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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 030 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 mai 2008

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Messieurs — il n'y a que des messieurs aujourd'hui —, nous allons commencer.
    Je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue à cette 30e séance du Comité permanent du commerce international.
    Monsieur le secrétaire parlementaire, il est bon de vous revoir parmi nous. Nous allons simplement accorder 30 secondes à M. Miller pour qu'il puisse s'installer. Dans l'intervalle, j'aimerais souhaiter la bienvenue ici dans l'Édifice de l'Ouest aux témoins qui sont venus s'entretenir avec nous.
    Jean-Michel Laurin, merci d'être venu. Nous vous présenterons de manière plus formelle tout à l'heure. Et bienvenue à vous, John Wright.
    Excusez-moi de mon léger retard. Le vol de Calgary accusait un certain retard.
    M'entendez-vous bien, John?
    Je vous entends très bien, monsieur le président.
    Bien. Merci.
    Je pense que nous allons commencer. Nous allons consacrer les 50 premières minutes environ à nos deux premiers témoins qui sont, des Manufacturiers et exportateurs du Canada, Jean-Michel Laurin, vice-président des Politiques d'affaires mondiales, et de la Petrobank Energy and Resources Ltd., à Calgary, John D. Wright, président-directeur général.
    Nous vous invitons à nous faire une déclaration liminaire de cinq à dix minutes, en guise d'entrée en matière, après quoi le comité vous posera des questions qui s'adresseront, selon le cas, à un seul de vous, ou aux deux.
    Si vous êtes prêts, je demanderais à John Wright de commencer.
    M'entendez-vous?
    Oui, très bien. Poursuivez, je vous prie.
    Formidable. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président, messieurs les membres du comité. C'est un grand honneur pour moi de pouvoir comparaître aujourd'hui devant le comité.
    Je représente ici la Petrobank Energy and Resources Ltd., mais je représente en même temps l'une de nos filiales, la Petrominerales Ltd., une société de prospection pétrolière et gazière qui a son siège à Bogota.
    Pour vous situer un petit peu le contexte, je vous dirais que je suis en affaires en Colombie depuis 1992 avec les trois sociétés pour lesquelles j'ai travaillé. Je m'y suis pour la première fois rendu aux environs de novembre 1992. Mon voyage le plus récent en Colombie remonte à la semaine dernière, et j'y étais accompagné de mon épouse et de notre bébé de quatre mois.
    La Petrominerales, notre filiale qui a son siège en Colombie, est une société qui est cotée à la Bourse de Toronto. Elle appartient à 76 p. 100 à la Petrobank et à 24 p. 100 au public. Notre capitalisation boursière actuelle est d'environ 1,7 milliard de dollars et toute notre activité est concentrée en Colombie.
    La Petrominerales est un important investisseur en Colombie, aux côtés de plusieurs autres sociétés cotées à la TSX et qui réussissent bien. Nous avons de nombreux actionnaires heureux et nous avons eu le bonheur de bien réussir dans le secteur pétrolier et gazier en Colombie ainsi que de pouvoir profiter des récentes petites hausses enregistrées par le prix du pétrole sur les marchés internationaux.
    La Petrominerales a pour activité d'exporter l'expertise et des capitaux canadiens et de rapatrier des profits. Une bonne question à poser est celle de savoir pourquoi avoir choisi la Colombie.
    Mon expérience personnelle et notre expérience avec les nombreuses personnes qui ont travaillé avec nous en Colombie sont telles que ce pays représente pour nous la meilleure combinaison de potentiel géologique, de régime fiscal et de stabilité géopolitique dans le monde de la prospection.
    La Colombie a instauré un solide régime fiscal de royalties et de taxes ainsi qu'un environnement réglementaire qui, conjugués l'un à l'autre, sont selon nous non surpassés dans le secteur pétrolier et gazier international. La Colombie a assuré une continuité en affaires extrêmement solide, le respect du caractère sacré des contrats et des garanties gouvernementales telles que le risque commercial politique en Colombie est minime.
    La Colombie a par ailleurs mis en place un très solide cadre réglementaire et environnemental à l'intérieur duquel nous sommes heureux de travailler, et nous avons constaté de nombreuses ressemblances entre le cadre de réglementation colombien et le cadre de réglementation canadien, et plus particulièrement albertain.
    Peut-être que le plus gros atout pour nos opérations en Colombie est la population colombienne. Les Colombiens sont un peuple très instruit, hautement motivé, extrêmement passionné et fortement nationaliste, et ils sont prêts à travailler fort pour bâtir une meilleure Colombie pour eux et leurs petits-enfants.
    Le gouvernement colombien a quant à lui pris un certain nombre d'initiatives tout à fait brillantes, dont nous avons d'ailleurs prôné l'intégration au cadre de réglementation canadien. Si vous me permettez de n'en citer qu'une seule, une facette intéressante du régime colombien de royalties pour la prospection pétrolière et gazière est que la loi et la réglementation exigent qu'un certain pourcentage de chaque dollar en royalties issu d'opérations de production pétrolière et gazière en Colombie soit reversé à la municipalité et à la province où la production a eu lieu.
    L'effet net de cela est que les gouvernements locaux et provinciaux de la Colombie peuvent ainsi participer pleinement à la réussite de toute activité d'exploitation de ressources menée dans leur région. Ils reçoivent un financement direct correspondant au volume de pétrole produit dans leur région, ce qui leur permet de maintenir une solide infrastructure et de consentir des investissements institutionnels durables sous la forme d'éléments d'infrastructure sociale, comme par exemple écoles, hôpitaux, etc.
    C'est là un exemple formidable de la façon dont le secteur pétrolier et le gouvernement ont oeuvré ensemble en vue de créer au pays une boucle de rétroaction positive. De fait, à mon avis en tout cas, si un tel régime avait été instauré en Alberta et dans certaines autres régions du Canada où il existe à l'heure un sérieux décalage entre l'industrie locale et les investisseurs, il y aurait aujourd'hui au Canada une bien meilleure continuité.

  (1540)  

    Nous sommes très partisans du développement pour le long terme d'une relation Nord-Sud. Nous estimons que l'initiative canadienne en vue de la négociation d'un accord de libre-échange avec la Colombie et d'autres pays latino-américains est une excellente occasion d'élargir la portée et l'influence positive du Canada dans cette partie du monde. Nous croyons que le Canada peut tout de suite prendre les devants.
    En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas préoccupés par les tarifs. Nous ne sommes pas préoccupés par le commerce bilatéral. Nous aimerions avoir une relation très ouverte et transparente avec le gouvernement colombien. Nous avons un solide traité fiscal, une protection réciproque des investissements et un accès amélioré au transfert de certains des éléments les meilleurs et les plus doués. Certains des éléments les meilleurs et les plus doués de la Colombie travaillent en ce moment pour nous au Canada; certains des meilleurs et des plus doués au Canada travaillent pour nous en ce moment à Bogota. Nous estimons qu'il s'agit là d'un excellent moyen de favoriser et de bâtir une solide relation dans la région, et nous croyons que la Colombie est un excellent endroit dans lequel entamer cette relation.
    Merci.
    Nous allons maintenant entendre M. Laurin, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.
    Jean-Michel Laurin est vice-président des Politiques d'affaires mondiales chez les Manufacturiers et exportateurs du Canada.

[Français]

    Bonjour. Si vous n'avez pas d'objection, je m'exprimerai surtout en français aujourd'hui.
    Je m'appelle Jean-Michel Laurin. Je suis de Manufacturiers et exportateurs du Canada, la plus grande association industrielle et commerciale au Canada, dont on trouve des membres dans tous les sous-secteurs qui représentent la fabrication d'un océan à l'autre.
    Le secteur manufacturier demeure le secteur commercial le plus important au Canada: 16 p. 100 du PIB dépendent de la fabrication et 21 p. 100 dépendent des exportations internationales. Comme on aime à le répéter, chaque dollar de production manufacturière génère plus de trois dollars d'activité économique totale. Lorsqu'une communauté mono-industrielle perd une usine, on s'aperçoit fréquemment que dans cette communauté, tout le reste dépendait de la production industrielle. C'est un bon exemple qui montre comme le secteur manufacturier est important.
     Le secteur manufacturier est surtout responsable de nos échanges commerciaux dans le monde. Plus des deux tiers des produits et services canadiens exportés sont des produits manufacturés. Le reste est principalement composé de biens agricoles et d'énergie. La recherche et développement dépend beaucoup du secteur manufacturier. Les trois quarts de la recherche et développement privé qui est financé par les entreprises privées est fait dans les entreprises manufacturières. Environ deux millions de Canadiens gagnent leur pain quotidien en travaillant dans une usine ou dans une entreprise manufacturière.
    Vous êtes au courant que le secteur manufacturier vit des moments assez difficiles. Une transformation profonde du secteur est en train de se produire au Canada, particulièrement au Québec et en Ontario. Le diagnostic est le même presque partout au pays. Les entreprises manufacturières doivent être parmi les meilleures dans leur domaine parce que le dollar canadien, on le sait, s'est beaucoup apprécié. Cela a diminué les revenus d'exportation des entreprises manufacturières et exportatrices. Les prix de l'énergie qui augmentent minent leur marge bénéficiaire. Il est de plus en plus difficile de faire du profit, ce qui explique pourquoi on a vu beaucoup d'emplois disparaître dans le secteur manufacturier au cours des cinq dernières années.
     La concurrence étrangère est de plus en plus féroce. On a beaucoup ouvert nos marchés. Cela force nos entreprises à avoir de bons résultats, ce qui est de plus en plus difficile. Le ralentissement économique aux États-Unis nous préoccupe aussi beaucoup. Il force les entreprises à revoir leur modèle d'affaires, et à voir s'il y a d'autres sources de croissance et s'il existe des moyens d'atténuer l'effet de la récession sur le principal marché d'exportation.
    Enfin, il y a beaucoup d'inquiétudes en ce moment à cause du ralentissement économique et des problèmes que connaît le marché du crédit. Beaucoup de nos membres nous disent avoir maintenant des problèmes d'accès au crédit. Cela vous donne une idée de la situation actuelle du secteur manufacturier.
    Si l'économie canadienne et son secteur manufacturier vivent une transformation profonde présentement, ce phénomène n'est pas strictement canadien. Il est un symptôme de ce qui se passe à l'échelle planétaire. On assiste à un réalignement des forces économiques partout dans le monde. La croissance économique mondiale a été assez soutenue pendant les années 1990 en bonne partie grâce à la croissance vigoureuse de l'économie américaine.
    Le document PowerPoint que j'ai fait circuler contient des statistiques qui démontrent qu'une bonne partie de la croissance économique des prochaines années viendra des économies en émergence, comme la Colombie. Par exemple, on constate que les économies développées auront une croissance moyenne se situant entre 0 et 3 p. 100 au cours des prochaines années. Aux États-Unis, pour 2008 et 2009, la croissance prévue est en deçà de 1 p. 100. Nos marchés traditionnels ne sont pas des marchés en croissance. La concurrence est de plus en plus féroce. Les économies émergentes voulant percer le marché de la Chine, il est de plus en plus difficile pour nos exportateurs de maintenir leur part de marché dans nos marchés d'exportation traditionnels.
    Par contre, du côté des économies en émergence, les pays en développement, la croissance économique est très vigoureuse et assez soutenue. Les données que je vous ai fournies proviennent du Fonds monétaire international, qui fait des prévisions économiques. Que ce soit en Afrique, en Russie, en Chine, en Inde ou en Colombie, le taux de croissance annuel est toujours supérieur à 5 p. 100. Dans certains cas, comme en Chine ou en Inde, la croissance avoisine même les 10 ou les 11 p. 100 par année. Ce sont donc des économies importantes qui connaissent une croissance rapide et assez phénoménale.

