vous demander, si possible, de me répondre par oui ou par non.
    Dans mon comté se trouve l'Association minière du Canada. Comme on le sait, l'aluminium sera sans doute un des métaux les plus utilisés, en raison de sa légèreté. On sait qu'au Canada, lorsque l'on produit une tonne d'aluminium, on produit 4 tonnes de CO2. En Chine, la même tonne d'aluminium produit 7 tonnes de CO2.
    Vous nous parlez d'une taxe sur le carbone. Par conséquent, si nous appliquons un prix de 30 $ la tonne, cela veut dire quatre fois 30 $. Vous n'avez pas eu le temps de parler d'un peu plus, mais ce sera peut-être un plus. Nous ajoutons un coût de 120 $ à la tonne d'aluminium canadien. Or, on sait que le marché fera en sorte que les acheteurs se procureront l'aluminium en Chine plutôt qu'au Canada.
    Jugez-vous que c'est meilleur pour l'environnement d'acheter une tonne d'aluminium en Chine, qui génère sept tonnes de CO2, plutôt que de l'acheter au Canada, où elle en génère quatre tonnes?
    Monsieur Marshall.

  (1710)  

    Pardonnez-moi, je vais répondre en anglais pour me sentir plus à l'aise.

[Traduction]

    Les pays qui s'industrialisent rapidement comme la Chine doivent participer au régime mondial, et leurs entreprises doivent être touchées de la même façon que les nôtres dans un régime international du carbone. Les pays en développement...

[Français]

    Je vous ferai remarquer que je vous ai demandé une réponse très courte parce que je ne dispose que de cinq minutes, et vous n'avez même pas encore...
    C'est une question très complexe, monsieur.
    Oui, mais je vous ai demandé si le fonctionnement actuel était meilleur pour l'environnement. Le projet de loi C-377 ne parle pas de la Chine. Il parle de fluctuations, de mouvements. Telle est la question. Je ne veux pas savoir ce que doivent faire les Chinois. Est-ce mieux comme ce l'est actuellement? Le projet de loi C-377 dit que... Vous parlez d'une taxe. On ajoute 30 $ par tonne de CO2, donc 120 $ par tonne d'aluminium. Que se produira-t-il?
    Ce que je vous dis, c'est que tous les pays doivent prendre leurs responsabilités concernant leurs émissions. Les Chinois vont faire partie du système international sur les changements climatiques.

[Traduction]

    Nous avons besoin d'un traitement équitable pour notre production nationale comme pour nos importations. La Chine devrait payer une taxe équivalente pour sa production et payer plus cher si elle est moins efficace. Si nous produisons de l'aluminium plus efficacement au Canada (cela consomme beaucoup d'énergie) et qu'il y a un prix pour le carbone, les Chinois seront confrontés aux mêmes signaux de prix et ils paieront plus cher, ce qui nous rendra plus concurrentiels.
    D'un point de vue environnemental, toutes les réductions d'émissions de gaz à effet de serre sont bonnes. Nous devons faire de notre mieux pour réduire les nôtres et faire tout en notre pouvoir pour convaincre les autres pays de le faire aussi.

[Français]

    D'accord. On nous a dit que le modèle européen était une réussite. On a parlé de la France, de l'Angleterre et de l'Allemagne, alors qu'on sait très bien que ces pays utilisent la technologie nucléaire. Est-ce, oui un non, une technologie que nous devrions utiliser au Canada pour réduire nos gaz à effet de serre?
    La réponse est non. Les Allemands, pour leur part, sont en train de retirer leur système nucléaire.
    Oui, et ils achètent présentement de l'énergie des Français.
     Monsieur Ogilvie.

[Traduction]

    Il reste des questions irrésolues sur le nucléaire: la gestion des déchets et les subventions cachées demeurent mal comprises. Je pense que toutes ces questions méritent d'être étudiées. Les prix devraient être revus en fonction du nucléaire, puisqu'il n'est pas pris en compte dans les chiffres qu'on nous donne. Je ne pense pas qu'ils soient justes et en fait, il y a de meilleures options. Tant qu'il n'y aura pas de solution à ces problématiques, nous devrions nous concentrer sur les autres possibilités d'abord.
    Le Fonds mondial pour la nature ne favorise pas l'énergie nucléaire. Elle n'est ni nécessaire ni souhaitable d'un point de vue environnemental.

[Français]

     L'Ontario aura bientôt à fermer sept centrales alimentées au charbon. Quelle technologie cette province va-t-elle devoir utiliser? Elle va entre autres devoir fournir de l'électricité à l'industrie. Que faut-il faire à ce sujet?

