Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 20 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    [Note de la rédaction: Inaudible]... L'ordre du jour a, je crois, été distribué aux membres du comité. Le sujet à l'étude est le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (peines minimales pour les infractions mettant en jeu des armes à feu) et une autre loi en conséquence.
    Nous allons entendre comme témoins aujourd'hui Mme Kim Pate, directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, qui est accompagnée par Debra Parkes. Nous allons également entendre M. Michael Woods, directeur général, Police criminelle, Services de police communautaires, contractuels et autochtones de la Gendarmerie royale du Canada.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par les Sociétés Elizabeth Fry, puisqu'elles figurent en premier sur notre ordre du jour. Je vais vous demander de présenter votre exposé en une dizaine de minutes et nous demanderons ensuite à M. Woods de présenter le sien.
    Merci également au comité d'avoir invité notre organisme à comparaître et à témoigner devant lui au sujet du projet de loi C-10. Je suis ici, comme vous l'avez mentionné, pour représenter l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Je suis accompagnée d'un des membres du conseil d'administration, qui est également coprésidente de notre comité d'action sociale, Mme Debra Parkes. Elle enseigne également le droit à l'Université du Manitoba. Je suis donc très heureuse qu'elle ait pu se joindre à moi et je vous remercie de l'avoir invitée.
    Je vais sauter ce qui concerne notre organisation parce que je suis déjà venue vous parler il y a quelques semaines au sujet du projet de loi C-9. Je dirais simplement que notre organisation s'occupe des femmes victimisées, criminalisées et emprisonnées au sein de notre système de justice pénale. Nos agences, nos 25 membres répartis dans l'ensemble du Canada, fournissent toute une gamme de services qui vont des services destinés aux femmes victimisées à ceux qui s'adressent aux femmes qui se retrouvent dans le système carcéral. C'est dans ce contexte que nous présentons notre témoignage.
    Celui-ci va principalement porter sur quelques sujets, comme vous pourrez le voir dans notre mémoire. Je ne vais pas reprendre tout ce qui est mentionné dans notre mémoire. Je vais me contenter de le résumer en disant que le projet de loi C-10 suscite pour nous des interrogations. Nos principales préoccupations concernent le fait qu'une bonne partie de ce projet de loi semble contraire aux principes de détermination de la peine.
    Je suis désolé de vous interrompre, Mme Pate. Je crois que l'on est en train de distribuer quelques documents d'information. Poursuivez.
    Un des principes fondamentaux de la détermination de la peine est le principe de la proportionnalité. Il est facile de constater que le projet de loi ne respecte pas ce principe fondamental. En fait, nous considérons qu'il préconise une approche autre que celle qui consiste à imposer les sanctions les moins contraignantes possibles à l'égard des personnes traduites devant les tribunaux, et particulièrement, je pense, à l'égard des Autochtones. Les membres de notre organisation s'inquiètent de plus en plus de l'augmentation constante du nombre des Autochtones, en particulier des femmes, qui se retrouvent dans le système carcéral.
    Comme vous le savez je crois, le jour même où nous présentions nos commentaires sur le projet de loi C-9, le 17 octobre, l'enquêteur correctionnel publiait des données surprenantes indiquant qu'il y avait aujourd'hui 1 024 Autochtones par 100 000 personnes dans nos prisons. Compte tenu de l'importance de respecter les principes actuels en matière de détermination de la peine qui encouragent le tribunal à prendre en compte toutes les circonstances liées à l'infraction — tant la situation des personnes accusées que celle qui ont été victimisées — il est essentiel de pouvoir imposer des peines proportionnelles que l'on peut adapter, et de tenir compte des cas où il existe des circonstances atténuantes.
    Lorsque nous pensons à l'effet que ce projet de loi aura sur les femmes, et à certaines notions qui y sont introduites, notamment celle de possession d'armes par interprétation, nous savons que de nombreuses femmes seront considérées comme des parties à ce type d'infractions. Nous savons déjà qu'elles sont dans le système à l'heure actuelle. Ce projet de loi va probablement aggraver les peines d'emprisonnement qui leur seront imposées, parce que ces femmes refusent ou ne seront pas en mesure, pour toutes sortes de raisons qui sont souvent reliées au fait qu'elles sont des victimes de la violence exercée par les hommes qui sont en possession d'armes, pour lesquels elles cachent parfois des armes, dans des véhicules, ou dans les logements qu'elles occupent, et elles pourraient s'exposer à d'autres risques, notamment pour leur propre sécurité, si elles essayaient de nier ce genre de possession par interprétation... Nous pourrions vous citer un certain nombre d'exemples de ce genre, mais plutôt que d'en parler en détail maintenant, nous serons toutes les deux très heureuses de vous en parler au cours de la période de questions.
    Un des aspects qui nous préoccupe est qu'il est extrêmement difficile d'imposer une peine lorsqu'on ne dispose pas de tous les faits pertinents. C'est la raison pour laquelle le principe de la proportionnalité, les dispositions qui ont été introduites dans le Code criminel pour favoriser les mesures ou les peines les moins contraignantes possibles et l'obligation de prendre en compte les circonstances, plus particulièrement dans le cas des Autochtones, risquent d'être compromis par l'adoption de ce projet de loi.
    Nous considérons également que ce projet est en fait incompatible avec certaines positions qu'a adoptées le gouvernement dans d'autres domaines. Par exemple, il ne semble pas cohérent de laisser apparemment proliférer les armes à feu en renonçant au registre des armes à feu et ensuite, d'introduire des peines supplémentaires plus lourdes à l'égard des armes prohibés.
    Nous soutenons donc qu'il serait préférable que ce projet de loi soit retiré et que le gouvernement renonce à adopter des dispositions prévoyant des peines minimales obligatoires de ce genre. C'est de cette façon que le comité pourrait le mieux servir la population.
    Merci.
(1535)
    Je vais ajouter quelques commentaires pour compléter ce qu'a dit Kim.
    Il semble qu'un des éléments clés de ce projet de loi soit la dissuasion. Il est, je crois, très important de ne pas oublier que la sévérité des peines, c'est-à-dire l'aggravation des peines — substituer une peine de quatre ans d'emprisonnement à une peine de deux ans ou une peine de six ans à une peine de quatre ans — n'a pas d'effet dissuasif; c'est ce que montrent les études. En fait, les spécialistes des sciences sociales reconnaissent que ce genre de mesure a un effet nul. Il est très difficile pour des universitaires, ou des personnes qui font beaucoup de recherches de prouver une affirmation négative, mais les spécialistes ou les professeurs de sciences sociales s'entendent généralement pour reconnaître que la sévérité des peines a un effet nul sur la dissuasion. Les preuves ne permettent pas d'affirmer que les peines sévères ont pour effet de dissuader les gens de commettre des infractions. Si c'est ce que le gouvernement veut faire, il me paraît très important de faire savoir qu'il n'obtiendra pas les résultats recherchés, ou que tout au moins, il n'est aucunement démontré que ces résultats peuvent être obtenus, à notre avis.
    Si cela intéresse les membres du comité, j'ai un article que je pourrais faire distribuer. Je ne sais pas s'il vous a déjà été remis, ou si M. Tony Doob a déjà comparu devant vous, mais c'est un article qu'il a écrit avec Cheryl Webster intitulé « Sentence Severity and Crime: Accepting the Null Hypothesis » (La sévérité des peines et la criminalité: Un effet nul?). C'est une étude qui porte sur les nombreuses études touchant le caractère dissuasif des peines.
    C'est donc un aspect qui nous inquiète beaucoup. Si cette mesure est adoptée au nom de la dissuasion, nous devrions nous poser de sérieuses questions à ce sujet. Il semble que le gouvernement n'ait aucunement démontré que de telles mesures vont effectivement avoir un effet dissuasif.
    C'est la raison pour laquelle d'autres pays ont commencé à abandonner cette approche, après l'avoir mise en oeuvre de façon généralisée. Il y a un certain nombre d'États américains et d'États australiens qui ont commencé à renoncer aux peines minimales obligatoires, précisément parce qu'elles entraînent des coûts financiers et humains très lourds, et n'apportent pas la dissuasion promise.
    C'est donc un aspect qu'il conviendrait de ne pas oublier pour l'examen de ce projet de loi.
    Merci de votre attention.
    Merci, Mme Parkes. Je sais que le débat va certainement porter sur la mise hors-circuit des délinquants, et que la dissuasion sera un aspect qui sera probablement souvent abordée, à mon avis, dans ce débat.
    M. Woods, je vous en prie.
(1540)
    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter le point de vue de la GRC, la Gendarmerie royale du Canada, sur le projet de loi C-10. Nous savons que pour assurer la sécurité publique, pour réaliser une société plus sûre, il faut compter sur l'engagement et la concertation de toutes les parties intéressées. Ainsi, l'appareil de justice pénale, grâce notamment aux dispositions législatives en matière d'application de la loi et de peines, est un des outils qui pourra y contribuer.

[Français]

    La stratégie de la GRC en matière de sécurité publique et de réduction de la criminalité repose sur quelques principes directeurs, notamment le ciblage d'un crime, d'un lieu et d'un criminel; la simplicité dans la conception et l'exécution; la coordination entre les partenaires et dans nos procédures; des actions concertées de prévention, d'exécution et de réadaptation.
    Cette stratégie vise avant tout à prévenir le crime, sinon à intervenir tôt auprès des populations à risque, à agir rapidement lorsque l'exécution est de mise et à fournir du soutien, ainsi que des services de réadaptation et de rétablissement aux victimes et aux criminels.

[Traduction]

    En 2006-2007, l'exercice de planification de la GRC a révélé la nécessité de se pencher sur l'impact des armes à feu, des gangs et des drogues. À cette fin, divers groupes de la GRC partout au pays orienteront leurs initiatives de manière à lutter contre ces fléaux. Pour ce faire, nous nous inspirons des recherches menées sur l'impact du crime organisé sur les collectivités rurales et isolées, sur l'éclosion des gangs de jeunes et sur le lien avec les populations vulnérables, comme les collectivités autochtones. Nous collaborons avec nos partenaires et les intéressés à l'échelle locale, provinciale ou territoriale et fédérale, afin de mettre en oeuvre les stratégies qui renforceront la sécurité publique par la réduction de la criminalité.

[Français]

    Cette réforme touchera surtout l'administration de la justice à l'échelle provinciale ou territoriale. S'il y a davantage de procès, les services de police partout au pays verront leurs ressources lourdement sollicitées par tout le travail que cela nécessite en amont.
    Je suis prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