  (1545)  

    Votre étude porte principalement sur la Colombie. Les accords de libre-échange envisagés avec des pays en développement ou des économies en émergence sont un phénomène relativement nouveau. Par le passé, on a plutôt conclu des accords de libre-échange avec les États-Unis. Le Mexique était un des premiers cas. Traditionnellement, on fait beaucoup de commerce avec des pays développés comparables, alors que maintenant, on s'attaque plutôt à des pays en développement. Il est donc tout à fait normal que vous vous posiez ces questions.
    C'est un phénomène qui se poursuivra. Il y a quelques années, 85 p. 100 de nos exportations étaient destinées aux États-Unis. Ce chiffre est maintenant de 79 p. 100. La tendance est à la baisse parce qu'on développe des marchés autres que les États-Unis. Les entreprises utilisent l'Amérique du Nord comme base manufacturière, mais leur objectif est de pénétrer les marchés mondiaux.
    Pour ce qui est de la performance des exportateurs canadiens au cours de la dernière année, nos exportations vers les États-Unis ont décliné de plus de 3 p. 100. Par contre, nos exportations vers la Chine ont augmenté de 21 p. 100, de 14 p. 100 vers le Brésil et de 29 p. 100 vers la Colombie. Les marchés en forte croissance sont des marchés comme la Colombie. Nos membres ont certainement un intérêt pour le développement et l'ouverture de ces marchés d'exportation. Par conséquent, toute mesure pouvant faciliter l'accès des entreprises canadiennes à ces marchés sont plus que bienvenues.
    De plus, non seulement nos exportations vers la Colombie ont augmenté, mais depuis l'an dernier, on a un surplus commercial avec ce pays. On exporte davantage de produits en Colombie qu'on en importe. C'est une situation assez particulière, dans le cas d'un pays en émergence. Normalement, c'est plutôt le contraire qui se produit: on aura un déficit commercial comme celui que l'on a avec la Chine.
    Un autre élément important à noter est que le secteur manufacturier joue un rôle important dans les échanges entre le Canada et la Colombie. L'an dernier, plus de 68 p. 100 de nos exportations vers la Colombie étaient constituées de produits fabriqués dans des usines au Canada. Il y a cinq ans, ce chiffre était de 57 p. 100. Il y a donc une croissance importante des exportations de produits industriels du Canada vers la Colombie.
    On constate que la croissance économique a vraiment lieu dans les économies en émergence. La majorité de nos membres sont favorables à un accord de libre-échange avec la Colombie. Il est certain qu'il y a des enjeux dans certains secteurs particuliers, comme c'est le cas dans tout genre de négociation d'accord de libre-échange.
    Par contre, il ne faut pas voir l'accord et les négociations comme une fin en soi. L'objectif devrait être de faire davantage pour faciliter le commerce entre le Canada et la Colombie. Le témoin qui m'a précédé a dit que la sécurité est certainement un aspect qui vient en tête de liste lorsqu'une entreprise envisage de faire des affaires en Colombie. Il n'y a pas que le développement économique qui doive être pris en compte; il faut aussi considérer le développement social.
    Le gouvernement du Canada a un rôle très important à jouer pour aider les entreprises canadiennes à augmenter leur commerce dans des pays comme la Colombie. Par exemple, l'Agence canadienne de développement international a offert pendant plusieurs années des programmes pour aider les entreprises à pénétrer ces marchés et à travailler de concert avec les agences d'aide. Selon nous, les intervenants des secteurs de l'économie, du commerce, de l'investissement et de l'aide internationale devraient travailler de concert pour maximiser l'impact qu'on peut avoir sur le développement de ces pays partenaires.
    J'ai hâte à la période de questions. Je vous remercie de nous avoir invités ici aujourd'hui.

  (1550)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Laurin.
    Nous allons maintenant passer aux questions. J'ignore si les témoins savent que le comité s'est récemment rendu en Colombie, où nous avons rencontré, entre autres, des représentants d'un certain nombre de sociétés canadiennes qui font affaires là-bas — plus particulièrement Nexen et Enbridge. Nous avons été très impressionnés par leur responsabilité sociale d'entreprise. Le gouvernement colombien nous a par ailleurs dit que ces sociétés canadiennes, ainsi que la vôtre, monsieur Wright, sont très bien vues en Colombie.
    Nous allons entamer la période de questions d'aujourd'hui avec M. Bains. Il nous faudra, je pense, faire assez vite, alors tâchons de nous en tenir à sept minutes par intervenant, y compris les réponses. Je vais demander au greffier de surveiller l'horloge.
    Monsieur Bains.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci également à nos invités.
    Comme vient de le mentionner le président, nous revenons tous juste de Colombie. J'ai beaucoup appris pendant ce voyage. C'est un pays rempli de contradictions extrêmes. Il s'y trouve une croissance extraordinaire, mais également une pauvreté extrême. Il y a un président très populaire, mais un Congrès qui fait l'objet d'une enquête — jusqu'à 30 de ses membres, je crois. Il s'agit d'une démocratie plutôt mûre, mais marquée par des conflits internes qui durent depuis très longtemps. Nous avons trouvé incroyables les différences marquées que nous avons constatées et vécues directement.
    Notre objectif s'inscrivait dans un mandat très précis visant l'examen de la situation des droits de la personne et de l'environnement, et pas tant l'accès au marché et le libre-échange, mais davantage certaines de ces autres questions qui sont devenues source de préoccupation pour nombre de Canadiens.
    Monsieur Wright, pourriez-vous nous entretenir de ces préoccupations-là, et de celles soulevées par le président, dans le contexte des initiatives prises par votre société face à ces questions, au-delà de l'accord de libre-échange traditionnel en matière d'accès au marché, de réduction des tarifs, etc.? Je songe ici plus particulièrement à la responsabilité sociale d'entreprise et aux initiatives que vous prenez relativement aux préoccupations en matière de droits de la personne et d'environnement qui ont été soumises au comité.

  (1555)  

    Excellent. Merci, monsieur Bains. Je me ferai un plaisir de vous entretenir des programmes que nous avons là-bas.
    Nous avons une approche à trois volets pour ce qui est de nos relations communautaires. Je me ferai l'écho de vos observations quant aux disparités très tranchées entre ce qui se passe dans l'économie et les niveaux élevés de pauvreté et certains des problèmes sociaux qui existent en Colombie. Je peux cependant vous dire, ayant vécu en Amérique latine et ayant visité la plupart des pays d'Amérique latine, que la Colombie est en fait l'un des rares endroits où les choses commencent à tomber en place. L'une des choses que nous avons constatées est que lorsque nous avons assumé notre propre responsabilité sociale d'entreprise, nous avons en fait commencé à un niveau beaucoup plus élevé dans la hiérarchie sociale, traitant de problèmes d'un bien plus haut niveau que, par exemple, certaines des questions dont j'ai traité la dernière fois que j'ai été actif en Amérique latine, soit en Équateur.
    Nous avons donc adopté une approche à trois volets. Nous passons beaucoup de temps à travailler avec les collectivités locales, à nous renseigner sur leurs besoins et à veiller à ce que les gens comprennent pleinement quelle sera notre relation avec eux si nous nous installons dans une région et y faisons des investissements. Nous nous concentrons sur notre capacité de contribuer à l'élément éducation au sein de ces collectivités, le but étant d'améliorer la capacité d'ensemble des gens de la région de livrer concurrence ainsi que de participer aux opérations que nous lançons. Nous nous engageons à faire appel aux locaux, notamment pour nous fournir des paramètres culturels et indigènes en vue de nos études environnementales, ce qui nous permet d'utiliser véritablement les connaissances locales comme point de départ pour déterminer la façon dont nous voulons à première vue mener nos activités.
    Enfin, nous travaillons très fort pour offrir aux locaux un niveau élevé d'employabilité et de bonnes possibilités d'emploi. Dans une vision très simpliste, notre conviction est que le meilleur programme social qui soit, c'est un emploi.
    Je vous dirais que nous nous lançons en fait dans des régions dans lesquelles il existe déjà une infrastructure sociale correcte. Nous ne commençons pas à partir de rien, et bien des fois, donc, les initiatives éducatives que nous prenons aident en fait les gouvernements locaux à comprendre le processus de gouvernance et les ramifications législatives des choses qui se font aux niveaux provincial et national. Nous avons également passé énormément de temps à assurer qu'il y ait percolation de la gouvernance d'entreprise jusqu'aux gouvernements locaux et aux municipalités, ce afin de leur permettre de réinvestir à bon escient les recettes fiscales que nous produisons et les retombées qui leur reviennent également sous forme de royalties.
    Si vous le voulez, je pourrais vous entretenir des initiatives environnementales que nous prenons, mais en ce qui concerne l'aspect responsabilité sociale d'entreprise, voilà quels en sont les éléments saillants.
    S'il vous fallait faire le calcul pour toutes ces initiatives, qu'investissez-vous sur place en Colombie en dollars ainsi qu'en pourcentage de vos profits ou de vos revenus?
    Je m'en excuse, mais je n'ai pas ces chiffres au bout des doigts, mais je vais faire de mon mieux pour vous donner une estimation. Je devine que nos initiatives de responsabilité sociale d'entreprise, y compris nos investissements dans l'économie locale, se chiffreraient à entre 2 et 3 millions de dollars, soit environ 10 p. 100 de nos profits.
    Si 2 à 3 millions de dollars correspondent à 10 p. 100 de vos profits, je vois là un investissement considérable. Je trouve que c'est une chose dont vous devriez être fier, et j'en suis très impressionné.
    J'ai une deuxième série de questions. Celles-ci concernent les Manufacturiers et exportateurs canadiens. J'avais une question au sujet de cet accord de libre-échange, et j'ai entendu vos commentaires, monsieur Laurin. Dans le cas de tout accord de libre-échange bilatéral que nous négocions, il intervient tout un ensemble unique de circonstances. Il n'y a aucun doute qu'en ce qui concerne la Colombie, nous sommes régulièrement éveillés à la gravité des violations des droits de la personne qui sont commises dans ce pays, à la situation des syndicats et aux problèmes qu'ils vivent. Mais d'après ce qui nous a été rapporté pendant notre séjour là-bas, la tendance générale est celle d'une amélioration de la situation: les choses sont en train de s'améliorer lentement.
    Dans le cadre de cet accord de libre-échange, jusqu'à quel point, d'après vous, laissant, encore une fois, de côté les aspects commerciaux, ces autres mesures — droits de la personne, normes du travail et normes environnementales — devraient-elles être incluses? Pensez-vous qu'elles devraient faire partie du texte principal ou d'une annexe? Pensez-vous qu'elles devraient être carrément exclues? J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

  (1600)  

    Merci de la question, monsieur Bains.
    La question de savoir si ces autres éléments devraient être inclus dans l'accord de libre-échange est quelque chose de personnel et qui doit être négocié avec nos partenaires. Je pense que ce qui nous intéresse c'est être leurs partenaires dans le développement de leur propre économie. Cela étant dit, nous tenons à encadrer l'accord d'une façon qui convienne aux Canadiens.
    Je sais qu'avec l'actuel gouvernement colombien, les choses sont en train d'évoluer dans le bon sens. C'est ce que nous disent nos membres qui sont actifs sur ce marché. J'estime que cette initiative d'accord commercial est tout simplement un pas de plus pour essayer de nous engager aux côtés de nos partenaires en Colombie.
    Bien sûr, je pense que si vous voulez accroître le commerce avec la Colombie, alors il vous faut traiter également des questions de sécurité, de droits de la personne et d'environnement car, comme je l'ai dit plus tôt, celles-ci figurent au nombre des obstacles à l'activité commerciale dans ce pays. Si vous discutiez avec des entrepreneurs, nombre d'entre eux diraient: « Eh bien, peut-être que la Colombie n'est pas sur mon écran radar pour certaines de ces raisons-là ».
    Les tarifs ne sont qu'un aspect. Je pense que, traditionnellement, les accords de libre-échange sont très axés sur l'élimination des tarifs et des barrières non tarifaires, mais j'estime que si vous voulez accroître concrètement le commerce entre le Canada et la Colombie, alors il vous faudra traiter de certaines de ces autres questions qui sont source de préoccupation...
    Et forger une véritable relation de partenariat.
    Exactement. Je pense qu'il existe des cas comme ceux dont vous avez entendu parler aujourd'hui, et je suis certain que lorsque vous avez rencontré les représentants de Nexen et d'Enbridge en Colombie... Je pense que nous avons l'expertise et les ressources pour contribuer au développement de l'économie colombienne, qu'il s'agisse de bâtir l'infrastructure, d'aider les Colombiens à construire une infrastructure pour les transports ou d'assurer un accès à l'énergie. Nous avons au Canada les connaissances et le savoir-faire nécessaires dans tous ces domaines ainsi que dans celui de l'eau et des services sanitaires.
    Ce sont là des choses dont les gens ont besoin là-bas pour développer leur économie, mais également pour améliorer leur propre vie. Vous avez fait état de la pauvreté, et je sais que la pauvreté est très prévalente dans de nombreuses régions de la Colombie. Je crois qu'il vous faut mettre en place l'infrastructure afin que les gens aient accès à l'électricité, à de l'eau courante, à de l'eau potable ainsi qu'à des routes, afin que le commerce puisse s'étendre jusque dans certaines régions rurales, et ainsi de suite. Il s'agit là d'un travail que des Canadiens peuvent mener en partenariat avec les Colombiens.
    J'espère que cela répond à votre question. J'estime qu'il nous faut envisager l'accord de libre-échange d'une manière beaucoup plus large qu'en ne nous limitant simplement à l'élimination des tarifs. Il s'agit là d'un petit aspect d'une relation beaucoup plus ample et beaucoup plus profonde qu'il nous faut établir avec les Colombiens. Nous entretenons en fait déjà une relation avec eux, mais il s'agit tout simplement de l'améliorer encore.
    Merci.
    Merci, monsieur Bains, et merci, monsieur Laurin.
    Nous allons maintenant entendre M. André, mais je tiens au préalable à vous faire savoir que M. André va poser ses questions en français.
    Je tiens simplement à m'assurer, monsieur Wright, que vous disposez sur place d'un écouteur vous permettant d'entendre l'interprétation.
    Oui.
    Monsieur André. Vous avez sept minutes.