[Traduction]

    Le Fonds mondial pour la nature a fait...

[Français]

    On nous a présenté de grandes théories, mais je parle ici d'idées concrètes.
    Je désignais Mme Langer parce que la WWF a fait une étude démontrant qu'une combinaison d'énergies propres, donc d'efficacité énergétique et de conservation, nous permettrait de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de fermer les centrales ontariennes qui fonctionnent au charbon.
    On pourrait fermer les sept centrales de cette façon?
    Oui.
    D'accord. C'est bien.

[Traduction]

    Monsieur Harvey, je suis désolé, mais vous n'avez plus de temps.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit sur la Norvège. Son économie est très semblable à la nôtre. Elle est axée sur le pétrole, ce qui a une grande incidence sur sa monnaie et du même coup, d'après ce que j'ai entendu, sur le secteur manufacturier, parce que la force de la monnaie a de graves conséquences pour ce secteur.
    Pouvez-vous nous parler davantage de l'expérience norvégienne? Quand vous dites que la Norvège est neutre sur le plan du carbone, pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire?

  (1715)  

    Essentiellement, la Norvège prévoit réduire ses émissions assez radicalement, probablement un peu comme on le propose dans ce projet de loi. Bien sûr, aucun pays ne peut éliminer totalement ses émissions de carbone. La Norvège prévoit réduire ses émissions autant que possible et compenser tout le reste par des crédits d'émission crédibles achetés ailleurs, fort probablement des pays en développement.
    Cette question n'est peut-être pas très honnête puisqu'elle porte sur un pays très particulier, mais quelles stratégies utilise-il dont nous pourrions nous inspirer? Ne fait-il que se fixer des objectifs?
    Il a une taxe sur le carbone.
    Il a une taxe sur le carbone et un système d'échange...
    Il a une taxe sur le carbone qui touche l'industrie pétrolière et gazière, et c'est pourquoi cette industrie utilise le CSC, parce que dès qu'il y a une taxe assez importante, on atteint l'efficacité commerciale.
    C'est ce qui me porte à parler de séquestration du carbone pour les sables bitumineux de l'Alberta. Où en sommes-nous pour rendre la séquestration du carbone viable? Par exemple, quand nous avons discuté du projet de loi C-288, nous avons fait venir des experts, qui nous ont dit que nous avions encore du chemin à faire pour rendre cette solution efficace.
    N'importe lequel des témoins peut me répondre. Que pensez-vous de la séquestration du carbone à l'heure actuelle et qu'allons-nous faire si les prévisions sont justes et que les sables bitumineux se mettent bientôt à produire 15 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du Canada? Que devons-nous faire pour respecter nos objectifs? Devons-nous annuler des projets d'exploitation des sables bitumineux?
    La séquestration du carbone est-elle une solution qui permettra à l'économie albertaine de mener à bien ses projets d'exploitation des sables bitumineux? Comment entrevoyez-vous l'avenir du Canada du point de vue des sables bitumineux?
    Pour les sables bitumineux, je pense qu'il n'y a personne qui entrevoit un avenir dans lequel nous pourrions réduire beaucoup nos émissions comme voulu sans investir considérablement dans le captage et le stockage de CO2. Comme les témoins qui viennent juste d'intervenir l'ont souligné, nous avons des formations géologiques qui le permettent. Nous avons les moyens de nous doter de l'infrastructure nécessaire. Ce n'est pas que c'est impossible, c'est seulement que ce n'est pas encore fait.
    La grande question, c'est qui va payer? Qui va être responsable? Dans quel cadre cela va-t-il se faire?
    Si nous adoptons un objectif de réduction des gaz à effet de serre adéquat et ambitieux qui contraint les émissions de CO2, qui crée un signal de prix, la technologie va se développer, parce que c'est l'un des moyens pour l'industrie de réduire véritablement ses émissions. Nous devons le faire et c'est ce que nous faisons. Il y a des projets aux Émirats arabes unis. Il y a des projets pilotes qui démarrent en Europe. Il y a un projet en Australie. Il y en a partout dans le monde. C'est un exercice de collaboration et en réalité, il ne s'agit que d'établir des paramètres et des modalités. Il faut donc vraiment aller de l'avant.
    Que cela signifie-t-il pour les sables bitumineux de l'Alberta? Eh bien, je doute d'être la première personne à dire qu'il y a surexploitation et qu'il faudrait à tout le moins favoriser un développement à un rythme plus convenable. Nous avons besoin de limites. Il n'y a pas de limites en ce moment, donc tout va dans tous les sens, on utilise l'atmosphère du monde comme fosse commune pour polluer. Les effets sur la forêt boréale et l'eau sont immédiats et commandent des mesures urgentes. Nous avons tellement de raisons d'agir.
    Il n'y a plus de temps. Vous pouvez commenter très brièvement.
    Ma question s'adresse à Mme Langer ou à un autre témoin. Vous dites qu'il faut imposer des limites à l'exploitation des sables bitumineux si nous voulons respecter nos objectifs d'émissions de gaz à effet de serre nationaux. Estimez-vous réaliste — et il n'est probablement pas correct de vous poser la question - que le gouvernement actuel durcisse assez le ton à cet égard avec l'industrie?

