Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 juin 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Nous poursuivons notre étude des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, concernant la protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi.
    Aujourd'hui, nous accueillons les représentants de l'Association du Barreau canadien et de la Ligue des droits et libertés. Bienvenue.
    Qui sera le premier à prendre la parole?
    Je représente l'Association du Barreau canadien. J'ai quelques remarques liminaires à faire, qui seront suivies de celles de M. DelBigio.
    Vous avez la parole, madame Thomson.
    Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
    Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel.
    L'Association du Barreau canadien a participé très activement à l'examen du projet de loi C-24 dont le comité était saisi, en présentant ses observations à ce sujet, et nous sommes donc très contents d'avoir de nouveau l'occasion de partager nos vues avec vous.
    L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente 36 000 avocats en exercice dans l'ensemble du Canada. Les vues que nous présentons aujourd'hui sont notamment celles de la Section nationale de droit pénal de l'Association du Barreau canadien. Je devrais vous signaler que les membres de la section en question comptent à la fois des avocats de la défense et des procureurs de la Couronne, si bien que notre Section de droit pénal est tout à fait unique par rapport à d'autres groupes du même genre.
    Le mandat de l'Association du Barreau canadien consiste à améliorer le droit et l'administration de la justice, et c'est dans cette optique que nous faisons nos remarques aujourd'hui.
    Je voudrais demander à M. DelBigio, président de la Section nationale de droit pénal, de vous expliquer les éléments de fond de notre lettre, que vous avez déjà sous les yeux.
    L'Association du Barreau canadien reconnaît que le public a intérêt à ce que les activités d'exécution de la loi soit bien financées. L'Association du Barreau canadien reconnaît aussi l'importance de la sécurité publique. Cependant, l'Association du Barreau canadien reconnaît que le respect des droits constitutionnels et du principe de la primauté du droit est à la fois critique et primordial.
    Selon nous, les articles 25.1 à 25.4 ne cadrent pas avec le principe de la primauté du droit. Il y a un risque d'abus. Et comme vous le savez très bien, ces dispositions permettent à un agent de police de commettre une agression. Or la marge est étroite entre une agression ordinaire et une agression qui cause des lésions corporelles. Les inquiétudes sont plus vives à l'heure actuelle étant donné le recours aux agents et l'insuffisance des mécanismes actuels de responsabilisation.
    Au moment de nous prononcer sur le projet de loi C-24, nous avons justement fait part de nos diverses inquiétudes, entre autres le fait que le projet de loi ne se bornait pas aux infractions liées au crime organisé ou au terrorisme. Nous avons toujours cette inquiétude. Les dispositions actuelles visent l'application de toute loi du Parlement.
    Nous continuons d'être très préoccupés par le principe de la primauté du droit. La Cour suprême a clairement indiqué que la fin ne justifie pas les moyens, qu'il est possible que la preuve ou les condamnations soient obtenues à un prix trop élevé, et que les opérations policières ou celles visant à faire respecter la loi font tout de même l'objet de certaines limites inhérentes. À cet égard, l'ABC continue d'avoir les mêmes préoccupations.
    À notre avis, l'article 25.1 est contraire à la primauté du droit et mine l'intégrité de l'administration de la justice ainsi que la confiance du public dans l'administration juste et correcte de la justice, en fermant les yeux sur des infractions intentionnelles et calculées, perpétrées par des agents de l'État. Nous recommandons que ces dispositions soient abrogées intégralement ou qu'à tout le moins, elles soient modifiées de façon à ne viser que les fonctionnaires publics, plutôt que les agents.
    Si ces articles ne sont pas abrogés, nous recommandons que le recours à ces dispositions dépendent de l'obtention d'une autorisation judiciaire préalable. De plus, nous recommandons qu'il soit obligatoire de présenter des rapports et de tenir des registres plus détaillés, de sorte que les exigences en matière de tenue de dossiers reposent sur la transparence et une surveillance appropriée.
    S'agissant de la primauté du droit, il ne suffit pas de demander simplement s'il existe une loi permettant la commission de certains actes au nom de l'État ou de ses agents. Cette question est justement étroitement liée à celle de la primauté du droit. Mais selon le principe de la primauté du droit, il faut aussi examiner en profondeur la teneur de la loi. La loi est-elle juste? Est-elle équitable? Respecte-t-elle les normes constitutionnelles? Prévoit-elle des mécanismes suffisants de contrôle et de surveillance par rapport aux techniques d'enquête?
    Quand on a recours aux articles en question pour faire une enquête ou réunir des preuves contre une personne, les droits individuels, qui sont protégés par l'article 7 de la Charte des droits, sont en cause. Cependant, les méthodes d'enquête en question dépassent de loin les droits individuels ou les intérêts du particulier. Tous les citoyens canadiens ont intérêt à bénéficier d'activités policières efficaces, d'une société sécuritaire, du respect du principe de la primauté du droit, et d'un système de responsabilisation qui vise la police.
    S'agissant du recours à des agents non policiers ou autres, si cela nous inquiète, c'est parce qu'il n'est pas possible de contrôler efficacement les personnes de ce genre. Qu'on parle de l'expérience des citoyens ordinaires ou des tribunaux, il est notoire que de tels agents sont souvent des criminels eux-mêmes, comme l'a fait ressortir un jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui indiquait que les informateurs ou agents sont souvent des personnes de caractère douteux qui participent aux opérations mêmes qui font l'objet de l'enquête proposée, et que pour cette raison, il faut absolument se montrer sceptique vis-à-vis des renseignements fournis par de telles personnes.
    Selon nous, les agents de police peuvent décider un peu trop facilement de ne pas respecter les contraintes de la loi ni aucune autre instruction donnée par un agent de police, et l'attitude sceptique dont a parlé la Cour d'appel de la Colombie-Britannique à l'égard des renseignements fournis par un agent doit également s'appliquer à une situation où il convient de déterminer si l'agent acceptera de respecter volontairement et rigoureusement les instructions d'un agent de police.

  (1535)  

    Nous trouvons préoccupant que l'on puisse avoir recours à cet article sans obtenir au préalable une autorisation judiciaire indépendante. Le Code criminel prévoit l'obtention d'une autorisation pour le recours de nombreuses techniques d'enquête, y compris l'interception de communications privées, les mandats de perquisition, les mandats d'ordre général, les ordonnances de production, les mandats pour le prélèvement de substances corporelles servant aux analyses de l'ADN, les mandats permettant de prendre des empreintes, comme des empreintes des pieds et des mains, ou les dispositifs de repérage. Dans tous les cas que je viens de citer, il faut obtenir au préalable une autorisation judiciaire.
    L'importance constitutionnelle de cette obligation -- car en réalité, il s'agit d'une exigence constitutionnelle -- a été reconnue par la Cour suprême du Canada, qui a statué, dans l'affaire Hunter c. Southam, que c'est seulement lorsqu'il est démontré que l'intérêt de l'État est supérieur à l'intérêt de la personne que l'on peut avoir recours à certaines techniques d'enquête, et que la personne qui prend cette décision doit au moins être en mesure d'agir de façon judiciaire, ce qui signifie que cela doit passer par un fonctionnaire judiciaire indépendant.
    Selon nous, les fonctions d'un agent de police sont telles qu'il lui est impossible, comme l'exige la Constitution, d'assurer l'équilibre objectif et délicat qui est nécessaire entre des intérêts opposés. Le fait est qu'un agent de police n'est pas un fonctionnaire judiciaire indépendant et ne devrait donc pas être appelé à prendre des décisions concernant l'application de ces dispositions.
    Nous avons également certaines inquiétudes en ce qui concerne les exigences de rapports, qui nous semblent insuffisantes. À la page 4 de la lettre qui vous a été fournie, je fais allusion à un extrait d'un rapport annuel de la GRC, qui dit ceci :
Dans un cas, la GRC faisait enquête sur un réseau de distribution de drogues. Des actes ou omissions justifiés qui constitueraient par ailleurs des infractions aux dispositions du Code criminel ayant trait à la possession de biens volés, au vol de plus 5 000 $ et au complot dans un but de commettre un acte criminel, ont alors été commis.
    Cette description est tout simplement insuffisante. Il est impossible de connaître la nature du réseau de distribution de drogues en question et de savoir ce qu'on entend par l'expression « actes ou omissions » relativement à un vol de plus 5 000 $ ou à un complot dans le but de commettre un acte criminel.
    On ne peut effectuer un examen valable et garantir la responsabilisation que si les rapports fournissent suffisamment de détails pour permettre de comprendre ce qui s'est produit et si cela répond aux exigences législatives et constitutionnelles.
    À notre avis, de tels rapports doivent fournir au moins une brève description de l'infraction ou des infractions qui font l'objet de l'enquête et de l'acte ou de l'omission commis par l'agent de police, ainsi qu'une brève description de l'acte ou de l'omission concerné. De plus, le rapport devrait indiquer si l'enquête s'est soldée par le dépôt d'accusations contre une personne. Cette information est importante pour permettre de savoir si l'usage qu'on fait de ces dispositions est valable ou non. Si l'on a recours à ces dispositions alors qu'il n'en résulte jamais une inculpation, on peut raisonnablement se demander pourquoi c'est le cas.
    Enfin, nous recommandons que le suivi parlementaire soit effectué tous les trois ans pour garantir la responsabilisation en permanence. Nous croyons savoir qu'aucun tribunal n'a encore eu l'occasion d'examiner ces dispositions ou les circonstances dans lesquelles on y a recours. Les opinions d'un tribunal seront d'un intérêt certain pour tout examen futur des articles en question.
    Merci.

  (1540)  

    Merci, monsieur DelBigio.
    Comme vous nous l'avez fait remarquer, l'Association du Barreau canadien représente 36 000 avocats et autres personnes travaillant dans le domaine du droit. Pourrais-je vous demander un petit éclaircissement: avez-vous reçu, de la part de ces 36 000 avocats, procureurs, étudiants ou notaires, des plaintes particulières au sujet de ces dispositions du Code?
    Vous me demandez si l'Association du Barreau canadien a reçu des plaintes?
    Eh bien, l'Association du Barreau canadien vous a fait part de ses préoccupations concernant le projet de loi précédent et elle a cru bon aussi de se présenter devant vous aujourd'hui pour en discuter.
    Ce qui nous semble plus important encore, toutefois, c'est que, à notre connaissance, les circonstances précises dans lesquelles l'on a recours à ces dispositions n'ont jamais été examinées par un tribunal et n'ont donc jamais été rendues publiques. Par conséquent, il n'existe guère d'information sur quoi fonder une plainte.
    Nous sommes devant vous aujourd'hui pour vous faire part de nouveau de nos préoccupations à ce sujet.
    Merci.
    C'est à vous maintenant, monsieur Barrette.

[Français]

    Je suis Denis Barrette et je représente la Ligue des droits et libertés. Je vais d'abord laisser la parole à mon collègue Pierre-Louis Fortin-Legris.
    Je vais vous présenter l'organisme que nous représentons. La Ligue des droits et libertés est un organisme à but non lucratif indépendant et non partisan. Il a été fondé en 1963 par plusieurs juristes et intellectuels préoccupés par la protection des droits de la personne au Canada, notamment par le professeur Frank Scott, M. Pierre Elliott Trudeau et M. Jacques Hébert.
    Les objectifs poursuivis par la Ligue des droits et libertés sont la défense et la promotion des droits reconnus dans les différents traités internationaux de droits de la personne et dans les chartes en vigueur au Canada.
    Nous sommes membre de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme. À l'occasion, nous comparaissons devant les comités de l'ONU responsables de la supervision et de l'application des traités internationaux de droits de la personne.
    Je vous demande la permission de vous présenter un court mémoire sous forme de notes d'intervention qui n'a malheureusement pas pu être traduit en anglais. Avec votre permission, je le distribuerai aux membres du comité.

  (1545)  

[Traduction]

    Votre mémoire est disponible en français seulement. C'est bien ça?
    Oui, il sera traduit dès que possible.
    Quand la traduction sera disponible, nous allons certainement le distribuer.
    Très bien. Dans ce cas, je demande la permission de vous distribuer un autre texte que nous avons ici qui est disponible en anglais et en français.
    Oui, bien sûr; ce serait tout à fait acceptable.
    Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, Denis Barrette, pour faire un exposé liminaire.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Nous recevons aujourd'hui ces témoins, qui préfèrent sans doute s'exprimer en français devant le comité. Je pense qu'il faut les encourager à faire leurs remarques tout de suite, mais pas en anglais. Nous sommes parfaitement capables de fonctionner ici dans les deux langues. Le français, c'est notre langue. C'est votre langue. Allons-y donc sans plus tarder.
    Monsieur Lee, si je ne m'abuse, les témoins se demandaient s'ils pourraient distribuer un document.
    Si vous avez effectivement un document en anglais et en français, sentez-vous libres de les distribuer. Nous attendrons que le document principal soit traduit pour le distribuer. Je sais que ce processus est déjà en cours.
    Veuillez donc continuer.