[Français]

    Bonjour à vous deux.
    Ma première question s'adresse à M. Wright. Combien de personnes embauchez-vous actuellement en Colombie? Quelles sont leurs conditions de travail? Sont-elles syndiquées? Vous avez parlé de la responsabilité sociale de vos entreprises. On a dit que 10 p. 100 des profits étaient alloués à l'investissement humain. Cela devrait-il être la norme? Un accord de libre-échange devrait-il encadrer davantage la responsabilité sociale des entreprises?
    Monsieur Laurin, vous connaissez très bien le secteur manufacturier du Québec et de l'ensemble du Canada. Quels sont les secteurs d'activité des entreprises manufacturières qui profiteraient davantage d'un accord de libre-échange avec la Colombie, et ceux qui pourraient être menacés?
    Il y a aussi la question du non-respect des droits humains. Un nombre important de syndiqués ont été assassinés en Colombie depuis de nombreuses années. Quelles craintes cet accord engendre-t-il chez les entreprises qui s'installent en Colombie, qui doivent avoir une certaine forme de sécurité?

  (1605)  

    Je vais répondre à votre question sur les secteurs qui profiteraient le plus d'un accord de libre-échange et ceux qui auraient le plus à perdre. Le secteur manufacturier exporte une grande diversité de produits. Il exporte principalement des pièces automobiles et différents produits connexes, qui proviennent majoritairement de l'Ontario. Il exporte aussi de l'équipement relié au secteur minier, car ce secteur est présent en Colombie. De gros camions sont utilisés pour transporter du matériel.
    Le Québec et d'autres provinces exportent également beaucoup de papier journal et d'autres sortes de papier. Le secteur des pâtes et papiers est un joueur important au Québec. Donc, il s'agit d'un marché d'exportation assez important pour ce secteur. Souvent, des produits comme le fil de cuivre et différents types de machinerie, de matériel et d'équipement sont exportés en Colombie pour soutenir le secteur minier. Beaucoup de membres font des affaires en Colombie parce que leurs clients du secteur minier y sont présents. Donc, ils vont exporter leurs produits en Colombie pour servir leur clientèle.
    En ce qui a trait aux secteurs plus à risque, il y a une bonne complémentarité. On produit beaucoup de matériel que les Colombiens ne produisent pas, et vice versa. Les Colombiens exportent du café et des bananes. J'aimerais bien qu'on puisse en produire davantage au Canada, mais nous n'avons pas le bon climat.
    Les producteurs canadiens de sucre raffiné ont certaines préoccupations. Le modèle d'affaires de ces entreprises a été conçu pour qu'elles soient près de leur clientèle. Je ne sais pas si vous les avez invitées à participer aux consultations, mais je sais qu'elles ont leurs propres préoccupations. La Colombie exporte beaucoup de sucre à l'état brut. Est-ce utilisé dans le processus de fabrication au Canada? Je ne le sais pas, mais je sais que les raffineries canadiennes de sucre ont des préoccupations à l'égard de n'importe quel accord de libre-échange avec un pays situé près des tropiques, car il est près de la source d'approvisionnement. Cela résume bien ma position sur les coûts et les bénéfices.
    Pour ce qui est de la défense des droits humains et des craintes que cela engendre, le gouvernement colombien comprend bien qu'un des principaux obstacles des entreprises canadiennes qui veulent s'installer dans ce pays a trait au respect des droits humains et à la sécurité des personnes. M. Wright l'a bien évoqué. Un accord de libre-échange est un pas dans la bonne direction, mais il faut faire plus. La Colombie démontre qu'elle va dans la bonne direction. Elle a un plan et veut attirer des investissements étrangers, faire davantage de commerce pour développer son économie et démontrer à sa population que le commerce est profitable et lui permet de s'enrichir.
    On doit conclure un accord qui sera gagnant pour les deux économies, mais il ne faut se limiter à cet aspect. Il faut continuer à travailler avec les Colombiens et passer aux prochaines étapes et établir une relation qui va au-delà du commerce avec nos partenaires en Colombie.

[Traduction]

    J'aimerais également entendre M. Wright là-dessus.
    Je vous demanderais d'essayer de vous en tenir à des réponses de deux ou trois minutes, afin que tout le monde ait l'occasion de poser une question aujourd'hui.
    Allez-y, monsieur Wright.
    Très bien. Je pense me souvenir des questions.
    Premièrement, pour ce qui est du nombre de personnes que nous avons embauchées, nous employons directement une centaine de personnes environ en Colombie — 96 p. 100 d'entre elles sont des Colombiens, les autres 4 p. 100 étant des expatriés.
    En ce qui concerne le nombre de personnes que nous employons dans le cadre de nos opérations sur le terrain, la très grande majorité de nos opérations sont menées par des tiers entrepreneurs. Nous avons à l'heure actuelle trois engins de forage qui travaillent pour nous, et une installation de forage emploie typiquement 100 à 150 personnes dans le cadre de différents groupes de sous-traitance, ce qui nous donne environ 300 à 500 employés de plus. Nous avons également une équipe sismique oeuvrant à temps plein et qui compte probablement entre 100 et 120 personnes, qui sont, encore une fois, principalement des tiers entrepreneurs.
    Les conditions de travail pour tous sont, je pense, très bonnes. Le personnel local dans notre bureau se voit verser des salaires qui sont comparables aux salaires canadiens. Les professionnels sont bien payés et sont très demandés. Ce sont des gens très compétents.
    Aucune des personnes que nous employons directement n'est syndiquée. Très peu de gens dans le secteur des industries contractuelles sont syndiqués. Tout comme au Canada, en Colombie la syndicalisation est surtout le fait du secteur public.
    Enfin, en ce qui concerne la question d'une responsabilité sociale accrue et d'une surveillance liée à un accord de libre-échange, je ne pense pas que nous aurions le moindre problème en matière de normalisation de la responsabilité sociale d'entreprise en vue d'établir certaines normes minimales et ainsi de suite. Je pense que l'une des plus belles exportations du Canada est notre capacité d'interagir dans un contexte multiculturel et de traiter avec des parties en concurrence dans tout type de négociation commerciale et de trouver une solution gagnante pour tout le monde. Je crois que ce sera réellement cela la responsabilité sociale d'entreprise en bout de ligne.
    Si vous permettez que je prenne encore 30 secondes, j'aimerais simplement souligner que le montant d'argent que nous investissons dans le volet responsabilité sociale de notre activité au stade de l'investissement changera en vérité au fil du temps. Au fur et à mesure que nous réduirons le niveau de l'investissement, une fois un champ pétrolifère ou gazier mis en exploitation, alors nous réorienterons notre investissement vers une fondation sans but lucratif que nous avons créée et qui s'appelle Fundación Vichituni, qui poursuivra certaines des initiatives que nous avons lancées mais dont nous espérons qu'elle finira en bout de ligne par être autosuffisante, ne requérant plus à long terme l'appui de Petrominerales pour sa réussite.

  (1610)  

    Merci. Ces explications nous ont été très utiles.
    Je pense que le Parti conservateur va partager son temps pour ce premier tour.
    Nous allons commencer avec M. Miller, et je vous ferai signe lorsque vous en serez arrivé à près de la moitié de votre plage.
    Je serai très bref, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui, en personne ainsi qu'en direct par vidéoconférence. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de participer à nos travaux.
    Monsieur Wright, je tiens à vous féliciter, vous et les autres entrepreneurs canadiens que nous avons rencontrés pendant notre séjour en Colombie. Que vous ayez la confiance requise pour vous lancer dans le monde, livrer concurrence et faire un excellent travail en dit long sur la qualité des entreprises et leur compétence. Nous avons rencontré quantité de groupes différents — Colombiens déplacés, membres de la société civile ainsi que gens d'affaires du Canada — pendant notre séjour là-bas, et nous avons entendu de belles histoires de réussite.
    Il est une chose dont tous les groupes ont tenu à parler — société civile et personnes déplacées. Un commentaire a été fait par Mme Murray, du parti de l'opposition. Elle a posé une question au sujet des personnes déplacées que nous avons rencontrées le premier jour de notre séjour: un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie serait-il bénéfique ou néfaste pour vous? La réponse catégorique a été « absolument ». C'est là le terme que les gens ont employé. Bien qu'il y ait là-bas des inquiétudes quant au dossier passé de la Colombie dans certains domaines, nous savons tous et avons entendu dire là-bas que d'énormes progrès ont été réalisés.
    Un autre commentaire que j'ai entendu là-bas et qui m'a vraiment frappé nous a été livré par un ministre colombien. On me corrigera si j'ai tort, mais je pense que c'était peut-être le ministre de la Justice. Il s'était fait kidnapper, était resté prisonnier pendant six ans, puis s'était échappé, pour revenir en tant que député, et cela témoigne d'un très grand courage. Il nous a dit que la Colombie a fait un bon bout de chemin, que le pays doit encore progresser, il en convient, mais qu'à un moment donné d'autres pays dans le monde, dont le Canada, doivent commencer à faire confiance à la Colombie.
    Messieurs, seriez-vous du même avis que ce monsieur? J'ignore lequel de vous deux souhaite répondre en premier.
    Je veux bien me lancer. J'ose espérer, soit dit en passant, que la réponse a été un oui catégorique.
    Pour que les choses soient bien claires, à l'époque où j'ai commencé à me rendre régulièrement en Colombie en 1992, à l'époque de Pablo Escobar et du cartel Cali et tout le reste, la différence tout à fait palpable dans l'air et dans la capacité d'adaptation des gens ressort clairement aux yeux de quiconque a vécu ou a passé un peu de temps dans le pays. Oui, la Colombie a encore beaucoup de chemin à faire, mais il n'y a aucun doute qu'elle est en train de faire ce qu'il faut pour avancer sur la bonne voie. Se concentrer sur les choses qui se sont passées il y a 20 ou 30 ans est une façon ridicule de prédire ce que sera l'avenir dans un pays comme la Colombie. Elle est en train d'évoluer en vue de devenir un pays avancé. Son économie connaît un essor qui ferait l'envie de presque n'importe quelle économie dans le monde. Elle a une population active extrêmement motivée et extrêmement instruite.
    Il y a une blague que l'on raconte en Colombie — mais c'est la vérité — et selon laquelle il y a deux heures de pointe: l'une à 17 heures, lorsque chacun rentre chez soi après le travail, et une autre à 22 heures, lorsque chacun rentre chez soi après ses cours du soir. Il y a des bouchons partout sur les routes du fait du grand nombre de personnes qui tentent de s'améliorer. La Colombie est donc le bon endroit pour nous de faire affaire.

  (1615)  

    Je suis d'accord avec M. Wright. Il semble que la Colombie soit en train de faire les bonnes choses, du point de vue économique, et d'essayer d'améliorer la situation, à l'intérieur de ses frontières, pour sa population.
    Lorsque vous avez posé la question, ou lorsque l'un de vos collègues du parti de l'opposition l'a posée... Je comprends la femme qui a dit que c'était absolument une bonne chose pour elle et pour son pays et qu'elle envisageait d'un oeil très positif les négociations en vue d'un accord de libre-échange. La principale raison pour laquelle il y a de la pauvreté est qu'il y a une absence de possibilités économiques pour les plus démunis. C'est sans doute là l'une des principales raisons pour lesquelles les gens sont si nombreux à s'adonner au trafic de drogues illicites, car, pour certains, c'est la seule possibilité économique à leur portée. En leur offrant d'autres possibilités économiques, comme celle de traiter librement avec le Canada et avec d'autres pays avec lesquels ils sont en train de négocier, je pense que cela ne peut qu'aider le pays à avancer dans la bonne direction.
    Merci.
    John, ma question est pour vous, monsieur, car vous avez bel et bien passé du temps là-bas. Ce qui me préoccupe est que l'on entend souvent les bloquistes et les néo-démocrates parler de la mort de syndicalistes. Je ne leur attribue pas ces propos, mais nous avons entendu de la bouche d'autres que c'est presque la faute des entreprises. C'est comme s'ils disaient en même temps que le gouvernement n'a pas fait assez, etc. Il y a même des groupes de la société civile et des syndicalistes qui ont dit que les entreprises canadiennes sont un problème. J'ai du mal à croire leurs témoignages lorsqu'ils balancent des déclarations générales du genre, voulant que toutes les entreprises canadiennes...
    Lorsque nous demandons des exemples précis, il n'y en a pas un seul. Il n'y a pas un seul exemple précis de ce que font ou ne font pas les entreprises canadiennes en matière de responsabilité sociale et d'entreprise. D'ailleurs, tous les exemples d'entreprises canadiennes que nous avons font clairement ressortir que non seulement vous faites les bonnes choses, mais vous êtes en train de donner l'exemple; vous mettez cet argent de côté. Dans ce contexte, donc, j'ai de la difficulté à croire tout ce qui sort de leur bouche, c'est-à-dire que les problèmes sont la faute de tous les autres, et les syndicalistes... Nous ne savons pas très bien ce qui se passe.
    Ma question pour vous est la suivante. Du fait que vous soyez allé là-bas, et ce n'est peut-être pas directement... il est possible que certains des syndicalistes qui ont été actifs ou qui se sont fait tuer... que cela n'ait rien du tout à voir avec le syndicalisme, mais relève plutôt de la criminalité ou d'autres questions? Certains d'entre eux ont voulu nous faire croire que c'est parce qu'ils n'arrivaient pas à s'entendre avec les entreprises. Il est presque sous-entendu dans certains cas que c'est la responsabilité des entreprises. Nous avons également entendu dire que cela n'a peut-être rien du tout à voir avec les entreprises, qu'il y a un problème à cause de la narco-criminalité, etc. Votre expérience vous a-t-elle donné une perspective différente en la matière, ou avez-vous entendu parler d'autres choses pouvant intervenir en la matière?
    Je ne pense pas être la bonne personne pour vous éclairer au sujet du mouvement syndical en Colombie. Je peux vous dire ceci. Nous exploitons conjointement avec Ecopetrol, la société pétrolière d'État, un champ pétrolifère. Les opérateurs sur place d'Ecopetrol sont syndiqués à l'intérieur d'une structure appelée USO. Nous entretenons avec eux de merveilleux rapports. Mon impression n'est pas qu'il s'agit d'une bande d'intransigeants qui veulent apporter des changements. Mais il y a eu des situations dans le passé dans lesquelles certains syndicats se sont adonnés à certaines assez vilaines opérations de sabotage, et il y a eu des luttes entre entreprises et ainsi de suite.
    Je pense que si vous examiniez l'histoire de tout pays industrialisé, vous constateriez qu'il y a toujours eu des périodes au cours desquelles le mouvement syndical a traversé des phases du genre, et je pense que la Colombie a elle aussi vécu une telle phase.
    Quant à la question de lier cela au commerce de la drogue ou à d'autres éléments illégaux de la société, je ne peux pas m'imaginer qu'il n'y aurait pas une relation statistique, car il existe une relation statistique entre presque n'importe quel groupe de personnes et ce groupe au sein de la société. C'est sans doute donc là un élément, mais je ne suis pas spécialiste en la matière.