    J'ai préparé d'autres notes. Si vous me le permettez, je vais vous les lire.
    Allez-y.
    Les policiers croient en général que la sévérité des peines et les peines minimales obligatoires ont un effet dissuasif et neutralisant sur les contrevenants et constituent donc des outils utiles pour lutter contre la délinquance. Malheureusement, les choses ne sont peut-être pas aussi simples. Il existe certains éléments qui montrent que les peines minimales obligatoires ont un effet dissuasif mais les multirécidivistes — qui représentent 2 ou 3 p. 100 des délinquants et qui commettent 80 à 85 p. 100 des infractions — sont moins susceptibles d'être dissuadés. Les membres de ce groupe ne sont pas en général des personnes rationnelles qui évaluent les coûts et les avantages du crime qu'ils s'apprêtent à commettre. C'est ce qu'ont montré Thomas Gabor et Nicole Crutcher de l'Université d'Ottawa.
    Il est par ailleurs plus évident qu'un délinquant incarcéré est effectivement neutralisé. Il ne menace plus la collectivité, étant donné qu'il n'y a pas accès, mais il risque d'être plus dangereux une fois libéré. En prison, le délinquant perfectionne sa technique et a la possibilité d'élargir son réseau de connaissances. Certains d'entre eux — les membres de gang, en particulier — voient dans la prison un rite de passage. Bien sûr, pour certains contrevenants insusceptibles de s'amender, l'emprisonnement est bien souvent la seule façon de protéger nos collectivités.
    L'effet des peines minimales obligatoires se fait sentir au moment où le contrevenant entre en contact avec les représentants de la loi. Les longues peines peuvent inciter le délinquant à ne pas plaider coupable, ce qui risque de multiplier les procès. Cela aurait bien sûr pour effet de solliciter davantage les ressources policières.
    À son premier contact avec les policiers, le délinquant risque de réagir plus violemment s'il sait qu'il risque un emprisonnement plus long. Par contre, une peine sévère peut l'inciter à fournir à la police des renseignements au sujet des autres activités criminelles exercées dans la collectivité. Ces peines peuvent également renforcer la position du poursuivant dans la négociation de plaidoyer et lui permettre de porter une accusation différente.
    Comme vous pouvez le constater, la situation n'est pas simple et claire.
    Comme je l'ai mentionné il y a un instant, la GRC a mis en oeuvre, à titre de projet pilote, une stratégie de réduction de la criminalité en Colombie-Britannique qui commence à donner des résultats. Elle combine une action policière agressive avec une approche holistique visant à déceler les causes profondes de la criminalité. L'élément essentiel est l'action des principaux acteurs communautaires, à savoir les ministères de la sécurité publique, de la santé, des services sociaux et du logement, les services de lutte contre la toxicomanie, les services de probation, les poursuivants, le Service correctionnel du Canada, le ministère de l'éducation et les services à la famille — la liste est longue.
    Le premier ministre Harper a déclaré:
La prévention du comportement criminel est toute aussi importante; il faut éviter que celui-ci s'installe. C'est pourquoi le gouvernement travaillera avec les provinces et les territoires pour aider les collectivités à offrir des perspectives d'avenir aux jeunes et à mettre fin au cycle de violence qui détruit tant de vies et de collectivités.
    En fait, le gouvernement fédéral a décidé d'appuyer certains de ces programmes et les premiers résultats sont positifs.
    Merci.
(1545)
    Merci.
    Je vais maintenant passer aux questions.
    Mme Barnes.
    Premièrement, j'aimerais demander au représentant de la GRC s'il représente l'ensemble de ce corps policier ou uniquement le secteur qui s'occupe de la stratégie de réduction de la criminalité et de la sécurité publique.
    Je représente la GRC et je présente la stratégie de réduction de la criminalité comme une option.
    Très bien. À votre avis, est-ce une bonne option?
    C'est une excellente option. Elle commence à donner des résultats.
    Si vous aviez davantage de fonds pour la mettre en oeuvre, pensez-vous que cela renforcerait la sécurité des Canadiens?
    Je pense que oui, d'après ce que nous avons constaté jusqu'ici en Colombie-Britannique.
    Très bien. Vous avez mentionné à deux reprises l'augmentation de la charge de travail qui découlerait de la multiplication des procès, et qui aurait un effet sur les ressources des services policiers du Canada. Ces deux fois, vous avez semblé présenter cela comme un fait. Maintenez-vous votre affirmation et sur quoi repose-t-elle?
    C'est empirique. Nous n'avons pas fait de mesures précises. Comme cela a été mentionné plus tôt, il est difficile de quantifier ce genre de choses. Mais d'après mon expérience, et pour en avoir parlé à d'autres, et en particulier en me basant sur l'augmentation des peines pour la conduite en état d'ébriété, il y a eu davantage de procès que ce à quoi on pouvait s'attendre.
    De sorte que oui, il y aura davantage de procès si les peines sont aggravées.
    Très bien. En fait, je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que les ressources non seulement des services de police, mais aussi de l'appareil judiciaire, seront davantage sollicités si nous adoptons un projet de loi de ce genre.
    Mme Parkes, pour ce qui est des études, je crois que la plupart des membres du comité aiment se fonder sur des études. Pouvez-vous nous en dire davantage, non seulement sur l'étude de M. Doob, mais également sur les autres recherches qui disent exactement la même chose que M. Woods?
     Il existe des études scientifiques qui ne sont pas de nature empirique et qui ont permis d'établir ces choses. Kim ou Debra, pouvez-vous me répondre?
    Je pense que je vais demander à Kim de le faire.
    En plus de l'étude de Tom Gabor et Nicole Crutcher, à laquelle ma collègue a fait référence, notre organisme a coparrainé un colloque complet à ce sujet avec la Osgoode Hall Law School.
    Il existe tout un ensemble de documents fondés sur des recherches et des études qui parlent du coût humain, du coût financier, des pressions incitant les accusés à demander un procès, des pressions favorisant les peines d'emprisonnement, toutes les pressions dont nous avons tous parlé aujourd'hui et de l'effet dévastateur que peut avoir, à long terme, sur toutes nos collectivités, une telle orientation.
    L'autre question que je voulais vous poser, Mme Pate, porte sur les principes de détermination de la peine qui se trouvent principalement à l'article 718 du code. Le ministre et d'autres parlent bien souvent de dissuasion et d'un ou deux autres facteurs, mais je crois qu'il y en a en fait au moins six. Pourriez-vous nous expliquer quels sont ces facteurs et pourquoi ils avaient été inclus dans ces dispositions lorsque nous avons révisé cette partie du code en 1995 environ?
    Mme Parkes, vous êtes peut-être mieux en mesure de répondre.
    Oui, je peux vous en dire quelques mots.
    Lorsque les principes de la détermination de la peine ont été introduits en 1995, il existait à l'époque une jurisprudence abondante concernant l'application de ces principes mais ces derniers n'avaient jamais été codifiés dans une loi. Cette codification découlait des nombreuses études entreprises et des recommandations de la Commission canadienne sur la détermination de la peine.
    Le principe fondamental en matière de détermination de la peine est le principe de la proportionnalité, comme le proclament ces dispositions. Il faut que la peine soit juste et proportionnelle. Cela veut dire qu'il faut prendre en considération les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes.
    Il y a d'autres principes. Il y a la recherche de la dissuasion, la neutralisation, la protection de la société et la réadaptation. Il y a également le principe voulant que le tribunal impose la sanction la moins contraignante possible, compatible avec la sécurité publique, et plus précisément, le principe selon lequel l'emprisonnement est la peine de dernier recours. Ces principes s'inspiraient des nombreuses études et recherches qui avaient été effectuées sur ce qui donnaient de bons résultats dans notre système de justice pénale.
    L'autre témoin a parlé des stratégies en matière de prévention de la criminalité et des autres stratégies que la société doit mettre en oeuvre, au-delà du processus de détermination de la peine.
    Notre principale préoccupation porte sur la proportionnalité et sur le fait que nous sommes en train de nous éloigner de ce principe. Lorsque la loi prévoit une peine obligatoire, du moins pour les délinquants qui bénéficient de circonstances atténuantes, il est impossible de fixer une peine proportionnelle dans tous les cas, à moins de soutenir qu'une peine de cinq à six ans de prison sera toujours proportionnelle, quelles que soient les circonstances de la perpétration de l'infraction. C'est là notre principale préoccupation.
    Ensuite, bien sûr, avec les coûts humains et financiers importants qu'entraîne l'emprisonnement, nous nous éloignons également du principe voulant que l'emprisonnement soit une mesure de dernier ressort.
(1550)
    Très bien. M. Woods, j'aurais une brève question à vous poser. Pouvez-vous expliquer pourquoi, du point de vue des policiers, il serait bon que la peine imposée pour la possession d'une carabine soit différente que lorsqu'il s'agit d'un pistolet?
    Eh bien, sur le plan des peines, les pistolets sont plus dangereux parce qu'il est plus facile de les cacher et de les utiliser pour commettre de nombreux crimes, en particulier les vols à main armée. Les pistolets entraîneraient une peine plus grave.
    En fait, le pistolet est une arme à usage restreint alors que bien sûr un fusil n'est pas qualifié de cette façon.
    Mais si quelqu'un était blessé par ces deux armes, en fin de compte, pensez-vous que la peine serait différente?
    Je pense que la peine doit refléter les circonstances de l'infraction et la situation particulière.
    J'imagine que cela ne serait plus le cas s'il y avait une peine minimale obligatoire, parce que c'est exactement ce que le juge ne pourrait pas faire. Est-ce bien exact?
    Je dirais que oui.
    Merci. That's all.
    Merci, Mme Barnes.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'avoue que je suis un peu surpris, pour ne pas dire déçu, du mémoire de la GRC. Je m'attendais à ce que vous soyez plus généreux dans vos commentaires. Vous semblez être resté à un niveau de générosité qui n'est pas tellement compatible avec les attentes que le comité avait en inscrivant votre nom sur la liste des témoins. Vous vous êtes limité à des banalités, des truismes, des poncifs. Il n'y a là rien qui soit en mesure de nous aider véritablement.
    J'aurais aimé que vous parliez de la situation actuelle du trafic des armes au Canada, des gangs de rue, des groupes qui sont les plus à risque. Y a-t-il quelqu'un à la GRC qui a analysé les conséquences possibles du projet de loi C-10? Soit, vous en faveur de la dissuasion, mais je dois dire que personne ne deviendra sous-ministre avec une telle déclaration.
    On comprend bien votre style, mais soyez un peu plus précis dans vos commentaires. Pouvez-vous nous donner des chiffres sur le trafic des armes à feu et des informations sur le gangstérisme ou le phénomène des gangs de rue? Le projet de loi aurait-il des impacts négatifs sur les groupes à risque?
    Soyez un peu plus à la hauteur de votre potentiel. Vous avez donné un point de vue trop sèchement institutionnel.

[Traduction]

    Je peux vous donner quelques chiffres. Nous avons évalué, par exemple, qu'il y a environ 7 000 membres de gangs au Canada, et qu'il existe environ 350 gangs. La plupart des gangs se trouvent en Ontario, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Alberta...

[Français]

    Sept mille ou 700 gangs de rue?
    Sept mille membres de différents gangs, et environ 400 gangs.
(1555)
    En quoi ces gangs sont-ils impliqués dans le trafic des armes? Quelles sont les infractions qui sont commises au Canada? On dit qu'il y a plus d'infractions commises avec des armes blanches qu'avec des armes à feu. Ce projet de loi est un très mauvais projet de loi, et j'espère que la Chambre des communes va le battre à plate couture.
    À des fins de rigueur, j'aimerais qu'on nous donne plus d'information pour valider ces données. Au Canada, y a-t-il plus d'infractions qui sont commises avec des armes à feu qu'avec des armes blanches?

[Traduction]

    L'année dernière, il y a eu, par exemple, 650 homicides environ, dont 255 ont été commis à l'aide d'une arme à feu. Chaque année, entre 2 et 3 000 armes à feu sont soit volées, soit déclarées manquantes. Les gangs, en particulier ceux de la région du nord-ouest — Saskatchewan, Alberta et Manitoba — utilisent des fusils à canon scié et des carabines 22 qu'ils se procurent, pour la plupart, en commettant des crimes locaux, des introductions par effraction et des vols. Ils volent ces armes aux résidents et les modifient pour commettre leurs infractions. Les gangs sont de plus en plus violents.
    D'après ce que nous avons constaté, les gangs existent depuis une dizaine d'années, mais dans certains cas, dans certaines provinces, ils existent depuis une trentaine d'années. La difficulté d'obtenir des statistiques au sujet des gangs est qu'il n'y a pas de définition précise et reconnue de ce qu'est un gang. Nous avons certaines définitions — je peux vous en donner une dans un instant si vous le souhaitez — mais les services policiers du Canada utilisent tous des critères différents pour mesurer l'activité des gangs et définir ce qu'est une activité de gang. Si un membre d'un gang tire sur un membre d'un autre gang parce que les deux sortaient avec la même fille, est-ce une activité de gang ou autre chose? Il n'est donc pas facile de mesurer ces aspects-là lorsqu'il s'agit de gangs.

[Français]

    On a adopté les projets de loi C-95, C-24 et C-18, qui portent sur le gangstérisme et le crime organisé. En tant qu'organisme responsable de l'application de la loi, vous êtes certainement très heureux qu'il y ait un registre public des armes à feu et, à moins d'être incohérents, tous ceux qui croient à la dissuasion croient au bien-fondé du registre public d'enregistrement des armes à feu.
    Je ne vous demande pas de vous prononcer sur le registre des armes à feu, mais sur le trafic des armes comme tel.

[Traduction]

    Il n'y en a pas énormément. Je vous ai mentionné que la plupart du temps, les gangs se procurent les armes à feu en commettant des vols et des introductions par effraction. Nous savons également que les armes entrent en contrebande. C'est la raison pour laquelle la GRC a mis sur pied des équipes affectées à l'intégrité des frontières qui sont chargées de faire enquête sur les infractions de ce genre. Il est encore une fois très difficile de savoir exactement quelles sont les marchandises qui passent en contrebande à la frontière. Il va nous falloir un certain temps pour acquérir de l'expérience dans ce domaine et pour savoir ce qui s'est fait. Nous serons alors mieux placés pour surveiller ces activités, mais cela est très difficile à l'heure actuelle.

[Français]

    Est-ce que j'ai le temps de poser une dernière question à l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry?

[Traduction]

    Oui, monsieur Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'adhère complètement à votre logique et je fais partie de vos fans. À chaque projet de loi, c'est toujours un plaisir de vous entendre, et la rigueur de votre mémoire fait honneur à votre institution.
    En quoi le projet de loi touchera-t-il plus les femmes? Je vous donne l'occasion de faire un commentaire éditorial.
    Je m'excuse, je dois parler en anglais.