[Français]

    Je vais suivre la suggestion de M. Lee avec plaisir.
    D'abord, nous abondons dans le même sens que l'Association du Barreau canadien. À la Ligue des droits et libertés, on a passablement les mêmes préoccupations et on se retrouve encore devant la même structure juridique, qui, malheureusement, n'est pas très connue de la population. Très peu de gens connaissent l'article 25.1 du Code criminel. Je suis certain que personne dans la rue, aucun de vos commettants, ne vous a déjà demandé où en est l'évolution de cet article du Code criminel.
    Je vous demande d'imaginer l'hypothèse suivante. Imaginons un pays ou un État sans nom où la loi permettrait aux forces de l'ordre de commettre des voies de fait, de faire de l'écoute électronique et une série d'infractions violentes, comme les menaces, l'enlèvement, la prise d'otage, la séquestration, des perquisitions qui, en fait, deviennent des introductions par effraction pour commettre un vol, et j'en passe beaucoup. Les policiers jouiraient d'une immunité. Cela constituerait une justification pour des fins d'enquête. Imaginez que dans cette société, on respecte les droits de la personne, mais que cette loi existe toujours et que la possibilité existe toujours qu'on y ait recours, compte tenu de la façon dont elle est rédigée.
    C'est la situation devant laquelle on se trouve. On a beau croire que les policiers sont généralement de bonne foi, on ne pourra jamais oublier, particulièrement au Québec — je l'espère du moins —, l'époque des années 1970, alors que des agents de la GRC ont incendié des granges, volé des listes de partis politiques et commis plusieurs crimes qui ont mené à l'enquête que vous connaissez, la Commission MacDonald des années 1980.
    On n'oublie pas non plus que dans les années 1980 et 1990, un type du nom de Boivin était à la CSN et travaillait en même temps pour le SCRS. Il avait incité un de ses collègues syndiqué à faire sauter un hôtel près du Saguenay—Lac-St-Jean, dans la région située au nord de Québec. Évidemment, le SCRS n'était pas d'accord quant aux gestes commis, mais on peut se retrouver dans des situations similaires très rapidement.
    J'ai oublié un aspect important: imaginez un pays où on peut commettre tous ces actes sans qu'il y ait de contrôle judiciaire. À cet égard, la Ligue des droits et libertés abonde dans le même sens que le Barreau canadien : une autorisation judiciaire est absolument nécessaire pour poser de tels actes. On ne peut pas faire d'écoute électronique sans autorisation judiciaire et sans qu'il y ait des conditions préalables sévères, c'est-à-dire sans avoir fait la démonstration que d'autres moyens d'enquête ont été tentés et qu'il n'y a aucun autre moyen d'arriver à faire aboutir l'enquête, etc., et avoir un mandat pour un temps déterminé. Il s'agit ici de la vie privée, donc, le juge émet un mandat.
    On peut se demander ce qui se passera quant à l'article 25.1. Un policier infiltrateur ou un agent double pourrait-il faire de l'écoute électronique pour renforcer son image auprès du milieu criminel? Un policier pourrait-il se permettre de commettre des voies de fait en série, de faire des vols pour, encore une fois, renforcer son image d'infiltrateur? Jusqu'à quel point un policier saisira-t-il la nuance entre des voies de fait simples, des voies de fait avec lésions, etc.? Qu'arrivera-t-il dans les cas où des voies de fait simples deviendront des voies de fait avec lésions ou des voies de fait graves?
    On sait très bien, comme avocats, que des voies de fait simples peuvent, à la suite d'un incident, devenir des voies de fait graves. Cela peut parfois aller même plus loin. On sait aussi qu'il y a un principe en droit criminel en vertu duquel on prend la victime comme elle est.
    Dans ces situations, on trouve qu'il est extrêmement dangereux qu'on permette aux policiers de commettre des infractions contre l'intégrité des personnes. On trouve très dangereux aussi et très inquiétant que les personnes ne soient pas avisées lorsque leurs biens ne sont pas détruits. En effet, la personne qui est victime de menaces de séquestration n'est pas avisée par la police et ne portera pas plainte à son avocat ou à un juge, parce qu'elle ne sait pas que c'est un policier qui a posé ce geste.

  (1550)  

    Le policier qui s'introduit par effraction, qui fait un enlèvement ou une séquestration ne porte pas un insigne de policier. C'est souvent fait par un policier en civil qui s'est infiltré dans un groupe criminel et qui veut se faire une réputation en vue d'établir une preuve.
    Je ne vous lirai pas mon mémoire au complet. Il ne compte que cinq pages, mais le Barreau en a couvert une grande partie. Je vais quand même aborder un autre thème, celui de l'indemnisation. Il est quasi impossible pour une victime, c'est-à-dire une personne dont le bien a été détruit ou une victime d'une agression physique de la part d'un policier habillé en civil qui a commis un acte criminel, d'intenter une poursuite. D'abord, il arrive souvent que la victime ne le sait pas. De plus, si elle n'a pas les moyens financiers de le faire, il est illusoire de croire que cette personne pourra passer par tous les stades afin d'être indemnisée.
    Si le Parlement décide de renouveler la loi, il faudra absolument qu'il y ait un mécanisme automatique d'indemnisation des victimes. Si le Parlement décide de renouveler la loi, des autorisations judiciaires seront nécessaires, de même qu'un mécanisme de contrôle externe, autrement dit un mécanisme de contrôle juridique impartial, ainsi qu'une responsabilité politique. Cela pourrait prendre la forme d'un comité de députés qui siégerait à huis clos, mais il faudra qu'il y ait une responsabilité politique en vertu de laquelle on pourra examiner en détail ce que les policiers ont fait.
    Je vous ai remis un texte de Mme Shirley Heafey dans lequel elle explique très clairement que même les mécanismes existants de la GRC ne sont pas efficaces. Ils sont inadéquats face à la réalité, surtout face à la réalité actuelle. Ils le sont encore plus lorsqu'il s'agit d'infractions dont presque personne ne sait qu'elles sont commises par des agents de l'État.
    Lorsque je parle d'une audience à huis clos, je peux admettre que le huis clos soit parfois nécessaire, mais l'essentiel du travail du comité devra être public, puisque le public doit savoir ce que font les policiers. En fait, au cours des dix prochaines années, il serait aussi dangereux pour l'image de la police que l'on ne sache pas ce que les policiers ont fait que d'apprendre au fur et à mesure quels types d'infractions ils ont commis et le détail des raisons pour lesquelles ils agissent comme ils le font et, comme le dit mon collègue, quels sont les résultats des gestes qu'ils posent.
    Nous vous faisons une autre suggestion. Si les rapports sont faits par tous les solliciteurs généraux de toutes les provinces et par le solliciteur général du Canada, on suggère qu'un rapport pancanadien soit rédigé qui inclurait les rapports de toutes les provinces, parce qu'un individu qui veut savoir qui a fait quoi doit s'adresser à chacune des provinces. Depuis quelques années, on fait face à des équipes intégrées, des task forces, dans lesquelles on retrouve des policiers municipaux, provinciaux, fédéraux, des agences fédérales — puisqu'on ne parle pas seulement de policiers mais aussi d'agences — et des agences étrangères, dont le FBI, généralement, et sûrement la CIA. L'enquête Arar l'a assez bien démontré jusqu'ici.
    Alors, dans ces task forces qui agissent ensemble, qui fait quoi sous l'ordre de qui? Dans ces cas, il est important d'avoir un rapport qui trace le portrait de l'ensemble de la situation.
    Il ne me reste plus beaucoup de temps, mais finalement, je vais aborder une question qui vous surprendra: la torture. Cela va vous étonner, mais l'infraction de torture qui existe dans le Code criminel est similaire à l'infraction de torture qu'on retrouve dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que le Canada a signé en 1987. L'infraction de torture n'est pas exclue de l'immunité accordée aux agents de l'État. L'essence de la définition de la torture est qu'elle est commise par un agent de l'État. Tous les policiers à qui j'en ai parlé m'ont répondu ne pas pouvoir faire de torture parce qu'ils ne peuvent pas commettre de lésions.

  (1555)  

     Selon notre définition, il s'agit là d'une mauvaise interprétation du mot « torture ». Je ne parle pas de la définition de Washington, mais de la nôtre. Nous croyons à cet égard qu'il n'est pas nécessaire d'infliger des blessures. Une voie de fait avec lésions nécessite la présence de blessures qui ne sont ni permanentes ni légères. Notre définition de la torture se fonde sur la présence d'une douleur aiguë.
    En effet, il est possible de faire subir une douleur ou une souffrance aiguë à un individu sans lui infliger quelque blessure que ce soit. L'imagination humaine et les techniques sont assez développées. On n'a qu'à penser aux cas où l'on a recours à la limitation sensorielle, où l'on enferme une personne en la privant de lumière, où l'on fait perdre à l'individu toute notion du temps ou qu'on a recours à de la musique. Vous n'avez qu'à penser à Guantanamo. Toutes les techniques ont été développées de façon très pointue, de façon à faire souffrir les individus sans que cela occasionne des blessures. L'image caricaturale du policier et de son annuaire téléphonique nous vient naturellement à l'esprit. Or, c'est un peu le même principe. Cependant, c'est face à une technologie beaucoup plus raffinée que nous nous trouvons aujourd'hui.
    Dans ce sens, la torture serait possible sous le couvert de l'article 25.1. Il y a maintenant un débat, à savoir si c'est inclus dans les voies de faits avec lésions. C'est un débat intéressant sur le plan juridique, mais il faut penser au policier à qui on dirait qu'il n'y a pas de torture lorsqu'il n'y a pas de blessure. Il pourrait alors faire souffrir un individu pour l'intimider, étant donné que l'intimidation est permise. Il pourrait supposément le faire sans qu'il y ait de torture. Or, c'est absolument faux. On envoie un message erroné aux policiers, qui ne sont pas des juristes.
    Pour conclure, je voudrais souligner que cette loi comporte deux problèmes majeurs. Nous répétons ce que nous avions dit en 2001. À l'époque, la Ligue des droits et libertés s'était opposée à la loi. Elle a comme effet d'encourager la loi du silence chez les policiers et, surtout, de banaliser la torture et la violation des droits fondamentaux à l'échelle mondiale. Le fait d'octroyer une telle immunité aux forces de l'ordre est très préoccupant. L'égalité devant la loi pour tous, sans exception, est un principe fondamental de la règle de droit, et elle est essentielle à l'existence même d'une société démocratique.
    À l'instar du Barreau, nous demandons donc le retrait de l'article 25.1.

[Traduction]

    Merci, monsieur Barrette.
    Nous allons maintenant ouvrir la période des questions.
    Monsieur Lee, vous avez sept minutes pour le premier tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord remercier nos deux groupes de témoins.
    Afin de bien appliquer nos lois, les autorités policières sont parfois, voire même souvent, obligées de commettre des actes qui seraient autrement jugés criminels. Par exemple, pour arrêter ou détenir physiquement une personne, il faut faire des choses qui constitueraient normalement une agression. De même, pour appréhender quelqu'un qui s'enfuit en voiture, il faut parfois dépasser la vitesse limite. Il y a toutes sortes de scénarios possibles.
    Ma question s'adresse à l'Association du Barreau canadien. Votre groupe ne reconnaît-il pas que ces nouvelles dispositions du Code criminel représentent une tentative pour codifier ce qui est actuellement une zone grise. Il s'agit d'une tentative faite de bonne foi, mais qui nous est imposée par les tribunaux, pour codifier tout cela en établissant des dispositions législatives en bonne et due forme. N'êtes-vous pas prêt à reconnaître que la police doit pouvoir recourir à de telles méthodes? À la demande des tribunaux, nous essayons simplement d'inscrire dans la loi les pratiques actuelles.