  (1620)  

    Merci.
    Monsieur Laurin, selon votre expérience avec les entreprises que vous dirigez et qui font affaires en Colombie, y a-t-il quelque indication de cela?
    J'aimerais simplement renvoyer la première partie de votre question à M. Wright. Vous avez dit avoir de nombreux cas heureux d'entreprises qui vont en Colombie — et vous avez pu en constater certains de visu — qui sont bien et qui aident le pays à se développer sur les plans tant économique que social. C'est là mon expérience des entreprises, que ce soit en Colombie ou dans n'importe quel autre pays en développement. Le dossier a été plutôt positif, mais ces cas ne sont jamais mis de l'avant. J'ose espérer que dans votre rapport vous documenterez certains de ces cas que vous avez vus ou dont vous avez entendu parler lors de témoignages ici devant le comité. Trop souvent, tout ce que nous entendons est qu'il y a des cas de sociétés qui se comportent mal, mais aucun nom n'est jamais fourni. Il y a beaucoup d'ouï-dire au sujet du comportement de sociétés canadiennes dans les pays en développement, et je trouve que cela est malheureux, car toutes les entreprises qui sont membres des MEC...
    Nous avons en fait eu la semaine dernière à Vancouver une conférence appelée Journées du développement international, une conférence annuelle que nous tenons en partenariat avec l'ACDI et les banques de développement multilatéral. Il y a quantité d'exemples de sociétés qui font affaires en Amérique du Sud, en Asie et ailleurs dans le monde et qui se comportent tout à fait comme il faut. Elles travaillent en partenariat avec des ONG, des groupes sociaux et, par exemple, avec EDC, qui a des lignes directrices en matière de responsabilité sociale d'entreprise, ainsi que d'évaluations environnementales et d'exigences environnementales qu'il demande aux entreprises canadiennes de respecter.
    Les sociétés canadiennes agissent bien la plupart du temps, mais nous n'en entendons jamais parler.
    Je pense qu'il y a certains problèmes avec les syndicats des travailleurs là-bas. Je pense que M. Wright en a assez bien traité. Je n'aurais pas grand-chose à ajouter à ce qu'il a dit, mais je pense que la situation évolue dans le bon sens, et c'est cela qui compte.
    Merci, monsieur Laurin.
    Nous allons essayer de caser un autre tour de table rapide, avec une question par parti. Je vais essayer de faire en sorte de vous en tenir à cinq minutes — serrées — si la chose est possible. Sans cela, nous ne pourrons même pas faire les cinq minutes.
    J'ai sur ma liste le nom de M. Dhaliwal. Vous pouvez y aller pour deux minutes et demie chacun, si vous voulez. Tout dépendra de la durée des réponses.
    Monsieur Dhaliwal.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, lorsque nous étions en Colombie, nous avons soulevé la question que Dean Allison a mentionnée, soit que les multinationales en Colombie sont accusées d'appuyer et de financer des groupes paramilitaires, militaires et des guérillas. Lorsque j'ai interrogé toutes les personnes qui ont comparu devant le comité, aucune d'entre elles n'a pu désigner une société canadienne en particulier.
    J'aimerais en savoir davantage sur votre expérience en Colombie lors de votre premier voyage là-bas en 1992. Avez-vous eu à traiter avec les paramilitaires, monsieur Wright?
    Non. Nous n'avons jamais eu à traiter avec les paramilitaires.
    L'autre question est celle du fossé entre les pauvres et les riches. Même si nous disons que ce traité aidera la population colombienne, lorsqu'on regarde les plus vulnérables dans la société, comment ces personnes-là pourraient-elles en bénéficier plus particulièrement, au lieu que ce ne soit que le cas d'un petit nombre de riches?
    Pour que les choses soient bien claires, je pense que toutes les sociétés comptent un groupe de riches. Ce n'est pas avec ce segment de la société que nous faisons affaires. Nous recrutons des techniciens, des ingénieurs, des commis, des géologues, des travailleurs sur le terrain, des cuisiniers et des camionneurs. Nous recrutons d'un bout à l'autre du spectre économique. Si nous assurons emploi, investissement et croissance, alors il me faut croire que nous augmentons la valeur de l'économie de haut en bas et que cela a un effet d'entraînement pour les gens. Et je crois que nous avons certainement eu cette incidence dans les régions dans lesquelles nous avons mené des opérations.
    Il me faut vous féliciter d'avoir dépensé 10 p. 100 au titre de votre responsabilité sociale d'entreprise, car d'autres sociétés avec lesquelles nous discutons y consacrent 6 à 7 p. 100. C'est là le pourcentage qu'ils ont mentionné pour la Colombie.
    Comment faites-vous pour veiller à ce que l'argent que vous dépensez au titre de votre responsabilité sociale d'entreprise contribue au bien-être des pauvres ou d'autres qui méritent cette aide au lieu de tomber aux mains de politiciens ou d'administrateurs corrompus accusés de ceci ou de cela?

  (1625)  

    Malheureusement, les 10 p. 100 ne sont qu'une estimation. Je suis confiant que le pourcentage est juste aujourd'hui, mais il changera au fil du temps au fur et à mesure de l'évolution de notre portefeuille d'investissements. Je tiens à ce que cela soit bien clair.
    Cela est toujours une grosse question, et, que nous investissions dans le nord de l'Alberta ou dans la partie sud du bassin de Llanos en Colombie, la question est la même. Si vous allez investir dans l'économie locale, il vous faut veiller à ce que vos investissements aient des retombées et ne se retrouvent pas aux mains des mauvaises personnes. Nous pouvons nous concentrer sur des investissements de type infrastructure. Il y a une réaction très claire aux investissements dans l'infrastructure. Nous pouvons également nous concentrer sur le maintien du processus éducatif, de freins et de contrepoids et de reddition de comptes dans le cas de tout investissement consenti dans une région.
    Pour vous donner un petit exemple, nous nous efforçons d'améliorer la capacité d'extension des communautés locales en leur fournissant un pylône et un transmetteur radio afin qu'elles puissent transmettre sur leurs propres ondes et livrer leur message. Je ne sais pas trop comment l'on mesurerait la valeur de cela. Les gens des collectivités nous disent que c'est une chose positive et qu'ils s'en servent, et c'est donc là une indication.
    Merci.
    Monsieur Maloney.
    Les normes environnementales et de travail de vos opérations canadiennes sont-elles semblables à celles des opérations en Colombie? Dans la négative, en quoi divergent-elles et pourquoi?
    Je vous dirais que la Colombie a en place une législation beaucoup plus rigoureuse en matière de travail. Du fait qu'il s'agisse d'un régime de code civil, beaucoup de détails sont explicités. Il y a beaucoup plus de programmes sociaux institutionnalisés, notamment pour les personnes qui touchent les plus bas salaires. Cela veut dire qu'il y a des subventions qui viennent s'ajouter aux revenus d'emploi, et des salaires supplémentaires sont versés si vos gains liés à l'emploi sont inférieurs à un certain seuil. Il y a une allocation vestimentaire et une allocation alimentaire — choses qui ne sont pas typiques dans le contexte canadien.
    En ce qui concerne l'environnement, le régime de réglementation et de surveillance de l'environnement est très semblable à celui auquel nous sommes assujettis en Alberta. Il y a certaines différences entre la situation albertaine, qui est celle que je connais le mieux au Canada, et la situation colombienne. L'un des aspects du régime colombien est que des délais précis sont imposés pour l'exécution d'évaluations environnementales et la fourniture de réponses par le gouvernement, ce qui nous donne la certitude de l'obtention d'une réponse à l'intérieur d'une période donnée. Vous constaterez également que les normes elles-mêmes sont très comparables.
    Nous faisons un certain nombre de choses, et je vais vous donner un exemple. Nous tenons à être un chef de file mondial en donnant l'exemple à tout le monde en Colombie relativement à la réinjection dans l'aquifère de l'eau extraite dans le cadre de nos opérations en champ pétrolifère. Ce n'est pas une pratique courante dans ce pays, l'eau étant essentiellement fraîche, mais c'est la norme en Alberta. C'est une pratique en laquelle nous croyons en Alberta, et que le Canada devrait exporter partout dans le monde.
    Merci, monsieur Maloney.
    Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Wright, ma question s'adresse à vous.
    Je voudrais rappeler à M. Allison que lors de notre voyage en Colombie, on a été sensibilisés au fait que des millions de personnes sont déplacées. Certains parlent de 3 200 000 de personnes, et ce chiffre pourrait atteindre 4 millions. Le déplacement d'une grande partie de ces personnes peut être attribuable à des activités d'exploitation pétrolière ou minière. On sait que l'exploitation des ressources requiert de grandes étendues.
    Parmi les corporations canadiennes dont vous faites partie ou que vous connaissez, y en a-t-il qui ont été la cause du déplacement de gens? Dans quelles conditions ce déplacement s'est-il effectué?

[Traduction]

    Je peux vous dire que je ne connais pour ma part aucun Colombien qui ait été touché par l'une quelconque de nos opérations et qui soit aujourd'hui considéré comme étant une personne déplacée. Nos investissements ont en fait eu l'effet contraire. Nous avons attiré des gens vers les régions où nous travaillons. Nous avons créé toutes les industries en aval dans les régions et bâti des économies locales à un point tel que nous constatons un afflux net de personnes dans les régions dans lesquelles nous sommes actifs.
    À ma connaissance en tout cas — mais, encore une fois, je ne suis pas un expert —, la très grande majorité des personnes déplacées en Colombie sont des personnes qui ont été menacées par les éléments criminels de la société, principalement les FARC, l'ELN et les narco-trafiquants. Ce phénomène n'a rien à voir, ou presque, avec le secteur pétrolier, d'après ce que j'en sais.

  (1630)  

    Je pense que nous avons le temps pour une petite question rapide de M. Keddy, après quoi il nous faudra clore cette partie de la séance.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue aux témoins. J'ai une question pour M. Wright.
    Vous avez mentionné que vous attirez des gens dans les régions où vous vous installez. Ces personnes sont clairement à la recherche d'emplois et elles souhaitent avoir les emplois qui sont créés indirectement par ceux qui aboutissent dans la région. Cela est très louable et c'est une histoire dont nous ont parlé d'autres entreprises actives partout en Amérique du Sud et en Amérique centrale.
    Vous avez déclaré vous être récemment rendu en Colombie. Vous y allez depuis 1992, mais vous vous y êtes récemment rendu accompagné de votre épouse et de votre bébé de quatre mois. Je devine que vous jugez que la Colombie est un endroit suffisamment sûr pour votre famille, ce qui est digne de mention. Nous avons quant à nous été encadrés par tout un appareil de sécurité. Je pense que ce doit être la procédure normale là-bas, le gouvernement colombien tenant à ce que les représentants d'autres gouvernements soient chez eux en sécurité.
    Mais au total, avec vos près de 18 années d'expérience là-bas, qu'avez-vous constaté en matière de sécurité dans les campagnes colombiennes?
    Ma petite fille âgée de quatre mois est certainement la bienvenue à Bogota n'importe quand, mais mon épouse insiste pour m'accompagner chaque fois que je me rends là-bas, car elle adore.
    La ville a changé. Elle n'a pas toujours été ce qu'elle est aujourd'hui. Je pense qu'il est très important de comprendre qu'il y a eu une transition très manifeste. Les expatriés que nous affectons à Bogota ne veulent en général pas en repartir. Ils s'y plaisent et ils y adorent le mode de vie.
    La meilleure anecdote que je pourrais vous livrer est que la circulation a diminué les fins de semaine car tout le monde se rend dans sa maison de campagne, ce qui était impossible dans les années 1990, par exemple. Les FARC étaient omniprésents dans les campagnes et kidnappaient les gens qui se déplaçaient sur les routes. Cela n'arrive plus aujourd'hui.
    Les gens s'installent dans les banlieues. Ils se font construire des maisons de campagne. Le mode de vie est vraiment en train de s'améliorer pour tout le monde là-bas. La chose est palpable. C'est dans l'air. Les gens sont très stimulés.
    Je pense que c'est un retour à la ville de Bogota d'antan. Je ne l'ai jamais connue avant les problèmes, mais j'imagine que c'était comme cela autrefois.
    Formidable. Merci beaucoup, et merci de vous en être tenus à des réponses concises.
    Il nous va falloir boucler. Je vous suis très reconnaissant de votre comparution ici aujourd'hui après notre voyage. Il s'agit d'une suite très positive. Il me faut dire que vos propos ressemblent fort à ce que nous entendions en Colombie, par opposition à ce que nous avons pu entendre avant de nous rendre là-bas. De ce point de vue-là, cette séance a été un suivi formidable. Merci de votre temps aujourd'hui.
    Monsieur Laurin, merci à vous également.
    Je pense qu'on a déjà coupé à la communication avec M. Wright mais, John, si vous êtes toujours là, merci de votre participation.
    Nous allons suspendre quelques instants la séance pour mettre fin à la téléconférence.