[Traduction]

    Pour ce qui est des dispositions du projet de loi qui concerne la possession par interprétation, je peux vous dire que je suis en train d'examiner certains documents concernant l'affaire Janice Gamble, que certains d'entre vous connaissent peut-être. Cette femme a été déclarée coupable de meurtre par interprétation, mais la déclaration de culpabilité a été annulée. De la même façon, elle serait déclarée coupable si ce projet de loi était adopté parce qu'il y avait une arme dans le véhicule où elle se trouvait au moment où se commettait un vol qualifié... qu'elle y ait participé ou non. Lorsqu'on connaît l'existence d'une telle arme, on peut être réputé être en possession de cet arme si on est également en possession du véhicule ou de la maison où se trouve l'arme en question.
    Je me trouvais la semaine dernière dans l'Ouest et j'ai rencontré une femme qui était en prison parce qu'une arme avait été cachée dans son logement. L'homme qui avait caché l'arme était également très violent. Elle savait que l'arme était là et elle a assumé la responsabilité — elle est en prison en ce moment — de ne pas l'avoir signalé. Mais les femmes qui se trouvent dans ce genre de situation vont courir des risques plus graves, parce qu'elles vont devoir choisir entre signaler la présence d'une arme et risquer de subir personnellement des violences ou ne pas signaler l'arme et risquer d'aller en prison.
(1600)
    Merci.
    M. Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus.
    Je me fais l'écho des commentaires de M. Ménard, Mme Pate. Le mémoire que vous avez présenté était bien préparé et contenait des remarques excellentes.
    Nous avons du mal à analyser ce projet de loi, parce que bien souvent, les documents que nous remet la police — et je sais qu'il n'est pas facile d'obtenir ces données — ont souvent tendance à être empiriques ou à ne pas être aussi rigoureux que ce qu'exige les recherches en sciences sociales. Sur ce point, pour ce qui est des chiffres que vous nous avez fournis au sujet des membres de gangs — le chiffre de 7 000 et 400 — vous avez dit qu'il n'y avait pas de définition de gang appliquée dans l'ensemble du pays. Selon la définition du crime organisé et l'analyse que nous avons effectuée des dispositions du Code criminel relatives au crime organisé, diriez-vous que tous les gangs auxquels vous avez fait référence seraient visés par les dispositions du code en matière de crime organisé?
    Oui, elles se seraient.
    Y aurait-il d'autres organisations de nature criminelle qui ne seraient pas visées par les définitions et les dispositions relatives au crime organisé?
    Par définition, une organisation criminelle serait visée par la définition de crime organisé.
    Est-ce que tous les services policiers canadiens seraient d'accord? Utilisent-ils la même approche?
    Je pense qu'ils le feraient, oui.
    Lorsque vous dites qu'il y a environ 400 gangs et 7 000 membres, comment avez-vous obtenu cette information?
    Je ne suis pas sûr...
    Permettez-moi de vous interrompre. Quelle est la source de ces deux chiffres? Comment avez-vous trouvé ces deux chiffres?
    Ils viennent de Statistique Canada et des renseignements que nous obtenons grâce à nos propres systèmes et processus, grâce aux autres services de police; nous regroupons les renseignements obtenus auprès de divers services et analysons cette information.
    Vous avez obtenu cette information en effectuant diverses analyses?
    C'est exact.
    Mme Pate, je vais peut-être parler davantage de votre mémoire que des commentaires que vous avez faits, même si je crois que vous en avez parlé. J'aimerais discuter avec vous de certains aspects.
    Je pense qu'au cours de la dernière législature... Je ne souviens pas si c'était votre organisation ou une autre, mais il avait été mentionné que certains États renonçaient à utiliser les peines minimales obligatoires. L'État du Michigan se trouvant à côté de chez nous, j'ai étudié le Michigan. Cet État a, en fait, renoncé aux peines minimales obligatoires. Mais ma recherche m'a amené à conclure que cet État ne l'a fait qu'à l'égard des infractions reliées aux drogues. Il ne l'a pas fait pour les crimes violents. Je me demande si l'on retrouve la même tendance en Australie et dans certains autres États américains ou si ces États renoncent également aux peines minimales obligatoires pour les crimes violents?
    Je peux vous dire un certain nombre de choses. Vous avez tout à fait raison. Dans la plupart des cas, l'abandon des peines minimales obligatoires visait uniquement les infractions reliées aux drogues. Je pense que c'est effectivement ce qui s'est passé aux États-Unis. Le Vera Institute a publié, en 2003, une étude qui examinait la situation dans différents États et cela concernait principalement les infractions reliées aux drogues. En Australie, dans le territoire du nord, je pense que cela touche aussi principalement les infractions reliées aux drogues. Il faut toutefois préciser que c'est à l'égard de ce genre d'infractions que les peines obligatoires ont été principalement imposées. Il faut néanmoins préciser que les études indiquent que l'effet dissuasif de ces peines est le même pour les infractions liées aux drogues que pour les infractions avec violence ou les infractions liées aux armes à feu. Mais oui, il est exact que cela a principalement visé les infractions liées aux drogues, pour autant que je le sache.
(1605)
    C'est exact, mais il est également vrai que la plupart des autres États imposent des peines plus courtes, en particulier dans le contexte dont nous parlions. Nous parlions des peines minimales obligatoires pour des infractions très graves, et la plupart prévoit également des mécanismes que l'on appelle souvent des échappatoires. De sorte que si le juge estime que les circonstances sont exceptionnelles, il n'est pas nécessairement tenu d'imposer la peine minimale obligatoire. La loi prévoit certaines exceptions et c'est une possibilité que ne prévoient pas les dispositions actuelles en matière de peines minimales obligatoires.
    Pour revenir à ce que vous disiez au sujet des aspects qui touchaient les femmes, je n'en ai pas reparlé parce que j'en avais parlé au cours de ma comparution sur le projet de loi C-9. Il y a aussi le cas des femmes qui tentent d'échapper à la violence et où les hommes qui les agressent ont dissimulé des armes et utilisent une de ces armes pour commettre une infraction. Selon les dispositions actuelles, tout comme celles qui sont proposées, ces femmes pourraient se voir infliger des peines supérieures à ce qu'un juge aurait pu leur imposer, ou supérieures à ce que la plupart d'entre nous estimerait approprié, dans les cas où elles se défendent ou défendent leurs enfants, comme cela est fréquent.
    Je voudrais poursuivre sur l'abandon des peines minimales obligatoires. La recherche que j'ai effectuée semble montrer que cet abandon s'explique pour plusieurs raisons. Le coût est un facteur important. Comme l'a mentionné Mme Parkes, la remise en question de l'effet dissuasif était également un autre facteur. Cela a motivé en partie les gouvernements... L'Australie a déclaré que ces mesures n'étaient pas appropriées, en abordant la question d'un point de vue humanitaire. Étant donné que ces États ont renoncé à ce type de peine, savez-vous si on a procédé à une analyse des motifs à l'origine de cette décision, dans le sens que ces raisons étaient peut-être multiples?
    Il existe certaines études qui concernent le territoire du nord, mais cela figure dans des documents publiés récemment en Australie. Ces études ont également examiné le nombre d'aborigènes, en particulier, qui étaient incarcérés. Là encore, le coût humain et le coût social, ainsi que le coût financier découlant des effets de ces peines sur plusieurs générations de personnes, explique en partie cette décision.
    Je pense que le fait de ne pas donner la priorité à ce que M. Woods a qualifié de stratégies d'intervention précoce... Les ressources que l'on affecte au système judiciaire sont retirées aux stratégies de prévention qui sont en fait bien préférables pour les collectivités.
    D'après les statistiques canadiennes au sujet du coût que représentent les personnes incarcérées, dans le cas des seules femmes, on constate que le montant minimal que coûte l'emprisonnement d'une femme dans une prison provinciale est d'environ 50 000 $. Ce montant passe à 300 000 $ si l'on tient compte des différents types d'emprisonnement que subissent les femmes qui purgent des peines fédérales, ce qui serait le cas avec ce nouveau projet de loi. Si on examine le coût que cela représente par collectivité, il faudrait trouver une collectivité — lorsque nous tenons des événements ouverts au public, des sessions d'information — qui ne souhaiterait pas que ces sommes soient investies chez elle pour les garderies, l'éducation, les soins de santé, les stratégies d'intervention précoces pour les jeunes en difficulté, les programmes de mentorat. La liste est longue des choses que ces collectivités préféreraient financer plutôt que de dépenser ces sommes pour des peines d'emprisonnement plus longues.
    Merci, M. Comartin.
    M. Thompson.
(1610)
    Merci d'être venus ici aujourd'hui.
    Je reconnais tout à fait qu'en matière d'intervention, il faut prendre toute une série de mesures, notamment celles qui sont axées sur la prévention. Lorsque j'étais principal d'une école secondaire et d'une école secondaire de premier cycle, nous visions toujours la prévention. Nous avions toutes sortes de programmes — les enfants à risque, et d'autres. Nous réussissions à les identifier très tôt. On pouvait presque dire, dès la 1re ou la 2e année, si tel enfant allait avoir des problèmes, quelle que soit sa situation. Il est bon, je crois, de consacrer des ressources à tous ces programmes, d'essayer d'intervenir très tôt, parce que je crois que c'est le moment où il faut le faire. Je ne me suis jamais opposé à ces activités.
    Il y a aussi le fait qu'aujourd'hui, la population proteste contre le fait qu'on tue avec des armes à feu, que les gangs tuent avec des armes à feu. Il faut faire quelque chose. La population ne veut pas que ces personnes soient en liberté. Malheureusement, pour les sociétés Elizabeth Fry, la prison est la seule solution. C'est la seule façon de contrôler ces personnes. Les gens sont prêts à construire davantage de prisons si cela est nécessaire. Le public demande au gouvernement de remédier à ce problème, d'attribuer davantage de ressources aux tribunaux, d'attribuer davantage de ressources là où c'est nécessaire, et qu'il règle ce problème. C'est un problème grave et la population veut que l'on règle le problème des armes à feu, des gangs et des drogues. Après tout, c'est la population qui paie la facture et elle est prête à assumer toutes ces dépenses pourvu qu'elle se sente mieux protégée dans les rues et dans les collectivités. Ce n'est pas trop demander.
    Je suis membre de ce comité et je siège à la Chambre des communes, et nous proposons un projet de loi qui essaie de régler ce problème: renforcer la sécurité. Donner aux policiers les outils dont ils ont besoin. Donner les choses que nous avons. Mais la société Elizabeth Fry ne fait que répéter que l'emprisonnement ne devrait jamais être qu'une mesure de dernier recours. Eh bien, pour la population, c'est la première solution pour régler le problème des gangs et des armes à feu. Voilà ce que veux la population, c'est incontestable.
    J'aimerais bien savoir ce que proposerait le comité Elizabeth Fry pour régler ce problème. Tout ce que j'ai entendu c'est, cette mesure n'aura pas d'effet dissuasif, cette autre n'en aura pas non plus, mais je n'ai rien entendu au sujet des mesures qui pourraient donner des résultats — rien du tout.
    Cela fait 13 ans que je suis ici et je vous ai souvent entendu présenter vos commentaires, mais dites-moi quel est le genre de mesures législatives qui pourraient régler ce problème. Ne venez pas me parler du registre des armes à feu, cela est stupide. Vous savez que les membres des gangs ne vont pas enregistrer leurs armes à feu dans ce registre. Ils ne le font pas.
    Je ne comprends rien lorsque vous dites qu'il ne faut pas faire ceci parce que ça devrait être un dernier recours, et il ne faut pas faire cela, parce que ce n'a pas d'effet dissuasif. Je vous demande de me dire ce qui a un tel effet?
    Je suis désolée que nous n'ayons pas été plus claires dans les exposés, parce que je crois, que nous avons dit, comme je l'ai mentionné plus tôt, que l'approche axée sur l'intervention précoce donne des résultats...
    Je l'ai déjà admis. Comprenez-moi bien. Nous en sommes à un point où cette approche n'a pas donné les résultats escomptés. Que faut-il faire maintenant?
    Nous travaillons avec les personnes qui posent le plus de problème au système, parce que nous estimons que nous avons la responsabilité de travailler avec ces personnes à cause de la mission que nous nous sommes donnée. Plus précisément, pour ce qui est des femmes avec qui nous travaillons, nous constatons que, lorsqu'on adopte une approche différente — pas seulement des peines plus sévères et un environnement plus brutal — lorsque les femmes sortent de prison après avoir purgé de longues peines, si nous avons réussi à les aider lorsqu'elles font appel, elles ne reviennent pas dans le système. Je parlais ce matin à une femme qui est sortie de prison depuis trois ans; tout le monde pensait qu'elle y retournerait, mais grâce à la surveillance et à l'appui intensif que nous lui avons donnés à sa sortie de prison, elle n'y est pas retournée.
    Nous avons fourni un grand nombre d'exemples. Ce sont des mesures très diverses; elles ne sont pas très différentes de ce que vous avez vu au début, mais à mesure que l'on réduit les ressources affectées à ces aspects, je peux vous dire que si vous retourniez, aujourd'hui, dans les écoles secondaires où vous avez travaillé, vous constateriez qu'il n'y a pas tous les services de soutien qu'il y avait à votre époque. Il n'est donc pas surprenant qu'il y ait de plus en plus de jeunes qui soient marginalisés et qui ont du mal à s'adapter. Malheureusement, les endroits où ils réussissent à s'adapter sont bien souvent des endroits où ils ne devraient pas être et qui ne sont pas bons pour eux.