  (1600)  

    Si c'est vrai -- autrement dit, que la police doit pouvoir recourir à de telles méthodes -- il est de loin préférable de les codifier, plutôt que de permettre aux agents de décider eux-mêmes, sur le moment ou de façon improvisée, quelles méthodes s'imposent dans les circonstances. Il n'y a aucun doute à ce sujet, et ces dispositions représentent une tentative manifeste pour codifier les pratiques actuelles.
    Il reste que le Code criminel est rempli de dispositions qui autorisent les agents de police à employer certaines méthodes pour atteindre certains objectifs. À mon sens, cela ne peut se comparer à la commission de certains actes en vue d'arrêter quelqu'un qui seraient autrement considérés comme une agression. Il s'agit plutôt de techniques d'enquête qui peuvent comprendre le recours à un mandat de perquisition ou l'écoute électronique, et ces méthodes sont employées au préalable dans le cadre d'un plan bien précis, si bien qu'il arrive rarement qu'on décide d'y avoir recours sur le moment.
    Par conséquent, si les dispositions ne sont pas abrogées -- et je reviendrai là-dessus dans quelques instants, il n'y a pas de raison de ne pas prévoir l'obtention d'une autorisation judiciaire au préalable. Une autorisation judiciaire préalable est exigée à l'égard de toutes les techniques d'enquête que j'ai mentionnées tout à l'heure, et cela ne compromet aucunement l'application rigoureuse de nos lois. Au contraire, cette obligation permet de mieux administrer les lois. Donc, cette obligation devrait exister dans ce contexte.
    Évidemment, la question de la nécessité est toujours épineuse. Qu'est-ce qui est nécessaire pour permettre d'appliquer les lois de façon juste et efficace? L'exécution juste de nos lois signifie que les activités qui y sont associées seront conformes aux normes de notre société, en ce qui concerne la moralité et le respect de la personne humaine, ainsi qu'au principe de la primauté du droit. Est-il nécessaire, ou les données actuelles -- qu'on peut évidemment analyser -- démontrent-elles que le maintien de l'ordre ou la répression de la criminalité sont actuellement compromis en raison de l'absence de ces dispositions?
    À mon sens, il est difficile de faire cette évaluation. Par contre, une façon de la faire serait de se demander ceci: trois ans plus tard, il y a eu combien d'inculpations? Combien de fois a-t-on eu recours à ces dispositions législatives et combien de personnes ont fait l'objet d'accusations devant un tribunal? Une fois qu'on possède cette information-là, on peut chercher à déterminer, s'il n'y a pas eu d'inculpation dans chaque cas où l'on a eu recours à ces dispositions, et pourquoi il n'y en a pas eu? Voilà qui va nous permettre de porter un jugement sur la question de la nécessité.
    Je suppose que c'est la raison pour laquelle le Parlement est actuellement en train de débattre de cette question et que nous avons adopté ces dispositions législatives au départ.
    J'ai l'impression que nous n'avons pas beaucoup d'expérience de l'application de ces articles dans la pratique. Nous n'avons même pas obtenu beaucoup de données à ce sujet.
    Je ne crois pas me tromper, monsieur le président, en disant que le rapport de 2005 n'est toujours pas disponible. C'est bien ça? Oui, c'est ça. Et nous en sommes en 2006.
    En fait, nous n'avons même pas reçu les données pour 2004. Donc, je ne pense pas que nous possédions énormément de données. Mais si nous avons accès à de bonnes données, quelles informations additionnelles seraient nécessaires, à votre avis, pour nous permettre de bien évaluer la situation dans le cadre de cet examen?
    D'abord, dans la loi, il est question du « rapport annuel ». Il faudrait exiger qu'un rapport annuel soit déposé au plus tard à une date qui serait précisée, ou en l'absence du dépôt de ce rapport, que le non-respect du délai fixé soit vraiment justifié. C'est la condition minimale à respecter dès lors qu'on parle de responsabilisation, à savoir que l'on respecte les conditions précisées dans la loi, en l'occurrence, le dépôt d'un rapport annuel.
    Deuxièmement, j'ai fait une recommandation au sujet du type d'information qui pourrait être exigée dans la loi. Comme je lis ces rapports, je suis bien placé pour savoir que leur contenu ne permet guère à ce groupe, ni à aucun autre groupe, de savoir ce qu'ont fait les autorités policières et les raisons pour lesquelles elles ont fait cela. Il faut se rappeler ce que dit le texte de la loi, de même que l'équilibre qu'exige le texte législatif.
    Les mesures étaient-elles justifiées dans les circonstances, vu la nature des activités policières? Il est justement impossible de le savoir d'après ce qui est écrit dans ce rapport. Il faudrait que ces rapports contiennent des informations plus concrètes et détaillées à ce sujet. C'est vraiment le strict minimum.

  (1605)  

[Français]

    Je dirai simplement, en réponse à la question de M. Lee, qu'il y a aussi le fait que plusieurs infractions commises ne font pas partie du rapport, et ce, pour plusieurs raisons indiquées dans la loi. Soit que les policiers font toujours l'enquête pour éviter qu'il y ait divulgation d'une preuve, soit qu'on veuille protéger un agent double ou un informateur.
    C'est bien beau tout cela, mais qui vérifie si l'enquête doit effectivement être toujours en cours? Qui vérifie s'il y a un risque véritable qu'une preuve soit perdue? Aucune personne indépendante, aucune personne ne faisant pas partie de la police ne fait la moindre vérification des critères. Ce sont les policiers qui décident que l'enquête se poursuit, qu'ils ont toujours besoin d'en savoir plus de toute façon.
    Cette façon de faire comporte de grands risques. Il faut toujours se méfier de simples données, même si elles sont incomplètes. Il faut analyser de quelle façon on a agi. Il faut que les gens puissent questionner les policiers et leurs supérieurs et obtenir des réponses à leurs questions afin de savoir ce qui s'est vraiment passé. Dans ce sens, les responsables policiers devraient être assujettis à un test judiciaire et à un test d'un comité.

[Traduction]

    Monsieur Lee, votre temps est écoulé.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    J'avoue que je me sens assez près des deux témoignages qui ont été présentés. Je voudrais seulement comprendre. Sur le plan de l'autorisation judiciaire, l'argument qui est invoqué pour ne pas mettre sur la table ce mécanisme de contrôle est la confidentialité des données.
    Il est vrai, lorsqu'on examine, par exemple, la comparaison faite par le Barreau pour l'interception de communications privées, le mandat de perquisition, l'ordonnance de communication, etc., que cela n'implique pas nécessairement qu'on divulgue où en est une enquête. Je ne remets pas en cause la complexité de certaines enquêtes policières, particulièrement lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux têtes dirigeantes du crime organisé. Il faut mener des enquêtes. Tout comme vous, je serais plutôt favorable à ce qu'il y ait un contrôle judiciaire.
    Toutefois, comment réagissez-vous à l'idée de la confidentialité de certaines données? Cela vous apparaît-il comme quelque chose pouvant être problématique?
    Je reviendrai ensuite à la question du huis clos et aux deux mécanismes que vous avez proposés. Je ne sais pas si c'est M. Barrette ou notre autre témoin qui a soulevé ces questions. Mon âge canonique ne me permet plus de voir votre nom, mais je sais que vous êtes membre du Barreau.
    Je ne sais pas moi-même quand enlever ou porter mes lunettes.
    Est-ce que je dois comprendre que vous parlez de la confidentialité servant à protéger les victimes, ou pour protéger les informateurs, les agents doubles?
    Je parle de la confidentialité pour protéger les victimes d'une enquête et pour protéger les actions qui sont entreprises.
    À mon avis, il s'agit de la même problématique qu'un mandat de perquisition ou un mandat d'écoute électronique. On doit même — c'est écrit dans le texte de la loi — ne pas divulguer les détails des motifs pour lesquels on fait une perquisition ou les motifs pour lesquels on fait une écoute électronique.
    D'ailleurs, l'avocat de la personne chez qui on fait une perquisition ne le sais pas tant que la perquisition n'est pas faite. L'avocat de la personne, tout comme la personne qui est soumise à une écoute électronique, ne sait pas, à moins qu'elle ait été mise au courant d'une autre façon, qu'elle est assujettie à une écoute électronique, sauf 90 jours ou un certain temps après que l'écoute électronique est terminée. La personne ne sait pas qu'elle est sous écoute et ne connaît pas les motifs; ils peuvent être secrets. Cela passe devant un juge et c'est ce dernier qui décide si oui ou non l'écouté électronique est autorisée. Si la demande est rejetée, personne ne sait pourquoi elle est rejetée, personne ne connaît les motifs.

  (1610)  

    Pour vous, l'argument de la confidentialité ne tient pas.
    Dans le cas ou la personne subit un dommage, par exemple, ou des voies de fait, je crois qu'il est important que la personne visée et le public aient le droit de savoir. Quand les policiers se livrent à de tels gestes, c'est assez sérieux. Il ne s'agit pas ici d'un accès de vitesse sur l'autoroute, comme le disait M. Lee. Lorsque les policiers commettent des infractions directement contre les personnes, par principe, le public a le droit de le savoir. Par ailleurs, certains renseignements peuvent être confidentiels.
    Cela m'amène au huis clos. On peut comprendre que dans certains cas, les comités parlementaires peuvent siéger à huis clos. Un groupe indépendant de surveillance peut aussi examiner la question à huis clos, tout comme le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, par exemple. Je vous donne cet exemple en passant.
    Écoutons votre collègue. J'aurai ensuite une autre question à poser à M. Barrette.
    Voulez-vous vous exprimer au sujet de la confidentialité? Je trouve l'argument de M. Barrette assez convaincant.

[Traduction]

    Je voudrais simplement ajouter que les dispositions du Code criminel reconnaissent le besoin de confidentialité. Il existe des dispositions qui prévoient que les documents déposés pour justifier l'obtention d'un mandat de perquisition ou une autorisation d'écoute électronique soient scellés, ainsi ces documents demeurent confidentiels, sont protégés par le tribunal et ne sont pas disponibles tant que quelqu'un ne demande pas qu'ils soient descellés. Cela se fait typiquement après l'inculpation, car c'est à ce moment-là que s'appliquent les règles relatives à la divulgation de telles informations pour les fins d'une réponse et défense complètes. Normalement, s'il n'y a pas d'inculpation, les documents peuvent rester scellés à tout jamais.

[Français]

    D'accord.
    Examinons les mécanismes de commandement. On sait que c'est du domaine public, alors, sans révéler le nombre d'agents autorisés, on nous a dit que c'était surtout les ministères de la Sécurité publique et de la Protection civile, de l'Environnement et le ministère des Pêches et des Océans qui avaient eu recours à ces dispositions. Il y a une ligne de commandement et il y a des fonctionnaires désignés pour autoriser des agents en cours d'enquête à poser des actes, soit pour faire de l'infiltration ou de la délation. Il y a les limites que vous connaissez relativement aux lésions, aux agressions sexuelles et aux meurtres.
    Dans votre témoignage, il ne m'a pas semblé que vous reconnaissiez qu'un policier n'agit pas de son propre chef, sauf dans des dispositions qui concernent des situations d'urgence et pour une période de 48 heures. Pour le reste, il y a un processus de hiérarchisation pour autoriser ces actes, notamment chez les responsables à la GRC et dans les ministères. Même ces mécanismes ne vous apparaissent pas réconciliables avec les impératifs de liberté de la personne que vos organismes respectifs poursuivent.
    Excusez-moi, j'en suis rendu à parler moi-même comme un avocat. Je ne me reconnais plus moi-même.
    Effectivement, c'est dangereux.
    Mais sans le tarif corporatif, cela va de soi!
    Oui, lorsqu'on parle de trafic de cigarettes, on parle d'une chose. Cependant, lorsqu'on parle de séquestration, de voies de fait, de prises d'otages, on parle aussi d'autres choses, et encore davantage si on parle de menaces, d'intimidation et peut-être de torture.
    En 1970, à l'époque des événements impliquant la GRC, il y avait des chaînes de commandement. Je disais que lors des événements qui ont entouré l'affaire Arar, il y avait aussi une chaîne de commandement. Cela existe toujours. Il y a toujours une structure qui, normalement, devrait servir de garde-fou et empêcher les abus ou les glissades. Cependant, il y a souvent des victimes innocentes, il y a souvent des abus, et c'est un risque auquel on assiste. Je ne dis pas qu'il y a eu des abus en vertu de la loi actuelle, mais cela constituera un risque évident pour nous au cours des prochaines années.
    Ce n'est pas moi qui défendrai inconditionnellement la GRC. Bien que je n'aie pas vécu cette situation — je pense être de quelques années votre cadet —, je me rappelle très bien la déclaration que René Lévesque avait faite à l'Assemblée nationale et qui avait fait avorter le procès au sujet des listes de membres saisies au Parti québécois et de l'incendie de la grange. Toutefois, nous sommes en présence d'un régime de justification.
    Dans les années 1970, on mettait en cause des méthodes d'enquête pour lesquelles il n'existait pas de régime de justification. Il en existe un maintenant. Le meilleur service qu'on pourrait rendre — en tout cas, c'est probablement dans ce sens qu'ira le Bloc québécois — serait de demander qu'il y ait un contrôle judiciaire. Je trouve que la réponse que vous avez donnée plus tôt, de même que celle des membres du Barreau canadien, est tout à fait convaincante et rigoureuse. On ne remet pas en cause le fait que...
    Je suis dans un comté où le crime organisé a sévi. Vous vous rappellerez qu'en 1995, le jeune Daniel Desrochers a été tué à la suite d'un attentat avec une voiture piégée...