  (1720)  

    Je trouve assez intéressant que l'ancien premier ministre Lougheed soit capable de s'exprimer sur le rythme du développement sans cligner des yeux. Il faut interpréter la situation, s'ouvrir les yeux sur la surexploitation, prendre le pouls de l'opinion publique en Alberta et prendre une décision rationnelle.
    Monsieur Watson, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de comparaître aujourd'hui. Je suis très content de certains propos que j'entends ici aujourd'hui, de certaines solutions. En fait, elles soulèvent probablement plus de questions que je n'ai de temps pour en poser.
    J'aimerais commencer par une question pour vous, monsieur Ogilvie. Quand vous avez parlé de Gwyn Morgan, vous avez dit que nous devions nous fonder sur la science. C'est intéressant. J'ai probablement deux questions à ce sujet.
    Premièrement, comme c'est un enjeu mondial, y a-t-il des groupes parmi les vôtres ou aux Nations Unies qui ont effectué une modélisation afin de proposer des cibles pour les pays en développement? Par exemple, quel devrait être l'objectif pour la Chine et pour quelle année?
    Il y a toutes sortes de propositions. L'ONU convient que nous devrions envisager un maximum et un déclin d'ici à 10 à 15 ans et que nous devrions descendre beaucoup sous la barre des 50 p. 100 des émissions mondiales d'ici 2050, ce qui a des incidences bien réelles pour le monde en développement. Ces deux données signifient que les pays en développement, au cours de cette période de 10 à 15 ans, devront eux-mêmes atteindre un maximum d'émissions, puis les diminuer, étant donné qu'ils génèrent une part croissante des émissions. Comme je l'ai dit, les pays en développement en ont convenu par leur signature à Bali, ils ont convenu qu'il fallait atteindre un maximum puis diminuer nos émissions.
    Dans l'une des diapositives de ma présentation, on trouve un petit graphe très compliqué qui comporte de nombreuses courbes. Celles-ci représentent une solution.
    La question que le Fonds mondial pour la nature s'est posée c'est: pouvons-nous vivre avec un budget de sept gigatonnes, qui représenterait une réduction totale de 50 p. 100 des activités usuelles prévues, tout en répondant à nos besoins énergétiques, compte tenu de la croissance de la population et du développement économique? La réponse est oui, si nous misons énergiquement sur l'efficacité, sur les énergies renouvelables. Le captage et le stockage du carbone sont parmi les courbes qu'on trouve ici.
    C'est donc possible, si tous les pays du monde coopèrent, ce qui sous-entend évidemment les pays en développement comme la Chine et l'Inde.
    Monsieur Ogilvie, allez-y.
    J'ajouterais, même si je ne suis pas au courant de l'analyse sur les pays en développement ni de ce qu'elle pourrait recommander, que ce serait vraiment raisonnable si nous y mettons le prix nous-mêmes, si nous associons un prix au carbone et que notre compétitivité risque d'en souffrir au point où la production pourrait migrer vers une autre région du monde où les gens ne paient rien. Il faut équilibrer un peu les choses. Il faudrait vraiment qu'on perde des occasions d'affaire si l'on n'est pas concurrentiel. Si quelqu'un est un meilleur producteur, un producteur plus efficace, pour les bonnes raisons, c'est très bien, mais si nous nous imposons des contraintes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut uniformiser un peu les règles du jeu pour qu'à tout le moins, ce ne soit pas un nouveau facteur de transfert de la production vers les pays moins écologiques.
    Alors recommanderiez-vous une taxe à l'importation, par exemple? L'idée me vient à l'esprit parce que si nous adoptons un nouveau règlement sur l'efficacité du carburant, pour favoriser une efficacité supérieure à 35 milles par gallon, par exemple, soit la norme de Bush, il y aurait tout lieu de s'inquiéter de l'efficacité du carburant des futurs véhicules de la Corée, entre autres, qui fait partie des pays en développement, ou de la Chine, qui vend des véhicules 10 000 $. Qui sait quelle sera leur efficacité énergétique?
    Est-ce bien ce dont vous parlez?
    Je suis très favorable à ce type d'analyse. L'objectif n'est pas de détruire l'industrie canadienne. L'objectif est de la rendre efficace et de rendre le monde efficace lui aussi. Je pense qu'il faut tenir compte de ces aspects de notre politique.
    Et faire en sorte que chaque pays assume la responsabilité de ses émissions, exactement comme on en discute sur la scène internationale.
    Merci.
    La semaine dernière, nous avons reçu des chercheurs du GIEC, dont M. Stone. Lui et moi avons eu une conversation intéressante.
    Je l'ai interrogé sur l'objectif de 25 à 40 p. 100 d'ici 2020 et celui de 80 à 95 p. 100. Je lui ai justement demandé si c'était les décideurs politiques qui avaient pris cette décision, les bureaucrates ou les scientifiques. Il a répondu que c'était les scientifiques.
    Dans son exposé, il n'a présenté aucun objectif pour les pays en développement. Je lui ai demandé si c'était parce que ce n'était pas scientifiquement quantifiable, et il m'a répondu que non. Je lui ai demandé si c'était les scientifiques du GIEC qui avaient décidé de ne pas les quantifier, et il m'a répondu que oui.
    Je lui ai ensuite demandé si cela laissait supposer un biais qui ne serait pas nécessairement scientifique de la part des chercheurs à l'égard des objectifs. Il a commencé par éviter la question, puis il a fini par acquiescer.
    Cela m'inquiète. Est-ce que les scientifiques s'aventurent au-delà de l'arène scientifique, dans la sphère des décideurs politiques? Si nous envisageons des objectifs inspirés de ceux établis par les scientifiques du GIEC, c'est une question à prendre en considération, de même que celle de savoir si la Chine, l'Inde, la Corée du Sud et les autres ont eux aussi des objectifs absolus. C'est la grande question politique. La décision de ne pas faire de modélisation en ce sens... Je suppose qu'à elles seules, les données scientifiques justifieraient une certaine modélisation, compte tenu du fait que les émissions s'accumulent toutes dans l'atmosphère.
    Seriez-vous d'accord pour dire que les scientifiques de même que les décideurs politiques doivent se poser la question?