    Je conteste vos affirmations... Lorsque je parle à un auditoire et que je pose cette question simple: « Si quelqu'un commet une infraction, devrait-il aller en prison? » La plupart des gens disent que oui, mais si vous leur demandez s'ils pensent que cela va les aider à ne pas retourner en prison, ou comment ils pensent que cela va améliorer la sécurité, il ne faut pas aller très loin avant d'entendre les gens donner des réponses très différentes. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui veulent dépenser davantage d'argent pour construire des prisons, en particulier lorsqu'ils regardent les résultats, lorsqu'ils voient les ressources que l'on retire à d'autres programmes pour financer ces systèmes.
    Je crois qu'il faut voir les choses comme ceci. Lorsque j'étais principal, j'avais une ceinture en cuir dans mon bureau. Elle était accrochée au mur. Les élèves savaient que j'étais prêt à m'en servir, mais vous savez, je n'ai jamais eu à le faire. Cela avait un effet dissuasif. C'est très vrai.
    Je ne sais pas si c'est à cause de la ceinture ou si c'est parce qu'il y avait des gens qui aidaient ces personnes et qui leur montraient qu'il y avait d'autres solutions. Que ce soient les sports... Il n'y a plus autant d'activités sportives dans les écoles maintenant; il n'y a plus le même genre d'activités parascolaires, ni les mêmes activités de tutorat.
    Je voulais faire remarquer que la dissuasion, cela existe. Cela donne des résultats.
    Eh bien, si les peines avaient un effet dissuasif, les États-Unis seraient l'endroit le plus sûr au monde. Si cet argument était vrai.
(1615)
    Non. Voici ce que je veux dire. Lorsque les gens disent qu'ils ne veulent pas avoir cette personne dangereuse parmi eux, alors que faut-il faire de cette personne? Si on ne l'envoie pas en prison, que fait-on avec elle?
    La question de la neutralisation a été soulevée à quelques reprises, et j'ai présenté des observations au sujet de la dissuasion. Il est vrai que la protection de la société par la neutralisation des délinquants est un des objectifs de la peine, mais il ne faut pas oublier que cette neutralisation sélective ne vaut que pour une période donnée. À moins d'être prêts à adopter une solution extrême, qui consisterait à garder en prison, pendant une durée indéfinie, tous les gens qui ont commis une infraction, parce que nous pensons qu'ils risquent de récidiver, nous ne pouvons pas nous en remettre à la neutralisation, parce qu'elle n'est efficace que pendant l'emprisonnement du délinquant. Ce qui nous préoccupe, c'est la répartition des ressources et les coûts qu'entraîne l'allocation de ces ressources, si l'on n'attribue pas, au moins à certains programmes, une certaine proportion de ces ressources aux programmes qui visent à réintégrer dans la collectivité les personnes libérées.
    Le rapport du Vérificateur général — je crois que c'était en 2003 ou en 2004 — parlait précisément de la proportion des ressources qui étaient consacrées à l'emprisonnement par rapport à celles qui étaient utilisées pour la libération dans la collectivité. Il n'est pas surprenant que l'emprisonnement ne donne pas les résultats espérés parce que nous n'affectons pas les ressources nécessaires à la surveillance et au soutien dans la collectivité des gens qui ont purgé une peine de trois ou quatre ans ou une autre peine.
    Je reconnais avec vous que la neutralisation sélective peut avoir sa place dans certains cas, mais, en fin de compte, elle ne permet pas d'atteindre l'objectif que l'on présente au public, et il ne faut pas l'oublier. Pour revenir sur ce point, lorsque le public est bien informé au sujet des peines... On a effectué de nombreuses études en Grande-Bretagne et au Canada qui montrent que, si l'on explique en quelques mots à quelqu'un qu'un délinquant a commis une infraction à l'aide d'une arme à feu et qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an, la réponse initiale de la personne interrogée est que la peine n'est pas assez sévère. Lorsque la personne interrogée dispose de plus d'information, ne serait-ce qu'un paragraphe, sur le délinquant et la nature de l'infraction, elle est en général plus favorable à des peines proportionnelles, qui vont d'une peine très faible dans certains cas, lorsqu'il existe de nombreux facteurs atténuants et peu de facteurs aggravants, jusqu'aux infractions les plus graves.
    Êtes-vous en train de me dire que le système actuel fonctionne bien? Est-ce bien cela que vous dites?
    Pas du tout. Ce n'est pas...
    Alors pouvez-vous me proposer des mesures législatives? J'aimerais bien les examiner et peut-être nous les ferons adopter.
    M. Thompson, je regrette, mais votre temps de parole est écoulé.
    C'est là que je veux en venir et je n'ai pas eu de réponse.
    Mme Parkes, vous pourrez peut-être revenir sur cet aspect lorsque vous répondrez à une autre question.
    M. Bagnell.
    Je vais simplement résumer ce que Mme Parkes vient de dire.
    Les réticences que vous avez exprimées sur ce point viennent du fait que — à la différence de ce que dit M. Thompson — le public n'est pas en faveur des peines obligatoires. Lorsque les gens prennent connaissance des faits, si vous regardez à la page 14 de votre mémoire, vous voyez qu'il n'y a que 17 p. 100 de la population qui est en faveur de ces peines. Je suis donc d'accord avec vous là-dessus.
    Si vous ne voulez pas faire ce que souhaite 83 p. 100 de la population, c'est très bien.
    Ma question suivante s'adresse à la Société Elizabeth Fry. L'Australie, le territoire du nord, a abandonné les peines obligatoires ou y a renoncé, parce qu'elles avaient pour effet d'exacerber le problème que posait le fait d'avoir un nombre disproportionné d'aborigènes en prison. Pensez-vous que si ce projet de loi était adopté, il exacerberait le problème qui constitue le fait que nous avons un nombre disproportionné d'Autochtones en prison au Canada? Est-ce que cela donnerait une situation encore plus déséquilibrée que celle qui existe actuellement, ou est-ce qu'elle exacerberait au moins autant le problème?
    Il est difficile de faire des hypothèses, mais si l'on se base sur ce qui s'est passé aux États-Unis et en Australie, je dirais que cela exacerberait certainement la situation actuelle mais également pour les jeunes afro-canadiens, en particulier. Je crois que vous allez bientôt rencontrer la African Canadian Legal Clinic. Ses membres en savent certainement beaucoup plus que moi et que notre organisation sur ce sujet, mais ils ont fait de la recherche importante sur les répercussions que cette mesure pourrait avoir sur leur collectivité. Et j'estime, en me fondant sur le rapport de la Commission ontarienne sur le racisme systémique, que nous allons probablement voir dans les prisons une augmentation du nombre des jeunes afro-canadiens, en particulier.
    Merci.
    M. Woods, je suis habituellement d'accord avec M. Ménard, et c'est peut-être parce qu'il aime beaucoup travailler en équipe, mais je n'approuve pas les commentaires qu'il a faits au sujet de votre témoignage. Je pense que vous êtes un des meilleurs témoins que nous ayons jamais eu, parce qu'il est très rare que nous entendions des témoins capables d'aborder les deux côtés d'une question. Vous m'avez fourni plusieurs excellentes raisons que je ne connaissais pas d'être contre le projet de loi, lorsque vous avez parlé des choses qui pouvaient se produire, des problèmes qui pouvaient surgir, avec l'augmentation du nombre de détenus. C'est pourquoi j'ai apprécié vos commentaires détaillés.
    Vous avez également parlé de l'appui qu'accordaient les Sociétés Elizabeth Fry dans le domaine de l'intervention précoce et de la prévention de la criminalité, comme l'ont fait M. Thompson et M. Harper. J'espère que vous allez inciter M. Harper à demander aux ministères d'approuver les projets axés sur la prévention de la criminalité parce que, comme vous l'avez dit, ce sont d'excellents projets et cet été, ils ont tous été suspendus. J'ai essayé de faire approuver un certain nombre de projets mais le ministère refuse de le faire; ces projets sont en suspens... et cela nous aiderait tous. Nous ne serions pas obligés de présenter des projets de loi comme celui-ci, qui ne donneront pas nécessairement les résultats escomptés.
    J'ai été content de vous entendre également parler des causes profondes du crime et de l'importance de s'y attaquer. Le chef du service de police de Toronto a fait les manchettes il y a quelques semaines, parce qu'il avait dit, au sujet des problèmes de meurtre à Toronto, qu'il fallait s'attaquer aux causes profondes du phénomène. Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage. Cela me paraît être un aspect très important et je suis d'accord avec vous sur ce point.
(1620)
    Nous avons identifié certaines causes profondes, mais j'aimerais replacer cette notion dans son contexte, en faisant référence à nouveau à la stratégie de la réduction de la criminalité. Le volet policier de la stratégie de réduction de la criminalité consiste à appliquer la loi de façon rigoureuse.
    Nous identifions les victimes et nous travaillons avec elles pour les aider à s'adapter à leur environnement et à réduire leur victimisation. Nous identifions les criminels et c'est là que nous avons établi un partenariat, et que nous travaillons avec le Service correctionnel du Canada et les services de probation. Nous centrons notre action sur certains criminels, les multirécidivistes qui commettent la plupart des infractions. Nous les suivons jusqu'à ce que nous les prenions en train de commettre une autre infraction et nous les traduisons de nouveau devant les tribunaux.
    Nous nous intéressons également à certains endroits. Nous identifions les lieux à risque, qui peuvent être aussi réduits que la porte d'entrée d'un centre commercial, ou une intersection, ou un quartier, et nous le surveillons jusqu'à ce que nous ayons attrapé le méchant et l'ayons traduit devant les tribunaux. C'est la ligne dure; c'est le volet application de la loi qui ne fait que traduire les gens devant les tribunaux.
    Il faut qu'il existe également un mécanisme qui s'occupe des personnes sur le plan des causes fondamentales. Je peux vous donner une liste des causes fondamentales. Les facteurs individuels ou familiaux comprennent la consommation précoce de drogue, un comportement antisocial, hostile ou agressif, l'isolement social ou le manque de relations sociales, les antécédents familiaux de violence de gangs ou de participation à des gangs; la négligence des parents, les problèmes de structure familiale, la faiblesse des résultats scolaires, le décrochage ou l'école buissonnière, le chômage, le sous-emploi, les possibilités d'emploi réduites.
    Si l'on passe aux facteurs socio-économiques et communautaires, il y les bouleversements sociaux, la pauvreté, l'inégalité des revenus, le racisme et la dissémination de la culture de gang.
    Il y a également un autre volet, ce sont les médias. Les médias glorifient le style de vie des gangs et facilitent l'adoption de leurs codes linguistiques et de leurs styles d'habillement. Vous les voyez et ces habitudes deviennent populaires. Vos enfants portent peut-être des vêtements qu'ils ont vu glorifier dans la collectivité et dans les médias. Tous les membres des gangs sont présentés de la même façon, sans tenir compte de la diversité de leurs membres, et on décrit surtout les actions violentes des membres de gangs. Je vous dirais très franchement, que les membres des gangs en particulier, qui sont jeunes et souvent immatures, aiment beaucoup l'attention que leur accordent les médias. Pour toutes ces raisons, il faut donc agir au niveau des causes pour lutter contre la criminalité.
    La plus grande innovation de la stratégie de réduction de la criminalité — et nous en avons élaboré une bonne partie de façon ponctuelle pendant des années et grâce aux partenariats que nous avons établis — est qu'elle constitue un modèle global mieux centré. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons de nombreux partenaires dans la collectivité qui peuvent nous aider à mettre en oeuvre ce processus. Il faut qu'il existe au niveau de la collectivité un comité auquel les éducateurs peuvent référer les enfants en difficulté avant qu'ils ne commettent une infraction, pour atténuer l'influence de la situation dans laquelle vivent ces enfants.
    Si nous n'intervenons pas rapidement, ou si notre première intervention est un échec et que l'enfant est traduit devant les tribunaux parce qu'il a commis une infraction, alors il faut centrer notre action sur certains endroits, la centrer sur le criminel et sur la victime. Nous faisons passer cette personne devant les tribunaux ou nous prenons une mesure de déjudiciarisation à son égard. Il faut qu'il y ait une structure en mesure de s'en occuper. Qu'allons-nous faire avec ce jeune de 14 ou 15 ans dans certains cas, ou avec cette personne de 25 ans?
    Si nous pouvons résoudre en partie les problèmes qui l'ont placé dans cet environnement — comme la pauvreté, comme le racisme, comme le désespoir — si ce comité peut fournir ce genre d'aide, nous n'allons pas nous occuper de tout le monde, nous n'allons pas résoudre tous les problèmes, mais nous réussirons peut-être à en résoudre quelques-uns. Nous les prenons en charge et essayons de leur faire adopter un style de vie acceptable pour ne plus avoir à nous en occuper.
    Le 3 p. 100 des délinquants qui continuent à commettre toutes ces infractions et à retourner devant les tribunaux continueront à le faire s'il n'y a pas d'intervention.
(1625)
    Merci, M. Woods. Merci, M. Bagnell.
    M. Lemay.