  (1615)  

[Traduction]

    Monsieur Ménard, veuillez finir de poser votre question.

[Français]

    Monsieur le président, je ne veux pas être trop autobiographique, comme de raison.
    Relativement au contrôle judiciaire, nous vous comprenons. Quant à la création d'un comité parlementaire et du huis clos, vous devrez me convaincre, puisque cela m'apparaît un peu moins opérationnel.
    Excusez-moi, est-ce que je peux répondre d'abord?

[Traduction]

    Quand vous aurez répondu, je voudrais faire une observation concernant la chaîne de commandement, si vous permettez.

[Français]

    Je voudrais faire un commentaire très bref au sujet du huis clos. En fait, on a mentionné un comité parlementaire, mais on a peut-être employé le mauvais terme. Lors de l'enquête Arar, j'ai travaillé avec Warren Allmand pour déterminer la politique à adopter afin d'assurer une surveillance en matière de sécurité nationale. Nous avons suggéré la création d'un comité formé de parlementaires, ce qui est faisable, pour étudier certaines questions à huis clos. Cependant, il faut que le huis clos soit employé avec beaucoup de parcimonie.

[Traduction]

    Je voudrais répondre brièvement sur la question de la chaîne de commandement.
    L'existence de cette chaîne de commandement ne permet pas de régler toutes les questions importantes. Un organisme policier qui a investi certaines ressources dans une enquête est sans doute très mal placé pour prendre des décisions importantes sur l'atteinte ou non de l'équilibre approprié. La loi exige à présent que si une autorité policière veut prendre l'empreinte de la main d'une personne, ou encore installer un dispositif de repérage dans la voiture de quelqu'un, même si ces deux activités peuvent sembler relativement anodines, il faut dans les deux cas obtenir au préalable une autorisation judiciaire.
    L'indépendance des juges leur permet de prendre les bonnes décisions sur l'opportunité ou non de recourir à ces techniques, et dans quelles circonstances. Une autorisation judiciaire préalable est requise avant que la police ne puisse suivre une voiture à l'aide de dispositifs de surveillance électronique, on peut supposer que cette même autorisation devrait être exigée avant que la police n'ait la permission d'agresser quelqu'un parce que c'est nécessaire pour mener à bien une enquête.
    Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur DelBigio, je vais commencer par vous poser quelques questions, si vous permettez. Dans votre mémoire, au moment où l'on a proposé au départ l'adoption de ces mesures législatives, vous avez proposé le contrôle judiciaire comme deuxième ou troisième solution. J'ai entendu divers arguments qui militent en faveur d'une telle solution, et comme M. Ménard, c'est une possibilité qui me semble bien intéressante. Si je peux vous demander de vous faire l'avocat du diable pendant quelques instants, pourriez-vous me dire quels arguments militaient contre la possibilité que la magistrature assume ce rôle de contrôle?
    Comme je n'étais pas là à l'époque, je me demande si vous pouvez nous aider à mieux comprendre la situation sur ce plan.

[Français]

    Ma question s'adresse à vous également, monsieur Barrette, si vous voulez ajouter quelque chose.

[Traduction]

    Je ne sais pas si je me souviens de tous les arguments, mais il est certain que je ne me souviens d'aucun argument convaincant qui aurait milité contre cette solution-là.
    Et y a-t-il des raisons pratiques pour lesquelles...
    Je ne crois pas. C'est une méthode éprouvée et c'est d'ailleurs exigé tous les jours dans les provinces et territoires du Canada, surtout que cela ne compromet aucunement les activités policières. Par exemple, les télémandats constituent une bonne option lorsqu'il est difficile de comparaître devant un fonctionnaire judiciaire. Et je vous rappelle, encore une fois, qu'on a déjà recours à de telles dispositions dans le cadre de différents types d'enquêtes. C'est le genre de choses qui est prévu d'avance, longtemps à l'avance, car il s'agit typiquement -- c'est mon hypothèse -- d'enquêtes de grande envergure.
    Peut-il s'agir d'une urgence? L'urgence peut-elle jamais être suffisamment grave pour qu'il soit impossible d'obtenir une autorisation judiciaire au préalable? La loi prévoit un certain nombre de situations -- par exemple, ce qu'on appelle une poursuite immédiate, quand la police peut être obligée d'entrer chez quelqu'un sans avoir obtenu un mandat -- mais ces situations sont extrêmement limitées. Est-il possible que des circonstances limitées existent également dans ce contexte? Peut-être, mais je pense que de telles circonstances seront rares et qu'elles devraient être expliquées en détail, si l'on décide de prévoir une exception pour les urgences.

  (1620)  

    Monsieur Barrette.

[Français]

    D'abord, nous avons beaucoup de réticence, à la Ligue des droits et libertés, à l'idée d'obtenir un mandat judiciaire pour tout ce qui concerne les crimes contre la personne. Nous avons de grandes réticences à l'idée qu'un juge pourrait, de façon judiciaire, autoriser des voies de fait, des séquestrations, des prises d'otage, etc.
    Cependant, nous avons moins de difficulté à accepter l'idée d'un mandat judiciaire, par exemple — ce n'est qu'une hypothèse — pour pouvoir pincer quelqu'un qui voudrait comploter dans le but de faire la vente de nitrate d'ammonium. Je pourrais également vous citer tous les crimes contre les biens ou tous les autres crimes, que ce soit le jeu, la fraude, etc., qui ne sont pas des crimes contre la personne.
    Alors, comme nous le disons dans notre mémoire, nous demandons que les infractions contre la personne soient retirées. C'est un choix de société que nous vous demandons de faire. Est-ce que l'intégrité des personnes passe avant les outils qu'on donne aux policiers?
    En effet, les voies de fait pourraient peut-être s'avérer des outils utiles aux policiers, tout comme la torture. Cela paraît cynique, mais je le dis froidement: la torture pourrait, dans certains cas, être un outil. Mais j'en doute, parce que la torture nous mène toujours au mensonge des personnes qu'on veut arrêter. Ce n'est pas parce qu'il y a des outils qui peuvent faciliter les tâches qu'ils sont acceptables. Selon nous, tout ce qui touche l'intégrité de la personne est inacceptable. La vie privée, c'est une autre chose. Dans certains cas, comme l'écoute électronique, si elle est bien dirigée et si le policier doit faire un rapport par la suite, cela pourrait être acceptable, en effet.
    Comme le disait mon collègue, on donne tranquillement des paramètres aux policiers et à leurs agents pour agir. On leur donne en quelque sorte un corridor à l'intérieur duquel ils peuvent agir.

[Traduction]

    Donc, il n'y a pas de considération d'ordre pratique à prendre en compte, du point de vue du nombre de demandes qui pourraient être faites à la magistrature, dans le sens d'une surcharge de travail pour les juges, étant donné le petit nombre de cas dont il est question ici.
    Il y a beaucoup de juges dans beaucoup de provinces. Que je sache, ces derniers sont parfaitement capables de traiter les demandes de mandat de perquisition et d'écoute électronique à l'heure actuelle. Je suis convaincu qu'ils seraient à même de traiter des demandes de ce genre également.
    C'est tout pour moi, monsieur le président. Merci.
    Merci, monsieur Comartin.
    C'est à M. Brown, du Parti conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur DelBigio, de votre présence aujourd'hui.
    Je voudrais vous poser une question. S'agissant des méthodes que vous avez employées pour élaborer la position que vous avez énoncée aujourd'hui, qu'avez-vous fait concrètement pour pressentir vos membres à ce sujet? Vous dites que vous avez 36 000 membres, ce qui est certainement un nombre considérable. Qu'avez-vous donc fait pour pressentir les membres de l'Association du Barreau canadien, et plus particulièrement ceux et celles qui travaillent dans le domaine de la justice pénale?
    Je vais demander à Mme Thomson de vous répondre, puisqu'il s'agit d'une question de procédure.
    Oui.
    Premièrement, toutes les déclarations de l'ABC sont fondées sur les principes adoptés par notre conseil, qui est un peu comme le Parlement de l'ABC, si vous voulez. Des résolutions peuvent être déposées devant le conseil et faire l'objet d'un vote au sein de cet organe représentatif dont la composition correspond grosso modo à la proportion de membres dans chaque province; il se réunit deux fois par an. Les principes fondamentaux de la justice criminelle sur lesquels s'appuient toutes nos déclarations au sujet du Code criminel ont été adoptés par le conseil en question.
    Deuxièmement, quand il est question d'un projet de loi ou, comme ici, de l'examen d'une loi qui est déjà en vigueur, la question est examinée par notre Section de droit pénal, dont les membres ont été élus à leurs postes au sein de l'exécutif par les membres dans leur province et territoire, de même que par les présidents de chacune des sections dans leur province et territoire. Il existe un deuxième processus de représentation au sein de la section. La déclaration est ensuite examinée par un comité permanent de l'ABC et finalement approuvée par les membres de l'exécutif. Il y a un troisième et un quatrième niveaux d'examen qui passent par les membres élus.
    Le Parlement ne consulte pas tous les Canadiens chaque fois qu'il adopte un projet de loi. Il a recours à divers systèmes de représentation, tout comme l'ABC.

  (1625)  

    De même, quand il y a des discussions au Parlement suivant les élections, ou dans votre cas, après l'élection de vos membres au conseil de l'ABC, pourriez-vous me dire si cette étude de l'article 25 a fait l'objet d'une discussion dans le cadre des élections? Est-ce quelque chose que les personnes qui ont participé à cette étude auraient fait? Auraient-ils fait connaître leur position aux membres?
    Les principes sur lesquels s'appuie notre position sont publiés et connus de nos membres, mais l'examen de l'article 25.1 n'aurait pas été une question électorale puisqu'il n'était pas question de l'examiner à l'époque des dernières élections.
    Il importe aussi de préciser que la Section de droit pénal compte à la fois des avocats au criminel qui agissent comme avocats de la défense, ainsi que des procureurs. C'est à partir de là que notre position est élaborée et qu'elle est adoptée avec l'accord des membres.
    Cela m'amène à vous poser une deuxième question, s'il me reste assez de temps, monsieur le président.
    Vous avez dit qu'il n'existe pas de procédure de plainte, et par conséquent, vous n'êtes pas en mesure de nous dire si vos membres auraient porté plainte ou non au sujet de l'usage de cet article. Mais dans le contexte de vos discussions lors de conférences ou de congrès, avez-vous déjà reçu des plaintes, en tant que membre occupant un poste de responsabilité au sein de l'ABC? Par exemple, dans le cadre de colloques ou d'ateliers par le Service d'éducation permanente de l'ABC, auriez-vous entendu parler de préoccupations de la part de vos membres au sujet de cet article?
    Encore une fois, l'une des difficultés dans ce domaine est justement l'absence de données. Je peux vous dire que je suis au courant d'un certain nombre de cas en Colombie-Britannique -- sur lesquels les tribunaux n'ont pas encore statué, même s'ils seront bientôt appelés à le faire -- qui concernent justement l'usage de cet article par la police.
    Comme cette affaire est devant la justice, il ne conviendrait pas d'en dire davantage, mais ce sera peut-être la première fois que nous pourrons entendre tous les détails au sujet d'une situation dans laquelle on a recouru à ces dispositions, et je pense que ce sera probablement instructif pour ce qui est d'informer le public et les juristes sur la façon dont ces dispositions ont été interprétées et appliquées dans le cadre d'une enquête particulière.
    Mais jusqu'ici, il n'y a pas eu de plaintes?
    Pour ma part, je n'ai pas reçu de plaintes, mais je vous rappelle qu'en vous faisant part de ces préoccupations-là, je représente l'ABC.
    Oui, j'en suis conscient. Comme je suis moi-même membre de l'ABC, je serais curieux de savoir comment cette position a été définie.