  (1725)  

    Très brièvement.
    Les décideurs politiques du monde entier ont convenu qu’au cours de la prochaine ronde de négociations, les pays développés continueront de réduire leurs émissions, alors que les pays en voie de développement prendront des engagements. Cela signifie que leur rendement en matière d’émissions va diminuer avant d’atteindre un sommet. Toutefois, on ne s’attendait pas à ce qu’ils aient une réduction absolue de leurs émissions au cours de la prochaine phase; ce n’est pas surprenant que c’est ce qu’a retenu le GIEC. Les pays en développement ne sont pas contraints de réduire leurs émissions d’ici 2020. Ce n’est même pas à envisager. Et pour cause, puisqu’il serait complètement injuste de demander à l’Inde, sachant qu’un Indien moyen émet 1/12 des émissions et que des centaines de millions de gens qui vivent dans la pauvreté et qui ne sont pas responsables des changements climatiques...
    Monsieur Watson...
    Ce n'est pas scientifique; c'est une décision politique.
    Effectivement.
    C'est mon avis.
    Merci.
    Au bout du compte, c’est un simple calcul mathématique. Pour réduire les émissions de moitié d’ici 2050, vous déterminez qui porte le plus lourd fardeau, du moins au début, puis vous cherchez un équilibre. Il faut qu’au total, ça fasse 100 p. 100, dont 50 p. 100 de carbone.
    Monsieur Watson, nous allons terminer avec M. Godfrey, M. Harvey, puis moi-même, pour une minute chacun.
    J'ai deux brèves questions.
    Madame Langer, je remarque qu’à la page 8, où on retrouve la répartition, vous faites encore référence au nucléaire. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
    Ensuite, j’aimerais savoir si vous êtes en faveur des normes sur le carbone qui s’inscrivent dans le processus de fabrication et qui font en sorte que lorsque vous vendez un produit au Canada, vous reconnaissez que de l’énergie a été utilisée pour sa fabrication en Chine, aux États-Unis ou ailleurs, et par conséquent, vous ne fermez pas l’industrie canadienne.
    Vous remarquerez que la petite part du nucléaire se termine à un certain point. Il y a des plans nucléaires en place. Ce que la modélisation indique, c’est qu’ils sont là et ne seront pas remplacés. Donc, d’ici 2050, nous pourrons toujours respecter le budget de sept gigatonnes.
    Tenir compte de l’analyse du cycle de vie et de la teneur en carbone est une idée fantastique. Je pense que certaines chaînes de supermarché au Royaume-Uni l’ont adoptée en raison de la demande des consommateurs. Inspirons-nous-en pour mener un projet global, de sorte que nous pourrons tous prendre les bonnes décisions.
    Merci, monsieur Godfrey.
    Les normes d’émission ont leur place et viendraient compléter certaines des choses dont nous avons parlé aujourd’hui.
    Excellent.
    Monsieur Harvey, je vous prierais d'être très bref.