[Français]

    J'ai écouté les commentaires attentivement. Je vous remercie d'être présents. J'ai des questions assez précises.
    Monsieur Woods, la GRC a-t-elle évalué les coûts additionnels qu'entraînerait l'application du projet de loi C-10?
    Non, pas du tout.
    Comment feriez-vous si le projet de loi entrait en vigueur aujourd'hui? Dans votre dernier paragraphe, il est écrit ceci:
Cette réforme touchera surtout l'administration de la justice, à l'échelle provinciale ou territoriale. S'il y a davantage de procès, les services de police partout au pays verront leurs ressources lourdement sollicitées par tout Ie travail que cela nécessite en amont.
     Comme vous le savez, il y aura beaucoup plus de procès. Je vous affirme qu'il va y avoir plus de procès, mais comment pouvez-vous affirmer que les ressources seront lourdement sollicitées si vous n'avez pas fait d'évaluation des coûts potentiels de la mise en place d'un tel projet de loi?

[Traduction]

    Comme vous l'avez dit, il y aura davantage de procès. Lorsqu'il y a davantage de procès, les policiers doivent comparaître en cour pour témoigner et il y aura davantage de policiers devant les tribunaux que dans la rue. S'ils sont en cours, ces ressources seront utilisées sur une base horaire...

[Français]

    Oui, mais ma question, monsieur Woods, est plus précise que cela. Je ne doute pas que la traduction soit extraordinaire, mais avez-vous fait des évaluations? Il va y avoir plus de procès. Des représentants du Service correctionnel du Canada nous ont dit qu'ils avaient fait des évaluations et que cela leur coûterait à peu près quelques millions de dollars. Si ce projet de loi entrait en vigueur demain matin, sauriez-vous combien cela pourrait vous coûter de plus en hommes? Quand je dis « en hommes », vous comprenez que cela veut aussi dire « en femmes » car je pense que vous commencez à avoir beaucoup de policières. Combien vous en faudrait-il de plus, à peu près?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, nous n'avons pas effectué ce genre d'analyse. Il faudrait étudier le processus pour savoir à combien s'élèveraient les coûts supplémentaires.

[Français]

    Madame Pate, je vous remercie de votre mémoire, que j'apprécie beaucoup. Allons à la page 7 de votre mémoire. Vous pouvez prendre la version anglaise, puisque vous êtes plus à l'aise en anglais. J'attire votre attention sur le troisième paragraphe, qui porte sur la question autochtone, ce qui nous préoccupe beaucoup. On peut lire, et je cite:
De plus, les tendances actuelles laissent pressentir que l’influence continue de l’imposition de peines minimales obligatoires en faveur de l’incarcération excessive des groupes discriminés en raison de leur race, en particulier les Autochtones.
    Pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par cette phrase? Le bon ministre de la justice, l'extraordinaire Vic Toews, nous a dit qu'il n'y aura pas plus d'Autochtones en détention. La proportion n'augmentera pas; ce sera probablement similaire. Selon vous, il va y avoir une augmentation des Autochtones en détention. Pouvez-vous m'expliquer cela?
(1630)

[Traduction]

    Je suis en fait très surprise d'entendre que c'est le chiffre qui a été présenté, parce que le Service correctionnel du Canada — et pas le ministère de la Justice — a prévu qu'en 2017, le nombre de jeunes Autochtones serait supérieur à celui de la plupart des autres groupes de...

[Français]

    Excusez-moi.

[Traduction]

    M. Lemay, votre temps est écoulé, mais si vous permettez à Mme Pate de répondre à la question...

[Français]

    Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement. Je voudrais que madame parle plus lentement pour laisser suffisamment de temps aux interprètes parce que les chiffres qu'elle nous donne sont très importants. C'est tout ce que je voulais demander.

[Traduction]

    Ce sera fait.
    Très bien. Excuse me.
    Il y a deux grands facteurs. Je suis désolée que notre mémoire ne soit pas suffisamment clair. Il y a l'arrêt Gladue qui prévoyait des mécanismes supplémentaires qui devaient être utilisés pour les prisonniers autochtones, comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada. Les peines minimales obligatoires ne permettront pas d'utiliser ces mécanismes. En voilà un.
    Deuxièmement, à cause des changements démographiques que connaît notre pays, avec l'augmentation du nombre de jeunes Autochtones — c'est la population qui croît le plus rapidement, en particulier dans les provinces des Prairies — pour répondre aux commentaires qui viennent d'être faits, les discussions très importantes qu'ont eues certains précurseurs, comme les questions de statut socio-économique qui amène les gens à se décourager, en particulier les jeunes qui n'ont pas la capacité d'apporter quelque chose à la collectivité et n'ont pas le sentiment d'en faire partie, le racisme, les problèmes qui continuent à toucher les collectivités autochtones de ce pays... Le Service correctionnel du Canada a déjà prévu que le nombre des jeunes Autochtones dans le système continuerait d'augmenter.
    Auparavant, avec le système de justice pour les jeunes qui était en vigueur depuis 15 ou 20 ans, lorsque le jeune était pris en charge par le système pour adultes, son dossier de jeune délinquant ne le suivait pas. Maintenant, son dossier le suit. Nous constatons que les jeunes passent beaucoup plus rapidement dans le système pour adultes. Ce ne sont pas les 2 ou 3 p. 100 de délinquants dont parlait M. Woods, mais un nombre impressionnant de personnes qui ont commis, pour la plupart, des infractions reliées à la pauvreté.
    Merci, Monsieur Lemay.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Kim Pate ou à Mme Debra Parkes.
    Dans votre rapport, vous expliquez qu'il y a des infractions avec des peines minimales, par exemple pour conduite avec facultés affaiblies. À ce que je sache, lorsqu'une personne est accusée et reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies et que le juge applique la peine minimale à un Blanc, un Autochtone, un Noir, un hétérosexuel, un homosexuel, il n'y a pas de discrimination. Que me répondez-vous?

[Traduction]

    Je peux vous répondre. Excusez-moi, mais mon français n'est pas très bon; je vais donc vous répondre en anglais.
    L'idée selon laquelle une peine minimale obligatoire assure « l'égalité » — et je mets là des guillemets parce que c'est une version simpliste de l'égalité. Il faut en fait tenir compte de la situation de la personne concernée. Une peine minimale obligatoire ne permet pas de tenir compte de cette situation. Lorsqu'on parle de peine, on parle de proportionnalité et des circonstances touchant la personne et l'infraction. Si on impose une peine minimale obligatoire dans tous les cas, on ne peut pas prendre en considération ces différents aspects. Cette approche ne permet pas une égalité réelle.
(1635)

[Français]

    Vous êtes avocate, je crois. Le taux d'alcool de 0,08 gramme par décilitre de sang est le même pour une personne de race noire, de race blanche ou un Autochtone. Y a-t-il une différence selon le Code criminel? Il s'agit d'une peine minimale. Si on dépasse 0,08 gramme par décilitre de sang, on est coupable. Une bouteille d'alcool pour un Blanc, un Noir ou un Autochtone est toujours la même, que je sache. La peine minimale n'est-elle pas justement une mesure équitable en ce qui a trait au sexe, à la race, à la couleur, etc.? Me dites-vous que certains groupes boivent plus que d'autres?

[Traduction]

    Si l'on obtenait l'égalité grâce au chiffre de 0,08 p. 100, alors je dirais que cet argument serait plus fort. Lorsqu'on examine les peines minimales obligatoires pour la conduire en état d'ivresse, par exemple, on constate que, selon les études, ce sont les activités d'éducation publique qui ont donné les meilleurs résultats. Cette étude montre que les personnes qui sont arrêtées sont, pour la plupart, celles qui n'ont pas les moyens de prendre un taxi et n'ont pas suffisamment d'argent pour participer à des programmes d'intervention coûteux. Celles qui essaient d'être admises dans des programmes de traitement de la toxicomanie ces jours-ci doivent attendre de quatre à cinq mois.
    La réalité est que l'inégalité est causée par toutes sortes de facteurs. Il ne suffit pas de constater que la peine est appliquée de façon égale, alors que tous les autres aspects de l'intervention précoce pour les personnes qui cherchent un soutien pour éviter d'avoir à conduire... Ce sont là tous des facteurs qui expliquent ces inégalités.

[Français]

    J'aimerais vous poser une dernière question, madame Pate. Je ne sais pas si vous connaissez Montréal, mais je vais vous expliquer ce qui s'y passe présentement. Il y a présentement des gangs de rues. Dans un de vos documents, il est écrit que des Afro-Canadiens — dans ce cas, il s'agit d'Haïtiens — sont impliqués dans ces gangs de rues. Ils contrôlent le commerce de la drogue, la prostitution et le trafic des armes à feu. Vous n'avez qu'à lire le livre de Mme Mourani, une députée du Bloc québécois, et vous allez comprendre ce qu'est Montréal présentement.
    Je vous pose cette question parce que, naturellement, vous dites qu'il va y avoir une surreprésentation d'Haïtiens en prison. Je comprends, il n'y a qu'eux dans les gangs présentement. Auparavant, il y a eu les Hells Angels et les Italo-Canadiens. Vous dites qu'on va cibler les pauvres Haïtiens. Je comprends, il n'y a qu'eux présentement. Peut-être que plus tard ce sera des Jamaïcains ou des Chinois, je ne le sais pas. J'essaie de comprendre. Vous invoquez le racisme. Vous dites que les petits Blancs visent uniquement les Afro-Canadiens, ou les Haïtiens dans ce cas-ci. Pour vous, cet argument justifie qu'on n'impose pas de peine minimale. J'essaie de comprendre votre logique.
    N'ayez pas peur, je ne crie pas et je ne suis pas en colère, loin de là. J'essaie simplement de comprendre votre argument. C'est vous qui l'avez proposé, pas moi. J'essaie de vous suivre parce que nous, les membres du comité, devrons faire des recommandations. Merci.

[Traduction]