  (1630)  

[Français]

    Monsieur Barrette, combien y a-t-il de membres dans votre organisation? Êtes-vous en mesure, comme l'Association du Barreau canadien, de consulter vos membres pour connaître leur opinion?
    Tout d'abord, monsieur Brown, je voudrais souligner ce qui nous distingue de l'Association du Barreau canadien. La Ligue des droits et libertés ne représente pas un groupe de la collectivité. La Ligue des droits et libertés est une organisation de réflexion et d'action formée de membres provenant de différents milieux. Contrairement à l'Association du Barreau canadien, qui est formée de professionnels juristes, la Ligue des droits et libertés est formée de juristes, de travailleurs sociaux, de non-juristes, de travailleurs, de chômeurs, etc.
    Historiquement, des avocats ont été membres de notre organisation, mais il n'y avait pas que des avocats. M. Jacques Hébert était un des membres fondateurs, comme M. Bernard Landry ou d'autres personnes. M. Landry n'est pas avocat, je crois, non plus que M. Hébert.
    Les positions de la Ligue des droits et libertés reflètent le résultat des discussions du conseil d'administration et de certains comités. Dans ce cas, il s'agit du Comité de surveillance des libertés civiles. Les positions sont adoptées par le comité et par le conseil d'administration. C'est aussi simple que cela. Les positions font suite à des discussions.
     Une chose est frappante. Tout comme l'Association du Barreau canadien, nous avons la même position qu'en décembre 2001, je crois, lorsque la loi a reçu la sanction royale. Nous avons même organisé une conférence de presse pour annoncer notre opposition publiquement et faire part des dangers que l'on percevait.

[Traduction]

    Merci, monsieur Brown.
    C'est maintenant à M. Bagnell, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci de votre présence. Je suis très heureux de pouvoir profiter de votre expérience et de vos opinions.
    Je vais commencer par vous dire là où vos propos ne m'ont pas convaincu, et dans quel domaine j'estime qu'il y a lieu d'étudier la question plus en profondeur.
    Je ne suis pas tellement convaincu par ce qui a été dit tout à l'heure, et par cette simple répétition des mêmes arguments déjà avancés. Comme l'a dit M. Thompson à une réunion précédente, s'il n'y a pas de problème, pourquoi décider de changer le régime actuel? D'après mon souvenir, nous n'avons pas vraiment reçu de témoignages jusqu'à présent indiquant qu'il existe des problèmes. Par contre, il a été question à une réunion précédente -- l'un d'entre vous en avez parlé -- de procéder à un autre réexamen après celui-ci, étant donné que nous n'avons pas encore tellement de données. Je suis assez favorable à l'idée de refaire l'exercice dans trois ans ou cinq ans, selon ce qui aura été décidé.
    Je crois qu'il existe le risque, au début et à la fin du processus, que l'on enfreigne les droits civils. Pour le moment, je ne suis pas convaincu qu'il faille faire cela au début de l'opération, comme je l'ai d'ailleurs dit à d'autres réunions, parce que le processus de noyautage par les criminels organisés est vraiment insidieux et je ne voudrais pas qu'ils aient d'autres possibilités de savoir ce qui se passe.
    Pour ce qui est de faire un rapport à la fin du processus, j'avoue que mon opposition est la même. De bons renseignements les aident à se préparer, mais nous ne savons pas combien de personnes sont désignées. La plupart des activités ne peuvent être consignées dans le rapport, si bien que nous ne savons pas grand-chose sur ce qui se fait.
    Monsieur Barrette, j'ai trouvé intéressante votre idée d'un comité parlementaire qui se réunit à huis clos. L'autre idée qui m'a plu était celle d'un rapport consolidé, étant donné que nous sommes obligés de nous adresser à tous les organismes au Canada -- je crois que nous avons rencontré cette même difficulté lors d'une réunion antérieure -- à tous les paliers de gouvernement, ainsi qu'à toutes les forces policières, pour obtenir leurs rapports. Cela représente pas mal de travail.
    Par conséquent, s'il nous était possible de progresser un peu plus en convoquant une réunion de parlementaires à huis clos pour examiner toute l'information qui n'est pas actuellement consignée dans les rapports -- c'est-à-dire le nombre d'agents désignés, les renseignements détaillés sur chaque activité -- pour voir comment tout cela fonctionne à l'heure actuelle, à votre avis, s'agirait-il d'un petit progrès?

[Français]

    Oui, sauf que les réunions à huis clos devraient être restreintes aux questions reliées à la protection des informateurs et à la poursuite des enquêtes à la suite d'un examen de la situation par des députés et experts. Autrement dit, elles devraient être l'exception, et non la règle. Le fait qu'un petit comité de politiciens surveille continuellement l'application de la loi pourrait en effet être profitable.
    Les politiciens ont peut-être des réserves à l'égard de la tenue de réunions à huis clos, et je le comprends, étant donné que j'en ai aussi. Par contre, on doit s'attendre à ce qu'il y ait, dans ces circonstances, non pas un contrôle mais plutôt une certaine responsabilité politique. C'est la façon dont je vois les choses.
    Évidemment, je parle de contrôle dans le sens de la surveillance, et non de la prise de décisions. Il va sans dire que les politiciens ne détermineront pas les motifs d'enquête. Ce n'est pas leur rôle. En revanche, ils assumeront une certaine surveillance.

  (1635)  

[Traduction]

    Vous avez mentionné dans vos remarques liminaires que cela pourrait accroître le recours à la torture. Comme la torture est un des rares actes qu'ils sont tenus de déclarer -- c'est-à-dire les lésions corporelles -- je peux difficilement imaginer qu'une force policière décide d'y avoir recours, puisqu'elle serait obligée d'en parler dans son rapport. Comment ces dispositions législatives pourraient-elles donc accroître le recours à la torture?

[Français]

    D'abord, je vous invite à lire la définition du mot « torture ». C'est à l'article 269.1. On retrouve exactement la même dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Pour vous la résumer, je vous dirai qu'il s'agit d'une douleur ou d'une souffrance aiguë qu'on impose à un individu afin de l'intimider en vue d'obtenir une déclaration ou autre chose.
    Une autre caractéristique de la torture est qu'elle est commise par un agent de l'État. Lorsqu'on lit bien l'article de la Déclaration canadienne des droits qui porte sur la torture, on constate qu'on n'y mentionne nulle part les voies de fait ou les lésions. Je suis également d'avis que les lésions ne sont pas nécessaires lorsqu'une personne veut faire subir des souffrances aiguës à un individu. C'est ce qui constitue en partie la différence entre les définitions canadienne et américaine du mot « torture ». Je crois que dans la définition américaine, il est question de lésions et de séquelles. C'est l'orientation qu'on lui a donnée.
    Ce que vous dites est intéressant. À moins d'étudier véritablement ce qu'est la torture ou d'opter pour la définition qu'on en donne au niveau international plutôt que pour la définition américaine, la confusion survient rapidement. Ça peut facilement être le cas chez un officier de police ou un agent de l'État, qui n'est même pas policier, à qui on confie cette tâche. La nuance peut ne pas être claire, à mon avis.
    Un individu pourrait alors commettre des actes de torture en pensant être protégé. Or, il est possible, voire fort probable, qu'il le soit. Ce serait là un argument de choix à présenter à un juge.

[Traduction]

    Merci, monsieur Barrette.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi remercier nos témoins pour leurs exposés.
    Je voudrais revenir sur ce qu'a dit mon collègue, M. Brown. J'ai déjà eu l'occasion de discuter de cette question avec Mme Thomson dans d'autres comités.
    Monsieur Barrette, vous avez établi une distinction entre l'ABC et votre groupe. Votre groupe est davantage un groupe d'action. Vous défendez une certaine optique, et c'est tout à fait compréhensible. Mais je sais que je me suis déjà posé des questions à ce sujet par le passé, car pour moi, l'ABC est un organisme qui représente une profession libérale dont je suis membre.
    J'ai siégé à différents comités de la justice où l'ABC a fait des déclarations qui constituent davantage, en ce qui me concerne, des jugements de valeur. Par exemple, j'ai siégé au comité chargé d'étudier les lois de protection de l'enfance, à celui chargé d'étudier la définition du mariage, et maintenant, à celui-ci, et je constate que l'ABC adopte des positions qui correspondent, dans certains cas, à des opinions personnelles, des jugements de valeur, etc. Par exemple, l'ABC fait des déclarations de ce genre :
La notion selon laquelle cette exemption permet aux agents de police de mieux enquêter sur les actes criminels ne justifie aucunement une entorse aussi fondamentale au principe de la primauté du droit.
    Voilà ce que l'ABC a affirmé. Or je suis membre de l'ABC, et je ne suis pas d'accord.
    Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais je voudrais tout de même connaître votre énoncé de mission. Vous représentez l'association professionnelle dont je suis membre. Nous avons des assurances collectives, et ce genre de choses. Nous défendons les intérêts de la profession d'avocat en nous prononçant sur des décisions qui peuvent influer directement sur les avocats. Mais dans certains cas, vos affirmations semblent correspondre davantage à des jugements de valeur. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

  (1640)  

    La mission de l'ABC compte de multiples volets. Il y a le volet service aux membres qui permet d'obtenir des excellents tarifs auxquels vous faites allusion grâce à l'AABC. Il y a aussi le volet défense de l'intérêt public qui est bien établi dans l'énoncé de mission adopté par le Parlement.
    Notre mission comprend aussi d'autres éléments, comme l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, la défense de l'égalité dans notre système judiciaire, et la promotion du principe de la primauté du droit. Tous ces principes généraux sur lesquels reposent bon nombre des déclarations faites par l'ABC devant divers comités parlementaire, vont de pair avec le volet défense de l'intérêt public du mandat de l'Association.
    Si je peux faire une petite mise en garde, il me semble que dans la mesure où les positions adoptées par l'Association sont diamétralement opposées à celles de bon nombre de vos membres qui ont leur carte et paient leurs cotisations, vous avez un problème. Si je voulais adhérer à un groupe de revendication, c'est ce que je ferai. Je deviendrai membre d'un groupe qui défend un point de vue ou un autre. Pour moi, une association professionnelle est différente. Voilà. C'est tout ce que je vais dire à ce sujet-là.
    Je voudrais maintenant adresser une question à nos témoins, notamment sur le recours à des agents, plutôt que des policiers : qu'arrive-t-il dans une petite localité où la force locale ne compte que 10 policiers que tout le monde connaît? Si nous conservons ces dispositions, comment pourraient-ils faire ce genre de travail si tous les habitants de la ville connaissent les policiers? Ils pourraient être appelés à mener certaines opérations qui feraient intervenir cet article.
    Les agents de police font leur travail avec une grande compétence, y compris dans le cadre d'opérations d'infiltration. Parfois ils se heurtent à des obstacles qu'ils doivent analyser avec soin. La question qu'il faut vraiment se poser dans ce contexte est la suivante : s'ils se heurtent à des obstacles qu'ils doivent analyser avec soin, cela veut-il dire que l'alternative est forcément justifiée?
    Vous citez l'exemple d'une petite localité. Dans ce scénario, cela veut-il dit que l'alternative est justifiée, c'est-à-dire que la police aurait raison de recourir aux services d'un voyou, d'un voleur, d'un toxicomane ou d'un trafiquant de drogues vivant dans cette petite localité pour agresser une autre personne au nom de la police, étant donné que la police ne peut faire cela elle-même, parce que selon les autorités policières, l'enquête justifie une telle mesure? Pour vous le dire carrément, ceci ne peut être jugé normal.

[Français]

    J'ajouterais que contrairement aux policiers, les trafiquants et vendeurs de stupéfiants de même que les proxénètes, dont parlait mon voisin de table, ne sont pas soumis à un code de déontologie. Il s'agit là d'une nuance assez importante. D'ailleurs, il arrive de plus en plus souvent qu'en vertu de la loi, on confie des responsabilités policières à des agences ou agents qui ne sont pas soumis au même code de déontologie. Il s'agit alors pratiquement de sous-traitance. On peut même confier de telles responsabilités à un fonctionnaire fédéral, par exemple, qui n'est pas soumis à un code de déontologie. Bien sûr, il n'est pas proxénète, mais il n'a ni l'expérience ni le même code de déontologie qu'un policier. Nous croyons qu'il s'agit là d'un autre problème auquel on devra faire face bientôt.
    Enfin, pour ce qui est des petites villes, je crois que la police provinciale dispose d'équipes d'agents d'infiltration qui, en règle générale, se rendent partout. Lorsqu'on veut infiltrer un groupe, on peut le faire de façon efficace.