    


    

  (1640)  

    Reprenons. Nous allons, au cours des 50 prochaines minutes, nous entretenir avec des représentants d'Avocats sans frontières et de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
    Je vais vous présenter, tout d'abord, Pascal Paradis et Denis L'Anglais, d'Avocats sans frontières, ainsi que Mark Rowlinson. Mark nous vient de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
    Nous avons discuté brièvement et je crois comprendre, monsieur Paradis, que c'est vous qui allez commencer, pour cinq à 10 minutes, pour être ensuite suivi par M. Rowlinson, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.
    Monsieur Paradis.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis le directeur exécutif d'Avocats sans frontières, et je suis ici accompagné de Denis L'Anglais, qui est membre du conseil d'administration d'Avocats sans frontières.

[Français]

    Avocats sans frontières est une organisation qui contribue à la défense et à la promotion des droits humains, à la lutte contre l'impunité, à la tenue de procès justes et équitables et au respect de la primauté du droit dans divers pays du monde en crise, en voie de développement ou dits fragiles.
    Nous sommes actifs en Colombie depuis 2003, où nous avons effectué une bonne douzaine de missions qui nous ont menés dans à peu près toutes les régions du pays, du nord au sud et de l'est à l'ouest. Nous collaborons avec des partenaires locaux et internationaux tels la Fédération internationale des droits de l'homme, la Commission colombienne des juristes ou le Colectivo de abogados José Alvear Restrepo.
    En décembre 2007, nous avons publié un rapport qui, grâce aux services de traduction, vous a été remis en français et en anglais. C'est un rapport qui a été communiqué au Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats. Puisque vous avez le rapport, je ne m'y attarderai pas très longuement aujourd'hui. Je vous en résumerai les faits essentiels, pour ensuite m'attarder au sujet qui nous occupe.
    Le rapport contient des témoignages documentés sur des cas récents démontrant qu'il y a encore des agressions et des actes de violence contre les défenseurs des droits humains, particulièrement les avocats. Ces actes de violence incluent des assassinats et des tentatives d'assassinat, la menace ou l'intimidation, qui ont comme conséquence le déplacement forcé ou l'exil des avocats en question.
    De plus, le rôle des avocats est fréquemment stigmatisé par les autorités gouvernementales. La persécution et le mépris délibérés pour le droit à la défense s'étendent à une grande partie des administrateurs du système de justice et de la police, qui recourent à des actions administratives et judiciaires afin de criminaliser l'exercice de la profession juridique. Ces agressions entraînent évidemment de graves conséquences pour la lutte contre l'impunité, la protection et le développement de l'État de droit ou de la primauté du droit. Elles affectent également le droit à une représentation effective par un avocat libre et indépendant, notamment en faveur de tous les citoyens, y compris les entreprises locales et les entreprises étrangères.
    De même, les nombreuses déclarations du gouvernement et de la part du président actuel voulant que les défenseurs des droits humains sont au service de la cause du terrorisme ou sont des membres des FARC constituent une violation des articles 16 à 18 des principes de base relatifs aux rôles du barreau qui ont été adoptés par les Nations Unies. Ces déclarations portent atteinte à l'État de droit, à la primauté du droit, et en associant les avocats à des acteurs armés, elles mettent en péril la vie et la sécurité de ceux-ci en les exposant à des attaques de paramilitaires. C'est notre premier message aujourd'hui.
    Je sais que vous avez entendu, lors de séances préalables, des commentaires sur les graves violations des droits des syndicalistes — mon confrère en parlera encore aujourd'hui —, des peuples autochtones, des environnementalistes et des leaders paysans. Notre rapport démontre que ces violations des droits humains fondamentaux s'étendent à presque toutes les sphères de la société colombienne, y compris aux représentants de la justice, notamment les avocats. C'est une stratégie qui est assez simple: sans avocats, il n'y a pas de justice. Vous comprendrez que la primauté du droit est atteinte en son coeur. Or, le respect par un pays de la primauté du droit est un prérequis à la sécurité juridique nécessaire à l'établissement d'un environnement d'affaires ou d'un libre-échange sain.
    Voilà qui m'amène à parler du sujet plus précis d'aujourd'hui.

  (1645)  

[Traduction]

    Avocats sans frontières est une organisation neutre et non politique. Nous n'exprimons ainsi aucune opinion ni pour ni contre le libre-échange, et nous n'avons pas non plus d'approche particulière ni philosophique quant à la question de savoir si, en théorie, le libre-échange a ou pourrait avoir une incidence positive ou négative sur l'état des droits de la personne dans un pays donné.
    Cependant, Avocats sans frontières s'intéresse à la primauté du droit, à la justice et aux droits de l'homme. Nous estimons que notre rôle est de dénoncer les violations des droits de l'homme commises par un État. Si le Canada entreprend des négociations de libre-échange avec cet État, alors nous croyons qu'il est de notre devoir de préconiser la prudence. C'est dans ce contexte que notre comparution ici aujourd'hui doit être reçue.
    Un accord de libre-échange est une entente de partenariat. Comme c'est le cas de tout autre contrat, il s'agit d'un geste d'approbation. En l'espèce, la Colombie étant à la recherche de légitimité internationale, nous pouvons être certains que la signature d'un accord de libre-échange avec le Canada sera annoncé par le gouvernement colombien comme étant un sceau d'approbation.
    Si les droits de la personne sont réellement une priorité pour le Canada, alors ils doivent constituer une question préliminaire. Si l'engagement du Canada en faveur des droits de la personne doit avoir un sens, il nous faut tout d'abord déterminer si le dossier en matière de droits de l'homme de la Colombie en fait un pays avec lequel le Canada veut être associé.
    Malheureusement, la Colombie n'est pas un pays ordinaire. C'est un pays qui est depuis plus de 40 ans déchiré par d'horribles conflits armés internes. Des organes internationaux indépendants comme les Nations Unies ou l'Organisation des États américains maintiennent encore que la situation dans le pays est la pire crise des droits de la personne de tout l'hémisphère. Des violations flagrantes des droits de la personne continuent d'y être commises, y compris avec la participation de forces de l'ordre publiques ou la complicité d'agents gouvernementaux.

[Français]

    Là-dessus, je veux être clair. Il existe en Colombie des groupes illégaux, des groupes armés qu'on appelle la guérilla, les FARC, l'ELN et le PL. Ils commettent de graves violations des droits humains que nous dénonçons avec autant de force que celles dont nous allons parler aujourd'hui, soit celles commises par l'État ou par les paramilitaires. Cependant, comme on étudie un traité de libre-échange qui va être conclu avec l'État colombien, nous nous concentrons aujourd'hui sur l'État colombien et sur les liens qu'il peut entretenir avec les paramilitaires.
    Nous savons que ce comité a entendu des témoignages et des statistiques contradictoires. Certains disent que la situation s'améliore grandement. C'est ce que vous avez entendu plus tôt. Le deuxième message qu'on vient vous porter aujourd'hui est que la situation est encore tellement grave qu'elle ne saurait justifier la signature d'un traité de libre-échange avec la Colombie sans que des conditions préalables aient été satisfaites, notamment sur le plan des droits humains.
    Quelle est la situation actuelle? Encore une fois, vous avez entendu plusieurs témoignages conflictuels. Nous ne sommes pas une organisation politique ou activiste. Nous allons nous fier à ce que nous connaissons le mieux. Nous sommes une association d'avocats et nous vous parlerons de faits qui ont été établis par des décisions de tribunaux internationaux comme la Cour interaméricaine des droits de l'homme ou par des tribunaux colombiens à la suite d'un débat contradictoire. Nous vous parlons aujourd'hui de preuves établies devant des tribunaux après un débat contradictoire.
    Même si ce fait est largement méconnu, c'est une réalité établie devant les tribunaux: le gouvernement colombien a lui-même créé les groupes paramilitaires, notamment par le décret 3398 de 1965 et la loi 48 de 1968. Ces groupes ont ensuite été soutenus par le gouvernement, notamment au moyen de renseignements militaires, d'équipement, d'aide logistique et d'autorisations de possession d'armes.
    C'est seulement à partir de 1989 que les paramilitaires ont été qualifiés par la loi de groupes délinquants. Malgré une telle reconnaissance législative, le gouvernement canadien, toujours selon les tribunaux internationaux et nationaux, a manqué à son devoir d'adopter des mesures effectives de prévention et de protection de la population civile face au paramilitarisme. Toujours malgré cette reconnaissance législative, le gouvernement a présidé à la création d'un large réseau citoyen de police civile par l'entremise des décrets 356 de 1994 et 2794 de 1997, un euphémisme pour qualifier une nouvelle forme de paramilitarisme.
    Pire encore, la participation directe de l'armée, des forces policières ou des fonctionnaires publics à des crimes graves, incluant des massacres de populations, a, jusqu'à encore tout récemment, été établie judiciairement, notamment par la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Nous pourrions vous parler du massacre de la Rochella, une décision de 2007, le massacre d'Ituango, une décision de 2006, le massacre de Pueblo Bello, une décision de 2006, et le massacre de Mapiripàn, une décision de 2005. Ce sont des massacres de populations locales auxquels l'armée, les forces policières ou des fonctionnaires publics ont participé ou qu'ils ont approuvés.
    Les décisions que je viens de vous citer sont des exemples; il y en a d'autres. De nombreux cas similaires sont toujours devant la justice nationale colombienne ou la justice internationale. La violence continue à un rythme dramatique en Colombie.
    Dans les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l'homme dont je vous parlais il y a quelques minutes, comme dans d'autres cas jugés par les tribunaux colombiens, notamment la cour suprême de Colombie, il a été établi que des liens entre les paramilitaires et divers paliers du gouvernement ou de l'État continuent à exister aujourd'hui. Alors que ces liens étaient autrefois le fait de rumeurs ou étaient gardés secrets, ils sont aujourd'hui avérés au grand jour avec une vague sans précédent d'arrestations, d'inculpations et de peines d'emprisonnement à l'encontre de membres du congrès, de politiciens locaux, de fonctionnaires publics et de membres des forces de l'ordre. Ces arrestations et ces inculpations vont au plus haut niveau de l'État colombien, de l'administration et même de l'entourage du président Alvaro Uribe. Par exemple, Jorge Noguera, qui est le chef du département de la sécurité et qui était le directeur de campagne d'Alvaro Uribe en 2002, est aujourd'hui accusé d'avoir laissé infiltrer le département administratif de la sécurité — le DAS — par les paramilitaires et de leur avoir fourni des listes de syndicalistes à faire assassiner.
    C'est dans ce contexte, où les tribunaux ont reconnu et établi des liens étroits entre le gouvernement et les paramilitaires, que le processus de démobilisation desdits paramilitaires a été mis en oeuvre. C'est un processus dont le gouvernement parle beaucoup pour démontrer que de grands progrès vers la paix se font actuellement en Colombie.