    Si nous étions uniquement en train de parler des gens qui participent au crime organisé et aux adultes qui participent au crime organisé, nous aurions peut-être une discussion différente. Mais nous savons que ces lois ne s'appliquent pas seulement à ces personnes. Ces lois s'appliquent à tout le monde. Ceux qui réfléchissent à la peine — et je dirais que cela ne concerne pas les détenus ordinaires que j'ai vus, qu'il s'agisse de détenus adultes, de jeunes détenus, ou depuis 15 ans, de femmes — savent que ce sont eux qui en subiront les conséquences. Ce sont eux qui feront l'objet de ces peines. Ce ne seront certainement pas les personnes qui financent les programmes qui nous paraissent utiles. Si c'est bien là l'argument, je dirais que c'est un mauvais argument, parce que cela ne permet pas de s'occuper des personnes dont la situation est problématique.
    En centrant notre action sur ce genre d'approche, on utilise les ressources qui pourraient aider les personnes qui sont attirées par ce style de vie parce qu'elles n'ont pratiquement pas d'autres possibilités, qu'elles se trouvent à Montréal, à Toronto, dans le nord de la Saskatchewan, de Winnipeg, ou ailleurs.
(1640)
    Merci, M. Petit.
    M. Woods, j'aimerais vous poser une question puisque vous avez fourni des renseignements au sujet de ce projet de loi particulier. Il y a déjà une peine minimale pour l'utilisation d'une arme à feu au cours de la perpétration de certaines infractions. Cette peine est de quatre ans, je crois, pour certaines infractions. Est-ce bien exact?
    Il faudrait que je vérifie.
    Vous ne savez pas si l'utilisation d'une arme à feu entraîne une peine minimale?
    Oui, il y a des peines minimales.
    Avez-vous fait une étude ou un travail sur le nombre d'inculpations portées lorsqu'une arme à feu a été utilisée, et sur le nombre d'inculpations qui ont été retirées? Quels sont ces pourcentages?
    Je ne l'ai pas fait personnellement. J'ai des statistiques avec moi. Il y a peut-être celles que vous cherchez.
    J'ai les infractions relatives aux armes pour 2003, 2004 et 2005.
    Je ne parle pas des déclarations de culpabilité. Je parle du nombre des accusations qui ont été portées lorsqu'il y a eu utilisation d'une arme à feu et du nombre d'affaires dans lesquelles ces inculpations ont été retirées.
    Je n'ai pas fait de recherche sur cette question.
    Vous ne l'avez pas fait.
    Merci.
    M. Lee.
    Puis-je demander à nos attachés de recherche de regarder, aujourd'hui ou plus tard, s'il existe dans le Code criminel une peine minimale obligatoire de quatre ans d'emprisonnement pour les infractions reliées aux armes à feu?
    Selon l'article 344 du code, par exemple, le vol qualifié avec une arme à feu est passible d'une peine minimale s'il y a utilisation d'une arme à feu.
    Quatre ans?
    Oui.
    Merci.
    Le terme « neutralisation » a été mentionné dans la discussion que nous venons d'avoir. Il est intéressant de constater comment la terminologie évolue, parce que le citoyen moyen qui me parlerait de cela me dirait: « Eh bien, si le gars est un criminel endurci, alors il faut l'enfermer. » C'est ce qu'est essentiellement la neutralisation. Ce n'est pas la dissuasion, parce que nous avons reçu toutes sortes d'information sur la dissuasion, au point où je ne sais plus très bien si les peines sévères ont un effet dissuasif.
    Il y a donc cette neutralisation et il serait agréable de pouvoir identifier ces personnes, comme on le faisait au temps d'Oliver Twist ou dans Les Misérables, où l'on pouvait dire, « Voilà les méchants. Voilà les criminels et tous les autres sont de bons citoyens. » On pourrait alors neutraliser tous les méchants.
    Mais il y a des criminels un peu partout de nos jours, même au Parlement. J'ai eu un collègue qui a été déclaré coupable il y a 40 ou 50 ans de vol qualifié. M. Thompson avait un collègue qui a été déclaré coupable d'une infraction sexuelle très grave. Il y a de temps en temps un criminel que l'on retrouve dans la police ou même dans une église. Les choses ne sont donc plus aussi simples.
    Les juges doivent imposer des peines, tant aux jeunes qu'aux personnes âgées. Je suis sûr que si une personne de 90 ans se retrouvait dans une situation délicate, parce qu'elle avait utilisé une arme à feu, le juge serait très heureux de lui infliger une peine minimale obligatoire.
    Je dois reconnaître que les policiers du service de police local m'ont déjà dit: « J'aimerais bien mettre certains de ces gars en-dedans. S'ils étaient en dedans pendant un certain temps, ils ne seraient pas dans la rue. » C'est habituellement un « il ». Existe-t-il des études sur toute cette notion de neutralisation et de son effet sur la criminalité? Quelqu'un a-t-il essayé, que ce soit du point de vue de la Société Elizabeth Fry ou de celui de la GRC, cette notion de neutralisation? Est-ce que cela pourrait être efficace, tout en sachant qu'il n'est pas possible de neutraliser quelqu'un indéfiniment et que ces personnes se retrouvent à un moment donné dans la rue? A-t-on déjà calculé les répercussions financières de la neutralisation?
    Pas que je sache. Cela a peut-être été fait ailleurs.
    D'après mon expérience personnelle, la neutralisation donne des résultats. Lorsqu'un délinquant est en prison, il ne peut pas commettre d'infractions. Si l'on pouvait identifier, comme vous dites, les délinquants les plus actifs et les garder en prison le plus longtemps possible, cela aurait un effet important sur la criminalité. La difficulté consiste à identifier les criminels les plus actifs. Si vous mettez en prison des délinquants qui ne sont pas très actifs, l'effet sur la criminalité est beaucoup plus faible et beaucoup moins efficace. Pour être vraiment rentable, la neutralisation doit viser les délinquants multirécidivistes, mais elle donne des résultats.
(1645)
    Mais de nos jours, il faut avoir un casier long comme le bras pour être qualifié de multirécidiviste. C'est du moins ce que j'ai vu. Pour les trois premières infractions, si elles sont, disons, ordinaires, le juge vous envoie en prison, mais certainement pas pour cinq ans. Ce genre de peine n'a guère d'effet neutralisant.
    Si vous me le permettez, lorsqu'on parle du processus judiciaire, il faut savoir qu'on présente maintenant au tribunal la déclaration de la victime. Il est peut-être temps de présenter au tribunal une déclaration de la communauté, dont le juge tiendrait compte pour prononcer la peine. On pourrait s'en servir pour identifier ceux qui doivent aller en prison et pour combien de temps.
    Nous savons bien sûr — et je crois que vous y avez déjà fait allusion, M. Woods — que si l'on place quelqu'un en prison pendant une longue période, cette personne va s'habituer à l'environnement carcéral. Cela constitue un gros désavantage sur le plan social. Les prisons sont les écoles du crime. Cette perspective est certainement intégrée à votre initiative de prévention de la criminalité, mais je demande si cet aspect a déjà été étudié? Avez-vous trouvé des éléments qui nous permettraient de mesurer les effets négatifs d'une incarcération prolongée ou du facteur école du crime?
    Il existe des éléments qui montrent que cela se produit. En particulier dans le cas des jeunes, ils apprennent, au cours de leur premier ou de leur deuxième séjour en prison, leur métier auprès des experts qu'ils rencontrent en prison. Ils élargissent leur réseau de contacts. En fait, nous avons constaté une augmentation dans les régions du Canada où se trouvent les gangs. Cela vient du fait que les jeunes vont en prison, s'associent à des membres d'un gang et ramènent leur mode de fonctionnement dans leurs collectivités et créent à leur tour des mini-gangs. Il est évident qu'ils apprennent des choses et élargissent leurs réseaux pendant qu'ils sont en prison. C'est pourquoi il est si important d'essayer d'intervenir pour qu'ils ne retournent pas en prison, ou pour leur donner un peu d'espoir lorsqu'il n'y en a plus.
    Merci, M. Lee.
    Mme Pate.
    Merci d'avoir posé cette question. Cela fait un moment que je n'ai pas travaillé dans la collectivité avec la police, mais j'ai déjà travaillé comme bénévole pour la police et aussi pour la GRC.
    Une des initiatives auxquelles vous avez, je crois, fait allusion, consiste à concentrer les efforts sur les personnes qui paraissent causer le plus de problème. Je me souviens qu'à l'époque où je travaillais avec le service de police de Calgary en particulier, on avait mis sur pied un groupe qui examinait la participation des jeunes. Les membres de ce groupe avaient évalué que pour loger les jeunes qui étaient envoyés en prison, on avait besoin de moins — je crois — de 5 p. 100 des lits des établissements de détention pour adolescents. Pour en arriver à ce résultat, il fallait faire sortir les jeunes, libérer les autres, et disposer de services communautaires et de bons services de soutien pour ces jeunes. Il est possible qu'il reste encore quelques documents qui traitent de l'ancien SHOCAP, comme on l'appelait à l'époque, le serious habitual offender comprehensive action program (programme d'action globale visant les délinquants d'habitude). Ces documents vous intéresseraient peut-être, ceux de Calgary. Je pense que cette équipe travaillait en collaboration avec d'autres groupes. Le Conseil national de prévention du crime a aussi fait de la recherche sur cette question, en se fondant sur l'étude RAND effectuée aux États-Unis, une étude comparable sur les coûts à long terme de l'emprisonnement par rapport à la prévention du crime et des autres programmes de soutien.
    Je vous invite également à examiner certains documents dont nous parlons dans notre mémoire et qui traitent des répercussions des compressions effectuées dans ces autres domaines, et de leur effet à long terme sur les personnes atteintes de troubles mentaux qui se retrouvent en prison. Les problèmes que vous avez mentionnés se sont non seulement concrétisés, mais nous constatons aujourd'hui que les personnes que l'on incarcère dans nos prisons ne réussissent plus à en sortir.
    Le détenu qui hurle et jure parce qu'il souffre de troubles mentaux est considéré parfois comme un problème dans le milieu carcéral et il se retrouve confiné dans des locaux à sécurité maximum, et accumule bien souvent les accusations. Il y a des gens qui purgent, en prison, des peines très courtes, mais qui finissent par accumuler toutes sortes d'accusations une fois en prison. Nous nous occupons, à l'heure actuelle, d'une jeune autochtone qui purgeait une peine de trois ans et qui, maintenant, a été condamnée à 22 ans et demi de prison. Elle n'est pas dangereuse pour la population. Il n'y a personne dans la collectivité qui penserait qu'elle constitue une menace. Mais oui, elle représente un danger pour elle-même, pour les autres détenues, et certains membres du personnel avec qui elle travaille. Et pourtant, presque tout le monde reconnaît que la plupart de ces personnes ne devraient même pas se trouver en prison et que si elles s'y retrouvent, c'est parce qu'il y a eu des compressions dans tous les autres services.
    Je vous invite à examiner certains modèles de remise en liberté qui visent les membres de groupes particuliers. Jerry Miller, qui était à l'époque — je ne me souviens plus s'il était ministre ou sous-ministre du service correctionnel pour les jeunes de l'État du Massachussetts, a pratiquement libéré tous les jeunes hommes de cet État lorsqu'il était responsable du service correctionnel. Il a écrit un livre intitulé Last One over the Wall (Le dernier à sortir). Il est venu au Canada travailler sur les questions reliées à la justice pour les jeunes. D'après lui, son erreur a été de libérer ces jeunes sans disposer de ressources communautaires pour les accueillir, parce que, finalement, les seuls jeunes qui ont récidivé étaient ceux qui n'avaient au départ aucun soutien dans la collectivité.
(1650)
    Merci, Mme Pate.
    Je mentionne à titre d'information pour le comité, qu'il existe, à l'heure actuelle, des peines minimales obligatoires pour les infractions suivantes: tentative de meurtre, fait de décharger une arme à feu avec intention, agression sexuelle armée, agression sexuelle grave, enlèvement, prise d'otage, vol qualifié et extorsion. Ce sont les infractions actuelles qui prévoient une peine minimale obligatoire d'emprisonnement de quatre ans lorsqu'elles sont commises à l'aide d'une arme à feu.
    M. Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui. J'ai apprécié vos témoignages.
    J'ai pris note de votre suggestion au sujet des déclarations de la collectivité. Je pense que, lorsqu'un crime grave est commis dans la collectivité, nous en entendons tous parler, à titre de député; je sais que c'est le cas pour moi. Lorsqu'il arrive quelque chose, lorsqu'un certain nombre de gens sont victimisés par des crimes avec violence ou par des vols, cela a certainement des répercussions sur la collectivité. Mais il arrive parfois que la collectivité, et même aussi les victimes, n'aient pas leur mot à dire, c'est pourquoi j'ai pris note de votre suggestion.
    Nous avons également beaucoup parlé de prévention et de ressources. Ces aspects sont, je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus, très importants. Je le reconnais. Nous allons fournir des fonds pour embaucher 2 500 nouveaux policiers municipaux et 1 000 nouveaux membres de la GRC. C'est une mesure parmi d'autres et cela relève du gouvernement. Nous avons fait ce qu'il fallait pour faciliter l'application de la loi sur le terrain. Mais ce projet de loi traite de ce qui se passe lorsque quelqu'un a commis une infraction.
    Nous pourrions discuter longtemps et dire qu'il faut travailler avec les jeunes en danger, qu'il faut fournir davantage de ressources à la police. J'approuve toutes ces choses. Lorsque la conversation s'oriente sur ces sujets, je pense que nous perdons de vue le but recherché avec le projet de loi qui nous a été soumis. Ce projet de loi prévoit des peines très précises pour certaines infractions. Je les qualifierais d'infractions très graves, pour la plupart, et elles comprennent certaines infractions commises à l'aide d'une arme à feu.
    J'aimerais entendre ce que la GRC a à dire sur ce sujet. On nous dit qu'il est impossible de dissuader les gens de commettre des infractions, que peu importe la sévérité des peines, elles ne dissuadent personne. Personnellement, je rejette catégoriquement cet argument. Je sais, en me basant sur le bon sens, sur les choses que nous disent les contrevenants, et sur les autres témoins que nous avons entendus, qu'une peine sévère a un effet dissuasif plus important qu'une peine légère.
    Pourriez-vous nous parler du recours aux gangs de jeunes pour commettre des infractions — c.-à-d., infractions relatives aux biens, introduction par effraction, vol d'automobile — pour la simple raison que les criminels savent que les jeunes contrevenants qui commettent des infractions ne risquent pas des peines aussi graves qu'une personne adulte? Cela arrive-t-il? Si c'est le cas, est-ce en partie parce que les peines n'ont pas un effet dissuasif suffisant?
(1655)
    Cela arrive. Il y a des adultes qui utilisent des jeunes contrevenants parce que ceux-ci ne sont pas punis aussi sévèrement que les adultes.
    La question de la dissuasion est complexe. Le principal facteur dissuasif est le risque d'être pris, et non pas la peine elle-même. Certaines études montrent que le citoyen ordinaire a peur d'être pris par la police, de sorte que si l'on augmente le nombre de policiers dans la collectivité, cela a un effet positif sur le niveau de la criminalité. La plupart des gens ne savent même pas qu'elle est la peine qui pourrait leur être imposée s'ils commettent un certain crime; c'est juste le fait d'être arrêté.
    On peut dire que les peines minimales obligatoires ont un aspect positif, dans la mesure où la discussion à leur sujet va certainement sensibiliser la collectivité à la question des peines. Nous avons parlé de rendre les peines plus sévères et la collectivité en général va en entendre parler.
    Je suis d'accord avec vous, je pense qu'il faut envoyer ce message. Nous l'avons vu plus précisément à Toronto, où il y a des gangs violents qui utilisent les armes à feu. C'est le principal objectif que recherche le projet de loi, viser les gangs et les personnes qui utilisent des armes à feu pour commettre des infractions. Nous avons constaté qu'il s'agissait de récidivistes. Nous avons constaté que certaines personnes commettaient la plupart des infractions dans certaines collectivités. C'est pourquoi, je pense, que cette déclaration de la collectivité pourrait être utile.
    À l'époque, tous les partis politiques — y compris les libéraux et le NPD, mais pas le Bloc — demandaient que l'on impose des peines minimales obligatoires plus sévères. On ne le penserait pas à entendre les questions qu'ils posent; on ne saurait pas qu'ils demandaient des peines qui étaient en fait plus sévères que celles que prévoit ce projet de loi. Mais je vais en rester là et je ne vais pas m'appesantir sur cet aspect.
    Vous avez parlé des 3 p. 100 de délinquants qui récidivaient. J'aimerais que vous me disiez si ce projet de loi aura un effet sur ce problème puisqu'il prévoit des peines de plus en plus graves. Pour la première infraction, la peine minimale obligatoire est plus faible que pour une deuxième ou une troisième infraction. La peine est plus sévère en cas de récidive, ce qui diffère de ce que proposaient les autres.
    Pouvez-vous nous parler un peu de cela, de l'échelle des peines, et même faire quelques commentaires sur ce 3 p. 100? Comment peut-on interagir avec eux? Qu'est-ce qui leur passe par la tête, si je peux m'exprimer ainsi?
    Ce 3 p. 100, en particulier dans les gangs de jeunes, sont extrêmement antisociaux. Pour cette raison et pour un certain nombre d'autres raisons, les peines obligatoires ne vont pas avoir un effet positif sur leur attitude. Comme je l'ai dit plus tôt, le temps passé en prison représente un rite. Les médias glorifient ce qu'ils font.
    L'effet positif des peines obligatoires vient de leur volet neutralisation.
    Je parlais à un policier d'une grande ville qui m'a dit que son service de police avait lancé une initiative importante centrée sur une collectivité qui connaissait de graves problèmes de gang. Il s'agit qui étaient les contrevenants. Grâce à cette action, au cours de laquelle ils ont emprisonné les membres de ces gangs, le nombre des homicides commis dans ce secteur, qu'il était possible de mesurer, est tombé à zéro. Il y avait dans cette collectivité des gangs et de la violence associée aux armes à feu et tout s'est arrêté.
    Il s'agit donc là d'un des effets de ce projet de loi. La personne qui commet une infraction, qui utilise une arme pour agresser quelqu'un, qui utilise une arme à feu pour commettre une infraction reliée à un gang, cette personne va aller en prison. Si elle récidive, elle va recevoir une peine de prison plus longue; et si elle récidive encore, cette peine sera encore allongée. La personne qui ne comprend pas ce message la deuxième, la troisième ou la quatrième fois — au sujet de ce que fait la Société Elizabeth Fry et le reste — alors elle ne comprend pas les autres messages, qu'ils dépendent des ressources ou non.
    Il faut faire savoir, à un moment donné, à la population que nous accordons de la valeur aux vies humaines qui pourraient être sacrifiées à cause des fusillades, que nous accordons de l'importance aux biens des citoyens et que la sécurité est également importante pour nous. Lorsque quelqu'un utilise plusieurs fois une arme à feu pour commettre une infraction, il faut bien qu'un moment donné on s'occupe de protéger la société. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi prévoit des peines progressives. La première fois, la peine n'est pas très grave; par contre, la deuxième et la troisième fois, la peine est plus sévère.
(1700)
    Merci, M. Moore. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.
    M. Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai lu les mémoires de la Société Elizabeth Fry et j'approuve la plupart des choses qui s'y trouvent et c'est pourquoi je ne vais peut-être pas leur poser autant de questions que je vais en poser au représentant de la GRC.
    Avez-vous encore le titre de surintendant?
    Surintendant principal.
    J'ai connu le surintendant principal Woods dans une autre vie. Je ne sais pas si je suis en situation de conflit, dans la mesure où j'étais membre du comité qui l'a embauché pour le détachement de la GRC de Codiac. Je sais toutefois qu'il a une grande expérience du travail communautaire, et qu'étant donné qu'il est le policier le plus haut gradé de la GRC...