[Traduction]

    Le Parlement, dans sa grande sagesse, a jugé bon d'adopter ces dispositions. Je sais que c'est aux autorités policières que revient la tâche de protéger la société. Le système actuel n'est pas parfait, évidemment, mais nous leur avons confié la tâche de nous protéger, et c'est ça qu'elles vont faire. Différents scénarios sont envisagés -- par exemple, une poursuite immédiate, où il faut réagir immédiatement, si bien qu'on n'a pas le temps d'aller voir un juge pour obtenir une autorisation. Mais au départ, on vous a confié le mandat de faire ce que vous avez à faire. Je me demande, si tout se faisait de cette façon transparente, comment il serait possible de protéger la société et de permettre aux autorités policières de faire ce qu'elles ont à faire.
    Nous souhaitons que ce genre de choses se sachent. Quelqu'un a dit que nous ne voulons pas créer une culture du silence. Mais ce que je crains, si nous supprimons ces dispositions du Code criminel, c'est qu'au lieu de prévenir une culture du silence, comme elles le font actuellement, selon moi, nous allons promouvoir cette culture puisque certains actes seront commis, qui seront peut-être contraires à la loi. Quand les policiers commettent certains actes en vertu de ces dispositions, ils ne sont pas vraiment en train d'enfreindre la loi; ils agissent conformément aux dispositions législatives. Si ces dispositions n'existaient pas, et s'ils commettaient de tels actes, là ils seraient effectivement en train d'enfreindre la loi. Voilà qui donnerait lieu à mon avis à la création d'une culture du silence.
    J'aimerais connaître votre réaction.

  (1645)  

    Je voudrais revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet du principe de la primauté du droit. Il y a deux éléments qui priment -- premièrement, le fait qu'une loi existe, et deuxièmement, la teneur de cette loi. Vous devez vous demander: est-ce justifié d'appliquer cette loi aux agents? Est-ce justifié d'autoriser des agressions ou peut-être même des actes d'extorsion dans une loi?
    La transparence est également liée à la doctrine du mandat public. Ce mandat public passe par une autorisation judiciaire préalable. Si ces dispositions demeurent en vigueur, ce mandat public reposera sur des mécanismes de responsabilisation transparents et exhaustifs, c'est-à-dire le genre de mécanismes qui n'existent pas actuellement.

[Français]

    En guise de réponse, je ferai allusion à l'interception des communications. Il en est question aux articles 181 et suivants du Code criminel. Il est étonnant de voir que toute une partie du Code criminel porte exclusivement sur l'interception des communications privées. C'est dire l'importance qu'on y accorde.
    Au tout début de la partie, on précise que le fait d'écouter illégalement des communications constitue un crime, une atteinte à la vie privée. On établit par la suite un équilibre en créant des conditions qui permettent, dans certains cas, de faire de l'écoute électronique. On parle ici d'un mandat assorti de limites et de la nécessité de rendre des comptes au juge.
    Le fait que, en vertu du Code criminel, le juge doive émettre un mandat de perquisition est l'exemple d'une règle précise qui, en fin de compte, rassure les policiers. Ceux-ci sont rassurés à l'idée de demeurer dans le cadre de ces règles lorsqu'ils prennent des initiatives. Autrement, il pourrait advenir que notre société déprécie la loi. Les abus seraient alors tout à fait possibles.

[Traduction]

    Merci, monsieur Moore; merci, monsieur Barrette.
    Je voudrais ajouter, en tant qu'ancien agent de police et enquêteur sur les crimes graves, que j'ai eu l'occasion à maintes reprises de recourir à toutes les méthodes dont il a été question ici, qu'il s'agisse d'écoute électronique, de demandes de mandats, de diverses formes d'interception, ou de ce que permet maintenant ces dispositions législatives. À l'époque, il n'existait pas de loi permettant commission de tels actes, mais nous avions souvent recours à des agents, qui étaient d'ailleurs toujours rigoureusement contrôlés par la police.
    Je ne me rappelle pas, par rapport à ces dispositions législatives, qui permettraient aux agents de police de faire exactement la même chose qu'ils faisaient auparavant, quels étaient les problèmes en matière de contrôle... C'est-à-dire que les mesures de contrôle ont toujours posé certains problèmes, et cela ne changera pas, qu'on ait des dispositions législatives en bonne et due forme ou non, notamment quand il s'agit d'avoir recours à des agents. Mais l'abrogation de ces articles du Code, de telle sorte que la police ne puisse plus du tout avoir recours à ces outils d'enquête, causerait un préjudice certain à la société, parce qu'il y a tellement d'enquêtes qui requièrent une boîte à outils complète qui comprend les méthodes dont il est question ici.
    Être obligé de s'adresser à un juge, comme vous le proposez, chaque fois qu'il faut prendre une décision dans le cadre d'une enquête compromettrait certainement l'enquête en question. Je dirais même que dans le contexte de cette dernière opération qui est maintenant publique, qui a donné lieu à l'arrestation de plusieurs présumés terroristes au Canada, de telles règles ont été suivies et la loi a été appliquée correctement.
    Mais là, si vous voulez parler de la protection de la preuve et des citoyens... Et je pourrais vous nommer d'autres situations impliquant des criminels organisés où la vie même d'un informateur est gravement menacée, à un point tel que la communication de n'importe quelle information de ce genre serait extrêmement grave, que ce soit sur le moment, ou bien des années après, quand l'affaire est déjà close.
    Par conséquent, je comprends mal comment l'abrogation de ces articles, comme vous l'avez proposé dès le départ, puisse être bénéfique à notre société.

  (1650)  

    Ma réponse aura deux volets.
    Premièrement, c'est bien connu -- et l'expérience du public le confirme -- que lorsqu'on demande parfois aux tribunaux de se prononcer sur la manière dont un mandat de perquisition ou une autorisation d'écoute électronique ont été obtenus -- le cas le plus courant est celui du mandat de perquisition -- les tribunaux déclarent que puisque le mandat ou l'autorisation n'a pas été obtenu selon les règles, il n'est pas valable. C'est la preuve que même lorsqu'une autorisation judiciaire préalable est exigée, il peut y avoir des problèmes, puisque dans certains cas, les agents de police qui présentent la demande comprennent mal la loi. Il est important de prévoir une autorisation judiciaire préalable parce que cela permettra d'empêcher que cela se fasse dès le départ. À l'heure actuelle, il n'est pas possible d'empêcher cela. C'est au fonctionnaire public qu'il appartient de déterminer s'il est opportun ou non d'aller de l'avant.
    Deuxièmement, je voudrais réagir à vos propos concernant les outils que doivent posséder les agents de police pour être à même de faire leur travail.
    Il est vrai que la police a besoin de certains outils pour travailler efficacement, mais sans vouloir vous contredire, j'estime qu'il est parfaitement faux de prétendre que tous les outils possibles et imaginables dont il pourrait être question conviendraient à la société canadienne -- en d'autres termes, seraient conformes à nos lois, à notre moralité, et à nos normes constitutionnelles.
    Je vous pose cette question pour la forme. Ces dispositions permettent aux agents de police de commettre une agression dans le cadre d'une enquête. Souhaitons-nous vraiment que nos forces policières ou les agents de ces dernières commettent l'agression, parce qu'ils pensent que cela va leur permettre de faire avancer leur enquête?
    Et pensez à cette question d'enquête. Certains cas concernent une enquête dans le sens d'une opération de collecte de renseignements, et ceci ne passe jamais devant les tribunaux. Ces dispositions autoriseraient justement la commission d'une agression dans le cadre d'une opération de collecte de renseignements.
    Je suis d'avis qu'il n'est pas approprié que tous les outils se retrouvent dans la boîte à outils de nos forces policières.
    Je vous rappelle que lorsqu'un policier fait quelque chose dans l'exercice de ses fonctions, alors qu'il remplit son engagement vis-à-vis de la population qu'il dessert, ce genre de choses peut se produire -- je crois que M. Lee en a même parlé -- lorsqu'il faut procéder à une arrestation, ou dans la période précédant l'arrestation.
    Quoi qu'il en soit, c'est maintenant à Mme Barnes.

  (1655)  

    Merci beaucoup.
    Il y a de toute évidence une divergence d'opinions autour de cette table. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite à vous tous la bienvenue au comité. Pour moi, vos opinions bien considérées sont extrêmement précieuses pour nous tous dans cette salle et j'espère que nos attachés de recherche sont en train de faire la liste de toutes vos recommandations, de sorte que quand nous serons prêts à rédiger notre rapport, nous aurons accès à toute cette information dans un format qui facilitera la compréhension. Étant donné qu'il sont très compétents, je suis sûre qu'ils ont déjà commencé à le faire.
    Il est vrai que ce comité peut décider d'entreprendre une étude sur n'importe quoi, quand il le désire, sans que la loi ne prévoie une étude parlementaire, mais le fait est que le Comité de la justice est saisi de nombreux projets de loi émanant du gouvernement, ainsi que de projets de loi d'initiatives parlementaires, et par conséquent, il arrive très rapidement d'avoir une lourde charge de travail. Voilà pourquoi l'idée d'un examen permanent de ces dispositions m'enchante tant. J'estime personnellement que nous ne possédons pas suffisamment d'information en ce moment pour bien évaluer la situation. Nous pourrions faire une recommandation, mais le fait est que le gouvernement serait obligé de modifier la loi afin de prévoir que ces articles soient réexaminés tous les trois ans, mettons, en permanence.
    Dans un premier temps, je voudrais donc savoir de la part de nos témoins s'ils sont d'accord sur l'idée d'une étude parlementaire tous les trois ans. Et pendant que vous réfléchissez à votre réponse, étant donné que vous n'avez pas pu couvrir tous les points dans votre document de cinq pages, si vous souhaitez ajouter quelque chose maintenant, je veux bien vous donner l'occasion de le faire pendant que j'ai la parole.

[Français]

     Si la loi était reconduite, un examen périodique serait nécessaire dans le plus court délai possible. Je suis parfaitement d'accord avec vous, madame. En effet, l'exercice auquel on procède aujourd'hui ne constitue pas un débat de société. En fait, la plupart des citoyens ne connaissent pas l'existence de cette justification légale. À notre avis, on n'a pas tenu de véritable débat public de fond, sauf au sein de certaines organisations et chez certains juristes. Ce débat a été très limité parce qu'on ignore la situation.
    En ce sens, il devrait effectivement y avoir un débat périodique, si la loi est reconduite, ainsi qu'une étude continuelle de la loi. J'irais même plus loin en proposant qu'on tienne des consultations publiques, comme il y en a eu à propos des cartes d'identité, par exemple. J'ai participé à des consultations publiques sur cette question. À l'époque du projet de M. Coderre, lorsqu'il était ministre, on jugeait la question importante. À notre avis, le fait de permettre de commettre des infractions dans le cadre d'une enquête constitue une question importante qui a trait à la primauté du droit. J'irais jusque-là.
    Je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il faut faire une révision constante de cette loi plus en profondeur que celle que les outils qu'on possède aujourd'hui nous permettent de faire.

[Traduction]

    Avez-vous besoin de temps, monsieur Lee?
    Pour la gouverne des membres du comité, M. Lee va bientôt assumer la présidence et nous allons lever la séance.
    Il est maintenant 17 heures. Ma question est donc celle-ci : nos témoins sont là depuis une heure et demie, souhaitez-vous continuer à leur poser des questions?
    Oui, pendant encore quelques minutes?
    M. Ménard a une question, M. Petit aussi, et M. Thompson sera le prochain intervenant, mais d'abord, il vous reste encore du temps, madame Barnes.
    Désolé de vous avoir interrompue.
    Je vous en prie.
    Je trouve intéressant que les autorités policières aient établi leur propre protocole interne, étant donné l'absence d'un instrument de ce genre. Aucun d'entre vous n'a vraiment parlé de ces protocoles internes. Vous avez évoqué la possibilité de contrôle judiciaire, mais avez-vous quelque chose à dire au sujet des témoignages que nous avons reçus précédemment, au sujet des protocoles qui sont actuellement en vigueur? Si vous n'avez pas eu l'occasion de lire le compte rendu d'autres réunions du comité, il n'y a pas de problème. Je voudrais simplement le savoir.
    Je ne suis pas suffisamment au courant pour vous faire une réponse détaillée à ce sujet, mais je me permets de répéter que les protocoles sont évidemment importants dans le contexte du régime actuel. Nous espérons, bien entendu , que les agents de police examineront soigneusement chaque situation avant d'avoir recours à ces dispositions, et c'est d'ailleurs ce que nous attendons d'eux, mais il reste qu'un protocole judicieusement préparé ne peut remplacer l'obligation d'obtenir une autorisation judiciaire au préalable.