  (1650)  

    Je dois vous parler d'un point légal. Alors que la majeure partie de la communauté internationale, comme beaucoup au Canada, pense que le processus de démobilisation a lieu en vertu d'une loi qui a été adoptée en 2005, la loi dite de justice et paix ou la loi 975, plus de 90 p. 100 des paramilitaires démobilisés ces dernières années l'ont été en vertu d'une autre loi moins connue, une loi de 1982. Or, cette loi octroie une amnistie complète à ceux qui s'en prévalent, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune peine de prison. Ces gens sont tout simplement retournés à la société sans avoir payé pour leurs crimes.
    Le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême de la Colombie, a indiqué que cette démobilisation massive en vertu de la loi 782 de 2002 était illégale et qu'elle n'avait pas de fondement juridique. Le gouvernement n'a pas considéré cette décision et a même accusé les juges d'avoir un penchant idéologique.
    En fait, le processus de démobilisation n'arrive même pas au résultat final que son nom indique, c'est-à-dire la démobilisation. La Commission nationale de réparation et de réconciliation, qui est un organe de l'État colombien — ce n'est pas une ONG, c'est un organe de l'État colombien — indique, dans son plus récent rapport, que plus de 60 groupes paramilitaires ont été réorganisés et reformés, souvent sous d'autres noms, dans 23 départements de la Colombie. Les paramilitaires existent donc encore, continent encore de contrôler une partie de l'économie et continuent encore de contrôler une partie de l'État colombien aux niveaux local, régional et national.
    En général, l'impunité règne en Colombie. Des centaines de membres des forces publiques et de l'appareil étatique ont participé à de graves violations des droits humains qui ont été reconnues par des tribunaux. Or, ces personnes n'ont pas encore été arrêtées, n'ont pas été accusées et, surtout, n'ont pas été punies.
    En bref, la Colombie demeure un État où la primauté du droit, la justice et la lutte contre l'impunité sont mises à mal et où le gouvernement fait défaut de respecter ses obligations internationales eu égard aux droits humains, ayant notamment été reconnu coupable de violations du plus fondamental des droits humains, soit le droit à la vie de ses citoyens.
    Avant de signer un accord de libre-échange avec la Colombie, le Canada devrait procéder à une évaluation sérieuse de la situation des droits humains et poser des conditions préalables à la signature de l'entente. Au minimum, ces conditions devraient inclure l'adoption de mesures concrètes pour mettre un terme aux liens entre l'État et les paramilitaires, mettre fin à l'impunité, et respecter et protéger les citoyens, les avocats, les juges, les fonctionnaires et les organisations de la société civile qui travaillent à la promotion et à la défense des droits humains et de l'État de droit.
    Je vous laisse avec notre troisième et dernier message: pour s'assurer qu'un éventuel accord de libre-échange avec la Colombie produira des résultats positifs concrets sur la situation des droits humains, c'est maintenant que le Canada peut avoir un effet de levier, et non une fois que l'accord sera signé.
     Merci.

  (1655)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Paradis.
    Nous aimerions que tous les membres du comité puissent poser des questions, alors il me va falloir demander à M. Rowlinson de faire plus court, si possible. Nous accusons déjà un retard d'environ cinq minutes. Pourriez-vous condenser un petit peu votre déclaration, afin que nous ayons la possibilité de vous interroger par la suite?
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais m'efforcer d'être bref.
    Je m'appelle Mark Rowlinson et je comparais ici au nom de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical. Nous sommes heureux de pouvoir faire connaître nos vues sur les négociations actuelles engagées dans le but de conclure un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. L'ACAMS s'intéresse tout particulièrement à la situation des travailleurs, des syndicalistes et des militants de la Colombie au cours des 15 dernières années. Nous avons collaboré avec des avocats et des universitaires colombiens pour mieux connaître la situation des droits de la personne et des droits des travailleurs en Colombie et nous participons activement à la campagne internationale visant à mettre un terme à la violation des droits de la personne et des droits des travailleurs dans ce pays.
    Comme le comité l'a déjà entendu dire, la négociation d'un accord de libre-échange avec la Colombie soulève pour le Canada d'importantes questions d'ordre juridique et éthique. On peut dire que, à l'échelle de l'hémisphère, et cela vient tout juste d'être souligné, c'est en Colombie que l'on trouve la pire situation sur le plan des droits de la personne. Pour ce qui est des droits des travailleurs, la Colombie continue d'attirer l'attention du fait du nombre effarant d'assassinats de syndicalistes.
    Compte tenu de notre expertise, nous sommes particulièrement préoccupés par la situation des droits des travailleurs en Colombie. D'aucuns considèrent que les accords commerciaux hémisphériques renfermant des dispositions en matière de travail, que l'on appelle également ententes accessoires sur le travail, servent à garantir le respect des droits fondamentaux des travailleurs par les pays liés par l'entente. Cependant, notre expérience de ces accords hémisphériques révèle que la protection des droits des travailleurs qui y est prévue laisse beaucoup à désirer. Par ailleurs, l'on constate dans de nombreux pays d'Amérique centrale et du Sud, et notamment en Colombie, un refus systémique d'assurer le respect de droits du travail.
    De manière générale, les accords commerciaux préférentiels n'ont à notre avis offert aucun mécanisme réel permettant de garantir que les droits des travailleurs seront protégés lorsque ces accords sont exécutés par les parties. En conséquence, notre message au comité, en résumé, est qu'il n'y a aucune raison de croire que l'insertion de dispositions en matière de droits des travailleurs dans un projet d'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie aura quelque effet positif que ce soit sur la situation en matière de droits des travailleurs en Colombie. À notre avis, donc, le Canada ne devrait envisager la libéralisation des échanges avec la Colombie qu'une fois qu'il y aura eu une amélioration manifeste et marquée de la situation générale en matière de droits de la personne en Colombie.
    De la page 2 à la page 4 de notre mémoire, nous vous livrons des observations générales sur ce que nous décrivons comme étant la crise des droits de la personne en Colombie. Je ne vais pas parcourir cela dans le détail. Vous avez déjà entendu en la matière des représentants d'Amnistie internationale, du Conseil canadien pour la coopération internationale et, je pense, du Congrès du travail du Canada.
    J'aimerais cependant vous livrer un message très important. Je n'ai aucun doute qu'on vous a dit, et ce à répétition, pendant votre voyage en Colombie, que la situation dans le pays est en train de s'améliorer. La situation en Colombie s'est bel et bien quelque peu améliorée, mais je pense qu'il est important de se rappeler un certain nombre de statistiques. Sous l'actuelle administration, l'administration Uribe, plus de 400 syndicalistes ont été assassinés. Depuis le début de l'année, soit pendant une période de seulement quatre mois, 22 syndicalistes ont été assassinés en Colombie. La réalité est que l'Organisation internationale du travail continue de reprocher à la Colombie son défaut répété de se plier aux normes fondamentales du travail de l'OIT et de protéger adéquatement les syndicalistes en Colombie. La réalité est que la densité syndicale en Colombie recule depuis 10 ou 15 ans. Les derniers chiffres dont je dispose indiquent qu'elle était inférieure à 5 p. 100, soit l'une des densités syndicales les plus faibles dans les Amériques.
    Je vous encourage à vous rendre à la page 4 de notre mémoire, où nous avons inclus un extrait du plus récent rapport de l'OIT émanant de la Commission sur la liberté syndicale. Les auteurs du rapport soulignent, avec inquiétude, que des membres de syndicats continuent d'être la cible de graves actes de violence du fait de leur appartenance à un syndicat. Ils soulignent que, bien que le gouvernement ait déployé des efforts considérables, ils constatent néanmoins que le nombre de personnes protégées a diminué et considèrent que les efforts de protection nécessaires doivent être renforcés par le gouvernement colombien. Sauf tout le respect que je vous dois, il n'est pas vrai que l'actuel gouvernement colombien s'attaque comme il se doit à ces différents problèmes. Aucune institution internationale de défense des droits de la personne d'importance n'est prête à se lever et à vous dire que la Colombie est en train de s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
    J'aimerais maintenant vous entretenir très brièvement de notre expérience en ce qui concerne les dispositions en matière de travail contenues dans les accords commerciaux hémisphériques qui existent. En bref, elles se sont jusqu'ici avérées décevantes.
    Je suis bien sûr ici en train de comparaître devant vous sans le bénéfice d'une ébauche d'accord de libre-échange canado-colombien. J'ai examiné le témoignage de M. Pierre Bouchard devant le comité. Il est assez clair, et M. Bouchard l'a indiqué, que même s'il y aura de modestes améliorations dans les dispositions portant sur le travail et les accords de libre-échange en vigueur, les arrangements qui figureront vraisemblablement dans l'Accord Canada-Colombie seront semblables à ceux que l'on retrouve dans l'ALENA, l'Accord de libre-échange Canada-Chili et l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica.

  (1700)  

    Ces dispositions commerciales comportent un certain nombre de sérieuses failles que j'ai identifiées aux pages 5, 6 et 7 de notre mémoire, et que je vais parcourir très rapidement avec vous.
    Premièrement, les accords portent sur l'exécution de lois internes en vigueur et non sur l'élévation des normes du travail.
    Deuxièmement, ces accords qui prévoient que les parties respectent les normes fondamentales du travail de l'OIT, comme par exemple l'ébauche de l'Accord entre les États-Unis et la Colombie, exigent seulement que les États ne dérogent pas à l'obligation d'appliquer les normes fondamentales du travail « en ce qui touche au commerce ou à l'investissement entre les parties ». Cela veut dire que la Colombie pourrait continuer de violer les normes fondamentales du travail de l'OIT à condition de ne pas le faire d'une manière qui touche au commerce et à l'investissement. Il s'agit là, selon nous, d'une très sérieuse faille.
    Troisièmement, les mécanismes d'exécution prévus dans les dispositions en matière de travail des accords commerciaux sont uniformément insatisfaisants. Ils sont lents. Ils sont lourds. Ils ne sont pas indépendants. Ils ne sont pas souvent transparents. Ils sont trop bureaucratiques. Le résultat — et je n'ai pas le temps de passer en revue toutes les étapes — est que dans le cadre d'accords de libre-échange existants, comme par exemple l'ALENA... Quantité de plaintes ont été déposées relativement au volet normes du travail de l'ALENA, mais aucune encore ne s'est jamais encore rendue à l'arbitrage. Elles font l'objet de consultations ministérielles, puis elles meurent; en d'autres termes, les États signataires n'ont manifesté aucun désir quel qu'il soit de créer, au titre de ces accords commerciaux, des droits du travail exécutoires.
    Enfin, les recours possibles en vertu des dispositions relatives au travail contenues dans les accords commerciaux hémisphériques existants sont eux aussi uniformément insatisfaisants. Au mieux, il ne s'agit que d'amendes, et si l'État est d'accord, alors il y a possibilité de révocation de l'accord commercial. Encore une fois, les sanctions reviennent surtout à des amendes. La question à laquelle doit donc réfléchir le comité, dans le contexte de l'état de la Colombie, où les violations des droits du travail sont si flagrantes, est celle de savoir si les genres de recours que vous voyez dans les accords commerciaux existants sont ou non appropriés.
    Pour conclure, notre organisation a, en gros, deux recommandations à faire au comité. À notre avis, le gouvernement du Canada ne devrait négocier un accord commercial avec la Colombie qu'une fois que des institutions internationales de défense des droits de la personne respectées aient déterminé que la Colombie agit conformément à ses obligations internationales en matière de droits du travail et de droits de la personne.
    Deuxièmement, vu l'importance de cet accord commercial, tant pour la politique étrangère canadienne que pour les Amériques en général, la négociation et la ratification de cet accord doivent se dérouler dans un contexte libre, transparent et démocratique, ce qui veut dire qu'une fois l'accord ratifié, son texte devrait être diffusé au public. Le gouvernement du Canada devrait engager le mouvement syndical, les organisations de la société civile et les associations professionnelles dans un processus consultatif exhaustif au sujet de l'accord, et celui-ci devrait en bout de ligne être soumis pour ratification, si vous voulez, à la Chambre des communes.
    Voilà une version très abrégée de nos observations, et nous envisageons avec plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

  (1705)  