[Français]

    Il y a un conflit d'intérêts.

[Traduction]

    Pensez-vous? Il faudrait plutôt parler de communauté d'intérêt, parce que c'est un gars extraordinaire et je pense que nous avons pris une excellente décision — voilà ce que j'avais à dire.
    Je sais que vous avez de l'expérience dans les aspects qui touchent les collectivités. J'ai entendu ce que vous avez dit — c'est un exposé très logique et j'ai lu votre résumé d'une page — au sujet de savoir si les membres de la collectivité vont comprendre que ces nouvelles dispositions ont un effet dissuasif général. Je pense que les gens de Moncton — Riverview — Dieppe le comprendront.
    Cependant, j'ai également compris que vous disiez que l'effet dissuasif ne dépend pas tant de l'aspect qu'a signalé M. Lee, à savoir que les criminels ordinaires connaissent toutes les subtilités du Code criminel et les peines qu'ils encourent, que de la crainte d'être arrêté, aspect qui concerne les ressources. Je comprends cela.
    M. Moore a fait remarquer, à juste titre, que le code prévoit des peines minimales obligatoires depuis un certain temps. Je sais que vous ne parlez pas au nom de l'ensemble de la GRC, mais pensez-vous que les peines minimales obligatoires proposées ici, avec leur sévérité progressive, vont avoir pour effet de réduire la criminalité en général? C'est la première question.
    Le deuxième aspect que je veux aborder, est un peu une diversion. Les membres de l'opposition ont suffisamment parlé de cet aspect pour que je le mentionne et pose une question à ce sujet à une personne qui a l'expérience des collectivités. Lorsque quelqu'un affirme que les statistiques montrent que les taux de criminalité sont en train de diminuer, on répond alors souvent que c'est parce que les gens ne signalent pas les infractions. Auparavant, des membres du conseil auraient peut-être dit que c'était parce qu'il y avait moins de policiers pour surveiller ce qui se passe et s'occuper de détection et de dissuasion, et que c'était pour cette raison qu'ils arrêtaient moins de criminels. Vous connaissez cet argument.
    J'aimerais savoir ce que vous avez à dire sur ces deux questions, compte tenu de l'expérience que vous avez de la police communautaire et des activités policières orientées sur les problèmes?
    Le projet de loi aura un effet positif sur le taux de criminalité sur le plan de la neutralisation. En emprisonnant davantage de gens, avec un peu de chance si l'on emprisonne les multirécidivistes, alors les gens qui commettent le plus d'infractions seront derrière les barreaux et ne pourront pas commettre de crimes pendant qu'ils y sont.
    Cela soulève deux problèmes. Je suis profondément convaincu que cela ne les dissuadera pas de commettre des infractions. Et surtout, qu'arrivera-t-il à la collectivité lorsqu'ils seront libérés?
    L'honorable député du Nouveau-Brunswick — Kennebecasis Valley, je crois — a travaillé comme policier dans ce secteur.
    M. Rob Moore: Oui.
    Sdt pal Michael Woods: La sévérité de la peine augmente progressivement, mais chaque fois que se termine le cycle de la peine, les délinquants doivent être libérés et faire une nouvelle victime avant d'aborder le cycle suivant, la peine suivante.
    De sorte que oui, il y aura un effet positif sur la criminalité à cause de la neutralisation, mais si l'on ne s'attaque pas aux causes profondes de ce comportement, alors cette personne va continuer à victimiser la collectivité lorsqu'elle n'est pas en prison.
    Pour ce qui est du taux de la criminalité, je dirais qu'en général, il diminue pour diverses raisons. Cela vient en partie du fait que la plupart des crimes sont commis par des hommes jeunes. Les baby boomers ont vu ces jeunes hommes — l'augmentation brutale et la courbe parabolique — devenir peu à peu des gens dans la quarantaine, dans la cinquantaine et dans la soixantaine. Il n'y a pas autant d'hommes jeunes en mesure de commettre des infractions. C'est pourquoi il y aura une réduction.
    De plus, les services de police du Canada — et vous devriez être fiers que les services de police canadiens soient d'aussi bonne qualité — ont mis en oeuvre des programmes et des modèles de prévention de la criminalité depuis des années et cela a un certain effet. Cela explique une partie de la réduction de la criminalité.
    Je ne pense pas qu'il soit juste d'affirmer que les citoyens sont découragés et cessent de signaler les infractions. Les gens signalent les infractions en se basant sur ce qu'ils savent.
(1705)
    Comme dernière question, vous avez mentionné le problème que représentent les multirécidivistes — vous avez utilisé une expression plus sophistiquée — et la possibilité de réintégrer dans la société le délinquant non récidiviste, si je peux dire.
    Je veux en fait dire que dans certains cas, le pouvoir discrétionnaire des juges peut les amener à imposer une ordonnance de probation assortie de conditions. Pensez-vous que ce projet de loi et les peines minimales obligatoires progressives ont pour effet de réduire le pouvoir discrétionnaire des juges? Quelle est l'importance de ce pouvoir pour la collectivité?
    Bien évidemment, ce projet de loi réduit le pouvoir discrétionnaire des juges. Au cours de ma carrière, j'ai connu toutes sortes de juges. Comme n'importe quel groupe de personnes, il y en a un certain nombre avec lesquels vous êtes tout à fait d'accord et d'autres avec lesquels vous êtes moins d'accord pour ce qui est des jugements qu'ils prononcent.
    Je dirais toutefois que dans les petites collectivités qu'ils connaissent bien, les juges ont la possibilité de sanctionner les infractions en prononçant des jugements qui vont être dans l'intérêt de la collectivité.
    Les peines minimales donnent parfois de bons résultats, en particulier lorsqu'elles sont associées à certaines infractions. En fait, les infractions relatives aux armes à feu font partie de la catégorie des infractions touchées par les peines minimales mais il faut voir dans quelle mesure elles sont vraiment touchées et quelles sont les autres possibilités.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, on travaille à l'heure actuelle sur d'autres possibilités intéressantes.
    Merci.
    M. Brown.
    Merci, M. Hanger
    Ma première question s'adresse à M. Woods, et je poserai ensuite une question de suivi à Mme Pate et Mme Parkes.
    La première question est la suivante. Quel est l'effet, à votre avis, des peines minimales sur les victimes? Ont-elles un effet positif? Si nous essayons d'examiner le système judiciaire du point de vue de la victime, est-il possible d'affirmer qu'on a suffisamment tenu compte de leurs préoccupations au sujet du rapport entre la peine imposée et l'infraction commise?
    De plus, sur le plan de la dissuasion, aspect qui a été abordé, pensez-vous que les délinquants connaissent bien le processus de détermination de la peine? Connaissent-ils les infractions qui sont assorties de peines sévères et est-ce que cet aspect est pris en compte lorsqu'ils envisagent d'exercer une activité qui n'est pas acceptée par la collectivité?
    Lorsque je lisais la documentation pour préparer mon exposé d'aujourd'hui, j'ai lu un article qui parlait d'entrevues avec des auteurs de vol qualifié en Australie. Ces délinquants avaient déclaré à la personne qui les interrogeait qu'ils étaient effectivement au courant des diverses peines associées au fait de porter une arme à feu. Il est intéressant de noter que cette connaissance n'avait aucunement influencé leur comportement et qu'ils déclaraient que cela ne modifierait pas non plus leur comportement à l'avenir. Ces délinquants avaient donc utilisé une arme pour commettre un vol qualifié, ils avaient été emprisonnés en sachant fort bien que le port d'une arme aggraverait leur peine et ils avaient toujours l'intention de porter une arme la prochaine fois qu'ils commettraient un vol qualifié.
    Là encore, nous parlons du multirécidiviste, du 2 ou 3 p. 100 des délinquants qui sont antisociaux, qui ont diverses raisons pour l'être, par rapport aux 98 ou 97 p. 100 restant. Ceux qui font partie de ce groupe de 97 p. 100 commettent également des infractions et les peines que vous proposez auront probablement un effet dissuasif sur eux, parce qu'ils n'ont pas un comportement aussi antisocial que ceux qui font partie du 2 ou 3 p. 100 des délinquants. Elles auront donc un certain effet dissuasif sur le reste des délinquants — mais peu d'effet pour ceux qui font partie du 2 ou 3 p. 100 des délinquants. Comme je l'ai dit plus tôt, ces peines comportent évidemment un volet de neutralisation.
    Pour ce qui est des sentiments, de la participation et des préférences des victimes, je dirais que peu de temps après avoir été victimisées, ces personnes veulent se venger, elles veulent que l'accusé soit puni. Je pense néanmoins qu'à plus long terme, en particulier si la victime a fait l'objet d'une intervention positive, comme le prévoit notre stratégie de réduction de la criminalité, elle comprend mieux la situation et elle est moins encline à exiger une punition ou à exercer une vengeance.
    Je parle en mon seul nom en ce moment. Ce n'est pas la position de la GRC; c'est la mienne.
(1710)
    La deuxième question s'adresse à Mme Parkes et à Mme Pate. Du point de vue de votre organisation, y a-t-il des situations dans lesquelles vous pensez que les peines minimales actuelles sont utiles? Êtes-vous en faveur des peines minimales que contient actuellement le Code criminel?
    Non, nous avons déjà déclaré officiellement que nous étions contre les peines minimales obligatoires en général, pour les raisons que nous avons déjà mentionnées.
    Pour revenir à la discussion que nous avons eue ici il y a un moment et à certains exemples que nous avons mentionnés dans notre mémoire, nous constatons à l'heure actuelle que les taux de criminalité et d'emprisonnement diminuent généralement dans les autres catégories mais que les taux d'emprisonnement des femmes augmentent. Ce n'est pas parce qu'il y a une vague de crime. Ce n'est pas parce que les femmes commettent plus d'infractions, mais nous considérons que cette augmentation est directement reliée aux compressions dont ont fait l'objet les services sociaux, aux compressions dans les soins de santé, aux compressions dans les autres services de soutien, qui ont été imposés dans l'ensemble du pays.
    Lorsque nous examinons les statistiques en matière de récidive, nous constatons que 5 p. 100 des personnes qui ont été emprisonnées retournent en prison parce qu'elles ont commis de nouvelles infractions. Les statistiques de la Commission nationale des libérations conditionnelles au sujet de ceux qui ont été libérés et qui retournent en prison parce qu'ils ont commis des infractions de violence montrent que ces personnes représentent moins de 1 p. 100 des détenus.
    Même si le taux d'emprisonnement des femmes est supérieur aux autres, lorsque nous nous demandons si les peines obligatoires auront un effet, je pense que ces aspects perdent beaucoup de leur importance lorsque l'on constate que la plupart des femmes sont incarcérées pour une simple... Je veux dire, elles sont là, et elles assument leurs responsabilités; bien souvent, elles ont plaidé coupables aux infractions pour lesquelles elles ont été condamnées, mais les juges tiennent compte des circonstances à l'origine de leur incarcération, à moins que...