  (1700)  

[Français]

    Monsieur Barrette, s'il vous plaît.
    Je ne connais pas non plus les détails du protocole des policiers. J'imagine qu'il y en a, en effet. Je mets en garde tous les membres du comité quant à la question des protocoles. Ces derniers sont effectivement nécessaires.
    J'ai représenté un intervenant dans l'enquête Arar. Toute la question des protocoles a été très importante lors de cette enquête. En effet, à l'époque, il existait des protocoles sur le partage d'information avec les pays étrangers dont, bien sûr, les États-Unis. Je dois vous dire que sous la pression politique de l'après-septembre 2001 et dans le cadre des équipes intégrées et des forces opérationnelles auxquelles prennent part plusieurs forces policières, y compris le FBI et possiblement les forces d'autres pays, les protocoles sont facilement mis de côté.
    Il faut tenir compte d'un autre élément relatif aux protocoles, soit la connaissance qu'ont les policiers des droits de la personne. On peut avoir un protocole rempli de beaux et grands principes qui touchent les droits de la personne. Néanmoins, même si le policier a une connaissance des droits de la personne, étant donné qu'il peut arriver que sa connaissance soit peu éclairée, la présence d'un intervenant extérieur à l'action policière est souvent bénéfique. Autrement dit, la présence d'un juge qui sera témoin de l'action, comme dans les cas de mandats de perquisition et d'écoute électronique, guidera plus aisément l'action policière en vertu des droits et libertés ou dans le respect de la loi et des droits fondamentaux.
    Les protocoles peuvent bien parler de droits fondamentaux, mais il se peut que les policiers ne saisissent pas la définition du mot « torture », par exemple. On aura beau leur dire que cela est interdit en vertu de l'article 269.1 du Code criminel et qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait des lésions et que des voies de fait soient commises pour qu'il y ait torture, dans les faits concrets, je ne suis pas certain qu'il n'y aura pas de torture.

[Traduction]

    Merci, monsieur Barrette, et madame Barnes.
    Monsieur Thompson, vous avez cinq minutes.
    Merci. Nous avons passé un après-midi intéressant ensemble.
    M. Ménard disait tout à l'heure qu'il commence à parler un peu comme un avocat et que c'est peut-être difficile à comprendre. Eh bien, je ne suis pas avocat, et je pense que vous avez peut-être du mal à comprendre le jargon des avocats.
    J'écoutais il y a quelques minutes la conversation entre vous et le président, M. Hanger, qui est agent de police, et c'est ce qui m'a frappé plus que toute autre chose. Nous avons quelqu'un ici dont c'est le métier, et nous avons aussi d'autres personnes, dont c'est le métier. Nous avons reçu des témoins dont le métier consiste à protéger les citoyens en travaillant au sein d'une force policière. Ils semblent être assez satisfaits des dispositions législatives telles qu'elles sont actuellement libellées; de fait, ils demandent non pas que l'on élargisse la champ d'application de ces mesures, mais plutôt qu'elles restent en place pour qu'ils puissent mieux faire leur travail.
    M. Hanger disait qu'un agent de police a besoin d'avoir plein d'outils dans sa boîte à outils. Vous nous dites que bon nombre de ces outils ne devraient pas s'y trouver. En échange des commentaires de ce genre, et je me rappelle une remarque faite tout à l'heure par M. Lee, si je ne m'abuse, qui disait qu'il ne convient pas de tout codifier jusqu'au moindre détail, dans le genre : vous ne pouvez pas faire ci mais vous pouvez faire ça, vous ne pouvez pas aller ici et vous ne pouvez pas non plus aller là-bas. Cela n'en finira plus, vous ne trouvez pas?
    Je crois pouvoir représenter le citoyen moyen aussi bien que n'importe qui d'autre. J'ai été agriculteur, enseignant, et directeur d'école. J'ai fait toutes sortes de choses dans la vie, et je peux vous dire que 95 p. 100 des citoyens veulent que la police puisse faire son travail, c'est-à-dire protéger la société. Ils ne veulent pas qu'il y ait d'obstacles. Je crois que la majorité d'entre eux seraient d'accord avec moi pour dire que nous faisons confiance à nos policiers et nous nous attendons à ce qu'ils fassent preuve de bon sens, et qu'ils prennent les mesures qui s'imposent pour protéger nos droits quand il faut les protéger, parce qu'en fin de compte, ils ne veulent que mieux protéger notre société.
    J'en ai assez de voir des fillettes de 11 ans qui se font agresser sur leur planche à roulettes quand elles sont en route pour le cinéma ou le magasin de vidéos, et qui se font violer, et ensuite, on se rend compte qu'une subtilité juridique présente un obstacle -- mais peut-être pas dans ce cas particulier. Je vous dis simplement que nous en avons assez, mettons lorsqu'on arrête un présumé terroriste, d'entendre des gens à la télévision qui disent que c'était peut-être un cas de piégeage. On croit rêver.
    La police a fait un excellent travail. Le travail de nos autorités policières a permis d'ouvrir les yeux aux Canadiens. Moi, je les félicite. Moi qui suit un type moyen, je leur dis : « Bravo ». Mais il y en a d'autres qui vont dire: attendez, les policiers auraient-ils fait quelque chose qu'ils n'avaient pas le droit de faire? Aurait-il mal agi? Eh bien, je m'en fiche complètement, et il en va de même pour la majorité des Canadiens. Le fait est qu'ils s'en fichent. Ils veulent que la police fasse son travail. Et dans les organisations policières, au-dessus des policiers professionnels, il y a les responsables de niveau supérieur qui vont se charger de ceux qui vont trop loin. Ils connaissent bien la différence entre le bon sens, les bonnes pratiques policières, et les abus. Ils connaissent la différence. Ils vont s'en charger eux-mêmes.
    Pourquoi faut-il absolument préciser dans le Code criminel que telle chose est correcte mais que telle autre chose n'est pas correcte, et vous avez intérêt à nous écouter parce que nous savons mieux que vous ce qu'il faut faire? Eh bien, je ne pense pas savoir mieux que la police ce qu'il faut faire.
    Je vous invite à réagir.

  (1705)  

    Monsieur le président, j'ai une question. S'agit-il de la position du gouvernement de M. Thompson ou parle-t-il en son nom personnel?
    M. Thompson a posé une question aux témoins.
    Je parle toujours en mon nom personnel. Il n'y a jamais eu lieu de douter de cela.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Oui, monsieur Moore, pour un rappel au Règlement.
    Madame Barnes, quand est-ce qu'un membre a déjà posé une question de ce genre?
    Chaque membre siège au comité à titre individuel. Chaque fois qu'un membre dit quelque chose, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de lui demander : « Est-ce la position du Parti libéral? Est-ce la position du Bloc? Est-ce la position du Parti conservateur? » Ce n'est pas utile.
    Revenons à nos moutons.
    M. Thompson a posé une question aux témoins.
    Je veux bien répondre à la question de M. Thompson.
    Je ne crois pas avoir lu dans les journaux ou entendu dire dans d'autres contextes que les citoyens canadiens veulent que la police puisse faire de l'écoute électronique, dès lors qu'elle la juge appropriée, ou entrer par effraction chez les gens, si cela leur semble approprié, ou procéder à la détention arbitraire d'une personne dans la rue, la fouiller, lui vider les poches, ouvrir le coffre de sa voiture, ou encore l'obliger à aller au poste de police pour être interrogée, simplement parce que cela pourrait aider les autorités policières.
    À mon avis, les citoyens canadiens reconnaissent que le maintien de l'ordre suppose néanmoins certaines contraintes -- notamment les contraintes imposées par nos lois et par la Charte des droits et libertés. Donc, même si nos forces policières veulent maintenir l'ordre, elles veulent également défendre et faire respecter les droits que nous reconnaissons tous et que nous chérissons au Canada.
    Je suis tout à fait d'accord, et je ne dis pas le contraire, mais il reste qu'il peut y avoir des imprévus dans le cadre d'une enquête. Vous pouvez ne pas savoir ce à quoi vous allez être confronté dans la seconde qui suit; peut-être êtes-vous obligé d'ouvrir le coffre de cette voiture. Il est possible que vous n'ayez pas le choix.
    Laissons-leur le choix. Je leur fais confiance et je suis convaincu que les policiers ont suffisamment de bon sens pour savoir quand il faut le faire et quand il ne faut pas le faire. Je suis vraiment très réticent à modifier des dispositions législatives qui leur conviennent et qui, semble-t-il, n'ont guère causé de difficultés. Il est vrai, comme nous l'a fait remarquer M. Lee, que nous n'avons pas encore tous les rapports à ce sujet mais, pour ma part, je n'ai pas entendu parler de gros problèmes dans ce domaine, et par conséquent...
    Si j'ai bien compris, vous aimeriez que cet article disparaisse.
    C'est exact.
    Je suis complètement en désaccord avec vous, et je pense que les responsables de nos organisations policières sont en désaccord avec vous également. Je me dis que... à chacun son opinion, je suppose.
    Parfois un agent de police peut avoir à agir sur le moment, mais ce n'est pas toujours le cas. Je vous exhorte donc à envisager d'accepter, notamment quand la police agit par anticipation, avec préméditation, que ses membres soient obligés d'obtenir une autorisation judiciaire au préalable.
    Quand ils doivent agir sur le moment...
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Ménard, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je dois d'abord dire que je ne fais confiance à personne de façon inconditionnelle: ni les élus, ni la police, ni la magistrature, ni les avocats, bien que ce ne soit pas une tare d'avoir une culture juridique. J'ai moi-même étudié en droit et je sais que ce n'est pas une tare. Il faut cependant avoir la préoccupation que les enquêtes policières soient efficaces, particulièrement lorsqu'elles concernent le crime organisé. Par contre, il y a également des libertés qui doivent être chéries, et rien ne peut justifier que certains excès soient commis.
    Je vous pose deux questions. Certains témoins nous ont dit que si ces dispositions devaient exister, bien que vous soyez en faveur de leur abrogation, elles devraient s'appliquer seulement à des enquêtes liées au crime organisé. C'est surtout la GRC qui a comparu devant ce comité concernant les organismes responsables de l'application de la loi. Elle nous a informés que cela avait servi à trois types de situations: des enquêtes liées au crime organisé, des enquêtes liées aux stupéfiants et aux drogues et des enquêtes liées à l'immigration.
    Partagez-vous ce point de vue selon lequel cela ne devrait servir que dans le cas des enquêtes liées au crime organisé? C'est ma première question.
    Je vous pose tout de suite la deuxième. Quelle est, selon vous, la liste des grands types d'infractions génériques qui seraient autorisées en vertu des dispositions existantes, à la lumière de ce que prévoit le paragraphe 25.1(11)? Depuis tout à l'heure, on parle de l'autorisation de voies de fait, mais à l'alinéa 25.1(11)a), on dit ce qui suit :
a) de causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles [...]
    Or, les lésions corporelles et les voies de fait sont deux choses distinctes. Ce sont mes deux questions.

  (1710)  

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Cela ne me concerne pas personnellement, mais je ne crois pas me tromper en disant que, d'après le Règlement, chacun doit avoir la possibilité de parler une fois avant qu'un autre membre n'ait un deuxième tour. Est-ce que je me trompe?
    Non, vous avez raison. Même si ce n'est pas écrit quelque part, c'est certainement l'intention du président.
    M. Petit est sur la liste depuis un bon moment et n'a pas encore eu l'occasion de poser des questions, alors que M. Ménard en est à son deuxième tour. Faites ce que vous voulez, mais je voulais simplement vous rappeler cela.

[Français]

    J'interviens sur le même rappel au Règlement. Il va falloir qu'on règle la question. Sans vouloir priver M. Petit de sa question, je souligne que le Bloc québécois a droit à deux questions. On ne peut pas être relégué au rang du NPD. Peu importe qui les pose, on a droit à deux questions. J'aurais été heureux d'écouter M. Petit, qui est une véritable source d'inspiration pour moi en toutes circonstances, mais je ne voudrais pas non plus qu'on néglige les règles du jeu.

[Traduction]

    Chacun aura l'occasion de parler.
    Monsieur Petit, si vous voulez bien faire votre intervention, nous serions ravis de vous entendre.
    Voulez-vous finir, ou est-ce qu'on peut passer à M. Petit?