    Merci.
    Nous allons commencer avec M. Dhaliwal, et il nous va falloir nous en tenir très strictement à sept minutes pour chaque échange. Il nous faudra tout simplement couper net au bout de sept minutes. Si vous êtes au beau milieu d'une réponse, nous couperons tout simplement votre microphone. Toutes mes excuses.
    Monsieur Dhaliwal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, et bienvenue aux représentants d'Avocats sans frontières et de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
    Monsieur le président, j'ai entendu cette histoire ici, et je l'ai entendue pendant notre séjour en Colombie. Lorsque nous avons entendu le vice-président ainsi que le ministre des Affaires étrangères du pays là-bas, ils ont reconnu avoir fait beaucoup de chemin mais en avoir encore beaucoup à faire. Ils conviennent qu'il y a des problèmes et le ministre des Affaires étrangères a en fait également indiqué, au sujet des avocats et du système judiciaire, que le budget pour celui-ci a été doublé, que de nouvelles cours de première instance ont été créées et que davantage de juges ont été recrutés. Une unité de poursuivants a par ailleurs été créée.
    J'aimerais vous demander ceci, tout d'abord. Partagez-vous l'opinion du ministre des Affaires étrangères et, dans le cas contraire, pourriez-vous dire au comité ce que nous autres Canadiens pourrions faire en vue de favoriser le règlement de ces problèmes du système judiciaire dans le cadre de l'accord?
    Merci de la question.
    Je pense qu'il est bien vrai que certains progrès ont été faits en Colombie relativement au système judiciaire. Par exemple, une nouvelle procédure pénale a été mise en oeuvre récemment, à partir de 2004, mais elle a également créé énormément de problèmes pour les avocats plaidants.
    Cela étant dit, il reste encore beaucoup à faire. Comme je le disais, il existe encore des liens entre les groupes paramilitaires et certains éléments du système judiciaire, et ce fait a été prouvé devant les tribunaux. Il y a par ailleurs ce refus de mettre fin à l'impunité. Beaucoup d'affaires n'ont encore jamais même fait l'objet d'une enquête: pas d'enquête, pas d'inculpation, et, bien sûr, pas de jugement rendu par une cour.
    Il y a, par exemple, eu des affaires d'attentats contre des défenseurs des droits de la personne, et nous nous y sommes penchés. Nous nous rendons depuis des années en Colombie pour demander où en est l'enquête dans telle ou telle affaire, et la réponse donnée est toujours la même: nous avons devant nous des dossiers vides.
    Que pouvons-nous faire? Encore une fois, le message pour nous est que nous pouvons en ce moment exercer un certain effet de levier du fait que nous soyons en train de négocier un accord de libre-échange avec la Colombie. Il nous est possible, à l'intérieur du processus de négociation, d'imposer des conditions en disant que nous aimerions voir réaliser ceci ou cela.
    Quelles sont ces conditions? Auriez-vous des suggestions à nous faire?
    Je ne dirais pas que j'aurais des recommandations précises à faire maintenant, mais il faudrait certainement effectuer au préalable une évaluation.
    Regardez notre rapport. Il renferme 23 recommandations précises. Il s'agit de recommandations précises que nous ferions au comité. Il s'agit dans tous les cas de choses que nous aimerions voir améliorées en Colombie.
    Je pense que mon collègue aimerait dire quelque chose.
    Permettez que j'ajoute à ce sujet qu'un nombre appréciable de juges ont été nommés, ce afin de traiter d'un nombre croissant d'affaires. Conformément à la nouvelle loi, la Loi de 2005 sur la justice et la paix, il a été créé deux tribunaux d'exception à Barranquilla et à Bogota pour traiter de la démobilisation possible des paramilitaires. En fait, les autorités s'étaient attendues à un certain nombre, à un important volume de démobilisations, mais ce n'est pas ce qui s'est passé.
    Il existe donc deux tribunaux d'exception avec une nouvelle procédure pénale. En ce qui concerne ces tribunaux, les juges ne possèdent pas la formation requise et les avocats non plus. Vous avez donc un système judiciaire qui pourrait traiter de ces affaires, mais qui n'est pas réellement prêt à le faire. Le problème, en fait, est qu'il n'y a encore eu aucun procès de paramilitaires démobilisés; ils font tous l'objet d'enquêtes.
    Cette loi a été adoptée il y a de cela trois ans environ. Tout cela pour dire que le système judiciaire ne fonctionne pas en Colombie.
    Ma question suivante s'adresse à M. Rowlinson.
    Des entreprises canadiennes se sont rendues en Colombie, y ont créé des possibilités et ont investi de l'argent dans l'exercice de leurs responsabilités sociales d'entreprise, améliorant la vie de Colombiens. Lorsque nous avons posé la question au sujet de situations de droits de la personne, voire même de meurtres et autres impliquant des paramilitaires, il n'y a pas eu un seul cas, même avec l'OIT, de société canadienne ayant violé des droits de la personne.
    Le libre-échange va créer des occasions pour des investisseurs canadiens, mais cela va en même temps améliorer la vie des Colombiens grâce à cette responsabilité sociale d'entreprise qu'assument les sociétés canadiennes. Pourquoi donc continuez-vous de dire que nous ne devrions pas négocier cet accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie?

  (1710)  

    Je répondrai de deux façons à votre question.
    Premièrement, je pense que lorsque vous parlez d'un accord de libre-échange entre un État canadien et un État colombien, les intérêts du gouvernement canadien en poursuivant l'accord commercial ont un sens et des ramifications plus vastes que le simple effet qu'il pourrait ou non avoir sur les entreprises canadiennes d'extraction de ressources en Colombie.
    Deuxièmement, vous avez tout à fait raison. Assis que je suis ici devant vous aujourd'hui, je ne suis au courant d'aucune violation insigne de droits de la personne survenue dans le contexte d'activités d'entreprises canadiennes en Colombie. J'ignore si cela est dû au fait que l'investissement canadien en Colombie est un phénomène relativement récent ou plutôt limité, mais il y a toute une litanie d'exemples — et je serais heureux de les examiner avec vous dans le détail — de sociétés américaines investissant en Colombie et ayant fait l'objet d'innombrables poursuites aux États-Unis du fait du meurtre éhonté de syndicalistes sur leurs lieux de travail.
    Je vais vous donner un exemple. Je pense que Penamco était une entreprise qui mettait en bouteille le Coca-Cola en Colombie. Le président du syndicat des travailleurs de cette société a été tué au travail par des paramilitaires, et cela fait l'objet d'une grosse affaire aux États-Unis.
    Je me plais à penser, comme vous, très certainement, que les entreprises canadiennes sont plus sensibles à leur responsabilité sociale que les autres. J'ignore quelle est la solution. Comme je l'ai dit, nous ne prenons pas forcément position sur la question. Je ne vois cependant pas très clairement dans quelle mesure cet accord de libre-échange particulier envisagé par le gouvernement du Canada aurait quelque chose à dire au sujet de la responsabilité sociale d'entreprise.
    Mais nous devrions être en mesure d'élaborer quelque chose. Si nous abandonnons cet accord sans faire quoi que ce soit pour corriger la situation en Colombie, cela aggravera sans doute les choses pour la population colombienne.
    Nous allons maintenant passer à M. Cardin, pour sept minutes.

[Français]

    Bonjour.
    Je vais partager mon temps avec mon collègue M. André.
    Vous avez dit que les groupes paramilitaires avaient à toutes fins pratiques été créés par le gouvernement. Aujourd'hui, même si on parle de démobilisation, environ 90 p. 100 de ces groupes se reforment. Des gens ont été visés et font l'objet d'enquêtes. D'autres — et ça inclut notamment des gens du gouvernement — ont été incarcérés. Quand on voit le monstre que constituent ces groupes paramilitaires créés par le gouvernement, on peut se demander si celui-ci en a tout simplement perdu le contrôle. Sont-ils devenus des délinquants ou des criminels qui essaient de manipuler le système judiciaire de l'intérieur? La magistrature est-elle encore de collusion avec ces groupes?
     Vous parlez d'impunité, et justement, on a dit récemment aux nouvelles au sujet des FARC que des voyages en France et même de l'argent étaient offerts. C'est encore une fois un cas d'impunité. Nous sommes allés en Colombie. On nous parle de certaines situations, et c'est à nous maintenant de départager tout cela. On dit qu'il y a de l'amélioration. On parle de syndicalisme. Or, en 2007, 38 personnes ont été assassinées. Nous ne sommes qu'en mai, et au moment où vous avez fait votre rapport, il y en avait déjà 22.
    En chiffres absolus, il y a de l'amélioration au cours de certaines périodes, mais il semble que la tendance veuille se maintenir. On parle ici des avocats, de la magistrature, des juges. Les gens ne seront pas en mesure d'agir si le gouvernement ne prend pas l'engagement ferme de faire le ménage là-dedans. J'imagine qu'en l'absence de primauté du droit, même les gens d'affaires qui vont là-bas vont éprouver des craintes raisonnables.

  (1715)  

     Sur le plan des syndicats, on parle de gens assassinés par des compagnies, des paramilitaires ou par l'État parce qu'ils ont été associés au trafic de la drogue. C'est ce qui se dit, concrètement.
    Qui est responsable en grande partie de l'assassinat de ces syndiqués? C'est une question fondamentale. Bien sûr, la syndicalisation baisse. Elle était de 15 p. 100, mais elle est aujourd'hui de 3 p. 100. Le gouvernement Uribe ne favorise pas les nouvelles accréditations syndicales, la syndicalisation.
    Vos commentaires de tout à l'heure contiennent beaucoup d'éléments. J'essaierai d'en aborder quelques-uns très brièvement. Je vois que le président surveille sa montre.
    Le gouvernement a-t-il perdu le contrôle des paramilitaires? Il est certain que les paramilitaires ont maintenant une existence qui leur est propre. Ce sont des groupes autonomes. Comme la guérilla, ils sont impliqués dans le commerce de la drogue. Tout cela est une guerre pour le contrôle des terres productrices de coca. Il ne faut pas oublier que la coca est toujours au centre de tout cela.
    Ce n'est pas moi qui l'ai dit et ce n'est pas mon opinion, mais celle des tribunaux colombiens. Après avoir vu les preuves qui leur ont été présentées, les tribunaux colombiens, de même que les tribunaux internationaux, ont établi qu'il existait encore des liens très étroits entre divers paliers du gouvernement, de l'État, et les paramilitaires. Par exemple, des fonctionnaires peuvent fournir des listes de personnes à assassiner à des paramilitaires pour leur faire faire le sale travail. Ce peut être des collaborations.
    Par exemple, les cas de la Cour interaméricaine des droits de l'homme que j'ai cités sont des grandes décisions où l'on dit que les paramilitaires sont arrivés dans un hélicoptère, transportés par les forces armées. Les forces armées ont transporté 100 hommes, des paramilitaires sont entrés dans le village, ont massacré quelques hommes et ont violé quelques femmes, puis ils sont partis. Pendant ce temps, les forces policières avaient barré toutes les routes pour qu'ils puissent commettre leurs crimes. Quand on parle de collusion, c'est ce qui arrive. Ce peut être au niveau régional, local ou, comme on le voit maintenant, au niveau national.
    Vous parlez d'amélioration du côté des chiffres, mais c'est une guerre de chiffres. Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous ne marchons pas dans ces guerres. Je veux toutefois vous inviter à la prudence quand il est question de chiffres officiels. En effet, deux des derniers directeurs nationaux de la statistique en Colombie, en 2005 et en 2006, ont démissionné parce qu'ils considéraient subir trop de pression pour modifier les statistiques. Ces gens avaient été nommés par le gouvernement. Oui, il y a certainement une amélioration mais, comme on l'a dit tout à l'heure, la situation demeure grave.
    Avons-nous des craintes pour les compagnies? Oui, certainement. Cet environnement n'est pas facile. Je sais que c'est parfois difficile à imaginer quand on est allé à Bogota, une grande ville où les hommes sont en complet et portent la cravate et où les femmes en tailleur vaquent à leurs occupations. C'est vrai qu'il y a cette Colombie, la Colombie du nord de Bogota. Mais je mettrais au défi certaines des personnes qui parlaient précédemment d'aller avec leur famille dans le sud de Bogota, à un kilomètre du centre. Ils verraient une réalité tout à fait différente, et je ne parle pas des campagnes ou de la jungle, où la majeure partie des violations des droits humains sont commises actuellement, loin des centres. Oui, les compagnies peuvent avoir des craintes. Souvent, elles sont forcées de prendre part à un processus.
    J'essaie d'être bref.
     Votre dernière question visait à savoir qui assassine. Je ne peux pas répondre à cette question. Par exemple, les tribunaux américains, l'année dernière, ont condamné Chiquita Brands — ce n'est pas n'importe quelle compagnie — à une pénalité record de 25 millions de dollars. On a établi que pendant des années, elle avait payé les paramilitaires pour maintenir la sécurité autour de son site de production. Pendant ce temps, les paramilitaires, qui étaient payés avec cet argent, ont assassiné des dizaines et des dizaines de leaders syndicaux. Cela a été prouvé devant un tribunal des États-Unis. Les compagnies, volontairement ou par la force, se sentent parfois obligées de participer à ce genre de choses. Ce processus se reproduit en Colombie.

  (1720)  

    Dans une entrevue du 20 août 2003, le vice-président répond à votre question que les ennemis du syndicalisme sont nombreux. Ceux qui tuent les dirigeants syndicaux sont entre autres et par-dessus tout les paramilitaires, aussi bien les FARC que l'armée de libération nationale. Aussi, ce sont les entrepreneurs et les chefs d'entreprises qui n'ont pas d'organisation et qui n'en souhaitent pas dans leurs compagnies qui donnent des contrats pour liquider les gens.
    C'est le vice-président qui donne cette réponse.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Julian.

[Français]

    Thank you, Mr. Chair.
     Monsieur Paradis, est-il possible de donner ce rapport des tribunaux à notre comité?
    Ce sont des décisions de la Cour interaméricaine des droits de l'homme et elles sont disponibles. Je pourrai vous envoyer les références sans problème.
     Si vous pouviez envoyer cela à notre greffier, ce serait bien apprécié.