    Et les peines minimales pour les armes à feu? Êtes-vous en faveur des peines minimales en vigueur?
    Non, nous ne l'étions pas au moment où elles ont été adoptées.
    Y a-t-il dans le code des dispositions privatives de liberté que vous appuyez?
    Certainement. Nous sommes en faveur des sanctions communautaires. Nous sommes en faveur des mesures de surveillance dans la collectivité. Nous sommes en faveur d'un élargissement du recours à des interventions surveillées et structurées.
    Mais pour ce qui est de l'emprisonnement, n'est-ce pas une peine qui est appropriée dans certains cas?
    Ce n'est pas une mesure qui donne de très bons résultats pour la plupart des gens.
    Jamais?
    Pour la plupart des gens, non. C'est certainement le cas pour les femmes, et nous pensons qu'il devrait y avoir une stratégie en matière d'incarcération.
    Faudrait-il démolir les prisons? Est-ce là la position qu'a adoptée votre organisation?
    Eh bien, notre position est que les mesures moins contraignantes consistent à faire en sorte que les personnes qui représentent un danger soient prises en charge pour qu'elles ne représentent plus un danger — mais en fait les façons dont nous avons utilisé l'emprisonnement n'ont pas été efficaces.
    Merci.
    Merci. M. Brown.
    M. Woods, vous avez fait un commentaire au cours de votre exposé, ou pendant la période de questions, et en fait la Société Elizabeth Fry a fait des commentaires semblables, — et là je vais vous paraphraser — les criminels complètent leur formation de criminels lorsqu'ils se trouvent en prison. C'est une observation d'une importance considérable alors que... Cela veut dire que notre système carcéral ne sert pas à grand-chose, c'est du moins ce que je pense. Nous devrions peut-être nous intéresser davantage à ce qui se passe vraiment dans nos prisons. Dites-vous cela parce que vous pensez que les criminels contrôlent les prisons? Pourquoi avez-vous fait une affirmation aussi claire et précise?
    Cela vient simplement du fait que les détenus, quel que soit l'établissement dans lequel ils sont incarcérés, sont constamment en contact avec les autres détenus. À moins de les placer en isolement cellulaire, il est impossible de les empêcher de socialiser, de parler, de se raconter des histoires. C'est grâce à ces histoires, à cette diffusion de l'information, que les jeunes qui ne connaissent pas très bien les méthodes criminelles apprennent de meilleures façons d'exercer ces activités en se basant sur ce que racontent les prisonniers d'expérience. C'est une évidence et cela fait longtemps que cela existe.
(1715)
    Comment pensez-vous que l'on pourrait empêcher cela? Personne ne semble vouloir aborder cette question et pourtant, il y a, je ne sais pas combien, de témoins qui ont mentionné cet aspect au cours de nos délibérations.
    À mon avis, premièrement, il y a des criminels qui méritent d'être en prison.
    Absolument.
    Et dans certains cas, ils méritent d'être en prison pour le reste de leur vie. Mais une fois qu'ils sont incarcérés, je ne pense pas qu'il existe une façon raisonnable de les empêcher d'interagir socialement avec les autres prisonniers. En fait, si l'on empêchait ces interactions sociales, cela rendrait sans doute les prisonniers encore plus violents et incontrôlables.
    Donc, premièrement, il faut envoyer certaines personnes en prison et deuxièmement, elles vont en subir les conséquences.
    C'est la réalité.
    Merci.
    M. Bagnell.
    M. Woods, les aspects dont vous avez parlé qui m'ont paru les plus utiles — je dirais en fait la plupart d'entre eux — ne se trouvaient pas dans votre mémoire. Je me demande si vous pourriez remettre à la greffière du comité ces renseignements — ils étaient excellents — cette liste des causes fondamentales, ce genre de choses. Vous pourriez peut-être remettre cela à la greffière qui pourrait ensuite nous faire parvenir cette information.
    Certainement.
    Avec les commentaires que vous avez faits au cours de votre première intervention... ce serait excellent.
    Il faut tenir compte du fait que pour toutes ces infractions, tous ceux qui vont en prison sont libérés un jour, si on fait exception des quelques douzaines de délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité. Les deux témoins ont formulé d'excellentes remarques. La société court un danger si, à leur sortie de prison, les détenus sont plus dangereux qu'ils l'étaient au moment où ils ont été envoyés en prison.
    Les possibilités, ce qui leur arrive, la durée de leur traitement... Nous avons entendu un spécialiste des statistiques qui nous a déclaré que pour l'emprisonnement avec sursis, avec ou sans probation, il faut passer environ 700 jours avec la personne en question pour être sûr qu'elle soit moins dangereuse alors que la durée des peines d'emprisonnement ferme n'est que de 47 jours.
    Si l'on veut rendre plus sûre notre société, il me semble évident, mais j'aimerais poser la question à la Société Elizabeth Fry... Et n'oubliez pas que pour toutes les infractions visées par le projet de loi, la peine maximale est incompressible. Les tribunaux, les juges, peuvent imposer la peine maximale. Ils peuvent emprisonner les délinquants dangereux à perpétuité, de sorte qu'il n'y a pas de réduction pour ces peines. Les juges peuvent encore... toutes ces infractions graves.
    J'aimerais demander aux témoins si, d'après l'expérience qu'ils ont acquise avec les prisonniers, ils ont trouvé utile que les juges disposent d'un pouvoir discrétionnaire. Est-il souhaitable que le juge ait un pouvoir discrétionnaire plus large dans certains cas? La plupart des projets de loi que nous examinons ont pour effet de limiter ce pouvoir discrétionnaire, de limiter les choix.
    M. Bagnell, je vous invite à conclure.
    C'était la question que je voulais poser.
    Une brève réponse, s'il vous plaît. J'aimerais poser une autre question.
    Merci.
    Absolument, notre position — elle est exposée dans notre mémoire — est qu'un des principaux défauts de ce projet de loi est qu'il limite le pouvoir discrétionnaire des juges, en particulier parce qu'il ne permet pas aux juges de tenir compte de différents facteurs. Il y a toujours toute une série de facteurs, des facteurs atténuants comme la personne qui a agi sous la contrainte. Elle n'a peut-être pas pu invoquer avec succès la légitime défense ou la contrainte, mais il s'en est fallu de peu. Au moment de fixer la peine, le juge peut tenir compte de ces éléments qui indiquent qu'il s'agit d'un vol qualifié moins grave, ou du moins que la participation de la personne déclarée coupable, de la femme qui était la complice de l'homme qui était... Elle a agi sous la contrainte mais n'a pas pu invoquer utilement ce moyen de défense. Il est possible de tenir compte de cet aspect au moment de l'imposition de la peine. Lorsqu'on prévoit des peines obligatoires, on supprime complètement cette possibilité. À notre avis, la peine ne peut être proportionnelle.
    Merci, Mme Parkes.
    Voulez-vous répondre à cela, M. Woods?
    Je ferai un bref commentaire. La plupart des juges que j'ai rencontré devraient conserver le pouvoir discrétionnaire qu'ils possèdent actuellement; il y en a quelques-uns qui ne devraient pas avoir ce genre de pouvoir. C'est la réalité.
    Merci, M. Woods.
    M. Thompson, une brève question, s'il vous plaît.
    Une brève remarque et ensuite, une question.
    Il y a un commentaire que je fais souvent au sujet des gens qui ne signalent pas les infractions, c'est que je connais beaucoup de victimes à qui j'ai parlé et qui m'ont déclaré qu'elles préféraient ne pas signaler une infraction à la police parce qu'elles craignent des représailles, parce que l'appareil judiciaire ne les aide aucunement. Il y en a un bon nombre.
     Des voleurs se sont introduits dans la maison de mon fils et de ma fille et ont dérobé des bijoux, des meubles; ils ont tout volé et il n'y a jamais eu d'enquête sur ce crime. Il a été signalé à la police mais il n'y a pas eu d'enquête. On n'a pas essayé de trouver les coupables. Cela vient du fait qu'il n'y a pas suffisamment de policiers dans cette région rurale pour s'attaquer à ce genre de crime. Je tiens à mentionner que c'est la raison pour laquelle je mentionne si souvent cet aspect.
    Mais en prison, les gangs sont très actifs, n'est-ce pas?
(1720)
    Oui.
    La socialisation est, d'après moi, une réalité. Mais l'activité des gangs qui ont des contacts avec l'extérieur, qui ont les moyens de faire entrer et sortir des choses de la prison, qui font payer un loyer aux autres détenus, qui font payer des frais pour toutes sortes de services offerts aux autres détenus qui, à leur tour, demandent d'aller en isolement cellulaire pour leur propre sécurité, toute cette activité...
    Je pense que notre président a tapé dans le mille. Il faudrait peut-être examiner ce qui se passe dans le système carcéral et voir ce que nous pouvons faire. Il devrait être possible d'empêcher les contacts avec l'extérieur. Mais les interactions sociales à l'intérieur... il faut s'attendre à ce genre de choses.
    Est-ce que je suis seul à penser de cette façon? Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Je ne peux pas vraiment faire de commentaire dans un sens ou dans l'autre. Je n'ai pas de renseignements personnels et je n'ai pas fait de recherche dans ce domaine.
    À ce sujet, j'ai visité des pénitenciers; j'ai rencontré des membres des gangs, qui n'ont pas tous la même origine raciale ou ethnique. Les Warriors et les Indian Posse sont ans doute des Autochtones, mais il y a des membres de ces gangs qui ne sont pas de cette origine.
    Merci, M. Thompson.
    Ils sont extrêmement actifs, et je crois que c'est un aspect que nous devrions vraiment examiner.
    Je suis d'accord avec vous, M. Thompson.
    Je vais en fait lever la séance. Nous avons...
    Monsieur le président, j'invoque le règlement, avant que vous ne le fassiez.
    ... d'autres sujets à examiner et j'aimerais demander aux membres du comité de rester dans la salle.
    Puis-je demander au surintendant Woods si l'expérience qui est en cours en C.-B. a fait l'objet d'une évaluation, et si c'est le cas, s'il pourrait nous en faire parvenir un exemplaire?
    M. Woods.
    Oui, il y en a une et je le ferai.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécierais beaucoup que vous le fassiez.
    Merci. M. Comartin.
    Je vais suspendre la séance. J'aimerais tout d'abord remercier les témoins d'être venus nous présenter leurs commentaires. Je pense que vous avez donné au comité des éléments d'information qui lui seront utiles. Je suis sûr que nous allons obtenir les renseignements supplémentaires auxquels vous avez facilement accès, nous les transmettrons aux autres membres du comité et nous les utiliserons pour notre rapport.
    Merci, encore une fois.
    [La séance se poursuit à huis clos.]