[Français]

    Monsieur Petit, est-ce que ça va? Merci, monsieur Petit.
    Alors, veuillez répondre à mes deux questions, s'il vous plaît.
    Quant aux infractions permises, je commencerai par vous dire que toutes les infractions qui touchent l'intégrité de la personne, soit toutes les infractions contre la personne, ne devraient pas être autorisées.
    Ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais c'est ainsi en vertu de la loi. Depuis tout à l'heure, vous parlez de voies de fait.
    Oui. Les voies de fait ne sont pas exclues dans l'alinéa que vous avez lu, parce qu'on parle de voies de fait avec lésions, ce pourquoi le policier ne peut pas avoir d'autorisation. Toutefois, Il peut obtenir une autorisation pour commettre des voies de fait. Les voies de fait simples peuvent être autorisées. Par contre, des voies de fait avec lésions qui entraînent des blessures qui ne sont pas passagères, qui nuisent à la santé, ne peuvent pas être autorisées.
    Le terme « voies de fait » signifie pousser quelqu'un, par exemple. On utilise ce terme lorsqu'il n'y a pas de blessure.
    On utilise ce terme s'il n'y a pas de blessure de nature passagère qui nuit à la santé. On parle ici de voies de fait avec lésions. Des voies de fait avec lésions sont plus qu'une blessure, il s'agit d'une blessure qui nuit à la santé et qui n'est pas de nature passagère. Par exemple, ce peut-être une cicatrice, une grosse ecchymose. Il peut s'agir de pousser quelqu'un, en effet, le faire tomber, mais sans le blesser. Si la personne n'est pas blessée, il n'y a pas de lésions. Souvent, c'est un fait du hasard si la personne a des lésions ou non.
    Nous pouvons discuter de la nuance entre nous, mais pour les policiers, à qui je ne fais aucun reproche, c'est différent. Lorsqu'un policier arrête quelqu'un pour des voies de fait, peu importe qu'il s'agisse de voies de fait simples, de voies de fait avec lésions ou de voies de fait graves. L'important est d'arrêter les voies de fait. Pour l'enquêteur, cela est peut-être plus important, mais pour le policier, la nuance n'est pas si importante. Sa responsabilité consiste à empêcher, par exemple, qu'une personne en frappe une autre.
    Quant aux infractions qui seraient autorisées, je les limiterais aux infractions avec mandat judiciaire et bien encadrées. Les policiers ont demandé l'ajout de l'article 25.1 à la suite de l'arrêt Campbell de la Cour suprême, qui disait que la vente contrôlée de stupéfiants est illégale et est un crime, même si elle est faite par des policiers. Les policiers ont réagi en demandant une immunité générale, alors que le Parlement avait déjà adopté des dispositions spécifiques à la vente controlée de stupéfiants. Ces dispositions existent encore, d'ailleurs.

  (1715)  

    J'espère que notre service de recherche, monsieur le président, va nous faire un petit tableau. J'aimerais beaucoup comprendre la différence entre lésions, voies de fait ou voies de fait simples, parce que c'est important. Je vous suis très reconnaissant. Il y a en vous une graine de professeur qui trouve à s'exprimer. J'aimerais que nous ayons un tableau, monsieur le président, avant la fin de nos travaux.
    Je dois vous dire que la jurisprudence aussi fournit des définitions nuancées des diverses infractions. Par conséquent, on a des définitions données par la jurisprudence. Dans ce contexte, on n'est pas dans la clarté, et c'est là qu'est le danger.

[Traduction]

    Notre personnel de recherche va se pencher là-dessus tout de suite, monsieur Ménard.
    Monsieur Thompson, vous avez parfaitement raison en ce qui concerne l'ordre des tours.
    Monsieur Petit, c'est à vous.

[Français]

    Je poserai d'abord une question à l'Association du Barreau canadien, puis à Me Barrette et à la personne qui se trouve à côté de lui, mais dont je ne distingue pas le nom.
    Pour commencer, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'au Québec, nous sommes affligés d'un fléau nommé « l'alcool au volant ». Lors d'un accident de la route, lorsqu'il y a des victimes ou qu'il s'agit de négligence criminelle au volant, par exemple, le policier qui arrive sur les lieux doit obtenir une autorisation afin de prélever un échantillon sanguin. Déjà, on parle d'une permission à obtenir.
    Si on dit être incapable de trouver le mandat, c'est qu'il y a deux types de perquisition, soit celle qui donne lieu à un procès et celle qui est autorisée par le juge de paix. Or, dans ce dernier cas, étant donné qu'il n'y a pas de suivi, il n'y a ni enveloppe contenant les documents pertinents ni quoi que ce soit du genre. Par contre, si quelqu'un se rend au Palais de justice de Québec, par exemple, et qu'il a une quelconque raison de croire qu'il y a [Note de la rédaction: inaudible], il a le droit d'aller le chercher. S'il ne le fait pas, qu'il ne prétende pas être incapable de l'obtenir.
    Parlons maintenant des mandats de perquisition. Pour ma part, j'ai ce qu'on appelle un BlackBerry, mais avez-vous vu ce que possèdent les policiers? Ils ont tous des ordinateurs. Ils peuvent demander un mandat de perquisition facilement, en 30 secondes, lorsqu'ils ont un motif raisonnable de croire qu'il se passe quelque chose. Ils reçoivent alors un mandat électronique. Ils obtiennent donc beaucoup d'autorisations.
    Les arguments que vous présentez en vue de modifier les articles 25.1 à 25.4 sont malgré tout solides. J'aimerais cependant vous faire remarquer que chaque acte criminel est distinct. Ainsi, le juge doit adopter une approche individuelle et non collective. Comme monsieur l'a mentionné, personne ne connaît les articles 25.1 à 25.4. Au Québec, en effet, on a recours principalement au Code de déontologie des policiers du Québec, lorsqu'on veut prouver qu'un policier a fait une erreur. On fait rarement appel aux articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, avec lesquels il est un peu plus difficile de travailler.
    Vous dites que ça n'a aucun sens, que c'est très difficile et que ça peut mener à des excès. Or, pouvez-vous me dire comment on fait pour infiltrer un groupe comme celui qui se trouvait dans le comté de M. Ménard? Un jeune y a été victime d'une explosion à la bombe perpétrée par une bande de bandits.
    Imaginez-vous qu'on a découvert qu'à la Société de l'assurance automobile du Québec, une informatrice fournissait des renseignements aux Hell's Angels. Dans de telles circonstances, comment peut-on obtenir un mandat? On est bloqué. Dans certaines situations, on se demande s'il n'est pas nécessaire d'écraser le système. Monsieur Barrette, vous ne serez sans doute pas d'accord avec moi, mais d'après vous, que faut-il faire dans une situation où il n'est même plus possible d'obtenir un mandat?
    Dans le cas du policier Marc Saint-Germain qui a tué quatre de ses confrères à Trois-Rivières, le policier qui arrivé sur les lieux avait besoin d'un mandat. On a dû avoir recours à un télé-mandat, et cela a fonctionné. On constate que dans certains cas, ce genre de système a du succès. Il ne faut tout voir en noir.
    Quoi qu'il en soit, vous me placez dans une situation délicate: vous me parlez de  torture, alors qu'en 33 ans de pratique, je n'ai jamais plaidé ce genre de cause. Vous nous avez donné une définition de la torture. Or, si je place le mot « torture » dans le contexte actuel, je peux dire que l'agent de l'État qu'est le Parlement oblige le Bloc québécois à siéger ici. Du fait qu'on le force à voter pour des lois canadiennes, on lui occasionne une douleur aiguë.
    M. Réal Ménard: Une douleur aiguë à votre contact, monsieur Petit.
    M. Daniel Petit: J'essaie de vous présenter cela de façon à ce que vous compreniez que vient un moment où on a toutes les autorisations. Pratiquant régulièrement de droit, je peux vous dire qu'on a rarement eu des problèmes relatifs aux articles 25.1 à 25.4.

  (1720)  

    Par ailleurs, là où a des problèmes, c'est lorsque certains policiers bafouent la loi. Ils la bafouent dans certains cas particuliers. Dans le cadre de l'affaire Matticks, au Québec, on a connu cela. On a mis toute la Sûreté du Québec en dedans, et on a interrogé ses membres pendant près d'un mois. Ces cas sont extrêmement rares, ne courent pas les rues.
    C'est pour cette raison que je vous demande d'essayer de me convaincre que les articles 25.1 à 25.4... Avec tous les arguments que vous me donnez, vous n'arrivez pas à me convaincre. Or, je devrai ensuite prendre une décision. Je trouve vos arguments excellents, mais je ne suis pas aux États-Unis. Tel est le problème.

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit. Vous avez largement dépassé vos cinq minutes. C'était une excellente séries de questions.
    Nous pouvons permettre aux témoins de réagir, s'ils le jugent nécessaire.

[Français]

    D'abord, au sujet de la torture, j'ai rarement vu des gens être torturés en public comme le sont les parlementaires devant les caméras de télévision.
    Je dois vous dire que parmi les crimes, c'est le crime le plus odieux qu'on puisse connaître au niveau international. Si on considère les crimes interdits lors des mesures d'urgence décrétées en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, c'est un de ceux qu'on ne peut absolument pas commettre. Il s'agit d'une obligation des États à laquelle ces derniers ne peuvent en aucun cas déroger, compte tenu de la gravité du geste posé par un agent de l'État qui inflige des souffrances à un individu afin de l'intimider, etc.
    Ce que j'essaie de dire, quant à la torture... Je comprends que vous puissiez être en désaccord sur la lecture que je fais de la torture ou de la lecture que je fais du lien entre la torture et les voies de faits avec lésions. Par ailleurs, je trouve intéressant le fait que vous me dites que c'est un argument intéressant.
    Jusqu'à quel point le policier qui reçoit l'autorisation de commettre des infractions, des voies de faits ou autres, ne va-t-il pas infliger des tortures sans blessures, qui ne seront pas des lésions? Jusqu'à quel point a-t-on l'assurance qu'il ne pourrait pas aller jusqu'à commettre l'impardonnable. C'est là que réside le danger relatif à la torture.
    Évidemment, ce n'est pas ce qu'on souhaite. Évidemment, on n'a aucun cas à rapporter et on espère ne pas en rapporter. Cependant, comme je le dis souvent quand je viens ici, c'est une responsabilité des parlementaires que d'envisager tous les cas d'application de la loi, même lorsqu'on n'a pas d'exemples sous les yeux. C'est votre responsabilité.
    Quant aux cas des Hell's Angels ou d'autres groupes organisés, je crois que jusqu'ici, au Québec, on est arrivé à les infiltrer, même avant que l'article 25.1 soit en vigueur. En effet, on a infiltré les Hell's Angels, on a fait procès et on les a trouvés coupables dans la majorité cas.
    Pourtant, comme vous le disiez, c'était un gros morceau, surtout pour la Sûreté du Québec et pour les policiers au Québec. Je dois toutefois vous dire que toute la question des outils revient sur le tapis lorsqu'on dit qu'on doit permettre à certains de ne pas respecter la loi, et ce sans autorisation judiciaire, pour arrêter des gens du crime organisé, pour limiter la perpétration de crimes odieux. C'est là que se situe le danger, puisque c'est toujours pour de bonnes raisons qu'on glisse, qu'on commet des abus et qu'on obtient des résultats qu'on n'aurait jamais souhaités.
    Encore une fois, on l'a vu, peut-être plus au Québec qu'ailleurs. Je vous ai parlé des années 1970. C'est toujours pour de bonnes raisons, pour de bons motifs que, malheureusement, on commet des crimes. Voltaire disait que l'enfer est pavé de bonnes intentions. C'est peut-être le cas en ce qui a trait à l'article 25.1.

  (1725)  

[Traduction]

    Nous commençons gravement à manquer de temps.
    Monsieur Bagnell, je crois que vous voulez poser une question. Vous êtes sur la liste. Si elle est vraiment courte...
    Cela concerne la torture. Si l'on ajoutait la torture -- en s'appuyant sur la définition internationale -- à la liste des actes interdits, tels que les lésions corporelles, par exemple, serait-ce utile?

[Français]

    Je peux répondre à cette question.
    Selon nous, la meilleure solution serait de mettre de côté toute infraction qui va contre la personne ou l'intégrité physique des personnes. Évidemment, si on met de côté spécifiquement la torture parmi les exceptions, c'est déjà mieux. Mais d'autres infractions demeurent — on les a nommées — qui touchent aussi l'intégrité des personnes. Je dirais que c'est effectivement une petite avancée.

[Traduction]

    Nous allons donc conclure la réunion, s'il n'y a plus de questions de procédure ou de fond à traiter.
    Je voudrais remercier les deux groupes de témoins pour leur présence aujourd'hui. Il y a eu des commentaires tout à l'heure au sujet de la représentation des deux groupes, mais je sais que l'Association du Barreau canadien participe depuis des dizaines d'années aux discussions sur la Colline sur diverses questions intéressant les politiques gouvernementales, et je sais que la Ligue apporte, elle aussi, sa contribution au débat sur d'importantes questions de politique, notamment dans le domaine juridique.
    Aucun d'entre nous ne voudrait faire quoi que ce soit qui puisse décourager cette participation. La contribution qu'apportent des groupes comme les vôtres est inestimable -- pas dans le sens de la valeur qu'on y rattache mais peut-être du point de vue de l'aide qu'elle nous apporte; et nous vous remercions aussi pour vos contributions dans ce domaine, puisque nous traitons des questions qui ne sont toujours pas réglées, quelque 20 ans après l'adoption de la Charte.
    Merci infiniment de votre présence aujourd'hui.
    S'il n'y a plus de questions à débattre, la séance est levée.