[Traduction]

    J'ai trois questions. Premièrement, le gouvernement colombien possède une machine de relations publiques très bien rodée. Nous l'avons vue à l'oeuvre pendant notre séjour à Bogota. Cela est le fait non seulement du gouvernement, mais également de représentants du soi-disant secteur indépendant, qui s'est avéré plus tard être constitué d'anciens ministres du Cabinet ou ambassadeurs. Il y avait donc un grand nombre de personnes qui livraient plus ou moins le même message que le gouvernement, mais il est ressorti, après enquête, que nombre d'entre elles étaient liées au gouvernement.
    Lorsque vous découvrez, en votre qualité d'avocats, dans le cadre d'une affaire devant les tribunaux, qu'une personne a un conflit d'intérêts, qu'elle témoigne mais qu'elle ne révèle pas pleinement ses liens avec le gouvernement, que se passe-t-il? Et quels conseils donneriez-vous au comité pour ce qui est de son témoignage?
    Deuxièmement, pour ce qui est des témoignages véritablement indépendants que nous avons entendus, ceux-ci ont porté massivement sur les violations continues des droits de la personne et des droits des travailleurs. Les gens sont également très préoccupés par la violence économique que l'on constate, par le fait qu'il y ait, comme vous l'avez dit, des liens très clairs entre le gouvernement et les groupes paramilitaires. Les paramilitaires sont très présents. Il y en a encore des milliers sur le terrain. Et nous avons entendu de la bouche de personnes qui travaillent sur le terrain pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qu'il y a une violence économique accrue. En d'autres termes, les paramilitaires travaillent avec des entreprises, dont aucune n'a fait l'objet d'une enquête, comme Nestlé, Coca-Cola et Chiquita.
    Ma deuxième question pour vous est la suivante: croyez-vous que le gouvernement soit presque en train de récompenser l'activité criminelle en allant de l'avant avec un accord de libre-échange alors qu'il y a toute cette incertitude autour de liens entre les paramilitaires et le gouvernement?
    Et ma troisième question est celle-ci. Comme vous l'aurez peut-être constaté dans des témoignages antérieurs, ce que propose le gouvernement canadien est qu'il y ait un genre d'amende. Lorsqu'il y a commission de violations des droits de la personne, de violations des droits des travailleurs, vous versez une amende à un fonds de solidarité, un peu comme avec une contravention pour excès de vitesse, si vous tuez un syndicaliste ou un défenseur des droits de la personne. Pensez-vous que ce soit suffisant pour traiter des problèmes de droits de la personne en Colombie, ou bien croyez-vous, comme moi, qu'il s'agit là de quelque blague de très mauvais goût?
    Je vais tenter de répondre rapidement aux trois questions.
    Premièrement, pour ce qui est de l'indépendance de ceux que le comité a rencontrés, je ne peux évidemment pas me prononcer en la matière. Mais la raison pour laquelle l'ACAMS exhorte le comité et le gouvernement du Canada à n'aller de l'avant avec cet accord de libre-échange qu'une fois que des institutions internationales indépendantes vouées à la défense des droits de l'homme auront confirmé que la Colombie est en train de respecter ses engagements en matière de droits de la personne est précisément celle-là. Nous n'avons pas le temps de nous lancer dans tout un débat au sujet des statistiques et des chiffres, mais il est essentiel, dans le cas d'un pays comme la Colombie, que vous ne comptiez que sur des organisations véritablement indépendantes pour vous livrer des conseils fiables.
    Votre deuxième question concernait la théorie voulant que le gouvernement colombien récompense ou encourage l'activité criminelle. Il n'y a aucun doute que le gouvernement colombien, comme vous l'avez, j'en suis sûr, constaté, cherche activement à promouvoir le libre-échange avec le Canada, les États-Unis et d'autres. Le gouvernement colombien croit clairement que le programme de libéralisation des échanges servira en bout de ligne ses fins. Je ne suis pas convaincu, pour ma part, que le gouvernement colombien se préoccupe vraiment, bien franchement, de savoir si l'investissement étranger est ou non conforme aux normes acceptées en matière de responsabilité sociale d'entreprise. Franchement, je pense qu'il a un autre programme.
    Troisièmement, pour ce qui est de votre question au sujet des amendes, je pense que c'est précisément là l'important. Si le comité va se pencher sur un accord de libre-échange avec le gouvernement de la Colombie, alors le comité doit réfléchir à la question de savoir si les dispositions renfermées dans cet accord vont véritablement faire quelque chose pour améliorer la situation des droits des travailleurs en Colombie, s'il va y avoir une désincitation suffisante pour amener le gouvernement de la Colombie à véritablement stopper ces violations des droits des travailleurs qui sont commises en Colombie. À notre avis, compte tenu des accords commerciaux hémisphériques antérieurs et de tous les renseignements dont nous disposons au sujet du contenu probable de cet accord commercial-ci, la réponse à ces questions sera non. Il ne va tout simplement y avoir aucun incitatif pour le gouvernement de la Colombie d'améliorer sur son territoire la situation en matière de droits de la personne et de droits des travailleurs.

  (1725)  

[Français]

    La Loi justice et paix prévoyait une justice transitionnelle dans le cadre de laquelle des condamnations de cinq à huit ans étaient prévues dans le cas de gens acceptant de livrer un témoignage et de confesser les exactions qu'ils avaient commises. S'ils sont traduits en justice selon le système de justice colombien, ces gens peuvent écoper de peines de 40, 50 ou 60 ans. Or, la justice traditionnelle prévoit de cinq à huit ans. Quand ils ont purgé leur peine d'emprisonnement, ces gens sont réinsérés dans la société et ont droit à des allocations pendant une période qui peut durer jusqu'à 18 mois, alors que les victimes et leurs familles n'ont pas encore réussi à obtenir un traître sou devant la justice. Est-ce que ça répond en partie à votre question?
    Je me permets d'attirer votre attention sur un article de M. Pablo Heidrich qui est paru assez récemment dans The Globe and Mail. Il suggère une interprétation assez intéressante. Selon lui, le Canada s'intéresse à un accord de libre-échange avec la Colombie, et si ça fonctionne, ça va donner à la Colombie des munitions susceptibles de faire tomber les hésitations du gouvernement américain. Si ce dernier voyait que le Canada, qui jouit d'une réputation internationale en matière de droits de la personne, accepte de signer un traité de libre-échange, ça faciliterait les choses. Le véritable objectif est l'accord de libre-échange avec les États-Unis, et non avec le Canada. Il reste qu'on parle ici de l'interprétation d'un journaliste.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Cannan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins. J'ai bien aimé entendre votre perspective.
    Je tiens à savoir si vous trois vous êtes déjà rendus en Colombie.
    Nous y avons fait un excellent voyage. Cela m'a en tout cas ouvert grand les yeux. Nous avons rencontré un excellent échantillon de témoins très représentatifs. Nous avons entendu des indépendants, des représentants du gouvernement et d'ONG, et qui ont été tout à fait francs et honnêtes. D'après certains des renseignements que nous avons reçus, il s'agit définitivement d'un pays en transition. Il se trouve au beau milieu d'une guerre. Je ne sais pas si vous avez entendu les témoins qui vous ont précédés, il y a environ une heure de cela. Ils nous ont dit que le tir est bon, mais que cela prend tout simplement du temps.
    Nous avons eu une excellente rencontre avec le président Álvaro Uribe Vélez. Il a déjà fait six de ses huit années. Il a une cote de popularité de plus de 80 p. 100. Je pense que n'importe quel politicien dans cette salle qui jouirait d'une telle cote se dirait qu'il ne se débrouille pas si mal que cela.
    Je pense que mes collègues ont, de manière générale, la même perspective en ce qui concerne le fait que 70 p. 100 des Colombiens bénéficient aujourd'hui de soins de santé, une nette amélioration par rapport à 30 p. 100. Toutes les catégories d'activités criminelles sont à la baisse, et il y a notamment eu une réduction nette des prises en otages et des meurtres. Les Colombiens ont un programme « famille en action » dans le cadre duquel ils offrent scolarisation et vaccinations aux enfants, tout en veillant à ce qu'ils soient bien nourris. Il s'agit d'un énorme pas en avant. Y a-t-il place à l'amélioration? Absolument. Ce que nous avons vu est un cliché, pris dans le temps, sur la route que le pays a emprunté.
    J'ai discuté avec l'ambassadeur, et il y avait chez lui un bon groupe représentatif de gens d'affaires. Je représente une région de l'intérieur de la Colombie-Britannique, et il y avait là un monsieur qui a été actif dans le secteur forestier pendant 27 ans en Colombie-Britannique. Il a décidé, il y a cinq ans, de déménager en Colombie. Il a dit que c'était la meilleure décision qu'il avait jamais prise. Il recommande ce choix à tout forestier — le secteur connaît bien sûr un fléchissement ici chez nous —, c'est-à-dire prendre ses compétences, son éthique professionnelle et ses pratiques environnementales et les mettre en oeuvre là-bas dans son domaine.
    Je regarde ce que nous avons vu et ce vers quoi nous nous dirigeons, et je suppose que la question que j'ai est la suivante. Monsieur Paradis, pourriez-vous commencer par ceci? Nous avons parlé de violations des droits de la personne. Une statistique que nous avons entendue maintes et maintes fois — et j'ai interrogé plusieurs personnes là-dessus — est que 95 p. 100 des violations des droits de la personne sont le fait de groupes paramilitaires et de guérillas comme les FARC. Il y a des centaines de milliers de personnes qui ont été déplacées. Nous nous sommes rendus à Soacha, qui, comme vous l'avez dit, se trouve en bordure de ville, à environ 45 à 60 minutes en voiture, et nous avons vu ces personnes déplacées. Leur sort est le fait de groupes comme les FARC. Je ne sais pas si c'est là une préoccupation de votre organisation. C'est une des miennes.
    Vous avez également mentionné les violations des droits de la personne commises par l'État. On nous a pourtant dit que 95 p. 100 des violations sont commises par ces autres organisations. Auriez-vous des exemples de violations des droits de la personne commises par l'État?

  (1730)  

    Excusez-moi, pourriez-vous...
    Violations des droits de la personne commises par l'État.
    Je viens tout juste d'en citer quelques-unes qui ont été reconnues par la Cour interaméricaine — participation par les forces de l'État, la police et les militaires à des massacres et à des homicides extrajudiciaires. Ces affaires figurent dans les listes de la Cour interaméricaine ou du gouvernement colombien. Je ne parle pas de cas autres que ceux-là. Il y en a des centaines. Je parle simplement des pires violations, comme les tueries et les massacres.
    Dans quelle année, donc, l'État a-t-il été accusé de violations des droits de la personne?
    Eh bien, les dernières affaires devant les tribunaux remontent à l'année 2007 et concernaient des faits survenus dans les années 90. Mais, bien sûr, les procès demandent toujours beaucoup de temps.
    Ce que je dis est que dans le cas de faits survenant maintenant, vous lirez le compte rendu des procès d'ici 10 à 15 ans. Mais il continue d'y avoir des plaintes et des accusations contre l'État devant les autorités internationales, la Cour interaméricaine ainsi que les tribunaux colombiens.
    Encore une fois, Avocats sans frontières ne s'occupe généralement pas de cueillette de statistiques, etc., mais nous oeuvrons avec des partenaires comme la Commission colombienne de juristes qui, elle, travaille de concert avec l'Union européenne et le Canada. Le Canada finance en vérité la Commission colombienne de juristes, qui est la section locale de la Commission internationale de juristes. C'est une organisation formidable, hors de tout soupçon ou parti pris idéologique ou autre. Il a été rapporté que pendant le premier mandat du président Álvaro Uribe, il y a eu quelque 3 000 assassinats, les paramilitaires étant responsables de 60 p. 100 d'entre eux et l'État de 15 p. 100, directement, les guérillas s'étant occupées du reste. Ce qu'ils disent donc, en gros, est que 70 à 75 p. 100 des pires violations des droits de la personne sont commises par omission ou par intervention de l'État, car d'après eux les paramilitaires sont liés à l'État et celui-ci n'a pas rompu ces liens et a donc une certaine responsabilité.
    Je vous félicite de vos efforts.
    Avocats sans frontières sont-ils financés par des organisations juridiques ou bien êtes-vous financés autrement?
    Notre organisation est financée grâce à nos propres efforts de collecte de fonds et à des subventions, par exemple, de l'ACDI ou d'autres organisations; mais nous comptons principalement sur nos propres activités de financement.
    Je sais que Connie Watson, journaliste pour CBC, nous a accompagnés et a fait un excellent reportage lorsque nous nous sommes rendus à Soacha et avons rencontré des gens des Nations Unies, lorsque nous avons eu le cercle d'apprentissage au sujet de l'investissement par l'ACDI dans les écoles et les programmes visant à aider les enfants à faire la transition.
    Je tiens à remercier mon collègue, M. Julian, d'avoir apporté ces merveilleuses épinglettes canadiennes que nous avons pu distribuer.
    On a demandé à ces personnes déplacées si elles ne pensaient pas qu'un accord de libre-échange leur serait bénéfique, leur donnerait des possibilités d'éducation et d'emploi accrues. Elles ont répondu que oui, absolument. Lorsque vous vous entretenez, donc, avec des personnes qui sont déplacées et qui sont à la recherche de possibilités, celles-ci vous disent juger qu'il s'agit d'une bonne initiative à mener pour leur offrir des possibilités.
    Ne pensez-vous pas qu'il serait prudent pour le gouvernement de poursuivre sur cette voie?
    Eh bien, chacun espère que sa situation s'améliorera. Je comprends que ces personnes veuillent pouvoir espérer, et notre espoir à tous est que cela livrera des résultats.
    Encore une fois, nous n'avons aucune position particulière théorique ou philosophique pour ou contre le libre-échange, mais ce que nous disons est qu'il devrait incomber au Canada, s'il envisage un accord de libre-échange avec la Colombie, d'examiner la situation des droits de la personne et d'y faire quelque chose avant que de signer une entente. Évaluez la situation et imposez certaines conditions préalables dans l'intérêt de toute la Colombie — de ses citoyens et des personnes déplacées.
    Je conviens qu'il nous faut travailler ensemble et donner de l'espoir aux gens.

  (1735)  

    Merci, Ron.
    Une voix: Puis-je répondre à la question de M. Cannan?
    Le président: Je regrette, mais nous n'avons plus de temps.
    Ce sera tout pour aujourd'hui. Merci beaucoup de votre comparution.
    La séance est levée.