[Français]

    On a parlé plus tôt des Chinois. On sait qu'ils ne sont présentement soumis à aucune obligation en matière de réduction ou de quoi que ce soit d'autre. Vous avez dit que si on devait imposer une taxe sur le carbone, il faudrait pour équilibrer les choses que les Chinois en imposent une également. Mais s'ils refusaient cette idée, que devrait-on faire?

[Traduction]

    Le Canada est loin d’être mieux que la Chine. Nous n’avons aucune autorité morale pour critiquer les Chinois. Aucune. Zéro.
    Nous avons signé le Protocole de Kyoto puis complètement renié nos engagements. Nous reprochons maintenant aux Chinois de ne pas prendre d’engagements, de même qu’aux Indiens, ce qui est encore plus ridicule, vu leur stade de développement.
    Lorsque nous serons sérieux et que nous prendrons de réels engagements que nous respecterons, nous pourrons exhorter les pays en développement à prendre leurs responsabilités.
    Aussitôt que le Canada s’acquittera de ses responsabilités, je serai le premier à dénigrer les autres. Mais avant cela, je trouve que c’est irresponsable et injuste de notre part de pointer du doigt des pays tels que l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde, alors que nous nous sommes dégagés de nos engagements sur le plan international.

  (1730)  

    Merci, monsieur Harvey.
    Je tiens à remercier tous nos invités d’être venus aujourd’hui. Je sais que tout comme moi, vous suivez ce dossier depuis plusieurs années, et je peux vous dire que nos discussions ont fait beaucoup de chemin. Quand je parlais de capture et de séquestration de carbone en 2001, la plupart des gens n’y croyaient pas vraiment, mais aujourd’hui, tout le monde ici envisage cette solution. Dans ma circonscription, Nova et Dow capturent toutes leurs émissions de CO2 et les séquestrent depuis 10 ans. Il est donc faux de dire que cela ne se fait pas. Bien sûr, Dubaï, par exemple, le fait, mais aussi le Canada, et évidemment Norway.
    Ce qui me dérange, c’est lorsqu’on dit que l’Union européenne fait toujours bien les choses. L’Allemagne a mandaté quatre centrales au charbon qui ne procèdent ni à la capture ni à la séquestration du carbone, et je trouve très préoccupant de les entendre dire une chose et de les voir faire le contraire. Il faudrait cesser de les placer sur un piédestal, parce qu’ils ont leurs problèmes eux aussi. Comment amener la Chine, avec son grand nombre de centrales au charbon, à s’y mettre elle aussi, plutôt que de tout réaménager et occasionner des coûts importants? Je pense que ce sont les mesures que nous devons prendre vis-à-vis de ces pays.
    Enfin, comme je suis le seul Albertain ici, je dois en quelque sorte défendre cette idée. En Alberta, 13 p. 100 de l’électricité est produite par des énergies renouvelables, ce qui représente le plus haut pourcentage par habitant au Canada. Tout juste aujourd’hui, on a fait une annonce concernant les petits producteurs. On encourage les gens à produire leur propre électricité à partir de leur toit et de leurs éoliennes en leur accordant des subventions.
    Je m’en réjouis, car à l’instant même où je vous parle, je fais installer 28 panneaux solaires sur mon toit. C’est un avenir extrêmement prometteur.
    Je vous remercie de votre présence. Je pense que vous nous avez tous éclairés.
    Merci aussi à tous les députés. À mon avis, c'était une excellente séance.
    La séance est levée.